Tous les articles par ionta

8C_9/2020 (i) du 10.06.2020 – Rente d’invalidité – Comparaison des revenus – 16 LPGA / Arrondissement du revenu sans invalidité à la dizaine inférieure erroné / Justification et raisonnement pour tenir compte d’un abattement sur le salaire statistique

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_9/2020 (i) du 10.06.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Rente d’invalidité – Comparaison des revenus / 16 LPGA

Arrondissement du revenu sans invalidité à la dizaine inférieure erroné

Justification et raisonnement pour tenir compte d’un abattement sur le salaire statistique

Le fait pour un tribunal cantonal de se référer à un jugement cantonal antérieur, qui n’a pas fait l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral, n’a pas été admis

 

Assuré, né en 1955, menuisier, est tombé d’un toit et a subi un traumatisme à l’épaule droite.

 

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a refusé le droit à une rente d’invalidité et a octroyé une IPAI de 15%. Le revenu sans invalidité a été fixé à CHF 69’156.

S’agissant des limitations fonctionnelles, l’assuré n’a aucune restriction quant à la position assise et debout, sur les mouvements autres que la montée et la descente des escaliers.

 

Procédure cantonale (arrêt 35.2019.64)

Le tribunal cantonal a confirmé le revenu sans invalidité mentionné dans la décision sur opposition mais a conclu à un revenu sans invalidité de CHF 69’150.

Quant au revenu d’invalide, après avoir rappelé la pratique fédérale et cantonale, l’instance cantonale s’est référée à un jugement (cantonal) définitif (entré en force) du 5 septembre 2019, qui « critiquait » [« censurato »] le changement de pratique de l’assurance-accidents, consistant à ne plus appliquer d’abattement sur les revenus d’invalide à compter du 1er janvier 2019. Après avoir rappelé quelques cas similaires, les juges cantonaux ont appliqué une déduction de 10%.

Par jugement du 20.11.2019, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition et octroyant à l’assuré une rente d’invalidité sur un taux de 12%.

 

TF

Revenu sans invalidité

L’assurance-accidents (recourante) déclare ne pas comprendre pourquoi le tribunal cantonal est arrivé à un chiffre légèrement inférieur, bien qu’il confirme la décision sur l’opposition sur ce point. Ni l’assuré, ni le tribunal cantonal n’ont donné d’avis explicite sur ce point.

Il faut conclure qu’il s’agit bien d’une erreur manifeste de la part du tribunal cantonal. Les juges cantonaux n’ont pas indiqué pourquoi le revenu sans invalidité devait être arrondi à la dizaine inférieure. Le revenu sans invalidité est donc de CHF 69’150.

 

Revenu d’invalide – Abattement sur le salaire statistique

L’assurance-accidents (recourante) considère que le fait d’avoir évalué par le passé l’abattement de manière trop large ne la lie pas à d’autres cas. L’assureur fait également observer que l’abattement de 10% est excessif, car ce taux a été appliqué dans des cas beaucoup plus graves que dans le cas d’espèce.

L’assuré, quant à lui, critique l’attitude contradictoire de l’assurance-accidents, car après avoir reconnu l’abattement dans de nombreux cas, il prétend maintenant ne plus l’appliquer. Il souligne que l’activité exigible (simple et répétitive) ne tient pas compte des limitations concrètes. Il considère que la décision sur opposition est inhabituelle, refusant d’accorder toute déduction ainsi que d’appliquer les DPT, désormais abandonnées par l’assurance-accidents.

Si le revenu d’une personne invalide est établi sur la base de données statistiques, il faut se demander si ce montant ne doit pas être réduit. L’influence de tous les facteurs sur le revenu (limitations de l’état de santé, âge, années de service, nationalité/type de permis de séjour et degré d’emploi) doit être évaluée dans son ensemble en tenant compte de toutes les circonstances du cas spécifique, en faisant un usage approprié du pouvoir d’estimation, sans pour autant quantifier séparément chaque facteur de réduction. En tout état de cause, la réduction ne doit pas dépasser 25% (ATF 135 V 297 consid. 5.2 p. 301 ; 134 V 322 consid. 5.2 p. 327 s. ; 126 V 75 consid. 5b/bb p. 80).

Le point de savoir s’il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72 ; arrêt 8C_652/2008 du 8 mai 2009 consid. 4, non publié dans ATF 135 V 297). En revanche, l’étendue de l’abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d’appréciation. L’exercice du pouvoir d’appréciation n’est pas un motif de recours devant le Tribunal fédéral (ATF 143 V 369 consid. 5.4.1 p. 379), à moins que cela ne constitue une violation du droit fédéral. Tel est le cas si la juridiction de première instance a exercé son pouvoir d’appréciation, soit en commettant un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation, soit en abusant de ce pouvoir (« Ermessensmissbrauch »), en se laissant guider par des critères étrangers à l’esprit de la loi ou en ignorant des principes généraux reconnus tels que l’interdiction de l’arbitraire, le principe de la bonne foi ou la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72 et suiv. ; 132 V 393 consid. 3.3 p. 399).

Contrairement au pouvoir d’examen du Tribunal fédéral, celui de l’autorité judiciaire de première instance (art. 57 LPGA) n’est en revanche pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité, dans un cas concret, a adoptée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. A cet égard, le juge des assurances sociales ne peut pas, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration ; il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 p. 73 et la référence).

Une réduction sur le revenu d’invalide ne peut être appliquée que s’il est prouvé dans le cas concret que l’assuré ne peut exploiter sa capacité de travail exigible sur un marché du travail équilibré que de manière inférieure à la moyenne, en raison de l’un ou l’autre des critères (ou de plusieurs critères) (ATF 135 V 297 consid. 5.2 p. 301 ; arrêt 8C_82/2019 du 19 septembre 2019, consid. 6.2.2 et la référence).

Il convient de rappeler que les limitations fonctionnelles déjà incluses dans l’examen de la capacité de travail résiduelle ne doivent pas avoir d’influence supplémentaire sur l’examen de l’abattement, afin d’éviter une double prise en compte du même aspect : le simple fait que sont exigibles pour l’assuré que des activités légères à moyennement complexes ne justifie pas une réduction supplémentaire, même dans le cas d’une capacité de travail partielle (arrêts 8C_805/2016 du 22 mars 2017 consid. 3.1 et 3.4.2 et 9C_846/2014 du 22 janvier 2015 consid. 4.1.1 et les références). Le niveau de compétences 1 de l’ESS comprend déjà toute une série d’activités légères, qui tiennent compte de nombreuses limitations. En d’autres termes, seules des circonstances qui, dans un marché équilibré du travail, doivent être considérées comme exceptionnelles peuvent être prises en compte au titre de limitations fonctionnelles (arrêts 8C_495/2019 du 11 décembre 2019 consid. 4.2.2 avec référence et 8C_82/2019 du 19 septembre 2019, considérant 6.3.2).

Dans le cas d’espèce, le tribunal cantonal se contente de se référer à un jugement cantonal antérieur, qui n’a pas fait l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral. Or, l’application d’un abattement sur le revenu d’invalide est le résultat d’une évaluation globale de la situation. Les juges cantonaux ne constatent ni n’affirment en aucune manière qu’il existe des circonstances exceptionnelles dans un marché du travail équilibré, qui permettraient dans ce cas d’affirmer que l’assuré subit un désavantage tel qu’il se trouve dans une situation inférieure à la moyenne. Pour le reste, le tribunal cantonal a improprement substitué sa propre appréciation à celle de l’assureur, sans raison particulière (cf. également les arrêts 8C_730/2019 du 10.06.2020 et 8C_765/2019 du 10.06.2020 pour un grief identique, au résultat identique).

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_9/2020 consultable ici

Proposition de citation : 8C_9/2020 (i) du 10.06.2020 – Arrondissement du revenu sans invalidité à la dizaine inférieure erroné – Justification et raisonnement pour tenir compte d’un abattement sur le salaire statistique, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/08/8c_9-2020)

 

9C_765/2019 (d) du 11.05.2020 – Revenu d’invalide – ESS – 16 LPGA / Âge pas nécessairement d’effet négatif sur les activités de niveau de compétences 1 / Abattement 10% (alternance des positions, port de charges max 10 kg, etc.)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_765/2019 (d) du 11.05.2020

 

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

Consultable ici

 

Revenu d’invalide – ESS / 16 LPGA

Âge pas nécessairement d’effet négatif sur les activités de niveau de compétences 1

Abattement 10% (alternance des positions, port de charges max 10 kg, etc.)

 

Assurée, née en 1968, a perçu une rente entière d’invalidité du 01.07.2011 au 31.07.2012. Elle a déposé une nouvelle demande AI en juillet 2014.

Une expertise polydisciplinaire a été mise en œuvre en février 2017. D’un point de vue orthopédique, la capacité de travail est réduite de 20% en raison du besoin accru de pauses en raison de la douleur. Les limitations fonctionnelles suivantes ont également été retenues : alternance des positions, alternance entre la position assise et la marche, pas de travail dans des positions contraignantes, pas de rotation et de torsion fréquente du haut du corps, soulèvement, transport et déplacement de charges limités à 10 kg, travail en hauteur (Überkopfarbeiten) uniquement pendant une courte période et dans des cas exceptionnels. Sur le plan psychique, les limitations sont : travail tranquille sans exiger de transports publics, sans pression temporelle, sans travail continu (Schichtdienst) et avec la possibilité d’aménagements flexibles des pauses.

L’office AI a octroyé une rente entière d’invalidité du 01.07.2015 au 31.01.2016 et du 01.07.2017 au 31.01.2018.

 

Procédure cantonale

Le tribunal cantonal a retenu que l’assurée avait une capacité de travail dans une activité adaptée de 80%, niant le caractère invalidant des troubles psychiques (sous l’angle de l’ATF 141 V 281).

Par jugement du 21.08.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

S’agissant de l’expertise polydisciplinaire et du caractère invalidant des troubles psychiques, le Tribunal fédéral admet le recours de l’assurée. Le TF retient, conformément à l’avis des experts, qu’une capacité de travail de 50% est exigible dans des activités adaptées.

Le revenu qui peut raisonnablement être réalisé malgré l’atteinte à la santé doit être déterminé par rapport à un marché du travail équilibré, caractérisé par un certain équilibre entre l’offre et la demande de main d’œuvre et qui comprend un éventail d’emplois diversifiés, y compris notamment des emplois de niche (art. 16 LPGA ; ATF 134 V 64 consid. 4.2.1 p. 70 s.). Les revenus statistiques ressortant de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) comprennent donc également un grand nombre d’activités légères, y compris des activités de contrôle simples.

La prise en compte du niveau de compétences 1 n’est pas contesté/contestable.,

En l’espèce, l’abattement sur le salaire statistique ne dépasse pas 10%. Selon le Tribunal fédéral, il n’est pas évident que d’autres facteurs influençant les revenus – qui en outre ne sont pas explicitement invoqués – seraient si graves que l’assurée devrait s’attendre à des effets négatifs sur le niveau des salaires. En particulier, il n’y a pas de circonstances spécifiques qui pourraient conduire à un abattement (plus élevé) en raison de son âge, née en 1968 (voir sur ce point l’arrêt 9C_470/2017 du 29 juin 2018 consid. 4.2). Cela est d’autant plus vrai que l’âge n’a pas nécessairement un effet négatif sur les activités de niveau de compétences 1, puisque le travail non qualifié est en principe demandé quel que soit l’âge sur le marché du travail hypothétiquement équilibré (cf. entre autres arrêts 8C_378/2019 du 18 décembre 2019 consid. 7.2.1 et 9C_535/2017 du 14 décembre 2017 consid. 4.6, non publié in ATF 143 V 431, mais in: SVR 2018 IV Nr. 20 S. 63).

 

Le Tribunal fédéral reconnait le droit de l’assurée à un quart de rente AI (fondé sur un taux d’invalidité de 45.3%) du 01.02.2018.

 

Le TF admet le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_765/2019 consultable ici

Proposition de citation : 9C_765/2019 (d) du 11.05.2020 – Revenu d’invalide – Âge pas nécessairement d’effet négatif sur les activités de niveau de compétences 1, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/06/9c_765-2019)

 

8C_95/2020 (d) du 14.05.2020 – Revenu d’invalide – 7 LPGA – 16 LPGA / Profil d’exigibilité – Limitations fonctionnelles – Exigibilité de la capacité résiduelle médico-théorique de travail sur le marché du travail (hypothétique) équilibré

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_95/2020 (d) du 14.05.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Revenu d’invalide / 7 LPGA – 16 LPGA

Profil d’exigibilité – Limitations fonctionnelles – Exigibilité de la capacité résiduelle médico-théorique de travail sur le marché du travail (hypothétique) équilibré

 

Assuré, né en 1960, transitaire, a été blessé au poignet droit dans un accident de moto en avril 1986. L’assuré a par la suite été engagé en mai 1990 comme poseur de façades. Le contrat a été résilié en raison de plaintes croissantes au poignet et d’une incapacité de travail. L’assurance-accidents a octroyé une rente d’invalidité basée sur un degré d’invalidité de 25% (arrêts du Tribunal fédéral U 204/97+U 205/97 du 2 septembre 1998). L’assurance-accidents a confirmé ce taux d’invalidité après deux procédures de révision (lettres des 28.04.2003 et 09.06.2007).

Après diverses procédures administratives et judiciaires, l’office AI a mis en œuvre une expertise pluridisciplinaire. L’office AI a rejeté la demande et a demandé à l’assuré de suivre une pharmacothérapie et/ou une psychothérapie antidépressive et, en ce qui concerne le syndrome de la douleur, un traitement polymodal.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 04.12.2019, admission (partielle) du recours par le tribunal cantonal, en ce sens qu’il a annulé la décision dans la mesure où le droit à la rente pour la période à partir de juin 2015 a été refusé. La cour cantonale a renvoyé la cause à l’administration pour qu’elle apporte des éclaircissements supplémentaires. En ce qui concerne la période allant jusqu’à la fin mai 2015, elle a rejeté le recours.

 

TF

Le facteur décisif pour l’utilisabilité de la capacité (résiduelle) de travail est le marché du travail équilibré (art. 7 al. 1 et art. 16 LPGA), qui se caractérise par un certain équilibre entre l’offre et la demande de main d’œuvre. La notion de marché équilibré du travail implique, d’une part, un certain équilibre entre l’offre et la demande de main d’œuvre et, d’autre part, un marché du travail structuré de telle sorte qu’il offre un éventail d’emplois diversifiés, tant au regard des exigences professionnelles et intellectuelles qu’au niveau des sollicitations physiques. On ne saurait se fonder sur des possibilités de travail irréalistes, ni subordonner la concrétisation des possibilités de travail et des perspectives de gain à des exigences excessives.

Cependant, plus l’exigibilité médicale est définie de manière restrictive, plus l’applicabilité sur le marché du travail général doit être clarifiée et prouvée. On ne peut parler d’une activité exigible, lorsqu’elle ne peut être exercée que sous une forme tellement restreinte qu’elle n’existe pratiquement pas sur le marché général du travail ou que son exercice suppose de la part de l’employeur des concessions irréalistes et que, de ce fait, il semble exclu de trouver un emploi correspondant (arrêt 9C_304/2018 du 5 novembre 2018 E. 5.1.1 avec références). En outre, bien qu’il soit en soi un facteur sans rapport avec l’invalidité, l’âge (avancé) peut, avec d’autres circonstances personnelles et professionnelles, conduire au fait que la capacité de gain résiduelle restant pour un assuré sur le marché du travail équilibré n’est plus exigible de manière réaliste (ATF 138 V 457 consid. 3.1 p. 460).

Dans le cas d’espèce, il ressort qu’on peut raisonnablement attendre de l’assuré qu’il effectue un travail exclusivement ou principalement en position assise et à hauteur de table avec les bras supérieurs qui y reposent ; les travaux impliquant le port de charges doivent être exécutées dans une proportion maximale de 10% en marchant ou en se tenant debout ainsi qu’occasionnellement la montée d’escaliers, d’escabeau ou d’échelles ; pas uniquement le travail sur ordinateur ; pas de maniement d’outils nécessitant l’utilisation du poignet ; pas de port et de soulèvement de charges de plus de 5 kg avec le bras droit ; pas de travaux au-dessus de la tête ou avec les deux bras en avant. Il existe également une limite de 10% pour le travail à l’extérieur dans l’humidité, le froid ou les courants d’air.

Le problème de la douleur a été suffisamment pris en compte dans le profil de l’exigibilité. Ni les limitations fonctionnelles retenues ni son âge (ni la durée d’activité restante ; cf. ATF 145 V 2 consid. 5.3.1 p. 16 ; 138 V 457 consid. 3.3 p. 461 s.) ne s’opposent à l’utilisation de la capacité (résiduelle) de travail sur le marché du travail (hypothétique) équilibré. Le tribunal cantonal a donc considéré à juste titre que l’assuré dispose d’un nombre suffisant d’emplois disponibles compte tenu de l’exigibilité prestations sur le marché du travail équilibré concerné. En particulier, les activités simples de surveillance, de vérification et de contrôle ainsi que les travaux d’assemblage léger ne nécessitent généralement pas une longue période d’adaptation ou de formation.

La question de savoir si le travail de gardien de musée ou de gardien de parking mentionné en première instance serait raisonnable peut être laissée ouverte. En tout état de cause, le tribunal cantonal n’a pas violé le droit fédéral en affirmant l’exigibilité de la capacité résiduelle médico-théorique de travail.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_95/2020 consultable ici

Proposition de citation : 8C_95/2020 (d) du 14.05.2020 – Revenu d’invalide, Profil d’exigibilité – Limitations fonctionnelles, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/06/8c_95-2020)

 

8C_88/2020 (d) du 14.04.2020 – Revenu sans invalidité supérieur au minimum CCT mais inférieur au revenu ESS – 16 LPGA / Pas de parallélisation

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_88/2020 (d) du 14.04.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Revenu sans invalidité supérieur au minimum CCT mais inférieur au revenu ESS / 16 LPGA

Pas de parallélisation

 

Assuré, né en 1962, monteur de matériel, est tombé en marchant le 27.07.2014 et s’est blessé à l’épaule gauche. L’assuré a été licencié le 16.03.2015.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié le droit à une rente d’invalidité en l’absence de perte de gain indemnisable.

 

Procédure cantonale

Concernant le revenu sans invalidité, la cour cantonale a retenu que le licenciement prononcé n’avait probablement pas été motivé par des raisons économiques, mais parce que l’assuré n’avait pas pu reprendre son travail en raison de l’accident et qu’un poste adapté au sein de l’entreprise n’avait pas été proposé. Le revenu à prendre en considération était donc celui qu’il aurait gagné dans l’entreprise dans laquelle il avait travaillé pendant plus de 20 ans, soit 61 750 CHF (13 x 4750 CHF). S’agissant du revenu d’invalide, l’instance cantonale s’est référée aux salaires statistiques (ESS). Contrairement à l’assurance-accidents, qui avait procédé à un abattement de 15% sur le revenu statistique, le tribunal cantonal n’a pas considéré qu’une déduction était justifiée. Selon la cour cantonale, il n’y a aucune raison de procéder à une parallélisation des revenus à comparer. Elle a ainsi conclu que la comparaison des deux revenus n’entraînait pas de perte de gain.

Par jugement du 19.12.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Dans le jugement contesté, le tribunal cantonal a déclaré que les circonstances étaient telles qu’il fallait partir du principe que l’assuré avait accepté volontairement le salaire perçu et que les conditions d’une augmentation de salaire n’étaient pas remplies. Ses revenus correspondaient alors aux conditions de la CCT dans l’industrie mécanique, électrique et métallurgique (MEM-Industrie) 2013-2018, selon lesquelles le salaire mensuel dans le canton de Berne était de 3600 CHF.

Compte tenu de cette situation de départ, le tribunal cantonal a estimé à juste titre qu’un revenu sans invalidité correspondant au salaire minimum prévu par la CCT ne pouvait pas être qualifié d’inférieur à la moyenne selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, même s’il était nettement inférieur au niveau de salaire ESS (cf. SVR 2018 UV Nr. 33 S. 115, 8C_759/2017 consid. 3.2.2 et les références). À cet égard, il n’est pas contraire au droit fédéral de se référer à une CCT régionale (cf. arrêt 8C_662/2019 du 26 février 2020 consid. 3.3).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_88/2020 consultable ici

Proposition de citation : 8C_88/2020 (d) du 14.04.2020 – Revenu sans invalidité supérieur au minimum CCT mais inférieur au revenu ESS, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/06/8c_88-2020)

 

9C_17/2020 (d) du 30.03.2020 – Parallélisation des revenus à comparer pour un indépendant – 16 LPGA / Examen de l’ensemble de la biographie professionnelle

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_17/2020 (d) du 30.03.2020

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Consultable ici

 

Parallélisation des revenus à comparer pour un indépendant / 16 LPGA

Examen de l’ensemble de la biographie professionnelle

 

Assuré, né en 1964, a travaillé pour la dernière fois comme gérant d’un café-bar (statut d’indépendant). Après avoir bénéficié d’une rente entière d’invalidité du 01.10.2008 au 31.03.2009 en raison d’une lésion traumatique au genou, il a déposé une nouvelle demande AI en décembre 2014, invoquant une maladie diagnostiquée au printemps 2014. L’office AI a clarifié le statut de l’emploi et a réalisé une expertise pluridisciplinaire. Octroi d’une rente entière du 01.06.2015 au 31.03.2017. Dès le 01.04.2017, l’administration a refusé le droit à une rente (degré d’invalidité : 34 %).

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale s’est référée (implicitement) à l’évaluation des experts psychiatres, selon laquelle il était évident que l’assuré avait souffert, au début de sa vie adulte, d’un trouble de la personnalité ; il avait développé un manque d’orientation et une attitude négative envers ses parents et la société, ce qui s’était traduit par une consommation précoce d’alcool et de drogues, des comportements délinquants graves répétés ainsi qu’une peine de deux ans de prison. Dans ce contexte, le tribunal cantonal a estimé que, compte tenu de la biographie de l’assuré, on ne pouvait pas dire que celui-ci s’était contenté volontairement d’un revenu modeste. Les juges cantonaux ont ainsi procédé à une parallélisation des revenus à comparer.

Par jugement du 22.10.2019, admission du recours par le tribunal cantonal et octroi d’un quart de rente d’invalidité dès le 01.04.2017.

 

TF

L’assuré a probablement obtenu le revenu le plus élevé de sa carrière en travaillant pour le National Zeitung. Toutefois, le recours ne permet pas de déterminer dans quelle mesure il ne s’agit pas d’un événement exceptionnel, d’autant plus que même les revenus annuels qui y ont été réalisés étaient inférieurs à la moyenne (pour 1994 : revenus inscrit au compte individuel : 53 132 francs ; moyenne statistique, adaptée à la durée hebdomadaire habituelle de travail de l’entreprise : 61 264 francs) [ESS 1994, TA 1.1.1, niveau d’exigence 4, hommes, papier et papeterie : Fr. 4909.- x 12 = Fr. 58’908.- x 41,6 /40]). L’évolution des salaires documentée depuis la fin de l’apprentissage de coiffeur de deux ans en 1983 n’est pas du tout constante. En fait, l’extrait du compte individuel ne montre pratiquement que des revenus nettement inférieurs à ceux obtenu au National Zeitung. Cela vaut surtout pour la période suivant immédiatement l’achèvement de la formation professionnelle (1984 : Fr. 342 ; 1985 : Fr. 3236 ; 1986 : Fr. 3000 ; 1987 : Fr. 3000 et Fr. 544), mais aussi en ce qui concerne les dernières inscriptions enregistrées avant que l’assuré ne prenne un emploi de serveur et de gérant adjoint dans le café-bar repris par la suite (2002 : Fr. 7623 ; 2003 : Fr. 8307).

En outre, l’emploi au National Zeitung a pris fin en 1997, soit environ dix-sept ans avant que l’incapacité de travail en question ne survienne au printemps 2014, et rien n’indique que l’assuré aurait renoncé à cette activité parce qu’il se contentait volontairement d’un revenu inférieur. On ne peut pas non plus dire, en ce qui concerne l’ensemble de la biographie professionnelle, qu’il aurait pu – comme le prétend l’office AI – obtenir un emploi « normalement » rémunéré dans divers domaines, alors qu’il n’avait à aucun moment pu prendre pied dans sa profession apprise de coiffeur. Enfin, la juridiction cantonale a tenu compte du fait que les facteurs intervenant dans la parallélisation des revenus ne doivent pas être repris dans le cadre de l’abattement sur le salaire statistique (ici : 15 %).

La juridiction cantonale était autorisée à procéder à une parallélisation des revenus sans enfreindre la loi.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_17/2020 consultable ici

Proposition de citation : 9C_17/2020 (d) du 30.03.2020 – Parallélisation des revenus à comparer pour un indépendant – Examen de l’ensemble de la biographie professionnelle, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/05/9c_17-2020)

 

8C_828/2019 (d) du 17.04.2020 – Automutilation (Artefakt) – Trouble factice – 37 al. 1 LAA / Assuré subissant plusieurs amputations chirurgicales de la main / Examen du lien de causalité adéquate entre l’accident initial [moyen à la limite des cas de peu de gravité] et les troubles psychiques – 6 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_828/2019 (d) du 17.04.2020

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi.

 

Consultable ici

 

Automutilation (Artefakt) – Trouble factice / 37 al. 1 LAA

Assuré subissant plusieurs amputations chirurgicales de la main

Examen du lien de causalité adéquate entre l’accident initial [moyen à la limite des cas de peu de gravité] et les troubles psychiques / 48 OLAA

 

Assuré, né en 1971, employé par une entreprise d’horticulture, a glissé le 18.09.2012 avec une tronçonneuse pendant des travaux de jardinage et s’est coupé au niveau du majeur de la main gauche. Il a subi une coupure du tendon extenseur au niveau de l’articulation IPP, qui a été traitée chirurgicalement le même jour par une suture du tendon extenseur et une arthrodèse temporaire.

Six semaines après l’opération, une infection est apparue. Les 06.11.2012 et 16.11.2012, des révisions chirurgicales ont eu lieu à l’hôpital, qui ont rapidement conduit à une réduction des symptômes.

Dans la suite du traitement, l’assuré s’est plaint à plusieurs reprises de douleurs s’étendant aux autres doigts et jusqu’à l’épaule. A plusieurs reprises, des rougeurs et des tuméfactions ont été constatés ou des infections suspectées. Cela a donné lieu à de nombreuses autres interventions chirurgicales, qui n’ont toutefois apporté aucune amélioration des plaintes et des symptômes ou seulement à court terme. En particulier, le 08.08.2013, le majeur gauche de l’assuré a été amputé au niveau de la base de la phalange puis, en raison de la persistance des plaintes, il a été procédé le 22.11.2013 à une « désarticulation » de l’articulation métacarpo-phalangienne [MCP] du majeur.

Le 15.04.2014, l’assuré a subi une révision de plaie et une amputation du 3e métacarpien dans une clinique à Belgrade. L’assurance-accidents a pris en charge cette opération à titre exceptionnel et sans préjudice. Le 18.08.2014, l’assuré a été amputé de l’index gauche, y compris du métacarpien, à Belgrade. Le 25.04.2016, l’assuré a subi l’amputation du pouce de la main gauche, toujours à Belgrade.

L’assurance-accidents a mis en œuvre une expertise pluridisciplinaire. D’un point de vue psychiatrique, le diagnostic présumé est celui d’un trouble factice. Les experts ont considéré que l’automutilation de la part de l’assuré était vraisemblable.

Par décision confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a retenu que l’assuré s’était automutilé. En excluant cette automutilation, la stabilisation de l’état de santé avait été atteint à la mi-mars 2014 au plus tard. L’assurance-accidents a nié le droit aux prestations à compter du 01.04.2014. Une IPAI de 6% a été octroyée pour les seules séquelles de l’accident. Le droit à la rente a été refusé. L’assurance-accidents a, en outre, réclamé le remboursement des indemnités journalières indûment versées depuis le 01.04.2014, soit un total de de CHF 105’955.80.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a classifié l’accident, au cours duquel seul un doigt a été blessé, comme un événement de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité. Pour qu’on puisse admettre le caractère adéquat de l’atteinte psychique, il faut un cumul de quatre critères au moins parmi les sept consacrés par la jurisprudence ou que l’un des critères se manifeste avec une intensité particulière.

Les juges cantonaux ont estimé que la douleur prétendument persistante de l’assuré ne pouvait être attribuée à aucune cause organique. En particulier, un syndrome douloureux régional complexe (SDRC [complex regional pain syndrome – CRPS en anglais]) a été exclu. Le rapport sur le plan orthopédique et traumatologique énumère certaines majorations des symptômes et discrépances ; l’évolution des troubles est décrite comme étant caractérisée par une escalade difficile à expliquer, commençant par une lésion relativement simple et se terminant par de multiples mutilations de la main gauche. Le critère des douleurs physiques [organiques] persistantes n’ayant pu être déterminé de manière suffisamment objective, les critères de la durée anormalement longue du traitement médical, des difficultés apparues au cours de la guérison, des erreurs dans le traitement médical ou du degré et de la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques ne pouvaient être liés aux prétendues persistantes douleurs. Tout au plus, les deux autres critères (circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident et la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu’elles sont propres, selon l’expérience, à entraîner des troubles psychiques) pourraient être retenus, de sorte que le lien de causalité adéquate doit être nié.

La juridiction cantonale a relevé qu’un grand nombre de rapports de sortie (de l’hôpital helvétique et des cliniques de Belgrade) ont attesté que les lésions avaient guéri sans complications après les opérations respectives. Le processus de guérison initialement sans problème est plus susceptible d’indiquer que les complications qui se sont produites à plusieurs reprises par la suite étaient dues à la « sphère d’action » [Handlungssphäre] de l’assuré. L’expert en orthopédie-traumatologie s’est également référé à des photographies datant du 31.05.2015, sur la base desquelles un « œdème de choc/de coups » [Klopferödem] ou l’effet de substances nuisibles pour la peau ne pouvait être exclu. En outre, les médicaments prescrits (y compris les analgésiques) n’ont pas pu être détectés dans le sérum sanguin lors de l’expertise médicale, ce qui est en contradiction avec le niveau de souffrance déclaré. Dans l’ensemble, les experts n’ont pas prouvé l’automutilation mais l’ont retenu au degré de la vraisemblance prépondérante.

Par jugement du 29.10.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Si l’assuré a provoqué intentionnellement l’atteinte à la santé ou le décès, aucune prestation d’assurance n’est allouée, sauf l’indemnité pour frais funéraires (art. 37 al. 1 LAA). Même s’il est prouvé que l’assuré entendait se mutiler ou se donner la mort, l’art. 37 al. 1 LAA n’est pas applicable si, au moment où il a agi, l’assuré était, sans faute de sa part, totalement incapable de se comporter raisonnablement, ou si le suicide, la tentative de suicide ou l’automutilation est la conséquence évidente d’un accident couvert par l’assurance (art. 48 OLAA).

L’art. 48 OLAA présuppose un lien de causalité naturelle et adéquate entre l’accident et le suicide, la tentative de suicide ou l’automutilation, les critères relatifs aux suites psychogènes d’un accident (ATF 115 V 133) devant être appliqués pour l’examen de la causalité adéquate (ATF 120 V 352 consid. 5b p. 355 ss). Le caractère adéquat du lien de causalité suppose, par principe, que l’événement accidentel ait eu une importance déterminante dans le déclenchement des troubles psychiques. Il faut décider, sur la base de critères désignés comme pertinents par la jurisprudence, si le lien de causalité adéquate peut être retenu (ATF 120 V 352 consid. 4b p. 354 ; cf. également arrêt U 306/03 du 15 novembre 2004 consid. 2.4). Les critères du lien de causalité adéquate doivent être examinés abstraction faite des troubles psychiques (ATF 140 V 356 consid. 3.2 p. 359). Il n’est pas nécessaire que le comportement de l’assuré soit la seule cause déterminante du risque assuré, il suffit qu’il en soit la cause partielle (ATF 97 V 226 consid. 1c p. 230). Cela étant, il n’est pas nécessaire que l’accident ait été causé par l’assuré. Son comportement doit cependant avoir été à l’origine d’une aggravation des conséquences de l’accident (ATF 121 V 45 consid. 3c p. 50 ; 109 V 150 consid. 3b p. 153 s. ; KASPAR GEHRING, in: Hürzeler/Kieser [Hrsg.], UVG, 2018, N. 14 ad Art. 37 UVG).

Selon l’art. 37 al. 1 LAA, l’automutilation et le suicide supposent un acte intentionnel. Le dol éventuel suffit (ATF 143 V 285 consid. 4.2.4 p. 294). La preuve d’un acte volontaire est souvent difficile à rapporter et l’on appliquera à cet égard la règle de la vraisemblance prépondérante (arrêt 8C_663/2009 du 27 avril 2010 consid. 2.4 et les références). La présomption fondée sur l’instinct de survie de l’être humain selon laquelle, en cas de doute, la mort est due à un acte involontaire et donc à un accident ne vaut toutefois pas en cas d’automutilation (cf. arrêts 8C_591/2015 du 19 janvier 2016 consid. 3.1 ; 8C_663/2009 du 27 avril 2010 consid. 2.3 et 2.4).

Bien que l’expert psychiatre ait mentionné que l’assuré ne s’est pas ouvert à lui, de sorte qu’il n’a pas pu prouver le diagnostic d’un trouble factice, de nombreux éléments indiquent que tel est le cas. Selon l’expert psychiatre, la cause de l’automutilation peut non seulement être un trouble factice (c’est-à-dire un comportement pathologique, seulement partiellement conscient), mais aussi un comportement conscient et intentionnel. Selon l’expert, il n’y a pas non plus d’indices d’une restriction de la capacité de discernement qui pourrait éventuellement exclure l’application de l’art. 37 al. 1 LAA.

Bien que ne le disant pas expressément, le Tribunal fédéral retient comme vraisemblable l’automutilation.

S’agissant du lien de causalité adéquate entre l’accident et les troubles psychiques [examen en lien avec l’art. 48 OLAA], le Tribunal fédéral rejette les allégations et griefs de l’assuré à l’encontre du jugement cantonal.

Pour déterminer le moment à partir duquel la douleur évoquée ne doit plus être considérée comme suite de l’accident mais comme conséquence de l’automutilation, le tribunal cantonal a fondé sa décision sur l’évaluation du médecin-conseil, spécialiste en chirurgie. Ce dernier a déclaré qu’après le débridement des examens bactériologiques ont été effectués le 21.02.2014. Il n’y a eu aucune infection et aucun signe d’inflammation peropératoire n’avait été observé. La stabilisation de l’état de santé est donc atteinte deux à trois semaines après cette opération.

Le Tribunal fédéral rejette les griefs de l’assuré à l’encontre du jugement cantonal sur ce point également.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_828/2019 consultable ici

Proposition de citation : 8C_828/2019 (d) du 17.04.2020 – Automutilation (Artefakt) – Trouble factice, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/05/8c_828-2019)

 

8C_261/2019 (d) du 08.07.2019 – Troubles psychiques – Causalité naturelle et adéquate – 6 LPGA / Examen de l’invalidité – 8 al. 1 LPGA – 18 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_261/2019 (d) du 08.07.2019

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Consultable ici

 

Troubles psychiques – Causalité naturelle et adéquate / 6 LPGA

Examen de l’invalidité / 8 al. 1 LPGA – 18 LAA

 

Assurée, née en 1963, employée de commerce dans une fondation, a été victime d’un accident de la circulation. La force de la collision lui a fait cogner la tête contre la vitre latérale de sa voiture. Après le remorquage de la voiture, l’assuré a pris le train pour se rendre au travail. Une première consultation médicale a eu lieu le jour suivant. Son médecin traitant, spécialiste en médecine générale, a diagnostiqué un TCC léger, une distorsion de la colonne cervicale et diverses contusions ; il a attesté une incapacité de travail à 50% à partir du 11.02.2015.

Le 14.11.2017, l’assurance-accidents a mis un terme à l’allocation des prestations rétroactivement au 01.09.2016, en se basant notamment sur l’évaluation du dossier par son médecin-conseil, spécialiste en neurologie. L’assurance-accidents a renoncé au remboursement des prestations octroyées au-delà du 22.08.2017. L’opposition de l’assurée a été rejetée.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a estimé qu’au 01.09.2016, date de la fin des prestations, aucune amélioration significative de l’état de santé ne devait être attendue par la poursuite du traitement médical, de sorte que l’assurance-accidents a eu raison de clore l’affaire. En ce qui concerne les troubles à la colonne cervicale, elle a nié, sur la base de la jurisprudence relative au coup du lapin (ATF 134 V 109), un lien de causalité adéquate entre l’accident et une (éventuelle) incapacité de travail pour les troubles évoqués au-delà du 01.09.2016.

En l’absence de lien de causalité adéquate, le tribunal cantonal aurait pu laisser ouverte la question d’un lien de causalité naturelle (ATF 135 V 465 consid. 5.1 p. 472). Néanmoins, les juges cantonaux l’ont examinée et ont constaté que les troubles n’étaient plus « accidentels », mais de nature dégénérative, à compter du 01.09.2016.

Par jugement du 14.03.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

En principe, l’octroi de prestations au titre de l’assurance accidents obligatoire présuppose un accident professionnel, un accident non professionnel ou une maladie professionnelle (art. 6 al. 1 LAA). Toutefois, l’assureur accidents n’est responsable des atteintes à la santé que dans la mesure où celles-ci présentent un lien de causalité non seulement naturelle mais aussi adéquat avec l’événement assuré (ATF 142 V 435 consid. 1 p. 438 ; 129 V 177 consid. 3 p. 181). L’adéquation – en tant que limitation légale de la responsabilité de l’assureur-accidents résultant du lien de causalité naturelle – est pratiquement sans importance dans le domaine des lésions traumatiques objectivables d’un point de vue organique, car ici la causalité adéquate coïncide largement avec la causalité naturelle (ATF 134 V 109 consid. 2 p. 111 s. ; 127 V 102 consid. 5b/bb p. 103).

Sont considérés comme objectivables les résultats de l’investigation (médicale) susceptibles d’être confirmés en cas de répétition de l’examen, lorsqu’ils sont indépendants de la personne de l’examinateur ainsi que des indications données par le patient. Ainsi, on ne peut parler de lésions traumatiques objectivables d’un point de vue organique que lorsque les résultats obtenus sont confirmés par des investigations réalisées au moyen d’appareils diagnostiques ou d’imagerie et que les méthodes utilisées sont reconnues scientifiquement (ATF 138 V 248 consid. 5.1 p. 251 ; arrêt 8C_387/2018 du 16 novembre 2018 consid. 3.3). Si les troubles en cause sont en lien de causalité naturelle avec l’accident, mais non objectivement prouvés, l’évaluation de l’adéquation doit se fonder sur le cours ordinaire des choses et, le cas échéant, d’autres critères liés à l’accident doivent être inclus (ATF 134 V 109 consid. 2.1 p. 111 s.).

Si la personne assurée a subi un accident qui justifie l’application de la juridiction du coup du lapin, les critères spécifiés par l’ATF 134 V 109 consid. 10 p. 126 ss sont déterminants à cet égard. Si cette jurisprudence n’est pas applicable, les critères d’adéquation développés pour les troubles psychiques consécutifs à un accident (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140) doivent être appliqués (ATF 134 V 109 consid. 2.1 p. 111 s.). Si le lien de causalité avec l’accident est retenu, les critères développés dans l’ATF 130 V 352 puis 141 V 281 doivent être appliqués par analogie pour évaluer l’effet invalidant d’une lésion spécifique de la colonne cervicale sans déficit fonctionnel organique objectivable (voir ATF 141 V 574 ; selon l’ancienne jurisprudence : ATF 136 V 279 consid. 3.2.3 p. 283 en lien avec 141 V 281 consid. 4.2 p. 298).

Tous les troubles à la santé psychiques doivent être soumis à une procédure structurée conformément à l’ATF 141 V 281 (ATF 143 V 418) en ce qui concerne leurs effets sur les capacités. Pour des raisons d’égalité juridique, cela s’applique également – et indépendamment de leur caractère éventuellement organique – à l’évaluation de l’effet invalidant d’une lésion spécifique de la colonne cervicale sans déficit fonctionnel organique objectivable (voir ATF 141 V 574 ; voir déjà 136 V 279 consid. 3.2.3 p. 283, toujours dans le cadre de la pratique alors en vigueur de la surmontabilité selon ATF 130 V 352).

Contrairement à l’assurance-invalidité, régie par principe de la finalité, qui est axée sur l’évaluation de l’impact des atteintes à la santé, l’assurance-accidents présuppose l’existence d’un lien de causalité naturelle (dans le cas d’atteinte à la santé organique non objectivable, cf. ATF 138 V 248 consid. 4 p. 251) et adéquate entre ces derniers et l’accident.

Le lien de causalité (art. 6 al. 1 LAA) et la limitation de gain ou l’invalidité (art. 8 al. 1 LPGA en lien avec l’art. 18 LAA) représentent des conditions « de qualification » [Anspruchsvoraussetzungen] différentes et impliquent des questions complètement différentes avec des besoins de clarification ou d’examen différents. Ainsi, le Tribunal fédéral a récemment jugé que la procédure d’examen selon l’ATF 141 V 281 n’est pas conçue pour apporter la preuve d’un lien de causalité naturelle (arrêt 8C_181/2019 du 2 mai 2019 consid. 5.2). Par conséquent, l’examen de l’adéquation purement normatif, fondé sur des critères, poursuit un objectif différent – à savoir celui de limiter la responsabilité – de l’évaluation des répercussions fonctionnelles fondée sur une évaluation normative et structurée. Cela ne change rien au fait que des éléments de fait partiellement identiques sont pris en compte et que certains chevauchements peuvent apparaître avec des critères et indicateurs individuels (voir Thomas Gächter, Funktion und Kriterien der Adäquanz im Sozialversicherungsrecht, Personen-Schaden-Forum 2016, p. 36 ss). Donc, si le fait de nier le lien de causalité naturelle et adéquate signifie que cette condition préalable essentielle aux prestations fait déjà défaut, il n’est pas nécessaire de procéder à l’évaluation des répercussions fonctionnelles (voir ATF 141 V 574 consid. 5.2 p. 582 ; Kaspar Gehring, in Frey/Mosimann/Bollinger [Hrsg.]: AHVG-IVG, 2018, N. 58 ad Art. 4 ATSG).

Dès lors que l’instance cantonale a nié à la fois le lien de causalité naturelle et le lien de causalité adéquate, on ne peut objecter qu’elle n’a pas examiné plus avant l’existence d’une invalidité.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_261/2019 consultable ici

Proposition de citation : 8C_261/2019 (d) du 08.07.2019 – Troubles psychiques – Causalité naturelle et adéquate, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/05/8c_261-2019)

 

8C_22/2019 (d) du 24.09.2019 [publié aux ATF 146 V 51] – arrêt traduit – Statu quo sine vel ante pour un accident ayant occasionné une lésion assimilée / Rappel historique et jurisprudentiel de la lésion assimilée à un accident – 9 al. 2 OLAA / Lésion assimilée selon le nouveau droit – Interprétation du nouvel art. 6 al. 2 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_22/2019 (d) du 24.09.2019, publié aux ATF 146 V 51

 

NB : traduction personnelle, seul le texte de l’arrêt fait foi. L’arrêt du TF est fort complet, reprenant en détails la notion de la lésion assimilée selon l’ancien et le nouveau droit. Au vu de l’importance de l’arrêt dans la pratique quotidienne, nous le traduisons dans sa quasi-totalité.

 

Arrêt 8C_22/2019 consultable ici

ATF 146 V 51 consultable ici

 

Statu quo sine vel ante pour un accident ayant occasionné une lésion assimilée / 4 LPGA – 6 al. 1 LAA – 6 al. 2 LAA

Rappel historique et jurisprudentiel de la lésion assimilée à un accident / 9 al. 2 OLAA

Lésion assimilée selon le nouveau droit – Interprétation du nouvel art. 6 al. 2 LAA

 

Assuré, né en 1956, employé de montage depuis 1979, s’est cogné le genou intérieur droit sur une plate-forme de levage le 04.05.2017. L’IRM réalisée le 11.05.2017 a révélé une déchirure horizontale de la corne postérieure du ménisque interne, une chondropathie du 3e au 4e degré dans le compartiment médian et des lésions cartilagineuses au-dessus de la trochlée fémorale et du plateau tibial latéral. Le spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur traitant a ensuite une infiltration corticoïde intra-articulaire. Lors de la consultation du 06.06.2017, il a été provisoirement mis fin au traitement, en l’absence de plainte. L’assurance-accidents a octroyé les prestations légales (traitement médical).

En raison d’une nouvelle douleur au genou droit, le traitement médical a été repris le 09.01.2018. Le chirurgien orthopédique traitant a réalisé une arthroscopie du genou avec méniscectomie partielle de la corne postérieure interne et lissage du cartilage du condyle fémoral interne le 11.01.2018.

Par courrier du 14.02.2018, l’assurance-accidents a informé l’assuré qu’elle procéderait à des investigations complémentaires quant à son obligation de verser des prestations.

Sur la base du rapport rédigé par le médecin-conseil, l’assurance-accidents a mis un terme aux prestations au 31.12.2017, les conséquences de l’accident ayant guéri après six à douze semaines en cas d’ecchymose et les plaintes au-delà n’étant très probablement pas attribuables à l’événement du 04.05.2017.

Dans sa décision d’opposition confirmant la décision, l’assurance-accidents a déclaré qu’il était hautement probable que l’événement du 04.05.2017 n’avait pas entraîné de lésions structurelles, mais seulement une contusion au genou, c’est-à-dire un symptôme douloureux temporaire, et que le statu quo sine a été atteint au plus tard après douze semaines. Pour ce faire, elle s’est essentiellement appuyée sur l’appréciation du médecin-conseil, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, selon laquelle l’événement du 04.05.2017 n’avait pas été approprié pour réaliser la pathologie qui avait justifié l’indication opératoire du 11.01.2018. Les modifications dégénératives du ménisque interne et du cartilage prouvées par l’IRM ne sont vraisemblablement pas susceptibles d’être accidentelles. Seul un impact direct de l’articulation du genou s’était produit ; il n’y a pas eu de distorsion. Il est en outre précisé que le chirurgien traitant avait initialement facturé les consultations depuis début 2018 à la caisse-maladie. Etant donné qu’un événement accidentel s’est produit au sens juridique du terme, l’obligation de verser des prestations au sens de l’art. 6 al. 2 let. c LAA ne devait pas être examinée. Selon l’assurance-accidents, si les conséquences d’un accident se sont éteintes, il n’y a pas de responsabilité subsidiaire au sens de l’art. 6 al. 2 LAA pour les mêmes dommages pour la santé. Les deux dispositions servent à protéger les personnes accidentées. Toutefois, il s’agit de dispositions complémentaires et non congruentes/concordantes.

 

Procédure cantonale

Après avoir examiné les dossiers médicaux, le tribunal cantonal est parvenu à la conclusion que les douleurs au genou étaient manifestement dues (plus de 50%) à l’usure ou à la maladie.

Par jugement du 12.11.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Fin aux prestations avec effet ex nunc et pro futuro

L’assurance-accidents peut mettre fin aux prestations temporaires avec effet ex nunc et pro futuro sans invoquer un motif de révision ou de reconsidération, par exemple en faisant valoir qu’il n’y a pas d’événement assuré selon une appréciation correcte de la situation (ATF 130 V 380 consid. 2.3.1 p. 384) ou que le lien de causalité entre l’accident et l’atteinte à la santé donnant droit à ces prestations était éteint (arrêt 8C_155/2012 [erreur de citation dans l’arrêt] du 9 janvier 2013 consid. 6.1). Une telle suppression peut également être rétroactive si, comme c’est le cas en l’espèce, l’assureur-accidents ne souhaite pas demander le remboursement des prestations (arrêt 8C_487/2017 du 9 novembre 2017 en référence à l’ATF 133 V 57 consid. 6.8 p. 65).

 

Causalité naturelle d’une lésion du ménisque

Lorsqu’un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l’assurance-accidents d’allouer des prestations cesse si l’accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement des causes étrangères à l’accident. Tel est le cas lorsque l’état maladif antérieur est revenu au stade où il se trouvait avant l’accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire (statu quo sine) (SVR 2011 UV N° UVR. 4 p. 12, 8C_901/2009 consid. 3.2 ; arrêt 8C_269/2016 du 10 août 2016 consid. 2.4 ; RAMA 1994 n° U 206 p. 328, U 180/93 consid. 3b et les références). L’extinction du lien de causalité doit être établie au degré de la vraisemblance prépondérante requis dans le domaine de la sécurité sociale. Puisqu’il s’agit d’une question de fait à l’encontre d’un dommage, la charge de la preuve – à la différence de la question de savoir si un lien de causalité naturel est établi – ne repose pas sur la personne assurée, mais sur l’assureur accident (RAMA 2000 n° U 363 p. 46 consid. 2 [U 355/98] et les références).

Le tribunal cantonal a considéré que le médecin-conseil avait conclu que l’accident du 04.05.2017 n’avait pas été de nature à provoquer une déchirure du ménisque. L’IRM du 11.05.2017 a objectivé des altérations dégénératives, c’est-à-dire une dégénérescence mucoïde notable du ménisque interne. Par ailleurs, une lésion traumatique du ménisque interne est rare. En outre, la rupture du ménisque a été décrite comme étant horizontale, ce qui suggère également une cause dégénérative. La cour cantonale a ainsi nié l’existence d’un lien de causalité naturel entre l’événement du 04.05.2017 et les douleurs au genou dont se plaignait l’assuré au-delà du 31.12.2017, c’est-à-dire également en ce qui concerne la rupture du ménisque diagnostiquée. Selon le Tribunal fédéral, il n’y a pas lieu de s’y opposer. L’événement n’a eu qu’un impact direct sur l’articulation du genou. En revanche, il n’y a pas eu de distorsion ; ceci est confirmé par le rapport médical du premier médecin-traitant qui décrit l’accident comme une contusion du genou droit. Dans ses rapports, le chirurgien traitant a énuméré un état après contusion du genou droite parmi les diagnostics. Il a également facturé le cas par le biais de la caisse-maladie. Il a également coché « maladie » dans la prescription de physiothérapie. Apparemment, la causalité d’un accident n’a été discutée que lorsque l’employeur de l’assuré est intervenu auprès du chirurgien traitant et a demandé que les certificats du médecin soient changés en « accident ».

En outre, on peut supposer une importante altération dégénérative antérieure. Une semaine après l’accident l’IRM a objectivé une dégénérescence mucoïde distincte du « pars intermedia » du ménisque interne ainsi qu’une chondropathie de grade 3-4. Le cartilage du compartiment médial a été décrit comme partiellement absent et notablement aminci. Le 22.05.2017, le chirurgien traitant a diagnostiqué une lésion du ménisque interne et une lésion du cartilage du 3ème au 4ème degré. L’arthroscopie réalisée le 11.01.2018 a également révélé des modifications dégénératives importantes du compartiment médian. Dans ce contexte, il est compréhensible que le médecin-conseil ait supposé une aggravation simplement temporaire d’une altération dégénérative antérieure.

En conclusion, l’accident du 04.05.2017 a entraîné une ecchymose au genou avec aggravation temporaire d’un état dégénératif antérieur, l’état antérieur étant rétabli au plus tard après douze semaines.

 

Statu quo sine vel ante pour un accident ayant occasionné une lésion assimilée

Notion de lésion assimilée selon l’ancien droit (consid. 7)

Sous l’ancienne LAMA, la Suva a inventé l’expression « lésion à caractère accidentel » et, sous ce titre, a fourni volontairement des prestations pour certains dommages physiques à la santé (sur ce point et les suivants : ALFRED BÜHLER, Die unfallähnliche Körperschädigung, in: SZS 1996 Nr. 2 p. 83 s.; cf. aussi ALFRED MAURER, Recht und Praxis der schweizerischen obligatorischen Unfallversicherung, 2. Aufl. 1963, p. 99 s.; le même, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, 1985, p. 201). Il s’agissait de dommages à la santé qui, bien que soudains et donc considérés comme accidentels, ne remplissaient pas toutes les caractéristiques du terme accident en raison de l’absence d’un facteur extraordinaire. En détail, il s’agissait de déchirures musculaires, de lésions du ménisque, de déchirures des tendons et de fractures osseuses survenues soudainement, mais dans le cadre d’un effort normal ou d’une activité sportive qui n’a été perturbée par aucune mouvement non programmé (Programmwidrigkeit). Dans la pratique administrative de la Suva, un groupe aussi étroitement limité de blessures subites, qui ne pouvaient pas être qualifiées juridiquement d’accidents mais qui ne pouvaient pas non plus être facilement qualifiées de maladies du point de vue médical, étaient traitées de la même manière que les accidents et indemnisées (volontairement) comme telles. La condition préalable, cependant, était que toute influence causale, même partielle, d’un état pathologique antérieur puisse être exclue.

La pratique administrative de la Suva devait être légalisée par la réorganisation de l’assurance accident sociale et transposée dans la nouvelle loi. Afin de permettre une adaptation flexible aux besoins pratiques, l’art. 6 al. 2 LAA confère au Conseil fédéral le pouvoir d’inclure dans l’assurance des lésions corporelles qui sont semblables aux conséquences d’un accident. Cette délégation de pouvoir a été utilisée par le Conseil fédéral à l’art. 9 al. 2 OLAA. Cette disposition contient, d’une part, une définition juridique des lésions corporelles assimilées à un accident et, d’autre part, une liste (exhaustive) des lésions corporelles assimilées à un accident.

En conséquence, le Tribunal fédéral des assurances a supposé qu’à l’exception du facteur extérieur de caractère extraordinaire, toutes les caractéristiques du terme « accident » doivent également être remplies dans le cas des lésions énumérées à l’art. 9 al. 2 OLAA. Pour que l’assurance-accidents soit soumise à l’obligation de verser des prestations, un événement soudain, dommageable et involontaire doit donc survenir (ATF 114 V 298 consid. 3b p. 300). La lésion qui s’est produite exclusivement à la suite d’un processus pathologique n’a pas pu être reconnue comme un dommage similaire à un accident. […] Il est essentiel qu’un événement soudain, par exemple un mouvement violent ou une levée soudaine d’un squat, provoque l’une des lésions mentionnées à l’art. 9 al. 2 lit. a-h OLAA. En termes de temps également, ce moment causant des lésions corporelles doit être considéré comme un « événement accidentel ». En l’absence d’un tel événement immédiat, et si la lésion est plutôt due à des microtraumatismes répétés dans la vie quotidienne, qui provoquent une usure progressive, qui finit par atteindre l’ampleur des lésions nécessitant un traitement, il n’y a pas d’accident mais une maladie.

De l’ATF 123 V 43, on peut déduire que, dans le cas des lésions mentionnées à l’art. 9 al. 2 lit. a-h OLAA, un effet externe dommageable doit être ajouté, au moins dans le sens d’un facteur de déclenchement, aux causes pathologiques ou dégénératives (préexistantes ou dominantes) pour qu’il y ait une lésion assimilée à un accident (consid. 2b avec référence à l’ATF 116 V 145 consid. 2c p. 45 ; 114 V 298 consid. 3c p. 301). Une déchirure de la coiffe des rotateurs peut donc être incluse dans les déchirures des tendons visées à l’art. 9 al. 2 lit. f OLAA, à condition qu’à l’exception du facteur extérieur extraordinaire, les [autres] caractéristiques de la notion d’accident soient respectées.

Avec l’ATF 129 V 466, le Tribunal fédéral des assurances s’est conformé à l’exigence du facteur extérieur – également selon la version de l’art. 9 al. 2 OLAA en vigueur au 1er janvier 1998. […] L’ancien TFA a rappelé que la condition préalable à une cause extérieure, c’est-à-dire un événement similaire à un accident, externe au corps humain, susceptible d’être constaté de manière objective et qui présente une certaine importance, revêtait ici une importance particulière. En l’absence d’une telle cause extérieure, fût-ce comme simple facteur déclenchant des lésions corporelles énumérées à l’art. 9 al. 2 lit. a-h OLAA, il y a une lésion corporelle manifestement imputable à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs. Cette approche, sur laquelle se fonde déjà l’ATF 123 V 43, est tout à fait compatible avec la notion d’assurance-accidents obligatoire et sa différenciation par rapport à l’assurance maladie […]. Le Tribunal fédéral des assurances a rejeté l’argument de l’OFAS en faveur de l’abandon de l’exigence de l’influence extérieure. Une telle renonciation ne tiendrait pas compte de la « similitude requise des accidents », car les cas liés à la maladie ou à des phénomènes dégénératifs, dans lesquels l’assureur-accidents ne pourrait apporter une preuve médicale, seraient couverts par l’assurance accident (ATF 129 V 466 consid. 3 p.468).

Depuis lors, le Tribunal fédéral soutient qu’en cas de lésions corporelles assimilées à un accident au sens de l’art. 9 al. 2 OLAA, à l’exception du caractère « extraordinaire » de la cause extérieure, toutes les autres conditions constitutives de la notion d’accident doivent être réalisées (cf. art. 4 LPGA) (ATF 143 V 285 consid. 2.3 p. 288 ; 139 V 327 consid. 3.1 p. 328). Le préjudice peut également être causé par les mouvements du corps, mais l’apparition de douleurs n’est pas considérée comme un facteur extérieur au sens de la jurisprudence de l’art. 9 al. 2 OLAA. Tel n’est pas le cas lorsque la personne assurée identifie (pour la première fois) l’apparition de la douleur sans qu’interfère un phénomène extérieur reconnaissable. La notion de cause extérieure présuppose qu’un événement générant un risque de lésion accru survienne. Lorsqu’un tel événement n’a pas eu lieu, même s’il ne constitue qu’un déclencheur d’une atteinte à la santé visée à l’art. 9 al. 2 let. a-h OLAA, il y a manifestement atteinte à la santé causée par une maladie ou des phénomènes dégénératifs (ATF 129 V 466 consid. 2.2 p. 467 ; voir également arrêts 8C_61/2016 du 19 décembre 2016 consid. 5.1 ; 8C_763/2015 du 11 juillet 2016 consid. 3.3 ; 8C_606/2013 du 24 juin 2014 consid. 3.3 ; 8C_347/2013 du 18 février 2014 consid. 3.2 ; 8C_698/2007 du 27 octobre 2008 consid. 4.2 ; 8C_357/2007 du 31 janvier 2008 consid. 3.2).

 

Notion de lésion assimilée selon le nouveau droit (consid. 8)

Avec la première révision de la LAA (en vigueur depuis le 1er janvier 2017), la notion des lésions corporelles accidentelles a été transféré de l’ordonnance à la loi.

L’art. 6 al. 1 LAA stipule toujours que, sauf disposition contraire de la loi, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. Selon l’art. 4 LPGA, est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort. Le nouvel alinéa 2 de l’article 6 se lit comme suit dans les trois versions linguistiques :

« Die Versicherung erbringt ihre Leistungen auch bei folgenden Körperschädigungen, sofern sie nicht vorwiegend auf Abnützung oder Erkrankung zurückzuführen sind: »

« L’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu’elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie : »

« L’assicurazione effettua le prestazioni anche per le lesioni corporali seguenti, sempre che non siano dovute prevalentemente all’usura o a una malattia: »

La liste des lésions corporels, adoptée sans modification par rapport à l’art. 9 al. 2 OLAA, est désormais ancrée au niveau législatif.

Alors que l’ancienne loi au niveau de l’ordonnance se référait à l’équivalence des lésions corporelles énumérées avec les accidents, elle stipule désormais au niveau de la loi que l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporels en question. En outre, il n’est plus fait référence aux critères de la définition de l’accident au sens de l’art. 4 LPGA et les termes « corporelles assimilées à un accident » ne sont pas utilisés. Le libellé indique donc que l’assureur-accidents alloue des prestations non seulement pour des accidents et des maladies professionnelles, mais aussi pour certaines lésions corporelles, indépendamment de l’existence des critères particuliers de l’accident au sens de l’art. 4 LPGA. Cela ne signifie pas pour autant que les critères d’accident ne sont plus du tout pertinents. Toute événement dommageable doit être pris en compte. Comme le montre également la genèse de la notion de la lésion assimilée à un accident (cf. supra), il s’agit de problème de santé qui surviennent généralement de manière soudaine et donc considérés comme accidentels.

En vertu de l’art. 6 al. 2 LAA, l’assurance alloue aussi ses prestations pour certaines lésions corporelles, pour autant qu’elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie. La deuxième partie de la phrase stipule que l’assureur-accidents a la possibilité de se décharger de son obligation de verser des prestations. A cette fin, il doit prouver que la lésion corporelle est « de manière prépondérante » imputable à « à l’usure ou à une maladie ». Selon l’ancienne loi, les assureurs-accidents pouvaient également se libérer de l’obligation de verser des prestations, mais seulement s’ils pouvaient prouver que la lésion corporelle était « eindeutig » (« manifestement », « indubbiamente ») imputable à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs (cf. art. 9 al. 2 OLAA). Les exigences en matière de preuve ont donc été réduites par la modification de la loi.

Ce que l’on entend par « vorwiegend » (« préponderante »; « prevalentemente ») n’est pas défini plus avant dans la disposition. La juridiction cantonale suppose qu’il s’agit d’une proportion d’« usure ou de maladie » de plus de 50%. Cette opinion est approuvée par le Tribunal fédéral.

Le terme « vorwiegend » (« préponderante »; « prevalentemente ») est également utilisé dans le cadre de la reconnaissance maladies professionnelles (art. 9 al. 1 LAA). Selon la jurisprudence en la matière, une cause « prépondérante » de maladies par des substances nocives ou à certains travaux n’est donnée que si celles-ci pèsent plus que toutes les autres causes en présence, c’est-à-dire si elles représentent plus de 50% de l’ensemble des causes (ATF 119 V 200 consid. 2a p. 200 s. et la référence). Il n’y a aucune raison d’interpréter ce terme différemment dans le cadre de l’art. 6 al. 2 LAA. En conséquence, l’assurance-accidents a fourni une contre-preuve si plus de 50% du diagnostic de la liste est basé sur « l’usure ou la maladie » (cf. KASPAR GEHRING, in: Kieser/Gehring/Bollinger [Hrsg.], KVG UVG Kommentar, 2018, N 11 zu Art. 6 UVG; ANDRÉ NABOLD, in: Hürzeler/Kieser [Hrsg.], Kommentar zum schweizerischen Sozialversicherungsrecht, UVG, 2018, N 44 zu Art. 6 UVG; MARKUS HÜSLER, Erste UVG-Revision, in: SZS 1/2017 p. 34; mais inversement EVALOTTA SAMUELSSON, Neuregelung der unfallähnlichen Körperschädigung, in: SZS 4/2018 S. 348 ss).

La question se pose alors de savoir ce que l’on entend par « Abnützung oder Erkrankung » (« usure ou maladie »; « usura o malattia »).

Selon KASPAR GEHRING, la notion d’usure est assimilée à l’abrasion, à l’usure et, dans la terminologie médicale technique, à l’« Usur » (KASPAR GEHRING, op. cit., N 9 f. ad art. 6 LAA). L’objectif était d’exclure les situations dans lesquelles les lésions corporelles sont causées par des contraintes récurrentes et toujours identiques. Selon les appréciations du législateur, les conséquences de tels événements ne devraient pas être couvertes par une assurance-accidents. La notion de maladie est fondée sur l’art. 3 LPGA, qui définit comme maladie toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n’est pas due à un accident. KASPAR GEHRING précise en outre que l’assurance-maladie n’est tenue de payer pour les lésions de la liste que dans des cas exceptionnels, à savoir uniquement si l’assureur-accidents peut prouver que les lésions corporelles sont de manière prépondérante dues à l’usure ou à la maladie. Selon l’intention claire du législateur, aucun « événement similaire à un accident » n’est requis (KASPAR GEHRING, op. cit., N 5 et N 12 ad Art. 6 LAA).

ANDRÉ NABOLD, en revanche, interprète « l’usure et la maladie » de manière distincte (ANDRÉ NABOLD, op. cit., N 45 ad Art. 6 LAA). Selon l’auteur, ce double terme fait référence à « l’opposé d’un traumatisme médical ». L’obligation de verser des prestations de l’assurance-accidents est donc donnée si une lésion de la liste est médicalement imputable à un traumatisme et donc à un dommage physique aigu avec lésions tissulaires causées par des influences extérieures (ANDRÉ NABOLD, op. cit., N 45 ad Art. 6 LAA ; le même, Sportunfall, in: Kieser/Landolt (Hrsg.), Unfall? Novembertagung 2015 zum Sozialversicherungsrecht, 2016, p. 73).

De même, pour MARKUS HÜSLER, il semble pour le moins peu clair si le législateur a réellement voulu que l’obligation de verser des prestations d’assurance-accidents devait être assumée dès le diagnostic d’une lésion de la liste, indépendamment du fait que la personne assurée ait ou non été en mesure d’identifier un événement. Selon lui, cela serait en contradiction avec la règle relative à la possibilité pour l’assureur accident d’être exonéré de responsabilité. Le droit présumé aux prestations ne peut être contesté par l’assureur que s’il peut prouver au degré de la vraisemblance prépondérante que les lésions corporelles sont dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie.

Toutefois, si l’existence d’un événement n’est plus une condition préalable à l’octroi des prestations, pour quelle autre raison (s’il ne s’agit pas d’un accident) la lésion devrait être attribué principalement à l’usure ou à la maladie. Seule la jurisprudence apportera des précisions sur ce point (MARKUS HÜSLER, op. cit., p. 33).

Selon EVALOTTA SAMUELSSON, la (contre) preuve de la pathogenèse à prédominance pathologique ou dégénérative du diagnostic de liste est apportée s’il y a plus d’indicateurs de plausibilité de lésions du ménisque dégénératives ou pathologiques que pour une « pathogenèse traumatique » (EVALOTTA SAMUELSSON, op. cit., p. 355 s.). A cet égard, l’auteure semble – à l’instar d’ANDRÉ NABOLD – définir les deux termes « usure ou maladie » comme une contrepartie/le pendant [« Gegenstück »] d’une genèse traumatique. D’autres auteurs ne précisent pas explicitement ce qu’ils entendent par usure et maladie. Toutefois, ils estiment qu’en cas de lésions selon la liste, l’assurance-accidents est généralement tenue d’allouer les prestations (cf. FRÉSARD/MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3ème éd., 2016, p. 947 no 147; ANNA BÖHME, Der medizinische Sachverständigenbeweis in der obligatorischen Unfallversicherung, Luzerner Beiträge zur Rechtswissenschaft [LBR], Bd. 125, 2018, S. 29; STEFANIE J. HEINRICH, 1. UVG-Revision, in: Kieser/Lendfers [Hrsg.]: Jahrbuch zum Sozialversicherungsrecht 2017, p. 21 s.; KILIAN RITLER, Die unfallähnliche Körperschädigung, in: Kieser/Landolt [Hrsg.]: Unfall? Novembertagung 2015 zum Sozialversicherungsrecht, 2016, p. 133; David Ionta, Révision de la loi fédérale sur l’assurance-accidents, in : Jusletter 30 janvier 2017, no 33).

Dans la logique de la possibilité prévue à l’art. 6 al. 2 LAA d’apporter à l’assureur-accidents la preuve de l’exonération, il découle que les termes usure et maladie doivent être la contrepartie complémentaire (le « pendant ») d’un événement spécifique.

Il ressort des documents de la première révision LAA que l’existence d’une lésion corporelle assimilée à un accident à charge de l’assureur-accidents ne doit plus dépendre de l’existence d’un facteur extérieur. Dans la pratique, il aurait été très difficile de prouver l’existence de lésions corporelles similaires à celles d’un accident. La jurisprudence en la matière a parfois entraîné des difficultés pour les assureurs-accidents et des incertitudes chez les assurés. C’est la raison pour laquelle une nouvelle réglementation a été proposée, qui renonçait au critère du facteur externe, comme avait été d’ailleurs la volonté du législateur de l’époque, conformément au message du 18 août 1976 relatif à la LAA […]. L’existence d’une lésion corporelle au sens de l’art. 6 al. 2 LAA laisse supposer qu’il s’agit d’une lésion corporelle assimilée à un accident, qui doit être assumé par l’assureur-accidents. Ce dernier pourrait se libérer de l’obligation de verser des prestations s’il prouve que le dommage corporel est principalement imputable à l’usure ou à la maladie (FF 2014, 7934 s. ch. 2.4). Dans son analyse d’impact de la révision LAA, le Conseil fédéral a supposé que le système d’assurance-maladie sociale tendrait à être assoupli par la nouvelle ordonnance sur les lésions corporelles de type accident. Dans le message précité de 1976, il était indiqué que le Conseil fédéral devait être autorisé à traiter comme accidents les lésions corporelles accidentelles, tels que les déchirures des tendons ou les lésions musculaires causées sans influence extérieure (message du 18 août 1976 sur la loi fédérale sur l’assurance accidents, FF 1976 III 165 no 33).

Le procès-verbal de la séance du Conseil national de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS-N) du 16 avril 2015 montre également que la nouvelle réglementation vise l’allocation de prestations par l’assurance-accidents en cas de lésions corporelles de la liste (p. 7 ss). Dans la pratique, cette présomption se traduirait par une simplification substantielle. […] L’article 6 ne parle plus de critères d’accident. En principe, ces lésions corporelles doivent être considérées comme des lésions assimilées à un accident. Cela a éliminé toute discussion sur les éléments de la notion d’accident, à moins, par exemple, qu’il ne s’agisse d’une « pathologie complète du genou » [ein völlig erkranktes Knie], qui a entraîné des lésions correspondantes. Il est donc à nouveau possible à l’assureur de prouver qu’une usure ou une maladie est présente. Dans le cas contraire, l’assureur-accidents est a priori tenu de prendre en charge ces lésions. Cette disposition a été incluse dans la loi parce qu’il était spécial que quelque chose soit inclus dans le catalogue des prestations de l’assureur accident sans que tous les éléments de la notion d’accident doivent être remplis. […] Au cours du débat parlementaire, il a été regretté que la loi ne prévoie pas une distinction plus claire entre maladie et accident dans le domaine des lésions assimilées à un accident afin d’éviter à l’avenir des litiges longs et coûteux (cf. Votum Nationalrat de Courten, BO 2015 p. 878). Le projet du Conseil fédéral a finalement été approuvé par le Conseil national et le Conseil des Etats.

A l’aune de ce qui précède, le législateur s’est efforcé de simplifier la distinction entre maladie et accident. L’objectif principal de la révision est de faciliter la preuve en faveur des personnes assurées au moyen d’une présomption légale : selon ce principe, l’assureur-accidents est tenu de prester en cas de lésions selon la liste, à moins qu’il ne puisse prouver prendre en charge une indemnité en cas de violation de la liste, sauf s’il est en mesure d’apporter la preuve de la « décharge » [= apporter la preuve que la lésion est due de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie].

La notion de lésions corporelles assimilées à un accident a toujours eu pour but d’éviter la distinction souvent difficile entre accident et maladie en faveur de l’assuré (ATFF 139 V 327 consid. 3.1 p. 328 ; 123 V 43 consid. 2b p. 44 s. ; 116 V 145 consid. 6c p. 155 ; voir ALFRED BÜHLER, op. cit., p. 84), d’autant plus qu’en cas de l’une des lésions corporelles énumérées à l’art. 9 al. 2 let. a-h aOLAA, il existe pratiquement toujours des causes de maladie et/ou des causes dégénératives (partielles) en jeu (voir ATF 129 V 466 consid. 2.1 p. 467 et la référence). Les assureurs-accidents sociaux doivent donc assumer un risque qui, selon la définition actuelle des accidents et maladies, serait attribuable à ces dernières (ATF 116 V 145 consid. 6c p. 155 ; 114 V 298 consid. 3c p. 301). La nouvelle teneur de l’art. 6 al. 2 LAA doit – comme il ressort également de l’interprétation historique – aller de pair avec une simplification supplémentaire.

En termes systématiques, il faut tenir compte du fait que les lésions corporelles assimilées à un accident sont désormais inscrites à l’art. 6 al. 2 LAA. L’alinéa 1 réglemente la prise en charge par l’assurance-accidents des accidents professionnels, non professionnels et les maladies professionnelles. Conformément à l’al. 3, l’assurance alloue en outre ses prestations pour les lésions causées à l’assuré victime d’un accident lors du traitement médical. Le système juridique suggère que le paragraphe 1 (accident) et le paragraphe 2 (lésions selon la liste) sont indépendants l’un de l’autre et que, en principe, chaque situation doit être examinée individuellement. En ce qui concerne la cessation des prestations, il convient toutefois de tenir compte des éléments suivants : Alors qu’en cas d’accident au sens de l’art. 4 LPGA, l’obligation de l’assurance-accident de prester ne prend fin que lorsque l’accident ne constitue plus une cause partielle, même mineure, de lésions corporelles, l’assureur-accident est libéré de son obligation de prester dans le cadre d’une lésion assimilée à un accident si cette dernière est attribuable à plus de 50% à une usure ou à la maladie.

Il résulte de l’interprétation que l’application de l’art. 6 al. 2 LAA ne présuppose aucun facteur extérieur et donc aucun événement accidentel ou générant un risque de lésion accru au sens de la jurisprudence sur l’art. 9 al. 2 aOLAA. A cet égard, l’existence même d’une lésion corporelle visée à l’art. 6 al. 2 let. a-h LAA conduit à présumer qu’il s’agit d’une lésion corporelle assimilée à un accident, qui doit être assumé par l’assureur accident. Cependant, la possibilité de « prouver le contraire » au sens de l’art. 6 al. 2 LAA oblige toujours à distinguer la lésion corporelle assimilée à un accident selon la liste, à charge de l’assurance-accidents, d’une lésion due à l’usure et à la maladie, à charge de l’assurance maladie. A cet égard, la question d’un événement initial reconnaissable et identifiable est également pertinente après la révision LAA – notamment en raison de l’importance d’un lien temporel (couverture d’assurance ; compétence de l’assureur accident ; calcul du gain assuré ; questions juridiques intertemporelles ; voir MARKUS HÜSLER, op. cit. p. 36 ; voir également UELI KIESER, Schweizerisches Sozialversicherungsrecht, 2. Aufl. 2017, S. 240 Fn. 97). […]

Il convient toutefois de souligner que l’assurance-accidents est généralement tenue de verser des prestations en cas de lésions selon la liste [art. 6 al. 2 LAA], pour autant qu’elle ne prouve pas l’existence d’une pathologie prédominante due à l’usure ou à la maladie. Cela suppose que, dans le cadre de son devoir de clarification (cf. art. 43 al. 1 LPGA), l’assureur-accidents clarifie les circonstances exactes à réception de l’annonce d’une lésion selon la liste. Si aucun événement initial ne peut être établi, ou si seul un événement bénin ou anodin peut être établi, cela simplifie de toute évidence la preuve de la libération pour l’assureur accident. Car c’est l’ensemble des causes des atteintes corporelles en question qui doit être pris en compte dans la question de la délimitation, qui doit être évaluée avant tout par des spécialistes de la santé [medizinischen Fachpersonen]. Outre la condition précédente, les circonstances de la première apparition des troubles doivent également être examinées de plus près (par exemple, un bilan traumatologique du genou peut être utilisé pour aider à l’évaluation médicale des blessures au genou, publié dans SÄZ 2016 p. 1742 ss). Les différents indices qui parlent pour ou contre l’usure ou la maladie doivent être pondérés d’un point de vue médical. L’assureur accident doit prouver, sur la base d’évaluations médicales concluantes – au degré de la vraisemblance prépondérante – que la lésion en question est due de manière prépondérante à l’usure ou à la maladie, c’est-à-dire plus de 50% de tous les facteurs en cause. Si la « palette des causes » se compose uniquement d’éléments indiquant une usure ou une maladie, il s’ensuit inévitablement que l’assureur-accidents a apporté la preuve de la « libération » et qu’il n’est pas nécessaire d’apporter des clarifications supplémentaires.

 

En résumé

De ce qui précède, il découle que l’assureur-accidents doit clarifier les circonstances exactes à réception de l’annonce d’une lésion assimilée. Si la lésion de la liste [au sens de l’art. 6 al. 2 LAA] est imputable à un événement accidentel au sens de l’art. 4 LPGA, l’assureur-accidents est tenu de verser des prestations jusqu’à ce que l’accident ne représente plus la cause naturelle et adéquate, c.-à-d. lorsque l’atteinte à la santé repose uniquement sur des causes sans rapport avec l’accident. Si, en revanche, tous les éléments de la notion de l’accident au sens de l’art. 4 LPGA ne sont pas remplis, l’assureur-accidents doit en général prester pour la lésion selon la liste de l’art. 6 al. 2 LAA dans sa version valable depuis le 1er janvier 2017, à moins qu’il ne puisse prouver que la lésion due de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie.

 

Dans le cas d’espèce, l’assurance-accidents a reconnu l’événement du 04.05.2017 comme un accident au sens de l’art. 4 LPGA et a initialement prévu des prestations pour ses conséquences. Les examens médicaux ont toutefois révélé par la suite que la lésion du ménisque diagnostiquée n’était pas due à l’accident du 04.05.2017. L’accident n’a entraîné qu’une ecchymose au genou avec aggravation temporaire d’un état antérieur dégénératif. L’assurance-accidents a démontré que l’accident du 04.05.2017 n’est même pas une cause partielle de la lésion du ménisque. Par ailleurs, l’assurance-accidents a été établi que cette lésion selon la liste est imputable de manière prépondérante, c’est-à-dire à plus de 50%, à l’usure ou à la maladie, d’autant plus qu’il n’y a aucune indication d’un événement survenu après l’accident du 04.05.2017, qui pourrait donner lieu à de nouveaux développements. La présomption de l’obligation de verser des prestations selon l’art. 6 al. 2 LAA a donc été renversée et l’assureur accidents est libéré de son obligation.

En ce sens, le point de vue de l’assurance-accidents et de l’OFSP peut être acceptée, selon laquelle, en l’absence d’un lien de causalité naturel entre un accident au sens de l’art. 4 LPGA et une lésion figurant dans la liste [de l’art. 6 al. 2 LAA], il n’est pas nécessaire d’examiner l’obligation de verser des prestations selon l’art. 6 al. 2 LAA, au moins tant qu’aucun autre événement ne peut être considéré comme la cause de la lésion.

En conclusion, il est manifeste que la lésion du ménisque n’est pas imputable à l’accident du 04.05.2017. Étant donné qu’il n’y a pas non plus d’indication d’un autre événement survenu après l’accident, il n’est pas nécessaire de procéder à un examen à la lumière des lésions corporelles énumérées à l’art. 6 al. 2 LAA dans la version en vigueur depuis le 1er janvier 2017.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_22/2019 consultable ici

ATF 146 V 51 consultable ici

Proposition de citation : ATF 146 V 51 – 8C_22/2019 (d) du 24.09.2019 – Statu quo sine vel ante pour un accident ayant occasionné une lésion assimilée, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2019/10/8c_22-2019-atf-146-v-51)

 

NB : traduction personnelle. Nous vous remercions de bien vouloir nous excuser les éventuelle imprécisions de traduction.

Merci

Chères lectrices, Chers lecteurs,

Je tenais par ces quelques lignes à vous remercier de la confiance témoignée toute au long de l’année.

L’année 2018 a été importante pour le présent site. Le nombre de visiteurs par mois oscille entre 6’000 et 9’800, avec 10’000 à 14’000 lectures par mois.

Je remercie également les participantes et participants du sondage de septembre 2018. A ce sujet, voici quelques résultats :

  • 97.82% des sondés sont très satisfaits ou extrêmement satisfaits concernant le site
  • 86.67% des sondés estiment que les informations sur le site sont très claires ou extrêmement claires (11.11% « assez claires » et 2.22% « peu claires »).
  • 89.13% des sondés considèrent l’information comme très pertinente ou extrêmement pertinente.
  • 60% des sondés jugent qu’un ou plusieurs articles publiés 3x par semaine serait suffisant ; 40% jugent qu’un ou plusieurs articles publiés quotidiennement est idéal.

Vous trouverez ici les résultats complets au sondage : https://fr.surveymonkey.com/stories/SM-C9V9STQ8/

J’ai pris bonne note des résultats, remarques et commentaires. J’ai déjà procédé à des modifications dans le rythme des publications (3x/sem.). Essayant de coller au plus près de l’actualité, des articles seront publiés également les mardis et jeudis si nécessaire.

Je profite de l’occasion pour vous souhaiter, Chères lectrices, Chers lecteurs, de belles fêtes de fin d’année et vous adresser mes meilleurs vœux pour la nouvelle année. Pour les bilingues, ich wünsche allen frohe Festtage und einen guten Rutsch ins 2019 !

Cordialement

 

D.

Sondage des lectrices et des lecteurs

Chères lectrices, Chers lecteurs,

Afin de pouvoir vous offrir une agréable expérience et utilisation du site, je me permets de solliciter votre avis.

 

Créez votre propre sondage de satisfaction des utilisateurs

 

Je vous remercie vivement du temps consacré pour répondre à ces quelques questions ! Le site sera amélioré, si nécessaire, en fonction de vos réponses.

Avec mes meilleurs messages