Archives de catégorie : Jurisprudence

6B_174/2015 (f) du 09.12.2015 – Conduite en état d’ébriété – appréciation erronée des faits – 13 CP

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_174/2015 (f) du 09.12.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Tqjydl

 

Conduite en état d’ébriété – appréciation erronée des faits – 13 CP

 

Le 01.11.2012, entre 18h00 et 20h00, alors qu’il se trouvait dans son garage, X.__ a bu deux whiskys et une bière; il n’avait alors pas prévu de sortir de chez lui. Aux alentours de 20h00, son frère l’a contacté pour lui demander s’il pouvait aider deux de ses employés qui venaient d’avoir un accident sur l’autoroute Lausanne-Berne. L’intéressé a accepté de les dépanner avec son véhicule, mais a refusé de conduire lui-même compte tenu de sa consommation d’alcool. Deux employés de son frère sont alors venus le chercher et tous les trois se sont rendus sur les lieux de l’accident. Après avoir dépanné le véhicule accidenté, la police a demandé aux personnes impliquées dans l’accident de se rendre au poste de la police cantonale pour la suite de la procédure. Comme ces dernières ne parlaient pas français, X.__ a proposé aux agents de servir d’interprète. Il a ainsi également été invité à se rendre au centre de la Blécherette. Ensuite, pressés par les policiers de dégager la voie d’urgence, les personnes impliquées ont rapidement regagné leur voiture et quitté les lieux. S’étant trouvé seul, X.__ a pris le volant de son véhicule et s’est rendu au poste de police malgré son état d’ébriété, circonstance qu’il n’a pas signalée aux policiers. Ce n’est qu’une fois sur place que les agents ont remarqué son état physique douteux; les résultats du test ont révélé un taux d’alcoolémie moyen de 0.88‰ à 21h10.

Procédure cantonale : arrêt 339 – consultable ici : http://bit.ly/1ZWUMkR

TF

Aux termes de l’art. 13 CP, quiconque agit sous l’influence d’une appréciation erronée des faits est jugé d’après cette appréciation si elle lui est favorable. Agit sous l’emprise d’une erreur sur les faits celui qui n’a pas connaissance ou qui se base sur une appréciation erronée d’un élément constitutif d’une infraction pénale. L’intention délictueuse fait défaut. L’auteur doit être jugé selon son appréciation erronée si celle-ci lui est favorable (ATF 129 IV 238 consid. 3.1 p. 240).

L’art. 14 CP dispose que celui qui agit comme la loi l’ordonne ou l’autorise se comporte de manière licite, même si l’acte est punissable en vertu du code pénal ou d’une autre loi.

X.__ ne peut pas se prévaloir d’un ordre de la police au sens de l’art. 27 LCR. En tout état de cause, s’il pensait avoir reçu l’injonction de conduire son véhicule, il aurait dû signaler sa récente consommation d’alcool à la police. Il ne peut rien tirer du fait que les policiers n’avaient pas remarqué son état, étant donné que les protagonistes se trouvaient sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute, de nuit, et que X.__ n’était pas impliqué dans l’accident. X.__ peut d’autant moins invoquer sa bonne foi que, lors de son premier déplacement, il avait refusé de prendre le volant et qu’une heure au maximum s’était écoulée entre ce moment et l’acte litigieux.

Le TF rejette le recours.

 

Arrêt 6B_174/2015 consultable ici : http://bit.ly/1Tqjydl

 

 

9C_262/2015 (f) du 08.01.2016 – Expertise médicale – 44 LPGA / Aide de traduction lors d’une expertise psychiatrique – Compréhension des questions et énoncé des réponses

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_262/2015 (f) du 08.01.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1PyWaKO

 

Expertise médicale / 44 LPGA

Aide de traduction lors d’une expertise psychiatrique – Compréhension des questions et énoncé des réponses

 

Le Tribunal fédéral s’est penché sur les plaintes d’une assurée pour violation de ses droits procéduraux par le refus d’un interprète durant une expertise réalisée par un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Lors de l’expertise, l’expert a constaté que l’assurée se montrait collaborante, qu’elle répondait aux questions mais qu’elle était souvent un peu floue, confuse, et qu’il fallait reposer les questions à plusieurs reprises. Il a ajouté que l’assurée, qui s’était exprimée en français, « ne saisit pas véritablement le sens des questions ayant rapport par exemple à son histoire personnelle », en faisant état d’un « discours parfois un peu décousu ».

Dans le contexte d’examens médicaux nécessaires pour évaluer de manière fiable l’état de santé de l’assuré et ses répercussions éventuelles sur la capacité de travail, en particulier d’un examen psychiatrique, la meilleure compréhension possible entre l’expert et la personne assurée revêt une importance spécifique. Il n’existe cependant pas de droit inconditionnel à la réalisation d’un examen médical dans la langue maternelle de l’assuré ou à l’assistance d’un interprète. En définitive, il appartient à l’expert, dans le cadre de l’exécution soigneuse de son mandat, de décider si l’examen médical doit être effectué dans la langue maternelle de l’assuré ou avec le concours d’un interprète. Le choix de l’interprète, ainsi que la question de savoir si, le cas échéant, certaines phases de l’instruction médicale doivent être exécutées en son absence pour des raisons objectives et personnelles, relèvent également de la décision de l’expert. Ce qui est décisif dans ce contexte, c’est l’importance de la mesure au regard de la prestation entrant en considération. Il en va ainsi de la pertinence et donc de la valeur probante de l’expertise en tant que fondement de la décision de l’administration, voire du juge. Les constatations de l’expert doivent dès lors être compréhensibles, sa description de la situation médicale doit être claire et ses conclusions motivées (arrêt 9C_287/2012 du 18 septembre 2012 consid. 4.1; arrêt I 245/00 du 30 décembre 2003, publié in VSI 2004 p. 144 consid. 4; arrêt 8C_913/2010 du 18 avril 2011 consid. 3.3.1 et les arrêts cités).

Dans le cas d’espèce, l’expert psychiatre a été invité à répondre à la question de savoir à partir de quand la pathologie psychiatrique dont souffre l’assurée entraîne une incapacité de travail durable au regard de faits remontant à plus de trente ans en arrière et de la situation personnelle de l’assurée à l’époque, il apparaît essentiel que l’assurée comprenne parfaitement les questions de l’expert et qu’elle puisse y répondre avec toutes les nuances nécessaires. A défaut, l’examen de la condition d’assurance, laquelle est directement liée à l’existence d’une éventuelle incapacité de travail – contestée – une trentaine d’années auparavant, risque d’être biaisé en raison de possibles imprécisions aussi bien dans la compréhension des questions que dans l’énoncé des réponses. L’expert, dont la mission consistait à s’exprimer sur la situation qui prévalait dans les années quatre-vingt et à dire si l’assurée était à cette époque-là capable ou non de travailler nonobstant son affection psychique, devait ainsi s’assurer par tous les moyens dont il disposait que l’entretien et les examens pratiqués ne fussent aucunement entachés de problèmes de compréhension. Au demeurant, il a rejeté à juste titre la présence de l’époux de l’assurée en qualité d’interprète (cf. ATF 140 V 260 consid. 3.2.3 et 3.2.4 p. 263).

Dans la mesure où l’expert avait lui-même relevé l’existence de difficultés d’expression en langue française qui avaient d’ailleurs été préalablement annoncées et en raison desquelles l’assurée demandait la présence d’un interprète, il incombait à l’expert de s’en assurer les services afin que l’assurée puisse bien saisir le sens des questions posées, notamment celles qui concernent son histoire personnelle, puis y répondre en connaissance de cause. A défaut, ce pan important – sinon essentiel – de l’anamnèse de l’assurée risquait de ne pas être correctement établi (cf. ATF 140 V 260 consid. 3.2.4 p. 264), en violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 et 61 let. c LPGA), aboutissant à des lacunes dans les constatations de faits (cf. art. 105 al. 1 LTF). Dans ce contexte, il ne suffit pas que l’usage de la langue maternelle soit restreint durant l’expertise aux seuls tests psychométriques écrits.

 

Arrêt 9C_262/2015 consultable ici : http://bit.ly/1PyWaKO

 

 

8C_728/2014 (f) du 04.01.2016 – Révision d’une rente d’invalidité octroyée par transaction / 22 LAA – 17 LPGA – 50 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_728/2014 (f) du 04.01.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/200zrw9

 

Révision d’une rente d’invalidité octroyée par transaction / 22 LAA – 17 LPGA – 50 LPGA

 

Assuré, jardinier-chauffeur né en 1955, est victime d’un accident de la circulation le 04.12.1987 : alors qu’il se trouvait derrière un autre véhicule arrêté pour obliquer à gauche, sa voiture a été percutée à l’arrière par un taxi qui, malgré un freinage d’urgence, n’a pas pu s’arrêter à temps. Il a subi un traumatisme crânio-cérébral qualifié de gravité légère ou (au maximum) moyenne.

Expertise le 09.01.1995 à la demande de l’assureur-accidents : troubles psychogènes massifs avec une régression importante sur le plan comportemental, cognitif et physique, non explicables par l’accident assuré et entrant dans le cadre d’un syndrome de conversion chez une personne à traits de personnalité dépendante et histrionique, ainsi que d’un trouble somatoforme douloureux. L’expert a retenu que le traumatisme cervical et crânio-cérébral indirect subi le 04.12.1987 pouvait avoir laissé des séquelles algiques pour une part de 25% tout au plus. L’incapacité de travail était totale vu le très grand degré de régression de l’assuré.

Transaction entre l’assureur-accidents et l’assuré, fixant le degré d’invalidité à 33 1/3 % ; la rente LAA correspondante est versée avec effet au 01.10.1994.

En janvier 2011, expertise pluridisciplinaire réalisée à la demande de l’assureur-accidents. Par décision du 13.07.2012, confirmée sur opposition le 22.01.2014, l’assureur a supprimé la rente dès le 01.10.2012, motif pris que les médecins-experts ne retenaient plus aucun trouble engendrant une incapacité de travail en lien de causalité avec l’accident.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/964/2014 – consultable ici : http://bit.ly/1KBq5dL)

Par arrêt du 27.08.2014, recours admis par le tribunal cantonal et annulation de la décision sur opposition.

 

TF

Dans les cas prévus à l’art. 22 LAA, les décisions d’octroi de rente qui reposent sur une transaction conclue entre les parties (cf. art. 50 LPGA) peuvent, à l’instar des autres décisions, faire l’objet d’une révision aux conditions de l’art. 17 LPGA (cf. arrêt 8C_896/2009 du 23 juillet 2010 consid. 4.1).

Aux termes de cette disposition, si le taux d’invalidité du bénéficiaire de rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. En revanche, une simple appréciation différente d’un état de fait, qui, pour l’essentiel, est demeuré inchangé n’appelle pas à une révision au sens de l’art. 17 LPGA (ATF 112 V 371 consid. 2b p. 372; 387 consid. 1b p. 390). Le point de savoir si un tel changement s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment où la dernière décision reposant sur un examen matériel du droit à la rente a été rendue et les circonstances au moment de la décision de révision (ATF 133 V 108 consid. 5 p. 110 ss).

Les considérations médicales qui précèdent établissent qu’à la date déterminante de la suppression de la rente, le syndrome douloureux à la colonne cervicale, bien que toujours présent chez l’assuré, ne peut plus être imputé au traumatisme initial vu l’écoulement du temps, mais trouve une origine probable dans l’évolution naturelle de l’état antérieur dégénératif. Il s’agit d’une modification notable des faits déterminants par rapport à la situation au moment de l’octroi de la rente, de sorte qu’il existe bien un motif de révision de la rente d’invalidité au sens de l’art. 17 LPGA. Compte tenu du fait que l’accident assuré ne joue désormais plus aucun rôle dans le maintien de la symptomatologie en cause, qui est actuellement attribuable à l’évolution d’un état antérieur (statu quo sine), l’assureur-accident était fondée à supprimer la rente d’invalidité allouée au recourant.

Le TF admet le recours de l’assureur-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_728/2014 consultable ici : http://bit.ly/200zrw9

 

 

8C_696/2014 (f) du 23.11.2015 – Incapacité partielle de travail pour raison maladie avant l’accident et droit à l’indemnité journalière LAA – 16 LAA / Atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident – 36 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_696/2014 (f) du 23.11.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Vusvkj

 

Incapacité partielle de travail pour raison maladie avant l’accident et droit à l’indemnité journalière LAA – 16 LAA

Atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident – 36 LAA

 

Assuré travaillant comme représentant, est en incapacité de travail à 30% en raison d’une maladie (dos et genoux) et perçoit depuis le 30.10.2009 des indemnités journalières de de l’assurance perte de gain en cas de maladie.

Accident de la circulation le 13.11.2010 : il perd la maîtrise de sa moto, sur l’autoroute, et chute. Diagnostics initiaux : fracture du radius distal gauche et luxation du coude droit. Bien que l’assuré fût totalement incapable de travailler, l’assureur-accidents a pris en charge les suites de l’accident à hauteur de 70% au titre de l’assurance-accidents au motif qu’il était en arrêt de travail à 30% pour cause de maladie et ce, sans interruption depuis le 30.10.2009.

Avis du médecin-conseil de l’assureur-accidents : l’assuré avait repris son travail, selon ses dires, à 60% le 01.06.2011. Il subsistait encore une incapacité de travail de 10% pendant le mois de juillet 2011 puis la capacité de travail atteindrait 70% à partir du 01.08.2011, soit une capacité de travail totale compte tenu de la perte de gain maladie de 30% préexistante à l’accident.

Par décision du 01.12.2011, confirmée sur opposition, l’assureur-accident a considéré que l’assuré avait recouvré une capacité de travail entière depuis le 01.08.2011 s’agissant des suites de l’accident, de sorte qu’elle a supprimé, au titre de l’assurance-accidents, ses indemnités journalières à 70%. Elle a néanmoins continué à verser des indemnités journalières à 10% jusqu’au 02.10.2011.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 35/12 – 83/2014 – consultable ici : http://bit.ly/1RPCOBa)

Par arrêt du 28.07.2014, le tribunal cantonal a partiellement admis le recours.

 

TF

La question est de savoir si c’est à juste titre que l’assureur-accidents n’a pas versé d’indemnités journalières pour la part de 30% relative à l’incapacité de travail préexistante à l’accident.

En vertu de l’art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l’atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident. L’application de l’art. 36 LAA ne suppose pas que le facteur étranger à l’accident soit une affection secondaire à ce dernier. Elle implique uniquement que l’accident et l’événement non assuré aient causé ensemble un dommage. L’art. 36 LAA n’est pas applicable, en revanche, lorsque les deux facteurs ont causé des lésions sans corrélation entre elles, par exemple des atteintes portées à des parties différentes du corps; dans ce cas, les suites de l’accident doivent être considérées pour elles-mêmes (ATF 126 V 116 c. 3a p. 117; 121 V 326 c. 3 p. 330 ss; SVR 2010 UV n° 31 p. 125 c. 4.2; Jean-Maurice Frésard/Margit Moser-Szeless, L’assurance-accidents obligatoire, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 2ème éd., p. 929 s. n° 290).

L’assureur-accidents reproche aux premiers juges d’avoir admis un lien de causalité entre l’accident et les problèmes lombaires de l’assuré. Elle fait valoir que les lésions causées par l’accident (fracture intra-articulaire déplacée du radius distal gauche et luxation postérieure du coude droit) et celles résultant de l’état maladif antérieur (troubles lombaires et prothèses totales des genoux) n’ont aucune corrélation entre elles, de sorte que l’art. 36 al. 1 LAA ne s’applique pas en l’espèce. Elle relève que l’assuré subissait déjà une incapacité de travail avant l’accident en raison de troubles lombaires pour laquelle il percevait des indemnités journalières de 30% au titre de l’assurance-maladie. A la suite de l’accident, il s’était retrouvé en incapacité de travail totale en raison de nouvelles lésions au niveau des membres supérieurs. Par conséquent, c’était à juste titre qu’elle avait réduit ses prestations de l’assurance-accidents de 30% et indemnisé l’assuré à hauteur de 70%.

Selon le Tribunal fédéral et sur le vu des pièces médicales, l’accident n’a pas occasionné une aggravation des troubles lombaires de l’assuré, propres à influer sur sa capacité de travail. L’existence d’une relation de causalité entre des problèmes lombaires et l’accident doit dès lors être niée.

L’assureur-accidents était fondé à réduire ses indemnités journalières à 70% pour la période du 16.11.2010 (cf. art. 16 al. 2 LAA) au 31.07.2011. En versant encore des indemnités journalières à 10% du 01.08.2011 au 02.10.2011, il a en tout cas satisfait à ses obligations.

Le TF admet le recours de l’assureur-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_696/2014 consultable ici : http://bit.ly/1Vusvkj

 

 

 

Commentaire : la recommandation ad hoc 13/85 (et son annexe) explique de manière simple et compréhensible la manière de procéder en cas d’incapacité de travail pour raison maladie avant l’accident.

 

 

9C_716/2015 (f) du 30.11.2015 – Expertises psychiatriques en matière de troubles somatoformes douloureux et autres troubles psychosomatiques comparables réalisées avant la réception de l’ATF 141 V 281 – 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_716/2015 (f) du 30.11.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1QI0RAQ

 

Expertises psychiatriques en matière de troubles somatoformes douloureux et autres troubles psychosomatiques comparables réalisées avant la réception de l’ATF 141 V 281 – 44 LPGA

 

Par définition, les expertises psychiatriques en matière de troubles somatoformes douloureux et autres troubles psychosomatiques comparables réalisées avant la réception de l’ATF 141 V 281 ont été rendues à la lumière de la présomption – abandonnée désormais – posée à l’ATF 130 V 352, selon laquelle ces troubles ou leurs effets peuvent être surmontés par un effet de volonté raisonnablement exigible, et des critères établis en la matière pour apprécier le caractère invalidant de ces syndromes. Toutefois, ce changement de jurisprudence ne justifie pas en soi de retirer toute valeur probante aux expertises psychiatriques rendues à l’aune de l’ancienne jurisprudence. Ainsi que le Tribunal fédéral l’a précisé, il convient bien plutôt de se demander si, dans le cadre d’un examen global, et en tenant compte des spécificités du cas d’espèce et des griefs soulevés, le fait de se fonder définitivement sur les éléments de preuve existants est conforme au droit fédéral. Il y a ainsi lieu d’examiner dans chaque cas si les expertises administratives et/ou les expertises judiciaires recueillies – le cas échéant en les mettant en relation avec d’autres rapports médicaux – permettent ou non une appréciation concluante du cas à l’aune des indicateurs déterminants (ATF 141 V 281 consid. 8 p. 309).

 

 

Arrêt 9C_716/2015 consultable ici : http://bit.ly/1QI0RAQ

 

 

4A_471/2015 (f) du 21.12.2015 – Interprétation des conditions générales d’un contrat d’assurance – 18 CO / Assurance indemnité journalière perte de gain maladie

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_471/2015 (f) du 21.12.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1nkGuhu

 

Interprétation des conditions générales d’un contrat d’assurance / 18 CO

Assurance indemnité journalière perte de gain maladie

 

Une commerçante a conclu avec une compagnie d’assurance un contrat collectif d’assurance d’indemnités journalières perte de gain en cas de maladie soumis à la LCA. Elle était assurée nominativement et l’indemnité journalière correspondait à 100% du salaire annuel convenu de 48’000 fr., après un délai d’attente de 30 jours. Elle avait droit à 730 indemnités journalières au maximum dans une période de 900 jours.

 

Le contrat renvoyait aux conditions générales d’assurance, édition 2002, (ci-après: CGA), qui en étaient considérées comme partie intégrante. L’art. G3 des CGA disposait que la couverture d’assurance prenait fin pour chaque assuré à l’expiration de la durée maximale du droit aux prestations, en cas d’annulation du contrat d’assurance, lorsque l’assuré quittait le cercle des personnes assurées, lorsqu’il cessait son activité professionnelle et, pour les personnes assurées nominativement, au plus tard lorsqu’elles atteignaient l’âge de 70 ans.

 

La commerçante était gravement malade depuis mars 2006. Elle a eu des difficultés à payer le loyer de son commerce ainsi que la prime du contrat collectif d’assurance d’indemnités journalières perte de gain en cas de maladie. Le contrat a été annulé pour le 14.07.2006 suite au non-paiement de sa prime de l’année 2006, conformément à l’art. 21 LCA. Ce courrier, présenté au domicile de sa destinataire le 31.10.2006, n’a pas pu être distribué; à l’échéance du délai de garde, soit le 07.11.2006, l’envoi non réclamé a été retourné à l’assureur. Le 14.12.2006, la compagnie d’assurance a procédé à une nouvelle notification dudit courrier sous pli simple, en indiquant au preneur d’assurance que ce pli gardait toute sa validité.

 

La boutique a cessé son activité et est fermée depuis le 13.11.2006, le bilan a été déposé et l’unique vendeuse a été licenciée pour le 31.01.2007. Le 12.04.2007, les clés du commerce ont été remises à la Justice de paix de Lausanne, qui a procédé, le 24.04.2007, à l’exécution forcée de l’ordonnance d’expulsion.

 

Le médecin-traitant, médecin généraliste, a attesté d’une incapacité totale de travailler depuis le 23.11.2006. La commerçante a requis à l’assurance de lui verser des indemnités journalières pour couvrir sa perte de gain, lui faisant parvenir deux certificats médicaux d’incapacité de travail. La compagnie d’assurance a refusé de verser les indemnités perte de gain en cas de maladie, le contrat d’assurance ayant été tout d’abord suspendu depuis le 14.07.2006 pour retard dans le paiement des primes, puis annulé avec effet à cette date. La commerçante assurée est décédée le 01.03.2009. L’époux de feue l’assurée est désormais le demandeur.

 

Procédure cantonale (arrêt 314 – consultable ici : http://bit.ly/1S82jya)

La Cour d’appel civile a, par arrêt du 18.06.2015, a rejeté le recours contre le jugement du 15.12.2011 (AMC 18/08) et a procédé à une interprétation selon le principe de la confiance des CGA du contrat d’assurance.

 

TF

D’après la jurisprudence, les dispositions d’un contrat d’assurance, de même que les conditions générales qui y ont été expressément incorporées, doivent être interprétées selon les principes qui gouvernent l’interprétation des contrats (ATF 135 III 410 consid. 3.2 p. 412).

 

Lorsque des conditions générales font partie intégrante du contrat d’assurance, l’assureur manifeste la volonté de s’engager selon la teneur de ces conditions. Si une volonté réelle et commune des parties contractantes n’a pas été constatée, comme c’est le cas en l’espèce, il convient de vérifier comment les destinataires de ces déclarations de volonté pouvaient les comprendre de bonne foi, en recourant à l’interprétation objective des termes figurant dans les conditions générales (ATF 135 III 410 consid. 3.2 p. 413 et l’arrêt cité). Le preneur d’assurance est couvert contre le risque tel qu’il pouvait le comprendre de bonne foi en lisant les conditions générales. Quand l’assureur entend apporter des restrictions ou des exceptions, il lui appartient de le dire clairement (ATF 133 III 675 consid. 3.3 p. 682).

 

In casu, l’art. G3 des CGA invoqué par le recourant disposait que la couverture d’assurance prenait fin pour chaque assuré, notamment lorsque celui-ci  » cessait son activité professionnelle « . Selon le sens ordinaire des mots, feue l’assurée devait raisonnablement comprendre que l’activité professionnelle mentionnée dans cette clause se rapportait à un travail permettant de dégager un profit. En d’autres termes, si la personne assurée n’exerçait plus son métier et n’avait ainsi pas de revenu provenant de son travail, elle n’était plus assurée. Le motif pour lequel l’assuré cessait d’exercer sa profession (p. ex. mauvaises affaires, retraite anticipée, etc.) ne jouait aucun rôle à teneur du libellé de l’art. G3 en question. Il suit de là que dès l’instant où feue l’assurée n’a plus exercé d’activité lucrative à partir du 13.11.2006, sa couverture d’assurance avait déjà pris fin lorsqu’elle est devenue totalement incapable de travailler dès le 23.11.2006, soit dix jours plus tard.

 

Si la personne assurée tombe malade après qu’elle a perdu son travail, il est présumé que si elle n’était pas devenue malade, elle n’exercerait toujours aucune activité rémunérée (cf. arrêts déjà cités 4A_138/2013 du 27 juin 2013 consid. 4.1 et 9C_332/2007 du 29 mai 2008 consid. 2.1). Dans le cas présent, feue l’assurée est devenue entièrement incapable de travailler après avoir cessé définitivement d’exercer son activité professionnelle.

 

Le TF rejette le recours.

 

 

Arrêt 4A_471/2015 consultable ici : http://bit.ly/1nkGuhu

 

 

9C_286/2015 (f) du 12.01.2016 – Conception bio-médicale de la maladie – Invalidité – 7 LPGA – 8 LPGA – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_286/2015 (f) du 12.01.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1ZPf4wx

 

Conception bio-médicale de la maladie – Invalidité – 7 LPGA – 8 LPGA – 16 LPGA

 

Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral rappelle, au consid. 4.1, la conception bio-médicale de la maladie, contrairement à celle bio-psycho-sociale de la médecine actuelle :

Si la médecine actuelle repose sur une conception bio-psycho-sociale de la maladie (qui ne considère pas cette dernière comme un phénomène exclusivement biologique ou physique mais comme le résultat de l’interaction entre des symptômes somatiques et psychiques ainsi que l’environnement social du patient), le droit des assurances sociales – en tant qu’il a pour objet la question de l’invalidité – s’en tient à une conception bio-médicale de la maladie, dont sont exclus les facteurs psychosociaux et socioculturels (voir ATF 127 V 294 consid. 5a p. 299). Le droit n’ignore nullement l’importance récente de ce modèle bio-psycho-social dans l’approche thérapeutique de la maladie. Dans la mesure où il en va de l’évaluation de l’exigibilité d’une activité professionnelle, il y a néanmoins lieu de s’éloigner d’une appréciation médicale qui nierait une telle exigibilité lorsque celle-ci se fonde avant tout sur des facteurs psychosociaux ou socioculturels, qui sont étrangers à la définition juridique de l’invalidité (cf. ULRICH MEYER-BLASER, Der Rechtsbegriff der Arbeitsunfähigkeit und seine Bedeutung in der Sozialversicherung, namentlich für den Einkommensvergleich in der Invaliditätsbemessung, in Schmerz und Arbeitsunfähigkeit, 2003, p. 36 ss; Lignes directrices de la Société suisse de rhumatologie pour l’expertise médicale des maladies rhumatismales et des séquelles rhumatismales d’accidents, in Bulletin des médecins suisses, 2007/88 p. 737; ULRICH MEYER, Krankheit als leistungsauslösender Begriff im Sozialversicherungsrecht, Schweizerische Ärztezeitung 2009/90 p. 585; cf. aussi arrêts 9C_499/2013 du 20 février 2013 consid. 6.4.2.2 in SVR 2014 IV n° 13 p. 50; 9C_144/2010 du 10 décembre 2010 consid. 4.1; 9C_881/2009 du 1er juin 2010 consid. 4.2.3).

Selon le TF, l’évaluation de l’invalidité ne peut prendre en compte des facteurs étrangers à l’invalidité (tels que la faible maîtrise de la langue écrite, le défaut de formation, la perception de l’assuré de ses capacités, l’organisation de la vie autour des limitations fonctionnelles et la structure du processus d’invalidation). In casu, la juridiction cantonale a violé le droit fédéral en prenant en compte les facteurs psychosociaux ou socioculturels (arrêt AI 342/11 – 53/2015).

 

 

 

Arrêt 9C_286/2015 consultable ici : http://bit.ly/1ZPf4wx

 

 

9C_365/2015 (f) du 06.01.2016 – Révision procédurale niée – 53 al. 1 LPGA / Fait nouveau vs appréciation différente des mêmes faits

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_365/2015 (f) du 06.01.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1OLN7CT

 

Révision procédurale niée / 53 al. 1 LPGA

Fait nouveau vs appréciation différente des mêmes faits

 

Selon l’art. 53 al. 1 LPGA, les décisions formellement passées en force sont soumises à révision si l’assuré ou l’assureur découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits auparavant. Sont « nouveaux » au sens de cette disposition, les faits qui se sont produits jusqu’au moment où, dans la procédure principale, des allégations de faits étaient encore recevables, mais qui n’étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence. Les preuves, quant à elles, doivent servir à prouver soit les faits nouveaux importants, qui motivent la révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure précédente, mais qui n’avaient pas pu être prouvés, au détriment du requérant. Ce qui est décisif, c’est que le moyen de preuve ne serve pas à l’appréciation des faits seulement, mais à l’établissement de ces derniers. Ainsi, il ne suffit pas qu’un nouveau rapport médical donne une appréciation différente des faits; il faut bien plutôt des éléments de fait nouveaux, dont il résulte que les bases de la décision entreprise comportaient des défauts objectifs. Pour justifier la révision d’une décision, il ne suffit pas que le médecin ou l’expert tire ultérieurement, des faits connus au moment du jugement principal, d’autres conclusions que l’administration ou le tribunal. Il n’y a pas non plus motif à révision du seul fait que l’administration ou le tribunal paraît avoir mal interprété des faits connus déjà lors de la procédure principale. L’appréciation inexacte doit être, bien plutôt, la conséquence de l’ignorance ou de l’absence de preuve de faits essentiels pour la décision (ATF 127 V 353 consid. 5b p. 358 et les références; arrêt 9C_531/2014 du 27 janvier 2015 consid. 4.1).

 

In casu, le taux d’incapacité de travail de 80%, sur lequel se sont fondés les premiers juges (arrêt AI 268/12 – 99/2015) en se référant à l’expertise du docteur G.___ ne correspond pas à un fait nouveau, mais est le résultat d’une appréciation différente des mêmes faits prévalant en 1997 (décision initiale) et en 2012 (décision litigieuse). Une appréciation différente de la capacité de travail ne suffit toutefois pas à admettre que les bases de la décision initiale comportaient des défauts objectifs. Une telle appréciation initiale, dût-elle être inexacte, à défaut d’être la conséquence de l’ignorance ou l’absence de preuve de faits essentiels pour la décision, n’est pas soumise à révision.

 

 

 

 

Arrêt 9C_365/2015 consultable ici : http://bit.ly/1OLN7CT

 

 

9C_381/2015 (f) pp du 17.12.2015 – Décision en constatation – 49 al. 2 LPGA / Pas d’exportation de la rente extraordinaire de l’assurance-invalidité ni de l’allocation pour impotent – ALCP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_381/2015 (f) du 17.12.2015, proposé à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/1ZPr9lb

 

Décision en constatation / 49 al. 2 LPGA

Pas d’exportation de la rente extraordinaire de l’assurance-invalidité ni de l’allocation pour impotent – ALCP

Une assurée, au bénéfice d’une rente extraordinaire de l’assurance-invalidité, d’une allocation pour impotent de l’assurance-invalidité de degré moyen et de prestations complémentaires à l’assurance-invalidité, a interpellé la caisse de compensation afin de connaître ce qu’il adviendrait de ses prestations d’assurance en cas de départ de la Suisse pour l’étranger.

A la demande de l’assurée, la caisse de compensation a constaté formellement que les prestations actuellement allouées ne lui seraient plus versées en cas de départ à l’étranger ou de domicile partagé (six mois en Suisse et six mois à l’étranger).

 

Procédure cantonale

Par jugement du 30.04.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Décision en constatation

En principe, l’objet d’une demande en justice ne peut porter que sur des questions juridiques actuelles dont les conséquences touchent concrètement le justiciable. Il est cependant admis qu’une autorité puisse rendre une décision en constatation si le requérant a un intérêt digne de protection à la constatation immédiate d’un rapport de droit litigieux (art. 49 al. 2 LPGA; voir également l’art. 25 al. 2 PA en corrélation avec l’art. 5 al. 1 let. b PA). Selon la jurisprudence, un tel intérêt n’existe que lorsque le requérant a un intérêt actuel, de droit ou de fait, à la constatation immédiate d’un droit, sans que s’y opposent de notables intérêts publics ou privés, et à condition que cet intérêt digne de protection ne puisse pas être préservé au moyen d’une décision formatrice, c’est-à-dire constitutive de droits et d’obligations (ATF 132 V 257 consid. 1 p. 259 et les références). Le juge retiendra un intérêt pour agir lorsqu’une incertitude plane sur les relations juridiques des parties et qu’une constatation judiciaire sur l’existence de l’objet du rapport pourrait l’éliminer. Une incertitude quelconque ne suffit cependant pas. Il faut bien plus qu’en se prolongeant, elle empêche le demandeur de prendre ses décisions et qu’elle lui soit, de ce fait, insupportable (ATF 122 III 279 consid. 3a p. 282, 120 II 20 consid. 3 p. 22).

In casu, l’assurée a entrepris des démarches, visant à clarifier une question de droit avant de prendre une décision pouvant être pour elle lourde de conséquences sur le plan financier et disposait d’un intérêt digne de protection à procéder de la sorte. En effet, le maintien de l’incertitude sur la poursuite du versement des prestations dont elle est actuellement la bénéficiaire ne pouvait que l’entraver dans sa liberté de décision, singulièrement dans son choix de quitter ou non la Suisse. Il semble par ailleurs difficilement concevable d’exiger de sa part qu’elle quitte la Suisse, pour provoquer la suppression de ses prestations et, partant, lui permettre de contester le bien-fondé de la suppression devant le juge.

 

Rente extraordinaire de l’assurance-invalidité non soumise au principe de l’exportation des prestations

Dans un arrêt 9C_283/2015 du 11.09.2015 destiné à la publication, le Tribunal fédéral a constaté que la rente extraordinaire de l’assurance-invalidité, conformément à la mention qui en est faite à la let. d de l’inscription de la Suisse à l’Annexe X du règlement n° 883/2004, est une prestation spéciale en espèces à caractère non contributif au sens de l’art. 70 par. 2 let. a point i du règlement n° 883/2004, qui n’est pas soumise au principe de l’exportation des prestations tel qu’il est défini à l’art. 7 du règlement n° 883/2004. Financée exclusivement par la Confédération suisse, la rente extraordinaire de l’assurance-invalidité remplit tous les critères pour qu’elle puisse être considérée comme telle: dans la mesure où elle n’est allouée que lorsque le droit à une rente ordinaire de l’assurance-invalidité n’est pas ouvert faute pour la condition de la durée minimale de cotisation d’être remplie, elle couvre, à titre de remplacement, le risque de l’invalidité (art. 3 par. 1 let. c du règlement n° 883/2004), en permettant d’assurer, pour des considérations de nature économique et sociale, un revenu minimum aux personnes invalides de naissance ou depuis l’enfance qui n’ont jamais eu l’occasion de verser des cotisations jusqu’à l’ouverture du droit à la rente (consid. 7.3.3 et 7.4.2).

 

Pas d’exportation de l’allocation pour impotent

Les « prestations spéciales en espèces à caractère non contributif » relevant d’une législation qui possède les caractéristiques à la fois de la législation en matière de sécurité sociale et d’une assistance sociale sont, en vertu de l’art. 70 par. 4 du règlement n° 883/2004, octroyées exclusivement dans l’Etat membre dans lequel la personne intéressée réside et conformément à sa législation. Ces prestations sont servies par l’institution du lieu de résidence et à sa charge.

Il n’y a pas lieu de déroger aux principes exposés au consid. 9 de l’ATF 132 V 423, lesquels conservent aujourd’hui encore toute leur pertinence. La prise en compte par le Tribunal fédéral, singulièrement l’application du principe de l’exportation des prestations de sécurité sociale à l’allocation pour impotent auraient pour effet d’entraîner l’abrogation par la voie judiciaire d’une partie de l’Annexe II à l’ALCP. Une décision du Tribunal fédéral en ce sens contreviendrait ainsi à la volonté clairement exprimée des parties contractantes de ne pas soumettre l’allocation pour impotent au principe de l’exportation des prestations de sécurité sociale. Ceci reviendrait également à remettre en cause la nature en soi statique de l’ALCP (art. 16 al. 2 ALCP; ATF 139 II 393 consid. 4.1.1 in fine p. 398) et faire fi, au mépris du principe de respect des traités (pacta sunt servanda; art. 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 [RS 0.111]), des règles de compétence et de procédure définies par les parties contractantes pour procéder à la révision de l’accord et de ses annexes (art. 18 ALCP; ATF 132 V 423 consid. 9.5.5. p. 442).

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_381/2015 consultable ici : http://bit.ly/1ZPr9lb

 

NB : je ne saurai que conseiller au praticien de lire le développement du TF, aux consid. 6.1 à 6.5.2, fort détaillés.

 

4A_353/2015 (f) du 04.12.2015 – Responsabilité causale du détenteur de véhicule automobile – 58 ss LCR / Faute grave du lésé – 59 al. 1 LCR – retenue à l’encontre d’un motocycliste

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_353/2015 (f) du 04.12.2015

 

Consultable ici : bit.ly/1OI766u

 

Responsabilité causale du détenteur de véhicule automobile – 58 ss LCR

Faute grave du lésé – 59 al. 1 LCR – retenue à l’encontre d’un motocycliste (alcoolémie, vitesse largement excessive, distance inadéquate, perte de maîtrise, tentative de forcer le passage au niveau du deuxième véhicule dépassé)

 

Le 21 avril 2006, vers 19 h., un motocycliste circulait au guidon de son deux-roues de marque Yamaha FZS 1000 sur la route principale Lausanne/Estavayer-le-lac. Sur le territoire de la commune de Bretigny-sur-Morrens (VD), il a rattrapé une file de véhicules roulant à une vitesse d’environ 75 km/h sur un tronçon rectiligne où la vitesse était limitée à 80 km/h; la file était composée d’un scooter dont C.__ était au guidon, suivi d’une première automobile de marque Subaru conduite par D.__ et d’une seconde automobile conduite par E.__. Le motocycliste a entrepris de dépasser ces véhicules à une vitesse d’environ 119 km/h; à ce moment, arrivait en face une voiture pilotée par F.__. Surpris par le déboîtement du véhicule de D.__, lequel avait entamé de son côté le dépassement du scooter, le motocycliste a effectué un freinage d’urgence entraînant la chute de sa moto. Il a été grièvement blessé dans l’accident. Il a été retenu que les déboîtements de la moto et de la voiture conduite par D.__ n’ont pas été simultanés, mais qu’il y a eu un décalage de très courte durée entre eux. Au moment de l’accident, le motocycliste présentait un taux d’alcoolémie de plus de 0.5 gramme pour mille.

Le motocycliste fut condamné pour ivresse au guidon d’une moto et violation simple des règles de la circulation à une amende de 300 fr., lui donnant acte de ses réserves civiles contre D.__. Ce dernier, condamné par la même autorité pour lésions corporelles graves par négligence à 600 fr. d’amende, a recouru auprès de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois, qui l’a libéré de toute condamnation.

Le motocycliste demande réparation, par voie judiciaire, à l’assureur RC de D.__.

 

Procédure cantonale (arrêt HC / 2015 / 333 – consultable ici : bit.ly/1OVJ2z3)

L’autorité cantonale a jugé que, lors de l’accident du 21 avril 2006, le motocycliste a enfreint plusieurs règles essentielles de la circulation, lesquelles lui imposaient de ne pas prendre la route en état d’ébriété, d’adapter sa vitesse aux circonstances, d’être en mesure de garder la maîtrise de son puissant véhicule, de conserver une distance suffisante avec la voiture de D.__ et de ne pas vouloir à tout prix dépasser cet automobiliste alors que celui-ci doublait un scooter tandis qu’un véhicule arrivait en face (consid. 4.3.2).

Par arrêt du 29.05.2015, rejet de l’appel et confirmation du jugement de l’instance inférieur rejetant entièrement la demande du motocycliste (motif pris que D.__ n’est responsable de l’accident du 21.04.2006).

 

TF

Rappel de la responsabilité causale du détenteur de véhicule automobile

Le mode et l’étendue de la réparation ainsi que l’octroi d’une indemnité à titre de réparation morale sont régis par les principes du code des obligations concernant les actes illicites (art. 62 al. 1 LCR). La responsabilité du détenteur est indépendante de toute faute de sa part, le cas fortuit ne le libérant pas, pas plus que la faute propre légère ou moyenne du lésé (cf. ROLAND BREHM, La responsabilité civile automobile, 2e éd. 2010, ch. 8 p. 4). Toutefois, en vertu de l’art. 59 al. 1 LCR, le détenteur est libéré de la responsabilité civile s’il prouve que l’accident a été causé par la force majeure ou par une faute grave du lésé ou d’un tiers sans que lui-même ou les personnes dont il est responsable aient commis de faute et sans qu’une défectuosité du véhicule ait contribué à l’accident. Il appert ainsi que le détenteur ne peut être libéré qu’en cas de faute grave exclusive du lésé (ATF 124 III 182 consid. 4a). Le fardeau de la preuve incombe au détenteur (respectivement son assurance) qui entend s’exonérer de sa responsabilité (ATF 115 II 283 consid. 1a p. 285; arrêt 4A_433/2013 du 15 avril 2014 consid. 4.1).

Autrement dit, si le détenteur ne parvient pas à prouver une des trois preuves positives alternatives suivantes (le préjudice a été causé par la force majeure, par la faute grave du lésé ou encore par la faute grave d’un tiers) ainsi que les deux preuves négatives cumulatives qui suivent (absence de faute de sa part, voire du conducteur ou de l’auxiliaire dont il répond, et absence de défectuosité de son véhicule), il faut en conclure qu’il est responsable du sinistre. Selon l’art. 59 al. 2 LCR, si le détenteur ne peut se libérer en vertu de l’art. 59 al. 1 LCR, mais prouve qu’une faute du lésé a contribué à l’accident, le juge fixe l’indemnité en tenant compte de toutes les circonstances. En pareille hypothèse, le dommage total de 100% doit en principe être réparti entre les différentes causes pertinentes sur le plan de la responsabilité civile (ATF 132 III 249 consid. 3.1 p. 252).

 

Appréciation des fautes commises en matière de circulation routière

Dans le domaine des excès de vitesse, la jurisprudence, afin d’assurer l’égalité de traitement, a été amenée à fixer des règles précises. Ainsi, le cas est objectivement grave, c’est-à-dire sans égard aux circonstances concrètes, en cas de dépassement de la vitesse autorisée de 25 km/h ou plus à l’intérieur des localités, de 30 km/h ou plus hors des localités et sur les semi-autoroutes dont les chaussées, dans les deux directions, ne sont pas séparées et de 35 km/h ou plus sur les autoroutes (ATF 132 II 234 consid. 3.1 p. 237 s.; 124 II 259 consid. 2b p. 261 ss).

En l’espèce, le recourant a dépassé de 39 km/h la vitesse autorisée, qui était de 80 km/h. Ce faisant, il a commis une violation grave d’une règle de la circulation au sens de l’art. 90 ch. 2 aLCR, étant précisé que le nouvel art. 90 al. 2 LCR, en vigueur depuis le 1er janvier 2013, n’est pas plus favorable (cf. Message du Conseil fédéral du 20 octobre 2010 concernant Via sicura, le programme d’action de la Confédération visant à renforcer la sécurité routière in FF 2010 7703 p. 7769).

Il n’a pas été constaté que l’automobiliste D.__ ait commis lui-même un excès de vitesse.

Selon l’art. 1 de l’ordonnance du 21 mars 2003 de l’Assemblée fédérale concernant les taux d’alcoolémie limites admis en matière de circulation routière (RS 741.13), un conducteur est réputé incapable de conduire lorsqu’il présente un taux d’alcoolémie de 0,5 gramme pour mille ou plus ou que son organisme contient une quantité d’alcool entraînant un tel taux d’alcoolémie (état d’ébriété). Dans une telle hypothèse, l’incapacité de conduire est admise indépendamment de toute autre preuve et du degré de tolérance individuelle à l’alcool (cf. art. 55 al. 6 LCR). Il s’agit d’une présomption légale irréfragable (arrêt 6B_397/2011 du 25 avril 2012 consid. 3 et les références doctrinales). Le recourant, qui présentait au moment de l’accident un taux d’alcoolémie d’au moins 0.5 gramme pour mille, était ainsi inapte à conduire.

En dépassant un véhicule (large de plus d’un mètre) qui en dépassait un autre, le motocycliste a en outre transgressé l’art. 11 al. 2 OCR.

Les juges du TF font leur l’opinion des magistrats vaudois, qui ont reconnu que l’effet désinhibant de l’alcool a incontestablement joué un rôle dans la décision du motard d’entreprendre de dépasser une voiture qui était elle-même en train de doubler un scooter, cela alors qu’un véhicule arrivait en face.

Le motocycliste lésé a causé l’accident par faute grave.

Puisque l’automobiliste D.__ doit être libéré de sa responsabilité (art. 59 al. 1 LCR), l’art. 61 LCR, qui répartit le fardeau du dommage entre les détenteurs impliqués dans le sinistre, n’est pas applicable au détenteur libéré, soit à D.__ (arrêts 4A_699/2012 du 27 mai 2013 consid. 3.1 in fine; 4A_270/2011 du 9 août 2011 consid. 3.2).

 

Le TF rejette le recours du motocycliste.

 

 

Arrêt 4A_353/2015 consultable ici : bit.ly/1OI766u