9C_55/2016 (f) du 14.07.2016 – Invalidité – facteurs psychosociaux ou socioculturels et atteinte psychique / 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2016 (f) du 14.07.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2cLZAKN

 

Invalidité – facteurs psychosociaux ou socioculturels et atteinte psychique / 16 LPGA

 

TF

Selon la jurisprudence, les facteurs psychosociaux ou socioculturels ne figurent pas au nombre des atteintes à la santé susceptibles d’entraîner une incapacité de gain au sens de la loi. Pour qu’une invalidité soit reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu’un substrat médical pertinent, entravant la capacité de travail (et de gain) de manière importante, soit mis en évidence par le médecin spécialisé. Plus les facteurs psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et imprègnent l’anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic médical précise s’il y a atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie.

Ainsi, il ne suffit pas que le tableau clinique soit constitué d’atteintes qui relèvent de facteurs socioculturels; il faut au contraire que le tableau clinique comporte d’autres éléments pertinents au plan psychiatrique tels, par exemple, une dépression durable au sens médical ou un état psychique assimilable, et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte psychique, qui doit être distinguée des facteurs socioculturels, et qui doit de manière autonome influencer la capacité de travail, est nécessaire en définitive pour que l’on puisse parler d’invalidité. En revanche, là où l’expert ne relève pour l’essentiel que des éléments qui trouvent leur explication et leur source dans le champ socioculturel ou psychosocial, il n’y a pas d’atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 294 consid. 5a p. 299).

Il est vrai que le Tribunal fédéral fait généralement preuve de réserve avant de reconnaître le caractère invalidant d’un trouble de la lignée dépressive. Il a notamment précisé récemment que les troubles légers et moyens de la lignée dépressive, qu’ils soient récurrents ou épisodiques, ne peuvent être considérés comme des atteintes à la santé à caractère invalidant que dans les situations où ils se révèlent résistants aux traitements pratiqués, soit lorsque l’ensemble des thérapies (ambulatoires et stationnaires) médicalement indiquées et réalisées selon les règles de l’art, avec une coopération optimale de l’assuré, ont échoué. Ce n’est que dans cette hypothèse – rare, car il est admis que les dépressions sont en règle générale accessibles à un traitement – qu’il est possible de procéder à une appréciation de l’exigibilité sur une base objectivée, conformément aux exigences normatives fixées à l’art. 7 al. 2, 2e phrase, LPGA (ATF 140 V 193 consid. 3.3 p. 197 et les références; voir également arrêts 9C_146/2015 du 19 janvier 2016 consid. 3.2 et 9C_13/2016 du 14 avril 2016 consid. 4.2).

Cette jurisprudence a pour corollaire qu’une évaluation médicale portant sur le caractère invalidant de troubles de la lignée dépressive doit reposer non seulement sur un diagnostic constaté selon les règles de l’art, mais également sur une description précise du processus thérapeutique (y compris le traitement pharmacologique) et sur une évaluation détaillée de l’influence d’éventuels facteurs psychosociaux et socioculturels sur l’évolution et l’appréciation du tableau clinique.

Dans le cas d’espèce

Sur le plan assécurologique, le cas d’espèce présente une certaine complexité, dans la mesure où il existe chez l’assurée une intrication de problèmes de nature psychique et de problèmes qui ont pour origine le contexte socioéconomique dans lequel elle évolue.

Il n’est pas contestable qu’un contexte socioéconomique défavorable constitue un terrain favorable à la survenance et à la persistance de troubles de la lignée dépressive. Exclure le caractère invalidant de tels troubles au seul motif de l’existence dans l’anamnèse de facteurs psychosociaux ou socioculturels revient en définitive à établir le droit aux prestations non pas au regard de la gravité objective de l’atteinte à la santé et de ses effets sur la capacité de travail et de gain, mais uniquement sur la base de critères anamnestiques. Lorsque des facteurs psychosociaux ou socioculturels sont au premier plan dans l’anamnèse, la jurisprudence a au contraire souligné toute l’importance que revêtait l’évaluation médicale pour apprécier la situation.

La lecture du jugement attaqué laisse apparaître que la juridiction cantonale a avant tout porté son attention sur les facteurs socioéconomiques imprégnant l’anamnèse plutôt que de procéder à une appréciation consciencieuse des différents points de vue médicaux versés à la procédure. L’examen auquel a procédé la juridiction cantonale a mis en arrière-plan la problématique médicale. La juridiction cantonale s’est-elle autorisée à relativiser les observations de la doctoresse D.__ (« l’assurée montrerait toutefois plus des signes d’anxiété que de véritables signes d’une maladie grave, ceci dans un contexte de victimisation et de dramatisation »), alors même qu’il n’appartient pas au juge de se livrer à des conjectures qui relèvent strictement de la science médicale (voir arrêt 9C_573/2009 du 16 décembre 2009 consid. 2.3).

Compte tenu des avis médicaux divergents en présence, la juridiction cantonale ne pouvait faire l’économie d’une mesure d’instruction complémentaire avant de statuer.

 

Le TF accepte le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_55/2016 consultable ici : http://bit.ly/2cLZAKN

 

 

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