Archives par mot-clé : Assurance-invalidité (AI)

AI : Revoir le remboursement de services fournis par des tiers

AI : Revoir le remboursement de services fournis par des tiers

 

Communiqué de presse du Parlement du 02.03.2022 consultable ici

 

Le remboursement de services fournis par des tiers à des personnes atteintes de handicap dans le cadre de leur travail devrait être modifié. Le Conseil des Etats a tacitement transmis mercredi une motion du National. L’idée est d’encourager l’intégration au marché du travail.

L’assurance invalidité (AI) aide les handicapés en leur garantissant des moyens auxiliaires. Certaines prestations sont fournies par des tiers. Par exemple, les sourds ont besoin des services d’interprètes en langue des signes, les malentendants, de retranscripteurs, les aveugles, de services de lecture à voix haute.

Aujourd’hui, la loi prévoit le remboursement mensuel d’au maximum une fois et demie le montant minimal de la rente ordinaire de vieillesse. Mais ce système empêche les personnes concernées de compenser les mois où elles travaillent plus avec les mois où elles travaillent moins.

Les contributions ne peuvent en effet pas être reportées au-delà du mois. Les personnes concernées doivent faire face à des restrictions dans leur travail quotidien, a déclaré Maya Graf (Vert-e-s/BL) au nom de la commission.

 

Décompte annuel

La motion propose donc de passer d’un système de décompte mensuel à un modèle annuel. Cela permettrait aux personnes de planifier elles-mêmes les moyens à leur disposition, de s’adapter aux aspects fluctuants du monde du travail et d’anticiper les variations de la charge de travail. « Cela renforcerait leur autonomie et leur indépendance », a-t-elle ajouté.

La modification proposée permettrait une utilisation plus efficace et plus ciblée des moyens existants, tout en garantissant une meilleure aide aux ayants droit.

Le ministre de la santé Alain Berset a rassuré: l’assouplissement demandé pourrait coûter jusqu’à 350’000 francs de plus. « Mais dans la réalité on peut s’attendre à des coûts supplémentaires bien inférieurs. »

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 02.03.2022 consultable ici

 

9C_523/2021 (f) du 11.11.2021 – Renvoi d’une cause à l’office AI pour instruction complémentaire – Décision incidente – Pas de préjudice irréparable – 93 LTF

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_523/2021 (f) du 11.11.2021

 

Consultable ici

 

Renvoi d’une cause à l’office AI pour instruction complémentaire – Décision incidente – Pas de préjudice irréparable / 93 LTF

 

L’office AI a alloué à l’assuré une rente entière d’invalidité pour une période limitée (01.10.2017-30.11.2018) et, malgré son âge (soixante-trois ans), a nié son droit à des mesures de réadaptation.

 

Procédure cantonale

L’assuré a déféré cette décision au Tribunal cantonal.

La cour cantonale a considéré que les pièces médicales récoltées permettaient de statuer sur le droit à la rente mais que les motifs avancés pour nier le droit à des mesures de réadaptation n’étaient pas pertinents.

Par jugement du 23.08.2021, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision litigieuse et renvoyant la cause à l’office pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

 

TF

Par la voie d’un recours en matière de droit public, l’office AI requiert l’annulation de l’arrêt du 23.08.2021 (en tant qu’il porte sur le droit à des mesures de réadaptation) et conclut à la confirmation de sa décision.

L’office AI soutient à titre préliminaire que son écriture contre l’arrêt de renvoi est recevable, dès lors que la juridiction cantonale lui impose de procéder à un examen auquel il a déjà procédé de manière conforme au droit, ce qui lui causerait un préjudice irréparable et entraînerait un allongement inutile de la procédure d’instruction ainsi que la poursuite du versement d’une rente indue.

Selon l’art. 93 al. 1 LTF, les décisions préjudicielles et incidentes (autres que celles visées à l’art. 92 LTF) notifiées séparément peuvent faire l’objet d’un recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable (let. a) ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b). Un préjudice irréparable, au sens de l’art. 93 al. 1 let. a LTF, est un dommage de nature juridique qui ne peut être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable au recourant (ATF 134 III 188 consid. 2.1 et les références),

Le renvoi d’une cause à l’administration lui cause un dommage irréparable si la décision de renvoi comporte des instructions contraignantes sur la façon dont elle devra trancher certains aspects du rapport litigieux, restreignant de ce fait sa latitude de jugement de manière importante (ATF 145 V 266 consid. 1.3; 145 I 239 consid. 3.3).

Contrairement à ce que semble soutenir l’office AI, l’acte attaqué ne le prive pas de toute latitude de jugement mais lui impose seulement de réexaminer le droit de l’assuré à d’éventuelles mesures de réadaptation sous un autre angle que celui adopté et de rendre une nouvelle décision, dans laquelle il restera libre d’admettre ou de nier le droit de l’assuré auxdites mesures.

L’office AI ne subit dès lors aucun préjudice irréparable de ce fait (arrêt 9C_898/2007 consid. 2.1 déjà cité).

Le fait d’être exposé au paiement d’une somme d’argent n’entraîne par ailleurs, en principe, aucun préjudice irréparable (ATF 138 III 333 consid. 1.3.1 et la référence).

De surcroît, l’éventuelle admission du recours ne peut en l’espèce pas conduire immédiatement à une décision finale permettant d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF). En effet, un dommage de pur fait, comme la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n’est pas suffisant (ATF 139 V 99 consid. 2.4). Contrairement à ce que soutient l’office AI, le renvoi de la cause à l’administration pour qu’elle en complète l’instruction et rende une nouvelle décision ne se confond pas avec une telle procédure (ATF 139 V 99 consid. 2.4; 133 V 477 consid. 5.2.2),

Les conditions de l’art. 93 al. 1 LTF ne sont donc pas réalisées, de sorte que le recours doit être déclaré irrecevable.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_523/2021 consultable ici

 

 

9C_354/2021 (d) du 03.11.2021 – Revenu sans invalidité sur la base de la dernière activité et non selon ESS / Revenu d’invalide selon ESS – niveau de compétences 4

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_354/2021 (d) du 03.11.2021

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Revenu sans invalidité sur la base de la dernière activité et non selon ESS

Revenu d’invalide selon ESS – niveau de compétences 4

 

Assuré, né en 1967, a travaillé du 01.07.2011 au 30.04.2016 (licenciement par l’employeur) en tant qu’informaticien de gestion senior. En avril 2016, il a déposé une demande de prestations AI, en raison d’une dépression accompagnée de troubles psychosomatiques. L’office AI a accordé à l’assuré un quart de rente d’invalidité dès le 01.09.2018 sur la base d’un taux d’invalidité de 40%.

 

Procédure cantonale (arrêt IV.2020.00680 – consultable ici)

La cour cantonale a constaté qu’il peut être exigé de l’assuré qu’il exerce depuis mi-2016, à raison d’un taux d’occupation de 60%, respectivement de 100% en cas de limitation des prestations de 40%, aussi bien son activité habituelle qu’une activité adaptée à son état de santé.

L’instance précédente a renoncé à déterminer précisément le revenu de valide et le revenu d’invalide au motif que les deux valeurs comparatives devaient être calculées sur la base du même salaire statistique, le degré d’invalidité correspondant ainsi au degré d’incapacité de travail. Etant donné que l’on peut raisonnablement exiger de l’assuré qu’il exerce à plein temps aussi bien son activité habituelle qu’une activité adaptée avec un rendement de 60%, il en résulte un degré d’invalidité de 40%.

Par jugement du 12.05.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Revenu sans invalidité (consid. 5)

Il ressort du dossier que l’assuré a été en incapacité de travail totale en raison de troubles psychiques à partir du 05.10.2015, soit durant son emploi d’informaticien de gestion senior, poste qu’il occupait depuis le 01.07.2011. En décembre 2015, il a fait une tentative reprise de travail à 20%, qui a toutefois échoué (dernier jour de travail : 12.01.2016). Fin avril 2016, l’employeur a résilié le contrat de travail. Aucun élément du dossier ne permet de conclure, et l’office AI ne fait pas non plus valoir, que l’assuré n’aurait probablement pas poursuivi, en cas de maladie, l’activité qu’il exerce depuis des années en tant qu’informaticien de gestion senior. Il faut donc partir de l’hypothèse d’une carrière sans invalidité (de valide) auprès de cet employeur.

Dans ces circonstances, il est indiqué de se baser sur le dernier salaire perçu par l’assuré auprès de son dernier employeur pour déterminer le revenu sans invalidité. Selon le relevé de du compte individuel, celui-ci s’élevait en moyenne à 181’198 fr. par an entre le 01.07.2011 et le 31.12.2015 (2011 [6 mois] : CHF 89’631.- ; 2012 : CHF 187’179.- ; 2013 : CHF 196’050.-, 2014 : CHF 185’570.-, 2015 : CHF 156’961.-), ce qui, adapté au renchérissement intervenu depuis lors, donne pour l’année de référence 2016 (0,5%) un revenu de CHF 182’104.

 

Revenu d’invalide (consid. 6.2)

On peut se référer à la valeur indiquée dans le tableau T1_tirage_skill_level de l’ESS 2016 pour les hommes travaillant dans le niveau de compétences le plus élevé (c.-à-d. le niveau de compétences 4). Contrairement à l’avis exprimé dans le recours, ce n’est toutefois pas le salaire moyen de 9524 francs qui est pertinent, car il se base sur l’ensemble du secteur des services (ch. 45-96). Le salaire moyen de 9615 francs calculé pour le secteur de l’information et de la communication (ch. 58-63) est beaucoup plus spécifique à la situation professionnelle de l’assuré et donc déterminant. En tenant compte d’un temps de travail de 41,7 heures usuel dans la branche, cette valeur correspond, pour l’année de référence 2016, à un revenu de 120’283.65 francs pour un temps plein (9615 francs : 40 x 41,7 x 12), ce qui donne un revenu d’invalide de 72’170.20 francs pour un pensum de 60%, comme on peut raisonnablement l’exiger de l’assuré.

 

La comparaison des deux revenus (revenu sans invalidité : CHF 182’104 ; revenu d’invalide : CHF 72’170.20) aboutit à un taux d’invalidité de 60,37% resp. 60% (arrondi), ce qui donne droit à trois-quarts de rente. Le jugement attaqué, qui confirme le quart de rente octroyé par l’office AI, viole le droit fédéral et doit être annulé.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_354/2021 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 9C_354/2021 (d) du 03.11.2021, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/02/9c_354-2021)

9C_239/2021 (f) du 14.12.2021 – Valeur probante du rapport d’expertise – 44 LPGA / Assuré de plus de 55 ans – Exigibilité sans examen préalable de mesures de réadaptation

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_239/2021 (f) du 14.12.2021

 

Consultable ici

 

Valeur probante du rapport d’expertise / 44 LPGA

Assuré de plus de 55 ans – Exigibilité sans examen préalable de mesures de réadaptation

 

1e demande AI le 15.05.1987 : assuré, manœuvre, présentant les séquelles incapacitantes d’une fracture-luxation du coude gauche. Les mesures de réadaptation mises en œuvre durant la procédure ayant permis à l’assuré de retrouver un emploi qui excluait le versement d’une rente d’invalidité, le dossier a été classé le 13.10.1992.

2e demande le 05.06.2008 : considérant que les suites de deux opérations réalisées à cause d’une rechute de l’atteinte au coude gauche n’empêchaient pas l’exercice, à plein temps mais avec diminution de rendement de 20%, d’une activité adaptée qui excluait le droit à la rente, l’office AI a rejeté la nouvelle requête de prestations (décision du 12.02.2009, confirmée tant au niveau cantonal que fédéral [arrêt 9C_467/2012 du 25.02.2013]).

3e demande le 07.11.2016 : se fondant essentiellement sur une expertise pluridisciplinaire réalisée (rapport du 15.01.2019), dont les auteurs avaient pris position sur les critiques émises par les médecins traitants, l’administration a à nouveau nié le droit de l’intéressé à une rente d’invalidité (décision du 22.11.2019).

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2020 8 – consultable ici)

Par jugement du 22.02.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Valeur probante du rapport d’expertise

Pour reconnaître valeur probante à l’expertise administrative, la juridiction cantonale s’est fondée en tout point sur les exigences tirées de la jurisprudence en la matière. Pour le reste, elle a expliqué de manière convaincante les raisons pour lesquelles elle faisait siennes les conclusions de l’expertise (à savoir, le fait que l’expert psychiatre a expliqué d’une façon circonstanciée pourquoi il excluait les diagnostics retenus par le psychiatre traitant, que l’avis de ce dernier était succinct et peu motivé, que l’expert, spécialiste en chirurgie orthopédique, avait également détaillé les raisons pour lesquelles il se distançait de l’avis des médecins traitants au sujet des seules questions controversées quant à l’exigibilité d’une activité adaptée ou à l’existence d’une détérioration de la situation et que tous les médecins consultés s’entendaient pour attester une capacité résiduelle de travail).

Or l’assuré se contente de présenter sa propre version des faits qui s’écarte ou complète celle constatée dans l’arrêt attaqué sans démontrer qu’elle serait manifestement inexacte ou arbitraire. Cette façon d’argumenter ne remplit pas les exigences de motivation dès lors que fait défaut une critique circonstanciée de l’appréciation de la juridiction cantonale (cf. ATF 145 V 188 consid. 2 et les références), dont il n’y a pas lieu de s’écarter.

 

Assuré de plus de 55 ans – Examen préalable de mesures de réadaptation

L’assuré fait enfin grief à la juridiction de première instance de ne pas avoir mis œuvre des mesures de réadaptation en raison de son âge (56 ans) à l’époque de la décision litigieuse et de son incapacité de travailler depuis plusieurs années.

Cette argumentation n’est pas fondée. L’assuré omet effectivement de prendre en compte que la jurisprudence citée à l’appui de son grief (cf. l’arrêt 9C_276/2020 du 18 décembre 2020) implique nécessairement la réduction ou la suppression d’une rente d’invalidité ou bien l’allocation d’une rente échelonnée et/ou limitée dans le temps (cf. ATF 145 V 209 consid. 5), ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_239/2021 consultable ici

 

 

8C_627/2021 (d) du 25.11.2021 – Abattement sur le revenu d’invalide fixé selon l’ESS

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_627/2021 (d) du 25.11.2021

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Revenu d’invalide – Capacité de travail entière avec baisse de rendement de 30% (CT exigible : 70%)

Abattement sur le revenu d’invalide fixé selon l’ESS / 16 LPGA

Pas d’abattement en raison de l’âge (même si cotisations LPP plus élevées) ni pour les difficultés linguistiques et analphabétisme

 

Assuré, né en 1964, a été employé en dernier lieu du 01.10.2010 au 05.09.2017 en tant qu’ouvrier du bâtiment. Son dernier jour de travail a été le 09.07.2015. Le 15.07.2015, il a subi une décompression microchirurgicale du disque L5/S1 gauche. Le 05.11.2015, l’assuré a déposé une demande AI. D’autres opérations du dos ont eu lieu les 14.03.2016 et 14.09.2016. L’office AI a accordé à l’assuré une rente entière d’invalidité du 01.07.2016 au 30.09.2017 et une demi-rente d’invalidité du 01.10.2017 au 31.12.2018.

 

Procédure cantonale (arrêt IV.2021.00339 – consultable ici)

Par jugement du 08.10.2020, le tribunal cantonal a partiellement admis le recours de l’assuré, réformant la décision en ce sens que le droit de l’assuré à une rente entière du 01.07.2016 au 30.09.2017, un trois-quarts de rente du 01.10.2017 au 31.12.2018 et un quart de rente à partir du 01.01.2019 lui est reconnu (dispositif ch. 1).

Le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours formé par l’assuré contre cette décision. Il a annulé le chiffre 1 du dispositif du jugement cantonal dans la mesure où il concernait le droit à un quart de rente à partir du 01.01.2019. Il a renvoyé l’affaire à la juridiction cantonale pour nouvelle décision (arrêt 8C_761/2020 du 29 avril 2021).

Par jugement du 29.06.2021, le tribunal cantonal a confirmé le ch. 1 du dispositif de son jugement du 08.10.2020. Sur le plan médical, l’instance cantonale a considéré en substance que les rapports du médecin du SMR, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie, avaient valeur de preuve. Le médecin du SMR a démontré de manière compréhensible que l’assuré n’était plus capable de travailler dans son activité habituelle d’ouvrier du bâtiment et que l’assuré avait une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée à partir du 28.06.2017 et à 70% dès le 17.09.2018 (présence toute la journée avec rendement réduit de 30% en raison d’un besoin accru de pauses).

 

TF

Sur la base de l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral 8C_761/2020 du 29.04.2021 (ci-après : arrêt de renvoi), il est établi, sur la base du rapport du médecin du SMR, que l’assuré est capable de travailler à 70% dans des activités légères adaptées à son état de santé, avec une présence toute la journée (rendement réduit de 30% en raison d’un besoin accru de pauses) (sur le caractère contraignant des arrêts de renvoi du Tribunal fédéral, cf. ATF 135 III 334 consid. 2 ; 117 V 237 consid. 2a ; cf. également arrêt 8C_530/2019 du 20 novembre 2019 consid. 4). En outre, selon l’arrêt de renvoi, le revenu d’invalide doit être calculé sur la base du tableau TA1 de l’ESS 2016, valeur centrale des salaires mensuels bruts des hommes dans le domaine « Total » du secteur privé, niveau de compétences 1. Le revenu raisonnablement exigible est ainsi de 46’762 francs par an (taux d’occupation de 70%).

Selon l’arrêt de renvoi, l’instance cantonale devait uniquement juger si un abattement devait être effectuée sur ce revenu de 46 762 francs, conformément à l’ATF 126 V 75.

Consid. 5.2

Il est peut-être vrai que les travailleurs avec un rendement réduit utilisent l’infrastructure de l’employeur de manière plus inefficace et donc plus coûteuse que les travailleurs ayant un rendement illimité. Toutefois, il n’existe pas d’indices suffisants pour que cet effet ne soit pas compensé par les avantages de la présence du travailleur toute la journée (cf. arrêt 8C_211/2018 du 8 mai 2018 consid. 4.4 et les références). Il n’y a pas de raison apparente de déroger à cette règle (à ce sujet, cf. ATF 145 V 304 consid. 4.4).

 

Consid. 6.2

L’assuré fait valoir que les charges salariales plus élevées pour les cotisations patronales de prévoyance professionnelle ne sont pas prises en compte dans le salaire médian de l’ESS et que ce désavantage ne peut pas être compensé par des ressources, des compétences et/ou des capacités supérieures à la moyenne. Au contraire, l’assuré ne pourrait offrir sur le marché que des prestations inférieures à la moyenne. Un employeur aurait pour lui, par rapport à un jeune qui débute, des coûts supérieurs de plus de 6% rien que pour les cotisations LPP.

Selon le TF : Le seul fait qu’il y ait des charges salariales plus élevées et une durée d’activité plus courte ne justifie pas une déduction en raison du facteur « âge », car cela vaut pour tous les travailleurs et ne tient pas compte du cas particulier. En l’absence de bases statistiques fiables montrant les désavantages salariaux de l’âge avancé en cas de perte d’emploi, il n’est entre-temps pas possible d’en juger de manière générale et abstraite (arrêt 8C_841/2017 du 14 mai 2018 consid. 5.2.2.3).

 

Consid. 6.3

L’instance cantonale a considéré, eu égard à l’âge de l’assuré, qu’il avait travaillé pendant de nombreuses années comme ouvrier du bâtiment et qu’il avait également de l’expérience dans d’autres branches (service, cuisine, agriculture). Il pourrait profiter de sa longue expérience sur le marché du travail équilibré, d’autant plus qu’il dispose d’un très bon certificat de travail de son dernier employeur. Rien n’indique que sa capacité d’adaptation et d’apprentissage soit altérée. De même, au vu de son parcours professionnel réussi, rien n’indiquerait que ses capacités de négociation seraient limitées et qu’il serait concrètement désavantagé dans sa recherche d’emploi par rapport à d’autres candidats.

Selon le TF (consid. 6.3.2) : L’argument selon lequel ses activités antérieures dans le service, la cuisine et l’agriculture remontent à trop longtemps et ne peuvent plus être exigées de lui en raison de son état de santé n’est pas pertinent. En effet, cela ne change rien au fait que, selon la constatation des juges cantonaux qui n’est pas manifestement erronée, il dispose d’une longue expérience professionnelle dont il peut profiter sur un marché du travail équilibré. En particulier, il dispose d’une longue familiarité avec les postes de travail en Suisse depuis les années 1983 à 2000 et depuis janvier 2003 jusqu’à son dernier jour de travail le 09.07.2015. L’assuré ne fait pas valoir que son revenu en Suisse avant la survenance de l’invalidité ne correspondait pas aux revenus usuels de la branche ou qu’il était inférieur à la moyenne (cf. aussi ATF 146 V 16 consid. 6.2.3 et consid. 7.2.2). Il n’y a pas non plus de raison de supposer qu’il aurait été désavantagé sur le plan salarial dans une activité lucrative légère adaptée à son état de santé.

 

Consid. 7

L’assuré objecte en outre qu’après plus de 31 ans d’activité professionnelle en Suisse, il ne parle pas l’allemand. Cela le pénalise par rapport à ses concurrents sur le marché du travail, et ce aussi bien en ce qui concerne la communication et l’employabilité dans l’entreprise que la capacité de négociation. L’office AI n’aurait même pas pu lui proposer un placement, faute de connaissances linguistiques. Pour la recherche d’un emploi, il a dû faire appel à un prestataire de services qu’il a lui-même payé. L’analphabétisme va bien au-delà du manque de connaissances linguistiques et écrites. Il n’entre donc pas en ligne de compte pour des tâches de bureau et des fonctions de surveillance.

Selon le TF (consid. 7.2) : Au vu de l’activité lucrative que l’on peut raisonnablement attendre de l’assuré dans le niveau de compétence le plus bas, à savoir le niveau 1, il n’est pas possible de justifier dans la pratique un abattement sur le revenu statistique en raison de difficultés linguistiques ou d’analphabétisme (arrêts 8C_151/2020 du 15 juillet 2020 consid. 6.3.4 et 8C_328/2011 du 7 décembre 2011 consid. 10.2). Compte tenu également des activités professionnelles qu’il exerce depuis de nombreuses années en Suisse, on ne voit pas pourquoi l’assuré ne serait pas en mesure d’exercer des activités physiques légères ne nécessitant pas de connaissances linguistiques ou scolaires particulières (cf. consid. 6.3 ci-dessus ; arrêt 8C_370/2020 du 15 octobre 2020 consid. 11.2.2.1).

Le fait que la recherche d’emploi de l’assuré est rendue plus difficile pour des raisons linguistiques est, d’une part, étranger à l’invalidité et, d’autre part, sans pertinence dans le cadre de la question de l’abattement.

 

En conclusion, le TF confirme l’absence d’abattement et rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_627/2021 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 8C_627/2021 (d) du 25.11.2021 – Abattement sur le revenu d’invalide fixé selon l’ESS, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/02/8c_627-2021)

Centre de déclaration au sujet des expertises de l’AI : Graves défauts de qualité des expertises médicales

Centre de déclaration au sujet des expertises de l’AI : Graves défauts de qualité des expertises médicales

 

Communiqué de presse d’Inclusion Handicap du 26.01.2022 consultable ici

 

Il ressort d’une évaluation du Centre de déclaration en matière d’expertises de l’AI que certains instituts d’expertise et expert-e-s maintes fois cités n’ont pas respecté certaines conditions de base essentielles à l’établissement d’une expertise. La grande majorité des personnes concernées fait état d’un mauvais climat lors de l’entretien, du désintérêt à leur égard et de manquements dans le déroulement de l’entretien. Par conséquent, l’association faîtière des organisations de personnes handicapées demande à la commission d’assurance qualité, qui fait office d’organe de surveillance, ainsi qu’aux responsables au sein de l’AI d’analyser la collaboration avec les instituts d’expertise et les expert-e-s qui ne respectent pas les standards de qualité minimaux.

Les expertises médicales jouent un rôle déterminant dans l’évaluation de la capacité de travail des personnes en situation de handicap et donc aussi de leurs droits à une rente de l’AI. C’est pourquoi il est d’une très haute importance que le processus d’expertise soit équitable. Or, l’évaluation des déclarations faites par des personnes assurées entre fin février 2020 et fin octobre 2021 met en évidence de graves défauts de qualité de la part de certains instituts d’expertises et expert-e-s épinglés par un grand nombre de personnes assurées. 74% des personnes concernées qualifient le climat durant l’entretien de très mauvais ou mauvais. 87% d’entre elles signalent même que les expert-e-s ne se sont aucunement ou quasiment pas intéressés à leur atteinte à la santé, leur handicap ou toute autre limitation de leurs capacités. Dans un mauvais climat lors de l’entretien, sans intérêt manifesté à l’égard de la personne examinée et avec des manquements dans le déroulement de l’entretien, il n’est en effet pas possible d’établir des expertises qui soient d’une qualité suffisante.

 

Nouvelles dispositions de l’AI certes importantes, mais insuffisantes à elles seules

Les nouvelles réglementations des expertises médicales, p. ex. l’amélioration de la transparence par l’enregistrement sonore de l’entretien d’expertise, doivent être saluées. « Les nouveautés applicables depuis le 1.1.2022 n’améliorent toutefois pas à elles seules la situation de l’ensemble des personnes assurées », dit Petra Kern, cheffe du Département Assurances sociales chez Inclusion Handicap. « Les instituts d’expertise et les expert-e-s douteux sont connus de tous. Il convient donc d’analyser la collaboration avec eux. Les cas basés sur leurs expertises doivent être passés au crible et le droit à la rente des personnes concernées est à réexaminer. » Inclusion Handicap s’engage afin que la commission d’assurance qualité des expertises médicales, qui vient d’être créée, définisse les critères et processus d’expertise de sorte à faciliter l’éviction des expertises d’une qualité insuffisante.

 

Soutien aux personnes concernées lors de l’attribution des expertises AI

Les expertises sont trop souvent attribuées et rédigées dans le but qu’il n’en résulte si possible aucune rente AI. Selon la nouvelle réglementation applicable depuis le 1.1.2022, les expertises monodisciplinaires de l’AI ne donnent lieu à une procédure de conciliation que si la personne se prononce activement contre l’expert-e désigné-e par l’AI. Or, cela ne change malheureusement pas grand-chose au fait que certains offices AI attribuent les mandats d’expertise de façon volontairement axée sur le résultat. Il est d’autant plus important que les personnes assurées aient le moyen d’éviter les expert-e-s peu sérieux. À cette fin, Inclusion Handicap met à disposition sur son site Web, avec effet immédiat, des informations et aides concernant le processus d’attribution des expertises et la marche à suivre en cas de récusation de l’expert-e.

 

Infobox Centre de déclaration

Des articles parus dans les médias fin 2019 ont mis en lumière de façon réitérée un certain nombre de dysfonctionnements dans le domaine des expertises médicales. Ils ont donné lieu à plusieurs interventions politiques au Parlement. Par la suite, le conseiller fédéral Alain Berset a annoncé le lancement d’une enquête externe chargée d’analyser ces dysfonctionnements et de déterminer les mesures à prendre. Les résultats sont disponibles depuis l’automne 2020. Inclusion Handicap a salué le lancement de cette analyse externe et mis en ligne, début 2020, un Centre de déclaration en matière d’expertises de l’AI. Entre février 2020 et octobre, plus de 700 déclarations ont été recensées, émanant de personnes assurées, de leurs représentant-e-s légaux et médecins traitants. L’évaluation de 613 déclarations effectuées par des personnes assurées entre fin février 2020 et fin octobre 2021 a permis de détecter un grand nombre de dysfonctionnements. Le rapport, dont certains passages ont été noircis pour des raisons de protection des données, peut être obtenu ici. Le Centre de déclaration reste opérationnel.

 

 

Communiqué de presse d’Inclusion Handicap du 26.01.2022 consultable ici

Rapport d’évaluation des déclarations au sujet des expertises AI consultable ici

 

 

9C_295/2021 (d) du 23.11.2021 – Expertise médicale et besoin du recours à un interprète – 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_295/2021 (d) du 23.11.2021

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Expertise médicale et besoin du recours à un interprète / 44 LPGA

Pas de recours nécessaire à un interprète pour un assuré ayant des connaissances linguistiques suffisamment élaborées

 

Assuré, né en 1966 et ayant grandi au Pakistan, a travaillé de 1988 à 2010 principalement comme aide de cuisine dans des restaurants en France et en Allemagne, avant de venir en Suisse en 2011. Du 1er novembre 2011 au 31 janvier 2018 (licenciement par l’employeur), il a été employé en tant qu’aide de cuisine ou collaborateur d’équipe au ménage dans un restaurant. Il a également travaillé dans le secteur de la restauration et de l’hôtellerie.

En novembre 2017, l’assuré a déposé une demande AI en raison de cervicobrachialgies résistantes au traitement. L’office AI a procédé aux investigations usuelles et a également consulté le dossier constitué par l’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie. Une expertise pluridisciplinaire a été mise en œuvre (rapport du 24.04.2020). Par décision du 19.10.2020, l’office AI a nié tout droit à une rente.

 

Procédure cantonale (arrêt IV.2020.00816 – consultable ici)

Se fondant sur l’expertise pluridisciplinaire du 24.04.2020, l’instance cantonale a constaté que l’assuré présentait depuis mai 2017 une incapacité de travail totale dans son activité habituelle et une incapacité de travail de 20% dans une activité adaptée.

Les juges cantonaux ont constaté que l’assuré, qui séjourne en Suisse depuis 2011, disposait de connaissances linguistiques suffisamment élaborées et que, par conséquent, le recours à un interprète n’était pas nécessaire dans les domaines spécialisés non psychiatriques dans lesquels l’examen était au premier plan.

La comparaison des revenus effectuée par l’office AI sur cette base est correcte et le droit à une rente doit en conséquence être nié.

Par jugement du 30.03.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Expertise médicale et interprète

Consid. 4.1.1

L’expert doit décider, dans le cadre de l’exécution soigneuse de son mandat, si un examen médical dans la langue maternelle de la personne expertisée ou si le recours à un traducteur s’impose dans un cas particulier. Une importance particulière est accordée à la meilleure compréhension possible entre l’expert et la personne assurée dans le cadre d’examens psychiatriques. Dans ce cas, une bonne exploration présuppose des connaissances linguistiques approfondies de part et d’autre. Si l’expert ne maîtrise pas la langue de la personne expertisée, il semble médicalement et objectivement nécessaire qu’il fasse appel à une aide à la traduction (arrêts 9C_362/2020 du 21 octobre 2020 consid. 3.3.1; 8C_578/2014 du 17 octobre 2014 consid. 4.2.5; 9C_509/2010 du 4 février 2011 consid. 4.1.1; I 748/03 du 3 mars 2004 consid. 2.1). Les lignes directrices de qualité pour les expertises psychiatriques d’assurance de la Société suisse de psychiatrie et psychothérapie SSPP (disponibles sur www.psychiatrie.ch) prévoient que « [l]e mandant signale au préalable les difficultés linguistiques connues, ce qui permet d’avoir recours dès le début à des interprètes professionnels pour les personnes expertisées de langue étrangère » [dans la version française des lignes directrices ; dans la version allemande (reprise le TF) : « Dies zieht den niederschwelligen Einsatz von professionellen Dolmetschern bei fremdsprachigen Exploranden nach sich »].

La question de savoir si, dans les circonstances concrètes et en fonction des éléments exposés, la compréhension linguistique entre l’expert et la personne expertisée est suffisamment possible pour garantir la fiabilité de l’expertise relève de l’appréciation des preuves et donc de la constatation des faits. La valeur probante de l’expertise n’est pas amoindrie lorsque les circonstances permettent d’exclure que l’absence de traduction ait eu un impact important sur l’appréciation de l’expert (arrêts 9C_362/2020 du 21 octobre 2020 consid. 3.3.1 ; 8C_578/2014 du 17 octobre 2014 consid. 4.2.6).

 

Consid. 4.1.4

Le fait que le rapport d’expertise neurochirurgicale mentionne que l’assuré dispose certes d’un langage relativement nuancé, mais qu’il répond parfois très lentement ou par des silences ne plaide pas non plus en faveur de la nécessité d’un interprète. En effet, cette déclaration d’expertise prouve que l’assuré peut s’exprimer de manière claire et précise, et rien n’indique dans ce contexte que le ralentissement dans les réponses ou le silence aux questions posées par l’expert aurait été dû à des connaissances linguistiques insuffisantes.

 

Consid. 4.1.5

Il convient toutefois d’approuver l’assuré dans la mesure où l’expertise rhumatologique mentionne des difficultés de compréhension avec le passage « tout n’est pas toujours compris, il n’y avait pas d’interprète présent » (dans le paragraphe « Observations du comportement et apparence extérieure »). Toutefois, il est question ailleurs d’une compréhension en allemand (dans le paragraphe « compréhension linguistique ») ou de « connaissances assez bonnes en allemand » (dans le paragraphe « ressources »). Dans la mesure où il y a eu des lacunes linguistiques, celles-ci semblent avoir été de nature secondaire, car la section « Questionnement », où elles auraient eu le plus d’impact, ne donne aucune indication à ce sujet. Au contraire, les descriptions détaillées de l’assuré, reproduites à cet endroit, donnent l’impression que sa capacité de communication n’était pas entravée. Par ailleurs, l’experte en rhumatologie aurait mentionné s’il y avait eu une incapacité linguistique compliquant l’établissement du diagnostic et l’évaluation de la capacité de travail et pertinente à cet égard.

 

Consid. 4.1.6

Enfin, les explications fournies dans les expertises dans les domaines de la neurologie et de la médecine interne confirment que les connaissances linguistiques ne constituaient pas un obstacle à une expertise fiable. Selon ces expertises, la compréhension linguistique pouvait se faire sans problème en allemand ou en allemand avec un accent étranger ; aucune restriction n’a été constatée.

 

Consid. 4.1.7

Il en résulte que les constatations de l’instance cantonale concernant les possibilités de compréhension de l’assuré ne sont pas manifestement erronées (insoutenables, arbitraires ; cf. ATF 144 V 20 consid. 4.2 ; 135 II 145 consid. 8.1). Elles ne reposent pas non plus sur une violation du droit, raison pour laquelle elles restent contraignantes pour le Tribunal fédéral. L’instance cantonale a reconnu, conformément au droit fédéral, que le recours à un interprète n’était pas nécessaire dans les domaines non psychiatriques.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_295/2021 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 9C_295/2021 (d) du 23.11.2021 – Expertise médicale et besoin du recours à un interprète, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/01/9c_295-2021)

9C_701/2020 (f) du 06.09.2021 – Evaluation de l’invalidité – Caractère invalidant de troubles psychiques et autres syndromes sans substrat organique (troubles somatoformes douloureux/fibromyalgie) – 16 LPGA – 28a LAI / Valeur probante d’une expertise judiciaire bidisciplinaire (rhumato-psy)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_701/2020 (f) du 06.09.2021

 

Consultable ici

 

Evaluation de l’invalidité – Caractère invalidant de troubles psychiques et autres syndromes sans substrat organique (troubles somatoformes douloureux) / 16 LPGA – 28a LAI

Evaluation de la fibromyalgie sur le plan de la capacité de travail soumise à la grille d’évaluation grille d’évaluation normative et structurée du caractère invalidant des troubles psychiques au moyen d’indicateurs standards

Valeur probante d’une expertise judiciaire bidisciplinaire (rhumato-psy)

 

Assurée, née en 1963, engagée depuis septembre 1992 comme conseillère de vente, à temps partiel.

En incapacité de travail depuis juin 2015, l’assurée a déposé le 08.01.2016 une demande de prestations AI, en invoquant souffrir depuis 2012 notamment de douleurs chroniques des épaules ainsi que de douleurs cervico-brachiales et lombaires.

L’office AI a versé à son dossier celui de l’assurance-maladie de l’assurée, qui contenait notamment un rapport d’expertise pluridisciplinaire du 26.02.2016. Par décision du 03.03.2017, l’office AI a rejeté la demande de l’assurée, au motif qu’elle ne présentait pas d’atteinte à la santé au sens de l’assurance-invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/821/2020 et ATAS/844/2020)

Entre autres mesures d’instruction et après avoir considéré que le rapport d’expertise pluridisciplinaire du 26.02.2016 n’était pas probant, la cour cantonale a ordonné une expertise psychiatrique et rhumatologique. Les experts ont rendu un avis consensuel le 23.04.2020, selon lequel l’assurée était totalement incapable de travailler dans toute activité depuis le mois de décembre 2015.

La cour cantonale a retenu que l’assurée était totalement incapable de travailler dans toute activité dès le mois de décembre 2015, en se fondant sur les conclusions des rapports d’expertise judiciaire, auxquelles elle a reconnu une pleine valeur probante. L’expert psychiatrique avait en particulier procédé à l’examen des indicateurs développés par le Tribunal fédéral, ce qui relevait de sa compétence. Il n’avait pas retenu une incapacité de travail sous l’angle purement psychiatrique, en réservant toutefois l’appréciation globale du cas, selon les conclusions de l’expert rhumatologue. Après avoir eu connaissance de ces dernières, il avait conclu de manière consensuelle avec l’expert rhumatologue que l’assurée était totalement incapable de travailler en raison de l’ensemble de ses atteintes physiques et psychiques, retenant que l’ensemble de ses atteintes réduisait ses ressources.

Par jugement du 30.09.2020, admission du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision de l’office AI en ce sens que l’assurée avait droit à une rente entière d’invalidité dès le 01.12.2016.

 

TF

S’agissant de la valeur probante de rapports médicaux, que le juge ne s’écarte en principe pas sans motifs impérieux des conclusions d’une expertise judiciaire, la tâche de l’expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l’éclairer sur les aspects médicaux d’un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut notamment constituer une raison de s’écarter d’une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu’une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d’autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l’expert, on ne peut pas exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d’une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2; 135 V 465 consid. 4.4; arrêt 8C_711/2020 du 2 juillet 2021 consid. 3.2 et la référence citée).

Le Tribunal fédéral a considéré qu’il se justifiait sous l’angle juridique, en l’état des connaissances médicales, d’appliquer par analogie les principes développés par la jurisprudence en matière de troubles somatoformes douloureux à l’appréciation du caractère invalidant d’une fibromyalgie, vu les nombreux points communs entre ces troubles (ATF 132 V 65 consid. 4). Quand bien même le diagnostic de fibromyalgie était d’abord le fait d’un médecin rhumatologue, il convenait ici aussi d’exiger le concours d’un médecin spécialiste en psychiatrie. Une expertise interdisciplinaire tenant à la fois compte des aspects rhumatologiques et psychiques apparaissait donc la mesure pour établir de manière objective si l’assuré présentait un état douloureux d’une gravité telle que la mise en valeur de sa capacité de travail sur le marché du travail ne pouvait plus du tout ou seulement partiellement être exigible de sa part (ATF 132 V 65 consid. 4.3; arrêt 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2). La modification de la jurisprudence ayant conduit à l’introduction d’une grille d’évaluation normative et structurée du caractère invalidant des troubles psychiques au moyen d’indicateurs standards (ATF 143 V 409; 143 V 418; 141 V 281) n’a rien changé à cette pratique : la fibromyalgie est toujours considérée comme faisant partie des pathologies psychosomatiques et son évaluation sur le plan de la capacité de travail est par conséquent soumise à la grille d’évaluation mentionnée (cf. arrêt 9C_808/2019 du 18 août 2020 consid. 5.2 et la référence citée).

Dans leur appréciation consensuelle du 23.04.2020, les experts n’ont pas retenu, sur le plan psychique, l’existence d’une atteinte durablement incapacitante, mais ont indiqué qu’il existait une certaine fragilité au niveau de la personnalité et de l’humeur, ce qui entraînait une légère diminution des ressources adaptatives renforçant l’effet délétère des atteintes physiques. Sur le plan somatique, ils ont relevé « des atteintes cliniques et surtout une diminution sévère des ressources (cf. texte de l’expertise pour les détails) dans le cadre du syndrome douloureux chronique, la polyarthrose (périphérique et au rachis), la polytendinopathie avec des bursites ». Les experts ont conclu que l’état de santé de l’expertisée et les répercussions fonctionnelles entraînaient une incapacité de travail totale dans toute activité depuis décembre 2015.

A l’instar de l’office AI recourant, on ne saurait suivre le raisonnement des juges cantonaux, selon lequel l’avis consensuel du 23.04.2020 constitue un examen global de l’état de santé et de la capacité de travail de l’assurée. En effet, en l’absence de diagnostic psychiatrique invalidant et compte tenu du fait que l’assurée dispose, selon le volet psychiatrique de l’expertise, de ressources mobilisables suffisantes pour contrebalancer les effets limitatifs de la dysthymie de gravité légère à moyenne, l’appréciation du rhumatologue, qui semble attester une incapacité de travail totale principalement sur la base des troubles psychosomatiques (syndrome douloureux chronique; « syndrome anxio-dépressif sévère ») apparaît contradictoire. L’expert rhumatologue a indiqué que l’incapacité totale de travail s’explique « surtout par une réduction des ressources dans la globalité de la patiente » présentant un syndrome anxio-dépressif sévère, tandis que l’expert psychiatre n’a pas retenu un tel diagnostic, ni une autre atteinte de degré sévère.

S’agissant ensuite de la question des limitations fonctionnelles, même si l’on se réfère aux rapports d’expertise respectifs, on ne parvient pas à comprendre en quoi celles-ci consistent concrètement ou de quel diagnostic elles résultent précisément, ni pourquoi elles limitent entièrement la capacité de travail de l’assurée. Ainsi, dans son rapport, l’expert rhumatologue énumère une liste de syndromes et d’atteintes somatiques dont souffre l’assurée, en indiquant de manière très générale que « tous les mouvements de la performance physique globale sont très limités », il en déduit directement une incapacité totale de travail sans expliquer en quoi les diagnostics posés ont des répercussions sur la capacité de travail, ni en quoi consistent celles-ci. Cela étant, l’avis consensuel fait plutôt apparaître un manque de cohérence entre les deux rapports d’expertises, dans lesquels les spécialistes renvoient – à tour de rôle – à l’appréciation de l’autre expert, particulièrement s’agissant de la fibromyalgie respectivement du trouble somatoforme douloureux, sans qu’il soit possible pour l’organe d’application du droit de comprendre si les critères de classification sont effectivement remplis (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1). Aussi, force est de constater qu’en l’état de l’instruction, la cour cantonale ne pouvait pas se fonder sur l’appréciation consensuelle du 23.04.2020 pour l’évaluation de la capacité de travail de l’assurée.

L’argumentation de l’office recourant est également fondée en tant qu’elle porte sur le grief selon lequel les juges cantonaux n’ont pas effectué d’évaluation du caractère invalidant des atteintes psychiatriques au regard des indicateurs développés par la jurisprudence (ATF 141 V 281). Dans la mesure où ils ont retenu une incapacité de travail totale sur la base de l’appréciation consensuelle, ils ne pouvaient pas renoncer à examiner les conclusions médicales en fonction de la grille d’évaluation déterminante. S’il est vrai qu’il appartient au médecin de poser un diagnostic selon les règles de la science médicale, il n’en demeure pas moins que l’évaluation du caractère invalidant au regard des indicateurs développés par la jurisprudence est du ressort de l’administration ou, en cas de litige, de celui du juge (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.1.1. in initio, arrêt 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2 in fine).

 

En l’absence d’une appréciation globale interdisciplinaire suffisamment motivée et tenant à la fois compte des aspects rhumatologiques et psychiques pour établir de manière objective si l’assurée présente un état douloureux d’une gravité telle que la mise en valeur de sa capacité de travail sur le marché du travail ne pouvait plus du tout ou seulement partiellement être exigible de sa part, il s’avère nécessaire de faire compléter l’instruction médicale. Contrairement à ce que fait valoir l’office recourant, on ne saurait se fonder sur l’avis de son service médical du 19.05.2020, dès lors déjà que celui-ci constitue non pas une appréciation du cas à proprement parler, mais plutôt une critique à l’égard de l’expertise judiciaire. Par conséquent, il convient de renvoyer l’affaire à l’instance précédente afin qu’elle procède à un complément d’expertise, en demandant par exemple aux médecins-experts une nouvelle prise de position consensuelle dûment motivée mettant en lien de manière coordonnée les diagnostics retenus et leurs effets éventuels sur la capacité de travail de l’assurée. Au besoin, il lui est loisible d’ordonner une nouvelle expertise.

 

Le TF admet le recours de l’office AI et annule le jugement cantonal, renvoyant la cause à l’autorité cantonale pour qu’elle complète l’instruction au sens des considérants et rende un nouvel arrêt.

 

 

 

Arrêt 9C_701/2020 consultable ici

 

 

Lettre circulaire AI no 412 – Questions de procédure dans le cadre d’expertises médicales

Lettre circulaire AI no 412 – Questions de procédure dans le cadre d’expertises médicales

 

LCAI 412 du 20.01.2022 consultable ici
(version italienne / allemande)

 

  1. Examens neuropsychologiques et ECF

Dans le cadre d’une expertise médicale, des examens neuropsychologiques ou une évaluation des capacités fonctionnelles (ECF) peuvent être exigés directement par l’office AI ou inclus par l’expert ou le centre d’expertises mandaté. Dans les deux cas, le nom de l’expert en neuropsychologie ou de l’expert médical doit être communiqué à l’assuré, afin que ce dernier puisse faire valoir ses droits de participation (art. 44 al. 2 LPGA).

Les entretiens entre l’expert et l’assuré doivent faire l’objet d’enregistrements sonores, lesquels doivent être conservés dans le dossier de l’assureur (art. 44 al. 6 LPGA). L’entretien comprend l’anamnèse et la description par l’assuré de l’atteinte à sa santé (art. 7k al. 1 OPGA). Dans le cadre des examens neuropsychologiques et des ECF, il faut partir du principe qu’une anamnèse et une description par l’assuré de l’atteinte à sa santé ont lieu. Par conséquent, ces examens sont également soumis à l’obligation d’enregistrement sonore.

La partie consacrée aux tests psychologiques dans les examens psychiatriques, neurologiques et neuropsychologiques ou aux tests réalisés dans le cadre des ECF ne peut toutefois pas être enregistrée.

 

  1. Interruption de l’expertise lorsque la déclaration de renonciation fait défaut

Si l’assuré demande au moment de l’entretien à ce que celui-ci ne soit pas enregistré ou demande l’interruption de l’enregistrement en cours d’entretien, alors qu’aucune déclaration de renonciation n’a été déposée auprès de l’office AI, et si l’assuré ne souhaite pas faire valoir son droit à la destruction de l’enregistrement après l’entretien, l’expert interrompt l’entretien avec l’assuré et en informe l’office AI. L’office AI demande à l’assuré de lui remettre une déclaration de renonciation formellement correcte. Une fois que cela est fait, il faut convenir d’un nouveau rendez-vous avec le même expert.

 

  1. Enregistrement sonore réalisé par l’assuré sur support privé

Sur la base des dispositions légales relatives à l’enregistrement sonore de l’entretien entre l’assuré et l’expert et en particulier sur la base de l’art. 7k al. 5 OPGA, qui prévoit que l’enregistrement sonore doit être réalisé par l’expert conformément à des prescriptions techniques simples, il n’existe aucun intérêt digne de protection ni aucun droit de l’assuré à réaliser un enregistrement sonore sur un support privé.

 

 

Lettre circulaire AI no 412 du 20.01.2022 consultable ici

IV-Rundschreiben Nr. 412 : Verfahrensfragen im Rahmen von medizinischen Gutachten

Lettera circolare AI n. 412 : Questioni procedurali nel contesto di perizie mediche

 

9C_211/2021 (f) du 05.11.2021 – Octroi d’une rente AI limitée dans le temps pour un assuré de plus de 55 ans / Examen de mesures de réadaptation préalablement à l’octroi d’une rente d’invalidité limitée dans le temps

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_211/2021 (f) du 05.11.2021

 

Consultable ici

 

Octroi d’une rente AI limitée dans le temps pour un assuré de plus de 55 ans

Examen de mesures de réadaptation préalablement à l’octroi d’une rente d’invalidité limitée dans le temps

 

Assuré, né en 1959, a été mis au bénéfice d’une rente entière d’invalidité par l’office AI du 01.05.2019 au 29.02.2020.

 

Procédure cantonale (arrêt AI/299/20 – 73/2021 – consultable ici)

Par jugement du 09.03.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon la jurisprudence, dûment rappelée par les juges cantonaux, il existe des situations dans lesquelles il convient d’admettre que des mesures d’ordre professionnel sont nécessaires, malgré l’existence d’une capacité de travail médico-théorique. Il s’agit des cas dans lesquels la réduction ou la suppression, par révision (art. 17 al. 1 LPGA) ou reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA), du droit à la rente concerne une personne assurée qui est âgée de 55 ans révolus ou qui a bénéficié d’une rente pendant quinze ans au moins. Cette jurisprudence qui est également applicable lorsque l’on statue sur la limitation et/ou l’échelonnement en même temps que sur l’octroi de la rente (ATF 145 V 209 consid. 5), ne signifie pas que la personne assurée peut se prévaloir d’un droit acquis; il est seulement admis qu’une réadaptation par soi-même ne peut, sauf exception, être exigée d’elle en raison de son âge ou de la durée du versement de la rente. Dans de telles situations, l’office de l’assurance-invalidité doit vérifier dans quelle mesure l’assuré a besoin de la mise en œuvre de mesures d’ordre professionnel, même si ce dernier a recouvré une capacité de travail et indépendamment du taux d’invalidité qui subsiste (cf. arrêt 9C_276/2020 du 18 décembre 2020 consid. 6 et les arrêts cités).

Il est constant que l’assuré, qui a été mis au bénéfice d’une rente entière d’invalidité du 01.05. 2019 au 29.02.2020 alors qu’il était âgé de plus de 55 ans, appartient à la catégorie d’assurés dont il convient de présumer qu’ils ne peuvent en principe pas entreprendre de leur propre chef tout ce que l’on peut raisonnablement attendre d’eux pour tirer profit de leur capacité résiduelle de travail.

Or en l’espèce, comme le fait valoir à juste titre l’assuré, ni l’office AI, ni, à sa suite, la juridiction cantonale, n’a procédé à un examen convaincant de sa situation pour nier son droit à des mesures de réadaptation préalablement à l’octroi d’une rente d’invalidité limitée dans le temps. Il ne suffit pas, pour fonder une situation exceptionnelle au sens de la jurisprudence, où l’assuré âgé de plus de 55 ans est apte à se réadapter par soi-même, de mentionner les exemples d’activités adaptées à l’état de santé de celui-ci donnés par l’office AI, qui ne nécessitent pas de formation particulière. L’examen de la nécessité de mesures d’ordre professionnel doit en effet être effectué malgré l’existence d’une capacité de travail médico-théorique, en fonction des circonstances concrètes (voir aussi arrêt 9C_92/2016 du 29 juin 2016 consid. 5.1).

Par ailleurs, en se référant à la « longue expérience professionnelle » de l’assuré, la juridiction cantonale ne fait pas état de circonstances qui permettraient de renoncer à évaluer la nécessité de mettre en place des mesures d’ordre professionnel. Elle n’a en effet pas tenu compte que cette expérience professionnelle était en réalité limitée à un secteur particulier, puisque l’assuré avait toujours travaillé en tant que boulanger depuis l’obtention de son certificat fédéral de capacité (CFC) dans ce domaine en 1978. De plus, la durée de l’éloignement du marché du travail n’apparaît pas déterminante dans les situations où une rente est octroyée rétroactivement pour une période limitée dans le temps (cf. arrêt 8C_80/2020 du 19 mai 2020 consid. 3.1).

En définitive, en considérant qu’il était concevable que l’assuré pût reprendre du jour au lendemain une activité lucrative à 100% sans qu’il fût nécessaire de mettre préalablement des mesures destinées à l’aider à se réinsérer dans le monde du travail, la juridiction de première instance a violé le droit en ne faisant pas une application correcte de la jurisprudence fédérale. En conséquence, il convient de renvoyer le dossier à l’office AI afin qu’il examine concrètement les besoins objectifs de l’assuré à ce propos. Ce n’est qu’à l’issue de cet examen et de la mise en œuvre d’éventuelles mesures de réintégration sur le marché du travail que l’administration pourra définitivement statuer sur la suppression de la rente entière d’invalidité.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_211/2021 consultable ici