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9C_392/2024 (f) du 14.03.2025 – Responsabilité de l’employeur – Connaissance du dommage – Dies a quo du délai de prescription au sens de l’art. 52 al. 3 LAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_392/2024 (f) du 14.03.2025

 

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Responsabilité de l’employeur – Connaissance du dommage – Dies a quo du délai de prescription au sens de l’art. 52 al. 3 LAVS

 

La faillite de la société C.__ SA a été prononcée en janvier 2015, puis suspendue faute d’actifs en septembre 2019. La société a été radiée du registre du commerce en septembre 2019.

La caisse de compensation a réclamé à A.__, en sa qualité d’administrateur président, à D.__, en sa qualité d’administrateur, à feu E.__, en sa qualité d’administrateur, à F.__, en sa qualité d’administrateur, à B.__, en sa qualité d’administrateur, et à G.__, en sa qualité de directeur, la réparation du dommage qu’elle a subi dans la faillite de la société.

La caisse de compensation a rejeté l’opposition formée par A.__. Elle a fixé le dommage à 510’130 fr. 65, correspondant au solde des cotisations sociales dues sur les salaires versés par la société pour les années 2013 à 2015.

 

Procédure cantonale (arrêt AVS 34/22 ap. TF – 27/2024 – consultable ici)

La cour cantonale a invité la caisse de compensation à préciser l’issue des procédures en responsabilité ouvertes contre les tiers responsables. La caisse de compensation a indiqué que D.__, les héritiers de feu E.__, F.__ et G.__ avaient été libérés de toute responsabilité, soit au stade de leur opposition aux décisions du 11.05.2018, soit ultérieurement. Quant à B.__, sa responsabilité avait été confirmée par arrêt du 16.08.2021. La cour cantonale a invité B.__ à participer à la procédure.

Par jugement du 29.05.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5.2.1
Selon la jurisprudence, la caisse de compensation a connaissance du dommage (au sens de l’art. 52 al. 3 LAVS) dès le moment où, avec toute l’attention que l’on peut attendre d’elle, elle doit constater qu’elle ne peut plus recouvrer les cotisations. Lorsque le dommage résulte d’une faillite, le moment de la connaissance du dommage ne coïncide pas avec celui où la caisse connaît la répartition finale ou reçoit un acte de défaut de biens; la jurisprudence considère, en effet, que le créancier qui entend demander la réparation d’une perte qu’il subit dans une faillite connaît suffisamment son préjudice, en règle ordinaire, lorsqu’il est informé de sa collocation dans la liquidation; il connaît ou peut connaître à ce moment-là le montant de l’inventaire, sa propre collocation dans la liquidation, ainsi que le dividende prévisible. Ces principes s’appliquent aussi en cas de faillite liquidée par la procédure sommaire car le jugement ordonnant la liquidation sommaire ne permet pas à lui seul de connaître le dommage (ATF 134 V 257 consid. 3.3; 129 V 193 consid. 2.3 et les références; arrêt 9C_258/2022 du 14 novembre 2022 consid. 4.1.1). Il n’est donc en règle générale pas nécessaire que la caisse entame une procédure en réparation du dommage avant le dépôt de l’état de collocation (Directives de l’OFAS sur la perception des cotisations dans l’AVS, AI et APG [DP] du 1 er janvier 2021, n° 8053).

Consid. 5.2.2
La partie lésée peut toutefois, en raison de circonstances spéciales, acquérir la connaissance nécessaire du dommage avant la publication de l’état de collocation. Ainsi, on peut exiger d’une caisse de compensation qu’elle se fasse représenter à la première assemblée des créanciers, dès lors que son devoir de diligence lui commande de suivre l’évolution de la procédure de faillite (ATF 121 V 240 consid. 3c/aa et les références). S’il apparaît à ce moment-là déjà qu’elle subira un dommage, le délai de prescription relatif de l’art. 52 al. 3 LAVS commencera à courir (ATF 134 V 257 consid. 3.3.1; arrêts 9C_258/2022 du 14 novembre 2022 consid. 4.1.2; 9C_260/2021 du 6 décembre 2021 consid. 4.1.2 et les références).

Consid. 5.3
En l’occurrence, A.__ et B.__, recourants, se contentent de faire prévaloir leur propre interprétation des faits concernant le moment de la survenance du dommage et leur appréciation des preuves à celle de la juridiction cantonale, en s’appuyant sur des pièces qui, soit ne sont pas au dossier cantonal, soit, à tout le moins, n’ont pas été désignées d’une manière suffisante dans le recours pour permettre au Tribunal fédéral de les consulter.

Consid. 5.3.1
À ce sujet, les recourants se réfèrent tout d’abord à l’arrêt de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 9 mars 2015, mais n’établissent nullement avoir versé cette pièce au dossier. En particulier, en instance cantonale, A.__ a produit un extrait du registre du commerce au soutien de ses allégués, qui mentionne certes la date de l’arrêt, mais ne fournit aucune information sur son contenu. Quoi qu’il en soit, selon les faits constatés par la juridiction cantonale, de manière à lier le Tribunal fédéral, la faillite de la société a été prononcée car elle n’avait présenté aucun plan d’assainissement précis et crédible de nature à établir, même au stade de la vraisemblance, que sa situation aurait pu être redressée à court ou moyen terme. Ces considérations ne permettent nullement, à elles seules, de connaître l’étendue du dommage de la caisse de compensation. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de s’écarter des considérations de la juridiction cantonale.

Consid. 5.3.2
Ensuite, en ce qui concerne l’affirmation selon laquelle la procédure de faillite de C.__ SA s’était « indéniablement » déroulée selon la procédure ordinaire, les recourants n’apportent aucun élément probant au soutien de leur affirmation. Au contraire, la pièce n° 17 du bordereau de A.__, soit la Circulaire n° 1 aux créanciers du 7 août 2018, indique que la procédure de faillite a été traitée « en la forme sommaire ». Quant à la caisse de compensation, quoiqu’en disent les recourants, elle a soutenu en instance cantonale que la procédure de faillite avait été traitée en la forme sommaire (et non pas ordinaire), et qu’il n’y avait pas eu d’assemblée de créanciers. Bien que la juridiction cantonale ne se soit pas expressément prononcée sur ce point, l’envoi d’une circulaire aux créanciers, tel que prévu par l’art. 231 al. 3 ch. 1 LP, suffit à justifier cette affirmation, écartant ainsi tout doute quant à la forme (sommaire) prise par la procédure de faillite. En conséquence, il ne saurait être reproché à la juridiction cantonale de n’avoir pas instruit cette question plus avant (s’agissant de l’appréciation anticipée des preuves en lien avec le droit d’être entendu, voir ATF 145 I 167 consid. 4.1 et la référence). Dans ces conditions, les recourants ne parviennent pas à démontrer l’existence d’une convocation à une assemblée des créanciers, leur argumentation ne reposant que sur des hypothèses non étayées par des éléments de preuve et contredites par les pièces versées au dossier.

Consid. 5.4
Ensuite des éléments qui précèdent, les recourants n’ont pas établi de circonstances spéciales qui auraient permis à la caisse de compensation d’acquérir la connaissance nécessaire du dommage avant la publication de l’état de collocation (art. 249 al. 2 LP). Le fait que la société présentait une situation financière difficile constituait certes un indice pour la caisse de compensation que sa créance ne serait probablement pas réglée à temps ou seulement dans une mesure insuffisante. Toutefois, ce n’est qu’à compter de la publication de l’état de collocation que la caisse a su qu’aucun dividende ne serait prévisible. C’est donc à ce moment-là que le délai de prescription de deux ans de l’ancien art. 52 al. 3 LAVS a commencé à courir, comme l’a retenu à juste titre l’autorité précédente.

 

Le TF rejette le recours de A.__ et B.__.

 

Arrêt 9C_392/2024 consultable ici

 

9C_272/2024 (d) du 20.01.2025 – Délimitation entre rendement de la fortune et salaire déterminant chez les collaborateurs actionnaires en cas de rémunération au titre de « dividendes asymétriques » / 5 LAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_272/2024 (d) du 20.01.2025

 

Consultable ici

Résumé issu de Jurisprudence du Tribunal fédéral relative au droit des cotisations AVS, Sélection de l’OFAS – n° 83, disponible ici

 

Délimitation entre rendement de la fortune et salaire déterminant chez les collaborateurs actionnaires en cas de rémunération au titre de « dividendes asymétriques » / 5 LAVS

 

Lorsqu’une société rémunère ses employés actionnaires par des dividendes asymétriques, il se pose en premier lieu la question, du point de vue du droit des cotisations, de la nature et de la fonction des prestations ainsi versées. Il s’agit donc d’examiner si la rémunération versée sous forme de dividendes asymétriques constitue sans équivoque un salaire soumis à cotisations (consid. 6.3.1). Une fois ce point clarifié, la question qui se pose est celle de la proportionnalité de la répartition entre la rémunération (totale) du travail et le rendement du capital (consid. 6.3.4)

En l’espèce, le Tribunal fédéral a décidé que l’hypothèse de l’autorité inférieure, selon laquelle l’ »asymétrie » dans les distributions de dividendes est uniquement due aux performances de travail individuelles différentes de chaque actionnaire (et non à leurs droits de participation), n’est pas manifestement inexacte. Cette interprétation n’est pas non plus entachée d’une violation du droit, si bien qu’elle reste contraignante pour le Tribunal fédéral. Cette classification en vertu du droit des cotisations demeure même si le versement de « dividendes asymétriques » – malgré la répartition proportionnelle du bénéfice prévue à l’art. 660, al. 1, CO – est autorisé du point de vue du droit des sociétés ou accepté par les autorités fiscales (consid. 6.3.2).

 

La société A. SA est une étude d’avocats gérée par des actionnaires et affiliée en tant qu’employeur à la caisse de compensation X. Jusqu’à l’été 2021, B., C., D. et E. étaient actionnaires de la société à hauteur de 25 % chacun, tout en étant par ailleurs employés et membres du conseil d’administration. Un contrôle de l’employeur portant sur la période du 01.01.2015 au 31.12.2019 a révélé que la société A. SA avait versé à ses collaborateurs actionnaires des libéralités d’un montant variable (non proportionnelles à leurs parts de participation), prélevées sur le « bénéfice d’exploitation » de l’année précédente et désignées comme « dividendes asymétriques ». Ces prestations n’ont pas été qualifiées de dividendes, mais de prestations appréciables en espèces découlant du rapport de travail et soumises au prélèvement de cotisations sociales. Sur cette base, la caisse de compensation a exigé de la société A. SA qu’elle lui verse des cotisations à titre rétroactif (y compris les frais d’administration) pour un montant total de 215’523,50 francs, intérêts correspondants de 23’563,80 francs en sus.

Dans son premier arrêt du 04.04.2022, l’instance inférieure relève que les dividendes constituent une rémunération pour le capital propre investi et le risque inhérent à l’investissement et qu’il s’agit, en conséquence, de prestations versées aux actionnaires et non aux employés. L’actionnariat se compose exclusivement de collaborateurs actionnaires. La caisse de compensation a intégralement requalifié cette rémunération versée sous la forme de dividendes asymétriques sans procéder à un calcul distinct du dividende au motif qu’elle représente en réalité des bonus et que ceux-ci sont soumis à l’AVS. L’instance précédente constate que, en l’espèce, les dividendes ne constituent qu’une rémunération tout à fait secondaire sous la forme d’un rendement du capital et qu’ils représentent en grande partie une rémunération effective pour la prestation de travail fournie. Elle a renvoyé l’affaire à la caisse de compensation pour examen complémentaire.

Après ce renvoi et une nouvelle décision de la caisse de compensation, l’instance inférieure a retenu, dans son deuxième arrêt du 25.03.2024, qu’il faut d’abord déduire les versements de salaires arriérés de chaque part de bénéfice et qu’ensuite il faut déterminer quelles parts liées au chiffre d’affaires de l’étude relèvent des dividendes. Ce n’est qu’une fois que le montant du bénéfice et du dividende a été établi, qu’il faut examiner si une part du dividende doit être prise en compte au titre de salaire déterminant. Étant donné que la recourante n’a pas non plus prouvé, lors de l’examen complémentaire, quel montant du chiffre d’affaires de l’étude a servi au calcul des dividendes, l’instance inférieure s’est basée, pour déterminer la part des dividendes, sur les valeurs moyennes tirées d’une publication de la Banque cantonale lucernoise intitulée « Schweizer Aktien im Langzeitvergleich, Die Performance von Aktien in der Schweiz 1969 – 2024 » (p. 11), et a qualifié un rendement de 2,5 % de dividende et l’a reconnu d’emblée comme un rendement de la fortune.

L’employeur tenu de payer des cotisations fait valoir, notamment, que, pour les montants alloués aux actionnaires, il faut s’en tenir à la répartition entre salaire et dividendes qu’il a choisie. Il estime que les conditions retenues par la jurisprudence pour convertir ou requalifier un dividende en salaire ne seraient pas remplies. En outre, l’instance inférieure a, à tort, renoncé à examiner le rapport entre les deux composantes et, en lieu et place, a qualifié lesdits versements asymétriques de salaires dans le cadre d’une « question préjudicielle », sous le couvert de l’examen d’une « tentative d’éluder le paiement de cotisations ».

 

TF

L’objet du litige devant le Tribunal fédéral est de savoir si la rémunération versée par l’employeur au titre de dividendes asymétriques aux associés collaborateurs doit être qualifiée de rendement de la fortune non soumis à cotisations ou de salaire déterminant.

Le Tribunal fédéral constate en premier lieu que le tribunal cantonal reconnaît expressément comme rendement de la fortune exonéré de cotisations une part des libéralités désignées en tant que « dividendes asymétriques ». Concernant les libéralités qu’une société accorde aux actionnaires qu’elle emploie, la première question qui se pose en droit des cotisations est celle de la nature et de la fonction de tels versements. La répartition entre salaire et dividende n’est en principe laissée à la libre appréciation de la société que si cette libéralité peut, à cet égard, aussi bien relever de la prestation de travail que de la participation au capital. Une fois ce point clarifié, la deuxième question consiste à déterminer si la décision de répartition entre salaire déterminant et dividendes satisfait au principe de proportionnalité. En conséquence, le tribunal cantonal a pu examiner « à titre préjudiciel » si et, le cas échéant, dans quelle mesure les « dividendes asymétriques » constituaient sans équivoque un salaire soumis à cotisation (consid. 6.3.1)

L’hypothèse de l’autorité inférieure, selon laquelle l’ »asymétrie » dans les distributions de dividendes est uniquement due aux performances de travail individuelles différentes de chaque actionnaire (et non à leurs droits de participation), n’est pas manifestement inexacte. Le tribunal cantonal n’a donc pas violé le droit en qualifiant a priori les libéralités en question – au vu des circonstances du cas concret examiné – de revenu issu de l’activité lucrative, respectivement de salaire, à hauteur de l’asymétrie, compte tenu de leur nature et de leur fonction de rémunération d’une prestation individuelle de travail efficace (ayant donc un impact sur le chiffre d’affaires). Cette classification en vertu du droit des cotisations demeure même si le versement de « dividendes asymétriques » – malgré la répartition proportionnelle du bénéfice prévue à l’art. 660, al. 1, CO – est autorisé du point de vue du droit des sociétés ou accepté par les autorités fiscales (consid. 6.3.2).

 

Arrêt 9C_272/2024 consultable ici

 

Cotisations AVS: le Conseil fédéral adopte des améliorations pour les bas salaires et les indépendants cessant leur activité (bénéfice de liquidation)

Cotisations AVS: le Conseil fédéral adopte des améliorations pour les bas salaires et les indépendants cessant leur activité (bénéfice de liquidation)

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 21.03.2025 consultable ici

 

Le Conseil fédéral renforce la prévoyance vieillesse des bas salaires et améliore la situation des indépendants après cessation de leur activité. Dans les secteurs de la culture et des médias, où les emplois de courte durée à des salaires minimes sont fréquents, l’exemption de cotisation à l’AVS ne s’appliquera plus, garantissant ainsi une meilleure prévoyance aux travailleurs concernés. De leur côté, les indépendants bénéficieront d’un allégement lorsqu’ils réalisent un bénéfice en liquidant leur entreprise et ne seront plus soumis au cours habituel des intérêts moratoires. Ces modifications du règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants ont été décidées par le Conseil fédéral lors de sa séance du 21 mars 2025 et entreront en vigueur le 1er janvier 2026.

Dans l’AVS, une exemption de cotisation s’applique aux personnes qui n’exercent une activité salariée que sporadiquement et pour un faible revenu. Les salaires de moins de 2500 francs (état 2025) par année civile et par employeur ne sont ainsi pas soumis à cotisation. Toutefois, dans certains secteurs, il est fréquent que des assurés gagnent leur vie en enchaînant des emplois de courte durée auprès de différents employeurs. C’est notamment le cas des personnes employées par des ménages privés et de celles travaillant dans la culture ou les médias. Le règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants (RAVS) dresse déjà une liste des secteurs auxquels l’exemption de cotisation pour les salaires de minime importance ne s’applique pas. L’objectif est que les assurés changeant souvent d’employeur et d’engagement bénéficient d’une couverture suffisante. Cette liste sera mise à jour avec l’ajout des entreprises de design, des musées, des médias et des chœurs. Cette modification s’inscrit notamment dans le contexte du rapport «La sécurité sociale des acteurs culturels en Suisse», rédigé en réponse au postulat Maret 21.3281.

 

Protection contre les intérêts moratoires injustifiés en cas de liquidation d’entreprise

Les personnes exerçant une activité indépendante déclarent à leur caisse de compensation le revenu qu’elles s’attendent à réaliser durant l’année en cours. Sur cette base, la caisse de compensation prélève des acomptes de cotisations. Le décompte définitif n’est établi qu’ultérieurement, lorsque l’autorité fiscale a établi le revenu de la personne concernée et l’a communiqué à la caisse de compensation. En principe, l’AVS prélève un intérêt moratoire lorsque les acomptes versés étaient inférieurs d’au moins 25% aux cotisations effectivement dues. Les assurés disposent toutefois d’un an pour corriger leur déclaration de cotisations. Si un indépendant ferme son entreprise et réalise un bénéfice de liquidation, celui-ci est également soumis à cotisation. Comme il est difficile d’estimer son montant à l’avance, la différence entre les cotisations effectivement dues et les acomptes déjà versés est souvent nettement supérieure à 25%, ce qui peut engendrer des intérêts moratoires élevés. Pour éviter cette situation, l’indépendant devra informer la caisse de compensation du bénéfice réalisé grâce à la liquidation au plus tard jusqu’à la fin de l’année qui suit. Il n’aura par conséquent pas besoin de verser des intérêts moratoires sur ce bénéfice.

L’introduction de ces deux mesures dans le RAVS a fait l’objet d’une consultation publique du 15 mai au 5 septembre 2024. La modification entrera en vigueur le 1er janvier 2026.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 21.03.2025 consultable ici

Rapport explicatif du 21.03.2025, Perception des cotisations AVS – revenu de minime importance et intérêts moratoires, disponible ici

Modifications du RAI consultable ici

 

Pas de changement du système de retraite pour l’instant

Pas de changement du système de retraite pour l’instant

 

Communiqué de presse du Parlement du 19.03.2025 consultable ici

 

Le National ne veut pas chambouler le système de retraite pour l’instant. Il a refusé de donner suite mercredi, par 99 voix contre 90, à une initiative parlementaire de Céline Amaudruz (UDC/GE) demandant d’abandonner l’âge fixe de la retraite pour prendre en compte les années de cotisation.

Le texte de la Genevoise proposait de compter les années de cotisation dès 17 ans pour autant qu’elles proviennent d’un véritable emploi. La législation actuelle fixe l’âge légal de retraite à 65 ans, soit 44 années après le début l’obligation de cotiser qui commence le 1er janvier suivant l’âge de 20 ans révolus.

Cette proposition permettrait à des travailleurs ayant commencé à travailler tôt dans la vie de toucher plus vite une rente AVS pleine, dès 62 ans. Cela concerne notamment les professions pénibles. Il s’agit de justice sociale, a relevé Mme Amaudruz. Cela revaloriserait aussi la formation duale.

La majorité a préféré attendre les explications du Conseil fédéral à sa demande de prendre en compte la durée de l’activité professionnelle pour fixer l’âge de la retraite. Un rapport est prévu dans le cadre des travaux de la prochaine réforme de l’AVS. Cette initiative arrive au mauvais moment, a estimé Valérie Piller-Carrard (PS/FR) pour la commission.

Certains soulignent en outre que la pénibilité au travail n’est pas forcément liée à une entrée précoce sur le marché du travail. Et les personnes avec des lacunes de cotisation pourraient être disproportionnellement pénalisées.

UDC et PLR pour

Le texte de la Genevoise prévoyait que les années de cotisation entre 18 et 21 ans ne soient prises en compte que si le salaire des personnes atteint au moins 120% de la rente simple maximale AVS. Avec un tel seuil, peu de personnes qui commencent à travailler tôt pourraient au final partir à la retraite plus tôt, les rémunérations pendant l’apprentissage et en début de carrière étant généralement basses, a relevé Thomas Rechsteiner (Centre/AI) pour la commission.

L’udc et le PLR estimaient au contraire que l’initiative permettrait de flexibiliser l’âge de départ à la retraite tout en permettant de prendre en compte la pénibilité du travail. Le texte laissait aussi assez de marge de manoeuvre pour définir un système qui tienne en compte différents parcours de vie, en ajustant notamment au mieux la durée de cotisation de référence ou les montants de cotisation minimaux.

 

Communiqué de presse du Parlement du 19.03.2025 consultable ici

Initiative parlementaire Amaudruz 24.408 «Remplacer la notion d’âge de la retraite par celle d’années de cotisation. Un pas adapté vers une retraite socialement plus juste» consultable ici

Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du 21.06.2024 sur l’initiative parlementaire Amaudruz 24.408 disponible ici

 

Initiative parlementaire Grossen 18.455 «Accorder la qualité de personne exerçant une activité lucrative indépendante en tenant compte de la volonté des parties» – Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 14.02.2025

Initiative parlementaire Grossen 18.455 «Accorder la qualité de personne exerçant une activité lucrative indépendante en tenant compte de la volonté des parties» – Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 14.02.2025

 

Rapport de la CSSS-N paru in FF 2025 713

 

  1. Condensé

La distinction entre salarié et indépendant revêt une importance considérable en droit des assurances sociales, non seulement parce que la détermination du statut a un impact sur l’obligation de payer des cotisations ainsi que sur le montant dû, mais aussi parce que la protection sociale accordée à une personne exerçant une activité lucrative salariée ou indépendante diffère.

La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS‑N) est d’avis que la situation juridique actuelle pour la détermination du statut peut entraver la liberté économique des entrepreneurs. Elle considère que la pratique actuelle en matière d’application a, dans certains cas, un impact négatif sur l’activité économique en Suisse et sur l’accès au marché du travail pour les personnes directement concernées. Selon elle, la situation juridique actuelle ne permet pas toujours d’atteindre le résultat souhaité par les parties concernées, car il n’est pas rare que les organes d’exécution, voire les tribunaux statuent de manière contraire à leur volonté.

Dans le dessein de faciliter le développement économique, d’améliorer la protection sociale des travailleurs indépendants et renforcer la sécurité juridique, la commission propose le présent projet qui vise à inscrire les critères principaux de délimitation du statut dans la loi sur la partie générale des assurances sociales (LPGA). Les critères déterminants doivent être, d’une part, ceux développés par la jurisprudence – le degré de subordination d’un point de vue organisationnel et le risque entrepreneurial – et, d’autre part, les éventuels accords entre les parties. La commission souhaite que le Conseil fédéral définisse lesdits critères dans l’ordonnance.

De plus, elle souhaite prévoir que des tiers, tels que les entreprises de plateforme, puissent soutenir les indépendants afin de faciliter le versement des cotisations.

 

  1. Présentation du projet

Nouvelle réglementation proposée

La commission propose de compléter l’art. 12 LPGA par l’ajout d’un alinéa 3, et de fonder ainsi la distinction entre personnes exerçant une activité lucrative indépendante et salariés, d’une part sur le degré de subordination d’un point de vue organisationnel et le risque entrepreneurial et, d’autre part, sur les éventuels accords passés entre les parties.

Actuellement, la jurisprudence constante du Tribunal fédéral définit les critères permettant de déterminer le statut de cotisant. Cette question doit désormais être réglementée dans la LPGA pour toutes les branches de la sécurité sociale. L’objectif est d’améliorer la transparence et de faciliter une mise en œuvre uniforme.

Avec l’adoption de cette modification, lors de l’évaluation du statut par les caisses de compensation, les accords entre parties seront pris en compte en plus de la situation économique réelle.

De plus, la commission souhaite ajouter un alinéa 4 à l’art. 12 LPGA afin que le Conseil fédéral puisse définir dans l’ordonnance les critères de délimitation du statut. Elle estime qu’aujourd’hui, il règne une certaine insécurité juridique liée au fait que les critères ne sont pas définis dans la loi et sont sujets à interprétation par les organes d’exécution. Avec l’adoption du présent projet, les caisses de compensation devront décider au cas par cas de la prise en compte des accords entre les parties et de leur validité, ce qui pourrait s’avérer difficile dans certaines situations. Les trois critères de délimitation doivent donc être formulés plus précisément dans l’ordonnance afin de réduire l’insécurité juridique et d’éviter des procédures judiciaires qui conduisent à des décisions des autorités d’exécution qui ne correspondent pas à la volonté des parties contractantes.

La commission propose en outre que les indépendants puissent être soutenus dans les démarches liées à leur obligation de cotiser. Ainsi, la déclaration auprès des caisses de compensation et le paiement des acomptes de cotisations, par exemple, pourront, sur une base volontaire, être gérés par des intermédiaires. Il pourra notamment être permis aux plateformes numériques de déduire les cotisations du montant facturé et de les transférer aux caisses de compensation pour le compte de leurs prestataires indépendants et sous forme d’acompte. Ces formes de soutien ont pour but de faciliter davantage la perception des cotisations pour les indépendants intéressés et ainsi améliorer la protection sociale de ces personnes en leur évitant des lacunes de cotisations.

 

Propositions minoritaires

Une minorité Meyer Mattea propose de ne pas entrer en matière sur le projet. Elle ne voit pas la nécessité de légiférer et craint une augmentation de la bureaucratie ainsi qu’un potentiel d’abus élevé pour contourner les réglementations du droit du travail et les obligations en matière d’assurances sociales. Cela se ferait au détriment des employeurs et des employés qui respectent la loi. Elle souligne également le rejet massif du projet par les participants à la consultation publique.

Une minorité, représentée par Rechsteiner Thomas, se prononce en faveur de la variante majoritaire de la procédure de consultation publique, selon laquelle les accords entre les parties ne doivent être pris en compte que dans les cas limites. Cela permettrait de créer une plus grande sécurité juridique.

Une minorité Weichelt propose de supprimer l’art. 12 al. 4 LPGA. Elle estime qu’une définition complète des nouveaux critères de l’al. 3 par le Conseil fédéral est difficile à mettre en œuvre et que le Conseil fédéral peut préciser les nouvelles dispositions si nécessaire sans cet alinéa.

Une autre minorité Meyer Mattea rejette en outre le nouvel art. 14 al. 4bis LAVS. Elle considère que la réglementation actuelle est suffisante et craint une charge de travail supplémentaire pour les autorités compétentes.

 

  1. Commentaire des dispositions

Art. 12 al. 3 et 4 LPGA

Désormais, les éventuels accords entre les parties seront pris en compte au même titre que les critères de délimitation du statut correspondant à la pratique actuelle, développés par la jurisprudence.

La disposition légale proposée utilise les termes «distinction entre salariés et personnes exerçant une activité lucrative». Cela pourrait laisser supposer que la distinction serait désormais liée à la personne et non pas au revenu de l’activité lucrative réalisé. Toutefois, comme la modification s’inscrit à l’al. 3 de l’art. 12 LPGA, elle doit donc être lue à la lumière des autres alinéas dudit article qui se réfèrent au «revenu de l’activité lucrative».

Le projet utilise la terminologie «subordination du point de vue organisationnel». Le Tribunal fédéral, dans sa pratique de longue date, utilise le terme «dépendance en matière de gestion d’entreprise ou d’organisation du travail». La doctrine parle également de «rapport de subordination». Etant donné qu’il n’existe pas de terminologie uniforme concernant ce critère, aucune reformulation de la disposition proposée ne s’impose.

Dans un nouvel alinéa 4, il sera précisé que les critères régissant la subordination d’un point de vue organisationnel, le risque entrepreneurial et les accords passés entre les parties doivent être réglés dans l’ordonnance par le Conseil fédéral.

 

Art. 14 al. 4bis LAVS

Le Conseil fédéral doit avoir la possibilité de permettre à des tiers de soutenir les indépendants dans le versement des cotisations aux assurances sociales. Par exemple, il pourrait être prévu que les plateformes numériques ou d’autres intermédiaires se chargent d’annoncer leurs prestataires indépendants aux assurances sociales ou de verser aux caisses de compensation les cotisations sociales pour le compte de ces indépendants.

Cet article est formulé de manière à ce que cette possibilité soit facultative.

Afin de permettre une flexibilité pour la mise en œuvre, cet article doit être formulé de manière ouverte, de sorte à ce que les conceptions proches de la pratique puissent être définies au niveau de l’ordonnance. L’annonce des indépendants à la caisse de compensation ou la fonction d’agent payeur sont citées comme exemples afin que le Conseil fédéral puisse définir d’autres mesures si nécessaire.

 

  1. Conséquences sur les assurances sociales

Le présent projet touche le cœur du système des assurances sociales, car la délimitation du statut d’une personne salariée ou indépendante revêt une importance déterminante.

La volonté des parties est un élément subjectif. Pour que l’on puisse se baser sur des accords entre les parties pour décider du statut des cotisations, ceux-ci doivent être valables et notamment reposer sur une libre expression de la volonté des parties. Les caisses de compensation ne peuvent pas systématiquement vérifier la validité de telles conventions de droit privé. Il existe donc un risque que la validité des accords soit remise en question lors de la survenance d’un cas d’assurance. Il en résulterait des litiges coûteux. Il convient de préciser que de nombreux litiges surviennent déjà aujourd’hui en raison de la situation juridique actuelle. En somme, les adaptations proposées devraient permettre de réduire le nombre de litiges.

La simplification de la perception des cotisations est avantageuse pour les caisses de compensation. Elles peuvent bénéficier du soutien de tiers professionnels pour l’affiliation des indépendants. La perception des cotisations peut ainsi être améliorée.

Ce mécanisme doit toutefois s’inscrire dans le système actuel d’encaissement des cotisations des indépendants. La coordination nécessaire entre les deux systèmes entrainera des coûts administratifs supplémentaires pour les organes d’exécution.

 

Rapport de la CSSS-CN du 14.02.2025 paru in FF 2025 713

Projet de loi fédérale sur la modification de règles du droit des assurances sociales applicables aux personnes exerçant une activité lucrative indépendante paru in FF 2025 714

 

Le Conseil fédéral rejette l’initiative visant à supprimer le plafond des rentes AVS pour les couples mariés

Le Conseil fédéral rejette l’initiative visant à supprimer le plafond des rentes AVS pour les couples mariés

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 07.03.2025 consultable ici

 

Lors de sa séance du 7 mars 2025, le Conseil fédéral a adopté le message concernant l’initiative populaire «Oui à des rentes AVS équitables pour les couples mariés – Pour enfin en finir avec la discrimination du mariage!». L’initiative demande de supprimer le plafonnement des rentes pour les couples mariés dans l’assurance-vieillesse et survivants et dans l’assurance-invalidité. Le Conseil fédéral recommande au Parlement de rejeter l’initiative sans lui opposer de contre-projet. Imposer à l’AVS une charge supplémentaire d’environ 3,6 milliards de francs en 2030 selon les projections en plus des coûts de la 13e rente et de l’évolution démographique aggraverait sa situation financière.

 

Déposée le 27 mars 2024 par le parti Le Centre, l’initiative «Oui à des rentes AVS équitables» demande la suppression du plafond des rentes pour les couples mariés dans l’AVS et l’AI. Selon la réglementation actuelle, les rentes des assurés mariés sont plafonnées à 150% de la rente maximale correspondante, soit 3780 francs pour les personnes qui ont toujours cotisé à l’AVS. Cela concerne environ 90% des couples mariés. Par conséquent, leurs rentes AVS et AI peuvent être inférieures à celles cumulées des couples non mariés. L’initiative demande également que le Conseil fédéral révoque l’exemption de cotisation pour le conjoint non actif si les dispositions législatives d’exécution n’entrent pas en vigueur trois ans après son acceptation. Actuellement, les personnes mariées sans activité lucrative sont exemptées de cotisation lorsque leur conjoint paie au moins le double de la cotisation minimale. L’initiative permettrait d’améliorer les rentes des couples mariés dont le revenu annuel moyen déterminant AVS est supérieur à 90 720 francs (état: 2025). Par contre, les rentes des ménages à faible revenu et celles des personnes non mariées, veuves ou divorcées ne seraient pas améliorées.

Le Conseil fédéral recommande de rejeter l’initiative

Le Conseil fédéral rejette l’initiative, car il estime que les couples mariés bénéficient d’une bonne protection sociale dans l’AVS, avec diverses mesures favorables qui leur sont réservées et qui contrebalancent les désavantages liés au plafonnement de leur rente. Les couples mariés bénéficient ainsi de prestations de l’AVS et de l’AI auxquelles les concubins n’ont pas droit. Les revenus réalisés durant les années de mariage sont partagés à parts égales entre les conjoints en cas de divorce, de décès, mais aussi lorsque les deux conjoints ont droit à une rente. Les veufs et les veuves ont droit à un supplément de veuvage de 20% ajouté à leur rente de vieillesse ou d’invalidité et les rentes de veuves et de veufs ne sont accordées qu’à la condition d’avoir été marié.

L’acceptation de l’initiative, avec la suppression du plafonnement des rentes et la suppression de l’exemption de cotisation pour le conjoint sans activité lucrative, entraînerait par ailleurs une augmentation des dépenses annuelles de l’AVS d’environ 3,6 milliards de francs en 2030 et d’environ 4,1 milliards de francs en 2035 selon les projections. La Confédération devrait prendre en charge environ 770 millions de francs en 2030 et 870 millions de francs en 2035 (la part de la Confédération dans le financement de l’AVS s’élève selon le droit en vigueur à 20,2%). Or l’initiative ne prévoit aucun financement pour couvrir ces coûts supplémentaires et l’AVS ne dispose pas des ressources financières nécessaires pour les assumer. Pour faire face aux dépenses que l’initiative entraînerait et en fonction de l’objectif financier à définir, il faudrait par exemple relever les cotisations salariales de 0,6 point de pourcentage ou augmenter la TVA de 0,8 point de pourcentage.

En cas d’acceptation de cette initiative, l’ensemble de la population devrait supporter les coûts supplémentaires, y compris les bas revenus ou les personnes seules, veuves ou divorcées qui ne bénéficieraient en revanche d’aucune amélioration de leur rente, alors que ce sont elles qui sont le plus menacées par la pauvreté. Imposer à l’AVS une charge supplémentaire en plus de celles de la 13e rente et de l’évolution démographique aggraverait par ailleurs sa situation financière. Pour toutes ces raisons, le Conseil fédéral recommande au Parlement de rejeter cette initiative.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 07.03.2025 consultable ici

Message du Conseil fédéral concernant l’initiative populaire « Oui à des rentes AVS équitables pour les couples mariés – Pour enfin en finir avec la discrimination du mariage ! » disponible ici

Cf. également « AVS : Quelles seraient les conséquences de la suppression des règles basées sur l’état civil ? », article de Manuel Buchmann et Lisa Triolo paru in Sécurité sociale CHSS du 07.03.2025

 

Rejet des recours contre la votation relative à la réforme AVS 21

Rejet des recours contre la votation relative à la réforme AVS 21 – Arrêt du 12 décembre 2024 (1C_487/2024, 1C_491/2024, 1C_496/2024, 1C_497/2024, 1C_504/2024)

 

Communiqué de presse du TF du 12.12.2024 consultable ici

Communiqué de presse de l’OFAS du 12.12.2024 consultable ici

 

Lors de sa délibération publique du 12 décembre 2024, le Tribunal fédéral rejette les recours en lien avec la votation du 25 septembre 2022 relative à la réforme AVS 21. Une annulation de la votation n’entre pas en considération en raison de la sécurité du droit et de la protection de la bonne foi. La question de savoir s’il y a eu une information erronée du corps électoral peut ainsi demeurer indécise.

Le 25 septembre 2022, le peuple suisse et les cantons se sont exprimés sur la réforme de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS 21). Cette réforme était constituée de deux objets, liés entre eux : d’une part, le financement additionnel de l’AVS par le biais d’un relèvement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et, d’autre part, la modification de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS), comprenant notamment l’augmentation de l’âge de la retraite pour les femmes de 64 à 65 ans. La modification de la LAVS a été acceptée par 50,5 % des voix et l’augmentation de la TVA par 55,1 %. Il ressortait des explications fournies par le Conseil fédéral (et reprises par les acteurs politiques et les médias) avant la votation que le besoin de financement de l’AVS s’élevait à environ 18,5 milliards de francs pour la période allant de 2022 à 2032. Dans un communiqué de presse daté du 6 août 2024, l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a informé avoir constaté que la projection des dépenses à long terme de l’AVS semblait trop élevée : il avait chargé deux instituts de recherche de développer chacun son propre modèle autonome de calcul. Plusieurs personnes privées et un parti politique ont alors formé des recours au Tribunal fédéral et demandé l’annulation de la votation relative à la modification de la LAVS.

Lors de sa délibération publique du 12 décembre 2024, le Tribunal fédéral rejette les recours. Il convient tout d’abord de noter que l’évaluation du besoin de financement de l’AVS sur les dix prochaines années constitue une prévision. Les prévisions sont par essence incertaines et le corps électoral en est conscient. Ensuite, le message principal véhiculé par les explications de vote indiquant que la situation financière de l’AVS était mauvaise, qu’elle se détériorait de plus en plus et que des mesures d’assainissement étaient nécessaires était correct. Le résultat de la votation était toutefois très serré. La question de savoir s’il y a eu une information erronée du corps électoral et partant une violation grave de la liberté de vote au sens de l’article 34 de la Constitution fédérale peut en définitive, toutefois, demeurer indécise.

Une annulation de la votation n’entre pas en considération en raison de la sécurité du droit et de la protection de la confiance, respectivement de la protection de la bonne foi. Selon la jurisprudence, on ne doit pas revenir à la légère sur une procédure de vote achevée dont le résultat a été validé. Le projet de réforme AVS 21 était indissociablement lié au relèvement de la TVA. Il ne serait dès lors pas possible de n’annuler que la votation relative à la réforme AVS 21. Annuler également le projet de relèvement de la TVA aurait des conséquences considérables. Les consommatrices et consommateurs auraient payé trop de TVA depuis un an désormais. Un retour en arrière serait impossible. Quand bien même le relèvement de l’âge de la retraite des femmes n’entrera en vigueur qu’en janvier prochain, il est probable que de nombreuses femmes ainsi que les employeurs s’y soient déjà préparés. Cela vaut également pour les personnes concernées par d’autres modifications qui sont d’ores et déjà entrées en vigueur.

 

Communiqué de presse du TF du 12.12.2024 consultable ici

Communiqué de presse de l’OFAS du 12.12.2024 consultable ici

 

 

Assurances sociales : ce qui va changer en 2025

Assurances sociales : ce qui va changer en 2025

 

Article de Mélanie Sauvain, paru in Sécurité sociale CHSS du 26.11.2024, consultable ici

 

À l’instar des rentes AVS et AI, plusieurs prestations sociales vont augmenter au 1er janvier 2025. C’est également à partir de cette date que l’âge de référence des femmes passera progressivement de 64 à 65 ans.

Plusieurs nouvelles mesures entrent en vigueur début 2025. Afin que les assurés, les employeurs et les personnes actives dans le domaine des assurances sociales aient une vue d’ensemble, le présent article résume les principaux changements, sur la base des informations disponibles à la fin novembre 2024. Au moment de la rédaction de cet article, le recours contre le relèvement de l’âge de la retraite des femmes est toujours pendant au Tribunal fédéral.

 

1er pilier : hausse des rentes et des allocations pour impotent

Les rentes du 1er pilier augmentent de 2,9% dès le 1er janvier 2025. La rente minimale dans l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) et dans l’assurance-invalidité (AI) passe ainsi de 1’225 à 1’260 francs par mois ; la rente maximale pour une durée de cotisation complète de 2’450 à 2’520 francs. La rente AVS pour couples mariés s’élève désormais à 3’780 francs. La dernière adaptation de ces rentes à l’évolution des prix et des salaires datait de 2023.

En parallèle, le montant de la cotisation minimale AVS/AI/APG pour les indépendants et les personnes sans activité lucrative passe à 530 francs par an ; celui de la cotisation minimale dans l’AVS/AI facultative à 1’010 francs.

Destinées aux bénéficiaires de rentes tributaires de l’aide d’autrui, les allocations pour impotent dans l’AVS et l’AI sont également relevées. Leurs montants dépendent du degré de l’impotence. Enfin, dans l’AI, la contribution d’assistance se monte désormais à 35.30 francs par heure (+ 1 franc) et à 169.10 francs par nuit (+ 4.65 francs).

 

Besoins vitaux : hausse des PC et des Ptra

Les prestations complémentaires (PC) et les prestations transitoires (Ptra) augmentent également. Le forfait annuel pour couvrir les besoins vitaux passe à 20’670 francs pour les personnes seules (+ 570 francs) ; à 31’005 francs pour les couples (+ 855 francs) ; à 10’815 francs pour les enfants âgés de plus de 11 ans (+ 300 francs) et à 7’590 francs pour les enfants de moins de 11 ans (+ 210 francs).

Les montants maximaux des loyers pris en compte dans le cadre des PC et des Ptra sont aussi adaptés au renchérissement. Ils s’élèvent désormais à 18’900 francs dans les grands centres urbains (région 1), à 18’300 francs dans les villes (région 2) et à 16’680 francs à la campagne (région 3). Enfin, les franchises sur le revenu de l’activité lucrative sont relevées de 1’000 à 1’300 francs par an pour les personnes seules ; de 1’500 à 1’950 francs par an pour les couples ou les personnes avec enfant.

 

Allocations familiales : hausse des montants minimaux

Dans le domaine des allocations familiales, les montants minimaux fixés par la Confédération sont revus à la hausse en 2025. L’allocation pour enfant s’élève désormais à 215 francs par mois au lieu de 200 francs ; l’allocation de formation à 268 francs par mois au lieu de 250 francs.

Cette augmentation concerne en premier lieu les parents travaillant dans les cantons qui versent les montants minimaux, à savoir Argovie, Bâle-Campagne, Glaris, Soleure, Tessin, Thurgovie et Zurich. Les autres cantons, qui prévoient déjà des allocations plus élevées, ne sont pas obligés de procéder à une hausse.

 

2e et 3e piliers : nouveaux montants

Liés aux rentes du 1er pilier, plusieurs montant de la prévoyance professionnelle subissent aussi des changements début 2025. La déduction de coordination dans le régime obligatoire (LPP) passe à 26’460 francs ; le seuil d’entrée à 22’680 francs. Pour le 3e pilier (3a), la déduction fiscale autorisée par année s’élève désormais à 7’258 francs pour les personnes avec un 2e pilier et à 36’288 francs pour celles qui n’en ont pas.

Les rentes de survivants et d’invalidité de la LPP sont également adaptées. Elles augmentent de 0,8% si elles ont été adaptées pour la première fois en 2024 ; de 2,5% si leur dernière adaptation a eu lieu en 2023. Dans le régime surobligatoire, c’est l’organe suprême de l’institution de prévoyance qui décide chaque année si et dans quelle mesure les rentes doivent être adaptées.

Le taux d’intérêt minimal dans la LPP reste inchangé à 1,25% en 2025. Le Conseil fédéral a suivi les recommandations de la Commission fédérale de la prévoyance professionnelle pour fixer l’intérêt minimal auquel doivent être rémunérés les avoirs de vieillesse de la LPP.

Enfin, dans la prévoyance individuelle liée (pilier 3a), il sera désormais possible d’effectuer des rachats à certaines conditions. Concrètement, une personne exerçant une activité lucrative en Suisse et qui n’aura pas versé chaque année la cotisation maximale autorisée dans son 3e pilier pourra la verser rétroactivement dans les dix années qui suivent. Seules les lacunes de cotisation survenant après l’entrée en vigueur du projet pourront être rachetées. Les lacunes étant apparues avant 2025 ne peuvent donc pas être comblées. Ce rachat sera autorisé en plus de la cotisation ordinaire et pourra également être déduit du revenu imposable.

 

AVS 21 : 2e étape

La deuxième étape de la réforme Stabilisation de l’AVS (AVS 21) entre en vigueur début 2025. Seules les femmes nées après 1960 sont concernées. Leur âge de référence (auparavant «âge de la retraite») va augmenter progressivement jusqu’en 2028 pour s’établir finalement à 65 ans comme pour les hommes.

 

L’âge de référence indique l’âge auquel une personne peut percevoir sa rente de vieillesse sans réduction ni supplément. Il n’est pas contraignant. Depuis 2024, il est en effet possible de prendre sa retraite entre 63 et 70 ans ; et cela également de manière partielle. En cas de départ à la retraite avant 65 ans, la rente est réduite ; si la retraite est repoussée après 65 ans, la rente est augmentée (Sauvain, 2023). Les taux de réduction et d’ajournement seront prochainement revus à la baisse, probablement en 2027, afin de mieux tenir compte de l’allongement de l’espérance de vie.

L’augmentation de l’âge de référence s’accompagne de mesures de compensation (OFAS, 2022). Ainsi, les femmes nées entre 1961 et 1969 ont droit dès 2025 à un supplément de rente pour autant qu’elles perçoivent leur rente de vieillesse à l’âge de référence ou ultérieurement. Les femmes qui choisissent d’anticiper leur rente n’ont pas droit à ce supplément, mais elles bénéficient de taux de réduction plus favorables.

Le supplément de rente est échelonné en fonction du revenu et de l’année de naissance. Il s’élève entre 13 et 160 francs par mois. Il n’est pas soumis au plafonnement des rentes pour les couples mariés et est versé même si le montant de la rente maximale est dépassé. Versé à vie, il n’entraîne pas de réduction du montant des prestations complémentaires.

AMal : hausse des primes et règles pour les courtiers

Les primes de l’assurance-maladie obligatoire (AMal) augmentent pour toutes les catégories d’âge en 2025. La prime mensuelle moyenne s’élèvera à 378.70 francs, ce qui correspond à une augmentation de 6% par rapport à 2024. La prime moyenne est calculée en additionnant toutes les primes payées en Suisse et en les divisant par le nombre total d’assurés. La hausse moyenne pour les jeunes adultes et pour les enfants sera un peu moins élevée, respectivement de 5.4% et 5.8%.

L’annonce de cette augmentation de primes a pour la première fois été accompagnée de règles contraignantes pour les intermédiaires d’assurances. Ainsi, le démarchage téléphonique à froid, c’est-à-dire la prise de contact avec une personne qui n’a jamais été assurée auprès de l’assureur en question ou qui ne l’est plus depuis trois ans, est interdit. De plus, l’intermédiaire a l’obligation d’établir un procès-verbal lors de ses entretiens-conseils et de le faire signer par le client. Quant à sa rémunération, elle est dorénavant limitée. Les assureurs qui contreviennent à ces règles, entrées en vigueur en septembre 2024, encourent une amende pouvant aller jusqu’à 100’000 francs.

 

Social et santé : numérisation en marche

La numérisation des assurances sociales franchit une nouvelle étape avec la possibilité pour les personnes effectuant un service (militaire, civil, Protection civile) de demander en ligne leurs allocations pour perte de gain (APG). Les modifications légales en ce sens entrent en vigueur début 2025. Les formulaires papier seront dès 2026 progressivement remplacés par une procédure numérisée, plus simple et plus efficace. Le changement de loi vise à alléger les démarches administratives, tant pour les assurés que pour leurs employeurs.

Dans le domaine de la santé, un jalon important pour le dossier électronique du patient (DEP) est posé. La Confédération soutient désormais financièrement les fournisseurs de DEP. Cette mesure visant à diffuser et promouvoir le dossier électronique est transitoire jusqu’à ce que la révision de la loi correspondante soit adoptée et mise en œuvre. Le message sur cette révision complète doit être transmis au Parlement au printemps 2025.

 

Protection de la jeunesse renforcée

La première étape de la nouvelle loi sur la protection des mineurs dans les secteurs du film et du jeu vidéo entre en vigueur en 2025. Les enfants et les adolescents seront ainsi mieux protégés face aux contenus de films et de jeux vidéo susceptibles de les heurter, notamment les contenus violents ou sexuellement explicites. La loi harmonise à l’échelle du pays, le système de classification et de contrôle de l’âge en matière d’accès aux films et jeux vidéo.

 

Champ d’action élargi pour les fonds patronaux

Les fonds patronaux de bienfaisance pourront élargir leur champ d’action dès 2025. Jusqu’ici limités aux situations de détresse, ils peuvent désormais accorder des prestations visant à prévenir les risques financiers liés à la maladie, aux accidents et au chômage. De nouvelles mesures pour soutenir la formation continue, la conciliation entre vie familiale et professionnelle, ainsi que la promotion de la santé, seront également possibles. La modification du Code civil en ce sens vise à encourager ces fondations d’entreprise à caractère social.

 

 

Bibliographie :

OFAS (2024). Montants valables dès le 1er janvier 2025.

Sauvain, Mélanie (2023). Entre le travail et la retraite : plus grande flexibilité dès 2024, Sécurité sociale CHSS. 21 novembre.

OFAS (2022). Fiche d’information AVS 21 : Conséquences pour les femmes

 

Assurances sociales : ce qui va changer en 2025, article de Mélanie Sauvain, paru in Sécurité sociale CHSS du 26.11.2024, consultable ici

Sozialversicherungen: Was ändert sich 2025?, Artikel von Mélanie Sauvain, in Soziale Sicherheit CHSS vom 26.11.2024 erschienen, hier abrufbar

 

Rentes de veuves et de veufs de l’AVS: le Conseil fédéral adopte le message

Rentes de veuves et de veufs de l’AVS: le Conseil fédéral adopte le message

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 23.10.2024 consultable ici / cf. mes commentaires en bas d’article

 

Le Conseil fédéral veut éliminer les différences de traitement entre hommes et femmes en matière de rentes de survivants de l’AVS et adapter le régime à l’évolution de la société. Il a pris acte des résultats de la consultation sur une modification de la loi sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS) et adopté le message au Parlement lors de sa séance du 23 octobre 2024. Le texte proposé prévoit entre autres d’octroyer une rente de parent survivant jusqu’aux 25 ans du plus jeune enfant, indépendamment de l’état civil des parents. Les rentes actuelles des veuves et veufs de 55 ans et plus seront maintenues, tout comme celles des bénéficiaires de prestations complémentaires de 50 ans et plus. Les personnes plus jeunes y auront encore droit pendant deux ans. Ce projet répond également au besoin de financement de l’AVS et au mandat d’assainissement des finances de la Confédération.

Selon la législation actuelle, les veuves ont droit une rente à vie, même si elles n’ont pas d’enfant à charge, tandis que les veufs ne peuvent y prétendre que jusqu’à la majorité du cadet de leurs enfants. La Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) a constaté cette inégalité de traitement entre les sexes en 2022. Depuis, la Suisse a mis en place un régime transitoire accordant aux veufs ayant des enfants une rente à vie, en attendant de réformer un système qui repose encore sur une répartition traditionnelle des rôles entre hommes et femmes. Le Conseil fédéral souhaite adapter les rentes de survivants à l’évolution des structures familiales, incluant les familles recomposées et les parents non mariés, avec des prestations indépendantes de l’état civil, centrées sur la présence d’enfants au sein du ménage. En conséquence, il a proposé de modifier la loi sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS). Après avoir pris acte des résultats de la consultation, le Conseil fédéral a adopté le message au Parlement lors de sa séance du 23 octobre 2024.

 

Mesures proposées

Cette révision vise à soutenir de façon ciblée les survivants à la suite d’un décès ou tant qu’ils ont des enfants à charge. Elle tient compte des personnes menacées de précarité par le veuvage ou des situations difficiles liées à l’âge. En dehors de ces périodes délicates, il n’est plus justifié de verser des rentes à vie, sans tenir compte de la situation financière de l’assuré.

Droits pour les personnes qui deviennent veuves ou veufs après l’entrée en vigueur de la réforme

  • Octroi d’une rente de survivant aux parents, jusqu’aux 25 ans de l’enfant, quel que soit leur état civil et leur sexe; prolongation du versement au-delà de 25 ans en cas de prise en charge d’un enfant en situation de handicap donnant droit aux bonifications pour tâches d’assistance de l’AVS;
  • Octroi d’une rente de veuvage transitoire de deux ans pour les personnes n’ayant plus d’enfants à charge. Cela concerne les couples mariés, ainsi que les personnes divorcées qui recevaient une contribution d’entretien du défunt.
  • Prise en charge dans le régime des prestations complémentaires des veuves et des veufs âgés de 58 ans et plus au moment du décès et n’ayant plus d’enfants à charge, si le décès mène à la précarité;
  • Dans l’assurance-accidents: octroi d’une rente également aux veufs lorsque, au décès de leur conjointe, ils ont des enfants qui n’ont plus droit à une rente ou s’ils ont accompli leur 45e année, comme c’est actuellement le cas pour les veuves.

Droit des personnes qui perçoivent déjà une rente de veuve ou de veuf avant la réforme

  • Maintien des rentes de veuve et de veuf en cours pour les personnes âgées de 55 ans et plus au moment de l’entrée en vigueur; suppression des rentes pour les personnes plus jeunes que 55 ans dans un délai de deux ans après l’entrée en vigueur de la modification, à moins qu’elles aient encore des enfants à charge (disposition transitoire);
  • Maintien des rentes de veuve et de veuf pour les bénéficiaires de prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (PC) âgés de 50 ans et plus au moment de l’entrée en vigueur (disposition transitoire).

Cette réforme ne touche pas au droit à la rente de veuve et de veuf de la prévoyance professionnelle car il n’existe pas de différence de traitement entre hommes et femmes. La rente de la prévoyance professionnelle est en principe versée jusqu’au décès ou au remariage du conjoint survivant. De nombreuses institutions de prévoyance prévoient déjà aujourd’hui des prestations de survivants pour les personnes qui subviennent à l’entretien d’un enfant commun. Ces prestations réglementaires permettent, dès lors, de tenir compte des modes de vie actuels.

La réforme tient également compte des besoins de financement de l’AVS et des finances de la Confédération. Si elle entre en vigueur en 2026, elle permettra à l’horizon 2030 une diminution des dépenses de l’AVS d’environ 350 millions de francs, dont 70 millions d’économie pour la Confédération. Ces chiffres tiennent compte des perspectives financières actualisées le 16 septembre 2024 par l’OFAS et du financement de la 13e rente AVS.

 

Commentaires personnels

Bien que la réforme des rentes de survivants vise à instaurer l’égalité entre hommes et femmes, elle suscite des critiques quant à son impact potentiel sur les veuves. Historiquement, ces dernières sont plus nombreuses à dépendre des rentes de survivants, notamment celles qui ont sacrifié leur carrière pour élever leurs enfants ou s’occuper du foyer. Les veuves âgées rencontrent souvent des difficultés pour réintégrer le marché du travail en raison du vieillissement, du manque de formation continue ou de l’obsolescence de leurs compétences. Les emplois disponibles pour celles ayant un parcours professionnel discontinu sont souvent précaires ou mal rémunérés, augmentant ainsi leur risque de pauvreté. La suppression des rentes à vie sans compensation adéquate pourrait aggraver cette situation.

Les experts soulignent que bien que la réforme cherche à établir une égalité formelle entre les sexes, elle ne prend pas suffisamment en compte les inégalités structurelles persistantes telles que les différences de salaires, de temps de travail et de carrières interrompues. Traiter hommes et femmes sur un pied d’égalité sans ajustements spécifiques pourrait perpétuer les désavantages subis par les femmes. Cette approche pourrait donc être perçue comme injuste, car elle ignore les besoins spécifiques des femmes.

Une solution pourrait être l’introduction d’une rente dégressive, où la rente serait progressivement réduite à partir de 55 ans jusqu’à son extinction à 65 ans, âge de la retraite ordinaire. Cela permettrait aux personnes concernées de mieux s’adapter financièrement.

Une autre option pourrait être de combiner la suppression progressive des rentes à vie avec une amélioration des mesures de réinsertion professionnelle. Le système pourrait inclure des programmes de formation spécifiques pour les veuves et veufs afin de faciliter leur retour sur le marché du travail. En particulier, des programmes de reconversion pour les personnes ayant interrompu leur carrière pendant une longue période pourraient être mis en place.

En conclusion, bien que la réforme vise à instaurer une égalité entre hommes et femmes dans l’octroi des rentes de survivants, elle pourrait avoir un impact négatif disproportionné sur les femmes, en particulier celles qui ont été économiquement dépendantes de leur conjoint. Le fait de ne pas tenir compte de cette dépendance et de la difficulté pour certaines femmes de réintégrer le marché du travail à un âge avancé pourrait accentuer les inégalités existantes, plutôt que de les réduire.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 23.10.2024 consultable ici

Message du Conseil fédéral et perspectives financières de l’AVS disponibles ici

Rapport de consultation du 23.10.2024, Résumé des résultats de la consultation, disponible ici

Message du Conseil fédéral du 23.10.2024 relative à la modification de la LAVS « Adaptation des rentes de survivants », paru in FF 2024 2768 

Modification de la LAVS « Adaptation des rentes de survivants », paru in FF 2024 2769 

 

Supprimer le plafond des rentes AVS des couples mariés: le Conseil fédéral a réexaminé les coûts et maintient le rejet

Supprimer le plafond des rentes AVS des couples mariés: le Conseil fédéral a réexaminé les coûts et maintient le rejet

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 16.10.2024 consultable ici

 

Le Conseil fédéral réaffirme sa recommandation de rejeter l’initiative du Centre visant à supprimer le plafonnement des rentes AVS pour les couples mariés. En raison de l’actualisation des perspectives financières de l’AVS, il a réexaminé les coûts qu’entraînerait l’initiative. Les nouvelles estimations indiquent des coûts, en 2030, de 3,8 milliards de francs. Lors de sa séance du 16 octobre 2024, le Conseil fédéral a dès lors décidé de maintenir sa position, sans proposer de contre-projet.

Lorsque le Conseil fédéral a été informé, en août 2024, de l’existence de perspectives financières erronées de l’AVS, il a décidé de réexaminer différentes affaires en cours sur la base des perspectives financières validées. Outre la mise en œuvre et le financement de la 13e rente, ce réexamen a aussi porté sur l’initiative «Oui à des rentes AVS équitables pour les couples mariés – Pour enfin en finir avec la discrimination du mariage!», qui demande la suppression du plafonnement des rentes AVS/AI pour les couples mariés. Le 26 juin 2024, le Conseil fédéral avait décidé de rejeter cette initiative sans proposer de contre-projet direct ou indirect.

Le 16 octobre 2024, le Conseil fédéral a réexaminé cette décision sur la base des perspectives financières entre-temps actualisées. Selon les nouvelles estimations, les coûts de l’initiative s’élèveraient en 2030 à 3,84 milliards de francs pour l’AVS, et non 3,77 milliards comme estimé précédemment. Les différences mineures résultent de la mise à jour des paramètres économiques dans les perspectives financières. Les coûts liés au relèvement ou à la suppression du plafond des rentes n’avaient pas été calculés avec le programme contenant les formules erronées, mais à partir du registre des rentes et d’autres projections.

 

L’initiative reste trop onéreuse pour une AVS confrontée à de nombreux défis

L’AVS reste confrontée à des déficits structurels en raison de l’augmentation du nombre de personnes à la retraite et de l’allongement de l’espérance de vie. La priorité actuelle est de parvenir à un financement rapide, rendu nécessaire par l’introduction d’une 13e rente à partir de 2026. Le Conseil fédéral a d’ailleurs adopté le 16 octobre 2024 le message sur la mise en œuvre et le financement de la 13e rente de vieillesse. Une prochaine réforme visant à stabiliser les finances de l’AVS après 2030 doit en outre être présentée d’ici fin 2026.

Le Conseil fédéral maintient donc sa recommandation de rejet de l’initiative, sans proposer de contre-projet direct ou indirect. Le délai de présentation d’un projet de message par le Département fédéral de l’intérieur reste ainsi fixé au 27 mars 2025 au plus tard.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 16.10.2024 consultable ici