8C_384/2023 (d) du 04.04.2024 – Troubles psychiques – Plaie au visage par une tronçonneuse – Causalité adéquate niée

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_384/2023 (d) du 04.04.2024

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Indemnité pour atteinte à l’intégrité et troubles psychiques / 24 LAA – 25 LAA – 36 OLAA

Plaie au visage par une tronçonneuse – Accident de gravité moyenne stricto sensu – Circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou caractère particulièrement impressionnant de l’accident pas présent de de manière particulièrement marquante

Causalité adéquate niée / 6 LAA

 

Assuré, né en 1960, ouvrier qualifié du bâtiment depuis le 01.12.1982. Le 28.02.2019, lors d’un accident de travail avec la tronçonneuse à moteur, il a subi une coupure complexe dans la partie droite du visage, qui a été traitée chirurgicalement le jour même à la clinique de chirurgie plastique et de chirurgie de la main de l’hôpital C.__.

Par courrier du 23.04.2020, l’assurance-accidents a informé l’assuré de la fin de la prise en charge des frais de traitement médical et des indemnités journalières au 31.05.2020. Par décision du 05.05.2020, elle a nié le droit à une rente d’invalidité et a précisé que le montant de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité serait décidé ultérieurement. Par décision sur opposition du 28.08.2020, entrée en force, l’assurance-accidents a maintenu sa position.

Par décision du 09.03.2021, l’assurance-accidents a octroyé à l’assuré une IPAI de 5%. Dans le cadre de la procédure d’opposition, l’administration a annulé la décision litigieuse et a procédé à des examens médicaux complémentaires. Par nouvelle décision du 11.02.2022, confirmée sur opposition le 20.06.2022, l’assurance-accidents a confirmé l’IPAI de 5%.

 

Procédure cantonale (arrêt UV.2022.00135 – consultable ici)

Par jugement du 27.03.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
En ce qui concerne les limitations psychiques invoquées comme atteinte à l’intégrité, l’instance cantonale a laissé ouverte la question du lien de causalité naturelle et a examiné la causalité adéquate selon la jurisprudence relative aux conséquences psychiques d’un accident (ATF 115 V 133). Ce faisant, elle s’est basée sur un accident de gravité moyenne stricto sensu et a considéré que, parmi les critères pertinents, tout au plus celui des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques était rempli, mais pas de manière particulièrement marquée. Selon le tribunal cantonal, le lien de causalité adéquate entre l’accident et les troubles psychiques dont se plaint l’assuré n’étant pas établi, aucune IPAI ne pouvait être versée. Il a ajouté que – partant d’un accident de gravité moyenne – le critère de la durabilité d’une atteinte à l’intégrité psychique, nécessaire pour avoir droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité, devait également être nié.

Consid. 3.2.1
Selon la jurisprudence, pour procéder à la classification de l’accident, il faut uniquement se fonder, d’un point de vue objectif, sur l’événement accidentel lui-même et les forces générées par l’accident. Les conséquences de l’accident ou les circonstances concomitantes qui ne peuvent pas être directement attribuées à l’accident ne sont pas pertinentes ; de tels facteurs doivent être pris en compte, le cas échéant, dans les critères objectifs pour juger du caractère adéquat du lien de causalité (ATF 148 V 301 consid. 4.3.1 et les références).

Consid. 3.2.2
L’événement a été un accident de travail avec la tronçonneuse à moteur, au cours duquel la lame de celle-ci s’est coincée dans la glissière de sécurité, a rebondi et a occasionné à l’assuré, équipé d’un équipement de protection complet (vêtements de protection/casque/lunettes de protection/chaussures de sécurité), une large coupure dans la moitié droite du visage. Au regard de la jurisprudence, l’assurance-accidents a qualifié cet événement d’accident de gravité moyenne stricto sensu, ce que l’instance cantonale a confirmé au vu du déroulement objectif de l’accident. Le caractère particulièrement impressionnant du déroulement de l’accident ainsi que les lésions, a fortiori les blessures qu’il aurait pu avoir, ne sont pas pris en considération dans la classification de l’accident dans l’une des trois catégories prévues par la jurisprudence mais sont pris en compte, le cas échéant, dans les critères objectifs pour juger du caractère adéquat du lien de causalité (cf. également l’arrêt 8C_596/2022 du 11 janvier 2023 consid. 4.4.1 et les références). Il ne saurait ainsi être question d’une violation du droit lors de la classification de l’événement accidentel.

 

Consid. 3.3
De manière générale, lorsque l’on se trouve en présence d’un accident de gravité moyenne stricto sensu, il faut un cumul de trois critères sur les sept, ou au moins que l’un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa ; SVR 2019 UV n° 41 p. 155, 8C_632/2018 consid. 8.3 ; 2013 UV n° 3 p. 7, 8C_398/2012 consid. 6 ; arrêt 8C_581/2022 du 15 juin 2023 consid. 5.3 et les références).

Consid. 3.3.1
L’assuré considère que le critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident est présent – tout comme l’assurance-accidents et l’instance cantonale – de manière particulièrement marquante.

Consid. 3.3.2
L’examen du critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l’accident se fait sur la base d’une appréciation objective des circonstances d’espèce et non en fonction du ressenti subjectif de l’assuré, en particulier de son sentiment d’angoisse. Il faut en effet observer qu’à tout accident de gravité moyenne est associé un certain caractère impressionnant, lequel ne suffit pas pour admettre l’existence du critère en question (ATF 148 V 301 consid. 4.4.3 et les références). Le critère peut être considéré comme rempli lorsqu’il y avait objectivement une menace directe pour la vie (arrêts 8C_703/2022 du 1er septembre 2023 consid. 4.3 ; 8C_500/2022 du 4 mai 2023 consid. 5.2.3 ; 8C_799/2008 du 11 février 2009 consid. 3.2.3).

L’assuré affirme que des artères ou les yeux auraient pu être touché, ce qui aurait pu entraîner la mort ou la perte de la vue. Il n’invoque toutefois pas de circonstances objectives mettant directement en danger sa vie, et aucun élément du dossier médical ne permet de l’affirmer. Le recours ne démontre pas dans quelle mesure le critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident, ou encore au moins deux autres critères d’adéquation, seraient remplis.

Consid. 3.4
En résumé, la conclusion de l’instance cantonale, selon laquelle d’éventuels troubles psychiques ne sont pas en lien de causalité adéquate avec l’accident du 28.02.2019 et ne donnent par conséquent pas droit à une indemnité (plus élevée) pour atteinte à l’intégrité, est conforme au droit fédéral.

 

Consid. 4.1
S’agissant de l’atteinte à l’intégrité physique, la cour cantonale a retenu qu’une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 5% se justifiait pour la cicatrice, qui s’étendait sur l’aile droite du nez selon un angle similaire à celui du sillon nasogénien et n’entraînait pas de défiguration grave du visage, ainsi que pour les paresthésies et les hypoesthésies. En ce qui concerne les sécrétions nasales aqueuses invoquées par l’assuré, respectivement la rhinopathie vasomotrice, l’instance cantonale a estimé que le lien de causalité naturelle n’avait pas été établi à satisfaction de droit.

Consid. 4.2.2
En ce qui concerne la cicatrice sur l’aile droite du nez et les paresthésies et hypoesthésies, le tribunal cantonal a exposé de manière concluante que l’atteinte à l’intégrité avait été fixée à juste titre à 5% sur la base des évaluations médicales internes à l’assurance ayant pleine valeur probante. Cela n’est pas contesté de manière substantielle par l’assuré et, au vu de l’annexe 3 de l’OLAA et de la table 18 de la Suva (« Atteinte à l’intégrité en cas de lésions de la peau « ), ne donne pas lieu à d’autres développements.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_384/2023 consultable ici

 

Remarques/Commentaires

Sur la base des éléments ressortant de l’arrêt du Tribunal fédéral, l’examen de la causalité adéquate peut paraître rigoureux.

De l’arrêt cantonal, il ressort que les diagnostics initiaux concernaient une blessure complexe au visage droit avec ouverture du sinus maxillaire, section de la lèvre supérieure droite sur toutes ses couches, et ouverture de la paroi latérale du nez. Le dermatologue a noté que la cicatrisation était très réussie du point de vue dermatologique, avec encore diverses possibilités d’améliorer la cicatrice.

En comparant ces éléments à ceux de l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_96/2017 du 24 janvier 2018 (notamment une plaie buccale d’environ 11 cm et une plaie sur la joue et la parotide dépassant les 25 cm), l’analyse dans l’arrêt du 4 avril 2024 semble appropriée.

Cependant, cet arrêt illustre la difficulté à faire reconnaître des troubles psychiques liés à un accident.

 

Proposition de citation : 8C_384/2023 (d) du 04.04.2024, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2024/06/8c_384-2023)

 

 

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