Archives par mot-clé : AI

Le National veut une meilleure prise en charge des prothèses

Le National veut une meilleure prise en charge des prothèses

 

Communiqué de presse du Parlement du 19.09.2018 consultable ici

 

Les assurances sociales devraient mieux prendre en charge les prothèses destinées aux personnes handicapées. Le National a adopté mercredi par 119 voix contre 57 deux motions de Balthasar Glättli (Verts/ZH) et Roger Golay (MCG/GE). Le Conseil des Etats doit encore se prononcer.

On ne peut pas parler de luxe lorsqu’on évoque une prothèse, a lancé Balthasar Glättli. Ces moyens auxiliaires ne peuvent jamais remplacer le membre perdu. Il faut améliorer les conditions de vie des personnes concernées, a renchéri Roger Golay.

La Suisse n’est pas un modèle: les assurances ne prennent en charge que les prothèses qui remplissent les critères de simplicité, d’adéquation et d’économie. Les évolutions techniques et esthétiques ne sont pas prises en compte. Il ne devrait pas avoir d’inégalité de traitement entre les personnes concernées, a poursuivi le Genevois.

Et Balthasar Glättli de citer le cas d’un couple où l’homme a eu droit, en raison de son activité professionnelle, à une meilleure prothèse que son épouse. Et les deux motionnaires de relever que la facture ne serait pas exorbitante. Les prothèses représentent actuellement, avec 9,2 millions de francs par an, un pour mille des coûts de l’assurance invalidité (AI).

 

Doutes

Le Conseil fédéral a émis des doutes sur la façon d’appliquer la motion. Il faut cibler au mieux les besoins de l’assuré tout en assurant un prix juste. Ce qui est optimal pour une personne ne l’est peut-être pas pour une autre.

La prise en compte de critères subjectifs ne permettrait pas que l’on assure une égalité de traitement tout en n’abusant de la solidarité. Les progrès techniques ont en outre été pris en compte ces dernières années, a souligné le ministre de la santé Alain Berset. Et d’appeler les parlementaires à profiter de la révision de la loi sur l’AI pour régler les problèmes concrets.

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 19.09.2018 consultable ici

Bulletin officiel, Conseil national Session d’automne 2018, Séance du 19.09.2018 (texte provisoire) consultable ici

Motion Glättli 16.3880 « Améliorer l’accompagnement vers l’autonomie et l’intégration sociale des personnes en situation de handicap » consultable ici

Motion Golay 16.3881 « Améliorer l’accompagnement vers l’autonomie et l’intégration sociale des personnes en situation de handicap » consultable ici

 

 

 

Les mesures de réadaptation de l’AI vues par les bénéficiaires

Les mesures de réadaptation de l’AI vues par les bénéficiaires

 

Article de Neisa Cuonz, Christine Besse, Michael Matt, Niklas Baer et Ulrich Frick paru in Sécurité sociale CHSS 2018/3 (consultable ici)

 

Pour la première fois, des assurés atteints de troubles musculo-squelettiques ou de
maladies psychiques ont fait l’objet d’une enquête approfondie sur leur situation et sur les effets des mesures de réadaptation de l’AI. L’étude montre les liens étroits entre
handicap, réussite de la réadaptation et qualité de vie, et l’importance de la spécificité
des mesures et de l’aspect relationnel.

Les mesures d’ordre professionnel ont fait l’objet, dans le cadre du programme de recherche sur l’assurance-invalidité (PR-AI), de plusieurs études menées à partir de données de registres, de dossiers d’assurés ou de données administratives, mais jamais sur la base des renseignements fournis par les personnes assurées elles-mêmes. L’étude présentée ci-dessous vient combler ce manque : elle analyse non seulement leur état de santé, leur parcours professionnel et leur situation sociale, mais aussi la façon dont elles ont vécu les mesures de réadaptation de l’AI.

 

Questions et démarche de l’étude

L’étude s’intéresse, d’une part, à des caractères extérieurs tels que le statut professionnel, le revenu et le type de mesure de réadaptation, et, d’autre part, à des caractéristiques « intérieurs » ou subjectifs comme la qualité de vie, les espoirs et les peurs qui se manifestent au cours de la réadaptation. De plus, elle compare les bénéficiaires de mesures AI à la population suisse et fait le parallèle entre la situation des assurés atteints de troubles psychiques et celle des assurés qui présentent des troubles musculo-squelettiques.

L’étude comprend deux volets. Dans le premier, les auteurs analysent les facteurs qui prédisent au mieux la réussite de la réadaptation (étude partielle TS 1, Facteurs de réussite) ; dans le second, ils décrivent l’évolution de la situation et de la satisfaction au cours du processus (étude partielle TS 2, Évolution). La réadaptation est considérée comme réussie lorsque les assurés qui ont suivi leur dernière mesure d’ordre professionnel en 2014, gagnaient au moins 1000 francs par mois et ne touchaient ni prestations de l’assurance-chômage ni rente AI en 2015. Au total, 3600 assurés ont été invités à participer à l’enquête écrite, soit 1800 par étude partielle (900 intégrés et 900 non intégrés, et 900 qui commençaient une mesure et 900 qui en terminaient une). Le taux de retour a été de 25 % pour les deux échantillons (au total N = 916 personnes). En outre, les chercheurs ont mené des entretiens ouverts complémentaires avec 20 participants à l’enquête, sélectionnés dans tous les échantillons. Les résultats de l’enquête écrite que nous présentons ci-dessous tiennent compte des données obtenues lors de ces entretiens.

 

Description des bénéficiaires des mesures

Dans les deux études partielles, le sex-ratio est équilibré, un tiers des sondés ont moins de 35 ans et 80 % sont d’origine suisse ; le pourcentage d’étrangers est deux fois plus élevé dans les offices AI de Suisse latine (30 %) que dans ceux de Suisse alémanique (13 %). Parmi les personnes interrogées, 30 % se sont arrêtées à la fin de la scolarité obligatoire, 55 % ont une formation de degré secondaire et 15 % une formation de degré tertiaire. Le niveau général est ainsi nettement plus bas que dans la population générale. La moitié environ des sondés sont en couple, un tiers à un quart (selon l’étude partielle) vivent seuls et près de 10 % habitent chez leurs parents.

Bien que les étrangers soient beaucoup plus nombreux en Suisse romande et au Tessin et que seuls 60 % d’entre eux au maximum aient terminé la scolarité obligatoire, ces assurés ne sont pas moins souvent réinsérés que les assurés de Suisse alémanique. Ce phénomène s’explique probablement par le fait que les étrangers interrogés présentent beaucoup plus fréquemment un trouble musculo-squelettique que les sondés de nationalité suisse : les assurés présentant un trouble musculo-squelettique sont plus souvent réinsérés que ceux atteints d’une maladie psychique (45 contre 25 %), ce qui compense le taux de réussite inférieur des personnes sans formation professionnelle et de nationalité étrangère.

 

Importance du parcours professionnel

De manière générale, de nombreux assurés AI disent avoir eu des problèmes liés à leur santé dès l’école ou la formation professionnelle, ou durant leur parcours professionnel. C’est le cas principalement des personnes atteintes d’une maladie psychique. La moitié des sondés mentionnent des conflits avec leurs collègues de travail ou leur supérieur hiérarchique dans les postes occupés antérieurement, du harcèlement à l’école, pendant l’apprentissage ou au travail, des licenciements, des exigences trop élevées en matière de performance ou des absences prolongées justifiées par une incapacité de travail. Parmi les assurés atteints d’une maladie psychique, 30 % ont interrompu prématurément leur formation professionnelle. Dans les deux études partielles, 65 % des participants ont en outre connu des périodes où ils se sont retrouvés au chômage ou à l’aide sociale. Autrement dit, la majorité des personnes qui venaient de déposer une demande AI avaient depuis longtemps des problèmes au travail.

 

Santé psychique et physique

Un résultat important de cette enquête est la nette différence constatée entre les bénéficiaires de mesures de l’AI, en termes de santé psychique et physique, et la population générale suisse (PGS). Cette différence s’explique par la mission même de l’AI, mais elle indique aussi que l’on ne pourra jamais surestimer l’importance de l’état de santé pour la réadaptation.

Les participants à l’enquête ont indiqué deux à trois fois plus rarement disposer d’une bonne santé et d’une bonne vitalité que la moyenne de la population ; ensuite, ils présentent quatre fois plus souvent des troubles physiques ou psychiques importants ; enfin – et c’est là un point important à retenir pour la façon de concevoir la réadaptation – ils ont rarement un sentiment de contrôle, c’est-à-dire l’impression de pouvoir influer sur leur vie. Si l’on veut que les assurés puissent se ressentir comme sujets plutôt que comme « objets » des mesures, déterminés de l’extérieur, il est nécessaire de les impliquer le plus possible dans la planification de leur réadaptation.

La gravité de l’atteinte à la santé se reflète dans la quantité et la diversité des médicaments pris par les sondés : 60 % en prennent tous les jours (psychotropes, antalgiques, etc.), 20 % en prennent trois ou davantage par jour. Plus grand est le nombre de médicaments nécessaires, plus les sondés souffrent de leurs effets secondaires, ce qui est susceptible de diminuer leur capacité de travail.

Plus l’état de santé est bon et moins les troubles psychiques et physiques sont importants, plus grande est la réussite de la réadaptation professionnelle. Au cours du processus, la santé psychique des assurés s’améliore, alors que les troubles physiques restent inchangés. On remarquera que les troubles psychiques ou physiques isolés constituent l’exception : 80 % des assurés atteints de troubles psychiques ont des troubles physiques et 60 % des assurés présentant des troubles musculo-squelettiques ont des troubles psychiques. Ces chiffres, qui font ressortir le lien étroit existant entre difficultés psychiques et difficultés physiques, montrent que l’accompagnement psychologique est important aussi pour soutenir la réadaptation professionnelle des assurés présentant des troubles musculo-squelettiques.

 

Limitations fonctionnelles

Les assurés interrogés sont confrontés à d’importantes limitations dans leur vie quotidienne non seulement au travail, mais aussi dans la vie de couple, les contacts avec les amis, la tenue du ménage, la gestion des tâches administratives ou les loisirs hors domicile. En moyenne, ils sont notablement limités dans sept des seize domaines fonctionnels physiques et psychiques analysés. Si la réussite de la réadaptation dépend surtout, pour les déficits fonctionnels somatiques, du besoin de faire davantage de pauses en raison des douleurs, presque toutes les limitations psychiques sont corrélées avec la probabilité de réadaptation ; les principales sont le manque d’énergie, les limitations cognitives, l’instabilité, l’impulsivité, le perfectionnisme, le manque de flexibilité et les conduites d’évitement liées à l’angoisse.

L’analyse statistique des déficits fonctionnels relevés permet de distinguer cinq types de bénéficiaires de mesures. Il est ainsi évident que les assurés qui sont limités tant physiquement que psychiquement présentent des perspectives de réadaptation nettement plus mauvaises que ceux qui sont peu atteints :

  • relativement peu de limitations spécifiques (30 %), en général bonne formation, sexe masculin, pas de limitations importantes au quotidien, souvent bonne réinsertion (39 %) ;
  • déficits purement psychiques (20 %), souvent importantes limitations dans le quotidien, apparition précoce des problèmes à l’école, dans la formation ou au travail, et taux de réinsertion moyen (34 %) ;
  • limitations uniquement physiques (18 %), peu de limitations au quotidien, apparition tardive des problèmes, souvent formation de degré secondaire II, réinsertion dans la majorité des cas (61 %) ;
  • déficits principalement physiques, parfois associés à des déficits psychiques (19 %), limitations majeures au quotidien relativement fréquentes, souvent faible niveau de formation (scolarité obligatoire), forte proportion d’étrangers et rares réussites de la réadaptation (21 %) ;
  • troubles majeurs tant psychiques que physiques (13 %), généralement importantes limitations dans le quotidien, apparition des premiers problèmes le plus souvent après l’âge de 25 ans, plus grand pourcentage de formation limitée à la scolarité obligatoire et très rare réussite de la réadaptation (13 %).

 

Soutien social

Plus d’un tiers des assurés qui ont obtenu des mesures de l’AI n’ont pas de personne de confiance pour parler de problèmes personnels, pourcentage près de deux fois plus élevé que dans la population générale. L’appréciation subjective qu’ils portent sur leur qualité de vie est par ailleurs nettement moins bonne. Plus les limitations fonctionnelles sont importantes, moins les assurés ont une personne de confiance. Le type de limitations joue aussi un rôle : ceux qui présentent des problèmes d’énergie, un déficit cognitif, des peurs, des sautes d’humeur et de l’impulsivité ont rarement une personne de référence proche. Il en va de même pour les assurés qui vivent seuls, les personnes élevant seules leurs enfants et les jeunes qui habitent chez leurs parents.

La gravité des troubles influe sur l’importance du soutien que les sondés reçoivent de leur environnement social. Les assurés peu limités dans leur vie quotidienne bénéficient assez souvent du soutien de leur entourage : en particulier, dans 20 à 30 % des cas, les amis proches, mais aussi des connaissances, ainsi que d’anciens collègues et supérieurs hiérarchiques, les ont beaucoup aidés au moins une fois à rechercher un emploi, alors que ceux qui sont très limités et ont spécialement besoin de soutien ont rarement cette possibilité. On voit donc là que les handicaps les plus importants ne peuvent pas être compensés par l’environnement social, mais qu’ils sont (nécessairement) associés à un besoin élevé de soutien par des professionnels.

 

Vécu de la relation avec l’office AI et des mesures de réadaptation

La façon dont les assurés jugent les mesures de réadaptation est assez étroitement liée au sens que le dépôt d’une demande AI a eu pour eux. Parmi les sondés, 70 % ne souhaitaient pas, au départ, recourir à l’AI et 60 % de ceux qui ont franchi le pas ont eu un sentiment d’échec. Le dépôt d’une demande AI est un moment critique, marqué par de grands espoirs, mais aussi de nombreuses peurs : dans les deux études partielles, quatre assurés sur cinq étaient à ce stade plutôt ou très optimistes quant à l’utilité des mesures AI pour leur vie professionnelle, la moitié avaient peur d’un échec et étaient désorientés parce que leur thérapeute et l’office AI ne portaient pas le même jugement sur leur situation, ou encore craignaient que l’on ne comprenne pas leurs problèmes et leurs possibilités.

Ces réponses soulignent l’importance de la relation avec le conseiller AI. La majorité des sondés jugent celle-ci positive : dans les deux études partielles, 60 % estiment que le conseiller était plutôt ou tout à fait compétent, qu’il s’engageait et que cette relation était utile. Mais d’un autre côté, 30 % se sentent « à la merci » de l’AI et mis sous pression par elle. La majorité juge gênants les changements fréquents de conseiller. Bien que ces expériences négatives soient plus fréquentes chez les assurés très handicapés et n’ayant pas le sentiment de pouvoir influer sur leur vie, il faudrait à l’avenir garantir à tous les assurés qui bénéficient de mesures de l’AI une plus grande constance et une meilleure qualité relationnelles.

Toutes mesures de réadaptation confondues, le taux de réussite est de 33 %, les interventions précoces et les mesures de reclassement réussissant plus souvent, la formation professionnelle initiale plus rarement. Ces différences sont dues aux conditions initiales et aux objectifs de ces mesures : par exemple, les assurés qui n’avaient obtenu qu’une mesure d’intervention précoce disposaient souvent encore d’un emploi, contrairement à ceux qui avaient bénéficié d’une mesure de réinsertion. Indépendamment de la réussite de la réadaptation elle-même, les mesures d’ordre professionnel ont toutes un impact positif sur les capacités de travail de base et la confiance en soi.

Dans 50 à 70 % des cas, les sondés estiment (« plutôt » ou « tout à fait ») que les conseillers AI sont compétents, qu’ils ont examiné attentivement leur problématique professionnelle et leur ont apporté un soutien spécifique. Les mesures ont non seulement réussi à renforcer la capacité de travail de base et la confiance en soi, mais elles ont aussi souvent contribué à accroître le rythme de travail et à améliorer les compétences sociales, l’aptitude à l’effort et le comportement au travail.

Pour l’évaluation des mesures, il convient surtout de retenir que les assurés réinsérés jugent celles-ci plus de deux fois plus souvent « spécifiques » que les non-réinsérés. De ce fait, les offices AI devraient, plus systématiquement, prévoir des mesures mieux adaptées à la situation particulière de chaque assuré et s’en tenir plus rigoureusement à l’assessment de la problématique professionnelle pour formuler des solutions. Il faudrait également exiger que les centres chargés de l’exécution des mesures de réadaptation professionnelle proposent des interventions spécifiques et techniquement fondées.

Enfin, 30 % des sondés, parmi lesquels principalement les plus handicapés, disent que la ou les mesures ne leur ont pas été utiles, voire qu’elles ont aggravé leurs problèmes de santé. On remarquera que les assurés dont le conseiller AI, le médecin ou l’employeur ne se sont jamais rencontrés pour traiter du cas font le même constat. Le lien net entre absence de contact et atteinte à la santé devrait pousser l’analyse plus loin. Le cas échéant, des changements dans la collaboration s’imposent.

 

Facteurs de réussite de la réadaptation

L’analyse des facteurs de réussite de la réadaptation montre que de nombreux caractères, significatifs par eux-mêmes (univariés), font nettement la différence entre réussite et échec : les mesures qui visaient spécifiquement le handicap, qui sont parvenues à accroître le rythme de travail et le taux d’occupation, mais aussi à améliorer le comportement au travail, la confiance en soi et l’aptitude à travailler malgré les problèmes, sont nettement corrélées avec la réussite de la réadaptation. Le fait que le conseiller AI, de même que les personnes qui accompagnaient les assurés dans les centres d’exécution des mesures, aient compris leur problématique professionnelle, que l’AI les ait aidés à trouver un emploi et qu’elle les ait bien soutenus en cas de problème ou de crise est aussi un facteur de réussite. C’est là, entre autres, une invitation pour les offices AI à renforcer les mesures de placement concrètes sur le marché primaire du travail.

Enfin, l’analyse multivariée des facteurs influant sur la réussite de la réadaptation en met en évidence six qui prédisent le résultat au mieux, indépendamment de tous les autres :

  • une mauvaise qualité de vie diminue de 60 % les chances de réussite de la réinsertion professionnelle (par rapport à une bonne qualité de vie) ;
  • une maladie psychique divise par 2,2 les chances de réinsertion professionnelle par rapport à une atteinte musculo-squelettique ;
  • le manque de flexibilité (perfectionnisme et rigidité) est corrélé à 60 % de chances de réussite en moins ;
  • les problèmes liés à l’égalité d’humeur (impulsivité et comportement conflictuel) divisent par deux les chances de réussite ;
  • les personnes qui n’ont jamais été licenciées ont 70 % de chances de plus de se réinsérer ;
  • une formation de degré tertiaire augmente de 40 % les chances de réussite.

Les éléments déterminants pour la réussite de la réinsertion sont donc le vécu subjectif, le type de maladie, la structure de la personnalité, le comportement au travail, les capacités relationnelles, le parcours professionnel et le niveau de formation des assurés.

 

Conclusion

Les résultats de l’enquête auprès des assurés montrent que les bénéficiaires de mesures de l’AI présentent des handicaps généralement lourds et souvent chroniques avant de se décider à déposer une demande AI. Notamment ceux d’entre eux qui avaient travaillé pendant de nombreuses années ont vécu le dépôt de la demande comme un échec. Un accompagnement professionnel mettant l’accent sur la relation et les impliquant personnellement, ainsi que des mesures de réadaptation professionnelle ciblées et fondées, ont eu pour eux une importance capitale. Un cinquième des sondés – plus particulièrement les assurés pour qui aucune réunion n’a été organisée entre AI, médecin et, le cas échéant, employeur – estiment que les mesures ont aggravé leurs problèmes de santé. La réussite de la réadaptation est remarquable chez les assurés présentant des troubles musculo-squelettiques (45 %), mais faible chez les personnes atteintes de troubles psychiques (25 %). Les raisons de ces échecs fréquents sont certainement multiples ; elles tiennent aux limitations fonctionnelles propres à ces malades, mais aussi à la procédure elle-même. Ce résultat montre aussi qu’il faut accorder suffisamment de temps au processus de réadaptation, que la patience et la persévérance sont indispensables : même si de nombreux assurés ont fait de nets progrès grâce aux mesures, ils n’ont plus, quand la réinsertion n’a pas abouti du premier coup, ni accompagnement ni rente – principalement parce que la période durant laquelle il est possible de bénéficier de mesures est limitée. L’AI met désormais l’accent sur la réadaptation et la relation ; elle a pris ce tournant il y a dix ans et semble être maintenant sur le bon chemin. Elle doit toutefois veiller à continuer dans cette voie afin de renforcer durablement la réadaptation professionnelle.

 

Article de Neisa Cuonz, Christine Besse, Michael Matt, Niklas Baer et Ulrich Frick paru in Sécurité sociale CHSS 2018/3, édité par l’OFAS (consultable ici)

 

 

9C_371/2018 (f) du 16.08.2018 – Révision d’une rente AI octroyée pour des troubles psychiques – 17 LPGA / Evaluation médicale d’un rapport de surveillance par un médecin du SMR

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 (f) du 16.08.2018

 

Consultable ici

 

Révision d’une rente AI octroyée pour des troubles psychiques / 17 LPGA

Evaluation médicale d’un rapport de surveillance par un médecin du SMR

 

Assuré, né en 1975, en incapacité totale de travail depuis le 07.10.1996 en raison d’un état anxio-dépressif consécutif à un deuil et une intelligence limite. Octroi d’une rente entière, fondée sur un taux d’invalidité de 100%, à compter du 01.10.1997. L’office AI a maintenu le droit à la rente entière au terme de deux procédures de révision (février 2002 et juin 2008).

Au cours d’une troisième procédure de révision du droit aux prestations, initiée au mois de mars 2014, l’administration a appris que l’assuré avait débuté une activité de peintre indépendant, sans l’en avertir. A la suite d’un contrôle de chantier opéré par le Service des arts et métiers et du travail du canton du Jura, l’intéressé avait, durant son audition par ce service, indiqué travailler en qualité d’indépendant à raison de 8 heures par jour, voire 45 heures par semaine (questionnaire rempli le 11.03.2015). En conséquence, l’office AI a suspendu le versement de la rente d’invalidité par la voie de mesures superprovisionnelles (décision du 26.03.2015).

L’assuré a ensuite été convoqué à un entretien le 16.04.2015, au cours duquel il a admis faire des petits travaux pour l’entreprise de peinture de son cousin sur conseil de son psychiatre, ce qui lui permettait de réaliser un revenu d’environ 3’000 à 4’000 fr. par année. Par décision de mesures provisionnelles du même jour, l’office AI a maintenu la suspension du paiement de la rente d’invalidité. Le versement a été repris avec effet au 01.04.2015 (communication du 10.12.2015), à la suite d’un nouvel entretien avec l’assuré le 09.12.2015.

Entre-temps, au mois d’octobre 2015, l’office AI a confié un mandat de surveillance à l’agence G.__. Il a ensuite soumis le rapport d’observation du 15.05.2016 au médecin au Service médical régional (SMR), qui en a déduit que l’assuré possédait une capacité de travail en qualité de peintre et que son activité était loin de se limiter à une activité occupationnelle. Par décision du 14.07.2016, l’office AI a suspendu le versement de la rente d’invalidité avec effet au 31.07.2016. En tenant compte de l’exigibilité, de l’assuré, de l’exercice d’une activité de peintre à plein temps induisant un taux d’invalidité de 16%, il a supprimé la rente d’invalidité avec effet rétroactif dès le 01.03.2015 (décision du 10.10.2016). Il a par ailleurs exigé la restitution d’une somme de 37’298 fr., correspondant aux prestations versées à tort entre le 01.03.2015 et le 31.07.2016 (décision du 25.10.2016).

 

Procédure cantonale (arrêt AI 307/16 – 97/2018 – consultable ici)

Par jugement du 10.04.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Si la juridiction cantonale a admis que la surveillance mise en œuvre par l’office AI sur la base de l’art. 59 al. 5 LAI était contraire au droit de l’assuré au respect de sa vie privée (art. 8 CEDH, art. 13 Cst.), il a en revanche considéré que le rapport d’observation constituait un moyen de preuve valable à la lumière de la jurisprudence de la CourEDH et de celle du Tribunal fédéral qui en a suivi. Conformément à la jurisprudence helvétique, en effet, bien que l’art. 59 al. 5 LAI ne constitue pas une base légale suffisamment claire et détaillée pour rendre licites des mesures de surveillance au regard de l’art. 8 par. 2 CEDH, le moyen de preuve résultant de celles-ci peut cependant être exploité dans ladite procédure dans la mesure où il a été récolté dans le respect de certaines conditions (à ce sujet, cf. arrêt ATF 143 I 377 consid. 4 et 5 p. 384 ss; cf. aussi arrêts 9C_817/2016 du 15 septembre 2017 consid. 3; 8C_570/2016 du 8 novembre 2017 consid. 1).

Selon la jurisprudence, un rapport de surveillance ne permet pas, à lui seul, de juger l’état de santé et la capacité de travail d’un assuré. Il doit être confirmé par des données médicales. L’évaluation du matériel d’observation par un médecin peut suffire (cf. ATF 137 I 327 consid. 7.1 p. 337; cf. aussi arrêts 9C_342/2017 du 29 janvier 2018 consid. 5; 9C_25/2015 du 1er mai 2015 consid. 4.1). Si les rapports d’observation basés essentiellement sur des photographies ou des vidéos peuvent permettre au médecin de porter un jugement sur la répercussion des affections somatiques sur la capacité de travail de l’assuré, on ne saurait en principe tirer la même conclusion en ce qui concerne l’incidence des troubles psychiques (arrêt 9C_342/2017 du 29 janvier 2018 consid. 5).

En ce qui concerne l’évaluation médicale effectuée par un SMR au sens de l’art. 59 al. 2bis LAI, en corrélation avec l’art. 49 al. 1 RAI, qui est établie sans que le médecin n’examine l’assuré, elle ne contient aucune observation clinique. Un tel avis a ainsi seulement pour fonction d’opérer la synthèse des renseignements médicaux recueillis, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical (ATF 142 V 58 consid. 5.1 p. 66; arrêt 8C_756/2008 du 4 juin 2009 consid. 4.4 in SVR 2009 IV n° 50 p. 153). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l’office AI, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5.1 p. 64 s.; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 p. 470 s.; arrêt 9C_25/2015 du 1er mai 2015 consid. 4.2).

 

En l’espèce, une évaluation du matériel d’observation a été faite par le médecin du SMR. Dans l’avis daté du 27.06.2016, qu’elle a rendu après avoir lu le rapport d’observation et visionné les images issues de la surveillance, mais sans avoir examiné l’assuré, la doctoresse a indiqué que « [l]es éléments d’observations ne laissent aucun doute sur le fait que l’assuré possède une capacité de travail en qualité de peintre » et « remettent en doute la sévérité de l’atteinte, telle que retenue par les médecins traitants de l’assuré: état dépressif chronique et intelligence limitée limitant toute activité professionnelle; possibilité uniquement d’une activité occupationnelle, sans exigence de rendement et dans un cadre très sécurisant ».

On constate en premier lieu que la doctoresse n’a fourni aucune indication sur le taux d’activité encore exigible, le rendement possible, ainsi que les limitations fonctionnelles à retenir. En retenant « une capacité de travail », elle n’en a pas précisé le taux, pas plus, du reste, que la juridiction cantonale qui s’est contentée d’admettre une « capacité de travail substantielle dans l’activité de peintre en bâtiment » sans en quantifier précisément l’étendue comme elle aurait été tenue de le faire. Par ailleurs, en ce qui concerne les diagnostics psychiques retenus jusqu’alors par les médecins traitants, la doctoresse a mis en doute leur sévérité, sans établir s’ils étaient encore présents, ni leurs éventuels effets sur la capacité de travail de l’assuré. En conséquence, s’il ne fait pas de doutes que l’assuré a recouvré une capacité de travail allant nettement au-delà d’une activité occupationnelle – ce dont attestent non seulement l’avis de la doctoresse mais également le rapport du Service des arts et métiers et du travail du canton du Jura du 23.03.2015 -, des doutes subsistent toutefois quant à l’étendue de cette capacité en relation avec d’éventuels troubles psychiques résiduels.

Ainsi, même si la présente cause se distinguait de l’état de fait à la base de l’arrêt 9C_342/2017 du 29 janvier 2018 mentionné par la juridiction cantonale, il n’en demeure cependant pas moins que ni la doctoresse, ni un autre médecin ne s’est prononcé sur l’étendue de la capacité résiduelle de travail de l’intéressé. Si son psychiatre traitant admet que son patient a travaillé sur le chantier de son cousin, il conteste toutefois que celui-ci est capable de travailler à plein temps.

En conséquence de ce qui précède, les premiers juges ne pouvaient, sauf à violer le droit fédéral, considérer que l’évaluation du matériel d’observation faite par le médecin du SMR était suffisante pour admettre que l’état de santé de l’assuré s’était modifié depuis la décision initiale du 27.07.1998, dans une mesure justifiant désormais la suppression de son droit à une rente entière d’invalidité avec effet rétroactif au 01.03.2015 (compte tenu de la violation par ce dernier de son obligation d’informer). L’étendue concrète de la capacité de travail de l’assuré ne peut pas être déterminée sans recourir à une expertise médicale. Celle-ci devra être mise en œuvre par l’office AI.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_371/2018 consultable ici

 

 

9F_5/2018 (f) du 16.08.2018, destiné à la publication – Révision d’un arrêt du Tribunal fédéral – 123 al. 2 let. a LTF / Irrégularités lors de l’établissement d’expertises de l’AI par une clinique genevoise – 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9F_5/2018 (f) du 16.08.2018, destiné à la publication

 

Consultable ici

Communiqué de presse du Tribunal fédéral du 04.09.2018 consultable ici

 

Révision d’un arrêt du Tribunal fédéral / 123 al. 2 let. a LTF

Irrégularités lors de l’établissement d’expertises de l’AI par une clinique genevoise / 44 LPGA

 

Assurée déposant en avril 2013 une seconde demande AI, après un premier refus. Au cours de l’instruction, l’office AI a obtenu copie du rapport du 21.03.2014 de l’expertise psychiatrique réalisée par la clinique S.__ sur mandat de l’assureur perte de gain de l’ancien employeur de l’assurée. Le docteur B.__, spécialiste en psychiatrie, y avait diagnostiqué un trouble obsessionnel compulsif et un trouble de l’adaptation, auquel s’associait une personnalité anankastique. Il avait retenu que ces troubles étaient sans incidence sur la capacité de travail de l’assurée, qui était entière depuis le 01.07.2013. Fort de ces conclusions, l’office AI a rejeté la demande de prestations. Le recours de l’assuré a été rejeté en instance cantonale.

Le Tribunal fédéral a examiné si la juridiction cantonale avait fait preuve d’arbitraire en suivant les conclusions d’une expertise psychiatrique réalisée par la clinique S.__ sur mandat de l’assureur perte de gain. Il a considéré que l’appréciation de l’autorité cantonale de recours selon laquelle cette expertise avait valeur probante et pouvait être suivie malgré les évaluations divergentes des médecins traitants de l’assurée était exempte d’arbitraire. En particulier, l’assurée n’avait pas mis en évidence des éléments objectivement vérifiables qui auraient été ignorés par l’expert et suffisamment pertinents pour remettre en cause le point de vue des premiers juges (arrêt du Tribunal fédéral 9C_587/2016 du 12.12.2016).

Par acte posté le 11.05.2018, l’assurée a présenté une demande en révision de l’arrêt du 12.12.2016. Elle conclut à l’annulation de cet arrêt et à ce que le Tribunal fédéral statue à nouveau dans le sens suivant: l’arrêt du Tribunal cantonal fribourgeois est annulé et, à titre principal, une rente entière d’invalidité est allouée à l’assurée ; à titre subsidiaire, la cause est renvoyée à l’autorité judiciaire cantonale pour complément d’instruction sur le plan médical.

 

TF

L’art. 123 al. 2 let. a LTF prévoit que la révision peut être demandée dans les affaires civiles et dans les affaires de droit public, si le requérant découvre après coup des faits pertinents ou des moyens de preuve concluants qu’il n’avait pas pu invoquer dans la procédure précédente, à l’exclusion des faits ou moyens de preuve postérieurs à l’arrêt. La jurisprudence a précisé que ces faits doivent être pertinents, c’est-à-dire de nature à modifier l’état de fait qui est à la base de l’arrêt attaqué et à aboutir à un jugement différent en fonction d’une appréciation juridique correcte (ATF 143 V 105 consid. 2.3 p. 107; 143 III 272 consid. 2.2 p. 275 et les arrêts cités).

En droit des assurances sociales, une évaluation médicale effectuée dans les règles de l’art revêt une importance décisive pour l’établissement des faits pertinents (ATF 122 V 157 consid. 1b p. 159). Elle implique en particulier la neutralité de l’expert, dont la garantie vise à assurer notamment que ses conclusions ne soient pas influencées par des circonstances extérieures à la cause et à la procédure (cf. ATF 137 V 210 consid. 2.1.3 p. 231), ainsi que l’absence de toute intervention à l’insu de l’auteur de l’expertise, les personnes ayant participé à un stade ou à un autre aux examens médicaux ou à l’élaboration du rapport d’expertise devant être mentionnées comme telles dans celui-ci. Or les manquements constatés au sein du « département expertise » par le Tribunal fédéral dans la procédure relative au retrait de l’autorisation de la clinique S.__ soulèvent de sérieux doutes quant à la manière dont des dizaines d’expertises ont été effectuées au sein de cet établissement (arrêt 2C_32/2017 consid. 7.1) et portent atteinte à la confiance que les personnes assurées et les organes de l’assurance-invalidité étaient en droit d’accorder à l’institution chargée de l’expertise (voir aussi arrêt 8C_657/2017 du 14 mai 2018 consid. 5.2.2). Dès lors, de même que l’organe d’exécution de l’assurance-invalidité ou le juge ne peut se fonder sur un rapport médical qui, en soi, remplit les exigences en matière de valeur probante (sur ce point, cf. ATF 125 V 351 consid. 3a p. 352) lorsqu’il existe des circonstances qui soulèvent des doutes quant à l’impartialité et l’indépendance de son auteur, fondés non pas sur une impression subjective mais une approche objective (ATF 137 V 210 consid. 6.1.2 p. 267; 132 V 93 consid. 7.1 p. 109 et la référence; arrêt 9C_104/2012 du 12 septembre 2012 consid. 3.1), il n’est pas admissible de reprendre les conclusions d’une expertise qui a été établie dans des circonstances ébranlant de manière générale la confiance placée dans l’institution mandatée pour l’expertise en cause.

En l’occurrence, l’expertise, sur laquelle s’est essentiellement appuyée la juridiction cantonale pour nier le droit de l’assurée à des prestations d’invalidité et qui a été prise en considération dans la procédure principale par le Tribunal fédéral pour juger de la conformité au droit de l’appréciation des preuves cantonale, a été réalisée à une époque où le responsable médical du « département expertise » modifiait illicitement le contenu de rapports. En conséquence, cette expertise ne peut pas servir de fondement pour statuer sur le droit de l’assurée aux prestations de l’assurance-invalidité. Peu importe le point de savoir si ledit responsable est concrètement intervenu dans la rédaction du rapport du docteur B.__, voire en a modifié le contenu à l’insu de son auteur, parce qu’il n’est en tout état de cause pas possible d’accorder pleine confiance au rapport du 21 mars 2014, établi sous l’enseigne de la clinique S.__. Les exigences liées à la qualité de l’exécution d’un mandat d’expertise médicale en droit des assurances sociales ne pouvaient être considérées comme suffisamment garanties au sein du « département expertise » de celle-ci (sur l’importance de la garantie de qualité de l’expertise administrative, SUSANNE LEUZINGER, Die Auswahl der medizinischen Sachverständigen im Sozialversicherungsverfahren [Art. 44 ATSG], in Soziale Sicherheit – Soziale Unsicherheit, Mélanges à l’occasion du 65ème anniversaire de Erwin Murer, 2010, p. 438).

Les faits en cause sont de nature à modifier l’état de fait à la base de l’arrêt dont l’assurée demande la révision, dès lors que, eussent-ils été connus du Tribunal fédéral, ils auraient conduit celui-ci à donner une autre issue au litige, singulièrement à nier que l’expertise suivie par la juridiction cantonale pût servir de fondement pour le refus de prestations. Sur le rescindant, il s’impose dès lors d’annuler l’arrêt rendu le 12.12.2016 par la IIe Cour de droit social dans la cause 9C_587/2016.

 

Le TF admet la demande de révision de l’assurée, annule le jugement cantonal et la décision AI et renvoie la cause à l’office AI pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

 

 

Arrêt 9F_5/2018 consultable ici

Communiqué de presse du Tribunal fédéral du 04.09.2018 consultable ici

 

Voir également :

Une clinique genevoise sanctionnée par le Département de la santé

L’OFAS ne collabore plus depuis 2015 avec la clinique Corela

Interpellation Häsler 18.3188 « Dépendance économique des établissements spécialisés dans l’expertise médicale »

8C_657/2017 (f) du 14.05.2018 – Causalité naturelle – Valeur probante d’une expertise médicale réalisée par la Clinique Corela – 6 LAA – 44 LPGA

 

 

9C_839/2017 (f) du 24.04.2018 – Revenu d’invalide selon l’ESS – Abattement / 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_839/2017 (f) du 24.04.2018

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide selon l’ESS – Abattement / 16 LPGA

 

Assuré, né en 1956, a travaillé comme employé à plein temps des services généraux d’une banque dès le 17.01.2000. Après avoir été victime d’un accident de moto le 05.10.2012, il a subi plusieurs interventions chirurgicales notamment au membre inférieur gauche et à l’épaule droite. L’assuré a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité le 30.11.2012. Il bénéficie d’une préretraite depuis le 01.02.2014.

L’office AI a fait verser à son dossier l’expertise orthopédique mise en œuvre par l’assurance-accidents. Dans un rapport établi le 03.06.2015, le spécialiste en chirurgie orthopédique et en chirurgie de la main a diagnostiqué – avec répercussion sur la capacité de travail – une limitation fonctionnelle douloureuse permanente de l’épaule et du poignet droit, des gonalgies gauches sus-condyliennes externes à l’effort et une rhizarthrose bilatérale avancée (symptomatique à gauche). Même en prenant en considération les traitements chirurgicaux proposés (une arthrodèse radio-carpienne et une ablation du matériel d’ostéosynthèse au genou gauche), le médecin a indiqué que la capacité de travail de l’assuré était définitivement nulle dans son activité habituelle de manutentionnaire polyvalent ; l’assuré pouvait en revanche reprendre une activité à 100% ne nécessitant pas de mouvement répétitif ou d’effort du membre supérieur droit dès juin 2015. Le chirurgien traitant a indiqué pour sa part que son patient pouvait reprendre son activité habituelle à un taux d’activité entre 50 et 100% dès le 14.07.2015, avec une baisse de rendement à définir.

L’office AI a octroyé à l’assuré une rente entière de l’assurance-invalidité du 01.10.2013 au 31.03.2014, un quart de rente du 01.04.2014 au 31.12.2014, une rente entière du 01.01.2015 au 31.07.2015, puis un quart de rente dès le 01.08.2015.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/897/2017 – consultable ici)

Par jugement du 16.10.2017, admission partielle du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Après avoir examiné l’ensemble des circonstances concrètes de la cause, en particulier le parcours professionnel de l’assuré qui l’a amené à pratiquer différentes activités professionnelles, les premiers juges ont retenu qu’il exerçait déjà certaines des activités compatibles avec ses limitations fonctionnelles dans son activité habituelle de manutentionnaire polyvalent. Ils en ont déduit que l’assuré disposait des connaissances, des compétences et de l’expérience nécessaires pour exercer de telles activités légères (huissier, caissier, employé de scannage, etc.), sans qu’une formation ou une orientation professionnelle ne soit nécessaire.

Le moment où la question de la mise en valeur de la capacité (résiduelle) de travail pour un assuré proche de l’âge de la retraite sur le marché de l’emploi doit être examiné correspond à celui auquel il a été constaté que l’exercice (partiel) d’une activité lucrative était médicalement exigible (ATF 138 V 457 consid. 3.3 p. 461 et consid. 3.4 p. 462). Au moment déterminant où le médecin-expert a constaté la pleine capacité de travail de l’assuré dans une activité adaptée, celui-ci était âgé de 59 ans. L’assuré n’avait dès lors pas encore atteint l’âge à partir duquel le Tribunal fédéral admet qu’il peut être plus difficile de se réinsérer sur le marché du travail (ATF 143 V 431 consid. 4.5.2 p. 433). Aussi, si l’âge de l’assuré peut limiter dans une certaine mesure ses possibilités de retrouver un emploi, on ne saurait considérer qu’il rend à lui seul cette perspective illusoire au point de procéder à une analyse globale de sa situation au sens de l’ATF 138 V 457.

L’argumentation de l’assuré ne met finalement nullement en évidence des circonstances susceptibles d’établir que la juridiction cantonale aurait violé le droit fédéral en opérant un abattement de 15% sur le salaire statistique retenu au titre de revenu d’invalide. En particulier, le simple fait que l’assuré cite une cause dans laquelle le Tribunal administratif fédéral a admis, dans un cas particulier, un taux d’abattement de 20% pour une personne âgée de 59 ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-1020/2014 du 9 juin 2016 consid. 11.3) ne saurait établir que l’autorité précédente a commis un excès de son pouvoir d’appréciation ou qu’elle aurait abusé de celui-ci dans le cas d’espèce.

Il n’y a dès lors pas lieu de s’écarter de l’appréciation globale de l’autorité précédente concernant la réduction (de 15%) à opérer sur le revenu d’invalide.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_839/2017 consultable ici

 

 

Conditions d’assurance / 36 al. 1 LAI (en vigueur jusqu’au 31.12.2007) Incapacité de travail avant l’arrivée en Suisse Expertise médicale sur une période remontant à plus de 30 ans – Appréciation rétrospective de la situation – Valeur probante donnée

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_291/2018 (f) du 03.08.2018

 

Consultable ici

 

Conditions d’assurance / 36 al. 1 LAI (en vigueur jusqu’au 31.12.2007)

Incapacité de travail avant l’arrivée en Suisse

Expertise médicale sur une période remontant à plus de 30 ans – Appréciation rétrospective de la situation – Valeur probante donnée

 

Assurée, née en 1954 au Brésil, arrivée en Suisse en septembre 1985, ayant épousé un citoyen suisse le 29.11.1985. Le 01.04.2010, elle a requis de l’office AI l’octroi d’une rente en raison d’une schizophrénie bipolaire chronique dont elle souffrait depuis 1983.

Après plusieurs procédures (9C_230/2012, 9C_262/2015) et expertises, de nombreux indices convergeaient pour conclure qu’au moins une incapacité de travail de 40% avait dû exister à partir de 1981, voire avant, même s’il n’était pas possible de l’affirmer « avec une certitude à 100% ». Par décision, l’office AI a rejeté la demande de prestations, les conditions générales d’assurance n’étant pas remplies.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 246/17 – 58/2018 – consultable ici)

Par jugement du 26.02.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Par son argumentation, l’assurée conteste la possibilité de faire établir, par le biais d’une expertise médicale, l’étendue de sa capacité de travail pour une période antérieure à son arrivée en Suisse, cela de manière rétrospective. Cette approche ne se concilie pourtant pas avec l’arrêt du Tribunal fédéral du 05.09.2012 (9C_230/2012), singulièrement avec les considérants 2.1 et 3, selon lesquels le renvoi pour instruction complémentaire avait précisément été ordonné afin de trancher cette question dont dépend l’issue du litige ; la mission de l’expert consistait à s’exprimer sur la situation qui prévalait dans les années quatre-vingt et à dire si l’assurée était à cette époque-là capable ou non de travailler nonobstant son affection psychique (cf. arrêt 9C_262/2015 du 08.01.2016 consid. 6.1).

Il n’est effectivement pas rare dans le domaine de l’assurance-invalidité que l’évaluation médicale de la capacité de travail doive porter sur une période remontant à plusieurs années dans le passé, ce qui suppose une appréciation rétrospective de la situation, à l’aide des données du dossier et de l’examen de la personne concernée.

L’expert a rempli la tâche qui lui était dévolue, apportant des réponses claires et motivées aux questions qui lui étaient posées. Le fait qu’il a mis en évidence la difficulté de répondre aux questions des parties quant à une incapacité de travail remontant à plus de trente ans ne permet pas de qualifier de « pures spéculations » les conclusions du médecin. Celles-ci reposent sur des explications convaincantes en fonction notamment du diagnostic posé et des données anamnestiques.

Le point de savoir si une personne subit une incapacité de travail (au sens de l’art. 28 al. 1 let. b LAI en relation, depuis le 1er janvier 2003, avec l’art. 6 LPGA) constitue une question de fait à laquelle doit répondre l’administration ou le juge, à l’aide des observations médicales recueillies. Les faits y relatifs doivent être établis selon le degré de la vraisemblance prépondérante (sur cette notion, ATF 135 V 39 consid. 6.1), « l’application par analogie de l’art. 16 CC, soit une présomption de capacité » – telle que souhaitée par l’assurée – étant incompatible avec ladite règle de preuve du droit des assurances sociales et ne trouvant, au demeurant, aucune assise normative ou jurisprudentielle.

Pour le surplus, l’expert a retenu une pathologie cyclique et récurrente, ainsi qu’une incapacité de travail totale antérieure de plusieurs années à son arrivée en Suisse. Il a fait état de la première décompensation psychique en 1981 et expliqué de manière convaincante, à la lumière également des deux hospitalisations de 1981 et de 1984 évoquées par l’assurée, les raisons pour lesquelles celle-ci devait être considérée comme « une véritable atteinte combinée sur le plan psychotique comme bipolaire avec une fragilité consécutive » ayant un caractère durable et entraînant une incapacité de travail d’au moins 40% à partir de 1981. L’affirmation de l’assurée selon laquelle sa maladie lui aurait laissé « un long répit » ensuite de la première hospitalisation ne suffit pas à démontrer en quoi la constatation d’une incapacité de travail dès 1981 serait insoutenable et procéderait d’une administration et d’une appréciation des preuves contraires au droit (art. 61 let. c LPGA et 97 al. 1 LTF).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_291/2018 consultable ici

 

 

9C_47/2018 (f) du 28.06.2018 – Allocation pour impotent AI / Notion de home – Logement individuel vs logement collectif assimilé à un home – 42ter al. 2 LAI – 35ter al. 1 RAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_47/2018 (f) du 28.06.2018

 

Consultable ici

 

Allocation pour impotent AI

Notion de home – Logement individuel vs logement collectif assimilé à un home / 42ter al. 2 LAI – 35ter al. 1 RAI

 

Assurée, née en 1975, au bénéfice d’une rente AI depuis le 01.03.2005 en raison de différentes atteintes à la santé psychique. Au mois de juin 2016, l’assurée a déposé une demande d’allocation pour impotent. Entre autres mesures d’instruction, l’office AI a diligenté une enquête à domicile. L’enquêtrice a retenu l’existence, depuis le mois de mars 2012, d’un besoin de soins permanents ainsi que d’accompagnement pour accomplir quatre actes ordinaires de la vie. A cette occasion, elle a également constaté que l’assurée habite avec son compagnon dans un appartement mis à sa disposition par la Fondation B.___. Sur cette base, l’administration a reconnu à l’assurée le droit à une allocation pour impotent de degré moyen, dès le 01.06.2015; elle en a fixé le montant mensuel à 294 fr., correspondant à celui octroyé aux personnes séjournant dans un home.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 143/17 – 371/2017 – consultable ici)

Selon les constatations de la juridiction cantonale, l’assurée ne vit pas dans une structure collective de logements. L’assurée vit dans « un appartement ordinaire mis à sa seule disposition, dans un immeuble ordinaire […] occupé par d’autres locataires sans aucun lien avec la Fondation ». La cour cantonale a constaté que le bail à loyer n’a pas été conclu par l’assurée, mais par un organisme œuvrant pour l’insertion sociale et professionnelle d’adultes et jeunes adultes en difficulté. Elle a dûment apprécié cette circonstance et a admis que celle-ci ne permettait pas à l’office AI de considérer que l’assurée vit dans un home.

Par jugement du 15.12.2017, admission du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision en ce sens que l’assurée a droit à une allocation pour impotent de degré moyen d’un montant de 1’175 fr. par mois (dès le 01.06.2015). En bref, il a considéré que l’appartement occupé par cette dernière ne pouvait pas être assimilé à un home.

 

TF

Conformément à l’art. 42ter al. 2 première phrase LAI, le montant de l’allocation pour impotent versée aux assurés qui séjournent dans un home correspond au quart des montants prévus pour les personnes qui ne vivent pas dans une telle institution. La différence entre les montants de la prestation en fonction du lieu de vie de l’ayant droit, singulièrement l’augmentation des montants versés aux personnes concernées ne séjournant pas dans un home, a été introduite par la 4e révision de la LAI afin de permettre aux personnes présentant un handicap de choisir librement leur mode de vie et de logement en disposant des fonds nécessaires pour « acheter » l’assistance dont elles ont besoin. Le versement d’une allocation pour impotent d’un montant plus élevé à ces personnes devait leur permettre d’éviter un éventuel placement dans un home et de vivre de manière indépendante aussi longtemps que possible (Message du Conseil fédéral du 21 février 2001 concernant la 4e révision de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité, FF 2001 3046 3086; cf. aussi ATF 132 V 321 consid. 6.3 p. 327).

 

Notion de home

D’abord définie dans la Circulaire sur l’invalidité et l’impotence dans l’assurance-invalidité (CIIAI) de l’OFAS, la notion de home a été inscrite dans le règlement sur l’assurance-invalidité (introduction de l’art. 35ter RAI) avec effet au 1er janvier 2015 (RO 2014 3177).

Aux termes de l’art. 35ter al. 1 RAI, est réputée home au sens de la loi toute forme de logement collectif qui sert à l’assistance ou aux soins prodigués à l’assuré lorsque, alternativement: l’assuré n’assume pas de responsabilité dans sa gestion (let. a); l’assuré ne peut pas décider librement de quelle prestation d’aide il a besoin ou sous quelle forme, ou encore qui la lui fournit ou à quel moment (let. b); un forfait pour les prestations de soins ou d’assistance doit être versé (let. c). Conformément aux explications de l’OFAS, la notion de home désigne une communauté d’habitation placée généralement sous la responsabilité d’un support juridique ayant une direction et des employés. Il faut non seulement que les résidents disposent d’un espace qui leur est loué, mais qu’ils bénéficient aussi, contre paiement, d’autres offres et services (nourriture, conseil, encadrement, soins, occupation ou réinsertion, notamment) dont ils ne disposeraient pas – ou pas de cette nature et dans cette mesure – s’ils vivaient dans leur propre logement ou que, dans ce cas, ils devraient organiser eux-mêmes. L’élément déterminant est donc la fourniture d’un éventail de prestations qui ne sont pas dispensées, ou du moins pas durablement, dans un logement individuel ou dans une communauté de vie ordinaire, mais qui sont caractéristiques d’un home (Commentaire de l’OFAS concernant la modification du RAI du 19 septembre 2014, p. 3 s., <http://www.ofas.admin.ch>, sous Assurance-invalidité AI, Informations de base & Législation [consulté le 22.06.2018]).

A teneur de l’art. 35ter al. 4 RAI, un logement collectif n’est pas assimilé à un home, lorsque l’assuré peut déterminer et acquérir lui-même les prestations de soins et d’assistance dont il a besoin (let. a), vivre de manière responsable et autonome (let. b), et choisir et organiser lui-même ses conditions de logement (let. c). Ces conditions doivent être réalisées de manière cumulative. Selon l’OFAS, il faut considérer qu’un assuré ne vit pas en home lorsqu’il mène une vie autonome et indépendante dans un logement privé (Commentaire de l’OFAS, op. cit., p. 5).

Le point de savoir si une personne réside dans un home au sens de l’art. 35ter RAI est une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement; les constatations faites par la juridiction cantonale pour y répondre relèvent en revanche d’une question de fait que le Tribunal fédéral ne peut revoir que dans les limites de l’art. 105 al. 2 LTF (consid. 1 supra; arrêt 9C_685/2017 du 21 mars 2018 consid. 5.1).

 

Selon les premiers juges, le fait que la Fondation est le locataire principal de l’appartement et qu’elle en a transféré l’usage à l’intéressée par le biais d’une convention de « mise à disposition d’un logement avec bail-relais » (soit, un contrat de sous-location), dont une clause prévoit que « l’usage de l’appartement est directement lié à [une] prise en charge socio-éducative », ne suffit pas pour admettre que l’assurée n’est pas libre de choisir et d’organiser ses conditions de logement (art. 35ter al. 4 let. c RAI). Ils ont en effet expliqué que l’objectif de cette clause consiste à « souligner que l’aide fournie par la Fondation pour l’obtention d’un logement a lieu dans le cadre plus général du suivi alloué par cette même Fondation », et l’office AI n’expose pas en quoi cette constatation serait manifestement arbitraire ou inexacte.

Par ailleurs, l’administration ne précise pas l’étendue de la prise en charge socio-éducative à laquelle elle se réfère pourtant pour soutenir que le logement dans lequel vit l’assurée devrait être assimilé à un home. L’office AI se limite effectivement à mentionner que d’autres clauses de la convention restreignent l’autonomie de l’assurée dans le choix et l’organisation de ses conditions de logement (ainsi, notamment, la possibilité de cohabiter avec une autre personne est subordonnée à l’accord préalable de la Fondation, cette dernière conserve un double de la clé du logement, ses collaborateurs rendent des « visites régulières » aux usagers « pour s’assurer du bon déroulement de la convention de mise à disposition », et le non-respect du suivi socio-éducatif autorise la Fondation à résilier la convention). Ces éléments ne suffisent cependant pas pour s’écarter de l’appréciation de la juridiction de première instance selon laquelle les restrictions d’utilisation du logement « ont pour but de définir un cadre strict à l’égard du bénéficiaire, dès lors que la Fondation, en qualité de locataire principal, est responsable à l’égard du bailleur des agissements du sous-locataire ». La visite régulière de collaborateurs de la Fondation ou le fait que celle-ci détient la clé de l’appartement n’empêche pas l’assurée de choisir et d’organiser ses conditions de logement comme il en irait d’une personne vivant dans un logement collectif. Ainsi, l’assurée a-t-elle librement choisi de partager son logement avec son partenaire, l’accord préalable de la Fondation en tant que locataire responsable à l’égard du propriétaire n’étant pas déterminant. En conséquence, l’administration ne peut pas être suivie lorsqu’elle fait grief à la juridiction cantonale de ne pas avoir pris en considération le fait que le contrat de bail est lié à une convention qui restreint l’autonomie de l’assurée; contrairement à ce que soutient le recourant, ce facteur a été dûment examiné par le tribunal cantonal, qui a considéré que les différents éléments susceptibles de parler en faveur d’une absence de liberté dans le choix des conditions de logement ne sont pas suffisants pour admettre que la condition posée par l’art. 35ter al. 4 let. c RAI ne serait pas réalisée.

D’autre part, s’agissant des conditions posées par l’art. 35ter al. 4 let. a et b RAI, rien dans les constatations cantonales ne permet d’inférer que l’assurée ne peut pas déterminer et acquérir elle-même les prestations de soins et d’assistance dont elle a besoin, ni qu’elle ne serait pas à même de vivre de manière responsable et autonome.

 

Concernant les prestations fournies par la Fondation, il ressort des constatations cantonales que cette dernière a offert à l’assurée un soutien pour la recherche d’un logement, et que cette aide est prodiguée en raison des difficultés que rencontrent les personnes soutenues par la Fondation pour obtenir un appartement au vu de leur situation financière. Actuellement, les prestations fournies consistent en une visite hebdomadaire, destinée à permettre à l’intéressée d’entretenir des contacts sociaux. Par ailleurs, à la suite de la juridiction cantonale, il faut admettre que la convention ne fait aucune mention d’une éventuelle facturation à l’assurée des prestations dispensées par la Fondation (absence de référence à une taxe journalière, un forfait couvrant les prestations de soutien offertes ou à une facturation en fonction des besoins effectifs). L’assurée est en effet uniquement tenue de s’acquitter du paiement du loyer prévu dans le contrat de bail à loyer qui lie la Fondation au propriétaire de l’appartement (soit un montant mensuel de 850 fr., auquel s’ajoute un montant de 100 fr. correspondant au rachat de la garantie bancaire effectuée par la Fondation conformément au contrat de bail). En outre, la Fondation ne dispense pas de prestations d’aide médicale à l’assurée. Selon les constatations des premiers juges, celles-ci lui sont fournies par le Centre médico-social (CMS), à raison d’une visite quotidienne. S’agissant d’un organisme indépendant, avec lequel l’assurée entretient des rapports dans lesquels la Fondation n’intervient pas, il faut admettre que l’assurée a le libre choix des personnes qui lui fournissent les soins nécessaires. On ajoutera que la convention ne lie pas l’usage de l’appartement à la dispensation de soins, ni au reversement de l’allocation pour impotent à la Fondation.

En conséquence de ce qui précède, on constate que la Fondation ne fournit pas à l’assurée une gamme de prestations qui ne sont pas dispensées, ou du moins pas durablement, dans un logement individuel ou dans une communauté de vie ordinaire, mais qui sont caractéristiques d’un home. Il faut donc admettre que l’assurée peut déterminer et acquérir elle-même les prestations de soins et d’assistance dont elle a besoin (art. 35ter al. 4 let. a RAI).

Quant au degré d’autonomie et d’indépendance dont bénéficie l’assurée (art. 35ter al. 4 let. b RAI), il ressort des constatations des premiers juges que celle-ci ne vit pas dans « un environnement structuré, tel qu’on le rencontre dans une institution telle qu’un home » et qu’elle peut, dans les limites des possibilités offertes par sa santé psychique, organiser à sa guise sa journée sans être tenue à des horaires qui seraient dictés par la structure qui lui met à disposition son logement.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_47/2018 consultable ici

 

 

9C_869/2017 (f) du 04.05.2018 – Comparaison des revenus – Revenu sans invalidité – 16 LPGA / Taux d’activité partielle dans une activité et pratique d’un sport en compétition au niveau international – Durée de la carrière d’un sportif de haut niveau

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_869/2017 (f) du 04.05.2018

 

Consultable ici

 

Comparaison des revenus – Revenu sans invalidité / 16 LPGA

Taux d’activité partielle dans une activité et pratique d’un sport en compétition au niveau international / Durée de la carrière d’un sportif de haut niveau

 

Assuré, né en 1982, titulaire d’un CFC de mécanicien sur cycles et motos, travaillant depuis l’année 2005 en qualité de monteur de panneaux solaires au service de B.___ SA. Le 11.09.2010, il a été victime d’un accident lors d’une course motocycliste qui a entraîné notamment un TCC. Saisi d’une demande de prestations en mars 2011, l’office AI a pris en charge une mesure de réentraînement au travail dans une activité de magasinier auprès de l’employeur. Par contrat de travail du 11.01.2012, l’assuré a été engagé par C.___ SA en tant que mécanicien sur véhicules légers du 15.02.2012 au 15.10.2012; son activité consistait également à assister un pilote moto engagé par C.___ SA. Selon le neuropsychologue FSP, cette activité était adaptée et pouvait être exercée à plein temps. Dès lors que la réadaptation était terminée et que l’assuré ne subissait plus de perte économique ni de diminution de rendement, l’office AI a nié son droit à la rente, par décision du 03.04.2012. A compter du 01.01.2013, l’assuré a exercé une activité indépendante en qualité de mécanicien sur moto, sous la raison individuelle F.___.

Le 24.12.2014, l’assuré a demandé à l’office AI de rouvrir son dossier. Il a produit deux rapports médicaux, précisant que sa capacité de travail, initialement fixée à 100%, se révèle désormais inadéquate et est limitée à 60% dans toutes activités en raison d’un trouble léger à moyen de la fonction cérébrale, sans que sa capacité de gain puisse être augmentée par des mesures professionnelles. Dans un projet de décision du 07.09.2015, l’office Al a fixé le revenu sans invalidité de l’assuré à 54’390 fr. et le revenu d’invalide à 40’646 fr.; leur comparaison aboutissait à un taux d’invalidité de 25%. L’assuré s’est opposé à ce projet, faisant valoir qu’il subissait une invalidité de 45% découlant de la comparaison d’un revenu sans invalidité de 64’050 fr. avec un revenu d’invalide de 35’100 fr. Par décision du 3 novembre 2016, l’office AI a nié le droit à la rente.

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale a constaté que l’assuré n’avait pas travaillé à plein temps durant les années 2009 et 2010, au cours desquelles il avait réalisé un salaire de 51’800 fr., respectivement 51’000 fr. Il avait réduit son taux d’occupation afin de pouvoir se consacrer à son sport (le motocyclisme) qu’il pratiquait en compétition au niveau international. Après avoir rappelé que pour les travailleurs à temps partiel, le revenu sans invalidité correspondait alors au revenu effectivement obtenu et non à celui qui aurait été réalisé dans une activité à temps complet, les premiers juges ont considéré qu’aucune circonstance particulière ne justifiait que l’on s’écarte, en l’espèce, de cette règle dans la mesure où il apparaissait très vraisemblable que l’assuré aurait continué de travailler à un taux réduit pendant certaines périodes de l’année pour pouvoir pratiquer son sport favori. Dans ce contexte, ils ont aussi constaté que les recettes de sponsoring dont l’assuré avait disposé avaient été entièrement affectées au paiement des frais de la saison de compétition et qu’elles n’y suffisaient pas puisqu’il avait dû financer les frais en partie avec ses propres revenus. Comme l’assuré n’avait jamais pu bénéficier d’un quelconque salaire et que le sponsoring ne lui avait procuré aucun gain financier propre, il n’y avait pas lieu d’ajouter un montant à titre de revenu accessoire d’une activité indépendante. Aucun revenu lié au sponsoring ne figurait d’ailleurs sur son compte individuel AVS. Après indexation, le revenu sans invalidité s’élevait ainsi à 54’390 fr.

Par jugement du 25.10.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA). Le revenu sans invalidité est celui que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas devenu invalide. Selon la jurisprudence, pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l’assuré aurait – au degré de la vraisemblance prépondérante – réellement pu obtenir au moment déterminant s’il n’était pas invalide (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 p. 30; 135 V 297 consid. 5.1 p. 300; 134 V 322 consid. 4.1 p. 325). Le revenu sans invalidité s’évalue, en règle générale, d’après le dernier salaire que l’assuré a obtenu avant l’atteinte à la santé, en tenant compte de l’évolution des circonstances au moment de la naissance du droit à la rente et des modifications susceptibles d’influencer ce droit survenues jusqu’au moment où la décision est rendue (ATF 129 V 222 consid. 4.1 p. 223).

Si le revenu sans invalidité qui doit être pris en considération est celui que l’assuré pourrait obtenir sans l’atteinte à la santé, c’est-à-dire d’abord celui établi sur la base des salaires qu’il percevait de l’entreprise B.___ SA à l’époque où il avait été victime de l’accident, le 11.09.2010, il convient toutefois de tenir compte de l’évolution des circonstances au moment de la naissance du droit à la rente et des modifications susceptibles d’influencer ce droit survenues jusqu’au moment où la décision est rendue. En l’espèce, le moment de la naissance du droit à la rente se situe en novembre 2015, soit une année après que l’assuré eut présenté sans interruption une incapacité de travail de 40% (cf. art. 28 al. 1 let. b LAI).

Il ressort des rapports de l’office AI (que les premiers juges n’ont pas prises en considération, mais dont il sied de tenir compte d’office en vertu de l’art 105 al. 2 LTF) que l’assuré avait travaillé à plein temps jusqu’en 2007, qu’il avait réduit son horaire de travail depuis 2008 en raison de la compétition motocycliste, et qu’il percevait en 2010 le 78,5% du salaire dont il aurait bénéficié s’il avait poursuivi son activité lucrative à temps complet. L’assuré avait certes aussi allégué avoir reçu des offres pour le championnat mondial en 2011, de sorte qu’il aurait continué la compétition jusqu’à cette année.

Les renseignements pris par l’office AI auprès de la Fédération internationale de motocyclisme (FIM) ont cependant mis en évidence que la carrière d’un sportif de haut niveau dans ce domaine est relativement courte et que l’assuré « n’aurait raisonnablement pas pu continuer pendant encore ‘longtemps’ la compétition au niveau mondial ou européen ». On doit donc retenir que l’assuré aurait dû se retirer de la compétition dans les années suivant 2011 en raison de son âge.

Or, comme avant de s’adonner à la compétition, l’assuré avait travaillé à plein temps et qu’il a repris une telle activité après avoir dû arrêter le sport, il apparaît selon le degré de vraisemblance prépondérante que sans l’atteinte à la santé il aurait exercé une activité lucrative à plein temps à tout le moins en 2015.

En définitive, le revenu sans invalidité correspond à ce que l’assuré aurait obtenu en 2015 pour une activité à plein temps auprès de B.___ SA, à savoir 68’900 fr., ainsi que l’office AI l’a retenu dans un rapport en se fondant sur les réponses que l’ancien employeur avait données à l’assureur-accidents.

 

Le TF admet le recours de l’assuré et annule le jugement cantonal et la décision de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_869/2017 consultable ici

 

 

AI : Changements dans la méthode mixte

AI : Changements dans la méthode mixte

 

Article de Ralph Leuenberger et Gisella Mauro, paru in Sécurité sociale CHSS, 2018-1, p. 40-46, consultable ici

 

Le 1er janvier 2018, le Conseil fédéral a changé le mode d’évaluation de l’invalidité pour les personnes exerçant une activité lucrative à temps partiel (méthode mixte) ou sans activité lucrative (méthode spécifique). Ces modifications réglementaires étaient devenues nécessaires à la suite d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

[Extrait de l’article]

 

Évaluation de l’invalidité et calcul des rentes en application de la méthode mixte depuis le 1er janvier 2018

L’arrêt de la CEDH a fondamentalement changé la situation juridique en ce qui concerne l’évaluation de l’invalidité des personnes exerçant une activité lucrative à temps partiel. La révision de la méthode d’évaluation applicable aux personnes qui travaillent à temps partiel et accomplissent des travaux habituels devait aller au-delà de la simple optimisation initialement envisagée par le Conseil fédéral dans son rapport en réponse au postulat Jans.

Puisque l’art. 28a al. 3 LAI ne précise pas comment les revenus à prendre en considération dans la comparaison des revenus doivent être déterminés, le Conseil fédéral avait la possibilité, conformément à l’art. 86 al. 2 LAI, de régler les nouvelles modalités de la méthode mixte au niveau réglementaire. De son point de vue, la définition d’un mode de calcul conforme aux exigences de la CEDH pour une conception non discriminatoire de la méthode mixte s’inscrivait également dans le prolongement de ses efforts visant à renforcer les moyens de concilier vie familiale et vie professionnelle. Le nouveau mode de calcul de la méthode mixte, désormais réglé à l’art. 27bis al. 2 à 4 RAI, est entré en vigueur le 1er janvier 2018.

Le calcul du taux d’invalidité pour la partie concernant l’activité lucrative continue d’être régi par l’art. 16 LPGA. L’élément nouveau est que le revenu sans invalidité n’est plus déterminé sur la base du revenu correspondant au taux d’occupation de l’assuré, mais est désormais extrapolé pour la même activité lucrative exercée à plein temps. La détermination du revenu d’invalide est, quant à elle, inchangée. La perte de gain exprimée en pourcentage du revenu sans invalidité est ensuite pondérée au moyen du taux d’occupation auquel l’assuré travaillerait s’il n’était pas invalide.

Le taux d’invalidité en lien avec les travaux habituels est, comme c’était le cas auparavant, déterminé au moyen de la méthode de comparaison des types d’activité prévue à l’art. 28a al. 2 LAI. De même que pour les assurés qui accomplissent des travaux habituels à plein temps, l’invalidité est calculée en fonction de l’incapacité de l’assuré à accomplir ses travaux habituels. La limitation ainsi obtenue est pondérée au moyen de la différence entre le taux d’occupation de l’activité lucrative et une activité à plein temps.

Le taux d’invalidité total est obtenu en additionnant les deux taux d’invalidité pondérés.

Le mode de calcul proposé garantit que les interactions entre activité lucrative et travaux habituels sont systématiquement prises en compte, ce qui contribue à l’objectif de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. Le mandat d’expertise uniforme (Kocher 2017), également introduit le 1er janvier 2018, garantit pour sa part, dans le cadre de l’expertise médicale, que la situation de l’assuré (activité lucrative à plein temps, à temps partiel, sans activité lucrative) est connue du médecin et prise en compte pour l’évaluation des conséquences de l’atteinte à la santé.

 

Dispositions transitoires

En vertu des dispositions transitoires, toutes les rentes partielles en cours (quarts de rente, demi-rentes et trois quarts de rente) qui avaient été déterminées au moyen de la méthode mixte avant son adaptation doivent faire l’objet d’une révision, puisque le nouveau mode de calcul peut conduire à reconnaître le droit à une rente plus élevée. Les offices AI doivent entreprendre une révision de ces rentes dans l’année qui suit l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation. Quelque 6800 cas sont concernés (situation à fin 2016). Cela ne veut pas dire que toutes les révisions devront être terminées dans le délai d’une année. Selon les clarifications nécessaires (expertises médicales, enquête sur le ménage) et les éventuels autres changements de la situation, la décision au sujet des prestations pourra intervenir ultérieurement. L’éventuelle augmentation de la rente sera toutefois accordée à compter de la date d’entrée en vigueur de la modification du règlement, c’est-à-dire à partir du 1er janvier 2018. En ce qui concerne les rentes entières qui avaient été déterminées au moyen de la méthode mixte, le nouveau mode de calcul ne leur sera appliqué que dans le cadre de la révision ordinaire des rentes.

Il n’est pas possible de procéder d’office à une révision pour les cas où l’application de la méthode mixte avait débouché sur un taux d’invalidité trop faible pour reconnaître le droit à une rente. C’est à l’assuré qu’il revient de déposer une nouvelle demande dans ces cas. L’office AI est tenu d’examiner une nouvelle demande s’il paraît vraisemblable que le calcul du taux d’invalidité aboutira à reconnaître un droit à la rente. Les variables initialement disponibles (statut activité lucrative / travaux habituels, revenu sans invalidité, revenu d’invalide, incapacité à accomplir les travaux habituels) doivent être prises en compte à cette fin et utilisées dans la nouvelle formule de calcul. Conformément à l’art. 29 al. 1 LAI, un éventuel droit à la rente prend naissance au plus tôt six mois après la date à laquelle l’assuré a déposé sa nouvelle demande.

 

Autres nouveautés et conséquences de la modification du règlement

Le règlement est aussi modifié en ce qui concerne les activités ménagères prises en compte pour la comparaison des types d’activité. Conformément à la jurisprudence et à la loi, l’accent doit être mis sur les activités qui peuvent être assimilées à une activité lucrative. Le critère de la tierce personne est décisif à cet égard. Il consiste à se demander si l’activité considérée se prête à être assurée par des tiers (personnes ou entreprises) contre rémunération. C’est le cas des activités usuelles dans le ménage, par exemple l’alimentation, l’entretien du logement, les achats et courses diverses, la lessive et l’entretien des vêtements. Dans la mesure où elles ne peuvent pas être assumées par d’autres membres de la famille au titre de l’obligation de réduire le dommage, ces activités devraient être accomplies, en cas d’atteinte à la santé, par des prestataires externes (femme de ménage, aide ménagère, etc.). Outre ces tâches ménagères traditionnelles, les soins et l’assistance aux proches revêtent également une pertinence économique, puisque ces activités doivent, dans certaines circonstances, être assurées par des tiers (nourrice, service de soins à domicile, etc.) après la survenance d’une atteinte à la santé.

Les activités artistiques et d’utilité publique ne sont plus mentionnées dans la disposition du règlement. Bien que les secondes aient indubitablement une utilité sur le plan macro-économique, l’incapacité à les accomplir n’expose pas le ménage concerné à un préjudice économique et n’a donc pas à être compensée par l’AI. Pour ce qui est des activités artistiques, il faut tenir compte de la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle les occupations purement de loisirs ne font pas partie des activités relevant des travaux habituels. S’il ne s’agit que d’un loisir, la cessation de cette activité n’engendre généralement pas de perte économique. À l’inverse, si l’activité artistique est exercée de manière professionnelle et permet de générer un certain revenu, il s’agit d’une activité lucrative qui doit être prise en compte lors de la détermination du statut de l’assuré (Genner 2013).

Le Tribunal fédéral a aussi traité de manière distincte la situation particulière des personnes qui exercent une activité à temps partiel sans accomplir de travaux habituels c’est-à-dire qui réduisent leur taux d’occupation non pas pour s’acquitter d’obligations d’assistance envers leurs enfants ou leurs proches, mais pour avoir plus de temps libre. Dans sa jurisprudence, le tribunal considérait que l’évaluation de l’invalidité devait, dans ces cas, se faire au moyen de la méthode de comparaison des revenus en tenant compte à deux reprises du fait que l’activité est exercée à temps partiel. Pour des raisons d’égalité devant la loi, le revenu sans invalidité des personnes qui exercent une activité lucrative à temps partiel sans accomplir de travaux habituels doit désormais, comme avec la méthode mixte, être extrapolé pour une activité hypothétique à plein temps. Cette règle n’est pas énoncée dans le règlement, mais introduite par voie de directive.

 

 

Nous renvoyons le lecteur à l’article in toto de Ralph Leuenberger et Gisella Mauro, paru in Sécurité sociale CHSS, 2018-1, p. 40-46, consultable ici pour l’explication complète, les détails, références et le tableau explicatif du calcul.

 

 

8C_779/2017 (f) du 25.04.2018 – Accident chez un jeune assuré en cours d’apprentissage / Revenu sans invalidité calculé sur la base de l’ESS (vs selon la CCT par l’assurance-accidents) – Possibilités théoriques de développement professionnel – 16 LPGA – 26 al. 2 RAI / Existence d’un salaire social dans le calcul du revenu d’invalide

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_779/2017 (f) du 25.04.2018

 

Consultable ici

 

Accident chez un jeune assuré en cours d’apprentissage

Revenu sans invalidité – Possibilités théoriques de développement professionnel / 16 LPGA – 26 al. 2 RAI

Revenu sans invalidité calculé sur la base de l’ESS (vs selon la CCT par l’assurance-accidents)

Existence d’un salaire social dans le calcul du revenu d’invalide

 

Assuré, né en 1990, a entrepris un apprentissage de maçon au mois de juillet 2006. Le 18.04.2008, au cours de sa deuxième année d’apprentissage, il a été victime d’un grave accident de la circulation à la suite duquel il a subi notamment un traumatisme cranio-cérébral et de nombreuses fractures. L’assuré a repris les cours théoriques de deuxième année d’apprentissage à partir du mois de septembre 2008, mais la reprise pratique au mois de mars 2009 a été perturbée en raison des limitations de l’intéressé. L’office AI a mis en œuvre un stage préparatoire à l’entrée en apprentissage d’agent d’exploitation au cours du printemps 2010. L’assuré a entrepris cette formation au mois de septembre suivant et a obtenu un CFC dans cette profession au mois de juin 2013.

Le Département de B.__ a engagé l’assuré à partir du 01.01.2015 en qualité de concierge auprès d’une école à un taux d’activité de 50%. Le salaire mensuel était de 2’267 fr. 40. Par ailleurs l’intéressé a été engagé à compter de la même date par la Ville de D.__ en qualité de concierge de la salle de sport de la même école à un taux d’activité de 18% environ, correspondant à 400 heures par année scolaire. Cette activité était rémunérée à raison de 32 fr. 10 par heure, treizième salaire, vacances et jours fériés compris. Pour cette activité un acompte mensuel de 1’000 fr. net était versé du mois de septembre au mois de mai à l’assuré, lequel devait établir au mois de juin le décompte effectif des heures de travail accomplies et percevoir le solde de la rémunération.

L’office AI a alloué à l’assuré une rente entière d’invalidité du 01.12.2009 au 31.03.2015 (mais suspendue pendant la période durant laquelle l’intéressé a bénéficié d’indemnités journalières en raison de la mise en œuvre de mesures de réadaptation professionnelle). Dès le 01.04.2015, un quart de rente fondé sur un taux d’invalidité de 45% a été allouée.

Le revenu sans invalidité (76’766 fr. 95) a été calculé sur la base du salaire réalisable dans une activité de maçon selon l’ESS, motif pris que l’assuré aurait exercé cette profession s’il n’avait pas été victime de l’accident survenu au cours de sa deuxième année d’apprentissage. Le revenu d’invalide a été fixé à 42’316 fr. 20 (29’476 fr. 20 [part versée par l’Etat B.__: 2’267 fr. 40 x 13] + 12’840 fr. [part versée par la Ville de D.__ : 400h x 32 fr. 10 par heure]).

 

Procédure cantonale

Par jugement du 04.10.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Revenu sans invalidité – Possibilités théoriques de développement professionnel

Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA). L’art. 26 RAI est un cas particulier d’application de la méthode générale de la comparaison des revenus et permet de déterminer le revenu sans invalidité des assurés qui n’ont pas de formation professionnelle à cause de leur invalidité. Aux termes de l’al. 2 de cette norme d’exécution, lorsque l’assuré a été empêché par son invalidité d’achever sa formation professionnelle, le revenu qu’il pourrait obtenir s’il n’était pas invalide est le revenu moyen d’un travailleur de la profession à laquelle il se préparait.

Selon la jurisprudence, le revenu que pourrait réaliser l’assuré sans invalidité est en principe établi sans prendre en considération les possibilités théoriques de développement professionnel (lié en particulier à un complément de formation) ou d’avancement, à moins que des indices concrets rendent très vraisemblable qu’elles se seraient réalisées. Cela pourra être le cas lorsque l’employeur a laissé entrevoir une telle perspective d’avancement ou a donné des assurances dans ce sens. En revanche, de simples déclarations d’intention de l’assuré ne suffisent pas; l’intention de progresser sur le plan professionnel doit s’être manifestée par des étapes concrètes, telles que la fréquentation d’un cours, le début d’études ou la passation d’examens (arrêts 9C_221/2014 du 28 août 2014 consid. 3.2; 8C_380/2012 du 2 mai 2013 consid. 2; 8C_839/2010 du 22 décembre 2010 consid. 2.2.2.2). Ces principes s’appliquent aussi dans le cas de jeunes assurés (SVR 2010 UV n° 13 p. 52, 8C_550+677/2009, consid. 4.2). Le point de savoir si le salaire réel aurait augmenté grâce à un développement des capacités professionnelles individuelles, notamment un changement de profession, doit être établi au degré de la vraisemblance prépondérante (RAMA 2006 n° U 568 p. 67, U 87/05, consid. 2; 1993 n° U 168 p. 101, U 110/92, consid. 3b; arrêt 8C_380/2012, déjà cité, consid. 2).

L’assuré fait valoir que sans l’atteinte à la santé il aurait poursuivi sa formation après l’obtention de son CFC. Il avait en effet la ferme intention d’entreprendre une formation complémentaire de contremaître ou tout au moins de chef d’équipe. Les allégations de l’assuré ne sont toutefois pas étayées par des éléments concrets et pertinents établissant qu’il aurait poursuivi sa formation au-delà du CFC de maçon.

Certes il indique avoir fait part à plusieurs personnes de son intention de progresser sur le plan professionnel et d’avoir pris des renseignements à ce sujet. Cependant ces éléments permettent uniquement de déduire qu’il a manifesté son intérêt pour la poursuite de sa formation professionnelle. Il s’agit ainsi de simples déclarations d’intention, insuffisantes à elles seules pour que l’on puisse admettre, au degré de la vraisemblance prépondérante, que leur auteur entendait progresser sur le plan professionnel et devenir contremaître ou chef d’équipe après avoir mené à chef sa formation de maçon. Quant au fait qu’il avait les capacités intellectuelles requises pour atteindre ses buts, il ne présage en rien quant à l’évolution effective de sa carrière professionnelle. Certes, on ne saurait exiger d’un apprenti en cours de formation initiale qu’il suive des cours de contremaître ou de technicien. Il n’en demeure pas moins qu’en dehors de ses simples déclarations d’intention l’intéressé ne se prévaut d’aucun indice concret rendant très vraisemblable que des possibilités théoriques de développement professionnel se seraient réalisées. La cour cantonale n’a dès lors pas violé le droit fédéral en confirmant le point de vue de l’office AI selon lequel le salaire réalisable dans l’activité de maçon est déterminant pour le calcul du revenu sans invalidité.

Les salaires fixés par la convention collective de travail de la construction (73’786 fr.) tiennent mieux compte des différentes catégories d’activités et, partant, sont mieux à même de respecter le principe selon lequel le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible (cf. arrêts 8C_643/2016 du 25 avril 2017 consid. 4.2; 9C_363/2016 du 12 décembre 2016 consid. 5.3.1; 8C_515/2013 du 14 avril 2014 consid. 3.2). Cependant, d’un montant inférieur au salaire statistique, ils ne sont d’aucune aide pour la thèse de l’assuré.

 

Existence d’un salaire social dans le calcul du revenu d’invalide

Selon la jurisprudence des éléments de salaire dont il est prouvé que l’assuré ne peut fournir la contrepartie, parce que sa capacité de travail limitée ne le lui permet pas, ne font pas partie du revenu déterminant pour l’évaluation de l’invalidité. La preuve de l’existence d’un salaire dit « social » est toutefois soumise à des exigences sévères, car on doit partir du principe que les salaires payés équivalent normalement à une prestation de travail correspondante (ATF 141 V 351 consid. 4.2 p. 353; 117 V 8 consid. 2c/aa p. 18). Des liens de parenté ou l’ancienneté des rapports de travail peuvent constituer des indices de la possibilité d’un salaire social (arrêt 9C_371/2013 du 22 août 2013 consid. 4.1 et la référence).

En l’espèce, il n’existe toutefois aucun élément concret permettant de penser que l’assuré n’est pas en mesure de fournir la contrepartie des salaires perçus. En particulier le fait qu’il « donne entièrement satisfaction grâce aux conditions de travail adaptées » (cf. rapport final sur les mesures professionnelles de l’office AI) ne permet pas d’inférer que les rémunérations perçues par l’assuré n’équivalent pas aux prestations de travail correspondantes, bien au contraire. L’existence d’un salaire dit « social » n’apparaît dès lors pas établie au degré de la vraisemblance prépondérante.

 

Revenu d’invalide – Obligation de diminuer le dommage

Le contrat de travail prévoit un taux d’activité de 18% environ, ce qui correspond à 400 heures par année scolaire. Avec un salaire horaire convenu de 32 fr. 10, l’assuré est ainsi en mesure de réaliser un gain annuel de 12’840 fr. par année. Il lui incombait dès lors, en vertu de son obligation de diminuer le dommage, d’accomplir le nombre d’heures de travail convenues et, le cas échéant, d’en établir le décompte effectif à l’attention de son employeur, conformément au contrat de travail.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_779/2017 consultable ici

 

 

Pour le volet AA : arrêt du TF 8C_778/2017 du 25.04.2018