Archives par mot-clé : Assurance-invalidité (AI)

9C_372/2015 (f) du 19.02.2016 – Suppression rétroactive de la rente AI suite à une violation de l’obligation de renseigner – 88 bis al. 2 let. b RAI – 43 al. 3 LPGA / Non communication d’un changement de domicile

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_372/2015 (f) du 19.02.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1VpQcx5

 

Suppression rétroactive de la rente AI suite à une violation de l’obligation de renseigner – 88 bis al. 2 let. b RAI – 43 al. 3 LPGA

Non communication d’un changement de domicile

 

Assuré au bénéfice d’une rente entière d’invalidité fondée sur un taux d’invalidité de 70%, depuis le 01.05.1998, ainsi que deux rentes ordinaires pour enfants d’invalide. Dans les décisions, l’assuré était expressément rendu attentif à son obligation d’informer, singulièrement d’annoncer immédiatement à l’office AI un séjour à l’étranger excédant trois mois ou un transfert du domicile à l’étranger.

L’assuré étant parti sans laisser d’adresse et le compte bancaire sur lequel la rente d’invalidité était versée ayant été clôturé, l’office AI a supprimé la rente d’invalidité ainsi que les deux rentes pour enfants avec effet au 31.10.2004, au motif que le domicile de l’assuré était inconnu.

 

Procédure cantonale (arrêt C-5829/2013 – consultable ici : http://bit.ly/1sWSEjX)

Par jugement du 09.04.2015, rejet du recours par le Tribunal administratif fédéral.

 

TF

Le Tribunal administratif fédéral a rappelé que les assurés ont l’obligation d’annoncer tout changement de situation qui, potentiellement, peut avoir des répercussions sur leur droit aux prestations. Un changement de domicile n’est pas un événement anodin. En effet, pour être en mesure d’accomplir ses tâches, l’office AI doit pouvoir contacter l’assuré, aussi bien dans le cadre du versement des prestations accordées qu’à l’occasion des révisions périodiques.

 

Suppression rétroactive de la rente AI suite à une violation de l’obligation de renseigner

Selon la jurisprudence, une violation de l’obligation de renseigner susceptible de justifier une suppression rétroactive de la rente AI, selon l’art. 88 bis al. 2 let. b RAI, est commise lorsqu’un assuré disparaît sans laisser d’adresse et complique ainsi – voire empêche – le déroulement normal d’une procédure de révision, ce qui, bien entendu, peut se produire aussi bien en Suisse qu’à l’étranger (arrêt I 172/83 du 23 décembre 1983 consid. 3c, in RCC 1984 p. 373).

Dans le cas d’espèce, les propos de l’assuré permettent de constater qu’il avait intentionnellement manqué à son devoir d’informer afin de se soustraire à ses obligations alimentaires. Il avait justifié son attitude par le fait qu’il n’avait pas envie de « recevoir de l’argent d’un côté pour qu’il ressorte directement de l’autre pour les pensions alimentaires », ajoutant qu’il s’engageait à « verser de l’argent au SPAS » s’il touchait le rétroactif de l’AI.

 

Violation de l’obligation de renseigner ou de collaborer à l’instruction

Selon la jurisprudence, l’application de l’art. 43 al. 3 LPGA dans un cas où des prestations sont en cours et où l’assuré qui les perçoit refuse de manière inexcusable de se conformer à son devoir de renseigner ou de collaborer à l’instruction de la procédure de révision, empêchant par-là que l’organe d’exécution de l’assurance-invalidité établisse les faits pertinents, suppose que le fardeau de la preuve soit renversé. En principe, il incombe bien à l’administration d’établir une modification notable des circonstances influençant le degré d’invalidité de l’assuré, si elle entend réduire ou supprimer la rente. Toutefois, lorsque l’assuré refuse de façon inexcusable de la renseigner, il lui est impossible de démontrer les faits conduisant à une modification du taux d’invalidité. Dans un tel cas, lorsque l’assuré empêche fautivement que l’office AI administre les preuves nécessaires, il convient d’admettre un renversement du fardeau de la preuve (cf. consid. 2.2 non publié de l’ATF 129 III 181; HANS PETER WALTER, Beweis und Beweislast im Haftpflichtprozessrecht, in Haftpflichtprozess 2009, p. 47 ss, p. 58). Il appartient alors à l’assuré d’établir que son état de santé, ou d’autres circonstances déterminantes, n’ont pas subi de modifications susceptibles de changer le taux d’invalidité qu’il présente (arrêt 9C_961/2008 du 30 novembre 2009 consid. 6.3.3, in SVR 2010 IV n° 30 p. 94).

Dans le cas d’espèce, la violation intentionnelle, par l’assuré, de son obligation d’annoncer son changement de domicile a placé l’organe d’exécution de l’AI dans l’impossibilité d’assumer ses tâches puisqu’il ne pouvait plus le contacter. Concrètement, l’office AI n’était plus en mesure de s’assurer du bien-fondé du maintien de la rente et n’aurait, en particulier, pas pu procéder à la révision périodique du droit à cette prestation qui avait été prévue au plus tard en mai 2006 lors de son octroi. Par son silence, l’assuré aurait aussi évité la mise en œuvre de mesures de précaution que l’administration doit prendre lorsque des rentes sont servies à l’étranger (cf. art. 74 RAVS et 83 RAI). La suppression de la rente ne constituait donc pas, en pareilles circonstances, une mesure disproportionnée, à tout le moins à compter du moment où devait intervenir la révision d’office de la rente en mai 2006 et où l’assuré aurait manqué de manière inexcusable à son devoir de collaborer à l’instruction. Le non versement des prestations à partir de septembre 2006 n’est donc pas contraire au principe de la proportionnalité.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_372/2015 consultable ici : http://bit.ly/1VpQcx5

 

 

9C_697/2015 (f) du 09.05.2016 – Droit à la rente d’invalidité – Condition générale d’assurance des trois ans de cotisations – 36 al. 1 LAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_697/2015 (f) du 09.05.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1TBVtgA

 

Droit à la rente d’invalidité – Condition générale d’assurance des trois ans de cotisations – 36 al. 1 LAI

Atteintes somatiques puis atteintes psychiques – Survenance de l’invalidité et connexité temporelle

 

Assuré, ressortissant étranger, arrivé en Suisse en août 2008, souffre des séquelles d’un accident survenu le 27.07.2009 (luxation de l’épaule gauche). Dépôt de la demande de prestations le 13.08.2010.

Troubles psychiatriques se sont manifestés, justifiant son transfert dans un Centre de psychiatrie le 24.01.2012. Se fondant sur l’avis de son SMR, l’office AI a étendu l’instruction au volet psychiatrique. Selon les différents médecins consultés par l’assuré, celui-ci souffrait d’une schizophrénie paranoïde totalement incapacitante depuis janvier 2012. Par décision du 14.07.2014, l’office AI a rejeté la demande au motif que l’assuré ne réalisait pas les conditions générales d’assurance en juillet 2010.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 205/14 – 225/2015 – consultable ici : http://bit.ly/1VjHYqd)

Les premiers juges ont constaté que les atteintes somatiques de juillet 2009 étaient distinctes de celles psychiatriques apparues en janvier 2012 et que les secondes ne pouvaient être rattachées par un lien temporel à l’accident de juillet 2009. L’autorité cantonale a considéré qu’un nouveau cas d’assurance était survenu en janvier 2012, entraînant le départ d’un nouveau délai de carence échéant une année plus tard. Dans la mesure où, à cette date, l’intimé remplissait la condition générale d’assurance des trois ans de cotisations, elle lui a alloué la rente d’invalidité à laquelle il avait droit.

Par jugement du 25.08.2015, la juridiction cantonale a admis le recours, réformé la décision (droit à une rente entière d’invalidité dès le 01.01.2013) et renvoyé la cause à l’office AI pour qu’il calcule le montant de la rente et des intérêts dus sur les arriérés.

 

TF

La survenance d’une atteinte à la santé totalement différente de celle qui prévalait au moment du refus de la première demande de prestations et propre, par sa nature et sa gravité, à causer une incapacité de travail de 40 % au moins en moyenne sur une année a, compte tenu de l’absence de connexité matérielle avec la situation de fait prévalant au moment du refus de la première demande de prestations, pour effet de créer un nouveau cas d’assurance (ATF 136 V 369 consid. 3.1 p. 373 et les références; arrêt 9C_294/2013 du 20 août 2013 consid. 4.1 et les références, in SVR 2013 IV n° 45 p. 138; voir également MEYER/REICHMUTH, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], 3ème éd. 2014, n. 138 ad art. 4 LAI). Le principe de l’unicité de la survenance de l’invalidité cesse en effet d’être applicable lorsque l’invalidité subit des interruptions notables ou que l’évolution de l’état de santé ne permet plus d’admettre l’existence d’un lien de fait et de temps entre les diverses phases, qui en deviennent autant de cas nouveau de survenance de l’invalidité (arrêt 9C_36/2015 du 29 avril 2015 consid. 5.1 et 5.2 et les références).

Par son argumentation, l’administration ne parvient pas à démontrer qu’un lien de fait et de temps existe entre la première et la seconde atteinte à la santé. Elle se limite à faire part de sa propre appréciation des faits, sans discuter les considérations des premiers juges.

Le fait qu’il n’y a pas eu d’interruption de l’incapacité de travail depuis l’accident de 2009 et que les deux atteintes ont, à un moment donné, coexisté, ne suffit pas en l’espèce à retenir un unique délai de carence. La jurisprudence a effectivement admis qu’un nouveau cas d’assurance pouvait survenir même si une première atteinte à la santé était toujours présente et causait une incapacité de travail lorsqu’une nouvelle atteinte à la santé totalement distincte apparaissait (cf. arrêt 9C_294/2013 cité consid. 3.1 et 4.2).

Le fait qu’une seule demande a été déposée auprès de l’office AI n’a pas d’incidence; si l’office AI avait rendu une décision de refus de prestations directement à la suite de son projet de décision du 15 juillet 2013, il aurait été tenu de traiter l’annonce de l’assuré quant à la survenance d’une affection psychique comme une nouvelle demande.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_697/2015 consultable ici : http://bit.ly/1TBVtgA

 

 

9C_607/2015 (f) du 20.04.2016 – Assuré proche de l’âge de la retraite et capacité de travail exigible – 16 LPGA / Revenu d’invalide selon l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) 2008 – niveau de qualification 3

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_607/2015 (f) du 20.04.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1WmfBJ9

 

Assuré proche de l’âge de la retraite et capacité de travail exigible – 16 LPGA

Revenu d’invalide selon l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) 2008 – niveau de qualification 3

Pas d’abattement sur le salaire statistique pour une limitation fonctionnelle (environnement non bruyant)

 

TF

Assuré proche de l’âge de la retraite

Suivant la jurisprudence (cf. ATF 138 V 457), pour déterminer s’il est exigible d’un assuré proche de l’âge de la retraite qu’il mette en valeur sa capacité de travail résiduelle dans une activité adaptée (cf. art. 16 LPGA), il faut se placer au moment de la date de l’expertise médicale qui sert de fondement aux constatations de fait relatives à la capacité de travail.

En l’espèce, l’assuré a eu 59 ans au cours de l’année où le dernier rapport émanant d’un spécialiste ORL a été réalisé. Son âge ne saurait donc être considéré comme faisant obstacle à la reprise d’une activité adaptée.

 

Comparaison des revenus

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d’influencer le droit à la rente survenues jusqu’au moment où la décision est rendue être prises en compte (cf. ATF 129 V 222 consid. 4.1 et 4.2).

In casu, la surdité de l’oreille gauche étant survenue en octobre 2007, la comparaison des revenus doit ainsi être faite à la lumière des revenus de l’année 2008, date de l’ouverture du droit éventuel à la rente, conformément aux constatations de la juridiction cantonale.

 

Revenu d’invalide

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. Lorsque l’activité exercée après la survenance de l’atteinte à la santé repose sur des rapports de travail particulièrement stables, qu’elle met pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et que le gain obtenu correspond au travail effectivement fourni et ne contient pas d’éléments de salaire social, c’est le revenu effectivement réalisé qui doit être pris en compte pour fixer le revenu d’invalide. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible -, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) ou sur les données salariales résultant des descriptions de postes de travail établies par la CNA (ATF 135 V 297 consid. 5.2 p. 301; 129 V 472 consid. 4.2.1 p. 475).

Ainsi, lorsqu’un assuré ne met pas à profit sa capacité de travail restante après l’atteinte à la santé, son revenu d’invalide doit être calculé sur une base théorique et abstraite. Ce faisant, on ne saurait toutefois se fonder sur une seule activité déterminée ou sur un tout petit nombre seulement – quand bien même cette activité serait parfaitement adaptée aux limitations en cause – dès lors que rien ne permet de penser que ce revenu serait représentatif de celui que l’assuré pourrait obtenir sur le marché du travail équilibré entrant en considération pour lui (cf. ATF 129 V 472 consid. 4.2.2 p. 480). Pour que le revenu d’invalide corresponde aussi exactement que possible à celui que l’assuré pourrait réaliser en exerçant l’activité que l’on peut raisonnablement attendre de lui (cf. ATF 128 V 29 consid. 1 p. 30), l’évaluation dudit revenu doit nécessairement reposer sur un choix large et représentatif d’activités adaptées au handicap de la personne assurée.

En l’absence d’un revenu effectivement réalisé, il y a lieu de s’appuyer sur les statistiques salariales comme le prévoit la jurisprudence citée. L’assuré ayant travaillé en qualité de menuisier indépendant puis ayant été employé par diverses associations et fondations et, enfin comme enseignant de travaux manuels, les compétences professionnelles de l’assuré justifient de retenir le niveau de qualification 3 de l’Enquête suisse sur la structure des salaires.

S’agissant de l’examen du facteur de réduction (cf. ATF 126 V 75), la seule limitation fonctionnelle constatée est celle d’un environnement non bruyant, soit n’impliquant pas l’usage de machines. Dès lors que la mise en œuvre de la capacité résiduelle entière de travail de l’assuré sur le marché équilibré du travail ne dépend pas d’activités légères, simples et répétitives (au regard desquelles la jurisprudence sur la réduction du salaire d’invalide déterminé selon les ESS a été développée [ATF 126 V 75]) et que l’assuré est en mesure d’exercer des activités requérant des connaissances professionnelles spécialisées sans limitation quant au temps de travail ou au rendement, il n’y a pas lieu de prendre en considération une réduction du salaire statistique, résultant d’un large éventail d’activités à portée de l’assuré, en fonction également de son expérience professionnelle (comp. arrêt I 16/98 du 15 février 1999 consid. 3b, in SVR 2000 IV n° 1 p. 2).

Quant à l’âge, pour autant qu’il fût déterminant, il ne saurait conduire à lui seul à un abattement de plus de 5%.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_607/2015 consultable ici : http://bit.ly/1WmfBJ9

 

 

9C_899/2015 (f) du 04.03.2016 – Entrer en matière sur une nouvelle demande de prestations – 87 RAI / Modification significative du degré d’invalidité en raison de l’aggravation de l’état de santé – analogie à l’art. 17 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_899/2015 (f) du 04.03.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Xu9npz

 

Entrer en matière sur une nouvelle demande de prestations – 87 RAI

Modification significative du degré d’invalidité en raison de l’aggravation de l’état de santé – analogie à l’art. 17 LPGA

Nouvelle demande et « facteur de l’âge avancé » – Capacité de travail exigible

 

Assuré, né le 25.01.1951, travaillant comme ouvrier d’usine, en incapacité totale de travail dès le 30.05.2006. Première demande rejetée le 29.10.2008 par l’office AI, motif pris que l’assuré ne pouvait plus exercer son activité d’ouvrier qu’à mi-temps, mais était en revanche capable de travailler à 100% dans une activité adaptée; l’exercice (hypothétique) d’une telle activité était susceptible de lui procurer un revenu induisant une perte de gain de 10%, insuffisante pour ouvrir le droit à la rente. Le 31.05.2011, l’office AI a refusé d’entrer en matière sur une deuxième demande.

Une troisième demande AI est déposée, le 06.06.2013, en raison d’une péjoration de l’état de santé. Après expertise, une incapacité entière de travail dans la profession habituelle a été reconnue, mais une pleine capacité de travail dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles était exigible. Le 19.02.2015, l’office AI a nié le droit de l’assuré à une rente d’invalidité, au motif que la perte de gain de 10%, identique à celle fixée par la première décision de 2008, était insuffisante pour admettre la prétention.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 45/15 – 279/2015 – consultable ici : http://bit.ly/20vZ83m)

Par jugement du 02.11.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Nouvelle demande et modification significative du degré d’invalidité en raison de l’aggravation de santé

L’art. 87 al. 2 et 3 RAI régit les conditions auxquelles l’administration est tenue d’entrer en matière sur une demande de révision ou une nouvelle demande de prestations présentée par l’assuré. Du moment que l’office AI était entré en matière sur la nouvelle demande de l’assuré par sa décision du 19.02.2015, le seul point à trancher pour le tribunal saisi de son recours était celui de savoir si, en raison d’une aggravation de l’état de santé de l’assuré et des effets de cette aggravation sur le plan économique, le degré d’invalidité avait subi une modification significative depuis la décision du 29.10.2008 – sur les bases de comparaison dans le temps, cf. ATF 130 V 71 – et atteignait désormais un taux suffisant pour ouvrir le droit à une prestation (ATF 109 V 108 consid. 2 p. 114; ULRICH MEYER/ MARCO REICHMUTH, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum IVG, 3 ème éd., n° 120 ad art. 30-31 LAI).

Cet examen matériel doit être effectué de manière analogue à celui d’un cas de révision au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA; il s’agit de vérifier si la modification du degré d’invalidité rendue vraisemblable par l’assuré est effectivement survenue. A défaut, la nouvelle demande est rejetée (cf. ATF 117 V 198 consid. 3a p. 198 et l’arrêt cité).

 

Nouvelle demande et « facteur de l’âge avancé »

Selon la jurisprudence, l’âge de la personne assurée constitue de manière générale un facteur étranger à l’invalidité qui n’entre pas en considération pour l’octroi de prestations. S’il est vrai que ce facteur – comme celui du manque de formation ou les difficultés linguistiques – joue un rôle non négligeable pour déterminer dans un cas concret les activités que l’on peut encore raisonnablement exiger d’un assuré, il ne constitue pas, en règle générale, une circonstance supplémentaire qui, à part le caractère raisonnablement exigible d’une activité, est susceptible d’influencer l’étendue de l’invalidité, même s’il rend parfois difficile, voire impossible la recherche d’une place et, partant, l’utilisation de la capacité de travail résiduelle (arrêt I 377/98 du 28 juillet 1999 consid. 1 et les références, in VSI 1999 p. 246).

Le moment où la question de la mise en valeur de la capacité (résiduelle) de travail pour un assuré proche de l’âge de la retraite sur le marché de l’emploi doit être examinée correspond au moment auquel il a été constaté que l’exercice (partiel) d’une activité lucrative était médicalement exigible, soit dès que les documents médicaux permettent d’établir de manière fiable les faits y relatifs (ATF 138 V 457 consid. 3.3 p. 461 s.; voir aussi JACQUES-ANDRÉ SCHNEIDER, L’âge et ses limites en matière d’assurance-invalidité, de chômage et de prévoyance professionnelle étendue, in Grenzfälle in der Sozialversicherung, 2015, p. 5).

La situation de l’assuré au regard des éléments déterminants pour la prétention en cause n’a pas connu d’évolution significative depuis le moment où le droit à la rente d’invalidité a été nié une première fois: son état de santé et les répercussions sur la capacité de travail dans une activité adaptée – toujours exigible à un taux de 100% – sont restés les mêmes. Le seul facteur qui s’est modifié est l’âge de l’assuré. Il n’appartient toutefois pas à l’assurance-invalidité de prendre en charge toutes les situations dans lesquelles la personne assurée n’est pas en mesure de retrouver un emploi sur un marché équilibré du travail en raison de son âge. L’écoulement du temps – qui ne constitue pas une atteinte à la santé au sens des art. 3 et 4 LPGA et qui est un paramètre inéluctable pour tous les assurés – ne peut en soi légitimer l’octroi d’une rente d’invalidité ou son augmentation, après un premier refus ou une allocation seulement partielle d’une rente (cf. arrêts 9C_156/2011 du 6 septembre 2011 consid. 4.2 et 9C_50/2010 du 6 août 2010 consid. 5).

On constate que l’assuré ne se trouve pas dans la même situation qu’un assuré qui présente pour la première fois une demande de prestations peu d’années avant d’atteindre l’âge ouvrant le droit à des prestations de l’assurance-vieillesse et survivants et dont l’assurance-invalidité exige, par le biais de la prise en considération du revenu qu’il peut obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui (art. 16 LPGA), un changement (hypothétique) d’activité. Dans le cas d’une demande initiale, il s’agit de déterminer les effets concrets d’une atteinte à la santé sur la capacité de travail et les conséquences économiques qui en découlent au moment de la naissance du droit à la rente. L’intéressé se trouve alors confronté pour la première fois à l’exigence d’un éventuel changement d’activité.

Lors d’une nouvelle demande ou d’une révision du droit aux prestations, il s’agit d’examiner si un changement de circonstances important susceptible d’influencer le taux d’invalidité évalué antérieurement s’est produit. Dans cette constellation, l’assuré sait en raison de la procédure antérieure qu’un changement d’activité est attendu de sa part, conformément aux règles régissant l’assurance-invalidité. En conséquence, si la seule modification réside dans l’écoulement du temps et, partant, a trait à « l’âge avancé » de l’assuré, ce facteur en soi ne peut entraîner l’application de la jurisprudence rendue à ce sujet et publiée in ATF 138 V 457 consid. 3.1 p. 459. Admettre le contraire reviendrait à faire prendre en charge par l’assurance-invalidité les répercussions économiques de l’écoulement du temps pour les assurés auxquels le droit à une rente (ou à une rente plus élevée) a été nié une première fois, à la seule condition qu’ils présentent une nouvelle demande ou une demande de révision au moment où ils se trouvent proches de l’âge donnant le droit à la rente de vieillesse (arrêts 9C_156/2011 et 9C_50/2010 cités).

En l’absence de toute autre modification des circonstances liées à l’état de santé de l’assuré en tant que tel ou de ses répercussions sur la capacité de travail (résiduelle), il n’y a pas lieu de prendre en considération « l’âge avancé » au sens de la jurisprudence y relative et reconnaître, par ce biais uniquement, le droit de l’assuré à la rente ou à une augmentation de celle-ci, au terme d’une procédure portant sur une nouvelle demande de rente ou une révision du droit à celle-ci au sens de l’art. 17 LPGA.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_899/2015 consultable ici : http://bit.ly/1Xu9npz

 

 

9C_178/2015 (d) du 04.05.2016 – destiné à la publication – Taux d’invalidité d’une personne active à temps partiel (60%) qui ne consacre pas le temps restant (40%) aux tâches ménagères mais à du temps libre-hobby / 16 LPGA – 27 RAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_178/2015 (d) du 04.05.2016, destiné à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/1TypuQu

 

Taux d’invalidité d’une personne active à temps partiel (60%) qui ne consacre pas le temps restant (40%) aux tâches ménagères mais à du temps libre-hobby / 16 LPGA – 27 RAI

 

Si une personne ne travaille qu’à 60% et consacre les 40% restants à ses loisirs, seuls 60% sont assurés. Selon le Tribunal fédéral, les employés à temps partiel qui souhaitent plus de temps libre renoncent volontairement à la part de salaire qu’ils pourraient gagner en travaillant à 100%.

 

TF

Le Tribunal fédéral s’est penché sur la façon de calculer le taux d’invalidité chez une assurée qui, sans l’invalidité, aurait travaillé à temps partiel (60%).

Le calcul effectué par la juridiction cantonale est, certes, en accord avec la jurisprudence (ATF 131 V 51). Cependant, il en résulte un paradoxe lorsque la suppression des tâches ménagères et l’incapacité dans le seul domaine professionnel mène à une augmentation du degré d’invalidité (de 63% à 100%) alors que rien d’autre n’a changé (toujours personne avec activité lucrative à 60%). Autrement dit, selon l’office AI recourant, après le jugement cantonal contesté s’appuyant sur l’ATF 131 V 51, le seul remplacement des tâches ménagères par du temps libre ne peut conduire à l’application de l’art. 27 RAI.

La doctrine a aussi abordé cette problématique (Ueli Kieser, ATSG-Kommentar, 3. Aufl. 2015, N. 96 zu Art. 16 ATSG; Susanne Genner, Invaliditätsbemessung bei Teilzeiterwerbstätigen, SZS 2013 S. 446 ff., 449 f.). KIESER illustre la situation au moyen de l’exemple suivant, qui a des similitudes au cas d’espèces : pour une femme active à 60% (revenu sans invalidité 60’000) et à 40% pour un hobby ne peut plus exercer son activité à 30% et obtenir un revenu d’invalide de 30’000, nous obtenons un degré d’invalidité de 50% ([60’000 – 30’000] x 100 / 60’000). Pour une femme active à 60%, s’occupant des tâches ménagères pour 40%, en tenant compte d’une limitation de 20% dans dites tâches ménagères, le degré d’invalidité ne serait que de 38% (30% [{(60’000 – 30’000) x 100 / 60’000} x 0.6] pour la part active et 8% pour la part ménagère).

Le cas d’espèce ainsi que l’exemple de calcul donné par KIESER indiquent que la pratique en vigueur ne mène pas à une égalité (art. 8 al. 1 Cst.) entre les personnes partiellement active sans tâche ménagère et les personnes partiellement actives s’occupant en outre de tâches ménagères. Il existe également un traitement différent à l’égard des personnes actives.

Sous l’angle de l’égalité de traitement, la perte de la capacité de travail d’une personne active partiellement (ici à 60%) doit mener à un degré d’invalidité similaire, si elle n’effectue pas les tâches ménagères en plus des 60% (c’est-à-dire les 40% hypothétiquement restants).

A l’aune de ce qui précède, la jurisprudence ATF 131 V 51 est à préciser dans le sens que chez les assurés partiellement actives, sans effectuer en plus de tâches ménagères, le degré d’invalidité doit être effectué au moyen de la méthode de comparaison de revenu (art. 16 LPGA) et seule la diminution dans le domaine professionnel est à prendre en considération. Le degré d’invalidité correspond à la diminution proportionnelle dans le domaine professionnelle et ne peut pas le dépasser.

 

Le TF admet le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_178/2015 consultable ici : http://bit.ly/1TypuQu

 

 

9C_548/2015 (f) du 10.03.2016 – Appréciation des preuves – Principe de l’égalité des armes – 6 par. 1 CEDH / Constatations des médecins internes à l’assurance

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_548/2015 (f) du 10.03.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Xr4Rbu

 

Appréciation des preuves – Principe de l’égalité des armes – 6 par. 1 CEDH

Constatations des médecins internes à l’assurance

 

TF

En matière d’appréciation des preuves, il découle du principe de l’égalité des armes, tiré du droit à un procès équitable garanti par l’art. 6 § 1 CEDH, que l’assuré a le droit de mettre en doute avec ses propres moyens de preuve la fiabilité et la pertinence des constatations médicales effectuées par un médecin interne à l’assurance. Le fait, tiré de l’expérience de la vie, qu’en raison du lien de confiance (inhérent au mandat thérapeutique) qui l’unit à son patient, le médecin traitant est généralement enclin à prendre parti pour celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc p. 353 et les références) ne libère pas le juge de son devoir d’apprécier correctement les preuves, ce qui suppose de prendre également en considération les rapports versés par l’assuré à la procédure. Le juge doit alors examiner si ceux-ci mettent en doute, même de façon minime, les conclusions des médecins internes à l’assurance. Poser des exigences trop élevées à la possibilité pour l’assuré de soulever de tels doutes au moyen des rapports de ses médecins traitants porterait atteinte à l’égalité des armes et donc à l’art. 6 § 1 CEDH. Dès lors, lorsque la pertinence des constatations des médecins internes à l’assurance est mise en doute par le biais d’un rapport concluant du médecin traitant, il ne suffit pas de se référer en bloc au mandat thérapeutique qui lie celui-ci à son patient pour écarter les doutes en question. De même, le tribunal ne peut se contenter de retenir de manière globale que le rapport du médecin traitant ne remplit pas, ou seulement partiellement, les exigences d’une expertise au sens de l’ATF 125 V 351 consid. 3a p. 352, sans examiner concrètement sa valeur probante.

Pour que l’assuré ait une chance raisonnable de soumettre sa cause au juge, sans être clairement désavantagé par rapport à l’assureur, le tribunal ne peut pas, lorsqu’il existe des doutes quant à la fiabilité et la pertinence des constatations des médecins internes à l’assurance, procéder à une appréciation des preuves définitive en se fondant d’une part sur les rapports produits par l’assuré et, d’autre part, sur ceux des médecins internes à l’assurance. Pour lever de tels doutes, il doit soit ordonner une expertise judiciaire, soit renvoyer la cause à l’organe de l’assurance pour qu’il mette en œuvre une expertise dans le cadre de la procédure prévue par l’art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.5 et 4.6 p. 470 s.).

La jurisprudence fédérale sur la notion des doutes quant à la fiabilité et la pertinence des constatations des médecins internes à l’assurance est cohérente. En effet, en fonction des faits de la cause, tels que constatés par la juridiction cantonale, des considérations de celle-ci, ainsi que des motifs et conclusions du recours, la question de savoir si les conclusions du médecin interne à l’assurance sont mises en doute par les constatations du médecin traitant peut être traitée par le Tribunal fédéral sous deux angles différents: d’abord, du point de vue du droit, lorsqu’une violation des règles d’appréciation des preuves entre en ligne de compte. Mais aussi sous l’angle des faits, lorsqu’il s’agit d’examiner le résultat de l’appréciation concrète des documents médicaux par la juridiction cantonale, soit dans le cas d’espèce, l’absence de doutes des premiers juges quant à l’avis du médecin interne à l’assurance malgré les objections des médecins traitants.

En l’espèce, faute de doutes sur la pertinence des constatations du médecin interne à l’assurance, les premiers juges (AI 302/13 – 155/15) n’avaient pas à ordonner d’expertise judiciaire (ou à enjoindre à l’office intimé de mettre en œuvre une expertise auprès d’un médecin externe à l’assurance).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_548/2015 consultable ici : http://bit.ly/1Xr4Rbu

 

 

8C_860/2014 (f) du 11.03.2016 – proposé à la publication – Mode de calcul du montant de la rente d’invalidité – 36 LAI – 32 RAI – 29bis LAVS / Prise en compte de périodes de cotisations accomplies au Portugal – ALCP

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_860/2014 (f) du 11.03.2016, proposé à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/1TQWosX

 

Mode de calcul du montant de la rente d’invalidité – 36 LAI – 32 RAI – 29bis LAVS

Prise en compte de périodes de cotisations accomplies au Portugal – ALCP

 

Assuré né en 1952, de nationalité portugaise, ayant travaillé en Suisse depuis 1981. Depuis le 17.03.1989, il réside en Suisse de manière ininterrompue. Il a été mis au bénéfice d’une rente entière d’invalidité pour la période du 01.10.1997 au 30.04.1999, fondée sur un revenu annuel moyen de 75’978 fr., une durée de cotisations (accomplie en Suisse et au Portugal) de 22 années et 4 mois et l’échelle de rente 41.

Le 15.07.2008, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations d’invalidité. Octroi d’une demi-rente d’invalidité à compter du 01.01.2009. La rente était calculée en fonction d’un revenu annuel moyen déterminant de 57’564 fr., d’une durée de cotisations (accomplie en Suisse uniquement) de 22 années et 6 mois, entraînant l’application de l’échelle de rente 31.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1099/2014 – consultable ici : http://bit.ly/1OIfn7l)

Par jugement du 21.10.2014, la cour cantonale a admis le recours. Elle a annulé la décision attaquée et renvoyé la cause à l’office de l’assurance-invalidité « pour nouveau calcul du montant de la rente d’invalidité en tenant compte des périodes de cotisations accomplies au Portugal, puis nouvelle décision ».

 

TF

En l’espèce, le droit à la rente d’invalidité de l’assuré est né avant l’entrée en vigueur du règlement no 883/04. Ratione temporis, le présent cas doit donc être tranché à la lumière du règlement n° 1408/71, sous réserve des règles transitoires précitées pour la période postérieure au 31 mars 2012 (voir à ce sujet ARNO BOKELOH, Die Übergangsregelungen in den Verordnungen (EG) Nr. 883/04 und 987/09, ZESAR 2011 p. 18-23; BERNHARD SPIEGEL, in Europäisches Sozialrecht, 6 e éd. 2013, n° 17 p. 542 ad art. 87 et 87a; SUSANNE DERN, in VO (EG) Nr. 883/2004, 2012, n° 7 s. p. 384 ad art. 87).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral rendue sous le régime du règlement n° 1408/71, l’art. 20 ALCP n’exclut pas qu’un assuré soit mis au bénéfice d’une disposition plus favorable d’une convention bilatérale de sécurité sociale, pour autant qu’il ait exercé son droit à la libre circulation avant l’entrée en vigueur de l’ALCP (ATF 133 V 329 précité). Le travailleur qui a exercé son droit à la libre circulation ne doit pas être pénalisé du fait des règlements communautaires par rapport à la situation qui aurait été la sienne s’il avait été régi par la seule législation nationale. La jurisprudence européenne repose aussi sur l’idée que l’intéressé était en droit, au moment où il a exercé son droit à la libre circulation, d’avoir une confiance légitime dans le fait qu’il pourrait bénéficier des dispositions de la convention bilatérale (arrêts [de la CJCE] du 5 février 2002 C-277/99 Kaske, Rec. 2002 I-1261; du 9 novembre 2000 C-75/99 Thelen, Rec. 2000 I-9399; du 9 novembre 1995 C-475/93 Thévenon, Rec. 1995 I-3813; du 7 février 1991 C-227/89 Rönfeldt, Rec. 1991 I-323).

L’ATF 133 V 329 concernait le paiement d’un complément différentiel prévu par la Convention du 3 juillet 1975 de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la République française (RS 0.831.109.349.1), mais non par le droit communautaire. Ce complément était versé en cas de remplacement d’une rente d’invalidité de l’assurance-invalidité suisse (système de type A) par deux rentes de vieillesse, d’un montant total inférieur, versées l’une par la Suisse et l’autre par la France. Le complément différentiel visait à maintenir les droits garantis jusqu’alors par le versement de la rente d’invalidité suisse.

Contrairement à ce que voudraient l’office AI et l’OFAS, il ne se justifie pas de revenir sur la jurisprudence de cet arrêt ni d’en restreindre la portée à la situation spécifique (complément différentiel) visée par celui-ci.

Cela dit, le Tribunal fédéral a déjà répondu aux objections d’ordre pratique invoquées par l’OFAS (ATF 133 V 329 consid. 8.7 p. 342 s.). Certes, comme le souligne l’office, il n’est pas d’emblée évident que le calcul préconisé par les premiers juges soit plus favorable à l’assuré. Cela implique un calcul comparatif auquel ni l’administration ni la juridiction cantonale n’ont procédé en l’espèce. Il est nécessaire au préalable que l’organisme compétent selon la législation portugaise communique, sur demande de la caisse suisse, les périodes de cotisations et les périodes assimilées que l’intéressé a accomplies selon la législation portugaise et qui seraient prises en considération pour l’ouverture du droit et le calcul de la pension d’invalidité selon cette législation. Il importe aussi de connaître le montant de la rente qui serait allouée par le Portugal compte tenu des seules périodes accomplies dans ce pays.

En l’espèce, l’assuré a exercé son droit à la libre circulation avant l’entrée en vigueur de l’ALCP. C’est donc à bon droit que les premiers juges ont prescrit au recourant de tenir compte des périodes de cotisations accomplies au Portugal, étant précisé que cette solution ne sera applicable que si elle est plus favorable à l’assuré. Au besoin, le recourant tiendra compte de la réglementation transitoire.

 

Le TF rejette le recours de l’Office AI.

 

 

Arrêt 8C_860/2014 consultable ici : http://bit.ly/1TQWosX

 

 

9C_869/2015 (f) du 26.04.2016 – Limitations fonctionnelles pour une pathologie cervicale – Surdité et capacité de travail exigible – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_869/2015 (f) du 26.04.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Tpfzwy

 

Limitations fonctionnelles pour une pathologie cervicale – Surdité et capacité de travail exigible – 16 LPGA

 

TF

Les limitations fonctionnelles reconnues sur le plan physique (pas de travail en position fixe de la colonne cervicale, pas de port régulier de charges supérieures à 10 kilos, pas d’engagement physique lourd, possibilité de changements fréquents de position) constituent des mesures classiques d’épargne en vue d’éviter les douleurs provoquées par une pathologie cervicale.

Sur le plan personnel et professionnel, la mise en valeur de la capacité résiduelle de travail de l’assurée dans une activité adaptée apparaît également exigible. Âgée de 44 ans à la date de la décision litigieuse, elle n’avait pas encore atteint l’âge à partir duquel la jurisprudence considère généralement qu’il n’existe plus de possibilité réaliste de mise en valeur de la capacité résiduelle de travail sur un marché du travail supposé équilibré (ATF 138 V 457 consid. 3.1 p. 459; voir également arrêt 9C_918/2008 du 28 mai 2009 consid. 4.2.2).

Si les restrictions induites par ses limitations fonctionnelles et la gêne professionnelle et sociale induite par la surdité (surdité totale droite et de surdité de perception gauche de degré moyen à sévère) peuvent limiter dans une certaine mesure les possibilités de retrouver un emploi, on ne saurait considérer qu’ils rendent cette perspective illusoire. Il n’est par ailleurs pas arbitraire d’affirmer que le marché du travail offre un large éventail d’activités légères, dont on doit convenir qu’un nombre important sont adaptées aux limitations de l’assurée.

Au demeurant, la mesure de reclassement allouée par la juridiction cantonale permettra de cerner au mieux les compétences et capacités professionnelles de l’assurée.

 

 

 

Arrêt 9C_869/2015 consultable ici : http://bit.ly/1Tpfzwy

 

 

9C_547/2015 (f) du 22.04.2016 – Déni de justice – Retard injustifié nié par le TF / 29 al. 1 Cst. / Lenteur dans la mise en œuvre d’une expertise via la plateforme SuisseMED@P – 72bis RAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_547/2015 (f) du 22.04.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1NzCiXJ

 

Déni de justice – Retard injustifié nié par le TF / 29 al. 1 Cst.

Lenteur dans la mise en œuvre d’une expertise via la plateforme SuisseMED@P – 72bis RAI

 

Par jugement du 23.07.2013, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud a renvoyé la cause à l’administration afin qu’elle en complète l’instruction (en réalisant une expertise pluridisciplinaire) puis rende une nouvelle décision (jugement du 23 juillet 2013). Après avoir informé l’assuré par communication du 07.10.2013, le dossier a été inscrit sur la plateforme SuisseMED@P (système d’attribution aléatoire des mandats d’expertise) le 19.11.2013. L’administration n’a pas pu apporter de réponse aux demandes de l’intéressé (courriers des 03.12.2014 et 10.02.2015) portant sur la date à laquelle l’expertise pourrait être réalisée (correspondance du 13.02.2015).

 

Procédure cantonale (arrêt AI 68/15 – 188/2015 – consultable ici : http://bit.ly/23XZOPR)

Par jugement du 13.07.2015, rejet du recours pour déni de justice, dans la mesure où il était recevable, par le tribunal cantonal.

 

TF

Comme correctement mentionné par les premiers juges, le Tribunal fédéral a déjà pu s’exprimer sur la problématique des retards qui pouvaient survenir à l’occasion de la mise en œuvre  du système d’attribution aléatoire de mandats d’expertise pluridisciplinaire par le biais de la plateforme informatique SuisseMED@P exploitée par la conférence des offices AI (cf. arrêt 9C_140/2015 du 26 mai 2015). A cette occasion, il avait distingué les attributions respectives des offices AI – ou de l’OFAS – et des autorités judiciaires dans le fonctionnement de cette plateforme.

Le Tribunal fédéral avait constaté que, puisqu’il intervenait au stade de la réalisation des expertises multidisciplinaires permettant d’évaluer l’invalidité d’un assuré, le fonctionnement de la plateforme mentionnée relevait des attributions légales des offices AI (cf. art. 57 let f. LAI) et – partant – était l’un des éléments sur lesquels la Confédération exerçait un devoir général de surveillance (cf. art. 64 LAI). Le TF avait également relevé que ce devoir de surveillance avait été délégué au Département fédéral de l’intérieur qui en avait transféré une partie à l’OFAS afin que celui-ci s’en acquitte de façon indépendante (cf. art. 176 RAVS, qui est applicable par renvoi des art. 64 LAI et 72 RAVS). Le TF avait inféré de ces dispositions légales et règlementaires qu’il n’appartenait pas à une autorité judiciaire de s’exprimer, sous l’angle du déni de justice, sur les difficultés et les retards survenus dans le contexte de l’exécution d’une décision entrée en force de chose décidée (cf. arrêt 9C_72/2011 du 20 juin 2011 consid. 2.2 et 2.3), mais qu’il revenait à l’OFAS d’intervenir – à la suite de dénonciations, éventuellement – en exerçant son contrôle sur l’exécution par les offices AI des tâches énumérées à l’art. 57 LAI (cf. art. 64a al. 1 let. a LAI) et en édictant à l’intention desdits offices des directives générales ou portant sur des cas d’espèce (cf. art. 64a al. 1 let. b LAI et 50 al. 1 RAI; cf. consid. 5.2.1 de l’arrêt 9C_140/2015 du 26 mai 2015). Le TF avait enfin considéré que les autorités judiciaires devaient toutefois examiner l’influence du retard pris dans l’exécution de la décision visant la réalisation d’une expertise sur l’ensemble de la procédure et déterminer si le temps écoulé faisait apparaître l’absence de décision finale comme un retard injustifié (cf. consid. 5.2.2 de l’arrêt 9C_140/2015 du 26 mai 2015).

En l’espèce, le premier grief visant à imputer la responsabilité du retard dans la réalisation de l’expertise à l’administration au motif que celle-ci n’aurait pas conclu suffisamment de conventions avec des centres d’expertise ne lui est d’aucune utilité dès lors que ces conventions doivent être conclues entre les centres d’expertise et l’OFAS, et non les offices AI (cf. art. 72bis al. 1 RAI). Le nombre insuffisant de conventions peut être une des causes de dysfonctionnement du système d’attribution des mandats d’expertise par le biais de la plateforme SuisseMED@P, ce qui ne relève pas de la compétence des tribunaux au regard de ce qui précède.

Le second grief de l’assuré a trait de déterminer si eu égard à l’ensemble de la procédure, le retard pris dans la concrétisation de l’expertise faisait apparaître le défaut de décision finale comme un retard pouvant être qualifié d’injustifié.

Le caractère raisonnable de la durée de la procédure doit s’apprécier en fonction des circonstances particulières de la cause (cf. ATF 125 V 188 consid. 2a p. 191 s.). Les seize mois passés depuis l’enregistrement du dossier dans le système SuisseMED@AP le 19.11.2013 jusqu’au dépôt par l’assuré d’un recours pour déni de justice le 18.03.2015 peuvent certes paraître longs pour l’étape de la désignation des experts. Cependant, la durée de la procédure dans son ensemble ne peut être qualifiée de déraisonnable étant donné les circonstances particulières de la cause. En effet, le complément d’instruction ordonné par la juridiction cantonale le 23.07.2013 s’inscrit dans les suites de l’ATF 137 V 210 qui a introduit le principe du hasard dans l’attribution des mandats d’expertise. La mise en œuvre d’un tel système au moyen d’une plateforme informatique engendre forcément des ajustements et des délais auxquels s’ajoutent concrètement les difficultés liées aux spécificités de l’expertise (cinq disciplines visant à évaluer l’impact du cumul des pathologies diagnostiquées).

Dans ces circonstances, les seize mois de retard pris dans l’exécution de la décision ne font pas encore apparaître le défaut de décision finale comme un retard injustifié. Le TF précise toutefois que ces seize mois de retard mettent en évidence une situation insatisfaisante, voire un dysfonctionnement, qui, s’il perdurait, serait éventuellement susceptible de causer un retard injustifié.

Enfin, le TF mentionne que situation dans laquelle se trouve l’assuré est insatisfaisante et difficilement compréhensible pour un justiciable. Elle laisse supposer que la plateforme SuisseMED@P ne fonctionne pas, ou pas correctement, du moins dans certaines circonstances telles que la réalisation d’une expertise regroupant plusieurs disciplines choisies de manière contraignante par l’administration. L’hypothèse qu’aucun centre d’expertise ne réunisse les compétences requises – et, par conséquent, l’impossibilité de réaliser l’expertise ordonnée – est plausible. Ce dysfonctionnement est du ressort de l’OFAS.

Le TF transmet le dossier à l’OFAS afin qu’il assume son rôle d’autorité de surveillance en identifiant les causes du problème et en indiquant au moyen d’une directive générale ou portant sur le cas d’espèce comment les solutionner. Cela se justifie d’autant plus que l’office AI a inscrit l’expertise sur la plateforme SuisseMED@P en date du 19.11.2013 et que, depuis le 01.01.2015, prévaut le principe « premier entré, premier sorti ». Ceci fait, l’OFAS transférera le dossier à l’office AI pour que celui-ci reprenne le traitement du dossier.

 

 

Arrêt 9C_547/2015 consultable ici : http://bit.ly/1NzCiXJ

 

 

9C_603/2015 (f) du 25.04.2016 – Evaluation de l’invalidité – marché équilibré du travail – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_603/2015 (f) du 25.04.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Ok0b5s

 

Evaluation de l’invalidité – marché équilibré du travail – 16 LPGA

Observations lors d’un stage COPAI vs constatations cliniques par lors d’une expertise pluridisciplinaire

 

Capacité de travail exigible

Le TF rappelle que l’évaluation de l’invalidité s’effectue à l’aune d’un marché équilibré du travail. Cette notion, théorique et abstraite, sert de critère de distinction entre les cas relevant de l’assurance-chômage ou de l’assurance-invalidité. Elle présuppose un équilibre entre l’offre et la demande de main d’œuvre d’une part et un marché du travail structuré (permettant d’offrir un éventail d’emplois diversifiés, tant au regard des sollicitations intellectuelles que physiques) d’autre part (ATF 110 V 273 consid. 4b p. 276). Le caractère irréaliste des possibilités de travail doit alors découler de l’atteinte à la santé – puisqu’une telle atteinte est indispensable à la reconnaissance de l’invalidité (art. 7 et 8 LPGA) – et non de facteurs psychosociaux ou socioculturels qui sont étrangers à la définition juridique de l’invalidité (arrêt 9C_286/2015 du 12 janvier 2016 consid. 4.2 et les références).

S’agissant des facteurs étrangers à l’invalidité (observés lors du stage au COPAI dans le cas d’espèce), telles les difficultés d’expression et de compréhension de la langue française, la scolarité, la formation professionnelle, la structuration spatiale en 2 et 3 dimensions et les connaissances informatiques limitées de l’assuré, il n’y a pas lieu d’en tenir compte.

Les doutes quant aux effets des limitations physiques supplémentaires observées par les maîtres socioprofessionnels ont été levés par les médecins-experts. Ces derniers ont souligné que les éléments mis en avant par le COPAI n’étaient pas appréciés lors d’un examen médical (hormis les limitations de la mobilité des membres supérieurs qui avaient déjà été notées dans l’expertise) et qu’ils n’étaient donc pas étonnés que le résultat du stage puisse être différent des conclusions de l’expertise. Sur un plan médico-théorique, ils ne partageaient cependant pas l’appréciation des auteurs du rapport du COPAI.

Au contraire, les médecins ont relevé que l’insuffisance des capacités d’apprentissage observée lors du stage n’était pas en relation avec le diagnostic psychiatrique, que la diminution du tonus intellectuel était surprenante et que l’état psychique observé en 2010 n’expliquait pas le fait que l’assuré ne pouvait être qu’un simple exécutant de consignes élémentaires. La presbytie ne saurait constituer un élément significatif dans l’examen de son droit à une rente de l’assurance-invalidité.

En justifiant son point de vue, selon lequel l’assuré était totalement incapable de travailler, quelle que soit l’activité envisagée, essentiellement par les constatations des maîtres socioprofessionnels du COPAI, lesquelles étaient dépourvues d’une assise suffisante sur un plan médico-théorique et reposaient en partie sur des limitations remises en cause par les médecins-experts, et en s’écartant de la pleine capacité de travail (avec une baisse de rendement de 20%) attestée par les experts, la juridiction cantonale a violé le droit fédéral.

Dans la mesure où il en va de l’évaluation de l’exigibilité d’une activité professionnelle adaptée sur le marché équilibré du travail, il y a cependant lieu de s’écarter d’une appréciation qui nierait une telle exigibilité avant tout par des facteurs psychosociaux ou socioculturels, qui sont étrangers à la définition juridique de l’invalidité (art. 16 LPGA). Si les limitations fonctionnelles de l’assuré sont certes importantes, elles représentent des mesures relativement classiques d’épargne en vue d’éviter des douleurs à la nuque. Des tâches simples de surveillance derrière un écran ou de contrôle apparaissent concrètement exigibles à condition que l’assuré puisse interrompre régulièrement son activité et marcher pendant deux à trois minutes afin de soulager ses douleurs cervicales ou des points de tension. La diminution de rendement de 20% arrêtée d’un point de vue médico-théorique apparaît conforme à la situation.

 

Revenu d’invalide

Pour fixer le revenu d’invalide de l’assuré, il convient de se fonder, conformément à la jurisprudence (ATF 129 V 472 consid. 4.2.1 p. 475), sur les données économiques statistiques. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé, la jurisprudence admet la référence au groupe des tableaux « A », correspondant aux salaires bruts standardisés, de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (arrêt I 194/06 du 28 septembre 2006 consid. 2.1 et la référence). La valeur statistique – médiane – s’applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu’elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu’ils seraient en mesure de réaliser en tant qu’invalides dès lors qu’il recouvre un large éventail d’activités variées et non qualifiées (branche d’activités), n’impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (cf. arrêt 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3).

Eu égard à l’activité de substitution que l’assuré pourrait exercer dans une activité légère et adaptée, le salaire de référence est celui auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activités simples et répétitives (niveau de qualification 4) dans le secteur privé, en 2010, soit 4’901 fr. par mois (Enquête suisse sur la structure des salaires 2010, p. 26, TA1, ligne totale, niveau de qualification 4). Comme les salaires bruts standardisés tiennent compte d’un horaire de travail de quarante heures, soit une durée hebdomadaire inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises en 2010 (41,6 heures; La Vie économique, 11/2011, p. 94, B 9.2), ce montant doit être porté à 5’097 fr. par mois ou 61’164 fr. par an. Compte tenu d’une diminution de rendement de 20%, laquelle ne justifie pas d’appliquer un abattement au salaire statistique (arrêt 9C_359/2014 du 5 septembre 2014 consid. 5.4 et les références), et d’un abattement de 10% sur le salaire statistique (cf. arrêt de la Cour de justice du 4 juin 2013), on obtient un revenu d’invalide de 44’038 fr. par an.

  

Arrêt 9C_603/2015 consultable ici : http://bit.ly/1Ok0b5s