1C_580/2017 (f) du 01.10.2018 – Retrait de permis – Excès de vitesse et conduite en état d’ébriété non qualifié – Infraction grave – 16c al. 1 LCR / Dies a quo du délai de récidive

Arrêt du Tribunal fédéral 1C_580/2017 (f) du 01.10.2018

 

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Retrait de permis – Excès de vitesse et conduite en état d’ébriété non qualifié – Infraction grave – 16c al. 1 LCR

Dies a quo du délai de récidive

 

A.__ a circulé à Anet sur une route hors localité à une vitesse de 112 km/h (marge de sécurité déduite), dépassant ainsi de 32 km/h la vitesse maximale autorisée (80 km/h) ; de plus, il se trouvait en état d’ébriété avec une alcoolémie non qualifiée de 0,52‰.

Le 27.06.2014, la Commission des mesures administratives en matière de circulation routière (CMA) a informé A.__ de l’ouverture d’une procédure pouvant, en raison des infractions commises, aboutir au prononcé d’une mesure administrative.

Par ordonnance pénale du 23.07.2014, le ministère public a reconnu A.__ coupable de violation grave des règles de la circulation routière (excès de vitesse) et de conduite en état d’ébriété non qualifié. Statuant le 17.04.2015 sur opposition, le tribunal régional a confirmé pour l’essentiel la teneur de l’ordonnance pénale. Par jugement du 16.03.2016, la Cour suprême du canton de Berne a constaté que le jugement du 17.04.2015 était entré en force s’agissant de la conduite en état d’ébriété et a confirmé la condamnation du prénommé pour violation grave des règles de la circulation routière en raison de l’excès de vitesse précité de 32 km/h ; elle l’a condamné à une peine pécuniaire de 20 jours-amende, avec sursis pendant deux ans, et au paiement d’une amende.

Par décision du 14.04.2016, la CMA a prononcé le retrait du permis de conduire de A.__ pour une durée de six mois, en application de l’art. 16c al. 2 let. b LCR.

 

Procédure cantonale

Par arrêt du 21.09.2017, le tribunal cantonal a confirmé cette décision. Elle a retenu que A.__ avait commis une infraction légère (conduite en état d’ébriété avec un taux d’alcool non qualifié) et une infraction grave (excès de vitesse de 32 km/h) au sens de l’art. 16c al. 1 let. a LCR. Dès lors que deux ans seulement s’étaient écoulés entre l’exécution d’un précédent retrait pour faute moyennement grave (soit du 10 mai au 9 juin 2012) et la commission d’une nouvelle infraction (le 28.05.2014), la CMA avait, à juste titre, appliqué l’art. 16c al. 2 let. b LCR qui impose un retrait de permis d’une durée minimale de six mois.

 

TF

Infraction grave

Commet une infraction grave selon l’art. 16c al. 1 let. a LCR la personne qui, en violant gravement les règles de la circulation, met sérieusement en danger la sécurité d’autrui ou en prend le risque. Conformément à l’art. 16c al. 2 let. b LCR, après une infraction grave le permis de conduire est retiré pour six mois au minimum si, au cours des cinq années précédentes, le permis a été retiré une fois en raison d’une infraction moyennement grave. Si des circonstances telles que la gravité de la faute, les antécédents ou la nécessité professionnelle de conduire un véhicule automobile doivent être prises en compte pour fixer la durée du retrait, la durée minimale ne peut pas être réduite à teneur de l’art. 16 al. 3 LCR.

Dans le domaine des excès de vitesse, la jurisprudence a été amenée à fixer des règles précises afin d’assurer l’égalité de traitement entre conducteurs. Ainsi, selon la jurisprudence constante, le cas est objectivement grave, c’est-à-dire sans égard aux circonstances concrètes ou encore à la bonne réputation du conducteur, en présence d’un dépassement de la vitesse autorisée de 25 km/h ou plus à l’intérieur des localités, de 30 km/h ou plus hors des localités et sur les semi-autoroutes et de 35 km/h ou plus sur les autoroutes (ATF 132 II 234 consid. 3.1. et 3.2 p. 237 s. et les arrêts cités).

Cette jurisprudence ne dispense toutefois pas l’autorité de tout examen des circonstances du cas concret. D’une part, l’importance de la mise en danger et celle de la faute doivent être appréciées afin de déterminer quelle doit être la durée du retrait, la durée minimale du retrait ne pouvant toutefois pas être réduite (art. 16 al. 3 LCR). D’autre part, il y a lieu de rechercher si des circonstances particulières ne justifient pas de considérer néanmoins le cas comme plus grave ou, inversement, comme de moindre gravité. Dans cette mesure, une appréciation purement schématique du cas, fondée exclusivement sur le dépassement de vitesse constaté, violerait le droit fédéral (ATF 126 II 196 consid. 2a p. 199 et l’arrêt cité).

En l’espèce, selon les faits établis au pénal, A.__ a commis un excès de vitesse de 32 km/h sur un tronçon limité à 80 km/h, ce qui est objectivement constitutif, en application de la jurisprudence susmentionnée, d’une infraction grave (art. 16c al. 1 let. a LCR). A.__ n’invoque aucun élément qui permettrait de considérer le cas comme étant de moindre gravité, ce d’autant moins qu’il conduisait en état d’ébriété.

 

Dies a quo du délai de récidive

A.__ affirme que le délai de récidive de cinq ans prévu par l’art. 16c al. 2 let. b LCR commencerait à courir dès la commission de l’infraction précédente, soit en l’occurrence le 20.08.2008 ; or plus de 5 ans et 9 mois se seraient écoulés entre cette infraction moyennement grave et l’infraction grave du 28.05.2014, à l’origine du présent retrait.

Selon une jurisprudence constante en matière de circulation routière, les délais de récidive (ou délais d’épreuve ; cf. Message du Conseil fédéral du 31 mars 1999 concernant la modification de la LCR, FF 1999 IV 4106, spéc. 4135) prévus par les art. 16a à c LCR commencent à courir à la fin de l’exécution d’un précédent retrait de permis (cf. ATF 136 II 447 consid. 5.3 p. 455 s.; arrêts 1C_520/2013 du 17 septembre 2013 consid. 2 et 3; 1C_452/2011 du 21 août 2012 consid. 3.8; 1C_180/2010 du 22 septembre 2010 consid. 2; CÉDRIC MIZEL, Droit et pratique illustrée du retrait du permis de conduire, 2015, n. 79.3 p. 600 s.; BUSSY/RUSCONI/JEANNERET/KUHN/MIZEL/MÜLLER, Code suisse de la circulation routière commenté, 4e éd. 2015, n. 4.3 ad intro art. 16 ss LCR).

A.__ ne développe en l’occurrence aucune argumentation qui justifierait de remettre en cause cette jurisprudence et de prendre comme point de départ du délai de récidive le jour de l’infraction à la circulation routière. Il affirme en particulier à tort que l’art. 16c al. 2 let. b LCR n’aurait pas repris la solution prévalant sous l’ancien droit, en se référant au texte de l’art. 17 al. 1 let. c aLCR qui évoquait expressément « l’expiration du dernier retrait » comme point de départ du délai de récidive.

Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de préciser que les dispositions actuelles relatives au retrait du permis, modifiées par la loi fédérale du 14 décembre 2001 et en vigueur depuis le 1er janvier 2005 (RO 2002 p. 2767, 2004 p. 2849), n’avaient pas introduit de changement quant au point de départ du calcul du délai (ATF 136 II 447 consid. 5.3 p. 455 ss; cf. également arrêts 1C_89/2017 du 22 décembre 2017 consid. 2.4.2; 1C_731/2013 du 10 décembre 2013 consid. 3.4; 1C_180/2010 du 22 septembre 2010 consid. 2.3; MIZEL, op. cit., n. 79.3 p. 600 s. et les réf. cit.).

L’interprétation préconisée par A.__ apparaît contraire au texte même de l’art. 16c al. 2 let. b LCR qui se réfère à une mesure de retrait exécutée (« le permis a été retiré »; cf. arrêt 1C_520/2013 du 17 septembre 2013 consid. 3.2; cf. également ATF 141 II 220 consid. 3.3.2 p. 225). A.__ méconnaît par ailleurs que l’intention du législateur, avec cette modification de la LCR, était de sanctionner plus sévèrement les conducteurs récidivistes et de rallonger la durée du délai d’épreuve pour les infractions graves (cf. FF 1999 IV 4108 et 4135).

 

En l’occurrence, l’infraction grave commise le 28.05.2014 est intervenue moins de cinq ans après l’échéance d’un précédent retrait de permis en raison d’une infraction moyennement grave. Conformément à l’art. 16c al. 2 let. b LCR, la durée du retrait du permis de conduire est donc de six mois au minimum. La cour cantonale s’en est tenue à cette durée minimale – qui ne peut pas être réduite – et son arrêt n’est dès lors pas critiquable.

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

 

Arrêt 1C_580/2017 consultable ici

 

 

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