8C_529/2023 (f) du 17.04.2024 – Indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) lors de la pandémie de Covid-19 – Fermeture de l’établissement pour cause de réfections et de rénovations – 31 ss LACI – 51 al. 1 OACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_529/2023 (f) du 17.04.2024

 

Consultable ici

 

Droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) lors de la pandémie de Covid-19 / 31 ss LACI – 51 al. 1 OACI

Fermeture de l’établissement pour cause de réfections et de rénovations – Risques normaux d’exploitation

 

A.__ SA (ci-après: la société) a pour but l’achat, la vente, la gestion et l’administration d’immeubles, l’exploitation d’hôtels et de restaurants, ainsi que toutes activités commerciales annexes. Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, elle a été mise au bénéfice d’indemnités en cas de RHT pour la période du 04.11.2020 au 03.02.2021 (décision du 30.11.2020) et du 04.02.2021 au 03.05.2021 (décision du 01.02.2021).

Le 21.04.2021, la société a déposé une demande de modification de l’autorisation de RHT pour l’ensemble de l’entreprise auprès du Service de l’emploi (ci-après: SDE; depuis le 01.07.2022: Direction générale de l’emploi et du marché du travail [DGEM]).

Par décision du 30.04.2021 annulant et remplaçant celle du 01.02.2021, la société a été mise au bénéfice d’indemnités en cas de RHT pour la période du 04.02.2021 au 03.08.2021.

Par décision du 10.05.2022 annulant et remplaçant sa décision rectificative du 30.04.2021, le SDE a mis la société au bénéfice d’indemnités en cas de RHT pour la période du 04.02.2021 au 27.03.2021 ainsi que du 24.07.2021 au 03.08.2021, mais a rejeté la demande pour la période du 28.03.2021 au 23.07.2021. En réponse aux questions soulevées par le SDE en lien avec une demande d’indemnités subséquente, la société avait en effet indiqué avoir effectué des travaux de transformation au premier semestre 2021. Elle avait par ailleurs répondu à la négative à la question de savoir si son restaurant et son établissement hôtelier avaient pu être exploités durant ces travaux.

Le 08.06.2022, la société a demandé l’annulation de la décision rectificative du 10.05.2022. Par décision du 30.08.2022, la DGEM a rejeté cette opposition et confirmé sa décision.

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 143/22 – 70/2023 – consultable ici)

Les juges cantonaux ont constaté que la société avait régulièrement bénéficié, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, de l’indemnité en cas de RHT. Le SDE avait toutefois rectifié sa décision du 30.04.2021 et rejeté la demande d’indemnité pour la période du 28.03.2021 au 23.07.2021 au motif que la fermeture de l’établissement de la société recourante avait eu lieu pour cause de réfections et de rénovations, ce qui faisait partie des risques normaux d’exploitation que l’employeur devait supporter, même en période de pandémie. La cour cantonale a jugé que le SDE était fondé à procéder à une telle révision procédurale. En effet, c’était en avril 2022 que la société avait fait état pour la première fois de travaux au sein de son établissement. Or, si l’autorité en avait eu connaissance avant de rendre sa décision du 30.04.2021, elle aurait statué différemment.

Les juges cantonaux ont ensuite écarté l’argumentation de la société recourante selon laquelle la décision de fermer son établissement faisait suite aux restrictions sanitaires uniquement et n’était aucunement due aux travaux. Ils avaient déjà précisé que le raisonnement selon lequel il serait logique de profiter d’une fermeture liée à des restrictions sanitaires conduirait à avantager les personnes qui, bénéficiant d’indemnités en cas de RHT, procédaient en même temps à des travaux et reviendrait à créer une inégalité de traitement avec les exploitants qui, face à un besoin de rénovation similaire, devaient fermer un établissement en temps normal (soit en l’absence de pandémie) ou après la période durant laquelle les autorités avaient décidé d’une fermeture. La situation de la société recourante ne différait pas de cette situation en tant qu’elle avait concrètement aussi « profité » de la fermeture ordonnée en raison des restrictions sanitaires pour effectuer ses travaux.

Pour le surplus, l’affirmation selon laquelle les travaux en cause auraient pu être réalisés en cours d’exploitation n’a pas convaincu les juges cantonaux. Ils ont relevé qu’à la lecture du descriptif des travaux, ceux-ci ont inclus la création d’un espace de production complémentaire pour la brigade de cuisine ainsi que des travaux de maintenance dans l’ensemble de l’établissement (chambres, terrasse et café/bistrot). La société avait par ailleurs précisé être passée d’un seul à deux restaurants. L’instance cantonale voyait mal en pareille situation comment les travaux en cause auraient pu être réalisés en cours d’exploitation. Elle a encore relevé que la société recourante aurait eu tout loisir de produire des documents relatifs à ces travaux et à leur nature si elle entendait établir la faible ampleur alléguée, ce qu’elle n’avait pas fait. Les juges cantonaux ont ainsi retenu que l’autorité intimée était fondée à retenir que la fermeture de l’établissement de la société recourante du 28.03.2021 au 23.07.2021 était due à sa décision de procéder à des travaux de rénovation, et que les pertes de travail y relatives faisaient partie des risques habituels d’exploitation que l’employeur devait supporter, même en période de pandémie. L’autorité intimée était légitimée à nier le droit aux indemnités en cas de RHT à la société recourante pour cette période.

Par jugement du 19.06.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.2
L’art. 32 al. 1 let. a et b LACI précise que la perte de travail est prise en considération lorsqu’elle est due à des facteurs d’ordre économique et est inévitable et qu’elle est d’au moins 10 % de l’ensemble des heures normalement effectuées par les travailleurs de l’entreprise. Pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques ou à d’autres circonstances non imputables à l’employeur (art. 32 al. 3, première phrase, LACI). Le Conseil fédéral a ainsi notamment prévu à l’art. 51 al. 1 OACI que les pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, ou qui sont dues à d’autres motifs indépendants de la volonté de l’employeur, sont prises en considération lorsque l’employeur ne peut pas les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou faire répondre un tiers du dommage.

Consid. 4.3
Aux termes de l’art. 33 al. 1 let. a LACI, une perte de travail n’est pas prise en considération lorsqu’elle est due à des mesures touchant l’organisation de l’entreprise, tels que travaux de nettoyage, de réparation ou d’entretien, ou à d’autres interruptions habituelles et réitérées de l’exploitation, ou encore à des circonstances inhérentes aux risques normaux d’exploitation que l’employeur doit assumer. Doivent être considérés comme des risques normaux d’exploitation au sens de cette disposition les pertes de travail habituelles, c’est-à-dire celles qui, d’après l’expérience de la vie, surviennent périodiquement et qui, par conséquent, peuvent faire l’objet de calculs prévisionnels. Les pertes de travail susceptibles de toucher chaque employeur sont des circonstances inhérentes aux risques d’exploitation généralement assumés par une entreprise. Ce n’est que lorsqu’elles présentent un caractère exceptionnel ou extraordinaire qu’elles ouvrent le droit à une indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail. La question du risque d’exploitation ne saurait par ailleurs être tranchée de manière identique pour tous les genres d’entreprises, ce risque devant au contraire être apprécié dans chaque cas particulier, compte tenu de toutes les circonstances liées à l’activité spécifique de l’exploitation en cause (ATF 138 V 333 consid. 4.2.2; 119 V 498 consid. 1; arrêt C 283/01 du 8 octobre 2003 consid. 3). L’exception de l’art. 33 al. 1 let. a LACI ne vaut pas seulement pour les pertes de travail dues à des facteurs d’ordre économique selon l’art. 32 al. 1 LACI, mais s’applique également aux cas de rigueur au sens des art. 32 al. 3 LACI et 51 OACI (ATF 138 V 333 consid. 4.2.1; 128 V 305 consid. 4b; 121 V 371 consid. 2c et les références; arrêt 8C_399/2022 du 21 août 2023 consid. 4.3).

 

Consid. 7.2
Le Tribunal fédéral a confirmé à plusieurs reprises que lorsqu’un motif de non-prise en considération de la perte de travail, au sens de l’art. 33 al. 1 LACI, est donné, il importe peu que l’état de fait dans lequel s’inscrit la perte de travail relève en soi des situations visées par les art. 32 al. 1 ou al. 3 LACI. Dans l’arrêt 8C_399/2022, il a jugé dans une constellation semblable que le fait que, parallèlement aux travaux de rénovation, une mesure des autorités au sens de l’art. 32 al. 3 LACI était, en tant que telle, susceptible de justifier la perte de travail n’est pas décisif, tout comme le point de savoir quand les travaux ont été décidés. En tout état de cause, on ne saurait se prévaloir du caractère exceptionnel de la pandémie de coronavirus pour remettre en cause ladite jurisprudence, étant rappelé, d’une part, que l’institution de l’indemnité en cas de RHT vise précisément à faire face à certaines situations présentant un caractère exceptionnel ou extraordinaire et, d’autre part, qu’en raison de l’ampleur de la pandémie, le Conseil fédéral a pu édicter des dispositions dérogeant à la LACI (art. 17 de loi fédérale du 25 septembre 2020 sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de Covid-19 [loi Covid-19; RS 818.102]). La société recourante ne prétend pas à cet égard que le Conseil fédéral aurait suspendu l’application de l’art. 33 al. 1 let. a LACI.

Quant aux critiques sommaires relatives à l’égalité de traitement, elles ne peuvent pas non plus être suivies. En effet, en procédant à la rénovation de son établissement pendant la période litigieuse, la société recourante ne pouvait certes pas toucher les indemnités requises, mais elle a pu profiter d’une fermeture générale de tous les établissements du secteur concerné. Si elle avait attendu la fin de la mesure – ce qui lui était loisible -, elle aurait dû fermer son restaurant au profit des autres établissements et n’aurait pas non plus touché les indemnités en cas de RHT pendant les travaux de rénovation. Elle n’est donc pas pénalisée. Comme l’ont relevé à juste titre les juges cantonaux, l’octroi des indemnités à la société recourante entraînerait au contraire une inégalité de traitement vis-à-vis d’une entreprise qui aurait planifié des travaux de rénovation ultérieurement et n’aurait pas la possibilité de les anticiper pendant la pandémie, respectivement pendant les mesures prises par les autorités. Enfin, l’argument selon lequel un grand nombre d’établissements aurait procédé de la même manière n’est d’aucune utilité à la société recourante dès lors qu’il n’existe en principe pas d’égalité dans l’illégalité (cf. p. ex. arrêt 1C_231/2018 du 13 novembre 2018 consid. 4.1).

Le TF rejette le recours de la société A.__ SA.

 

Arrêt 8C_529/2023 consultable ici

 

8C_532/2023 (f) du 17.04.2024 – Droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) pour les personnes en quarantaine – 31 ss LACI – 51 al. 1 OACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_532/2023 (f) du 17.04.2024

 

Consultable ici

 

Droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) pour les personnes en quarantaine / 31 ss LACI – 51 al. 1 OACI

Perte de travail due à la fermeture de l’établissement liée à des mesures d’isolement et de quarantaine – Couverture par l’assurance-chômage revêt un caractère subsidiaire

 

A.__ SA (ci-après: la société) a pour but l’achat, la vente, la gestion et l’administration d’immeubles, l’exploitation d’hôtels et de restaurants, ainsi que toutes activités commerciales annexes. Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, elle a été mise au bénéfice d’indemnités en cas de RHT, la dernière fois jusqu’au 03.08.2021.

Le 6 janvier 2022, la société a formulé une nouvelle demande d’indemnités en cas de RHT pour 35 employés sur un total de 39 collaborateurs pour la période du 01.01.2022 au 31.03.2022, en annonçant une perte de travail prévisible de 100%. La société a notamment fait savoir que les horaires de travail de ses employés étaient réduits en raison de la fermeture de tout l’établissement du 10.01.2022 au 25.01.2022, à la suite d’un grand nombre de cas positifs au Covid-19 dans son organisation. Elle n’avait annoncé aucun collaborateur à l’assurance indemnité journalière maladie, car un délai de carence de 30 jours s’appliquait, et n’avait pas non plus contacté le médecin cantonal.

Par décision du 10.05.2022, confirmée sur opposition, le Service de l’emploi a rejeté la demande de la société du 06.01.2022, considérant que les conditions d’octroi d’une autorisation de RHT n’étaient pas remplies à la date du dépôt du préavis.

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 142/22 – 69/2023 – consultable ici)

Par jugement du 19.06.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
Selon l’art. 31 al. 1 LACI, les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail lorsque: ils sont tenus de cotiser à l’assurance ou qu’ils n’ont pas encore atteint l’âge minimum de l’assujettissement aux cotisations AVS (let. a); la perte de travail doit être prise en considération (art. 32 LACI; let. b); le congé n’a pas été donné (let. c); la réduction de l’horaire de travail est vraisemblablement temporaire, et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question (let. d).

Consid. 4.2
L’art. 32 al. 1 let. a et b LACI précise que la perte de travail est prise en considération lorsqu’elle est due à des facteurs d’ordre économique et est inévitable et qu’elle est d’au moins 10% de l’ensemble des heures normalement effectuées par les travailleurs de l’entreprise. Pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques ou à d’autres circonstances non imputables à l’employeur (art. 32 al. 3, première phrase, LACI). Le Conseil fédéral a ainsi notamment prévu à l’art. 51 al. 1 OACI que les pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, ou qui sont dues à d’autres motifs indépendants de la volonté de l’employeur, sont prises en considération lorsque l’employeur ne peut pas les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou faire répondre un tiers du dommage.

Consid. 4.3
Aux termes de l’art. 33 al. 1 let. a LACI, une perte de travail n’est pas prise en considération lorsqu’elle est due à des mesures touchant l’organisation de l’entreprise, tels que travaux de nettoyage, de réparation ou d’entretien, ou à d’autres interruptions habituelles et réitérées de l’exploitation, ou encore à des circonstances inhérentes aux risques normaux d’exploitation que l’employeur doit assumer. Doivent être considérés comme des risques normaux d’exploitation au sens de cette disposition les pertes de travail habituelles, c’est-à-dire celles qui, d’après l’expérience de la vie, surviennent périodiquement et qui, par conséquent, peuvent faire l’objet de calculs prévisionnels. Les pertes de travail susceptibles de toucher chaque employeur sont des circonstances inhérentes aux risques d’exploitation généralement assumés par une entreprise. Ce n’est que lorsqu’elles présentent un caractère exceptionnel ou extraordinaire qu’elles ouvrent le droit à une indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail. La question du risque d’exploitation ne saurait par ailleurs être tranchée de manière identique pour tous les genres d’entreprises, ce risque devant au contraire être apprécié dans chaque cas particulier, compte tenu de toutes les circonstances liées à l’activité spécifique de l’exploitation en cause (ATF 138 V 333 consid. 4.2.2; 119 V 498 consid. 1; arrêt C 283/01 du 8 octobre 2003 consid. 3). L’exception de l’art. 33 al. 1 let. a LACI ne vaut pas seulement pour les pertes de travail dues à des facteurs d’ordre économique selon l’art. 32 al. 1 LACI, mais s’applique également aux cas de rigueur au sens des art. 32 al. 3 LACI et 51 OACI (ATF 138 V 333 consid. 4.2.1; 128 V 305 consid. 4b; 121 V 371 consid. 2c et les références; arrêt 8C_399/2022 du 21 août 2023 consid. 4.3).

Consid. 4.4
Dans le contexte des mesures prises par le Conseil fédéral en lien avec la pandémie de Covid-19, le SECO a rédigé des directives destinées à préciser les conditions d’octroi des prestations de l’assurance-chômage.

Dans l’annexe à sa directive n° 16 du 01.10.2021, le SECO a détaillé sous ch. 5 la situation d’une personne assurée mise en quarantaine sans qu’il y ait faute de sa part, alors que l’entreprise n’est pas déjà au bénéfice d’une autorisation de RHT. Dans ce cas, la personne assurée peut prétendre à l’allocation pour perte de gain Covid-19 (avec la précision « subsidiaire »). Quant aux conséquences pour l’entreprise, on peut lire « pas d’obligation de verser le salaire resp. demande d’APG Covid-19 par l’employeur ». Le ch. 5 vise également le cas d’une personne assurée mise en quarantaine sans faute de sa part, alors que l’entreprise est en RHT. Dans ce cas, on peut lire s’agissant des conséquences pour la personne assurée et pour l’entreprise « Droit à l’indemnité en cas de RHT ».

Bien que les directives administratives ne lient en principe pas le juge, celui-ci est néanmoins tenu de les considérer dans son jugement, pour autant qu’elles permettent une interprétation des normes juridiques qui soit adaptée au cas d’espèce et équitable. Ainsi, si les directives administratives constituent une concrétisation convaincante des dispositions légales, le tribunal ne s’en départit pas sans motif pertinent. Dans cette mesure, il tient compte du but de l’administration tendant à garantir une application égale du droit (ATF 148 V 102 consid. 4.2; 146 V 224 consid. 4.4. et l’arrêt cité).

Consid. 5.1
Dans le cas d’espèce, les juges cantonaux ont constaté que l’autorité intimée avait fondé sa décision sur le ch. 5 de l’annexe à la directive 2021/16 du SECO du 01.10.2021. Ainsi, dans la mesure où la société n’était pas au bénéfice d’une autorisation de RHT au moment de la fermeture du 10.01.2022 au 25.01.2022, elle ne pouvait pas être mise au bénéfice des indemnités en cas de RHT. Ils ont précisé que l’annexe en question ne concernait que la situation d’une mise en quarantaine non fautive et non, contrairement à ce que semblait considérer la société, tous les cas de figure dans lesquels un droit à l’indemnité en cas de RHT pouvait être reconnu. Il ne fallait ainsi pas dans tous les cas que l’entreprise bénéficie au préalable d’une autorisation de RHT. La cour cantonale a ensuite noté qu’en cas de mise en quarantaine non fautive alors que l’entreprise n’était pas au bénéfice d’une autorisation de RHT, la personne assurée pouvait prétendre aux allocations pour perte de gain Covid-19 (mais pas aux indemnités en cas de RHT).

Consid. 5.2
En substance, la société remettait en question l’application de la directive du SECO. Les juges cantonaux ne distinguaient pourtant prima facie pas de motif conduisant à se départir de cette directive administrative sur laquelle se fondait l’autorité intimée. Même s’il fallait s’en écarter, cela ne suffisait pas à admettre le recours. En effet, c’était la société qui avait pris la décision de fermer son établissement du 10.01.2022 au 25.01.2022, sans faire état de la situation aux autorités sanitaires. Du reste, elle avait pu fonctionner du 30.12.2021 au 09.01.2022 alors qu’elle se disait déjà en sous-effectif depuis le 30.12.2021, avec 5 collaborateurs en isolement. D’autres cas avaient été déclarés durant la première semaine de janvier 2022 (à savoir 4 sur 38 collaborateurs), semaine durant laquelle elle avait également maintenu son établissement ouvert. Durant les deux semaines de fermeture, 5 autres collaborateurs avaient été infectés par le virus. Selon les calculs de la société, 14 collaborateurs sur 38 avaient contracté le virus en moins de trois semaines. Les employés en question n’avaient cependant pas été malades simultanément. S’il faisait peu de doute qu’avec environ un tiers de son équipe malade sur trois semaines, la société avait traversé une période délicate, la cour cantonale a noté que la fermeture de l’établissement n’avait pas été ordonnée par l’autorité sanitaire du canton de Vaud – puisque la société n’avait pas informé le médecin cantonal d’un cluster au sein de son établissement -, mais bien par la société elle-même, alors qu’elle avait été en mesure de fonctionner du 29.12.2021 au 09.01.2022 avec un nombre égal de collaborateurs à celui qui aurait été disponible du 10.01.2022 au 25.01.2022.

Consid. 5.3
En l’absence de mesures prises par les autorités en raison de la pandémie, la cour cantonale a jugé que l’autorité intimée était fondée à retenir que la société ne pouvait pas prétendre à l’octroi d’indemnités en cas de RHT pour la période du 10.01.2022 au 25.01.2022. Ce n’était enfin pas à l’assurance-chômage de pallier le fait que la société avait un délai de carence de 30 jours pour son assurance indemnité journalière maladie.

 

Consid. 6.2.1
En faisant valoir qu’une autorisation de RHT préalable constituerait une condition qui ne ressortirait pas de la loi, la société recourante remet en question le bien-fondé de la directive administrative du SECO. La cour cantonale n’a pas examiné ce point en détail, jugeant qu’en toutes hypothèses, le recours ne saurait être admis. Si elle doit être suivie dans sa conclusion, on relève encore que l’annexe de la directive en question s’intitule « Aperçu des liens entre l’indemnité journalière de maladie/l’allocation pour perte de gain COVID-19/l’indemnité de chômage/l’indemnité en cas de RHT » et vise à clarifier les rapports entre différentes assurances sociales. En ce qui a trait à l’assurance-chômage, il ne paraît pas étranger au système que les indemnités en cas de RHT requièrent l’existence d’une autorisation correspondante. Comme le dit elle-même la société recourante, les simples décisions de mise en quarantaine ou d’isolement ne constituent pas un motif suffisant pour toucher de telles indemnités. La directive du SECO illustre ainsi que lorsqu’une entreprise déjà au bénéfice d’une autorisation de RHT est confrontée à des cas de quarantaine non fautive, elle continue de profiter du plan de l’assurance-chômage.

Consid. 6.2.2
Abstraction faite de la directive du SECO, la question se pose de savoir si la perte de travail due à la fermeture de l’établissement de la société recourante, liée à des mesures d’isolement et de quarantaine, peut entrer dans le champ d’application de l’art. 32 al. 3 LACI en relation avec l’art. 51 OACI. Tel est le cas si cette perte de travail est consécutive à une mesure prise par des autorités ou si elle est due à d’autres motifs indépendants de la volonté de l’employeur.

Le premier terme de l’alternative tombe à faux. En effet, c’est la société recourante qui a décidé de façon unilatérale de fermer son établissement. Elle n’a par ailleurs pas jugé utile d’informer le médecin cantonal de l’existence d’un cluster au sein de son organisation, le préavis de RHT soumis au SDE ne pouvant pallier l’absence d’annonce à l’autorité compétente pour décider de la fermeture de son établissement contrairement à ce que la société semble avancer. Ainsi, aucune autorité sanitaire n’a ordonné la fermeture de son établissement et la société recourante ne peut qualifier sa propre décision, respectivement la perte de travail qu’elle a créée, d’inévitable ou d’imprévisible.

Pour le second terme de l’alternative, à savoir l’existence d’autres motifs indépendants de la volonté de l’employeur, les pertes de travail sont prises en considération uniquement lorsque l’employeur ne peut les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables, ou faire répondre un tiers du dommage (art. 51 al. 1 in fine OACI). La société recourante semble précisément oublier que la couverture par l’assurance-chômage revêt un caractère subsidiaire (cf. ég. art. 51 al. 4 OACI). Or, s’agissant des mesures de quarantaine et d’isolement, elle aurait en principe pu requérir des allocations perte de gain Covid-19. Pour les personnes en incapacité de travailler en raison d’une infection au Covid-19, elle aurait dû solliciter l’assurance ordinaire perte de gain. Du point de vue de l’assurance-chômage, le fait que la société ait opté pour un délai de carence de 30 jours dans le cadre de son assurance indemnité journalière maladie n’y change rien.

 

Le TF rejette le recours de la société A.__ SA.

 

Arrêt 8C_532/2023 consultable ici

 

Enquête suisse sur la structure des salaires : Publication des tableaux TA1_skill-level, T1_skill-level et T17 de l’ESS 2022

Enquête suisse sur la structure des salaires : Publication des tableaux TA1_skill-level, T1_skill-level et T17 de l’ESS 2022

 

L’Office fédéral de la statistique a publié le 29.05.2024 les tableaux TA1_skill-level, T1_skill-level et T17 de l’ESS 2022.

Le salaire médian standardisé (40h/sem.) d’un homme, avec le niveau de compétences 1 (tâches physiques ou manuelles simples) est de 5’305 fr. en 2022, contre 5’261 fr. pour l’ESS 2020.

Le salaire médian standardisé (40h/sem.) d’une femme, avec le niveau de compétences 1 (tâches physiques ou manuelles simples) est de 4’367 fr. en 2022, contre 4’276 fr. pour l’ESS 2020.

Vous trouverez les nouveaux tableaux sur le site de l’OFS :

 

NB : Les résultats des ESS 2012 à 2018 étaient calculés sur la base de la classification internationale type des professions CITP-08. Pour les résultats dès l’ESS 2020, la nomenclature suisse des professions CH-ISCO-19 est utilisée.

Dans la note contenue dans les tableaux Excel, l’OFS a précisé que les résultats 2012-2018 ont été recalculés de manière rétroactive sur la base de la CH-ISCO-19.

 

La section «Liens utiles – Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) – Horaire hebdomadaire – Evolution des salaires» du site, contenant tous les tableaux utiles, a également été mise à jour.

 

Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique [DNT] 2023

Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique [DNT] 2023

 

L’office fédéral de la statistique (OFS) a publié sur son site internet le 16.05.2024 les chiffres annuels de la durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique (NOGA 2008), en heures par semaine, jusqu’à l’année 2023.

Pour rappel, ces statistiques sont nécessaires pour la détermination des revenus sans et avec invalidité en cas d’utilisation des salaires statistiques (ESS).

 

Tableau «Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique (NOGA 2008), en heures par semaine», 1990-2023, disponible ici

 

9C_623/2023 (f) du 08.04.2024 – Allocation pour perte de gain COVID-19 – Dépôt tardif des demandes d’indemnisation / Pas de violation du devoir de renseigner de la caisse de compensation

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_623/2023 (f) du 08.04.2024

 

Consultable ici

 

Allocation pour perte de gain COVID-19 – Dépôt tardif des demandes d’indemnisation

Pas de violation du devoir de renseigner de la caisse de compensation / 27 LPGA

 

A.__ exploite une entreprise de conseil. Il a déposé des demandes d’allocation pour perte de gain COVID-19 auprès de la caisse cantonale de compensation le 31.12.2022. Il motivait ses demandes par la limitation significative de son activité au cours des mois d’octobre 2020 à janvier 2021 et de mars 2021 à avril 2022.

La caisse de compensation a considéré que les demandes de l’assuré étaient tardives et les a déclarées irrecevables par décision du 05.01.2023, confirmée sur opposition le 20.04.2023.

 

Procédure cantonale

Le tribunal cantonal a retenu que le droit à l’allocation pour perte de gain COVID-19, fondé sur la limitation significative de l’activité lucrative indépendante au sens de l’art. 2 al. 3bis de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, avait été supprimé avec effet au 16.02.2022 (en réalité, modifié en ce sens qu’il ne s’appliquait plus qu’aux personnes exerçant une activité lucrative indépendante dans le domaine de l’événementiel). Par ailleurs, il a considéré que l’art. 6 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, introduit le 16.02.2022 par le point 3 de l’annexe de l’ordonnance COVID-19 situation particulière, prévoyait, en dérogation à l’art. 24 al. 1 LPGA, l’extinction du droit aux prestations non perçues à la fin du troisième mois suivant la date à laquelle la disposition sur laquelle il se fondait cessait de produire effet. En application de cette norme, il a confirmé le point de vue de la caisse de compensation selon lequel le droit à l’allocation pour perte de gain avait pris fin le 16.02.2022, de sorte que les demandes d’allocation pour perte de gain COVID-19 (pour les mois d’octobre 2020 à janvier 2021 et de mars 2021 à avril 2022) déposées par l’assuré le 31.12.2022 étaient tardives. Il a également exclu que la caisse de compensation ait violé son devoir d’information concernant la durée ou l’échéance du délai pour déposer une demande d’allocation, dans la mesure où la modification du délai avait été introduite postérieurement à l’échange de courriels entre la caisse de compensation et l’assuré entre les 31.12.2021 et 10.01.2022; l’extinction du droit aux prestations initialement fixée au 31.03.2023 avait été ramenée, le 16.02.2022 (RO 2022 97), à la fin du troisième mois suivant la date à laquelle la disposition sur laquelle il se fondait cessait de produire effet. La cour cantonale a par ailleurs retenu qu’aucune des conditions de protection de la bonne foi n’était réalisée.

Par jugement du 22.08.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5
Le recourant reproche uniquement à la juridiction cantonale d’avoir nié la violation du devoir d’informer par la caisse de compensation. Il soutient en substance qu’étant donné les courriels échangés avec l’administration en janvier 2022 à propos des conditions d’octroi d’une allocation pour perte de gain COVID-19, celle-ci aurait dû lui annoncer la modification du délai lorsqu’elle s’était rendue compte qu’il n’avait pas encore déposé ses demandes d’allocation au moment du changement de délai en février 2022.

Consid. 6
Le recours de l’assuré, manifestement infondé, doit être rejeté selon la procédure simplifiée de l’art. 109 al. 2 let. a LTF. En effet, comme l’ont relevé les juges cantonaux, le devoir de renseignement et de conseil de l’administration s’étend non seulement aux circonstances de fait déterminantes mais aussi aux circonstances de nature juridique et son contenu dépend de la situation concrète et reconnaissable dans laquelle se trouve l’assuré (arrêt 8C_419/2022 du 6 avril 2023 consid. 4.2 et les références in: SVR 2023 UV n° 36 p. 124). On ne saurait en l’occurrence admettre que la caisse de compensation a manqué à son devoir de renseignement en omettant le 10.01.2022 de fournir des informations sur la durée d’un délai qui n’avait pas encore été modifié. Par ailleurs, à ce moment-là, l’administration ne pouvait pas savoir que l’assuré n’allait pas entreprendre rapidement les démarches pour lesquelles il avait sollicité des informations le 31.12.2021 (droit à une aide en relation avec le Covid), qu’il n’a effectuées que le 31.12.2022. Quoi qu’en dise le recourant, la caisse de compensation n’avait pas à vérifier postérieurement au 16.02.2022 s’il avait déposé une demande d’allocation ni à le relancer à cet égard en l’informant des modifications législatives quant au nouveau délai pour déposer sa requête, l’assuré ne l’ayant pas sollicité pour des renseignements supplémentaires. Le devoir de renseignement n’est en effet pas illimité et ne comprend pas l’obligation de s’assurer auprès de tous les administrés susceptibles de se voir appliquer le nouveau délai qu’ils sont conscients des implications du changement de celui-ci. Le recourant ne démontre par ailleurs pas en quoi les conditions de la protection de sa bonne foi seraient remplies.

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

 

Arrêt 9C_623/2023 consultable ici

 

8C_662/2023 (f) du 22.03.2024 – Droit aux prestations complémentaires cantonales – Condition du domicile et de la résidence habituelle / Séjour à l’étranger de plus de 90 jours – Restitution des prestations complémentaires indûment perçues

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2023 (f) du 22.03.2024

 

Consultable ici

 

Droit aux prestations complémentaires cantonales – Condition du domicile et de la résidence habituelle / 2 al. 1 LPCC [GE] – 13 LPGA – 23 à 26 CC

Séjour à l’étranger de plus de 90 jours – Restitution des prestations complémentaires indûment perçues

Objet du litige

 

L’assuré touche des prestations complémentaires cantonales à sa rente d’invalidité depuis le 01.03.2007. Il perçoit en outre des subsides de l’assurance-maladie, lesquels ont également été octroyés à son épouse et à ses quatre enfants. Le 20.03.2018, le Service des prestations complémentaires (SPC) a sollicité de l’Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) une enquête sur la domiciliation de l’assuré. Dans son rapport d’entraide administrative interdépartementale du 21.03.2019, l’enquêteur mandaté par l’OCPM a notamment constaté que selon le passeport de l’intéressé, celui-ci était parti à l’étranger pour une durée largement supérieure à 90 jours par année lors des trois années précédentes, soit 172 jours en 2016, 200 jours en 2017 et 131 jours en 2018.

Par décision du 20.06.2019, le SPC a réclamé à l’assuré la restitution d’un montant de CHF 59’985, correspondant aux prestations complémentaires versées pour la période du 01.01.2017 au 30.06.2019.

Statuant par décisions séparées du 24.06.2019, le SPC a requis la restitution de CHF 5’788, correspondant à des rentes complémentaires pour enfant de l’AVS/AI, pour la période du 01.07.2012 au 31.12.2016. Il a recalculé le droit aux prestations complémentaires pour la période du 01.01.2018 au 30.06.2019, ce qui générait un solde rétroactif de CHF 36’336 en faveur de l’assuré et a réclamé le remboursement de CHF 20’301, correspondant à des subsides de l’assurance-maladie pour l’année 2017. Enfin, il a requis la restitution de CHF 2’502, correspondant à des subsides de l’assurance-maladie pour l’année 2017.

Par décisions séparées du 09.07.2019, le SPC a demandé à l’assuré le remboursement de frais médicaux à hauteur de CHF 1’990.45 pour lui-même, CHF 1’985.80 pour son épouse et CHF 596.30, respectivement CHF 506.95, pour deux de ses enfants.

Par décision sur opposition du 26.07.2021, le SPC a rejeté les oppositions formées par l’assuré contre les décisions des 20.06.2019 et 24.06.2019.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/673/2023 – consultable ici)

Par jugement du 31.08.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Il convient tout d’abord de préciser l’objet du litige.

Consid. 3.1
L’assuré conteste la restitution d’un premier montant de CHF 59’985, correspondant aux prestations complémentaires versées du 1 er janvier 2017 au 30 juin 2019, ainsi que d’un second montant de CHF 20’301, correspondant à des subsides de l’assurance-maladie pour l’année 2017. Il demande également que son droit à des prestations complémentaires pour les années 2017, 2018 et 2019, ainsi qu’à des subsides de l’assurance-maladie pour l’année 2017, soit reconnu.

Consid. 3.2
Amenés à circonscrire l’objet du litige en procédure cantonale, les juges cantonaux ont constaté que l’assuré s’était opposé à la décision du 20.06.2019, réclamant la restitution de CHF 59’985, et à celle du 24.06.2019 qui exigeait la restitution de CHF 20’301, en faisant valoir que son absence de Genève durant 200 jours en 2017 était justifiée par des raisons médicales. Il n’avait, en revanche, pas contesté les autres décisions des 24.06.2019 et du 09.07.2019 demandant la restitution de diverses prestations. L’examen de l’opposition avait été ainsi limité à la question de la résidence habituelle dans le canton de Genève, à laquelle était subordonné le droit aux prestations complémentaires. Dans son recours cantonal, l’assuré contestait devoir rembourser les montants de CHF 59’985 et CHF 20’301 pour les mêmes motifs que ceux exposés dans son opposition.

La cour cantonale a ajouté qu’en cours de procédure, le SPC avait expliqué que la suppression du droit aux prestations complémentaires pour l’année 2017 avait nécessité l’annulation, dans le système informatique, des prestations complémentaires allouées du 01.01.2017 au 30.06.2019 ; comme l’assuré avait été mis au bénéfice de prestations complémentaires pour la période rétroactive du 01.01.2018 au 30.06.2019, le SPC lui devait encore CHF 312 pour cette période. Toujours selon le SPC, en définitive, il était exigé de l’assuré la restitution d’un montant de CHF 23’649, correspondant aux prestations complémentaires octroyées pour l’année 2017. La juridiction cantonale en a conclu que le litige portait uniquement sur le point de savoir si le SPC avait, à juste titre, retenu que l’assuré n’avait pas sa résidence habituelle dans le canton de Genève en 2017, et requis la restitution des prestations complémentaires cantonales et des subsides de l’assurance-maladie versés du 01.01.2017 au 31.12.2017.

Consid. 3.3
L’assuré ne formule aucun grief à l’encontre de l’appréciation du tribunal cantonal, qui ne prête au demeurant pas le flanc à la critique. Aussi, l’objet du présent litige soumis au Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà de la question de la restitution des prestations complémentaires cantonales et des subsides de l’assurance-maladie perçus par l’assuré pour l’année 2017. Dès lors, sa conclusion tendant à reconnaître son droit aux prestations complémentaires pour les années 2018 et 2019, qui excède l’objet du litige et échappe au pouvoir de cognition du Tribunal fédéral, est irrecevable.

 

Consid. 5
En l’espèce, les juges cantonaux ont observé que selon le rapport de l’enquêteur de l’OCPM, l’assuré avait séjourné 200 jours à l’étranger en 2017, soit plus de six mois. Ce dernier avait du reste admis avoir séjourné plus de six mois au Kosovo cette année-là, en effectuant des voyages à répétition. Rappelant qu’une absence à l’étranger au-delà de trois mois n’interrompait pas le droit aux prestations complémentaires jusqu’à une année si elle avait été dictée par des raisons valables, voire au-delà d’une année si elle s’était prolongée pour des motifs contraignants ou imprévisibles, la juridiction cantonale s’est attelée à examiner si des raisons valables avaient justifié l’absence de l’assuré du canton de Genève durant 200 jours en 2017. A cet égard, l’intéressé invoquait des motifs médicaux et le climat au Kosovo, plus supportable. Selon les pièces médicales versées au dossier, il souffrait de douleurs chroniques au niveau de la nuque et du dos, de maux de tête, de vertiges et d’un syndrome neuropsychiatrique. Ses médecins indiquaient que les douleurs chroniques étaient aggravées par les changements climatiques et que sa présence au Kosovo, où il parlait sa langue maternelle et se trouvait auprès de sa famille et de ses proches, dans un milieu naturel, améliorait son état de santé. Les médecins ne faisaient toutefois que rapporter les dires de leur patient. Par ailleurs, selon les tableaux « historique de la météo en 2017 » pour ces deux lieux, le climat au Kosovo était quasi-identique à celui de Genève en 2017. L’explication selon laquelle l’assuré serait resté davantage au Kosovo l’année en question, pour éviter une aggravation de ses douleurs chroniques due au changement de temps, n’emportait ainsi pas la conviction. En outre, il n’avait produit aucun rapport médical attestant l’existence, au Kosovo, d’un traitement inexistant à Genève, ou d’une décompensation psychique durant les périodes où il résidait à Genève. Selon la jurisprudence, les raisons d’ordre social, familial et personnel n’étaient pas pertinentes. Au demeurant, il existait à Genève, voire à Lausanne, des associations où l’assuré pouvait échanger en albanais avec d’autres membres de sa communauté. Enfin, la campagne genevoise lui permettait de passer des moments agréables, seul ou en famille.

L’instance cantonale a conclu qu’à défaut de raisons valables ayant justifié le séjour de l’assuré à l’étranger durant 200 jours en 2017, le SPC avait considéré à juste titre qu’il n’avait pas droit aux prestations complémentaires cantonales – conditionné notamment à l’exigence d’une résidence habituelle dans le canton de Genève – du 01.01.2017 au 31.12.2017. Dès lors que les subsides de l’assurance-maladie étaient notamment destinés aux bénéficiaires de prestations complémentaires à l’AVS/AI, c’était également à tort que l’assuré avait perçu de tels subsides pour lui et sa famille en 2017.

La cour cantonale a finalement constaté que le SPC avait été informé en mars 2019 de l’absence du maintien de la résidence effective de l’assuré dans le canton de Genève durant l’année 2017. En réclamant, par décisions des 20.06.2019 et 24.06.2019, la restitution des prestations complémentaires et des subsides de l’assurance-maladie versés à tort pour l’année 2017, le SPC avait respecté tant le délai relatif d’une année, à compter du moment où il avait eu connaissance des faits, que le délai absolu de cinq ans après le versement des prestations.

 

Consid. 6.2
Il n’est pas contesté que l’assuré, installé dans le canton de Genève avec sa famille, a passé 200 jours au Kosovo en 2017. Les parties s’opposent en revanche sur le point de savoir si l’assuré avait, au sens de la loi, sa résidence habituelle dans le canton de Genève cette année-là. On notera que l’assuré a perçu pour l’année 2017 des prestations complémentaires exclusivement cantonales, et non fédérales. L’octroi de ces prestations, ainsi que leur restitution, relève donc du droit cantonal, tout comme les subsides de l’assurance-maladie. Dès lors, en la présente procédure, le Tribunal ne peut revoir les questions de droit que sous l’angle restreint de l’arbitraire, comme tel est le cas s’agissant de l’établissement des faits.

Quoi qu’en dise l’assuré, la cour cantonale n’a pas versé dans l’arbitraire en considérant qu’il n’avait pas de raisons valables pour avoir séjourné 200 jours au Kosovo en 2017. Elle a exposé, de manière convaincante, que le climat dans ce pays était semblable à celui de Genève, que l’assuré avait la possibilité de côtoyer des personnes issues de sa communauté dans la région genevoise – où vivent également son épouse et ses enfants – et qu’il pouvait, si besoin, y trouver un environnement calme et apaisant. L’assuré, qui ne prend pas position sur ces éléments pertinents, ne les dément pas. Il se contente, de manière purement appellatoire, de répéter que ses séjours au Kosovo amélioreraient son état de santé, sans expliquer concrètement pour quelles raisons il ne pourrait pas trouver à Genève des conditions de vie similaires à celles prévalant dans son pays d’origine, étant rappelé que la Suisse abrite une importe communauté kosovare. En outre, comme sous-entendu par les juges cantonaux, les médecins de l’assuré n’ont pas fait état d’une diminution de ses souffrances qui puisse être objectivable. Pour le reste, l’assuré ne conteste pas qu’à défaut d’une résidence habituelle dans le canton de Genève en 2017, il n’a pas droit aux prestations complémentaires cantonales et, en corollaire, pas droit non plus aux subsides de l’assurance-maladie. Il ne prétend pas davantage que les conditions à la restitution des prestations indûment touchées ne seraient pas réunies.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_662/2023 consultable ici

 

Mise en œuvre et financement de la 13e rente AVS : le Conseil fédéral ouvre la consultation

Mise en œuvre et financement de la 13e rente AVS : le Conseil fédéral ouvre la consultation

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 22.05.2024 consultable ici

 

Lors de sa séance du 22 mai 2024, le Conseil fédéral a mis en consultation ses propositions concernant la mise en œuvre et le financement de la 13e rente AVS. Il en avait déjà fixé les grands principes fin mars : la 13e rente de vieillesse AVS doit être versée une fois par an à partir de 2026 et financée de manière durable. Les dépenses supplémentaires atteindront environ 4,7 milliards de francs par an en 2030. Pour les financer et éviter de creuser rapidement le déficit de l’AVS, le Conseil fédéral prévoit deux variantes : soit une hausse des seules cotisations salariales, soit une hausse de ces cotisations combinée avec un relèvement de la TVA. Afin de ne pas imposer de charge supplémentaire aux finances fédérales, il propose en outre de réduire temporairement le pourcentage de la contribution de la Confédération. La consultation dure jusqu’au 5 juillet 2024.

 

Les modifications de loi proposées par le Conseil fédéral définissent la manière dont le supplément à la rente de vieillesse décidé lors de la votation populaire du 3 mars sera versé à tous les retraités à partir de 2026. Elles veillent également à ce que personne ne voie ses prestations complémentaires supprimées ou réduites à cause de ce supplément.

 

Versement annuel de la 13e rente en décembre

Le Conseil fédéral prévoit un versement de la 13e rente de vieillesse chaque année au mois de décembre. Ce supplément s’élèvera à un douzième des rentes mensuelles versées à la personne concernée au cours de l’année civile. Comme le montant de ces rentes peut changer en cours d’année, la 13e rente devra faire l’objet d’un calcul individualisé chaque année. Elle sera versée à toutes les personnes ayant droit à une rente de vieillesse en décembre.

 

Financement de la 13e rente par les cotisations salariales AVS et, éventuellement, la TVA

La 13e rente entraîne des coûts supplémentaires qui atteindront quelque 4,7 milliards de francs par an en 2030. À défaut de financement additionnel, l’AVS serait rapidement confrontée à des difficultés financières ; son résultat de répartition entrerait dans les chiffres rouges dès 2026. C’est pourquoi le Conseil fédéral souhaite que le financement de la 13e rente soit garanti au moment de son introduction en 2026. Pour cela, il met deux variantes en consultation :

  • Variante 1 : Augmentation des cotisations salariales de 0,8 point ; cette mesure rapporterait environ 3,8 milliards de francs de recettes en 2030.
  • Variante 2 : Augmentation des cotisations salariales de 0,5 point et de la TVA de 0,4 point ; cette mesure rapporterait en 2030 environ 2,4 milliards (cotisations salariales) et 1,5 milliard de francs (TVA), soit un total de 3,9 milliards de francs.

 

La participation de la Confédération aux dépenses de l’AVS doit être réduite

La Confédération verse actuellement à l’AVS une contribution fixée à 20,2 % des dépenses de l’assurance. Cela signifie qu’elle devrait normalement prendre en charge 950 millions des 4,7 milliards de francs de dépenses supplémentaires liées à la 13e rente AVS en 2030. Pour ne pas grever davantage le budget de la Confédération, le Conseil fédéral propose de réduire cette contribution à 18,7 % des dépenses à partir de 2026 et jusqu’à l’entrée en vigueur de la prochaine réforme. Le montant en francs de la contribution de la Confédération resterait ainsi quasiment identique en 2026 à ce qu’il aurait été sans la 13e rente. Il continuerait ensuite à croître avec l’augmentation des dépenses de l’AVS, notamment en raison des adaptations régulières des rentes à l’évolution des salaires et des prix. Les calculs réalisés concernant les perspectives financières de l’AVS pour les différentes variantes partent de l’hypothèse que la part de la Confédération sera relevée à son taux actuel à partir de 2031.

 

Variantes de financement pour compenser la part de la Confédération

La réduction de la part de la Confédération entraîne une lacune dans le financement des dépenses supplémentaires liées à la 13e rente de vieillesse (950 millions de francs). Le Conseil fédéral propose deux variantes pour la combler :

  • Variante A : Aucune mesure n’est prise ; les ressources nécessaires sont prélevées sur la fortune de l’AVS. Les réserves de l’AVS diminueraient ainsi chaque année.
  • Variante B : La part manquante de la Confédération pour financer les coûts est couverte par les mêmes sources de financement que celles prévues dans les variantes 1 et 2 :
    * En combinaison avec la variante 1, le taux des cotisations salariales augmenterait de 0,2 point supplémentaire. Il en résulterait des recettes supplémentaires d’environ 900 millions de francs en 2030.
    * En combinaison avec la variante 2, le taux des cotisations salariales augmenterait de 0,1 point supplémentaire et la TVA, de 0,2 point supplémentaire. Il en résulterait des recettes supplémentaires d’environ 1,2 milliard de francs en 2030.

 

Le Conseil fédéral présentera une nouvelle réforme de l’AVS d’ici fin 2026

Même sans les coûts supplémentaires de la 13e rente, l’AVS est confrontée à des défis financiers considérables. En dépit des mesures proposées, il faut s’attendre à des déficits à partir de 2029 ou de 2031, selon la variante de financement retenue. En effet, d’une part, le nombre de personnes qui perçoivent une rente augmente plus vite que le nombre d’actifs qui contribuent à l’AVS par leurs cotisations salariales. D’autre part, l’espérance de vie est en hausse, si bien que les rentes doivent être versées toujours plus longtemps. C’est pourquoi le Parlement a chargé le Conseil fédéral, il y a trois ans déjà, d’élaborer d’ici 2026 une réforme pour la période postérieure à 2030.

 

Le message à l’attention du Parlement suivra en automne

Le Conseil fédéral se fixe un calendrier serré afin de garantir la mise en œuvre et le financement de la 13e rente d’ici 2026. La consultation dure jusqu’au 5 juillet 2024. Le message destiné au Parlement suivra en automne.

Les modifications de loi pour la mise en œuvre de la 13e rente et pour son financement constituent deux projets distincts. Le Conseil fédéral entend s’assurer de cette manière que les modifications de loi nécessaires pour mettre en œuvre la décision du peuple puissent entrer en vigueur, même si le financement devait prendre du retard ou être rejeté lors d’une éventuelle votation populaire. Si la TVA est utilisée pour le financement, une votation populaire sera requise pour modifier la Constitution.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 22.05.2024 consultable ici

Projet de loi pour la mise en œuvre de la 13e rente consultable ici et pour le financement consultable ici

Rapport explicatif du 22.05.2024 pour la procédure de consultation disponible ici

Vue d’ensemble des variantes pour le financement de la 13e rente AVS et conséquences financières consultable ici

Perspectives financières de l’AVS consultable ici

 

Motion Hurni 24.3226 «Pour des centres nationaux d’expertises médicales indépendantes» – Avis du Conseil fédéral

Motion Hurni 24.3226 «Pour des centres nationaux d’expertises médicales indépendantes» – Avis du Conseil fédéral

 

Motion consultable ici

 

Texte déposé

Le Conseil fédéral est chargé, en collaboration avec le secteur des assurances, de mettre en place les bases légales pertinente pour l’instauration de centres suisses d’expertises médicales indépendantes dont le champ d’application doit couvrir aussi bien les assurances sociales que privées, la responsabilité civile et étatique. Le financement, l’organisation et la saisine du centre doivent être réglé de sorte à contenir les coûts et le nombre de procédures.

 

Développement

Dans tous les domaines liés au droit de la santé (assurance RC d’un conducteur,  assurance privée ou Lamal d’indemnités journalières maladie, AI, évaluation perte de gain futur, erreur médicale,…) l’expertise est un point central. Qu’il s’agisse d’une procédure judiciaire ou arbitrale ou même de discussions transactionnelles, l’expertise a un poids immense. Or, ces dernières années, de nombreux scandales ont émaillé l’actualité (Corela, PMEDA,…). Ces scandales se comprennent facilement dans la mesure où c’est, de façon générale, l’assurance, respectivement la partie la plus forte (hôpital) qui paie l’expertise ce qui peut créer un conflit d’intérêt ou à tout le moins une apparence de conflit d’intérêt. En effet, si la plupart des experts respectent absolument l’indépendance nécessaire, il existe de  cas où un soupçon fondé de partialité demeure. La Confédération a certes agi en instaurant dans la réforme de l’AI des améliorations ainsi que l’instauration d’une commission fédérale (commission fédérale d’assurance qualités des expertises médicales (COQEM)), mais il n’en demeure pas moins que, trop souvent, les personnes atteintes dans leur santé ne peuvent pas remettre en cause l’expertise quand bien même les critiques sont valables. Il semblerait pertinent, sans remettre fondamentalement en cause le système, qu’un centre indépendant d’expertise médicale existe pour les cas où une expertise doit être remise en question ou lorsque les parties ne s’entendent pas sur l’expert. Son financement pourrait être assurés par l’ensemble du secteur des assurances, comme les modèles des ombudsman. Ce centre aurait l’immense avantage d’être indépendant car non lié à un contrat particulier avec une assurance et permettrait, dans les cas litigieux, d’obtenir un avis pertinent et véritablement indépendant. Par ailleurs, ce centre pourrait évidemment épouser la structure fédéraliste et serait supervisé par la COQEM.

 

Avis du Conseil fédéral du 15.05.2024

Le problème principal qui se pose actuellement dans le domaine de l’expertise en Suisse est celui du manque d’experts qualifiés, notamment dans les assurances sociales et, plus particulièrement, dans l’assurance-invalidité (AI). Chaque année, l’AI fait réaliser environ 15 000 expertises dans les disciplines médicales les plus variées. Les exigences accrues en matière de qualification se traduisent par une diminution du nombre d’experts disponibles, entraînant de longs temps d’attente. Les nouveautés introduites dans le cadre du développement continu de l’AI en ce qui concerne la répartition des expertises (par ex. principe aléatoire pour les expertises bidisciplinaires, procédure de conciliation pour les expertises monodisciplinaires, liste concernant l’attribution des expertises, enregistrements sonores) ont au moins eu pour effet que l’attribution d’expertises monodisciplinaires est très bien acceptée par les assurés.

Le Conseil fédéral voit positivement la création de nouveaux centres d’expertise. Cependant, les institutions visées par la motion – et qui joueraient le rôle d’un organe d’arbitrage ou de médiation disposant de nombreuses disciplines – iraient  bien au-delà du simple centre. Outre le financement équivoque, ces nouvelles institutions auraient des conséquences importantes, notamment sur le déroulement des procédures, les règles relatives à la force probante et l’appréciation matérielle par les tribunaux. Établir ces centres et les procédures correspondantes impliquerait de modifier le droit social, le droit privé, le droit de la responsabilité de l’État et le droit de la responsabilité civile, ainsi que le droit de procédure. En même temps, cela reviendrait notamment à invalider les procédures propres aux différentes branches d’assurance et qui ont fait leurs preuves, à introduire des solutions spéciales et à revenir sur les améliorations de l’AI mentionnées ci-dessus.

Le Conseil fédéral estime donc que la création d’un petit nombre de ces centres d’expertises nationaux pour toutes les branches d’assurance et d’autres domaines ne permettrait pas d’atteindre l’objectif visé. Il serait plutôt favorable à ce que les hôpitaux publics, et donc les cantons, s’engagent plus fortement afin d’augmenter le nombre d’experts disponibles dans les institutions de droit public des différentes régions linguistiques (cf. www.ofas.admin.ch > Publications & Services > Communiqués de presse > Communiqués de presse dans l’ordre chronologique > 13.10.2020 > AI : amélioration ciblée de la surveillance et des expertises médicales ; rapport d’experts du 10.8.2020, adopté par le Conseil fédéral et publié le 13.10.2020).

 

Proposition du Conseil fédéral

Rejet

 

Motion Hurni 24.3226 «Pour des centres nationaux d’expertises médicales indépendantes» consultable ici

 

Mozione Hurni 24.3226 “Per centri peritali nazionali indipendenti” disponibile qui

Motion Hurni 24.3226 «Für nationale Zentren zur unabhängigen medizinischen Begutachtung» hier abrufbar

 

L’assurance de parentalité genevoise ne peut pour l’instant pas être instaurée comme prévu

L’assurance de parentalité genevoise ne peut pour l’instant pas être instaurée comme prévu

 

Communiqué de presse de l’OFJ du 22.05.2024 consultable ici

 

Le canton de Genève ne peut pas introduire pour le moment une assurance de parentalité en faveur de l’autre parent, à savoir du père, de la partenaire de la mère ou du partenaire du père étant donné que les modalités de financement prévues ne sont pas compatibles avec le droit fédéral. Le Conseil fédéral propose au Parlement dans son message du 22 mai 2024 de ne pas accorder la garantie fédérale à ce volet de la modification de la constitution genevoise. Une révision de loi proposée par le Conseil fédéral devrait toutefois permettre aux cantons d’instaurer à l’avenir une assurance de parentalité pour l’autre parent.

Le 18 juin 2023, la population genevoise a accepté l’initiative populaire prévoyant d’introduire une assurance de parentalité de 24 semaines. Concrètement, l’assurance-maternité cantonale existante, de 16 semaines, est complétée par 8 semaines en faveur de l’autre parent, à savoir du père, de la partenaire de la mère ou du partenaire du père. Il est prévu que la nouvelle assurance soit financée, comme l’assurance-maternité, par des cotisations paritaires des employeurs et des employés.

Le nouvel article de la constitution genevoise n’est pas compatible avec le droit fédéral. Les cantons n’ont en effet pas la compétence d’introduire une assurance en faveur de l’autre parent qui soit financée par des contributions paritaires. C’est pourquoi le Conseil fédéral propose au Parlement, dans le message qu’il a adopté le 22 mai 2024, de ne pas accorder la garantie fédérale à ce volet de la modification de la constitution cantonale. Les dispositions sur l’assurance-maternité de 16 semaines sont quant à elles conformes au droit fédéral et peuvent donc obtenir la garantie fédérale.

Les cantons devraient toutefois bientôt disposer de la compétence d’instaurer une assurance de parentalité pour l’autre parent. Le Conseil fédéral a en effet envoyé en consultation une modification de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain (LAPG) qui va dans ce sens. Si la modification de la LAPG entre en vigueur, le Conseil fédéral proposera dans un futur message l’octroi de la garantie fédérale à ce volet de la modification de la constitution genevoise.

 

Communiqué de presse de l’OFJ du 22.05.2024 consultable ici

 

8C_448/2023 (f) du 22.04.2024 – Prestations complémentaires – Condition d’un séjour ininterrompu de dix ans en Suisse avant le dépôt de sa demande niée / 5 LPC

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_448/2023 (f) du 22.04.2024

 

Consultable ici

 

Prestations complémentaires – Condition d’un séjour ininterrompu de dix ans en Suisse avant le dépôt de sa demande niée / 5 LPC

 

Assurée, née en 1988, ressortissante bolivienne, a été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour (permis B) du 20.09.2010 au 28.02.2012. Une nouvelle autorisation de séjour lui a été délivrée le 05.07.2021, avec une première échéance au 28.07.2022, prolongée jusqu’au 28.07.2024. Depuis le 01.05.2021, elle est au bénéfice d’une rente entière de l’assurance-invalidité.

Le 13.10.2022, l’assurée a déposé une demande de prestations complémentaires. Par décision du 15.11.2022, confirmée sur opposition le 20.01.2023, le service des prestations complémentaires (ci-après: SPC) a rejeté la demande, au motif que la prénommée ne remplissait pas la condition d’un séjour ininterrompu de dix ans en Suisse avant le dépôt de sa demande.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/517/2023 – consultable ici)

Par jugement du 29.06.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
L’arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs notamment à la condition, pour les étrangers, de la durée minimale du séjour préalable en Suisse, à laquelle est subordonné le droit aux prestations complémentaires fédérales et cantonales (art. 4 ss LPC [RS 831.30] et art. 2 de la loi [de la République et canton de Genève] sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 [LPCC; RS/GE J 4 25]). Les juges cantonaux ont en particulier rappelé qu’aux termes des art. 5 al. 1 LPC et 2 al. 3 LPCC, les étrangers n’ont droit à des prestations complémentaires fédérales et cantonales que s’ils séjournent de manière légale en Suisse; ils doivent y avoir résidé de manière ininterrompue pendant les dix années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent la prestation complémentaire (délai de carence). En outre, selon le ch. 2320.01 des Directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (DPC), édictées par l’OFAS, seule la présence effective et conforme au droit vaut résidence habituelle en Suisse; les périodes au cours desquelles une personne a séjourné illégalement en Suisse ne sont pas prises en compte dans la détermination de la durée de séjour.

Consid. 3.3
On ajoutera que l’autorisation de séjour est limitée dans le temps, mais peut être prolongée s’il n’existe aucun motif de révocation au sens de l’art. 62 al. 1 de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l’intégration (LEI; RS 142.20) (art. 33 al. 3 LEI). L’autorisation prend fin notamment à l’expiration de sa durée de validité (art. 61 al. 1 let. c LEI) ou en cas de révocation (art. 62 LEI). La personne concernée peut cependant rester en Suisse pendant la procédure de prolongation de l’autorisation de séjour, et également après l’échéance de cette dernière, lorsqu’elle a déposé une demande de prolongation et pour autant que l’autorité compétente n’ait pas pris des mesures provisionnelles différentes (art. 59 al. 2 de l’ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative [OASA; RS 142.201]). Il ne s’agit certes que d’un droit de séjour procédural; les droits conférés par l’autorisation (notamment en matière de séjour et d’activité lucrative) restent toutefois valables après l’expiration de la durée de validité de l’autorisation de séjour (arrêt 9C_378/2020 du 25 septembre 2020 consid. 5.3; arrêt 2C_1154/2016 du 25 août 2017 consid. 2.3 et les références).

Consid. 4
La juridiction cantonale a considéré que l’assurée alléguait être arrivée en Suisse en 2005, mais qu’elle ne contestait pas avoir été au bénéfice d’une première autorisation de séjour du 20.09.2010 au 28.02.2012 seulement. Par la suite, elle avait séjourné en Suisse sans autorisation valable pendant près de deux ans, jusqu’à sa demande de renouvellement du 06.02.2014. Les juges cantonaux ont ainsi considéré que le délai de carence prévu par les art. 5 al. 1 LPC et 2 al. 3 LPCC débutait le 06.02.2014 au plus tôt. Partant, la condition du séjour légal et ininterrompu de dix ans en Suisse n’était pas remplie au moment où l’assurée a demandé les prestations complémentaires en octobre 2022.

 

Consid. 5 – Fait nouveau et preuve nouvelle

Consid. 5.1
L’assurée a produit en annexe à son recours une demande de renouvellement de son permis de séjour datée du 20.12.2011 puis, en annexe à sa réplique, différents documents échangés avec l’Office cantonal de la population, établis entre mai 2012 et février 2014. Selon l’assurée, il conviendrait de tenir compte de ces pièces dès lors que la juridiction cantonale aurait avancé un nouvel argument juridique « fondé sur un fait contraire à la réalité ». En substance, elle expose que la décision du SPC reposait notamment sur l’absence de renouvellement du permis de séjour, alors que les juges cantonaux retenaient le dépôt d’une demande de renouvellement le 06.02.2014. Cependant, c’est la date du 20.12.2011 qui devait être retenue comme l’atteste sa demande de renouvellement. De surcroît, dans ses déterminations devant le Tribunal fédéral, l’OFAS alléguait qu’entre décembre 2011 et février 2014, environ deux ans s’étaient écoulés sans que l’assurée ait interpellé l’Office cantonal de la population, faits qu’elle conteste sur la base des nouvelles pièces produites.

Consid. 5.3
Les pièces produites par l’assurée à l’appui de son recours et de sa réplique ne figurent pas au dossier cantonal. Contrairement à ce qu’elle invoque, les conditions de l’exception de l’art. 99 al. 1 LTF ne sont pas réalisées. L’assurée ne démontre pas qu’elle ne pouvait pas produire, en instance cantonale, ces documents établis antérieurement à l’arrêt attaqué. Au demeurant, elle soutient avoir « prouvé et développé » que le permis de séjour délivré le 20.09.2010 a fait l’objet d’une procédure de renouvellement. Or on peut s’étonner qu’elle n’ait pas déposé ces pièces, lesquelles auraient été pertinentes en procédure cantonale, ce d’autant plus que dans sa décision du 20.01.2023, le SPC reprochait précisément à l’assurée de ne pas avoir fait renouveler son permis de séjour. Enfin, on soulignera que l’issue de la procédure en première instance ne constitue pas à elle seule un motif suffisant au sens de l’art. 99 al. 1 LTF pour justifier la recevabilité de nova qui auraient déjà pu être soulevés sans autre dans la procédure cantonale (ATF 143 V 19 consid. 1.2; cf. consid. 5.2 supra). Il s’ensuit que les nouvelles pièces ne peuvent être prises en compte pour l’examen de la présente cause.

 

Consid. 6.1
L’assurée reproche ensuite aux juges cantonaux d’avoir établi les faits de manière arbitraire en ne retenant pas la demande de renouvellement de son permis de séjour déposée en décembre 2011. Elle soutient également que les juges cantonaux auraient violé le droit en considérant qu’elle ne remplissait pas la condition de la durée minimale du séjour préalable en Suisse pour bénéficier des prestations complémentaires.

Consid. 6.2
Ces deux griefs reposent sur la prémisse erronée que son nouveau moyen de preuve est admissible et que la demande de renouvellement doit être considérée comme ayant été déposée en décembre 2011. Ces griefs tombent dès lors à faux.

 

Consid. 7
L’assurée, qui succombe, a demandé à bénéficier de l’assistance judiciaire gratuite. Une partie ne remplit les conditions de l’assistance judiciaire que si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et si ses conclusions ne paraissent pas vouées à l’échec (art. 64 al. 1 LTF; ATF 140 V 521 consid. 9.1). Au regard des motifs avancés dans le mémoire de recours, celui-ci apparaissait d’emblée dénué de chances de succès et la requête d’assistance judiciaire doit dès lors être rejetée. L’assurée doit par conséquent payer les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF) et ne peut pas prétendre à la prise en charge des honoraires de son avocat.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_448/2023 consultable ici