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8C_638/2015 (f) du 09.05.2016 – Pas d’entreprise téméraire absolue pour la pratique de « streetluge » – 39 LAA – 50 OLAA / Entreprise téméraire relative confirmée

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_638/2015 (f) du 09.05.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/20Qg1WP

 

Pas d’entreprise téméraire absolue pour la pratique de « streetluge » – 39 LAA – 50 OLAA

Entreprise téméraire relative confirmée au regard des circonstances du cas d’espèce

 

Selon le TF, la pratique de « streetluge » ne constitue pas, en tant que telle, une entreprise téméraire absolue.

Toutefois, au vu des circonstances du cas d’espèce, le Tribunal fédéral a jugé que c’est à juste titre que l’assurance-accidents a opéré une réduction de 50% sur les prestations en espèces (entreprise téméraire relative ; art. 50 OLAA).

 

TF

Entreprise téméraire

L’art. 39 LAA habilite le Conseil fédéral à désigner les dangers extraordinaires et les entreprises téméraires qui motivent dans l’assurance des accidents non professionnels le refus de toutes les prestations ou la réduction des prestations en espèces. La réglementation des cas de refus ou de réduction peut déroger à l’art. 21 al. 1 à 3 LPGA. Fondé sur cette norme de délégation de compétence, l’art. 50 OLAA prévoit qu’en cas d’accidents non professionnels dus à une entreprise téméraire, les prestations en espèces sont réduites de moitié; elles sont refusées dans les cas particulièrement graves (al. 1); les entreprises téméraires sont celles par lesquelles l’assuré s’expose à un danger particulièrement grave sans prendre de mesures destinées à ramener celui-ci à des proportions raisonnables ou sans pouvoir prendre de telles mesures; toutefois, le sauvetage d’une personne est couvert par l’assurance même s’il peut être considéré comme une entreprise téméraire (al. 2).

La jurisprudence qualifie d’entreprises téméraires absolues celles qui, indépendamment de l’instruction, de la préparation, de l’équipement et des aptitudes de l’assuré, comportent des risques particulièrement importants, même si elles sont pratiquées dans les conditions les moins défavorables. Il en va de même des activités risquées dont la pratique ne répond à aucun intérêt digne de protection (ATF 141 V 216 consid. 2.2 p. 218; 138 V 522 consid. 3.1 p. 524; SVR 2007 UV n o 4 p. 10 [U 122/06] consid. 2.1). Ont par exemple été considérées comme des entreprises téméraires absolues la participation à une course automobile de côte ou en circuit (ATF 113 V 222; 112 V 44), à une compétition de motocross (RAMA 1991 n o U 127 p. 221 [U 5/90]), à un combat de boxe ou de boxe thaï (ATFA 1962 p. 280; RAMA 2005 n o U 552 p. 306 [U 336/04]), la pratique, même à titre de hobby, du « Dirt Biking » (ATF 141 V 37), un plongeon dans une rivière d’une hauteur de quatre mètres sans connaître la profondeur de l’eau (ATF 138 V 522), ou encore, faute de tout intérêt digne de protection, l’action de briser un verre en le serrant dans sa main (SVR 2007 UV n° 4 p. 10 [U 122/06] consid. 2.1)

D’autres activités non dénuées d’intérêt comportent des risques élevés, qui peuvent être limités, toutefois, à un niveau admissible si l’assuré remplit certaines exigences sur le plan des aptitudes personnelles, du caractère et de la préparation. A défaut, l’activité est qualifiée de téméraire et l’assurance-accidents est en droit de réduire ses prestations conformément aux art. 39 LAA et 50 OLAA. On parle dans ce cas d’une entreprise téméraire relative, en ce sens que le refus ou la réduction des prestations dépend du point de savoir si l’assuré était apte à l’exercer et a pris les précautions nécessaires pour limiter les risques à un niveau admissible (ATF 141 V 216 consid. 2.2 p. 218; 138 V 522 consid. 3.1 p. 524). Peuvent constituer des entreprises téméraires relatives, le canyoning (ATF 125 V 312), la plongée, y compris la plongée spéléologique dans une source (ATF 134 V 340; 96 V 100), l’alpinisme et la varappe (ATF 97 V 72, 86), le vol delta (ATF 104 V 19), à certaines conditions la pratique de la moto sur circuit en dehors d’une compétition (arrêt 8C_472/2011 du 27 janvier 2012). Selon le degré de difficulté et le niveau de risque dans un cas particulier, il n’est pas exclu de qualifier l’une ou l’autre de ces activités d’entreprise téméraire absolue (ATF 134 V 340 consid. 3.2.3 p. 345).

 

Pratique de la streetluge

La « streetluge » (ou « luge de rue ») est un engin composé d’un châssis reposant sur des roulettes de type planche à roulettes. D’une longueur de 1,5 m et plus, elle est souvent construite d’acier, de fer, d’aluminium, de bois ou de fibre. Elle possède des poignées et pour certaines un appui-tête, un carénage et des cale-pieds. Le « streetluger » est équipé de protections de type moto (combinaison de cuir, casque, gants de cuir, protection dorsale). Il porte également une paire de chaussures sous laquelle sont collés des freins, souvent fabriqués avec de la gomme de pneumatique dépourvue de structure métallique. La position d’évolution se fait allongé sur le dos, pieds en avant, les bras le long du corps, la tête légèrement relevée. La « streetluge » avance grâce à une poussée des mains sur le sol pour lancer l’engin, puis la pente prend le relais. Le freinage se fait en position assise en exerçant une pression sur les pieds (L’encyclopédie libre Wikipédia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Streetluge).

L’ancien Tribunal fédéral des assurances a jugé qu’une descente d’un col en planche à roulettes, en dehors de toute compétition et sans que la recherche de vitesse soit un but, ne représentait pas une entreprise téméraire absolue. Il a nié, dans les circonstances concrètes du cas, qu’il se fût agi d’une entreprise téméraire relative. En effet, le tronçon de route avait été fermé à la circulation routière. La chaussée était sèche. L’assuré était équipé de toutes les protections nécessaires. Il était expérimenté dans la pratique de ce sport (RAMA 2001 n o U 424 p. 205, arrêt U 187/99).

On peut tirer de cet arrêt une analogie certaine avec la présente cause, ce qui permet de retenir que la pratique de la « streetluge » ne constitue pas, dès l’abord, une entreprise téméraire absolue. Il faut donc examiner si l’existence d’une entreprise téméraire relative doit être reconnue au regard des circonstances du cas concret.

Comme l’ont relevé les premiers juges (arrêt AA 117/13 – 75/2015), le site internet du « Bukolik » indique un parcours d’une longueur de 2200 m, la présence d’épingles (quatre) et de chicanes (deux). On peut y lire sous la rubrique « Bitume »: les mots suivants: « bosselé, gluant, joueur… que du bonheur! » S’agissant de la difficulté, il est précisé que le tracé est rendu difficile par son étroitesse et par la fatigue due à l’enchaînement des descentes. Les participants sont avertis, sur ce même site, toujours, que le « Bukolik  » n’est pas un « Freeride » pour débutants, mais « un terrain de jeu parfait pour les riders expérimentés ».

On doit donc conclure que le risque d’accident était élevé pour l’assuré qui était non seulement un novice de la discipline, mais qui n’avait jusqu’alors jamais essayé une « streetluge » (la luge lui avait été prêtée par un ami). Le fait que l’accident ne s’est pas produit à un endroit particulièrement dangereux ne saurait être décisif. Comme indiqué, l’enchaînement des descentes fait partie des difficultés de l’épreuve. Au demeurant, le fait que l’accident serait survenu sur une portion du tronçon réputée sans danger tend à accréditer la thèse selon laquelle l’assuré n’avait pas une maîtrise suffisante de son engin ou que sa vitesse n’était pas adaptée. Quant à la déclivité des lieux, elle devait être assez forte, du moins dans certaines portions du tracé, si l’on considère que, de l’aveu même de l’assuré, certains participants atteignent une vitesse de 100 km/h.

S’agissant d’une manifestation réservée à des adeptes chevronnés et avides de fortes sensations, l’intérêt réside précisément dans la possibilité d’atteindre des vitesses élevées tout en cherchant à surmonter les difficultés du parcours. Au demeurant, une vitesse de 40 km/h n’est pas sans danger, du moins pour un débutant, qui se trouve en position couchée, la tête à l’arrière de l’engin – ce qui favorise l’aérodynamisme mais restreint la visibilité – et qui ne dispose d’aucun moyen mécanique de freinage. Une telle vitesse était en tout cas suffisamment importante pour créer un risque de blessures graves. Le présent cas en est une illustration.

En conclusion, le Tribunal fédéral juge que c’est à juste titre que la juridiction cantonale a confirmé la réduction opérée par l’assurance-accidents, au motif que l’assuré avait provoqué l’accident par une entreprise téméraire.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_638/2015 consultable ici : http://bit.ly/20Qg1WP

 

 

9C_761/2015 (f) du 03.05.2016 – Octroi de l’assistance juridique – Formalisme excessif du Tribunal cantonal / 29 al. 1 Cst.

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_761/2015 (f) du 03.05.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Xzp92C

 

Octroi de l’assistance juridique – Formalisme excessif du Tribunal cantonal / 29 al. 1 Cst.

 

TF

Le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst. Il est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 p. 9). Les allégués contenus dans le mémoire de recours adressé à l’autorité, en particulier les moyens de droit, doivent en principe satisfaire les exigences de motivation (arrêt 1B_363/2014 du 7 janvier 2015 consid. 2.1). En vertu de l’art. 61 let. b LPGA, l’acte de recours doit contenir un exposé succinct des faits et des motifs invoqués, ainsi que les conclusions. Cette disposition – applicable d’office – découle du principe de l’interdiction du formalisme excessif et constitue l’expression du principe de la simplicité de la procédure qui gouverne le droit des assurances sociales. C’est pourquoi le juge saisi d’un recours dans ce domaine ne doit pas se montrer trop strict lorsqu’il s’agit d’apprécier la forme et le contenu de l’acte en question (arrêt 8C_805/2012 du 27 mars 2013 consid. 7 et les références). Il suffit que la motivation du recours laisse apparaître les raisons pour lesquelles les faits constatés ou les dispositions appliquées par l’autorité inférieure sont contestés (Ueli Kieser, ATSG-Kommentar, 3e éd. 2015, p. 811 n. 79).

En l’espèce, il ressortait du recours de l’assurée du 04.06.2015 qu’elle contestait la décision de refus d’octroi de l’assistance juridique du 19.05.2015, au motif que le Vice-président du Tribunal civil a établi les faits de manière non conforme à la réalité, en ayant mal évalué ses ressources, en particulier en prenant en considération un montant de 3’157 fr. au lieu de 1’615 francs. En outre, l’assurée a évoqué la suppression de ses prestations complémentaires ainsi que de sa rente AI dès le 01.06.2015 dont le Vice-président du Tribunal civil n’a pas tenu compte. La Cour de justice pouvait aisément comprendre les motifs du recours, à savoir la détermination erronée des ressources de l’assurée. Les conclusions étaient également claires. La Cour de justice aurait dû entrer en matière et examiner si les conditions ouvrant le droit à l’assistance juridique étaient réalisées.

En déclarant le recours cantonal irrecevable pour défaut de motivation, la Cour de justice de la République et canton de Genève a appliqué les règles relatives au degré de motivation d’un recours civil de manière excessivement stricte. Elle a dès lors compliqué de manière insoutenable la mise en œuvre du droit constitutionnel à l’assistance judiciaire et – par voie de conséquence – versé dans le formalisme excessif.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_761/2015 consultable ici : http://bit.ly/1Xzp92C

 

 

8C_914/2015 (f) du 09.05.2016 – Rente pour atteinte à l’intégrité – 49 LAM / Dispositions transitoires / Intérêts moratoires sur les prestations dues – 9 al. 2 LAM

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_914/2015 (f) du 09.05.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/22qkKje

 

Rente pour atteinte à l’intégrité – 49 LAM

Dispositions transitoires de l’adoption de la loi fédérale du 17.06.2005 sur le programme d’allégement budgétaire 2004

Intérêts moratoires sur les prestations dues – 9 al. 2 LAM

 

TF

Rente pour atteinte à l’intégrité

Aux termes de l’art. 48 al. 1 de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur l’assurance militaire (LAM), si l’assuré souffre d’une atteinte notable et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, il a droit à une rente pour atteinte à l’intégrité. La rente pour atteinte à l’intégrité est fixée en pour-cent du montant annuel qui sert de base au calcul des rentes selon l’al. 4 et compte tenu de la gravité de l’atteinte à l’intégrité (art. 49 al. 2, première phrase, LAM).

Dans sa teneur au 01.01.2004, l’al. 4 de l’art. 49 LAM prévoyait que le Conseil fédéral détermine, par voie d’ordonnance, le montant annuel qui sert de base au calcul de toutes les rentes pour atteinte à l’intégrité; il part du montant valable au début de l’entrée en vigueur de la présente loi et l’adapte périodiquement au changement des conditions, notamment à l’évolution des prix. Pour les nouvelles rentes fixées dès le 01.01.2003, le montant annuel de base s’élevait à 31’871 fr. (cf. art. 26 al. 1 de l’ordonnance du 10 novembre 1993 sur l’assurance militaire [OAM], en corrélation avec les art. 4 et 7 de l’ordonnance 03 sur l’adaptation des prestations de l’assurance militaire à l’évolution des salaires et des prix [RO 2002 3483]).

Lors de l’adoption de la loi fédérale du 17.06.2005 sur le programme d’allégement budgétaire 2004 (ci-après: loi sur le programme d’allégement budgétaire; RO 2005 5427), les Chambres fédérales ont modifié l’art. 49 al. 4 LAM relatif au montant annuel de base pour le calcul des rentes. Selon le nouvel art. 49 al. 4 LAM, dans sa teneur en vigueur depuis le 01.01.2006, le montant annuel qui sert de base au calcul des rentes s’élève à 20’000 fr; le Conseil fédéral l’adapte périodiquement à l’évolution des prix, par voie d’ordonnance.

En ce qui concerne les dispositions transitoires de la modification du 17.06.2005, elles prévoient que les rentes pour atteinte à l’intégrité n’ayant pas encore fait l’objet d’une décision à l’entrée en vigueur de la présente modification sont fixées selon le nouveau droit (al. 1) et que les rentes en cours au moment de l’entrée en vigueur de la présente modification continuent à être versées selon l’ancien droit (al. 2).

En l’espèce, le droit du recourant à une rente pour atteinte à l’intégrité a fait l’objet d’une première décision le 02.06.2010. Au regard du texte clair des dispositions transitoires, c’est à juste titre que les juges cantonaux (AMF 1/14 – 2/2015) ont refusé d’appliquer les art. 49 al. 4 LAM et 26 al. 1 OAM dans leur teneur en vigueur au moment de l’ouverture du droit à la rente pour atteinte à l’intégrité, soit au 01.05.2004.

 

Intérêts moratoires sur les prestations dues

Selon l’art. 9 al. 2 LAM, lequel déroge à l’art. 26 al. 2 LPGA, un intérêt n’est dû qu’en cas de comportement dilatoire ou illicite de l’assurance militaire. Cette disposition de la LAM concrétise la jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur de la LPGA (ATF 117 V 351 consid 2). L’obligation de payer un intérêt de retard n’existe que lorsque l’administration viole grossièrement ses devoirs, car sinon chaque décision erronée en matière de fixation de prestations pourrait donner lieu à des intérêts moratoires, ce que le législateur a précisément voulu éviter. L’art. 9 al. 2 LAM s’applique aux décisions de refus de prestations qui violent la loi ainsi qu’aux décisions en matière de prestations rendues au mépris d’éléments de faits essentiels ou fondées sur une instruction manifestement insuffisante (cf. arrêt 8C_775/2011 du 10 septembre 2012 consid. 2; JÜRG MAESCHI, Kommentar zum Bundesgesetz über die Militärversicherung [MVG], 2000, n° 10 s. ad art. 9 LAM).

In casu, le laps de temps entre la naissance du droit aux prestations et leur perception par l’assuré ne suffit pour lui reconnaître le droit à des intérêts moratoires. Pour le reste, on ne saurait parler de comportement dilatoire ou illicite de la part de l’assurance militaire.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_914/2015 consultable ici : http://bit.ly/22qkKje

 

 

9C_855/2015 (f) du 02.05.2016 – Valeur probante d’une expertise médicale – composante subjective propre à la démarche expertale – 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_855/2015 (f) du 02.05.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Rt5SZt

 

Expertise médicale / 44 LPGA

Valeur probante d’une expertise médicale – composante subjective propre à la démarche expertale

 

TF

Le TF rappelle que l’exigence d’objectivité que l’expert doit observer dans le cadre de l’exécution de son mandat requiert qu’il mentionne les incertitudes et les doutes qui l’ont accompagné dans la formulation de ses conclusions. Une expertise comporte, inévitablement, une composante subjective propre à la démarche expertale et ne saurait être considérée comme arbitraire pour ce seul motif (consid. 4.3).

En outre, il convient pour celui qui entend remettre en cause le bien-fondé du point de vue médical sur lequel se sont fondées les autorités judiciaires de mettre en évidence des éléments objectivement vérifiables – de nature notamment clinique ou diagnostique – qui auraient été ignorés dans le cadre de l’appréciation et qui seraient suffisamment pertinents (consid. 4.3).

 

 

Arrêt 9C_855/2015 consultable ici : http://bit.ly/1Rt5SZt

 

 

8C_445/2015 (f) du 09.05.2016 – Rappel jurisprudence concernant l’uniformité de la notion d’invalidité en matière d’assurance sociale / 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_445/2015 (f) du 09.05.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1UfuLMO

 

Rappel jurisprudence concernant l’uniformité de la notion d’invalidité en matière d’assurance sociale / 16 LPGA

 

TF

Uniformité de la notion d’invalidité en matière d’assurance sociale

L’ancien Tribunal fédéral des assurances a précisé sa jurisprudence relative au principe de l’uniformité de la notion d’invalidité dans l’assurance sociale en ce sens que l’évaluation de l’invalidité par les organes de l’assurance-invalidité n’a pas de force contraignante pour l’assureur-accidents (ATF 131 V 362 consid. 2.3 p. 368; la réciprocité de cette règle à l’égard de l’assurance-invalidité a également été admise: ATF 133 V 549). Les premiers juges étaient par conséquent en droit de procéder à l’évaluation de l’invalidité de l’assuré indépendamment de la décision de l’office AI.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_445/2015 consultable ici : http://bit.ly/1UfuLMO

 

 

9C_697/2015 (f) du 09.05.2016 – Droit à la rente d’invalidité – Condition générale d’assurance des trois ans de cotisations – 36 al. 1 LAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_697/2015 (f) du 09.05.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1TBVtgA

 

Droit à la rente d’invalidité – Condition générale d’assurance des trois ans de cotisations – 36 al. 1 LAI

Atteintes somatiques puis atteintes psychiques – Survenance de l’invalidité et connexité temporelle

 

Assuré, ressortissant étranger, arrivé en Suisse en août 2008, souffre des séquelles d’un accident survenu le 27.07.2009 (luxation de l’épaule gauche). Dépôt de la demande de prestations le 13.08.2010.

Troubles psychiatriques se sont manifestés, justifiant son transfert dans un Centre de psychiatrie le 24.01.2012. Se fondant sur l’avis de son SMR, l’office AI a étendu l’instruction au volet psychiatrique. Selon les différents médecins consultés par l’assuré, celui-ci souffrait d’une schizophrénie paranoïde totalement incapacitante depuis janvier 2012. Par décision du 14.07.2014, l’office AI a rejeté la demande au motif que l’assuré ne réalisait pas les conditions générales d’assurance en juillet 2010.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 205/14 – 225/2015 – consultable ici : http://bit.ly/1VjHYqd)

Les premiers juges ont constaté que les atteintes somatiques de juillet 2009 étaient distinctes de celles psychiatriques apparues en janvier 2012 et que les secondes ne pouvaient être rattachées par un lien temporel à l’accident de juillet 2009. L’autorité cantonale a considéré qu’un nouveau cas d’assurance était survenu en janvier 2012, entraînant le départ d’un nouveau délai de carence échéant une année plus tard. Dans la mesure où, à cette date, l’intimé remplissait la condition générale d’assurance des trois ans de cotisations, elle lui a alloué la rente d’invalidité à laquelle il avait droit.

Par jugement du 25.08.2015, la juridiction cantonale a admis le recours, réformé la décision (droit à une rente entière d’invalidité dès le 01.01.2013) et renvoyé la cause à l’office AI pour qu’il calcule le montant de la rente et des intérêts dus sur les arriérés.

 

TF

La survenance d’une atteinte à la santé totalement différente de celle qui prévalait au moment du refus de la première demande de prestations et propre, par sa nature et sa gravité, à causer une incapacité de travail de 40 % au moins en moyenne sur une année a, compte tenu de l’absence de connexité matérielle avec la situation de fait prévalant au moment du refus de la première demande de prestations, pour effet de créer un nouveau cas d’assurance (ATF 136 V 369 consid. 3.1 p. 373 et les références; arrêt 9C_294/2013 du 20 août 2013 consid. 4.1 et les références, in SVR 2013 IV n° 45 p. 138; voir également MEYER/REICHMUTH, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], 3ème éd. 2014, n. 138 ad art. 4 LAI). Le principe de l’unicité de la survenance de l’invalidité cesse en effet d’être applicable lorsque l’invalidité subit des interruptions notables ou que l’évolution de l’état de santé ne permet plus d’admettre l’existence d’un lien de fait et de temps entre les diverses phases, qui en deviennent autant de cas nouveau de survenance de l’invalidité (arrêt 9C_36/2015 du 29 avril 2015 consid. 5.1 et 5.2 et les références).

Par son argumentation, l’administration ne parvient pas à démontrer qu’un lien de fait et de temps existe entre la première et la seconde atteinte à la santé. Elle se limite à faire part de sa propre appréciation des faits, sans discuter les considérations des premiers juges.

Le fait qu’il n’y a pas eu d’interruption de l’incapacité de travail depuis l’accident de 2009 et que les deux atteintes ont, à un moment donné, coexisté, ne suffit pas en l’espèce à retenir un unique délai de carence. La jurisprudence a effectivement admis qu’un nouveau cas d’assurance pouvait survenir même si une première atteinte à la santé était toujours présente et causait une incapacité de travail lorsqu’une nouvelle atteinte à la santé totalement distincte apparaissait (cf. arrêt 9C_294/2013 cité consid. 3.1 et 4.2).

Le fait qu’une seule demande a été déposée auprès de l’office AI n’a pas d’incidence; si l’office AI avait rendu une décision de refus de prestations directement à la suite de son projet de décision du 15 juillet 2013, il aurait été tenu de traiter l’annonce de l’assuré quant à la survenance d’une affection psychique comme une nouvelle demande.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_697/2015 consultable ici : http://bit.ly/1TBVtgA

 

 

9C_607/2015 (f) du 20.04.2016 – Assuré proche de l’âge de la retraite et capacité de travail exigible – 16 LPGA / Revenu d’invalide selon l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) 2008 – niveau de qualification 3

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_607/2015 (f) du 20.04.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1WmfBJ9

 

Assuré proche de l’âge de la retraite et capacité de travail exigible – 16 LPGA

Revenu d’invalide selon l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) 2008 – niveau de qualification 3

Pas d’abattement sur le salaire statistique pour une limitation fonctionnelle (environnement non bruyant)

 

TF

Assuré proche de l’âge de la retraite

Suivant la jurisprudence (cf. ATF 138 V 457), pour déterminer s’il est exigible d’un assuré proche de l’âge de la retraite qu’il mette en valeur sa capacité de travail résiduelle dans une activité adaptée (cf. art. 16 LPGA), il faut se placer au moment de la date de l’expertise médicale qui sert de fondement aux constatations de fait relatives à la capacité de travail.

En l’espèce, l’assuré a eu 59 ans au cours de l’année où le dernier rapport émanant d’un spécialiste ORL a été réalisé. Son âge ne saurait donc être considéré comme faisant obstacle à la reprise d’une activité adaptée.

 

Comparaison des revenus

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d’influencer le droit à la rente survenues jusqu’au moment où la décision est rendue être prises en compte (cf. ATF 129 V 222 consid. 4.1 et 4.2).

In casu, la surdité de l’oreille gauche étant survenue en octobre 2007, la comparaison des revenus doit ainsi être faite à la lumière des revenus de l’année 2008, date de l’ouverture du droit éventuel à la rente, conformément aux constatations de la juridiction cantonale.

 

Revenu d’invalide

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. Lorsque l’activité exercée après la survenance de l’atteinte à la santé repose sur des rapports de travail particulièrement stables, qu’elle met pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et que le gain obtenu correspond au travail effectivement fourni et ne contient pas d’éléments de salaire social, c’est le revenu effectivement réalisé qui doit être pris en compte pour fixer le revenu d’invalide. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible -, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) ou sur les données salariales résultant des descriptions de postes de travail établies par la CNA (ATF 135 V 297 consid. 5.2 p. 301; 129 V 472 consid. 4.2.1 p. 475).

Ainsi, lorsqu’un assuré ne met pas à profit sa capacité de travail restante après l’atteinte à la santé, son revenu d’invalide doit être calculé sur une base théorique et abstraite. Ce faisant, on ne saurait toutefois se fonder sur une seule activité déterminée ou sur un tout petit nombre seulement – quand bien même cette activité serait parfaitement adaptée aux limitations en cause – dès lors que rien ne permet de penser que ce revenu serait représentatif de celui que l’assuré pourrait obtenir sur le marché du travail équilibré entrant en considération pour lui (cf. ATF 129 V 472 consid. 4.2.2 p. 480). Pour que le revenu d’invalide corresponde aussi exactement que possible à celui que l’assuré pourrait réaliser en exerçant l’activité que l’on peut raisonnablement attendre de lui (cf. ATF 128 V 29 consid. 1 p. 30), l’évaluation dudit revenu doit nécessairement reposer sur un choix large et représentatif d’activités adaptées au handicap de la personne assurée.

En l’absence d’un revenu effectivement réalisé, il y a lieu de s’appuyer sur les statistiques salariales comme le prévoit la jurisprudence citée. L’assuré ayant travaillé en qualité de menuisier indépendant puis ayant été employé par diverses associations et fondations et, enfin comme enseignant de travaux manuels, les compétences professionnelles de l’assuré justifient de retenir le niveau de qualification 3 de l’Enquête suisse sur la structure des salaires.

S’agissant de l’examen du facteur de réduction (cf. ATF 126 V 75), la seule limitation fonctionnelle constatée est celle d’un environnement non bruyant, soit n’impliquant pas l’usage de machines. Dès lors que la mise en œuvre de la capacité résiduelle entière de travail de l’assuré sur le marché équilibré du travail ne dépend pas d’activités légères, simples et répétitives (au regard desquelles la jurisprudence sur la réduction du salaire d’invalide déterminé selon les ESS a été développée [ATF 126 V 75]) et que l’assuré est en mesure d’exercer des activités requérant des connaissances professionnelles spécialisées sans limitation quant au temps de travail ou au rendement, il n’y a pas lieu de prendre en considération une réduction du salaire statistique, résultant d’un large éventail d’activités à portée de l’assuré, en fonction également de son expérience professionnelle (comp. arrêt I 16/98 du 15 février 1999 consid. 3b, in SVR 2000 IV n° 1 p. 2).

Quant à l’âge, pour autant qu’il fût déterminant, il ne saurait conduire à lui seul à un abattement de plus de 5%.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_607/2015 consultable ici : http://bit.ly/1WmfBJ9

 

 

9C_899/2015 (f) du 04.03.2016 – Entrer en matière sur une nouvelle demande de prestations – 87 RAI / Modification significative du degré d’invalidité en raison de l’aggravation de l’état de santé – analogie à l’art. 17 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_899/2015 (f) du 04.03.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Xu9npz

 

Entrer en matière sur une nouvelle demande de prestations – 87 RAI

Modification significative du degré d’invalidité en raison de l’aggravation de l’état de santé – analogie à l’art. 17 LPGA

Nouvelle demande et « facteur de l’âge avancé » – Capacité de travail exigible

 

Assuré, né le 25.01.1951, travaillant comme ouvrier d’usine, en incapacité totale de travail dès le 30.05.2006. Première demande rejetée le 29.10.2008 par l’office AI, motif pris que l’assuré ne pouvait plus exercer son activité d’ouvrier qu’à mi-temps, mais était en revanche capable de travailler à 100% dans une activité adaptée; l’exercice (hypothétique) d’une telle activité était susceptible de lui procurer un revenu induisant une perte de gain de 10%, insuffisante pour ouvrir le droit à la rente. Le 31.05.2011, l’office AI a refusé d’entrer en matière sur une deuxième demande.

Une troisième demande AI est déposée, le 06.06.2013, en raison d’une péjoration de l’état de santé. Après expertise, une incapacité entière de travail dans la profession habituelle a été reconnue, mais une pleine capacité de travail dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles était exigible. Le 19.02.2015, l’office AI a nié le droit de l’assuré à une rente d’invalidité, au motif que la perte de gain de 10%, identique à celle fixée par la première décision de 2008, était insuffisante pour admettre la prétention.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 45/15 – 279/2015 – consultable ici : http://bit.ly/20vZ83m)

Par jugement du 02.11.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Nouvelle demande et modification significative du degré d’invalidité en raison de l’aggravation de santé

L’art. 87 al. 2 et 3 RAI régit les conditions auxquelles l’administration est tenue d’entrer en matière sur une demande de révision ou une nouvelle demande de prestations présentée par l’assuré. Du moment que l’office AI était entré en matière sur la nouvelle demande de l’assuré par sa décision du 19.02.2015, le seul point à trancher pour le tribunal saisi de son recours était celui de savoir si, en raison d’une aggravation de l’état de santé de l’assuré et des effets de cette aggravation sur le plan économique, le degré d’invalidité avait subi une modification significative depuis la décision du 29.10.2008 – sur les bases de comparaison dans le temps, cf. ATF 130 V 71 – et atteignait désormais un taux suffisant pour ouvrir le droit à une prestation (ATF 109 V 108 consid. 2 p. 114; ULRICH MEYER/ MARCO REICHMUTH, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum IVG, 3 ème éd., n° 120 ad art. 30-31 LAI).

Cet examen matériel doit être effectué de manière analogue à celui d’un cas de révision au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA; il s’agit de vérifier si la modification du degré d’invalidité rendue vraisemblable par l’assuré est effectivement survenue. A défaut, la nouvelle demande est rejetée (cf. ATF 117 V 198 consid. 3a p. 198 et l’arrêt cité).

 

Nouvelle demande et « facteur de l’âge avancé »

Selon la jurisprudence, l’âge de la personne assurée constitue de manière générale un facteur étranger à l’invalidité qui n’entre pas en considération pour l’octroi de prestations. S’il est vrai que ce facteur – comme celui du manque de formation ou les difficultés linguistiques – joue un rôle non négligeable pour déterminer dans un cas concret les activités que l’on peut encore raisonnablement exiger d’un assuré, il ne constitue pas, en règle générale, une circonstance supplémentaire qui, à part le caractère raisonnablement exigible d’une activité, est susceptible d’influencer l’étendue de l’invalidité, même s’il rend parfois difficile, voire impossible la recherche d’une place et, partant, l’utilisation de la capacité de travail résiduelle (arrêt I 377/98 du 28 juillet 1999 consid. 1 et les références, in VSI 1999 p. 246).

Le moment où la question de la mise en valeur de la capacité (résiduelle) de travail pour un assuré proche de l’âge de la retraite sur le marché de l’emploi doit être examinée correspond au moment auquel il a été constaté que l’exercice (partiel) d’une activité lucrative était médicalement exigible, soit dès que les documents médicaux permettent d’établir de manière fiable les faits y relatifs (ATF 138 V 457 consid. 3.3 p. 461 s.; voir aussi JACQUES-ANDRÉ SCHNEIDER, L’âge et ses limites en matière d’assurance-invalidité, de chômage et de prévoyance professionnelle étendue, in Grenzfälle in der Sozialversicherung, 2015, p. 5).

La situation de l’assuré au regard des éléments déterminants pour la prétention en cause n’a pas connu d’évolution significative depuis le moment où le droit à la rente d’invalidité a été nié une première fois: son état de santé et les répercussions sur la capacité de travail dans une activité adaptée – toujours exigible à un taux de 100% – sont restés les mêmes. Le seul facteur qui s’est modifié est l’âge de l’assuré. Il n’appartient toutefois pas à l’assurance-invalidité de prendre en charge toutes les situations dans lesquelles la personne assurée n’est pas en mesure de retrouver un emploi sur un marché équilibré du travail en raison de son âge. L’écoulement du temps – qui ne constitue pas une atteinte à la santé au sens des art. 3 et 4 LPGA et qui est un paramètre inéluctable pour tous les assurés – ne peut en soi légitimer l’octroi d’une rente d’invalidité ou son augmentation, après un premier refus ou une allocation seulement partielle d’une rente (cf. arrêts 9C_156/2011 du 6 septembre 2011 consid. 4.2 et 9C_50/2010 du 6 août 2010 consid. 5).

On constate que l’assuré ne se trouve pas dans la même situation qu’un assuré qui présente pour la première fois une demande de prestations peu d’années avant d’atteindre l’âge ouvrant le droit à des prestations de l’assurance-vieillesse et survivants et dont l’assurance-invalidité exige, par le biais de la prise en considération du revenu qu’il peut obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui (art. 16 LPGA), un changement (hypothétique) d’activité. Dans le cas d’une demande initiale, il s’agit de déterminer les effets concrets d’une atteinte à la santé sur la capacité de travail et les conséquences économiques qui en découlent au moment de la naissance du droit à la rente. L’intéressé se trouve alors confronté pour la première fois à l’exigence d’un éventuel changement d’activité.

Lors d’une nouvelle demande ou d’une révision du droit aux prestations, il s’agit d’examiner si un changement de circonstances important susceptible d’influencer le taux d’invalidité évalué antérieurement s’est produit. Dans cette constellation, l’assuré sait en raison de la procédure antérieure qu’un changement d’activité est attendu de sa part, conformément aux règles régissant l’assurance-invalidité. En conséquence, si la seule modification réside dans l’écoulement du temps et, partant, a trait à « l’âge avancé » de l’assuré, ce facteur en soi ne peut entraîner l’application de la jurisprudence rendue à ce sujet et publiée in ATF 138 V 457 consid. 3.1 p. 459. Admettre le contraire reviendrait à faire prendre en charge par l’assurance-invalidité les répercussions économiques de l’écoulement du temps pour les assurés auxquels le droit à une rente (ou à une rente plus élevée) a été nié une première fois, à la seule condition qu’ils présentent une nouvelle demande ou une demande de révision au moment où ils se trouvent proches de l’âge donnant le droit à la rente de vieillesse (arrêts 9C_156/2011 et 9C_50/2010 cités).

En l’absence de toute autre modification des circonstances liées à l’état de santé de l’assuré en tant que tel ou de ses répercussions sur la capacité de travail (résiduelle), il n’y a pas lieu de prendre en considération « l’âge avancé » au sens de la jurisprudence y relative et reconnaître, par ce biais uniquement, le droit de l’assuré à la rente ou à une augmentation de celle-ci, au terme d’une procédure portant sur une nouvelle demande de rente ou une révision du droit à celle-ci au sens de l’art. 17 LPGA.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_899/2015 consultable ici : http://bit.ly/1Xu9npz

 

 

8C_580/2015 (f) du 26.04.2016 – destiné à la publication – Assujettissement en LAA d’un assuré français résidant en France pensionné (retraite) en France et travaillant en Suisse (dans sa Sàrl) / Dispositions transitoires – art. 87 du règlement n° 883/2004

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_580/2015 (f) du 26.04.2016, destiné à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/1TBFh4f

 

Assujettissement en LAA d’un assuré français résidant en France pensionné (retraite) en France et travaillant en Suisse (dans sa Sàrl)

Dispositions transitoires – art. 87 du règlement n° 883/2004

ALCP – Règl. CEE n° 1408/71 et règlement CE n° 883/2004

 

Assuré, de nationalité française, résidant en France, a été victime d’un accident sur son lieu de travail le 11.11.2010. Alors qu’il travaillait sur un chantier en France et qu’il était occupé à poser un carrelage mural, il a chuté d’un escabeau. Il travaillait alors pour l’entreprise B. _ Sàrl, société inscrite au registre du commerce du canton de Genève, qui a son siège à Genève et dont il était l’associé gérant. Dite société a rempli, le 30.04.2013 soit 2 ans et demi après l’événement, une déclaration de sinistre à l’intention de son assurance-accidents helvétique. Par décision du 27.03.2014, l’assureur-accidents a refusé de prendre en charge le cas au motif que l’intéressé, qui résidait en France, n’était pas soumis à la législation suisse en matière d’assurance-accidents.

Dans son opposition, l’assuré a expliqué qu’il avait atteint l’âge de la retraite en France en 2009, qu’il percevait en France une pension de retraite et qu’il avait continué à travailler comme gérant et surveillant des chantiers de B.__ Sàrl. A la suite de l’accident, il était demeuré en incapacité totale de travailler jusqu’en février 2014. Les conséquences de l’accident n’avaient pas été prises en charge par la sécurité sociale française du moment qu’il percevait déjà une pension de retraite. L’opposition a été rejetée le 08.07.2014.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/463/2015 – consultable ici : http://bit.ly/1Wl334W)

Par arrêt du 23.06.2015, admission partiel du recours par le tribunal cantonal et annulation de la décision sur opposition. Le cas a été renvoyé à l’assureur-accidents pour complément d’instruction et nouvelle décision.

 

TF

Dispositions transitoires – art. 87 Règl. CE n° 883/2004

L’art. 87 du règlement n° 883/2004 renferme des dispositions transitoires pour l’application de ce règlement (l’art. 87 bis contient quant à lui des dispositions transitoires pour l’application du règlement n° 465/2012).

Le règlement n° 883/2004 (entré en vigueur pour les Etats membres de l’Union européenne le 01.05.2010) est appliqué dans les relations avec la Suisse depuis le 01.04.2012. Etant donné que la période transitoire constitue une clause de protection et vise à empêcher des changements de la législation applicable à la date d’entrée en vigueur des nouvelles règles de détermination de la législation applicable, l’art. 87 du règlement n° 883/2004 s’applique pour la totalité de la période de dix ans. Il s’ensuit que la période transitoire de dix ans expirera pour la Suisse le 31.03.2022 (voir le guide pratique de la commission administrative [pour la coordination des systèmes de sécurité sociale] sur la législation applicable dans l’Union européenne (UE), dans l’Espace économique européen (EEE) et en Suisse, 2013, p. 54, <http://ec.europa.eu/social/main.jsp?langId=fr&catId=868>; consulté le 12.04.2016).

L’art. 87 par. 8 du règlement n° 883/04 a pour but d’éviter de nombreux changements de législations applicables lors du passage au nouveau règlement et de permettre une « transition douce » à la personne concernée au cas où il existerait un écart entre la législation applicable selon le règlement n° 1408/71 et le règlement n° 883/2004. Il maintient le statu quo pour une période transitoire, sauf changement de situation ou demande de la personne concernée. Un changement de la « situation qui a prévalu » au sens de l’art. 87 par. 8 signifie qu’après l’entrée en vigueur du règlement n° 883/2004 la situation factuelle pertinente pour déterminer la législation applicable en vertu des règles antérieures du règlement n° 1408/71 a changé et que, du fait de ce changement, la personne concernée aurait été assujettie à la législation d’un Etat membre autre que celui déterminé en dernier lieu conformément au règlement n° 1408/71. En règle ordinaire, toute nouvelle activité salariée – pour cause de changement d’employeur, de résiliation de l’un des emplois ou de changement transfrontalier de résidence – constitue un changement de la situation qui a prévalu jusqu’alors (voir BERNHARD SPIEGEL, in Europäisches Sozialrecht, op. cit., n° 23 ad art. 87 et 87a du règlement n° 883/2004; SUSANNE DERN, in VO (EG) Nr. 883/2004, 2012, n° 10 ad art. 87; ARNO BOKELOH, Die Übergangsregelungen in den Verordnungen (EG) Nr. 883/04 und 987/09, ZESAR 2011 p. 20; voir aussi le guide pratique de la commission administrative, op. cit., p. 53).

Tant le règlement n° 1408/71 (art. 13 par. 1 et 15 par. 2) que le règlement n° 883/2004 (art. 11 par. 1) posent le principe de l’unicité du droit applicable. Ce principe postule l’application de la législation d’un seul Etat membre pour l’ensemble des éventualités entrant dans le champ d’application matériel du règlement (cf. art. 4 par. 1 du règlement n° 1408/71 et art. 3 par. 1 du règlement n° 883/2004). Il vise à supprimer les inégalités de traitement et les complications qui, pour les travailleurs salariés et non salariés qui se déplacent à l’intérieur de l’Union européenne seraient la conséquence d’un cumul partiel ou total des législations applicables (p. ex. arrêts la CJCE, devenue la CJUE, du 30 juin 2011 C-388/09 da Silva Martins, Rec. 2011 I-5737, points 53 ss; du 9 mars 2006 C-493/04 Piatkowski, Rec. 2006 I-2369, point 21; du 12 juin 1986 C-302/84 Ten Holder/Nieuwe Algemene Bedrijfsvereniging, Rec. 1986 p. 1821 points 19 ss).

Dans le cas particulier, l’assuré n’a jamais demandé à être soumis de manière générale et exclusive à la législation suisse pour la période postérieure au 01.04.2012. Le seul fait qu’il a déposé ultérieurement une demande de prestations de l’assurance-accidents suisse ne saurait être interprété comme une demande au sens de l’art. 87 par. 8 du règlement n° 883/04. Vu ses conséquences, une telle demande ne peut qu’être formulée de manière explicite et non équivoque.

D’autre part, la date déterminante à partir de laquelle l’assuré pouvait – à supposer que les conditions en fussent réalisées – opter pour la législation suisse en vertu de l’art. 87 par. 8 du règlement n° 883/2004 n’est pas celle de l’accident (11 novembre 2010), mais celle de l’entrée en vigueur de ce règlement. En effet, la première condition pour appliquer l’art. 87 par. 8 est que, du fait de l’entrée en vigueur du règlement n° 883/2004, une personne soit assujettie à la législation d’un Etat membre autre que celui déjà déterminé en vertu du règlement n° 1408/71 (voir le guide pratique de la commission administrative, op. cit., p. 52).

En l’espèce, ce n’était pas le cas. L’assuré résidait et réside toujours en France. En avril 2012, il n’exerçait plus d’activité professionnelle depuis novembre 2010 en raison d’une incapacité de travail totale. Il percevait une pension de retraite de la sécurité sociale française. Il ne pouvait de facto pas cumuler des activités salariées dans plusieurs Etats membres, de sorte que l’applicabilité de l’art. 13 par. 1 du règlement n° 883/2004 n’entrait pas en considération. Conformément à la disposition transitoire de l’art. 87 par. 8, il restait soumis, comme par le passé, à la législation française en application du règlement n° 1408/71, en raison de sa résidence en France (voir l’art. 13 par. 2 let. f du règlement n° 1408/71 et aussi l’art. 11 par 3 let. e du règlement n o 883/04; cf. HEINZ-DIETRICH STEINMEYER, op. cit., n° 35 ad art. 11 du règlement n° 883/2004, ainsi que ATF 138 V 197 consid. 5.2 p. 201 s.).

Pour être complet, on peut encore relever qu’il n’y a pas eu de changement situation postérieurement au 01.04.2012 qui aurait pu justifier l’assujettissement au nouveau règlement.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, le jugement de l’instance cantonale est annulé et la décision sur opposition est confirmée.

 

 

Arrêt 8C_580/2015 consultable ici : http://bit.ly/1TBFh4f

 

 

6B_41/2016 (f) du 03.03.2016 – Véhicule parqué empiétant sur la chaussée d’un mètre – Violation grave des règles de la circulation routière / 37 al. 2 LCR – 18 OCR – 90 al. 2 LCR

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_41/2016 (f) du 03.03.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1TB1yMm

 

Véhicule parqué empiétant sur la chaussée d’un mètre – Violation grave des règles de la circulation routière / 37 al. 2 LCR – 18 OCR – 90 al. 2 LCR

 

Faits

Le 21.04.2012, X.__ a parqué une voiture de livraison Ford Transit sur le bord droit de la route secondaire reliant Aproz à Sion, afin d’y décharger du matériel. A 11h55, A.__ qui circulait avec un vélo de course n’a pas vu le véhicule garé, est entré en collision avec l’arrière gauche de celui-ci et est tombé lourdement; blessé, il a été hospitalisé. Selon le rapport de police, la voiture de livraison empiétait sur la chaussée d’environ un mètre, la largeur de la route sur l’emplacement de l’accident étant de 510 cm.

 

TF

Le stationnement n’était pas indispensable à l’emplacement choisi, car le véhicule aurait pu être garé à proximité complètement hors de la chaussée (art. 18 al. 1 OCR). X.__ a préféré stationner à cet endroit pour des raisons pratiques, se contentant d’enclencher les feux de détresse sans poser le signal de panne et enfreignant ainsi, à tout le moins par négligence, l’obligation générale de ne pas rester là où il pouvait gêner ou mettre en danger la circulation le temps d’un déchargement de plusieurs minutes, notamment en raison d’une mauvaise visibilité (art. 37 al. 2 LCR et 18 al. 2 let. a OCR).

En parquant son véhicule à un endroit où il n’était que peu visible, sans prendre les mesures de précaution qui s’imposaient du moment qu’il empiétait de façon significative sur la chaussée, de surcroît dans une légère courbe à droite, X.__ a créé une situation dangereuse. Comme il lui aurait été possible de garer sa voiture à proximité hors de la route, il a clairement dépassé les limites usuelles admissibles en pareilles circonstances. L’instance précédente n’a donc pas violé le droit fédéral en retenant une violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 aLCR, en relation avec les art. 37 al. 2 LCR, 18 al. 1 et 2 let. a ainsi que 21 al. 2 et 3 OCR).

Les manquements du prévenu lui sont clairement imputables à faute, dans la mesure où il a fait preuve d’un manque d’effort blâmable (arrêt 6B_873/2014 du 5 janvier 2015 consid. 2.1).

 

Le TF rejette le recours.

 

 

Arrêt 6B_41/2016 consultable ici : http://bit.ly/1TB1yMm