6B_99/2015 (f) du 27.11.2015 – Escroquerie – 146 CP / Obligation de communiquer – 31 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_99/2015 (f) du 27.11.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1SMHubo

 

Escroquerie – 146 CP

Obligation de communiquer – 31 LPGA

 

Le 22.11.2010, X.__ a complété et signé une formule de « Demande de prestations d’aide financière et de subside de l’assurance-maladie ou d’aide à la gestion de revenus » ainsi qu’un document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général », lequel précise les devoirs des personnes souhaitant bénéficier de prestations d’aide financière. A la rubrique idoine, X.__ a indiqué être titulaire d’un seul compte privé postal. Sur cette base, X.__ a perçu un montant total de 74’624 fr. 50 versé à titre de prestations d’aide financière durant la période du 01.12.2007 au 30.06.2011.

A la suite d’un rapport d’enquête établi le 03.06.2011, l’Hospice général a découvert que X.__ était titulaire d’un compte privé. Selon le relevé de ce compte, 64’000 fr. ont été crédités le 13.10.2008. Ces montants dépassaient la limite de fortune permettant à une personne vivant seule de bénéficier d’une aide financière de l’institution précitée.

 

TF

Aux termes de l’art. 146 CP, se rend coupable d’escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers.

Cette infraction se commet en principe par action. Tel est le cas lorsqu’elle est perpétrée par actes concluants (ATF 140 IV 11 consid. 2.3.2 p. 14). L’assuré qui, en vertu de l’art. 31 LPGA, a l’obligation de communiquer toute modification importante des circonstances déterminantes pour l’octroi d’une prestation, ne respecte pas cette obligation et continue à percevoir les prestations allouées initialement à juste titre, n’adopte pas un comportement actif de tromperie. Le fait de continuer à percevoir les prestations allouées ne saurait être interprété comme la manifestation positive – par acte concluant – du caractère inchangé de la situation. Il convient en revanche d’analyser la situation de façon différente lorsque la perception de prestations est accompagnée d’autres actions permettant objectivement d’interpréter le comportement de l’assuré comme étant l’expression du caractère inchangé de la situation. Tel sera le cas lorsque l’assuré ne répond pas ou pas de manière conforme à la vérité aux questions explicites de l’assureur destinées à établir l’existence de modification de la situation personnelle, médicale ou économique; il n’est en effet plus question alors d’une escroquerie par omission, mais d’une tromperie active (ATF 140 IV 206 consid. 6.3.1.3 p. 209 et les références citées). Une escroquerie par actes concluants a également été retenue dans le cas d’un bénéficiaire de prestations d’assurance exclusivement accordées aux indigents, qui se borne à donner suite à la requête de l’autorité compétente tendant, en vue de réexaminer sa situation économique, à la production d’un extrait de compte déterminé, alors qu’il possède une fortune non négligeable sur un autre compte, jamais déclaré (ATF 127 IV 163 consid. 2b p. 166; plus récemment arrêt 6B_1115/2014 du 28 août 2015 consid. 2.1.1) ou dans le cas d’une personne qui dans sa demande de prestations complémentaires tait un mois de rente et plusieurs actifs et crée par les informations fournies l’impression que celles-ci correspondent à sa situation réelle (ATF 131 IV 83 consid. 2.2 p. 88 s.; cf. également arrêt 9C_232/2013 du 13 décembre 2013 consid. 4.1.3).

Pour qu’il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit pas. Il faut encore qu’elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse, au sens de l’art. 146 CP, lorsque l’auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu’il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n’est pas possible, ne l’est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l’auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu’elle renoncera à le faire (ATF 135 IV 76 consid. 5.2 p. 81 s. et les références citées). L’astuce n’est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d’attention ou éviter l’erreur avec le minimum de prudence que l’on pouvait attendre d’elle. Il n’est cependant pas nécessaire qu’elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu’elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d’être trompée. L’astuce n’est exclue que si elle n’a pas procédé aux vérifications élémentaires que l’on pouvait attendre d’elle au vu des circonstances. Une coresponsabilité de la dupe n’exclut toutefois l’astuce que dans des cas exceptionnels (ATF 135 IV 76 consid. 5.2 p. 81).

Ces principes sont également applicables en matière d’aide sociale. L’autorité agit de manière légère lorsqu’elle n’examine pas les pièces produites ou néglige de demander à celui qui requiert des prestations les documents nécessaires afin d’établir ses revenus et sa fortune, comme par exemple sa déclaration fiscale, une décision de taxation ou des extraits de ses comptes bancaires. En revanche, compte tenu du nombre de demandes d’aide sociale, une négligence ne peut être reprochée à l’autorité lorsque les pièces ne contiennent pas d’indice quant à des revenus ou à des éléments de fortune non déclarés ou qu’il est prévisible qu’elles n’en contiennent pas (arrêts 6B_125/2012 du 28 juin 2012 consid. 5.3.3; 6B_576/2010 du 25 janvier 2011 consid. 4.1.2 et les références citées).

Pour que le crime d’escroquerie soit consommé, l’erreur dans laquelle la tromperie astucieuse a mis ou conforté la dupe doit avoir déterminé celle-ci à accomplir un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires, ou à ceux d’un tiers sur le patrimoine duquel elle a un certain pouvoir de disposition. Un dommage temporaire ou provisoire est suffisant. Lorsque l’acte litigieux consiste dans le versement par l’Etat de prestations prévues par la loi, il ne peut y avoir escroquerie consommée que si le fait sur lequel portait la tromperie astucieuse et l’erreur était propre, s’il avait été connu par l’Etat, à conduire au refus, conformément à la loi, de telles prestations. Ce n’est en effet que dans ce cas, lorsque les prestations n’étaient en réalité pas dues, que l’acte consistant à les verser s’avère préjudiciable pour l’Etat et donc lui cause un dommage (arrêts 6B_183/2014 du 28 octobre 2014 consid. 3.3, non publié in ATF 140 IV 150; 6B_1115/2014 précité consid. 2.1.3 et les références citées).

Sur le plan subjectif, l’escroquerie est une infraction intentionnelle, l’intention devant porter sur tous les éléments constitutifs de l’infraction. L’auteur doit en outre avoir agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, correspondant au dommage de la dupe (ATF 134 IV 210 consid. 5.3 p. 213 s.).

In casu, les éléments constitutifs de l’infraction d’escroquerie sont réunis en l’espèce. X.__ a menti à l’Hospice général en ne déclarant pas qu’il disposait d’une fortune représentant 20 ans d’économies, s’élevant à 64’000 fr. au 13.10.2008, et en lui cachant l’existence du compte bancaire, dont il était titulaire, sur lequel le montant précité a été crédité à cette dernière date, lorsqu’il a complété et signé les formulaires de demande de prestations et d’engagement. Il savait que sur la base des renseignements produits, l’autorité renoncerait à procéder à de plus amples investigations. Il a ainsi indûment perçu le montant de 74’624 fr. 50.

La condamnation de X.__ pour escroquerie ne viole pas le droit fédéral.

 

 

Arrêt 6B_99/2015 consultable ici : http://bit.ly/1SMHubo

 

 

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