6B_1188/2018 (d) du 26.09.2019, destiné à la publication – Condamnation fondée sur les enregistrements d’une dashcam : le recours de la conductrice est admis

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_1188/2018 (d) du 26.09.2019, destiné à la publication

 

Arrêt consultable ici

Communiqué de presse du TF du 10.10.2019 disponible ici

 

Le Tribunal fédéral annule la condamnation d’une conductrice qui avait été reconnue coupable de multiples violations des règles de la circulation routière sur la base des enregistrements de la dashcam d’un autre usager de la route. L’exploitation, comme moyen de preuve, des prises de vue obtenues en violation de la Loi sur la protection des données, n’est pas admissible dès lors que les violations des règles de la circulation routière en question ne constituent pas des infractions graves. Le Tribunal fédéral n’a pas dû trancher la question de savoir si une exploitation des enregistrements à titre de preuve aurait été licite en cas d’infractions graves.

L’intéressée avait été condamnée en 2018 par le Tribunal de district de Bülach à une peine pécuniaire avec sursis ainsi qu’à une amende de 4000 francs pour de multiples violations des règles de la circulation routière, pour partie graves, sur la base des enregistrements de la dashcam d’un autre usager de la route. Le Tribunal cantonal du canton de Zurich a confirmé le jugement.

Le Tribunal fédéral admet le recours de l’intéressée et annule le jugement du Tribunal cantonal. Les enregistrements privés de la dashcam ont été obtenus en violation de la Loi sur la protection des données (LPD), et donc de manière illégale. Puisque la réalisation de prises de vue depuis un véhicule n’est pas aisément reconnaissable pour les autres usagers de la route, il s’agit d’un traitement secret de données au sens de l’article 4 alinéa 4 LPD, constitutif d’une atteinte à la personnalité.

Le Code de procédure pénale (CPP) règle l’exploitabilité des preuves qui ont été obtenues illégalement par les autorités publiques. Le CPP ne règle pas expressément la question de savoir dans quelle mesure cette inexploitabilité s’applique également aux preuves recueillies par une personne privée. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les moyens de preuve collectés illégalement par des personnes privées ne peuvent être exploités que lorsque les deux conditions cumulatives suivantes sont remplies : en premier lieu, les moyens de preuve collectés par une personne privée auraient pu être collectés de manière légale par les autorités de poursuite pénales ; en second lieu, une pesée des intérêts doit pencher en faveur de leur exploitation.

En rapport avec les moyens de preuve qui ont été recueillis illégalement par les autorités de poursuite pénales, le CPP procède lui-même à cette pesée des intérêts. Il en découle que de telles preuves ne peuvent être exploitées que lorsqu’elles sont indispensables pour élucider des infractions graves. Il apparaît approprié d’appliquer le même critère aux moyens de preuve obtenus illégalement par des personnes privées puisque, du point de vue de la personne concernée, il est sans importance de savoir qui a collecté les preuves auxquelles elle est confrontée dans le cadre de la procédure pénale.

Dans le cas d’espèce, le Tribunal cantonal a qualifié le comportement de l’automobiliste en partie de violations simples, et en partie de violations graves des règles de la circulation routière. Ces infractions constituent des contraventions et des délits, que la jurisprudence du Tribunal fédéral ne qualifie pas d’infractions graves au sens du CPP. La pesée des intérêts va ainsi à l’encontre d’une exploitabilité des prises de vue en tant que preuves. Dans ces circonstances, la question de savoir si la condition supplémentaire permettant l’exploitabilité des prises de vue en cause était remplie, soit que les enregistrements auraient pu être collectés légalement par les autorités de poursuite pénales, peut rester ouverte.

 

 

Arrêt 6B_1188/2018 consultable ici

 

 

9C_65/2019 (f) du 26.07.2019 – Expertise médicale – Choix de l’expert – 44 LPGA / Données médicales priment sur les constatations d’ordre médical effectuées lors d’un stage d’observation professionnelle

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_65/2019 (f) du 26.07.2019

 

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Expertise médicale – Choix de l’expert / 44 LPGA

Données médicales priment sur les constatations d’ordre médical effectuées lors d’un stage d’observation professionnelle

 

TF

Aucune disposition légale n’octroie aux parties le droit de choisir l’expert (ATF 137 V 210 consid. 2.1 p. 229 ss; 9C_692/2016 du 30 janvier 2017 consid. 4.2). L’art. 44 LPGA accorde en revanche aux parties la possibilité de participer à la désignation de l’expert. Celles-là doivent notamment pouvoir prendre connaissance du nom de celui-ci et le récuser pour des raisons pertinentes (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.6 p. 256). Or cette procédure a été respectée en l’occurrence. Le nom de l’experte a été transmis à l’assuré le 17.06.2015. Ce dernier n’a fait aucun commentaire ni soulevé aucun motif de récusation à la suite de cette communication. Si un tel motif avait existé – ce que le recourant n’allègue du reste pas dans la mesure où il se contente de déplorer le fait de s’être vu imposer le choix de ce médecin -, il ne pourrait le faire valoir aujourd’hui dès lors que celui qui omet de dénoncer immédiatement un tel vice et laisse la procédure se dérouler sans intervenir agit contrairement à la bonne foi et voit se périmer son droit de se plaindre ultérieurement (ATF 132 II 485 consid. 4.3 p. 496 s.).

S’agissant des conclusions soi-disant contradictoires du rapport d’observation professionnelle, on rappellera que les données médicales permettent généralement une appréciation plus objective du cas et l’emportent, en principe, sur les constatations d’ordre médical qui peuvent être faites à l’occasion d’un stage d’observation professionnelle, qui sont susceptibles d’être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de la personne assurée pendant le stage (cf. arrêt 9C_329/2015 du 20 novembre 2015 consid. 7.3). De surcroît, le service de réadaptation de l’office AI a mis en évidence l’absence de raison médicale à l’interruption du stage. On précisera finalement que l’influence des limitations fonctionnelles sur la capacité de travail de l’assuré n’a pas à faire l’objet d’investigations plus concrètes dans la mesure où l’experte était parfaitement consciente de l’existence de ces limitations et en a dûment tenu compte dans son analyse.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_65/2019 consultable ici

 

 

8C_873/2018 (f) du 22.07.2019 – Rente d’invalidité – Revenu d’invalide dans la profession apprise – 16 LPGA / Changement de carrière professionnelle après l’accident – Pas d’application de l’art. 28 al. 1 OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_873/2018 (f) du 22.07.2019

 

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Rente d’invalidité – Revenu d’invalide dans la profession apprise / 16 LPGA

Changement de carrière professionnelle après l’accident – Pas d’application de l’art. 28 al. 1 OLAA

 

Le 08.09.1992, l’assurée a été victime d’une chute à cyclomoteur, tombant sur son épaule droite dans un talus. A cette époque, elle effectuait un apprentissage d’employée de commerce. Le médecin consulté a diagnostiqué une périarthrite post-traumatique et prescrit un traitement conservateur.

En 1995, l’assurée a terminé son apprentissage avec l’obtention d’un CFC d’employée de commerce. A partir d’avril 1996, elle a travaillé à plein temps dans une banque. Elle a ensuite diminué son temps de travail pour suivre une formation pré-professionnelle en percussion classique au conservatoire (1998). A partir d’août 2000, elle a arrêté son activité d’employée de commerce pour se consacrer entièrement à sa formation musicale (études en section professionnelle), tout en donnant en parallèle des cours privés à des élèves et en collaborant avec divers orchestres. En automne 2003, elle a définitivement dû abandonner ses études musicales en raison de problèmes à son épaule droite.

Entre 1995 et fin 2010, l’assurée a subi cinq interventions à son épaule droite qui ont été prises en charge à titre de rechutes de l’accident initial de 1992. En mai 1998, elle s’est vu allouer une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 10%. Pour faire le point sur l’état de santé de l’assurée après la cinquième opération, l’assurance-accidents a mis sur pied une expertise médicale. Le médecin-expert a indiqué qu’il était encore trop tôt pour savoir si le taux d’atteinte à l’intégrité devait être revu à la hausse.

Par lettre du 22.03.2013, l’assurée a requis de l’assurance-accidents de réviser le taux d’atteinte à l’intégrité et de statuer sur son droit à une rente LAA. Faisant valoir qu’elle avait dû abandonner ses études musicales en raison des séquelles à son épaule droite, elle a demandé que son degré d’invalidité soit évalué en fonction du revenu qu’elle aurait pu obtenir en qualité d’enseignante de musique diplômée.

Une nouvelle expertise médicale a été réalisée. Le médecin-expert a posé les diagnostics d’épaule droite multi-opérée et status post transposition du grand pectoral, de status post-arthroscopie de l’épaule et du poignet gauches et d’hyperlaxité constitutionnelle. Il a déclaré que seul le premier diagnostic était en relation de causalité probable avec l’accident du 08.09.1992. A la question de savoir quelle était l’incapacité de travail résultant de cet événement dans l’activité professionnelle d’employée de commerce, le médecin a répondu qu’un certain nombre d’activités ne seraient pas possibles et qu’il fallait tenir compte de certaines limitations fonctionnelles dans le choix de cette activité: le port de charges n’était pas recommandé au-dessus du buste (classement par exemple); les gestes répétitifs étaient à proscrire pour le membre supérieur droit; les postures prolongées en rotation externe également; l’usage de l’épaule droite était limité en durée et en force. Prenant position sur les limitations fonctionnelles décrites dans cette expertise, le médecin-conseil de l’assurance-accidents a considéré qu’avec des moyens ergonomiques adaptés et en tenant compte d’une accoutumance au handicap avec le temps, la capacité de travail de l’assurée était totale comme employée de commerce.

Par décision confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a refusé, d’allouer une rente LAA et de procéder à une révision du taux d’indemnité pour atteinte à l’intégrité.

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2017 281 – consultable ici)

Le médecin traitant de l’assurée a souligné que sa patiente présentait une diminution de la force et surtout une limitation de la mobilité de la rotation externe de l’épaule droite. Elle devait éviter le port de charges de 5 kg, les positions statiques prolongées où le bras doit être soutenu longuement par la musculature de l’épaule (telles que l’utilisation prolongée de l’ordinateur), ainsi que les mouvements répétitifs (sortir et rentrer des dossiers). Le médecin-conseil de l’assurance-accidents a indiqué qu’il n’était pas d’accord avec les remarques de son confrère. Une diminution de la force de l’épaule droite n’avait aucune incidence sur des activités de bureau. En outre, de telles activités n’impliquaient pas, pour les membres supérieurs, des positions monotones en continu et il était possible d’aménager le poste de travail.

Par jugement du 05.11.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

A titre préalable, on observera que c’est à juste titre que l’assurée ne prétend plus que l’évaluation de son invalidité devrait être examinée en fonction d’une carrière d’enseignante de musique diplômée, en application de la disposition spéciale de l’art. 28 al. 1 OLAA. En effet, le cas de figure visé par cette disposition n’est pas réalisé en l’espèce dès lors qu’elle n’a pas été empêchée, à cause de son invalidité, d’achever la formation d’employée de commerce qu’elle avait entreprise au moment de son accident. Par ailleurs, une nouvelle activité lucrative différente de celle exercée auparavant ne saurait être prise en considération que dans la mesure où des indices concrets de changement de profession existaient avant l’accident déjà (SVR 2013 UV n° 4 p. 13, arrêt 8C_145/2012). Tel n’est manifestement pas le cas, si bien qu’il y a lieu d’examiner si l’assurée subit une perte de gain dans l’exercice d’une activité d’employée de commerce compte tenu de l’état de son épaule droite après sa cinquième opération.

Cette question s’apprécie d’abord à l’aune des renseignements médicaux. C’est en effet la tâche du médecin d’indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est incapable de travailler. En l’occurrence, le médecin-expert, qui avait à se prononcer sur l’exigibilité de l’activité d’employée de commerce, a décrit des limitations fonctionnelles mais n’en a déduit aucune incapacité de travail ni diminution de rendement liées, en particulier, à l’utilisation d’un ordinateur (en raison par exemple de la nécessité d’aménager des pauses ou d’une moindre résistance à la fatigue). Le médecin-traitant n’a pas non plus attesté une diminution de la capacité de travail. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l’assurée, on ne voit pas en quoi les considérations du médecin-conseil sur la compatibilité d’une activité d’employée de commerce avec les limitations fonctionnelles existantes ne seraient pas concluantes. Il n’est en effet pas douteux qu’il existe des postes comprenant des tâches suffisamment variées pour éviter une position statique fixe pendant une période prolongée et qu’il est possible de limiter une surcharge pour les membres supérieurs par la mise en place de mesures ergonomiques appropriées. Cela étant, l’existence d’une incapacité de gain de 10% ne repose que sur les propres allégations de l’assurée, ce qui est insuffisant à fonder le droit à une rente LAA.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_873/2018 consultable ici

 

 

8C_540/2018 (f) du 22.07.2019 – Causalité naturelle – Affection psychique additionnelle à une atteinte à la santé physique – 6 LAA / Vraisemblance prépondérante d’un état de stress post-traumatique / Expertise médicale de l’assurance-accidents vs expertise médicale privée

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_540/2018 (f) du 22.07.2019

 

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Décision de renvoi causant un préjudice irréparable

Causalité naturelle – Affection psychique additionnelle à une atteinte à la santé physique / 6 LAA

Vraisemblance prépondérante d’un état de stress post-traumatique

Expertise médicale de l’assurance-accidents vs expertise médicale privée

 

Assurée, née en 1976, d’enseignante, a été victime d’un accident de la circulation routière. Selon le rapport de police, un conducteur a causé plusieurs accidents de la circulation routière lors d’une course-poursuite sur l’autoroute A1 le 18.06.2014, au volant d’un véhicule volé (Audi RS5) :

« Remarquant que l’espace était insuffisant, [le conducteur en fuite] a effectué un freinage, en vain. En effet, sa vitesse étant trop élevée, comprise entre 100 et 180 km/h, il a perdu la maîtrise de son véhicule lequel est venu percuter, de son avant gauche, le côté droit de la Suzuki Swift de Mme E.__, qui se trouvait en dernière position, sur la voie de présélection gauche […]. Dans un deuxième temps, l’Audi RS5 a heurté violemment, de son avant droit, l’arrière de la Citroën C3 de [l’assurée], qui se trouvait en dernière position sur la voie de présélection droite. Suite à ce choc, l’auto de [l’assurée] a été propulsée contre la voiture de livraison de M. F.__, laquelle a été propulsée, à son tour, contre l’arrière de la voiture de livraison de M. G.__. Relevons que lors de ce carambolage, l’auto de [l’assurée] s’est soulevée et a fait un demi-tour, pour se retrouver à contresens, sur sa voie de circulation initiale. [L’assurée], prisonnière de son véhicule, a dû être désincarcérée ».

L’assureur-accidents a soumis l’assurée à une expertise bidisciplinaire. La spécialiste en neurologie et la spécialiste en psychiatrie et psychothérapie ont diagnostiqué une distorsion cervicale (ou « whiplash ») sans constat organique de perte de fonction (de degré 1 à 2, selon la classification de la Québec Task Force [QTFC]) s’inscrivant dans le contexte d’un trouble somatoforme (autre trouble somatoforme, d’origine psychogène), un traumatisme crânien simple, ainsi qu’un trouble de l’adaptation (jusqu’au 31.12.2014). Pour ce qui était des seules suites de l’accident du 18.06.2014, les médecins ont indiqué que l’assurée avait retrouvé une capacité de travail entière depuis le 01.01.2015 et que le traitement médical était à charge de l’assureur-accidents jusqu’au 30.06.2015.

Par décision, l’assureur-accidents a pris en charge les suites de l’accident de l’assurée jusqu’au 30.06.2015 et a retenu que l’assurée présentait une capacité de travail complète depuis le 01.01.2015. L’assurée s’est opposée à cette décision, produisant notamment les rapports d’un psychologue spécialiste en psychothérapie et d’un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (expert privé). Le psychiatre a diagnostiqué en particulier un trouble de stress post-traumatique chronique, de degré modéré, et un autre trouble somatoforme; il a indiqué une incapacité de travail de longue durée de 75% en raison de l’état de stress post-traumatique. Les médecins-experts ont pris position sur les avis médicaux produits par l’assurée. Par décision sur opposition, l’assurance-accidents a maintenu la décision.

Parallèlement, l’office AI a octroyé à l’assurée une rente entière d’invalidité du 01.06.2015 au 30.09.2015, trois quarts de rente du 01.10.2015 au 31.03.2016, puis une rente entière dès le 01.04.2016.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 29/17 – 69/2018 – consultable ici)

En se fondant sur les conclusions du spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (expert privé) transmises par l’assurée lors de l’opposition, la juridiction cantonale a admis l’existence d’un lien de causalité naturelle entre les troubles psychiques de l’assurée et l’accident du 18.06.2014. La juridiction cantonale a constaté que les médecins-experts avaient, pour nier un diagnostic d’état de stress post-traumatique, accordé un poids considérable au fait que l’assurée n’avait ni vu ni entendu les collisions préalables au choc impliquant son véhicule, à l’absence de blessures importantes et à son amnésie circonstancielle. Ce faisant, elles avaient négligé clairement le fait que l’assurée avait présenté une amnésie de très courte durée et qu’elle se souvenait des suites immédiates de l’accident, de l’arrivée des secours, de l’agitation des sauveteurs, de l’arrestation du conducteur fautif par la police et du processus de désincarcération.

En revanche, les juges cantonaux se sont déclarés convaincus par les conclusions de l’expert privé selon lesquelles les manifestations et symptômes physiques constatés chez l’assurée remplissaient tous les critères pour diagnostiquer un état de stress post-traumatique. Même si le décès de l’époux de l’assurée survenu en janvier 2015 avait eu un impact aggravant, puisqu’il semblait avoir réactivé les symptômes de l’état de stress post-traumatique, l’accident du 18.06.2014 restait selon l’expert privé l’une des causes, certes partielle, des symptômes présentés par l’assurée au-delà de juin 2015.

La juridiction cantonale a retenu que l’événement du 18.06.2014 devait être qualifié d’accident grave. Même si l’on devait considérer que l’accident était de gravité moyenne à la limite d’un accident grave, la cour cantonale a indiqué que le rapport de causalité adéquate devait également être admis. L’accident s’était en effet déroulé dans des circonstances particulièrement impressionnantes.

Par jugement du 14.06.2018, admission du recours par le tribunal cantonal, annulation de la décision sur opposition et renvoi de la cause à l’assureur-accidents pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

 

TF

En règle générale, une décision de renvoi ne met pas fin à la procédure (ATF 142 V 551 consid. 3.2 p. 555) et n’est pas non plus de nature à causer un préjudice irréparable aux parties, le seul allongement de la durée de la procédure ou le seul fait que son coût s’en trouve augmenté n’étant pas considéré comme un élément constitutif d’un tel dommage (ATF 140 V 282 consid. 4.2.2 p. 287 et les références). Dans le cas particulier, la cour cantonale a admis l’existence d’un rapport de causalité naturelle et adéquate entre l’accident du 18.06.2014 et les troubles psychiques de l’assurée persistants au-delà du 30.06.2015. Sur ces points, le jugement attaqué contient une instruction contraignante à destination de l’assureur-accidents et ne lui laisse plus aucune latitude de jugement pour la suite de la procédure. En cela, la recourante subit un préjudice irréparable au sens de l’art. 93 al. 1 let. a LTF (arrêt 8C_488/2011 du 19 décembre 2011 consid. 1; cf. ATF 144 V 280 consid. 1.2 p. 283; 133 V 477 consid. 5.2.4 p. 484). Il y a dès lors lieu d’entrer en matière sur le recours.

 

D’après une jurisprudence constante, l’assureur-accidents est tenu, au stade de la procédure administrative, de confier une expertise à un médecin indépendant, si une telle mesure se révèle nécessaire (arrêt 8C_36/2017 du 5 septembre 2017 consid. 5.2.3). Lorsque de telles expertises sont établies par des spécialistes reconnus, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que les experts aboutissent à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 p. 469; 125 V 351 consid. 3b/bb p. 353). Quant à la valeur probante du rapport établi par le médecin traitant, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, celui-ci est généralement enclin, en cas de doute, à prendre partie pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc p. 353; VSI 2001 p. 106, I 128/98 consid. 3b/cc). Cependant, le simple fait qu’un certificat médical est établi à la demande d’une partie et produit pendant la procédure ne justifie pas, en soi, des doutes quant à sa valeur probante. Ainsi, une expertise présentée par une partie peut également valoir comme moyen de preuve. Le juge est donc tenu d’examiner si elle est propre à mettre en doute, sur les points litigieux importants, l’opinion et les conclusions de l’expert (ATF 125 V 351 consid. 3c p. 354).

Les juges cantonaux ont constaté en l’occurrence de manière convaincante que l’assurée n’avait ni vu ni entendu les chocs préalables au sien et avait présenté une amnésie circonstancielle lors de l’événement du 18.06.2014. Après avoir souffert de cette amnésie de moins d’une minute, l’assurée s’est retrouvée prisonnière de l’habitacle de son véhicule (avec tous les airbags déployés), à contre-sens sur la voie de sortie de l’autoroute, avec du sang sur le visage, des hématomes, des contusions et des douleurs multiples à la nuque, au dos et à la jambe droite. Des officiers de police procédaient de plus à l’arrestation du fuyard, qui opposait une vive résistance, et plusieurs autres personnes impliquées dans la collision en chaîne nécessitaient des premiers soins.

On doit dès lors admettre que les médecins-experts mandatés par l’assurance-accidents ont négligé dans leurs conclusions le fait que l’assurée n’a subi qu’une amnésie circonstancielle de courte durée. En ce sens, l’expert privé apporte des éléments utiles à l’examen du lien de causalité naturelle en exposant que l’assurée souffre notamment de reviviscences répétées du processus de désincarcération (avec cauchemars et flashbacks), d’un évitement comportemental, d’une hypervigilance et d’une détresse significative.

L’expert privé a indiqué ensuite qu’il était « tout à fait vraisemblable [que l’assurée] ait eu le temps de percevoir, juste avant le choc, d’entendre (bruits des chocs précédents) ou de voir (dans le rétroviseur) ce qui était en train de se produire sur la chaussée, et donc qu’elle ait pu, même en une fraction de seconde, ressentir le danger imminent et un sentiment de peur très aigu ». Ces suppositions, qui ne reposent sur aucun élément objectif au dossier, ne sauraient être suivies. Elles paraissent cependant avoir joué un rôle considérable dans les conclusions du psychiatre, celui-ci retenant l’hypothèse d’un accident de la « circulation extrêmement violent et menaçant » et donc l’existence d’une peur intégrée au moment de celui-ci. Dans ces conditions, à la lumière de la règle du degré de la vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l’appréciation des preuves dans l’assurance sociale (ATF 142 V 435 consid. 1 p. 438 et les références), la juridiction cantonale n’était pas en droit, sur le seul fondement des conclusions de l’expert privé, d’admettre l’existence d’un rapport de causalité naturelle entre l’accident et le trouble de stress post-traumatique chronique, de degré modéré, diagnostiqué par ce médecin. Les indices mis en avant par le psychiatre en faveur d’un tel diagnostic devaient encore être corroborés ou infirmés par une instruction complémentaire sous la forme d’une nouvelle expertise psychiatrique indépendante conforme aux règles de l’art.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assurance-accidents. La décision sur opposition et le jugement cantonal sont annulés, la cause étant renvoyée à l’assureur-accidents pour complément d’instruction, qui prendra la forme d’une expertise psychiatrique indépendante.

 

 

Arrêt 8C_540/2018 consultable ici

 

 

8C_875/2018 (f) du 24.07.2019 – Dies a quo du délai de recours devant la juridiction cantonale – 60 LPGA / Envoi de la décision sur opposition en Courrier A+ – Pas de justification pour modifier la jurisprudence

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_875/2018 (f) du 24.07.2019

 

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Dies a quo du délai de recours devant la juridiction cantonale / 60 LPGA

Envoi de la décision sur opposition en Courrier A+ – Pas de justification pour modifier la jurisprudence

 

Par décision du 10.01.2018, l’assurance-accidents a nié le droit de l’assurée à une rente d’invalidité et lui a reconnu une atteinte à l’intégrité de 10%. Saisie d’une opposition, elle l’a rejetée par décision du 16.02.2018, communiquée par courrier A Plus et déposée le samedi 17.02.2018 dans la case postale du mandataire de l’assurée.

 

Procédure cantonale

Le 20.03.2018, l’assurée a déposé un recours contre la décision sur opposition du 16.02.2018.

Le tribunal cantonal a constaté que la décision sur opposition avait été distribuée le samedi 17.02.2018. Aussi, le délai de recours était-il arrivé à échéance le lundi 19.03.2018. Par conséquent, le recours, déposé le 20.03.2018, ne l’avait pas été en temps utile.

Par décision du 26.11.2018, le tribunal cantonal a déclaré le recours irrecevable pour cause de tardiveté.

 

TF

Aux termes de l’art. 60 al. 1 LPGA, le recours doit être déposé dans les trente jours suivant la notification de la décision sujette à recours. L’art. 38 al. 1 LPGA, applicable par analogie en vertu de l’art. 60 al. 2 LPGA, dispose que si le délai, compté par jours ou par mois, doit être communiqué aux parties, il commence à courir le lendemain de la communication.

En droit des assurances sociales, il n’existe pas de disposition légale obligeant les assureurs sociaux à notifier leurs décisions selon un mode particulier. Dès lors, la jurisprudence admet que les assureurs sont libres de décider de la manière dont ils souhaitent notifier leurs décisions. Ils peuvent en particulier choisir de les envoyer par courrier A Plus (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1 p. 603; voir également, parmi d’autres, arrêts 8C_754/2018 du 7 mars 2019 consid. 5.3 et 8C_559/2018 du 26 novembre 2018 consid. 4.3.1). Dans ce contexte, le Tribunal fédéral a précisé que le dépôt de l’envoi dans la boîte aux lettres ou la case postale constitue le point de départ pour le calcul du délai de recours, quand bien même la livraison a lieu un samedi et que le pli n’est récupéré qu’à une date ultérieure, comme le lundi suivant (arrêt 8C_124/2019 du 23 avril 2019 consid. 10.2 et les nombreuses références).

Selon une jurisprudence déjà bien établie, les communications des autorités sont soumises au principe de la réception. Il suffit qu’elles soient placées dans la sphère de puissance de leur destinataire et que celui-ci soit à même d’en prendre connaissance pour admettre qu’elles ont été valablement notifiées (ATF 144 IV 57 consid. 2.3.2 p. 62; 142 III 599 consid. 2.4.1 déjà cité; 122 I 139 consid. 1 p. 143; 115 Ia 12 consid. 3b p. 17). Autrement dit, la prise de connaissance effective de l’envoi ne joue pas de rôle sur la détermination du dies a quo du délai de recours. En outre, contrairement à ce que laisse entendre l’assurée, l’accès aux cases postales est en principe garanti en tout temps et le fait de ne pas vider la case postale le samedi relève de la responsabilité du destinataire. Le point de vue de l’assurée reviendrait d’ailleurs à fixer le point de départ du délai de recours des destinataires d’un envoi sans signature (A Plus comme A) distribué le samedi de manière différente, selon qu’ils sont ou non représenté par un mandataire professionnel, ce qui n’est pas admissible. Par ailleurs, quoi qu’elle en dise, l’assurée a bénéficié d’un délai de recours « complet » dans la mesure où, en dehors des féries judiciaires et avant l’échéance du délai de recours, les week-ends doivent être pris en compte dans le calcul du délai de recours, cela indépendamment du mode de notification de la communication. Enfin, le délai de recours est le même pour toutes les formes de notification. Il commence à courir lorsque l’envoi entre dans la sphère de puissance du destinataire et que ce dernier peut prendre connaissance du contenu de l’envoi. En présence d’un courrier sans signature, c’est le cas au moment du dépôt dans la boîte aux lettres ou la case postale. Si l’envoi est distribué un samedi, le délai de recours commence à courir le dimanche. En présence d’un courrier recommandé, c’est le cas lorsque l’envoi est retiré au guichet. A cet égard, la notification par lettre recommandée n’offre pas un avantage significatif puisqu’au stade de l’avis de retrait, le destinataire ne connaît ni le contenu ni la motivation de la décision qui lui est adressée (cf. les arrêts déjà cités 8C_124/2019 consid. 8.2.2 et 8C_754/2018 consid. 7.2.3; arrêt 2C_1126/2014 du 20 février 2015 consid. 2.4).

En conclusion, il n’y a pas lieu de revenir sur la jurisprudence mise en cause par l’assurée, que le Tribunal fédéral a confirmée à maintes reprises. L’assurée n’expose d’ailleurs pas valablement en quoi les conditions d’un revirement de jurisprudence seraient remplies (à ce sujet voir ATF 144 V 72 consid. 5.3.2 p. 77 s. et la référence).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_875/2018 consultable ici

 

 

8C_342/2018 (f) du 30.07.2019 – Revenu d’invalide – 16 LPGA / Vraisemblance de l’existence d’un salaire dit « social » niée

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_342/2018 (f) du 30.07.2019

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide / 16 LPGA

Vraisemblance de l’existence d’un salaire dit « social » niée

 

Assuré, né en 1952, occupait un poste d’ouvrier-chauffeur auprès du service cantonale des routes, transports et cours d’eau (ci-après : le SRTC). Son engagement remontait à 1979. Le 14.12.2006, à la suite d’un faux-mouvement en utilisant un marteau pneumatique, l’assuré a subi une lésion au niveau de son épaule droite (déchirure partielle du tendon du sus-épineux). Il a pu reprendre son activité professionnelle à 100% dès le 02.04.2007.

Le 12.03.2014, il a annoncé une rechute (rupture transfixiante du tendon du sus-épineux de l’épaule droite). L’assuré n’ayant pas pu reprendre son activité, le médecin d’arrondissement de l’assurance-accidents a indiqué qu’une activité adaptée aux limitations fonctionnelles de l’assuré (pas de port et de soulèvement de charges ni d’activité au-dessus du plan des épaules avec le membre supérieur droit) devait pouvoir être trouvée au sein de l’administration cantonale. Le supérieur hiérarchique de l’assuré a proposé à ce dernier un poste de travail en tant qu’« homme à tout faire » pour l’atelier de fabrication de panneaux du SRTC ainsi que pour l’aide à la circulation de ses équipes de marquage. Le médecin d’arrondissement a confirmé l’exigibilité médicale de cette activité. L’assurance-accidents a mis fin au versement de l’indemnité journalière dès le 03.08.2015, date à laquelle l’assuré était, selon elle, en mesure de mettre en valeur une pleine capacité de travail dans l’activité adaptée.

Le 20.11.2015, l’assuré a adressé une lettre à l’assurance-accidents dans laquelle il se plaignait de la gestion de son dossier, à savoir que son activité adaptée était « bidon » et non rentable et que ses douleurs étaient exacerbées par le travail. Il mentionnait que ses chefs ne savaient pas que lui faire faire et qu’après avoir nettoyé des véhicules légers pendant une semaine avec un seul bras, il avait été délégué au ponçage des panneaux de signalisation. Après un séjour hospitalier afin de parfaire le traitement antalgique et d’évaluer les capacités professionnelles résiduelles, la situation était stabilisée du point de vue des aptitudes fonctionnelles liées au travail. En outre, le pronostic de réinsertion dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles retenues était favorable.

Le 12 février 2016, l’assuré a derechef écrit à l’assurance-accidents pour lui faire part de ses griefs à l’encontre de sa nouvelle activité. En particulier, il estimait son rendement à 25% au maximum et le fait de toucher un « salaire social de près de 75% » le perturbait. Après avoir exercé pendant plus de 36 ans une activité manuelle et lourde, l’activité de substitution lui paraissait aussi inutile qu’ennuyeuse. Le 01.03.2016, l’assuré a remis à son supérieur une lettre demandant au service du personnel sa mise à la retraite dès le 01.06.2016. Le 22.03.2016, le supérieur hiérarchique de l’assuré a précisé à l’inspecteur de l’assurance-accidents que les tâches effectuées par l’assuré au sein de l’unité de signalisation n’étaient pas occupationnelles ni inutiles à l’Etat du Valais. Il ne s’agissait pas d’un « poste social » créé pour occuper l’assuré.

Dans un courrier du 31.05.2016, le chef du SRTC et l’adjointe du chef du Service des ressources humaines ont confirmé que la fonction occupée par l’assuré à partir du 03.08.2015 au sein du groupe Signalisation était rémunérée selon la classe 19, comme l’était son ancienne activité d’ouvrier-chauffeur.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a indiqué que les séquelles accidentelles de l’assuré ne l’empêchaient pas de poursuivre sa nouvelle activité, rémunérée de manière identique à celle déployée auparavant. Partant, l’assureur-accidents niait le droit à une rente d’invalidité mais reconnaissait une atteinte à l’intégrité correspondant à un taux de 15%.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 20.03.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal. La juridiction cantonale a conclu que l’assuré n’avait pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante requis que sa rémunération contenait une composante de salaire social.

 

TF

Le revenu d’invalide doit en principe être évalué en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. Le salaire effectivement réalisé ne peut cependant être pris en compte pour fixer le revenu d’invalide que si trois conditions cumulatives sont remplies:

  • l’activité exercée après la survenance de l’atteinte à la santé doit reposer sur des rapports de travail particulièrement stables;
  • cette activité doit en outre permettre la pleine mise en valeur de la capacité résiduelle de travail exigible;
  • le gain obtenu doit enfin correspondre au travail effectivement fourni et ne pas contenir d’éléments de salaire social (cf. ATF 139 V 592 consid. 2.3 p. 594 s.; 135 V 297 consid. 5.2 p. 301; 129 V 472 consid. 4.2.1 p. 475).

La preuve de l’existence d’un salaire dit « social » est toutefois soumise à des exigences sévères, parce que, selon la jurisprudence, l’on doit partir du principe que les salaires payés équivalent normalement à une prestation de travail correspondante (ATF 141 V 351 consid. 4.2 p. 353; 117 V 8 consid. 2c/aa p. 18). Des liens de parenté ou l’ancienneté des rapports de travail peuvent constituer des indices de la possibilité d’un salaire social (arrêt 9C_371/2013 du 22 août 2013 consid. 4.1 et la référence).

 

 

L’assuré fait valoir que, même si un employé de l’unité de Signalisation devait être rémunéré en classe 19, il ne pouvait bénéficier de cette classe de salaire puisqu’il n’avait été affecté qu’au « ponçage de panneaux », soit un aspect très limité de la fonction d’ouvrier au sein du groupe Signalisation. Il reproche aux premiers juges de ne pas avoir donné suite à sa requête portant sur l’audition du chef du SRTC alors que ce dernier aurait pu établir que l’emploi au sein du groupe Signalisation en tant que « ponceur de panneaux » ne pouvait en aucun cas bénéficier de la classe de traitement 19. Il y voit à la fois une violation de la maxime d’office (art. 61 let. c LPGA) et une violation de son droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.).

Dans son correctif apporté au courriel de l’assuré, le chef de la section Personnel, Administration et Finances du SRTC a notamment biffé les termes d’« activité occupationnelle mise à disposition pour éviter un licenciement » utilisés par l’assuré pour décrire son poste de « ponçeur de panneaux » et les a remplacés par « activité plus adaptée au handicap de [l’assuré], en accord avec le représentant de [l’assurance-accidents] ». Le chef de la section Personnel, Administration et Finances du SRTC a confirmé que l’assuré avait bénéficié de la même classe salariale pour son activité au sein de l’unité « Signalisation » que pour celle qu’il occupait précédemment comme ouvrier spécialisé. Il a en outre biffé les termes utilisés par l’assuré, d’après lesquels « ce poste supplémentaire n’est pas nécessaire et le fait d’avoir offert provisoirement une petite occupation dans le secteur Signalisation n’a été possible que parce que l’unité de personnel [de l’assuré] était toujours disponible dans le secteur entretien des routes ».

Selon le Tribunal fédéral, on ne saurait déduire de ces précisions que le travail fourni dans sa nouvelle activité au sein de l’unité Signalisation ne pouvait en aucun cas bénéficier de la classe de salaire 19. En particulier, le fait qu’il exerçait dans son nouveau poste une activité « plus adaptée à son handicap » ne permet pas d’inférer que la rémunération perçue par l’assuré n’équivalait pas aux prestations de travail correspondantes. L’assuré n’apporte aucun élément concret permettant de penser qu’il n’était pas en mesure de fournir la contrepartie du salaire perçu ou que son rendement était limité.

Le TF conclut que l’existence d’un salaire dit « social » n’apparaît pas établie au degré de la vraisemblance prépondérante.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_342/2018 consultable ici

 

 

Les soins gratuits dès la première semaine de grossesse

Les soins gratuits dès la première semaine de grossesse

 

Communiqué de presse du Parlement du 26.09.2019 consultable ici

 

Les soins doivent être gratuits dès la première semaine de grossesse. Le National a accepté jeudi par 135 voix contre 44 la motion d’Irène Kälin (Verts/AG) en ce sens. L’écologiste estime que le régime actuel est injuste pour des femmes qui doivent suivre un traitement pour des complications survenant pendant les 12 premières semaines.

C’est particulièrement le cas pour les femmes qui font une fausse couche pendant cette période, a rappelé l’Argovienne. En plus de devoir surmonter la fausse couche, elles doivent encore participer aux coûts des traitements médicaux qu’elles ont suivis. Près d’une grossesse sur cinq se termine par un avortement précoce. La gratuité dès la première semaine n’entraînerait pas de frais administratifs disproportionnés.

Pour l’UDC, le système actuel est pragmatique et suffisant. Si les coûts liés à la grossesse ne sont pas pris en charge avant la treizième semaine, après c’est l’ensemble des frais de santé qui sont couverts hors franchise, a plaidé en vain Sebastian Frehner (UDC/BL). A la question de savoir pourquoi l’UDC n’avait pas combattu une motion similaire de Jean-Luc Addor (UDC/VS) tacitement acceptée lors de la session d’été, M. Frehner a répondu que c’était un oubli de son groupe.

La réglementation actuelle se fonde sur le fait que les grossesses ne sont souvent constatées qu’au bout de quelques semaines. Avec ce système, il existe une inégalité de traitement difficilement explicable, a reconnu le ministre de la santé Alain Berset. Le Conseil fédéral s’est prononcé en faveur de la motion.

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 26.09.2019 consultable ici

 

 

4A_396/2018 (f) du 29.08.2019, destiné à la publication – Responsabilité de l’organisateur de voyage à forfait

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_396/2018 (f) du 29.08.2019, destiné à la publication

 

Arrêt 4A_396/2018 consultable ici

Communiqué de presse du Tribunal fédéral du 26.09.2019 consultable ici

 

Responsabilité de l’organisateur de voyage à forfait

 

Le Tribunal fédéral précise les contours de la responsabilité de l’organisateur de voyage à forfait. Dans le cas d’espèce, il rejette la demande d’indemnisation d’un voyageur pour les suites d’un accident survenu lors d’un transfert en voiture entre un aéroport indien et son hôtel

Le voyageur et son épouse avaient conclu un voyage à forfait en Inde avec un organisateur de voyage implanté dans le canton de Genève. Celui-ci avait notamment organisé un transfert en voiture avec chauffeur privé entre un aéroport indien et l’hôtel où les voyageurs devaient séjourner; il avait confié l’exécution de cette prestation de transport par route à une agence locale. L’avion avait atterri avec plusieurs heures de retard, sans qu’on sache qui, de l’organisateur ou du voyageur, avait choisi et réservé le vol interne en question. Le couple avait été pris en charge à l’aéroport par le chauffeur privé. Vers 22 heures, le véhicule conduit par ledit chauffeur était entré en collision avec un camion, dans des circonstances indéterminées. L’épouse du voyageur est décédée, tandis que celui-ci a été très grièvement blessé. Il a attrait en justice l’organisateur de voyage en demandant réparation pour le tort moral subi. Les tribunaux genevois compétents lui ont donné gain de cause, en première puis en deuxième instance.

Le Tribunal fédéral admet le recours formé par l’organisateur de voyage et rejette la demande du voyageur. La Loi fédérale sur les voyages à forfait (LVF) institue une réglementation spéciale sur la responsabilité de l’organisateur de voyage (articles 14, 15 et 16 LVF). Cette loi découle d’une directive européenne, dont le législateur suisse a décidé de reprendre uniquement les garanties minimales qu’elle contenait.

En principe, l’organisateur de voyage répond envers le voyageur du dommage causé par un prestataire de services auquel l’organisateur a confié l’exécution d’une prestation. Le voyageur doit cependant prouver que l’organisateur et/ou le prestataire de services ont violé une obligation contractuelle. Faute pour le voyageur d’avoir rapporté la preuve d’une telle violation, son action fondée sur la LVF doit être rejetée. En l’occurrence, on ignore tout des circonstances dans lesquelles le tragique accident s’est produit, notamment quel a été le comportement du chauffeur dépêché par l’agence locale. La survenance de l’accident de circulation, si grave soit-il, ne constitue pas déjà en tant que telle une violation contractuelle. Enfin, l’état de fait qui lie le Tribunal fédéral ne permet pas non plus de reprocher une violation contractuelle à l’organisateur lui-même.

 

 

Arrêt 4A_396/2018 consultable ici

 

 

9C_273/2019 (f) du 18.07.2019 – Rente d’invalidité – Revenu d’invalide selon ESS – 16 LPGA / Aucun abattement retenu – Limitations fonctionnelles prises en compte lors de l’évaluation de la capacité de travail du point de vue médical / Pas de prise en compte du « long éloignement du marché du travail »

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_273/2019 (f) du 18.07.2019

 

Consultable ici

 

Rente d’invalidité – Revenu d’invalide selon ESS / 16 LPGA

Aucun abattement retenu – Limitations fonctionnelles prises en compte lors de l’évaluation de la capacité de travail du point de vue médical

Critère des limitations fonctionnelles – Critère de la capacité de travail réduite – Pas de prise en compte du « long éloignement du marché du travail »

 

Assurée déposant au mois de mai 2010 une demande AI, en relation notamment avec un accident subi en 2002. La requête a été rejetée par l’office AI, considérant que l’assurée présentait une pleine capacité de travail dans sa profession d’employée de bureau.

A la suite de deux nouveaux accidents survenus en mai et août 2012, dont les suites ont été prises en charge par l’assurance-accidents, l’assurée a présenté une nouvelle demande AI en février 2013. L’office AI a notamment soumis l’assurée à deux expertises. Le spécialiste en psychiatrie et psychothérapie a posé le diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen avec syndrome somatique (F33.10) au moment de l’entretien, mais ayant été sévère sans symptômes psychotiques (F33.2) du point de vue anamnestique, et ceci vraisemblablement depuis 2014, chez une personnalité émotionnellement labile de type borderline avec tendances abandonniques importantes (F60.31). Il a conclu à une incapacité de travail de 50% dès le 07.03.2014. Pour sa part, le spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur a fait état d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles dès novembre 2012, hormis du 15.06.2015 au 15.09.2016, où la capacité de travail avait été nulle. Par décision, l’office AI a reconnu le droit de l’assurée à une demi-rente d’invalidité du 01.03.2015 au 30.09.2015, à une rente entière du 01.10.2015 au 31.12.2016, puis à une demi-rente dès le 01.01.2017.

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2017 302 – consultable ici)

Par jugement du 19.03.2019, admission partielle du recours par le tribunal cantonal. La décision querellée est modifiée dans le sens que l’assurée est mise au bénéfice d’une rente entière d’invalidité du 01.08.2013 au 31.12.2013, d’une demi-rente du 01.01.2014 au 30.09.2015, d’une rente entière du 01.10.2015 au 31.12.2016, puis d’une demi-rente dès le 01.01.2017.

La juridiction cantonale a justifié son refus d’opérer un abattement sur le salaire d’invalide par le fait que tous les médecins qui s’étaient prononcés au sujet de la situation de l’assurée s’accordaient à reconnaître qu’elle disposait d’une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles à partir du 18.09.2016.

 

TF

Abattement sur le revenu d’invalide selon ESS

En ce qui concerne le taux d’abattement, on rappellera que la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation). Une déduction globale maximale de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (cf. ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79 s.).

Le point de savoir s’il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières (liées au handicap de la personne ou à d’autres facteurs) est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72; 132 V 393 consid. 3.3 p. 399; 130 III 176 consid. 1.2 p. 180).

 

Critère des limitations fonctionnelles

Les limitations fonctionnelles dont fait état l’assurée ont été prises en compte lors de l’évaluation de la capacité de travail du point de vue médical ; elles ne peuvent dès lors pas être retenues une seconde fois lors de la fixation du revenu d’invalide. Le spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur a en effet expliqué que l’exercice d’une activité d’employée de commerce est adapté aux limitations fonctionnelles qu’elle présente du point de vue somatique. Partant, les considérations de la juridiction cantonale selon lesquelles lesdites limitations fonctionnelles ne permettaient pas de procéder à un abattement, doivent être confirmées.

 

Critère de la capacité de travail réduite

S’agissant ensuite du critère du taux d’occupation réduit, il peut être pris en compte pour déterminer l’étendue de l’abattement à opérer sur le salaire statistique d’invalide lorsque le travail à temps partiel se révèle proportionnellement moins rémunéré que le travail à plein temps. Cela étant, le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de constater que le travail à plein temps n’est pas nécessairement proportionnellement mieux rémunéré que le travail à temps partiel ; dans certains domaines d’activités, les emplois à temps partiel sont en effet répandus et répondent à un besoin de la part des employeurs, qui sont prêts à les rémunérer en conséquence (ATF 126 V 75 consid. 5a/cc p. 79; cf. aussi arrêts 9C_10/2019 du 29 avril 2019 consid. 5.2.1; 8C_49/2018 du 8 novembre 2018 consid. 6.2.2.2). En particulier, selon les statistiques, les femmes exerçant une activité à temps partiel ne perçoivent souvent pas un revenu moins élevé proportionnellement à celles qui sont occupées à plein temps (cf., p. ex., arrêt 9C_751/2011 du 30 avril 2012 consid. 4.2.2). L’argumentation de l’assurée ne permet pas de retenir qu’il en irait différemment dans le cas d’espèce.

 

« Long éloignement du marché du travail »

Quant au « long éloignement du marché du travail » dont se prévaut finalement la recourante, il ne s’agit pas là d’un facteur d’abattement au sens de la jurisprudence (ATF 126 V 75, c. 5b/aa et bb p. 79 s.; cf. aussi arrêt 9C_55/2018 du 30 mai 2018 consid. 4.3).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_273/2019 consultable ici

 

 

Les parents auront 14 semaines pour s’occuper d’enfants gravement malades ou accidentés

Les parents auront 14 semaines pour s’occuper d’enfants gravement malades ou accidentés

 

Communiqué de presse du Parlement du 23.09.2019 consultable ici

 

Les parents devraient bénéficier d’un congé indemnisé de 14 semaines pour s’occuper d’un enfant gravement malade. Un employé devrait pouvoir s’absenter pour soigner un proche. Le Conseil national a adopté lundi par 129 voix contre 48 un projet en ce sens.

Le projet vise à mieux concilier l’activité professionnelle et la prise en charge d’un proche malade. Environ 1,9 million de personnes en Suisse accompagnent un enfant ou un adulte chaque jour. Cela a représenté 80 millions d’heures de travail non rémunéré en 2016.

Il est essentiel que le travail important qui est fourni bénévolement par les personnes s’occupant d’un proche soit mieux reconnu. Il doit être soutenu financièrement, a argumenté Philippe Nantermod (PLR/VS) au nom de la commission.

La mesure phare concerne les parents dont l’enfant est gravement malade ou accidenté. Actuellement, ils n’ont pas d’autre option que de demander un congé non payé, se mettre en arrêt maladie ou arrêter de travailler un certain temps, a précisé Thomas Weibel (PVL/ZH). Chaque année, environ 4500 familles sont concernées, a relevé le conseiller fédéral Alain Berset.

 

Enfants gravement malades

Pour les parents d’enfants gravement malades ou accidentés, le Conseil fédéral prévoit un congé de 14 semaines au plus, devant être pris en l’espace de 18 mois et indemnisé par une allocation de prise en charge. Les congés pourront être pris à la suite ou sous forme de journées, ce qui accordera plus de flexibilité aux proches aidants.

L’allocation sera intégrée au régime des allocations pour perte de gain. Son coût est estimé à 75 millions de francs.

Le National a refusé, par 133 voix contre 50 d’étendre ce droit aux autres membres de la famille, comme un conjoint atteint d’un cancer. Plusieurs centaines de milliers de familles pourraient alors en bénéficier ; mais les conséquences financières sont inconnues, a souligné M. Nantermod. Par 134 voix contre 50, les députés se sont aussi opposés à une prolongation à 28 semaines.

Silvia Schenker (PS/BS) s’est battue pour permettre une prise en charge aussi longue que possible d’enfants souffrant de maladies graves telles que le cancer. Souvent un parent reste auprès de son enfant durant un an. La gauche voulait également qu’une rechute soit considérée comme un nouveau cas de maladie. C’est déjà le cas, a rappelé M. Berset. La proposition a été rejetée par 117 voix contre 65.

 

Congés de courte durée

Les personnes qui prennent soin d’un membre de la famille ou d’un partenaire avec lequel il fait ménage commun depuis au moins cinq ans pourront également prétendre à un congé payé. Le congé accordé sera toutefois limité à trois jours par cas et dix jours par année. Les coûts de cette mesure sont estimés entre 90 et 150 millions de francs par an.

A l’heure actuelle, seuls deux tiers des entreprises accordent des congés à leurs employés, en partie rémunérés, en cas d’absence de courte durée pour prodiguer des soins à un parent ou un proche. La loi permettra d’octroyer des conditions identiques à tous les employés.

La gauche, soutenue par quelques députés de droite, a tenté en vain d’assouplir cette limite, estimant qu’elle était rapidement atteinte. Elle ne correspond pas aux besoins des proches aidants, ont plaidé Kathrin Bertschy (Verts/BE) et Silvia Schenker (PS/BS). Les situations médicales sont variées et on ne peut pas prévoir à l’avance le nombre de jours nécessaires. L’UDC voulait réduire à six jours par an et trois par cas.

Par 110 voix contre 74, les députés ont refusé de limiter ce congé aux seuls parents directs comme le souhaitait M. Nantermod. Exclure les frères et sœurs ou les beaux-parents ne correspond pas aux multiples formes de familles actuelle, a souligné Benjamin Roduit (PDC/VS).

 

Allocations

L’allocation pour impotent et le supplément pour soins intenses de l’AI continueront à être versé lorsque l’enfant est hospitalisé. Mais le versement sera limité à un mois d’hospitalisation. Aujourd’hui, ces allocations sont suspendues dès le premier jour à l’hôpital. Cette mesure coûtera 2,5 millions de francs par an à l’AI.

Enfin, par 109 voix contre 76, le National a étendu le droit aux bonifications pour tâches d’assistance aux personnes avec une allocation pour impotence faible. Aujourd’hui seuls les handicapés les plus atteints sont concernés. L’UDC et le PLR s’y sont opposés, arguant que cela grèverait encore plus l’AVS.

Le montant est faible et s’élève à 1 million de francs, a précisé Alain Berset. Le droit aux bonifications sera en outre élargi aux concubins en couple depuis cinq ans au moins.

Le dossier passe au Conseil des Etats.

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 23.09.2019 consultable ici