Archives par mot-clé : Jurisprudence

8C_175/2015 (f) du 15.01.2016 – Tentative de suicide – incapacité de discernement – 4 LPGA – 37 al. 1 LAA – 48 OLAA / Interprétations d’un rapport d’expertise – Vraisemblance prépondérante

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_175/2015 (f) du 15.01.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1L5Yfqp

 

Tentative de suicide – incapacité de discernement / 4 LPGA – 37 al. 1 LAA – 48 OLAA

Interprétations d’un rapport d’expertise – Vraisemblance prépondérante

 

Assuré, né en 1981, retrouvé inconscient, le 12.11.2011, gisant au pied de l’immeuble dans lequel il habitait, à la suite d’une défenestration d’une hauteur de 8 mètres environ. Une lettre, ainsi libellée, a été retrouvée dans sa chambre : « Personnes n’est responsable de cet act. Je n’avais plus envie de vivre c’est tout. Pourquoi? Car tout était devenu absurde. Je ne sais quoi faire de ma vie. Et j’en souffre beaucoup. Quoi que je pense de bien ou de mal. Il y a une pait qui ne veux pas. Qui refuse. Et je n’arrive pas à faire autrement ou plutôt penser autrement. Et cela est fatiguant. Et dure depuis trop longtemps… Ne me dites surtout pas si j’aurais fait ça ou qu’est ce que j’aurais pu faire pour éviter ça. Je n’avais plus envie. Je me suis m’y tout seul dans cette situation. Je ne trouve pas la solution d’y sortir. Car mon ego est grand et ma fierté tout autant. Certe j’aurais voulu laisser autre chose que de la colère et de la tristesse. Désolé… ».

L’assuré a subi un polytraumatisme sévère, engendrant une tétraplégie sensitivo-motrice complète (AIS A), au niveau C8, de traumatisme crânien sévère et de fracture du bassin open-book (rapport du 3 janvier 2013). L’assuré a été examiné par une spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie ; cette dernière a rapporté que l’assuré souffrait depuis des années d’une dépression grave et était suicidaire. A cela s’ajoutaient des troubles de la personnalité de type borderline avec des traits narcissiques, une incapacité d’entretenir une relation, de l’inconstance. La suicidalité constituait un problème particulier chez l’assuré, qui vivait depuis des années avec l’idée de se suicider. L’existence d’une tentative de suicide par défenestration et d’idées suicidaires récurrentes plaidait en faveur d’un important risque de décès par suicide.

Par décision, l’assureur-accidents a refusé la prise en charge de l’événement du 12.11.2011, motif pris que l’assuré avait provoqué intentionnellement les atteintes à sa santé. Lors de la procédure d’opposition, le cas a été soumis au médecin-conseil, spécialiste FMH en en psychiatrie et psychothérapie. Il a estimé qu’il n’y avait aucun indice qui permettait d’admettre que la capacité de discernement de l’intéressé était abolie au moment de la chute du 12.11.2011. Une expertise a également été mise en œuvre, auprès d’un spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. L’assureur-accidents a écarté l’opposition et confirmé la décision.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/107/2015 – consultable ici : http://bit.ly/1UTqU7q)

Par arrêt du 09.02.2015, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le  suicide comme tel n’est un accident assuré que s’il a été commis dans un état d’incapacité de discernement. Cette règle, qui découle de la jurisprudence, est exprimée à l’art. 48 OLAA. Par conséquent, il faut, pour entraîner la responsabilité de l’assureur-accidents, que, au moment de l’acte et compte tenu de l’ensemble des circonstances objectives et subjectives, en relation aussi avec l’acte en question, l’intéressé ait été privé de toute possibilité de se déterminer raisonnablement en raison notamment d’une déficience mentale ou de troubles psychiques (ATF 140 V 220 consid. 3 p. 222; 129 V 95; 113 V 61 consid. 2a p. 62 ss; RAMA 1990 n° U 96 p. 182 consid. 2). L’incapacité de discernement n’est donc pas appréciée dans l’abstrait, mais concrètement, par rapport à un acte déterminé, en fonction de sa nature et de son importance, les facultés requises devant exister au moment de l’acte (principe de la relativité du discernement; voir par exemple ATF 134 II 235 consid. 4.3.2 p. 239). Le suicide doit avoir pour origine une maladie mentale symptomatique. En principe, l’acte doit être insensé. Un simple geste disproportionné, au cours duquel le suicidaire apprécie unilatéralement et précipitamment sa situation dans un moment de dépression ou de désespoir ne suffit pas (voir par exemple arrêt 8C_916/2011 du 8 janvier 2013 consid. 2.2 et les références). Les mêmes principes s’appliquent à la tentative de suicide (ATF 129 V 95 consid. 3.4 p. 101).

Savoir si le suicide ou la tentative de suicide a été commis dans un état d’incapacité de discernement doit être résolu selon la règle du degré de la vraisemblance prépondérante généralement appliquée en matière d’assurances sociales. Le juge retiendra alors, parmi plusieurs présentations des faits, celle qui lui apparaît comme la plus vraisemblable (arrêt 8C_916/2011 du 8 du janvier 2013 consid. 2.2 et les références). Il n’existe donc pas un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré; le défaut de preuve va au détriment de la partie qui entendait tirer un droit du fait non prouvé (ATF 126 V 319 consid. 5a p. 322).

Le médecin-expert mandaté par l’assureur-accidents a posé le diagnostic de trouble mixte de la personnalité avec traits impulsifs et schizoïdes (F61.0) et de trouble dépressif récurrent, épisode actuellement en rémission (F33.4). L’expert relève que la défenestration est un mode de suicide qui n’implique aucun acte préparatoire par opposition à d’autres modalités (pendaison ou intoxication au monoxyde de carbone). La nécessité d’actes préparatoires à l’acte suicidaire présuppose le plus fréquemment la présence du discernement. S’agissant de l’assuré, l’expert – qui a eu connaissance de l’anamnèse psychiatrique de l’intéressé – souligne qu’il présente une suicidalité de longue date. Les idées suicidaires sont présentes de manière répétitive depuis de nombreuses années. Des épisodes dépressifs récurrents sont présents. Sur la base de ces éléments, l’expert exprime l’avis que la modalité de la tentative de suicide ne permet pas d’exclure un raptus suicidaire, dans le sens où l’intéressé a subitement « décidé » de se jeter par la fenêtre. Cette modalité évoque plutôt un acte subit et en conséquence un raptus suicidaire qu’un acte décidé et planifié. L’expert a indiqué que le trouble dépressif récurrent n’entraînait pas de manière générale une abolition de la capacité de discernement. Il en allait de même du trouble de la personnalité dont souffrait l’intéressé. Néanmoins, le sentiment qu’exprimait ce dernier de ne pas avoir voulu se suicider, d’une certaine étrangeté de l’acte à ses yeux ainsi que les modalités de l’acte qui n’impliquent aucun acte préparatoire rendaient vraisemblable un raptus suicidaire avec abolition de la capacité de discernement. Sous la rubrique « Remarques éventuelles », l’expert terminait par ces mots son rapport: « J’estime qu’aucun élément nouveau ne sera à même de lever l’incertitude médicale concernant la capacité de discernement de l’expertisé au moment des faits. Aucun médecin spécialiste n’a examiné l’expertisé dans les jours qui ont précédé l’acte funeste et personne n’a assisté à l’événement et n’a été présent peu avant l’événement. Les médecins sont donc réduits à devoir faire des hypothèses sur la capacité de discernement au moment des faits ».

C’est par une interprétation erronée des termes utilisés par l’expert que les premiers juges tirent du mot « plutôt » la conclusion que l’existence d’un raptus suicidaire peut être considérée comme établie au degré de la vraisemblance prépondérante. En réalité, l’expert fait montre dans le passage en question de son rapport d’une grande circonspection par l’utilisation du mot « évoque » accolé à celui de « plutôt ». Le mot « évoque », qui est ici synonyme de « suggérer » est plus l’expression d’une possibilité ou d’une simple probabilité que d’une vraisemblance prépondérante.

Sur le vu de l’ensemble des considérations de l’expert, il n’est pas établi au degré de preuve requis que l’assuré souffrait au moment des faits d’une affection qui le privait de sa capacité de discernement. Seuls certains éléments pouvaient, avec une certaine plausibilité, accréditer la thèse de l’incapacité de discernement. Finalement l’expert reconnaît ne pas être en mesure d’opérer un choix parmi les hypothèses envisagées. Pour autant, on ne saurait dire que l’expertise renferme des contradictions ou des lacunes qui justifieraient d’ordonner une surexpertise. Il appartenait au contraire à l’expert de faire part de ses doutes et de ses incertitudes sur des questions qui ne pouvaient trouver une réponse claire sous l’angle médical (voir à ce sujet SUSANNE BOLLINGER, Der Beweiswert psychiatrischer Gutachten in der Invalidenversicherung unter besonderer Berücksichtigung der bundesgerichtlichen Rechtsprechung, Jusletter du 31 janvier 2011, ch. 24). En l’espèce, si l’expert montre une certaine indécision, il ne fait qu’exprimer une incertitude réelle sur la thèse la plus probable, qui ne pourrait à ses yeux pas être levée par des investigations supplémentaires.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et rétablit la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_175/2015 consultable ici : http://bit.ly/1L5Yfqp

 

 

Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 02.02.2016 – Affaire Di Trizio c. Suisse – Evaluation du taux d’invalidité – Méthode mixte jugé comme discriminatoire

Arrêt de la CrEDH du 02.02.2016, affaire Di Trizio c. Suisse (requête no 7186/09)

 

Arrêt consultable ici : Affaire Di Trizio c. Suisse

Communiqué de presse consultable ici : Arrêt di Trizio c. Suisse – Discrimination dans le calcul d’une rente d’invalidité

 

Evaluation du taux d’invalidité – Méthode mixte / 28 al. 3 LAI

 

Dans son arrêt de chambre, rendu le 2 février 2016, dans l’affaire di Trizio c. Suisse (requête no 7186/09), la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après : CrEDH) dit, par quatre voix contre trois, qu’il y a eu : Violation de l’article 14 (interdiction de la discrimination) combiné avec l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme

L’affaire concerne le refus de l’office de l’assurance-invalidité suisse de continuer à allouer à la requérante une rente d’invalidité de 50 % après la naissance de ses jumeaux.

Mme di Trizio travaillait initialement à plein temps et elle a dû en juin 2002 abandonner son activité à cause de problèmes de dos. Elle s’est vu octroyer une rente d’invalidité de 50 % pour la période allant de juin 2002 jusqu’à la naissance de ses jumeaux. Cette rente a été annulée ensuite, par application de la méthode dite « méthode mixte » qui présupposait que même si elle n’avait pas été frappée d’invalidité, la requérante n’aurait pas travaillé à plein temps après la naissance de ses enfants. Celle-ci se plaint d’une discrimination fondée sur le sexe.

La CrEDH admet avec le Gouvernement que l’objectif de l’assurance invalidité est de couvrir le risque de perte de la possibilité d’exercer une activité rémunérée ou des travaux habituels que l’assuré pourrait effectuer s’il était resté en bonne santé mais elle estime cependant que cet objectif doit être apprécié à la lumière de l’égalité des sexes.

La CrEDH observe qu’il est vraisemblable que si Mme di Trizio avait travaillé à 100 % ou si elle s’était entièrement consacrée aux tâches ménagères, elle aurait obtenu une rente d’invalidité partielle. Ayant autrefois travaillé à temps plein, elle s’était initialement vu octroyer une telle rente dont elle a bénéficié jusqu’à la naissance de ses enfants. Il en découle clairement que le refus de lui reconnaître le droit à une rente a pour fondement l’indication de sa volonté de réduire son activité rémunérée pour s’occuper de son foyer et de ses enfants. De fait, pour la grande majorité des femmes souhaitant travailler à temps partiel à la suite de la naissance des enfants, la méthode mixte, appliquée dans 98 % des cas aux femmes, s’avère discriminatoire.

Cet arrêt de chambre n’est pas définitif. Dans un délai de trois mois à compter de la date de son prononcé, toute partie peut demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre de la Cour (art. 43 ch. 1 CEDH). En pareil cas, un collège de cinq juges détermine si l’affaire mérite plus ample examen. Si tel est le cas, la Grande Chambre se saisira de l’affaire et rendra un arrêt définitif. Si la demande de renvoi est rejetée, l’arrêt de chambre deviendra définitif à la date de ce rejet. Dès qu’un arrêt devient définitif, il est transmis au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe qui en surveille l’exécution

 

Le communiqué de presse du 02.02.2016 de la Cour européenne des droits de l’homme est consultable ici : Arrêt di Trizio c. Suisse – Discrimination dans le calcul d’une rente d’invalidité

L’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme est consultable ici Affaire Di Trizio c. Suisse

Dans les quatre dernières pages, vous trouverez l’opinion dissidente des trois juges (Juges Keller, Spano et Kjølbro).

L’exposé des faits est consultable ici : Affaire Di Trizio c. Suisse – Exposé des faits et Questions aux Parties

 

TF

L’arrêt du TF concerné (9C_49/2008 du 28.07.2008) est consultable ici : http://bit.ly/1nU3YL4

Par ailleurs, l’arrêt 9C_49/2008 du Tribunal fédéral a également fait l’objet d’un avis de Jean-Louis Duc (Jean-Louis Duc, Du statut dans l’assurance-invalidité des ménagères actives atteintes dans leur santé, in : Jusletter 26 septembre 2011).

 

Remarques

Les critiques à l’égard de la méthode de calcul pour les travailleurs à temps partiel ne sont pas nouvelles (cf. les références citées à l’ATF 137 V 334, consid. 5.1). La doctrine estime en substance que le degré d’invalidité calculé selon la méthode mixte d’évaluation aboutit à un résultat peu satisfaisant, car souvent inférieur à celui obtenu avec l’aide d’une autre méthode. Dans la mesure où ce seraient les femmes qui en pâtiraient principalement, la méthode mixte d’évaluation serait par conséquent discriminatoire.

Dans son arrêt de principe précité, le TF estimait (ATF 137 V 334, consid. 7.2) que la solution actuelle était la conséquence de la dualité méthodologique voulue à l’origine par le législateur. Le point de savoir si un tel choix est encore opportun à la lumière de l’évolution sociologique de la société ne peut pas être tranché par le Tribunal fédéral et qu’il appartient au législateur fédéral de proposer une solution qui, à ses yeux, tiendrait mieux compte de la situation des travailleurs à temps partiel (voir ATF 125 V 146 consid. 5c/dd in fine p. 160 s.).

Dans son arrêt 9C_49/2008 du 28 juillet 2008, le TF mentionnait au consid. 3.4 (traduit par le Greffe de la CrEDH) : « Il est vrai que la méthode mixte, telle qu’elle est appliquée par le Tribunal [fédéral] dans sa jurisprudence constante, peut mener à la perte d’une rente, lorsque, avec une probabilité prépondérante, la personne assurée – en règle générale à la suite de la naissance d’un enfant – cesse d’exercer, ou d’exercer à plein temps, une activité lucrative qui était la sienne jusque-là. Toutefois, ce n’est pas l’invalidité qui cause [alors] la perte de revenu ; de nombreuses personnes en bonne santé subissent également une perte de revenu, quand elles réduisent ou abandonnent leur activité professionnelle. La critique à l’égard de la méthode mixte vise le fait que les personnes (des femmes dans la majorité des cas) subissent une perte de gains lorsqu’elles réduisent leur taux d’activité après la naissance d’enfants. Cette réalité sociologique n’est toutefois pas la conséquence de facteurs liés à la santé de la personne et n’a donc pas lieu d’être compensée par l’assurance-invalidité. Aucune discrimination ou autre violation de la Convention européenne des droits de l’homme n’en découle. »

Le postulat Jans 12.3960 (Assurance-invalidité. Les travailleurs à temps partiel sont désavantagés), déposé le 28 septembre 2012, chargeait le Conseil fédéral de rédiger un rapport sur la situation des travailleurs à temps partiel dans l’assurance-invalidité. Dans son développement, il prenait l’exemple suivant : Il est ainsi possible qu’une aide à domicile travaillant à plein temps ait droit à une demi-rente AI alors qu’une aide à domicile travaillant à temps partiel qui souffre des mêmes atteintes à la santé et qui a la même capacité de travail limitée n’a absolument pas droit à une rente.

Le 1er juillet 2015, le Conseil fédéral a rendu son rapport en réponse au dit postulat (http://bit.ly/1f0UsS6). Le graphique de la répartition des méthodes d’évaluation du taux d’invalidité est non équivoque : la méthode mixte présentait une répartition nettement plus inégale: sur un total de 16’400 rentes calculées en décembre 2013 au moyen de cette méthode, la majeure partie, soit 16’000 cas (ou 98%), étaient des femmes, alors que le nombre d’hommes faisant l’objet d’une évaluation selon cette méthode s’élevait à 400 seulement (ou 2%). La surreprésentation des femmes dans l’application de la méthode mixte est imputable à la réalité sociale. Ce fait se reflète également dans les données de l’Office fédéral de la statistique (OFS), selon lesquelles près de 60% des femmes qui exerçaient une activité lucrative en 2013 le faisaient à temps partiel, alors que ce taux n’était que de 15% pour les hommes. Autrement dit : sur 100 personnes qui travaillent à temps partiel, 84 sont des femmes et 16 des hommes (ch. 3.1, p. 14). A la question « La méthode est-elle source de discrimination ? », il n’est pas contesté d’une part que la méthode mixte peut conduire à des taux d’invalidité plus bas et, d’autre part, que cette méthode est appliquée dans 98% des cas à des femmes. La question d’une discrimination indirecte peut donc être posée et elle l’est de fait dans la littérature spécialisée (ch. 5.4, p. 21 ss). Bien que certaines failles dans l’évaluation du taux d’invalidité des personnes travaillant à temps partiel aient été mises en évidence dans le rapport, le Conseil fédéral relevait que des améliorations nécessiteraient des modifications de loi et occasionneraient des coûts supplémentaires considérables. En raison de la situation financière de l’AI, il a été renoncé, momentanément, à procéder à une amélioration rapide de la situation (ch. 8, p. 31).

La CrEDH s’est donc penchée sur les griefs de violation de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), combiné avec l’article 8 CEDH. La CrEDH a considéré que l’application de la méthode mixte à Mme Di Trizio était susceptible d’influencer celle-ci et son époux dans la manière dont ils se répartissent les tâches au sein de la famille et, partant, d’avoir un impact sur l’organisation de leur vie familiale et professionnelle. Dans son arrêt de principe (ATF 137 V 334), le Tribunal fédéral a d’ailleurs explicitement admis que la méthode mixte peut causer des désagréments pour une personne travaillant à temps partiel pour des raisons familiales, lorsqu’elle devient invalide. Ces observations suffisent à la CrEDH pour conclure que le grief relève de l’article 8 CEDH sous son volet « familial ». La CrEDH a également estimé que les éléments soumis peuvent être considérés comme suffisamment fiables et révélateurs pour faire naître une présomption de discrimination indirecte. La CrEDH a estimé que l’objectif mis en avant par le Gouvernement comme étant celui de l’assurance-invalidité est en soi un but cohérent avec l’essence et les contraintes d’un tel système d’assurance, qui repose sur des ressources limitées et doit en conséquence avoir parmi ses principes directeurs celui de la maîtrise des dépenses. Toutefois, cet objectif doit être apprécié à la lumière de l’égalité des sexes. Or, seules des considérations très fortes peuvent amener à estimer compatible avec la Convention une différence de traitement sous cet angle. La CrEDH en a conclu que la marge d’appréciation des autorités était fortement réduite en l’espèce (paragraphe 96). La CrEDH a relevé que, de fait, pour la grande majorité des femmes souhaitant travailler à temps partiel à la suite de la naissance des enfants, la méthode mixte s’avère discriminatoire (paragraphe 97).

Aux yeux de la CrEDH, l’analyse faite dans le rapport du Conseil fédéral du 1er juillet 2015 des critiques formulées vis-à-vis de la méthode mixte sont des indications claires d’une prise de conscience du fait que la méthode mixte ne s’accorde plus avec la poursuite de l’égalité des sexes dans la société contemporaine, où les femmes ont de plus en plus le souhait légitime de pouvoir concilier vie familiale et intérêts professionnels.

L’arrêt de la CrEDH du 2 février 2016 sera définitif, au sens de l’art. 44 ch. 2 CEDH :

  1. a) lorsque les parties déclarent qu’elles ne demanderont pas le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre ; ou
  2. b) trois mois après la date de l’arrêt, si le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre n’a pas été demandé ; ou
  3. c) lorsque le collège de la Grande Chambre rejette la demande de renvoi formulée en application de l’article 43.

 

9C_234/2015 (f) du 30.11.2015 – Expertise médicale – 44 LPGA / Examen réalisé par une spécialiste en rhumatologie du SMR

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_234/2015 (f) du 30.11.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1m36BZz

 

Expertise médicale / 44 LPGA

Examen réalisé par une spécialiste en rhumatologie du SMR

 

 

Examen clinique réalisé une spécialiste en rhumatologie du service médical régional (SMR).

L’assuré reproche à la juridiction cantonale d’avoir contrevenu à l’art. 44 LPGA. Il soutient que le titre de spécialiste en rhumatologie ne lui permettait pas de saisir les effets de la médication absorbée sur sa capacité de travail et que le rapport du stage d’observation instillait un doute à cet égard.

Selon le TF, on ne voit pas en quoi la spécialité médicale exercée (spécialiste en rhumatologie) serait un obstacle – que l’assuré invoque comme une évidence – à l’évaluation des conséquences d’un traitement médicamenteux sur la capacité de travail d’un assuré. La praticienne en question est non seulement spécialiste en rhumatologie, mais également spécialiste en médecine physique et réadaptation, ce qui la rend tout à fait apte à juger des mesures thérapeutiques à mettre en œuvre dans le but de réinsérer une personne atteinte dans sa santé sur le marché du travail. Cette praticienne a par ailleurs pris en compte la médication prescrite.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_234/2015 consultable ici : http://bit.ly/1m36BZz

 

 

8C_804/2014 (f) du 16.11.2015 – Causalité adéquate (115 V 133) niée entre troubles psychiques et accident de la circulation (collision auto-camion) – 6 LAA / Accident de gravité moyen

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_804/2014 (f) du 16.11.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1PJ3O5n

 

Causalité adéquate (115 V 133) niée entre troubles psychiques et accident de la circulation (collision auto-camion) / 6 LAA

Accident de gravité moyen

 

Assuré, travaillant comme magasinier depuis le 18.08.2006, est victime d’un accident le 07.09.2006 : au croisement de deux routes, il a été percuté sur le flanc droit par un camion. Diagnostics principaux : pneumothorax droit drainé, contusion pulmonaire minime, fracture des côtes cervicales droites, « fracture-arrachement » de l’épine iliaque antéro-supérieure droite, plaie du conduit auditif externe droit et fracture du coude droit. Diagnostic secondaire : décompensation psychotique.

Décision du 05.05.2009 : indemnité pour atteinte à l’intégrité d’un taux de 7,5 %, pas de droit à une rente d’invalidité et lien de causalité adéquate nié entre les troubles psychogènes et l’accident du 07.09.2006.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 140/09 – 97/2014 – consultable ici : http://bit.ly/23wBtTO)

Après mise en œuvre d’une expertise judiciaire pluridisciplinaire mise en œuvre, le tribunal cantonal a, par arrêt du 29.09.2014, amis le recours, annulé la décision sur opposition et renvoyé la cause à l’assureur-accidents.

 

TF

Causalité adéquate

En vue de juger du caractère adéquat du lien de causalité entre un accident et une affection psychique additionnelle à une atteinte à la santé physique, il faut d’abord classer les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement: les accidents insignifiants, ou de peu de gravité; les accidents de gravité moyenne et les accidents graves. Pour procéder à cette classification, il convient non pas de s’attacher à la manière dont l’assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d’un point de vue objectif, sur l’événement accidentel lui-même (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140, 403 consid. 5c/aa p. 409).

L’accident a été classé dans la catégorie des accidents de gravité moyenne stricto sensu. Le Tribunal fédéral n’a pas de motif de revenir sur cette appréciation, au vu du déroulement de l’accident et des précédents jurisprudentiels (pour les cas concernant des accidents de la circulation voir arrêt 8C_398/2012 du 6 novembre 2012 consid. 5.2; cf. aussi Alexandra Rumo-Jungo/André Pierre Holzer, Bundesgesetz über die Unfallversicherung [UVG], 4 e éd. 2012, p. 64 ss).

En présence d’un accident de gravité moyenne, pour admettre le rapport de causalité adéquate entre l’accident et des troubles psychiques, il faut prendre en considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants (ATF 115 V 133 et 403 précités, ibidem) :

– les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident;

– la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu’elles sont propres, selon l’expérience, à entraîner des troubles psychiques;

– la durée anormalement longue du traitement médical;

– les douleurs physiques persistantes;

– les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident;

– les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes;

– le degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques.

De manière générale, lorsque l’on se trouve en présence d’un accident de gravité moyenne, il faut un cumul de trois critères sur les sept ou au moins que l’un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante pour l’accident (arrêts 8C_897/2009 du 29 janvier 2010 consid. 4.5, in SVR 2010 UV n° 25 p. 100 ss.; 8C_510/2015 du 20 octobre 2015 consid. 6.2).

 

Caractère particulièrement impressionnant de l’accident

L’examen du critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l’accident se fait sur la base d’une appréciation objective des circonstances de l’espèce. La survenance d’un accident de gravité moyenne présente toujours un certain caractère impressionnant pour la personne qui en est victime, ce qui ne suffit pas en soi à conduire à l’admission de ce critère. Par ailleurs, il convient d’accorder à ce critère une portée moindre lorsque la personne ne se souvient pas de l’accident (arrêt 8C_584/2010 du 11 mars 2011 consid. 4.3.2, in SVR 2011 UV n° 10 p. 35; voir également les arrêts 8C_434/2012 du 21 novembre 2012 consid. 7.2.3 et 8C_624/2010 du 3 décembre 2010 consid. 4.2.1).

In casu, l’assuré n’a pas respecté les règles de priorité et a coupé la route au camion arrivant sur la droite, lequel roulait à une vitesse de 60-70 km/h. Le conducteur du camion a effectué un freinage d’urgence avant la collision. Suite au choc, le véhicule de l’assuré a été traîné sur une cinquantaine de mètres, heurtant au passage un autre véhicule à l’arrêt. Seul l’assuré a été blessé et transporté par ambulance. Il a notamment déclaré à la police: « j’ai ressenti un violent choc à droite et tout est devenu noir […]. Depuis cet instant, je ne me souviens plus de rien ». Vu l’ensemble de ces circonstances, on ne saurait retenir que l’accident a eu un caractère particulièrement dramatique ou impressionnant, quand bien même les photos du véhicule attestent de la violence certaine du choc.

A titre de comparaison, ce critère a été reconnu en présence d’un accident de la circulation dans un tunnel sur l’autoroute impliquant un camion et une voiture avec plusieurs collisions contre le mur du tunnel (arrêt 8C_257/2008 du 4 septembre 2008, consid. 3.3.3), d’un carambolage de masse sur l’autoroute (8C_623/2007 du 22 août 2008 consid. 8.1), ou encore dans le cas d’une conductrice dont la voiture s’est encastrée contre un arbre entraînant le décès de la mère de celle-ci, qui occupait le siège passager (arrêt U 18/07 du 7 février 2008). En tout cas, même en admettant la réalisation de ce critère, il ne suffirait pas, à lui seul, pour admettre l’existence d’un lien de causalité entre l’accident et les troubles psychiques, faute de revêtir une intensité particulière.

 

Durée anormalement longue du traitement médical

Pour l’examen de ce critère, il faut uniquement prendre en compte le traitement thérapeutique nécessaire (arrêt U 369/05 du 23 novembre 2006 consid. 8.3.1). N’en font pas partie les mesures d’instruction médicale et les simples contrôles chez le médecin (arrêt U 393/05 du 27 avril 2006 consid. 8.2.4). En outre, l’aspect temporel n’est pas seul décisif; sont également à prendre en considération la nature et l’intensité du traitement, et si l’on peut en attendre une amélioration de l’état de santé de l’assuré. La prise de médicaments antalgiques et la prescription de traitements par manipulations même pendant une certaine durée ne suffisent pas à fonder ce critère (arrêt 8C_1007/2012 consid. 5.4.3 et les arrêts cités).

En l’espèce, l’assuré a été hospitalisé du 7 au 12 septembre 2006, à la suite de quoi il a bénéficié de séances de physiothérapie, associées à une médication antalgique, ce qui ne constitue pas un traitement particulièrement pénible et invasif. Il a séjourné à la Clinique D.__ du 29 août au 7 septembre 2007 pour un bilan pluridisciplinaire et a subi une intervention chirurgicale le 11 juin 2009, laquelle n’a toutefois pas nécessité une longue convalescence. Ces éléments ne suffisent pas pour conclure à une durée anormalement longue des soins médicaux. Le suivi médical psychique n’est pas décisif, dès lors que l’examen des critères applicables en cas de troubles psychiques consécutifs à un accident se fait précisément en excluant les aspects psychiques.

 

Degré et de la durée de l’incapacité de travail

Des éléments médicaux au dossier, on peut déduire que l’incapacité de travail attestée n’est pas uniquement due à des atteintes somatiques. Dans ces conditions, il n’est pas possible de retenir que le critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail due aux seules lésions physiques est réalisé.

 

Douleurs physiques persistantes

Les douleurs physiques persistantes doivent être relativisées étant donné que les troubles psychiques ont exercé très tôt une influence prépondérante sur l’état de l’assuré. Même en admettant la réalisation de ce critère, il ne revêt pas à lui seul une intensité suffisante pour que l’événement accidentel, classé dans la catégorie des accidents de gravité moyenne, apparaisse propre à entraîner une atteinte psychique.

 

Les autres critères

On ne peut pas parler de lésions physiques d’une gravité ou d’une nature particulière telles qu’elles sont propres, selon l’expérience, à entraîner des troubles psychiques (pour un rappel de la casuistique où ce critère a été admis voir le consid. 6.2 de l’arrêt 8C_398/2012 précité). On ne voit pas non plus que le phénomène de boiterie et les douleurs aux genoux et au poignet résulteraient de complications importantes. Enfin, le fait que l’opération d’excision des fragments de verre n’est intervenue qu’en 2009 n’est pas l’indice d’une erreur médicale, comme le laisse entendre l’assuré.

 

Le TF rejette le recours de l’assureur-accidents, annule le jugement cantonal et renvoie la cause à la Cour des assurances du Tribunal cantonal vaudois.

 

 

Arrêt 8C_804/2014 consultable ici : http://bit.ly/1PJ3O5n

 

 

6B_99/2015 (f) du 27.11.2015 – Escroquerie – 146 CP / Obligation de communiquer – 31 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_99/2015 (f) du 27.11.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1SMHubo

 

Escroquerie – 146 CP

Obligation de communiquer – 31 LPGA

 

Le 22.11.2010, X.__ a complété et signé une formule de « Demande de prestations d’aide financière et de subside de l’assurance-maladie ou d’aide à la gestion de revenus » ainsi qu’un document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général », lequel précise les devoirs des personnes souhaitant bénéficier de prestations d’aide financière. A la rubrique idoine, X.__ a indiqué être titulaire d’un seul compte privé postal. Sur cette base, X.__ a perçu un montant total de 74’624 fr. 50 versé à titre de prestations d’aide financière durant la période du 01.12.2007 au 30.06.2011.

A la suite d’un rapport d’enquête établi le 03.06.2011, l’Hospice général a découvert que X.__ était titulaire d’un compte privé. Selon le relevé de ce compte, 64’000 fr. ont été crédités le 13.10.2008. Ces montants dépassaient la limite de fortune permettant à une personne vivant seule de bénéficier d’une aide financière de l’institution précitée.

 

TF

Aux termes de l’art. 146 CP, se rend coupable d’escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers.

Cette infraction se commet en principe par action. Tel est le cas lorsqu’elle est perpétrée par actes concluants (ATF 140 IV 11 consid. 2.3.2 p. 14). L’assuré qui, en vertu de l’art. 31 LPGA, a l’obligation de communiquer toute modification importante des circonstances déterminantes pour l’octroi d’une prestation, ne respecte pas cette obligation et continue à percevoir les prestations allouées initialement à juste titre, n’adopte pas un comportement actif de tromperie. Le fait de continuer à percevoir les prestations allouées ne saurait être interprété comme la manifestation positive – par acte concluant – du caractère inchangé de la situation. Il convient en revanche d’analyser la situation de façon différente lorsque la perception de prestations est accompagnée d’autres actions permettant objectivement d’interpréter le comportement de l’assuré comme étant l’expression du caractère inchangé de la situation. Tel sera le cas lorsque l’assuré ne répond pas ou pas de manière conforme à la vérité aux questions explicites de l’assureur destinées à établir l’existence de modification de la situation personnelle, médicale ou économique; il n’est en effet plus question alors d’une escroquerie par omission, mais d’une tromperie active (ATF 140 IV 206 consid. 6.3.1.3 p. 209 et les références citées). Une escroquerie par actes concluants a également été retenue dans le cas d’un bénéficiaire de prestations d’assurance exclusivement accordées aux indigents, qui se borne à donner suite à la requête de l’autorité compétente tendant, en vue de réexaminer sa situation économique, à la production d’un extrait de compte déterminé, alors qu’il possède une fortune non négligeable sur un autre compte, jamais déclaré (ATF 127 IV 163 consid. 2b p. 166; plus récemment arrêt 6B_1115/2014 du 28 août 2015 consid. 2.1.1) ou dans le cas d’une personne qui dans sa demande de prestations complémentaires tait un mois de rente et plusieurs actifs et crée par les informations fournies l’impression que celles-ci correspondent à sa situation réelle (ATF 131 IV 83 consid. 2.2 p. 88 s.; cf. également arrêt 9C_232/2013 du 13 décembre 2013 consid. 4.1.3).

Pour qu’il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit pas. Il faut encore qu’elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse, au sens de l’art. 146 CP, lorsque l’auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu’il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n’est pas possible, ne l’est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l’auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu’elle renoncera à le faire (ATF 135 IV 76 consid. 5.2 p. 81 s. et les références citées). L’astuce n’est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d’attention ou éviter l’erreur avec le minimum de prudence que l’on pouvait attendre d’elle. Il n’est cependant pas nécessaire qu’elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu’elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d’être trompée. L’astuce n’est exclue que si elle n’a pas procédé aux vérifications élémentaires que l’on pouvait attendre d’elle au vu des circonstances. Une coresponsabilité de la dupe n’exclut toutefois l’astuce que dans des cas exceptionnels (ATF 135 IV 76 consid. 5.2 p. 81).

Ces principes sont également applicables en matière d’aide sociale. L’autorité agit de manière légère lorsqu’elle n’examine pas les pièces produites ou néglige de demander à celui qui requiert des prestations les documents nécessaires afin d’établir ses revenus et sa fortune, comme par exemple sa déclaration fiscale, une décision de taxation ou des extraits de ses comptes bancaires. En revanche, compte tenu du nombre de demandes d’aide sociale, une négligence ne peut être reprochée à l’autorité lorsque les pièces ne contiennent pas d’indice quant à des revenus ou à des éléments de fortune non déclarés ou qu’il est prévisible qu’elles n’en contiennent pas (arrêts 6B_125/2012 du 28 juin 2012 consid. 5.3.3; 6B_576/2010 du 25 janvier 2011 consid. 4.1.2 et les références citées).

Pour que le crime d’escroquerie soit consommé, l’erreur dans laquelle la tromperie astucieuse a mis ou conforté la dupe doit avoir déterminé celle-ci à accomplir un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires, ou à ceux d’un tiers sur le patrimoine duquel elle a un certain pouvoir de disposition. Un dommage temporaire ou provisoire est suffisant. Lorsque l’acte litigieux consiste dans le versement par l’Etat de prestations prévues par la loi, il ne peut y avoir escroquerie consommée que si le fait sur lequel portait la tromperie astucieuse et l’erreur était propre, s’il avait été connu par l’Etat, à conduire au refus, conformément à la loi, de telles prestations. Ce n’est en effet que dans ce cas, lorsque les prestations n’étaient en réalité pas dues, que l’acte consistant à les verser s’avère préjudiciable pour l’Etat et donc lui cause un dommage (arrêts 6B_183/2014 du 28 octobre 2014 consid. 3.3, non publié in ATF 140 IV 150; 6B_1115/2014 précité consid. 2.1.3 et les références citées).

Sur le plan subjectif, l’escroquerie est une infraction intentionnelle, l’intention devant porter sur tous les éléments constitutifs de l’infraction. L’auteur doit en outre avoir agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, correspondant au dommage de la dupe (ATF 134 IV 210 consid. 5.3 p. 213 s.).

In casu, les éléments constitutifs de l’infraction d’escroquerie sont réunis en l’espèce. X.__ a menti à l’Hospice général en ne déclarant pas qu’il disposait d’une fortune représentant 20 ans d’économies, s’élevant à 64’000 fr. au 13.10.2008, et en lui cachant l’existence du compte bancaire, dont il était titulaire, sur lequel le montant précité a été crédité à cette dernière date, lorsqu’il a complété et signé les formulaires de demande de prestations et d’engagement. Il savait que sur la base des renseignements produits, l’autorité renoncerait à procéder à de plus amples investigations. Il a ainsi indûment perçu le montant de 74’624 fr. 50.

La condamnation de X.__ pour escroquerie ne viole pas le droit fédéral.

 

 

Arrêt 6B_99/2015 consultable ici : http://bit.ly/1SMHubo

 

 

6B_174/2015 (f) du 09.12.2015 – Conduite en état d’ébriété – appréciation erronée des faits – 13 CP

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_174/2015 (f) du 09.12.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Tqjydl

 

Conduite en état d’ébriété – appréciation erronée des faits – 13 CP

 

Le 01.11.2012, entre 18h00 et 20h00, alors qu’il se trouvait dans son garage, X.__ a bu deux whiskys et une bière; il n’avait alors pas prévu de sortir de chez lui. Aux alentours de 20h00, son frère l’a contacté pour lui demander s’il pouvait aider deux de ses employés qui venaient d’avoir un accident sur l’autoroute Lausanne-Berne. L’intéressé a accepté de les dépanner avec son véhicule, mais a refusé de conduire lui-même compte tenu de sa consommation d’alcool. Deux employés de son frère sont alors venus le chercher et tous les trois se sont rendus sur les lieux de l’accident. Après avoir dépanné le véhicule accidenté, la police a demandé aux personnes impliquées dans l’accident de se rendre au poste de la police cantonale pour la suite de la procédure. Comme ces dernières ne parlaient pas français, X.__ a proposé aux agents de servir d’interprète. Il a ainsi également été invité à se rendre au centre de la Blécherette. Ensuite, pressés par les policiers de dégager la voie d’urgence, les personnes impliquées ont rapidement regagné leur voiture et quitté les lieux. S’étant trouvé seul, X.__ a pris le volant de son véhicule et s’est rendu au poste de police malgré son état d’ébriété, circonstance qu’il n’a pas signalée aux policiers. Ce n’est qu’une fois sur place que les agents ont remarqué son état physique douteux; les résultats du test ont révélé un taux d’alcoolémie moyen de 0.88‰ à 21h10.

Procédure cantonale : arrêt 339 – consultable ici : http://bit.ly/1ZWUMkR

TF

Aux termes de l’art. 13 CP, quiconque agit sous l’influence d’une appréciation erronée des faits est jugé d’après cette appréciation si elle lui est favorable. Agit sous l’emprise d’une erreur sur les faits celui qui n’a pas connaissance ou qui se base sur une appréciation erronée d’un élément constitutif d’une infraction pénale. L’intention délictueuse fait défaut. L’auteur doit être jugé selon son appréciation erronée si celle-ci lui est favorable (ATF 129 IV 238 consid. 3.1 p. 240).

L’art. 14 CP dispose que celui qui agit comme la loi l’ordonne ou l’autorise se comporte de manière licite, même si l’acte est punissable en vertu du code pénal ou d’une autre loi.

X.__ ne peut pas se prévaloir d’un ordre de la police au sens de l’art. 27 LCR. En tout état de cause, s’il pensait avoir reçu l’injonction de conduire son véhicule, il aurait dû signaler sa récente consommation d’alcool à la police. Il ne peut rien tirer du fait que les policiers n’avaient pas remarqué son état, étant donné que les protagonistes se trouvaient sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute, de nuit, et que X.__ n’était pas impliqué dans l’accident. X.__ peut d’autant moins invoquer sa bonne foi que, lors de son premier déplacement, il avait refusé de prendre le volant et qu’une heure au maximum s’était écoulée entre ce moment et l’acte litigieux.

Le TF rejette le recours.

 

Arrêt 6B_174/2015 consultable ici : http://bit.ly/1Tqjydl

 

 

9C_262/2015 (f) du 08.01.2016 – Expertise médicale – 44 LPGA / Aide de traduction lors d’une expertise psychiatrique – Compréhension des questions et énoncé des réponses

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_262/2015 (f) du 08.01.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1PyWaKO

 

Expertise médicale / 44 LPGA

Aide de traduction lors d’une expertise psychiatrique – Compréhension des questions et énoncé des réponses

 

Le Tribunal fédéral s’est penché sur les plaintes d’une assurée pour violation de ses droits procéduraux par le refus d’un interprète durant une expertise réalisée par un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Lors de l’expertise, l’expert a constaté que l’assurée se montrait collaborante, qu’elle répondait aux questions mais qu’elle était souvent un peu floue, confuse, et qu’il fallait reposer les questions à plusieurs reprises. Il a ajouté que l’assurée, qui s’était exprimée en français, « ne saisit pas véritablement le sens des questions ayant rapport par exemple à son histoire personnelle », en faisant état d’un « discours parfois un peu décousu ».

Dans le contexte d’examens médicaux nécessaires pour évaluer de manière fiable l’état de santé de l’assuré et ses répercussions éventuelles sur la capacité de travail, en particulier d’un examen psychiatrique, la meilleure compréhension possible entre l’expert et la personne assurée revêt une importance spécifique. Il n’existe cependant pas de droit inconditionnel à la réalisation d’un examen médical dans la langue maternelle de l’assuré ou à l’assistance d’un interprète. En définitive, il appartient à l’expert, dans le cadre de l’exécution soigneuse de son mandat, de décider si l’examen médical doit être effectué dans la langue maternelle de l’assuré ou avec le concours d’un interprète. Le choix de l’interprète, ainsi que la question de savoir si, le cas échéant, certaines phases de l’instruction médicale doivent être exécutées en son absence pour des raisons objectives et personnelles, relèvent également de la décision de l’expert. Ce qui est décisif dans ce contexte, c’est l’importance de la mesure au regard de la prestation entrant en considération. Il en va ainsi de la pertinence et donc de la valeur probante de l’expertise en tant que fondement de la décision de l’administration, voire du juge. Les constatations de l’expert doivent dès lors être compréhensibles, sa description de la situation médicale doit être claire et ses conclusions motivées (arrêt 9C_287/2012 du 18 septembre 2012 consid. 4.1; arrêt I 245/00 du 30 décembre 2003, publié in VSI 2004 p. 144 consid. 4; arrêt 8C_913/2010 du 18 avril 2011 consid. 3.3.1 et les arrêts cités).

Dans le cas d’espèce, l’expert psychiatre a été invité à répondre à la question de savoir à partir de quand la pathologie psychiatrique dont souffre l’assurée entraîne une incapacité de travail durable au regard de faits remontant à plus de trente ans en arrière et de la situation personnelle de l’assurée à l’époque, il apparaît essentiel que l’assurée comprenne parfaitement les questions de l’expert et qu’elle puisse y répondre avec toutes les nuances nécessaires. A défaut, l’examen de la condition d’assurance, laquelle est directement liée à l’existence d’une éventuelle incapacité de travail – contestée – une trentaine d’années auparavant, risque d’être biaisé en raison de possibles imprécisions aussi bien dans la compréhension des questions que dans l’énoncé des réponses. L’expert, dont la mission consistait à s’exprimer sur la situation qui prévalait dans les années quatre-vingt et à dire si l’assurée était à cette époque-là capable ou non de travailler nonobstant son affection psychique, devait ainsi s’assurer par tous les moyens dont il disposait que l’entretien et les examens pratiqués ne fussent aucunement entachés de problèmes de compréhension. Au demeurant, il a rejeté à juste titre la présence de l’époux de l’assurée en qualité d’interprète (cf. ATF 140 V 260 consid. 3.2.3 et 3.2.4 p. 263).

Dans la mesure où l’expert avait lui-même relevé l’existence de difficultés d’expression en langue française qui avaient d’ailleurs été préalablement annoncées et en raison desquelles l’assurée demandait la présence d’un interprète, il incombait à l’expert de s’en assurer les services afin que l’assurée puisse bien saisir le sens des questions posées, notamment celles qui concernent son histoire personnelle, puis y répondre en connaissance de cause. A défaut, ce pan important – sinon essentiel – de l’anamnèse de l’assurée risquait de ne pas être correctement établi (cf. ATF 140 V 260 consid. 3.2.4 p. 264), en violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 et 61 let. c LPGA), aboutissant à des lacunes dans les constatations de faits (cf. art. 105 al. 1 LTF). Dans ce contexte, il ne suffit pas que l’usage de la langue maternelle soit restreint durant l’expertise aux seuls tests psychométriques écrits.

 

Arrêt 9C_262/2015 consultable ici : http://bit.ly/1PyWaKO

 

 

8C_728/2014 (f) du 04.01.2016 – Révision d’une rente d’invalidité octroyée par transaction / 22 LAA – 17 LPGA – 50 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_728/2014 (f) du 04.01.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/200zrw9

 

Révision d’une rente d’invalidité octroyée par transaction / 22 LAA – 17 LPGA – 50 LPGA

 

Assuré, jardinier-chauffeur né en 1955, est victime d’un accident de la circulation le 04.12.1987 : alors qu’il se trouvait derrière un autre véhicule arrêté pour obliquer à gauche, sa voiture a été percutée à l’arrière par un taxi qui, malgré un freinage d’urgence, n’a pas pu s’arrêter à temps. Il a subi un traumatisme crânio-cérébral qualifié de gravité légère ou (au maximum) moyenne.

Expertise le 09.01.1995 à la demande de l’assureur-accidents : troubles psychogènes massifs avec une régression importante sur le plan comportemental, cognitif et physique, non explicables par l’accident assuré et entrant dans le cadre d’un syndrome de conversion chez une personne à traits de personnalité dépendante et histrionique, ainsi que d’un trouble somatoforme douloureux. L’expert a retenu que le traumatisme cervical et crânio-cérébral indirect subi le 04.12.1987 pouvait avoir laissé des séquelles algiques pour une part de 25% tout au plus. L’incapacité de travail était totale vu le très grand degré de régression de l’assuré.

Transaction entre l’assureur-accidents et l’assuré, fixant le degré d’invalidité à 33 1/3 % ; la rente LAA correspondante est versée avec effet au 01.10.1994.

En janvier 2011, expertise pluridisciplinaire réalisée à la demande de l’assureur-accidents. Par décision du 13.07.2012, confirmée sur opposition le 22.01.2014, l’assureur a supprimé la rente dès le 01.10.2012, motif pris que les médecins-experts ne retenaient plus aucun trouble engendrant une incapacité de travail en lien de causalité avec l’accident.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/964/2014 – consultable ici : http://bit.ly/1KBq5dL)

Par arrêt du 27.08.2014, recours admis par le tribunal cantonal et annulation de la décision sur opposition.

 

TF

Dans les cas prévus à l’art. 22 LAA, les décisions d’octroi de rente qui reposent sur une transaction conclue entre les parties (cf. art. 50 LPGA) peuvent, à l’instar des autres décisions, faire l’objet d’une révision aux conditions de l’art. 17 LPGA (cf. arrêt 8C_896/2009 du 23 juillet 2010 consid. 4.1).

Aux termes de cette disposition, si le taux d’invalidité du bénéficiaire de rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. En revanche, une simple appréciation différente d’un état de fait, qui, pour l’essentiel, est demeuré inchangé n’appelle pas à une révision au sens de l’art. 17 LPGA (ATF 112 V 371 consid. 2b p. 372; 387 consid. 1b p. 390). Le point de savoir si un tel changement s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment où la dernière décision reposant sur un examen matériel du droit à la rente a été rendue et les circonstances au moment de la décision de révision (ATF 133 V 108 consid. 5 p. 110 ss).

Les considérations médicales qui précèdent établissent qu’à la date déterminante de la suppression de la rente, le syndrome douloureux à la colonne cervicale, bien que toujours présent chez l’assuré, ne peut plus être imputé au traumatisme initial vu l’écoulement du temps, mais trouve une origine probable dans l’évolution naturelle de l’état antérieur dégénératif. Il s’agit d’une modification notable des faits déterminants par rapport à la situation au moment de l’octroi de la rente, de sorte qu’il existe bien un motif de révision de la rente d’invalidité au sens de l’art. 17 LPGA. Compte tenu du fait que l’accident assuré ne joue désormais plus aucun rôle dans le maintien de la symptomatologie en cause, qui est actuellement attribuable à l’évolution d’un état antérieur (statu quo sine), l’assureur-accident était fondée à supprimer la rente d’invalidité allouée au recourant.

Le TF admet le recours de l’assureur-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_728/2014 consultable ici : http://bit.ly/200zrw9

 

 

8C_696/2014 (f) du 23.11.2015 – Incapacité partielle de travail pour raison maladie avant l’accident et droit à l’indemnité journalière LAA – 16 LAA / Atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident – 36 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_696/2014 (f) du 23.11.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Vusvkj

 

Incapacité partielle de travail pour raison maladie avant l’accident et droit à l’indemnité journalière LAA – 16 LAA

Atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident – 36 LAA

 

Assuré travaillant comme représentant, est en incapacité de travail à 30% en raison d’une maladie (dos et genoux) et perçoit depuis le 30.10.2009 des indemnités journalières de de l’assurance perte de gain en cas de maladie.

Accident de la circulation le 13.11.2010 : il perd la maîtrise de sa moto, sur l’autoroute, et chute. Diagnostics initiaux : fracture du radius distal gauche et luxation du coude droit. Bien que l’assuré fût totalement incapable de travailler, l’assureur-accidents a pris en charge les suites de l’accident à hauteur de 70% au titre de l’assurance-accidents au motif qu’il était en arrêt de travail à 30% pour cause de maladie et ce, sans interruption depuis le 30.10.2009.

Avis du médecin-conseil de l’assureur-accidents : l’assuré avait repris son travail, selon ses dires, à 60% le 01.06.2011. Il subsistait encore une incapacité de travail de 10% pendant le mois de juillet 2011 puis la capacité de travail atteindrait 70% à partir du 01.08.2011, soit une capacité de travail totale compte tenu de la perte de gain maladie de 30% préexistante à l’accident.

Par décision du 01.12.2011, confirmée sur opposition, l’assureur-accident a considéré que l’assuré avait recouvré une capacité de travail entière depuis le 01.08.2011 s’agissant des suites de l’accident, de sorte qu’elle a supprimé, au titre de l’assurance-accidents, ses indemnités journalières à 70%. Elle a néanmoins continué à verser des indemnités journalières à 10% jusqu’au 02.10.2011.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 35/12 – 83/2014 – consultable ici : http://bit.ly/1RPCOBa)

Par arrêt du 28.07.2014, le tribunal cantonal a partiellement admis le recours.

 

TF

La question est de savoir si c’est à juste titre que l’assureur-accidents n’a pas versé d’indemnités journalières pour la part de 30% relative à l’incapacité de travail préexistante à l’accident.

En vertu de l’art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l’atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident. L’application de l’art. 36 LAA ne suppose pas que le facteur étranger à l’accident soit une affection secondaire à ce dernier. Elle implique uniquement que l’accident et l’événement non assuré aient causé ensemble un dommage. L’art. 36 LAA n’est pas applicable, en revanche, lorsque les deux facteurs ont causé des lésions sans corrélation entre elles, par exemple des atteintes portées à des parties différentes du corps; dans ce cas, les suites de l’accident doivent être considérées pour elles-mêmes (ATF 126 V 116 c. 3a p. 117; 121 V 326 c. 3 p. 330 ss; SVR 2010 UV n° 31 p. 125 c. 4.2; Jean-Maurice Frésard/Margit Moser-Szeless, L’assurance-accidents obligatoire, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 2ème éd., p. 929 s. n° 290).

L’assureur-accidents reproche aux premiers juges d’avoir admis un lien de causalité entre l’accident et les problèmes lombaires de l’assuré. Elle fait valoir que les lésions causées par l’accident (fracture intra-articulaire déplacée du radius distal gauche et luxation postérieure du coude droit) et celles résultant de l’état maladif antérieur (troubles lombaires et prothèses totales des genoux) n’ont aucune corrélation entre elles, de sorte que l’art. 36 al. 1 LAA ne s’applique pas en l’espèce. Elle relève que l’assuré subissait déjà une incapacité de travail avant l’accident en raison de troubles lombaires pour laquelle il percevait des indemnités journalières de 30% au titre de l’assurance-maladie. A la suite de l’accident, il s’était retrouvé en incapacité de travail totale en raison de nouvelles lésions au niveau des membres supérieurs. Par conséquent, c’était à juste titre qu’elle avait réduit ses prestations de l’assurance-accidents de 30% et indemnisé l’assuré à hauteur de 70%.

Selon le Tribunal fédéral et sur le vu des pièces médicales, l’accident n’a pas occasionné une aggravation des troubles lombaires de l’assuré, propres à influer sur sa capacité de travail. L’existence d’une relation de causalité entre des problèmes lombaires et l’accident doit dès lors être niée.

L’assureur-accidents était fondé à réduire ses indemnités journalières à 70% pour la période du 16.11.2010 (cf. art. 16 al. 2 LAA) au 31.07.2011. En versant encore des indemnités journalières à 10% du 01.08.2011 au 02.10.2011, il a en tout cas satisfait à ses obligations.

Le TF admet le recours de l’assureur-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_696/2014 consultable ici : http://bit.ly/1Vusvkj

 

 

 

Commentaire : la recommandation ad hoc 13/85 (et son annexe) explique de manière simple et compréhensible la manière de procéder en cas d’incapacité de travail pour raison maladie avant l’accident.

 

 

9C_716/2015 (f) du 30.11.2015 – Expertises psychiatriques en matière de troubles somatoformes douloureux et autres troubles psychosomatiques comparables réalisées avant la réception de l’ATF 141 V 281 – 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_716/2015 (f) du 30.11.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1QI0RAQ

 

Expertises psychiatriques en matière de troubles somatoformes douloureux et autres troubles psychosomatiques comparables réalisées avant la réception de l’ATF 141 V 281 – 44 LPGA

 

Par définition, les expertises psychiatriques en matière de troubles somatoformes douloureux et autres troubles psychosomatiques comparables réalisées avant la réception de l’ATF 141 V 281 ont été rendues à la lumière de la présomption – abandonnée désormais – posée à l’ATF 130 V 352, selon laquelle ces troubles ou leurs effets peuvent être surmontés par un effet de volonté raisonnablement exigible, et des critères établis en la matière pour apprécier le caractère invalidant de ces syndromes. Toutefois, ce changement de jurisprudence ne justifie pas en soi de retirer toute valeur probante aux expertises psychiatriques rendues à l’aune de l’ancienne jurisprudence. Ainsi que le Tribunal fédéral l’a précisé, il convient bien plutôt de se demander si, dans le cadre d’un examen global, et en tenant compte des spécificités du cas d’espèce et des griefs soulevés, le fait de se fonder définitivement sur les éléments de preuve existants est conforme au droit fédéral. Il y a ainsi lieu d’examiner dans chaque cas si les expertises administratives et/ou les expertises judiciaires recueillies – le cas échéant en les mettant en relation avec d’autres rapports médicaux – permettent ou non une appréciation concluante du cas à l’aune des indicateurs déterminants (ATF 141 V 281 consid. 8 p. 309).

 

 

Arrêt 9C_716/2015 consultable ici : http://bit.ly/1QI0RAQ