Archives de catégorie : Responsabilité civile RC

La commission met en consultation une révision de la loi fédérale sur la circulation routière (LCR)

La Commission des transports et des télécommunications du Conseil national (CTT-N) met en consultation une révision de la loi fédérale sur la circulation routière (LCR)

 

Consultable ici : http://bit.ly/2fuHbVE

 

Initiative parlementaire «Relever l’examen de contrôle périodique effectué par un médecin-conseil de 70 à 75 ans pour les conducteurs âgés»

 

Le 31 octobre 2016, la Commission des transports et des télécommunications du Conseil national (CTT-N) a adopté un avant-projet de modification de la loi fédérale sur la circulation routière (LCR). Cet avant-projet, qui porte sur le relèvement de l’examen de contrôle périodique effectué par un médecin-conseil de 70 à 75 ans pour les conducteurs âgés, constitue la mise en œuvre de l’initiative parlementaire que le CN Maximilian Reimann avait déposée le 18 juin 2015.

Vu l’ampleur minime de l’avant-projet, il est renoncé à prolonger le délai de consultation de 2 semaines à cause des jours fériés. La procédure de consultation, qui durera ainsi jusqu’au 3 février 2017, est menée conjointement par les Services du Parlement et l’Office fédéral des routes.

Les documents relatifs à la consultation sont accessibles sur le site de l’Assemblée fédérale et sur le site de la Chancellerie fédérale.

 

 

 

4A_179/2016 (f) du 30.08.2016 – Accident de la circulation scooter contre enfant de presque 5 ans souffrant d’hyperactivité – 59 al. 2 LCR – 60 LCR / Responsabilité de la mère du blessé l’ayant confié à sa jeune sœur de 9 ans – 302 CC

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_179/2016 (f) du 30.08.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2emeh8W

 

Accident de la circulation scooter contre enfant de presque 5 ans souffrant d’hyperactivité – 59 al. 2 LCR – 60 LCR

Responsabilité de la mère du blessé l’ayant confié à sa jeune sœur de 9 ans – 302 CC

 

Le 04.04.2011 en début d’après-midi, X.__ conduisait un scooter en direction du village d’Anières. Sur le trottoir longeant la chaussée à sa droite, les enfants B.__, âgé de quatre ans et onze mois, et sa sœur C.__, âgée de neuf ans, marchaient dans la même direction. Le cadet est alors inopinément descendu du trottoir et le scootériste l’a heurté à la vitesse d’environ 60 km/h ; cet enfant a subi d’importantes lésions corporelles.

B.__ souffrait d’hyperactivité, soit d’une activité motrice augmentée, désordonnée et impulsive. Sa famille était très récemment immigrée en Suisse et il n’avait reçu aucune leçon d’éducation routière. Au moment de l’accident, il se rendait à l’école. Sa mère l’accompagnait habituellement; ce jour-là, en raison d’un empêchement, elle l’avait confié à C.__.

Au lieu de l’accident, des signaux limitaient la vitesse des véhicules à 60 km/h.

 

TF

Le scootériste X.__ ne prétend pas que sa responsabilité soit atténuée par une faute personnelle du jeune B.__. Il admet qu’un enfant de cinq ans manque à peu près totalement de la capacité de discernement nécessaire à un piéton confronté au trafic routier, et que cet enfant est donc insusceptible d’un comportement fautif (cf. Roland Brehm, La responsabilité civile automobile, 2 e éd., 2010, n° 511 p. 199). En revanche, il soutient que la mère du blessé a commis une faute en faisant accompagner son fils par sa fille aînée, alors que celle-ci, âgée de neuf ans, manquait elle aussi d’une capacité de discernement et d’anticipation suffisante, et qu’elle n’était donc pas en mesure d’assurer la sécurité de son frère.

A teneur de l’art. 302 al. 1 CC concernant les effets de la filiation, les père et mère ont notamment le devoir de favoriser et de protéger le développement corporel, intellectuel et moral de leur enfant. Dans le contexte de la garde de l’enfant, cette règle impose aux père et mère de veiller à sa sécurité physique. Ils assument envers lui une position de garant et la violation de leurs devoirs engage leur responsabilité délictuelle selon l’art. 41 CO (cf. Cyril Hegnauer, Haften die Eltern für das Wohl des Kindes ?, RDT 2007 p. 167, 168; le même auteur, in Commentaire bernois, 1997, n° 29 ad art. 272 CC; Felix Schöbi, Die Haftung der Eltern für das Wohl des Kindes, in Aus der Werkstatt des Rechts, 2006, p. 97, 101). Les père et mère sont notamment responsables de veiller à la sécurité de l’enfant dans le trafic routier (Brehm, op. cit., n° 664 p. 262). La Cour de justice se réfère erronément à l’art. 333 CC qui ne concerne pas la responsabilité du chef de la famille envers un enfant vivant dans son ménage, mais sa responsabilité envers des tiers par suite d’actes dommageables commis par cet enfant (Brehm, ibid.; Isabelle Wildhaber, in Commentaire bâlois, 5e éd., n° 8 ad art. 333 CC).

Sur la route en question, la circulation des piétons avoisine celle de véhicules dont la vitesse peut atteindre 60 km/h. En raison de son jeune âge, du manque de discernement correspondant et de son hyperactivité, B.__ ne pouvait pas parcourir seul l’itinéraire qui le conduisait à l’école par cette artère; il devait impérativement y être accompagné d’une personne capable d’assurer sa sécurité et, en particulier, de lui imposer un comportement approprié à la situation.

Agée de neuf ans, sa sœur était vraisemblablement capable de cheminer seule sur le trottoir de cette route, sans risque d’accident excédant celui encouru par quiconque dans la même situation. En revanche, on ne saurait présumer qu’elle jouît des moyens intellectuels et physiques de surveiller et diriger efficacement un autre enfant dans cette même situation, de surcroît atteint d’hyperactivité. Son frère cadet avait au contraire besoin d’un encadrement particulièrement ferme et attentif. Dans ces conditions, sa mère devait l’accompagner elle-même ou le confier à une autre personne adulte, avertie du comportement turbulent de cet enfant. Dans les considérants de son arrêt, la Cour de justice retient avec raison que la mère, en confiant son fils à C.__, n’a « pas entièrement satisfait à ses devoirs de surveillance » et qu’elle a par-là commis une faute.

La répartition entre les deux coresponsables doit s’accomplir en considération du risque inhérent à l’emploi d’un scooter, de la faute du scootériste et de la faute de la mère ; ce sont les trois causes significatives de l’accident (cf. ATF 132 III 249 consid. 3.1 p. 252/253). Le scootériste répond de ce risque et de sa propre faute.

La mère de B.__ était empêchée d’accompagner elle-même son fils en raison d’un « rendez-vous ». Dans cette situation, quelle que fût la cause de l’empêchement, il s’imposait de confier l’enfant à une autre personne adulte, connaissant ce bambin ou avertie de son comportement remuant, et capable d’assurer l’encadrement nécessaire.

Les deux fautes en présence doivent être tenues pour graves et à peu près équivalentes. Compte tenu du risque inhérent à l’emploi du scooter, il convient d’imputer la responsabilité de l’accident au scootériste à hauteur de 70% et à la mère à hauteur de 30% (cf. Brehm, op. cit, n° 601 p. 238), conformément aux conclusions soumises au Tribunal fédéral.

 

Le TF admet partiellement le recours du scootériste.

 

 

Arrêt 4A_179/2016 consultable ici : http://bit.ly/2emeh8W

 

 

1C_590/2015 (f) du 27.04.2015 – Retrait du permis de conduire – Violation grave des règles de la circulation routière – 16c LCR / Rouler trop près du véhicule le précédent – Intervalle de 0.4 seconde – 34 al. 4 LCR / Règle des deux secondes ou du « demi compteur »

Arrêt du Tribunal fédéral 1C_590/2015 (f) du 27.04.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/2dHKNiN

 

Retrait du permis de conduire – Violation grave des règles de la circulation routière – 16c LCR

Rouler trop près du véhicule le précédent – Intervalle de 0.4 seconde – 34 al. 4 LCR

Règle des deux secondes ou du « demi compteur »

 

Le 13.12.2014, à 9h42, A.__ a suivi, alors qu’elle roulait à une vitesse de 109 km/h sur la voie de dépassement de l’autoroute A1, le véhicule précédent à une distance de 9.8 mètres (correspondant à un intervalle de 0.4 seconde).

Ordonnance pénale reconnaissant A.__ coupable de violation grave des règles de la circulation routière. Aucune opposition n’a été déposée à l’encontre de ce prononcé.

La Commission des mesures administratives en matière de circulation routière (CMA) a retiré le permis de conduire de A.__ pour une durée de trois mois, retenant une faute grave de l’intéressée.

 

TF

Selon l’art. 34 al. 4 LCR, le conducteur observera une distance suffisante envers tous les usagers de la route, notamment pour croiser, dépasser et circuler de front ou lorsque des véhicules se suivent. L’art. 12 al. 1 OCR prévoit que, lorsque des véhicules se suivent, le conducteur se tiendra à une distance suffisante du véhicule qui le précède, afin de pouvoir s’arrêter à temps en cas de freinage inattendu.

Il n’existe pas de règle absolue sur ce qu’il faut entendre par « distance suffisante » au sens de l’art. 34 al. 4 LCR; cela dépend des circonstances concrètes, notamment des conditions de la route, de la circulation et de la visibilité, de même que de l’état des véhicules impliqués. Le sens de cette règle de circulation est avant tout de permettre au conducteur, même en cas de freinage inopiné du véhicule qui précède, de s’arrêter derrière lui. La jurisprudence n’a pas fixé de distances minimales à respecter au-delà desquelles il y aurait infraction simple, moyennement grave ou grave à la LCR. Elle a toutefois admis que la règle des deux secondes ou du « demi compteur » (correspondant à un intervalle de 1.8 secondes) étaient des standards minimaux habituellement reconnus (ATF 131 IV 133 consid. 3.1 p. 135; 104 IV 192 consid. 2b p. 194). Un cas peut être grave lorsque l’intervalle entre les véhicules est inférieur à 0.8, voire 0.6 seconde (ATF 131 IV 133 consid. 3.2.2 p. 137).

Ainsi, une faute grave a notamment été retenue lorsqu’un automobiliste a, sur une distance de 800 mètres environ et à une vitesse supérieure à 100 km/h, suivi le véhicule le précédant sur la voie de gauche de l’autoroute avec un écart de moins de 10 mètres, correspondant à 0,3 seconde de temps de parcours (ATF 131 IV 133; cf. aussi arrêts 1C_356/2009 du 12 février 2010; 1C_7/2010 du 11 mai 2010; 1C_274/210 du 7 octobre 2010), lorsque, à une vitesse de 110 km/h, il a suivi la voiture précédente sur 1’200 mètres à une distance oscillant entre 5 et 10 mètres (0.32 seconde [arrêt 1C_502/2011 du 6 mars 2012]), lorsqu’il a suivi à une vitesse de 112 km/h sur environ 500 mètres à une distance de 14.58 mètres (0.4 seconde [arrêt 1C_554/2013 du 17 septembre 2013]) ou encore lorsqu’il a circulé à une vitesse de 125 km/h sur 1’200 mètres à une distance de 15 mètres du véhicule qui le précédait (0.4 seconde [arrêt 1C_446/2011 du 15 mars 2012]). En revanche, la faute a été qualifiée de moyennement grave au sens de l’art. 16b LCR lorsqu’un conducteur a suivi, à une vitesse de 100 km/h, une voiture à une distance entre 20 et 25 mètres (0.9 seconde [arrêt 1C_424/2012 du 15 janvier 2013]) et lorsque l’écart entre les véhicules était de 26 mètres pour une vitesse de 124 km/h (0.8 seconde [arrêt 1C_183/2013 du 21 juin 2013]).

Dans le cas d’espèce, rouler derrière un véhicule à un intervalle de 0.4 secondes (distance de 9.8 mètres) constitue une faute grave au vu de la jurisprudence précitée (cf. notamment arrêts précités 1C_554/2013 et 1C_446/2011), en particulier lorsque le trafic est dense. Cet intervalle est clairement insuffisant pour lui permettre de réagir en cas de freinage du véhicule qui la précédait.

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

 

Arrêt 1C_590/2015 consultable ici : http://bit.ly/2dHKNiN

 

 

4A_549/2015 (f) du 27.06.2016 – Responsabilité civile et essais cliniques – 54 LPTh – 6 ss aOClin / Pas de responsabilité pour risque / Interprétation d’une clause de couverture d’assurance – 18 al. 1 CO

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_549/2015 (f) du 27.06.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2cq19uQ

 

Responsabilité civile et essais cliniques / 54 LPTh – 6 ss aOClin – 19 LRH

Pas de responsabilité pour risque

Interprétation d’une clause de couverture d’assurance / 18 al. 1 CO

 

TF

Lésé ayant subi en juin 2005 une hémicolectomie droite (ablation chirurgicale de la partie droite du côlon), après que des examens ont révélé la présence d’une tumeur maligne sur le côlon descendant. Afin de prévenir le risque de rechute, il lui a été conseillé de se soumettre à un traitement adjuvant dans le cadre d’une étude clinique dénommée « AVANT » mise en œuvre par la Fondation du Centre pluridisciplinaire d’oncologie et financée par un grand groupe pharmaceutique. Ayant accepté le 26.07.2005 d’y participer en apposant sa signature sur un document rédigé par la Fondation, le lésé, par tirage au sort, a été rattaché au groupe A FOLFOX-4. Les patients de ce groupe devaient recevoir douze doses de chimiothérapie, chacune espacée de deux semaines et composée de fluorouracil associé à la leucovorine et à l’oxaliplatine, mais pas l’anticorps bévacizumab, objet d’étude de l’essai clinique.

Entre le 03.08.2005 et le 04.01.2006, le lésé s’est vu administrer, par des médecins rattachés au Centre pluridisciplinaire d’oncologie de la Fondation, douze doses de la chimiothérapie susdécrite.

A la suite du dernier traitement chimiothérapeutique, le lésé a consulté en janvier 2006 un spécialiste FMH en neurologie. Ce praticien a écrit que le patient souffrait de polyneuropathie sensitive des membres inférieurs et des membres supérieurs, causée par un traitement à l’oxaliplatine. Ce même praticien a qualifié la neuropathie du demandeur de « sévère et invalidante, avec conséquences psychiatriques ».

 

Cadre légal pour les essais cliniques

Sous le titre « Conditions et obligation d’annoncer », l’art. 54 al. 1 de la loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux (LPTh; RS 812.21), dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31.12.2013, disposait que, pour que des essais cliniques puissent être effectués, il faut notamment: (let. a) que les sujets de recherche aient donné leur consentement libre, exprès et éclairé, par écrit ou attesté par écrit, après avoir été informés notamment (ch. 5) sur leur droit à une compensation en cas de dommages imputables à l’essai; (let b) qu’une compensation pleine et entière des dommages subis dans le cadre de l’essai soit garantie aux sujets de recherche.

L’art. 6 al. 1 de l’Ordonnance sur les essais cliniques de produits thérapeutiques [aOClin, RO 2001 3511, ordonnance abrogée le 01.01.2014 en vertu de l’art. 69 ch. 2 de l’Ordonnance sur les essais cliniques dans le cadre de la recherche sur l’être humain (OClin; RS 810.305)], énonçait que, dans le cadre d’un essai clinique, la protection des sujets de recherche doit être garantie au sens des art. 54 à 56 de la LPTh.

L’art. 7 al. 1 aOClin disposait que le promoteur (défini à l’art. 5 let. b aOClin comme toute personne ou organisation qui assume la responsabilité du lancement, de la gestion ou du financement d’un essai clinique) répond des dommages subis par un sujet de recherche dans le cadre d’un essai clinique. L’art. 7 al. 2 aOClin prescrivait que le promoteur doit garantir cette responsabilité; à cet effet il peut conclure pour lui-même et pour l’investigateur (i. e toute personne responsable de la réalisation pratique d’un essai clinique ainsi que de la protection de la santé et du bien-être des sujets de recherche, cf. art. 5 let. c aOClin) une assurance couvrant leur responsabilité civile contractuelle et extra-contractuelle à l’endroit des sujets de recherche.

Seule une loi spéciale peut instaurer une responsabilité objective aggravée, dite aussi responsabilité à raison du risque, dès l’instant où il n’existe pas en droit suisse de clause générale de responsabilité pour risque couvrant l’ensemble des activités créant des dangers particuliers (HEINZ REY, Ausservertragliches Haftpflichtrecht, 4e éd. 2008, ch. 1247 et 1250, p. 289; FELLMANN/KOTTMANN, Schweizerisches Haftpflichtrecht, 2012, vol. 1, ch. 22, p. 8-9; FRANZ WERRO, La responsabilité civile, 2e éd. 2011, ch. 31 p. 14).

Le Message du 01.03.1999 concernant une loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux (FF 1999 3151, spéc. 3230-3231) ne précise nullement que l’art. 54 LPTh instaure une responsabilité objective aggravée. Quant à l’art. 7 al. 2 aOClin, il est significatif qu’il fait allusion à la possibilité pour le promoteur de contracter une assurance couvrant sa responsabilité civile contractuelle et extra-contractuelle, sans spécifier à quel type de responsabilité civile (responsabilité subjective, responsabilité objective simple, responsabilité objective aggravée) il est ainsi fait allusion.

Aucune responsabilité pour risque ne découlait ainsi de l’ancien art. 54 LPTh, et encore moins de l’art. 7 aOClin, qui n’a pas de portée pratique pour la victime d’un dommage (DENIS PIOTET, Quelle obligation d’assurance pour les essais cliniques de lega lata ?, in Medizinische Forschung – Haftung und Versicherung, Zurich 2006, p. 87).

 

Interprétation d’une clause de couverture d’assurance – 18 al. 1 CO

Une clause relative à la couverture d’assurance était insérée dans la « Notice d’information destinée au patient », à laquelle renvoie le document signé le 26.07.2005 par le lésé, intitulé « Participation à une étude clinique: déclaration écrite de consentement du patient ».

Cette clause a la teneur suivante: « En cas de dommages subis dans le cadre de l’étude, vous bénéficierez d’une compensation pleine et entière. En vue de couvrir ces dommages, le promoteur a conclu une assurance. Votre médecin entreprendra le cas échéant, toutes les démarches nécessaires ».

Lorsqu’il est amené à qualifier ou interpréter un contrat, le juge doit tout d’abord s’efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties (art. 18 al. 1 CO).

Par l’interprétation selon la théorie de la confiance, le juge recherche comment une manifestation de volonté pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l’ensemble des circonstances (ATF 140 III 134 consid. 3.2 p. 138 s.; 138 III 29 consid. 2.2.3 p. 35 s.; 135 III 295 consid. 5.2 p. 302). Cette interprétation dite objective s’effectue non seulement d’après le texte et le contexte des déclarations, mais également sur le vu des circonstances qui les ont précédées et accompagnées (ATF 131 III 377 consid. 4.2.1; 119 II 449 consid. 3a), à l’exclusion des circonstances postérieures (ATF 132 III 626 consid. 3.1).

A la lecture de ces documents, la restriction « dans le cadre de l’étude » ne pouvait pas raisonnablement signifier pour le lésé que l’obligation d’indemnisation assumée par la Fondation du Centre pluridisciplinaire d’oncologie se rapportait à toutes les réactions et intolérances qu’il pourrait présenter lors de sa participation à l’étude, même si elles résultaient de l’administration du traitement standard. Il devait comprendre de bonne foi que n’étaient couverts que les dommages qui pourraient survenir spécifiquement en raison de l’injection (en complément au traitement standard et au traitement capécitabine/oxaliplatine) de la substance étudiée, soit le bévacizumab. D’un point de vue objectif, il n’est pas possible d’admettre que la Fondation du Centre pluridisciplinaire d’oncologie s’est obligée à indemniser les dommages qui n’auraient aucun rapport avec l’introduction dans l’organisme du patient de l’anticorps objet de l’étude, tels ceux qu’aurait pu provoquer n’importe quelle atteinte à la santé subie par ce dernier tout au long de l’essai clinique, lequel s’est étendu sur plusieurs mois. Une obligation d’indemniser si large aurait dû être détaillée et formulée avec des termes précis.

Depuis le 01.01.2014, l’art. 19 de la loi fédérale relative à la recherche sur l’être humain (LRH; RS 810.30) a d’ailleurs institué de manière impérative une responsabilité causale très stricte, c’est-à-dire une responsabilité objective aggravée, pour les dommages subis par les participants à un projet de recherche, mais pour autant qu’ils soient « en relation avec le projet ». Selon le Message du 21.10.2009 sur la loi fédérale relative à la recherche sur l’être humain (FF 2009 7259, spéc. 7324), ces termes signifient que la responsabilité s’étend à l’ensemble des dommages ayant un lien causal adéquat avec la participation au projet de recherche. L’art. 10 al. 2 let. a OClin prévoit ainsi qu’est libéré de la responsabilité instaurée par l’art. 19 LRH celui qui prouve tout à la fois que le dommage ne dépasse pas l’ampleur qui est à prévoir en fonction de l’état de la science et qu’un dommage équivalent aurait également pu survenir si la personne lésée avait subi la thérapie utilisée habituellement pour le traitement de sa maladie.

Ces normes n’étaient certes pas en vigueur lors des faits litigieux. Mais, on cherche vainement les raisons pour lesquelles la Fondation du Centre pluridisciplinaire d’oncologie en juillet 2005 aurait voulu s’engager par la clause incriminée à indemniser le participant à l’étude plus largement que ce qui est prévu par le régime légal actuel dans le cadre d’une responsabilité objective aggravée.

En conclusion, sur la base des documents contractuels, le lésé devait comprendre de bonne foi que la Fondation du Centre pluridisciplinaire d’oncologie n’assumait une responsabilité objective simple que pour les dommages qui seraient rattachés à l’administration de l’anticorps bévacizumab.

Pour les autres dommages, tels ceux provoqués par le traitement conventionnel – que le lésé a reçu de par son rattachement au groupe A de l’étude -, seule la responsabilité contractuelle pour faute de la Fondation du Centre pluridisciplinaire d’oncologie, fondée sur l’art. 97 al. 1 CO, est susceptible d’entrer en ligne de compte.

 

Le TF rejette le recours du lésé.

 

 

Arrêt 4A_549/2015 consultable ici : http://bit.ly/2cq19uQ

 

 

4A_122/2016 (f) du 04.07.2016 – Perte de soutien – 45 al. 3 CO / Défunt français – survivants français résidant en France – LDIP / Revenu hypothétique d’un lésé à la recherche d’un emploi d’agent commercial

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_122/2016 (f) du 04.07.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2cHDPK5

 

Perte de soutien / 45 CO

Défunt français – survivants français résidant en France / LDIP

Revenu hypothétique d’un lésé à la recherche d’un emploi d’agent commercial

 

Le 26.02.2007, M.__ circulait en automobile sur le quai de Cologny entre Genève et Vésenaz. Il s’est déporté sur la partie gauche de la chaussée et il y a percuté la voiture de K.__, lequel approchait en sens inverse. L’accident a causé le décès de ce conducteur-ci.

L’assureur responsabilité civile de M.__ a versé 120’000 fr. aux survivants du défunt, soit à son épouse, à ses deux enfants, et à ses père et mère, tous français résidant en France.

Le défunt, né en 1968, a obtenu deux diplômes dans le domaine des assurances et a travaillé dès 1992 au service de la compagnie des Assurances U.__ à Thonon-les-Bains. Le 01.10.2002, succédant à son père, il est devenu agent général de la compagnie à Thonon-les-Bains. De cette activité, il a retiré des revenus de 128’572, 131’169 et 62’158 euros pendant les années 2003, 2004 et 2005. Il fut contraint de démissionner à la fin de cette dernière année parce qu’une inspection comptable avait révélé que son agence était débitrice d’un montant important envers la compagnie d’assurances et que les charges sociales n’étaient acquittées qu’avec retard. La compagnie l’a réengagé en qualité de collaborateur à Thonon-les-Bains dès le 01.01.2006; son salaire mensuel brut était fixé à 3’250 euros. Souffrant de dépression, il a rapidement cessé de travailler et il a quitté son emploi. A l’époque de l’accident, il consommait encore des médicaments antidépresseurs. Il cherchait un emploi d’agent commercial. Il était en contact avec deux employeurs susceptibles de l’engager à moyen terme ; il avait refusé un poste qu’il jugeait excessivement éloigné du domicile familial.

Dès février 2006, des difficultés conjugales liées à sa situation professionnelle et à son état dépressif ont entraîné la séparation du couple. L’époux et père a quitté le domicile familial ; il y est retourné pour les fins de semaine. Depuis la séparation, il versait mensuellement entre 1’400 et 1’500 euros pour l’entretien de la famille.

 

TF

Les demandeurs sont tous français et résident en France; il est néanmoins incontesté que leurs prétentions sont soumises au droit suisse du lieu de l’accident, désigné par l’art. 134 de la loi fédérale sur le droit international privé (LDIP) et l’art. 3 de la convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d’accidents de la circulation routière (RS 0.741.31).

En vertu de l’art. 45 al. 3 CO, les personnes privées de leur soutien par suite de la mort d’une autre personne ont droit à la réparation de cette perte.

Selon l’art. 42 al. 1 CO, la preuve du dommage incombe à la partie qui prétend à réparation. La constatation du dommage ressortit en principe au juge du fait; saisi d’un recours, le Tribunal fédéral n’intervient que si la juridiction cantonale a méconnu la notion juridique du dommage ou si elle a violé les principes juridiques à appliquer dans le calcul (ATF 128 III 22 consid. 2e p. 26; 126 III 388 consid. 8a p. 389; voir aussi ATF 132 III 359 consid. 4 p. 366).

Le montant hypothétique que le défunt aurait régulièrement consacré à l’entretien de ses survivants doit être estimé individuellement pour chacun d’eux, d’après leur situation au jour du décès, et capitalisé à cette date. La perte de soutien se calcule de manière exclusivement « abstraite » en ce sens qu’il n’est opéré aucune distinction entre le dommage que le décès a effectivement causé jusqu’au jugement, d’une part, et celui à prévoir après le jugement, d’autre part. Cette distinction est pratiquée dans l’application de l’art. 46 CO, en cas d’incapacité de travail consécutive à des lésions corporelles, parce que les risques de décès et d’invalidité du lésé ne grèvent que l’avenir (ATF 119 II 361 consid. 5b p. 366).

La perte de soutien dépend notamment du revenu hypothétique que le défunt se serait procuré sans l’accident ; il s’ensuit que ce revenu doit lui aussi être estimé. Les principes qui régissent l’estimation d’un revenu hypothétique ne sauraient différer selon que la victime de l’accident est décédée ou que, devenue invalide, elle est désormais incapable de travailler; la jurisprudence concernant l’incapacité de travail est donc transposable. Ainsi, le revenu hypothétique doit être autant que possible établi de manière concrète, sur la base du revenu effectivement obtenu avant l’accident (ATF 131 III 360 consid. 5.1 p. 363). La capitalisation au taux de 3½% compense correctement le renchérissement futur (ATF 125 III 312 consid. 5a p. 317 et consid. 7 p. 321) ; une progression future du revenu réel ne doit être prise en considération que si elle apparaît concrètement prévisible au regard de la profession de la victime et des circonstances particulières de son cas (ATF 132 III 321 consid. 3.7.2.1 et 3.7.2.2 p. 337; arrêt 4A_543/2015 du 14 mars 2016, consid. 6). Cela ne contredit d’ailleurs pas la jurisprudence plus ancienne (ATF 101 II 346 consid. 3b p. 351) relative à l’estimation du revenu hypothétique dans le cadre de l’art. 45 al. 3 CO. Contrairement aux considérants de la Cour de justice, il n’est donc pas question d’une estimation « abstraite » du revenu hypothétique.

K.__ était sans emploi et encore atteint dans sa santé. L’engagement le plus récemment obtenu, d’une compagnie d’assurances qui le connaissait depuis de nombreuses années et pouvait apprécier son potentiel, ne lui apportait qu’un salaire mensuel brut de 3’250 euros. Il n’a jamais travaillé au service d’un autre employeur. Il n’a que brièvement occupé la position d’agent général indépendant, comportant des responsabilités élevées, et il y a échoué. A l’époque de l’accident, en dépit de ses qualités et aptitudes dont plusieurs témoins ont fait état, il se trouvait dans la difficile situation de devoir recommencer une carrière, à l’âge de trente-huit ans et après un grave insuccès. Les autorités précédentes ont estimé un revenu hypothétique mensuel net de 6’500 euros – excédant le double du salaire le plus récemment obtenu – qui est dépourvu de toute relation raisonnable avec cette situation économique et professionnelle. L’assurance RC est ici fondée à dénoncer une application incorrecte de l’art. 45 al. 3 CO.

Compte tenu que le défunt se trouvait en recherche d’emploi, il faut apprécier en équité le salaire qu’il pouvait raisonnablement espérer dans un proche avenir. L’assurance RC propose 3’250 euros par mois ou 39’000 euros par année, montants nets de charge s sociales. Il n’est pas constaté et il n’y a pas lieu de présumer que le salaire mensuel brut de 3’250 euros fût exigible treize fois par année. Le revenu ainsi proposé par l’assurance RC équivaut au salaire le plus récemment obtenu ; il ne paraît en tous cas pas sous-estimé et il sera donc admis.

 

Le TF accepte le recours de l’assurance RC.

 

 

Arrêt 4A_122/2016 consultable ici : http://bit.ly/2cHDPK5

 

 

Un gérant de fortune doit indemniser deux clients

Un gérant de fortune doit indemniser deux clients

 

Article paru in : Assurance Sociale Actualités 18/16 du 29.08.2016

 

Une société de gestion de fortune doit verser des dommages-intérêts à deux clients qui ont subi des pertes suite aux investissements effectués. Ainsi en a décidé le Tribunal fédéral qui confirme les décisions de de la justice neuchâteloise. Une retraitée s’est retrouvée avec sa seule rente AVS après que son capital d’environ 375 000 francs eut été réduit à quelques milliers de francs suite aux spéculations du gérant de fortune. La société devra verser à la retraitée un montant d’environ 100 000 francs car elle a enfreint toutes les règles de la diversification. Un autre client de la même société recevra également des dommages-intérêts de 100 000 francs. Bien que le gérant de fortune ait eu pour mandat de prendre un risque limité, il avait investi dans une entreprise peu sûre. (Arrêts 4A_45/2016 et 4A_41/2016 du 20 juin 2016)

 

 

Arrêt 4A_41/2016 du 20.06.2016 consultable ici :  http://bit.ly/2csVlqi

Arrêt 4A_45/2016 du 20.06.2016 consultable ici : http://bit.ly/2ceSBJ2

 

 

 

4A_689/2015 (f) du 16.06.2016 – Prescription d’un dommage évolutif – 60 CO

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_689/2015 (f) du 16.06.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2b69vxr

 

Prescription d’un dommage évolutif – 60 CO

 

 

TF

L’art. 60 al. 1 CO énonce que l’action en dommages-intérêts se prescrit par un an à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne qui en est l’auteur, et, dans tous les cas, par dix ans dès le jour où le fait dommageable s’est produit.

Selon la jurisprudence, le créancier connaît suffisamment le dommage lorsqu’il apprend, concernant son existence, sa nature et ses éléments, les circonstances propres à fonder et à motiver une demande en justice (ATF 131 III 61 consid. 3.1.1). Eu égard à la brièveté du délai de prescription, on ne saurait se montrer trop exigeant à l’égard du lésé ; suivant les circonstances, un certain temps doit lui être laissé pour lui permettre d’estimer l’étendue définitive du dommage, seul ou avec le concours d’un tiers (ATF 111 II 55 consid. 3a p. 57). Si le législateur cherchait à éviter, pour la sécurité du droit, que le lésé ne tarde à agir, il n’a pu vouloir l’obliger à intenter action avant de connaître les éléments essentiels de son préjudice, ce qui le contraindrait à réclamer d’emblée le maximum de ce à quoi il pourrait avoir droit, ou à amplifier ses conclusions au fur et à mesure que les suites du fait dommageable se déclarent; or, de tels procédés présentent de graves inconvénients sous l’angle de l’administration de la justice (ATF 74 II 30 consid. 1a p. 34 s.).

Le dommage n’est réputé réalisé qu’au moment où il s’est manifesté complètement. Lorsque l’ampleur du préjudice dépend d’une situation qui évolue, le délai de prescription ne court pas avant le terme de cette évolution. Tel est le cas notamment du préjudice consécutif à une atteinte à la santé dont il n’est pas possible de prévoir d’emblée l’évolution avec suffisamment de certitude. En particulier, la connaissance du dommage résultant d’une invalidité permanente suppose que l’état de santé soit stabilisé sur le plan médical et que le taux de l’incapacité de travail soit fixé au moins approximativement ; le lésé doit en outre savoir, sur la base des rapports médicaux, quelle peut être l’évolution de son état (arrêt 4A_136/2012 du 18 juillet 2012 consid. 4.2; 112 II 118 consid. 4 p. 123; 92 II 1 consid. 3 p. 4). La jurisprudence vise essentiellement des cas de préjudice consécutif à une atteinte à la santé de la victime, mais elle peut inclure d’autres situations où un acte illicite exerce sur le patrimoine un effet médiat dans une mesure qu’il n’est pas possible de prévoir avec assez de sécurité (ATF 108 Ib 97 consid. 1c p. 100).

 

 

Arrêt 4A_689/2015 consultable ici : http://bit.ly/2b69vxr

 

 

6B_1144/2015 (f) du 07.07.2016 – Violation grave des règles de la circulation – Dépassement téméraire de 2 motos et 1 voiture – 35 al. 2 LCR – 35 al. 3 LCR / Grief quant au principe de la présomption d’innocence écarté – 32 al. 1 Cst. – 6 § 2 CEDH – 14 al. 2 Pacte ONU II

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_1144/2015 (f) du 07.07.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2btwqC8

 

Violation grave des règles de la circulation – Dépassement téméraire de 2 motos et 1 voiture – 35 al. 2 LCR – 35 al. 3 LCR

Grief quant au principe de la présomption d’innocence écarté – 32 al. 1 Cst. – 6 § 2 CEDH – 14 al. 2 Pacte ONU II

 

X.__ circulait au volant de sa voiture sur la route de Sornard, de Basse-Nendaz en direction de Haute-Nendaz pour se rendre à son domicile. A.__ roulait sur la même route au guidon de sa moto ; sa compagne, B.__, avait pris place à l’arrière de la moto. A la sortie du village de Sornard, A.__ circulait derrière un véhicule portant des plaques anglaises. Il était lui-même suivi par une moto pilotée par des amis tessinois. X.__ a alors entrepris de dépasser les deux motos et la voiture anglaise. Lors de la manœuvre de dépassement des motos qui circulaient normalement l’une derrière l’autre, il a constaté qu’un véhicule roulait sur la voie descendante et arrivait en face de lui. Il s’est rabattu brutalement sur la droite, contraignant le conducteur de la première moto à freiner fortement et à diriger son véhicule sur le bas-côté de la chaussée. En effet, après avoir remarqué que X.__ ne parviendrait pas à dépasser le véhicule circulant devant lui, A.__, en sa qualité de pilote expérimenté, a eu le réflexe de décélérer préventivement « en relâchant les gaz ». Sa vitesse était dès lors déjà réduite lorsque, finalement, il a été contraint de freiner fortement.

X.___ a été reconnu coupable de violation grave des règles de la circulation (art. 90 ch. 2 LCR en relation avec l’art. 35 al. 2 et 3 LCR). Sur appel, le recours de X.__ a été rejeté et le jugement de première instance a été confirmé.

 

TF

Un des griefs de X.__ est la violation du principe de la présomption d’innocence, reprochant à la cour cantonale d’avoir renversé le fardeau de la preuve.

La présomption d’innocence, garantie par l’art. 32 al. 1 Cst., l’art. 6 § 2 CEDH et l’art. 14 al. 2 Pacte ONU II, porte sur la répartition du fardeau de la preuve dans le procès pénal, d’une part, et sur la constatation des faits et l’appréciation des preuves, d’autre part.

En ce qui concerne le fardeau de la preuve, il incombe entièrement et exclusivement à l’accusation d’établir la culpabilité du prévenu, et non à celui-ci de démontrer qu’il n’est pas coupable. La présomption d’innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l’accusé n’a pas prouvé son innocence. Lorsque X.__ se plaint d’une telle violation, la cour de droit pénal examine librement s’il ressort du jugement, considéré objectivement, que le juge a condamné l’accusé uniquement parce qu’il n’avait pas prouvé son innocence.

Comme règle d’appréciation des preuves, la présomption d’innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l’existence d’un fait défavorable à l’accusé si, d’un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l’existence de ce fait. Il importe peu qu’il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s’agir de doutes sérieux et irréductibles, c’est-à-dire de doutes qui s’imposent à l’esprit en fonction de la situation objective. Dans cette mesure, la présomption d’innocence se confond avec l’interdiction générale de l’arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (ATF 138 V 74 consid. 7 p. 82; 124 IV 86 consid. 2a p. 87 s.; 120 Ia 31 consid. 2 p. 33 ss).

La cour cantonale n’a pas renversé, en l’espèce, le fardeau de la preuve. En effet, elle n’a pas retenu la culpabilité du recourant au motif qu’il n’aurait pas prouvé son innocence, mais parce qu’elle en avait acquis la conviction au vu des preuves administrées et notamment des déclarations de B.__ et de A.__. Elle a relevé que le témoignage de B.__ était crédible. En effet, celle-ci n’avait aucun intérêt à nuire au recourant en le dénonçant pour des faits inexacts dans la mesure où elle connaissait X.__, qui était son patient, et qu’elle entretenait de bonnes relations avec son épouse. En outre, les témoignages des deux témoins concordaient. Dans la mesure où X.__ invoque la présomption d’innocence comme règle d’appréciation des preuves, ce grief se confond avec celui d’appréciation arbitraire des preuves, qui a été déclaré mal fondé.

 

 

Arrêt 6B_1144/2015 consultable ici : http://bit.ly/2btwqC8

 

 

4A_21/2016 (f) du 13.06.2016 – Contrat de travail – Protection de la santé du travailleur – 328 CO / Accident sur une échelle – 328 CO – 52a OPA – Règles Suva / Responsabilité de l’employeur confirmée

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_21/2016 (f) du 13.06.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2aQkEza

 

Contrat de travail – Protection de la santé du travailleur – 328 CO

Accident sur une échelle / 328 CO – 52a OPA – Règles Suva

Responsabilité de l’employeur confirmée

 

Employé engagé à compter du 01.11.2007 en qualité d’électricien polyvalent. Il a été placé sous la supervision de A.__, chef technique, et de son assistant (B.__).

Son travail consistait en la réalisation de petits travaux électriques et de dépannages. En particulier, il a effectué des travaux en hauteur, pour changer les ampoules et installer avec un collègue des traverses à rideaux. Il disposait, pour ces tâches, d’une échelle double, d’une autre échelle simple plus petite, entreposées avec les rideaux dans un local situé à côté de la salle de réception, ainsi que d’un échafaudage roulant (ou pont roulant) se trouvant un étage plus bas. L’utilisation de ce dernier nécessitait un montage d’environ une heure.

A son entrée en service, l’employé a fait le tour de l’hôtel avec deux collaborateurs de l’employeuse et, à cette occasion, il a pu voir l’échafaudage, sans toutefois recevoir aucune explication à ce sujet. De manière générale, il a été constaté que l’employeuse n’a, d’une manière ou d’une autre, fourni aucune consigne de sécurité à l’employé.

Le 29.11.2007, soit 3 semaines après l’engagement, l’employé et son collègue ont installé une traverse à rideaux d’environ cinq mètres de long et pesant entre 20 et 30 kilos à 3,6 mètres du sol. Son collègue a utilisé l’échelle double et l’employé s’est servi de l’échelle simple, plus petite. Pour mettre en place la traverse, ils sont montés sur leur échelle simultanément, en tenant celle-ci d’une main et la traverse de l’autre. Durant la manœuvre, l’employé est tombé de son échelle. Cette chute lui a causé une fracture du pilon tibial gauche luxée et une fracture du péroné gauche. Il a subi deux interventions chirurgicales en décembre 2007 et plus de trois semaines d’hospitalisation entre novembre et décembre 2007.

 

Procédure cantonale (arrêt ACJC/1431/2015 – consultable ici : http://bit.ly/2bcjOLr)

En deuxième instance, la Cour de justice du canton de Genève a considéré, sur la base des directives de la Commission fédérale de coordination pour la sécurité au travail (ci-après: directives CFST; cf. art. 52a al. 1 de l’ordonnance sur la prévention des accidents [OPA]), des documents informatifs de l’assurance Suva (« Dix règles vitales pour l’artisanat et l’industrie ») et des brochures d’information du Bureau pour la sécurité au travail (journal « BST Info 54 »), que les « mesures commandées par l’expérience » n’avaient pas été prises par l’employeuse et que celle-ci avait ainsi engagé sa responsabilité.

 

TF

Les deux employés ont gravi les échelons avec une main encombrée d’une traverse imposante de 20 à 30 kilos; ils sont nécessairement montés avec le corps tourné latéralement vers le collègue qui tenait l’objet à l’autre extrémité et ils ne pouvaient dès lors avoir le visage tourné vers l’échelle.

On ne saurait donc faire un quelconque reproche à la cour cantonale lorsqu’elle conclut que l’utilisation d’une échelle pour fixer une traverse pesant entre 20 et 30 kilos à plus de trois mètres du sol, dans un espace où il est possible de faire usage d’une plateforme mobile, est contraire aux règles en matière de sécurité sur le lieu du travail applicables à l’époque, que l’employeuse avait le devoir de faire appliquer afin de protéger l’intégrité de ses employés.

Il n’importe que l’employé n’ait pas informé son employeuse qu’il n’avait jamais entrepris de travaux en hauteur. Il appartenait à l’employeuse de garantir la sécurité de son employé, qui n’a jamais prétendu avoir de l’expérience dans ce genre d’activité, et de lui fournir les instructions nécessaires pour sa sécurité.

Il n’incombe pas aux travailleurs (par ailleurs inexpérimentés pour ce type d’activité, selon les constatations cantonales) d’identifier les risques, mais bien à l’employeuse de rendre ses travailleurs attentifs à tous les risques inhérents au travail (cf. ATF 102 II 18 consid. 1 p. 19 s.).

L’employeuse n’a donné aucune instruction de sécurité à l’employé. A son entrée en service, celui-ci a simplement fait le tour de l’hôtel avec deux autres collaborateurs et, à cette occasion, il a pu entrevoir un échafaudage roulant, sans toutefois recevoir aucune explication à ce sujet.

Enfin, il n’importe que l’employeuse n’ait pas mis sous pression son employé lors des travaux de pose (ce qui sous-entendrait que l’employé pouvait librement décider de se servir de l’échafaudage). Encore une fois, il appartenait à l’employeuse de donner les consignes de sécurité. On ne saurait l’exonérer de sa responsabilité du simple fait que l’employé a aperçu l’échafaudage lors de sa visite de l’hôtel.

 

Le TF rejette le recours de l’employeuse.

 

 

Arrêt 4A_21/2016 consultable ici : http://bit.ly/2aQkEza

 

 

Les personnes touchées par l’amiante devraient recevoir rapidement un soutien psychologique et financier

Les personnes touchées par l’amiante devraient recevoir rapidement un soutien psychologique et financier

 

Communiqué de presse de l’OFSP, 23.06.2016, consultable ici : http://bit.ly/28PaXA4

 

Les personnes souffrant d’un mésothéliome et leurs proches devraient bénéficier rapidement d’un soutien financier et d’une prise en charge psychologique. Dans le but de trouver des solutions consensuelles, le conseiller fédéral Alain Berset a mis sur pied une table ronde qui, entre-temps, s’est accordée sur les grandes lignes d’un projet. Ce dernier détermine les ayants droit et la nature de ces aides individuelles. Les prestations seront financées grâce à un fonds qu’il s’agit encore de créer. La prochaine étape consiste à réunir les ressources financières nécessaires.

Chaque année en Suisse, près de 120 personnes contractent une tumeur maligne de la plèvre ou du péritoine (mésothéliome) après avoir inhalé une quantité cancérogène de fibres d’amiante bien des années auparavant. Parmi elles, une trentaine ne reçoit aucune prestation de l’assurance-accidents obligatoire car leur maladie n’est pas liée à une activité professionnelle. Financièrement, elles sont souvent moins bien loties que les personnes assurées selon la loi sur l’assurance-accidents (LAA). Sous l’égide de l’ancien conseiller fédéral Moritz Leuenberger, des représentants des personnes affectées par l’amiante, des entreprises ayant produit et travaillé avec ce matériau, des syndicats, de l’économie, de la Suva et de la Confédération ont d’abord cerné la problématique dans le cadre d’une table ronde. Par la suite, ils ont adopté une solution permettant aux personnes atteintes d’un mésothéliome de recevoir rapidement un soutien financier et psychologique approprié. En outre, un fonds sera créé pour que les personnes lésées puissent être indemnisées selon un schéma et des principes simples, sans devoir faire valoir leurs droits par voie juridique.

 

Toutes les personnes atteintes d’un mésothéliome doivent être traitées sur un pied d’égalité

Fondamentalement, toutes les personnes ayant contracté un mésothéliome après 2006 ont droit à une indemnisation, que ce soit une maladie professionnelle reconnue ou non. Le plafond financier et le calcul de la somme à verser au cas par cas se fondent sur les prestations que l’assurance-accidents obligatoire verse aux patients atteints d’une maladie professionnelle reconnue et liée à l’amiante. Des prestations pour les personnes assurées selon la LAA sont également prévues. Cette solution permet de garantir que les patients reçoivent tous le même soutien, qu’ils soient assurés selon la LAA ou non.

La somme concrète que le fonds versera à une personne touchée par l’amiante dépendra de plusieurs facteurs : année où la maladie s’est déclarée, prestations déjà reçues de la part de l’assurance-accidents obligatoire et revenu au moment de l’apparition de la maladie. Des rémunérations forfaitaires et uniques sont également prévues pour les proches d’un patient décédé. Quiconque perçoit une indemnisation du fonds renonce, en contrepartie, à des actions de droit civil. La table ronde souhaite également que les plaintes en suspens soient réglées par voie extrajudiciaire, en recourant notamment au fonds.

 

Mise en place d’un service d’assistance psychologique pour les personnes concernées

Les participants à la table ronde ont souligné que les personnes touchées par l’amiante et leurs proches bénéficient certes de soins médicaux de qualité, mais que le suivi psychologique est insuffisant. En collaboration avec les institutions existantes, un tel service d’assistance doit être mis en place pour proposer aux personnes concernées des offres gratuites et accessibles. La table ronde élabore une proposition pour les prochaines étapes ; de concert avec les ligues pulmonaires régionales, elle examine des projets pilotes dans les différentes régions du pays.

Sur la base des critères d’indemnisation, des prestations proposées et des nouveaux cas prévus, la table ronde a évalué les coûts à venir. Les ressources nécessaires pour le fonds, qui doit encore être créé, devraient s’élever à 100 millions de francs jusqu’en 2025. Au-delà de cet horizon, il faudrait trouver une solution subséquente au fonds. Cependant, selon les prévisions, le nombre de nouveaux cas devrait être beaucoup moins important après 2025 et continuer de diminuer. Un comité composé de représentants de la table ronde va entamer des discussions avec des entreprises et des secteurs concernés, pour explorer la possibilité d’alimenter volontairement le fonds.

 

Travaux législatifs en cours

Les personnes touchées par l’amiante et leurs proches peuvent intenter une action civile contre une entreprise et des personnes qu’elles estiment responsables de leur maladie afin d’exiger des réparations et des dommages-intérêts. Or, selon la législation actuelle, ce droit se prescrit dix ans après le terme de l’exposition nocive, donc souvent bien avant que la maladie ne se déclare. Dans le cadre de la révision actuelle du droit de la prescription, le Conseil fédéral et le Conseil national souhaitent prolonger de respectivement 30 et 20 ans le délai de prescription pour les cas de séquelles provoquées ultérieurement, par exemple, par les fibres d’amiante. Le Conseil des Etats, lui, ne souhaite pas prolonger le délai de dix ans. Il prévoit toutefois une réglementation transitoire favorable aux personnes lésées afin de mettre en œuvre l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme de mars 2014, qui critique le droit suisse de la prescription sur ce point. En attendant les travaux de la table ronde, la commission des affaires juridiques du Conseil national a reporté à la fin août 2016 l’élimination de ces divergences. Selon les participants à la table ronde, leur projet pourrait alimenter les débats parlementaires et contribuer à trouver une solution adéquate.

L’amiante était surtout utilisé dans les années 1960 et 1970 dans différents matériaux de construction, aussi bien dans le bâtiment que dans l’industrie et la technique. Des valeurs limites et des dispositions ont été mises en place à partir de 1971 pour prévenir les maladies et pour protéger les travailleurs en contact avec ces fibres. En 1987, l’amiante a été inscrit dans la classe de toxicité 1 ; en 1989, une interdiction générale est entrée en vigueur, laquelle proscrit l’utilisation des préparations et des objets à base d’amiante. Depuis des années, différents offices, les services cantonaux, la Suva, les organisations patronales et les syndicats coopèrent très étroitement pour prévenir et protéger la population des effets nocifs de cette substance.

 

 

Communiqué de presse de l’OFSP, 23.06.2016, consultable ici : http://bit.ly/28PaXA4

Rapport intermédiaire des participants à la table ronde sur l’amiante du 08.06.2016 : http://bit.ly/28YnGPh

Fiche d’information, 03.06.2015, « Amiante : de « fibre miracle » à danger sanitaire » : http://bit.ly/28O0WSI

Questions et réponses concernant l’amiante, 03.06.2015 : http://bit.ly/28PfggD

Informations complémentaires : www.suva.ch/amiante et Plate-forme d’information Forum Amiante Suisse, FACH

 

Autres articles sur ce sujet :

Droit de la prescription : La commission prévoit une disposition transitoire spéciale pour les victimes de l’amiante

4F_15/2014 (d) du 25.03.2015 – Indemnisation des victimes de l’amiante: suspension de la procédure de révision

Première table ronde sur l’amiante : discussion sur les objectifs et la suite des travaux

Le DFI instaure une table ronde sur l’amiante

Projet de révision des règles sur la prescription civile