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9C_785/2014 (f) du 30.09.2015 – Evaluation de l’invalidité pour une ménagère – 8 al. 3 LPGA – 28a al. 3 LAI / Obligation de réduire le dommage – aide des membres de la famille dans les activités ménagère – Tension au sein du couple

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_785/2014 (f) du 30.09.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1U6m2gL

 

Evaluation de l’invalidité pour une ménagère – 8 al. 3 LPGA – 28a al. 3 LAI

Obligation de réduire le dommage – aide des membres de la famille dans les activités ménagère – Tension au sein du couple

 

Dépôt demande AI le 01.03.2004 en raison de limitation dans les tâches ménagères ou sa vie quotidienne par des pathologies vertébrales. L’assurée travaillait comme maman de jour ou de famille d’accueil à la journée agréée par l’Office genevois de la jeunesse. Après instruction, assurée considérée comme ménagère. Octroi d’une demi-rente d’invalidité dès le 01.03.2003. Les résultats d’une enquête économique sur le ménage intégraient, sous le poste « divers », les empêchements liés à l’accomplissement de l’activité de maman de jour ou de famille d’accueil.

Demande de révision du droit à la rente le 05.11.2008. Expertise confiée Centre d’expertise médicale. Péjoration de l’état de santé reconnue. Nouvelle enquête ménagère. L’enquête différenciait plusieurs périodes en fonction de l’évolution de la capacité de travail décrite par le SMR et prenait en compte la situation professionnelle des membres de la famille, le départ des deux filles du domicile familial, ainsi que la séparation du couple. Octroi par l’office AI d’un trois quarts de rente, puis d’une demi-rente, puis d’un trois quarts de rente et enfin d’une rente entière.

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1033/2014)

Les deux filles de l’assurée et l’infirmière-enquêtrice ont été entendues durant la procédure. Invitées à se déterminer une dernière fois, les parties n’ont pas modifié leurs conclusions. Les filles de l’assurée ont admis qu’elles donnaient des coups de main à leur mère dans une moindre mesure même après leur départ de la maison. Par jugement du 30.09.2014, admission très partielle du recours par le tribunal cantonal. Il a modifié le taux d’aide que les membres de la famille étaient susceptibles d’apporter dans la tenue du ménage au cours de la période considérée.

 

TF

Il existe dans l’assurance-invalidité – ainsi que dans les autres assurances sociales – un principe général selon lequel l’assuré qui demande des prestations doit d’abord entreprendre tout ce que l’on peut raisonnablement attendre de lui pour atténuer les conséquences de son invalidité (cf. ATF 138 I 205 consid. 3.2 p. 209). Dans le cas d’une personne rencontrant des difficultés à accomplir ses travaux ménagers à cause de son handicap, le principe évoqué se concrétise notamment par l’obligation de solliciter l’aide des membres de la famille. Un empêchement dû à l’invalidité ne peut être admis chez les personnes qui consacrent leur temps aux activités ménagères que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies sont exécutées par des tiers contre rémunération ou par des proches qui encourent de ce fait une perte de gain démontrée ou subissent une charge excessive. L’aide apportée par les membres de la famille à prendre en considération dans l’évaluation de l’invalidité de l’assuré au foyer va plus loin que celle à laquelle on peut s’attendre sans atteinte à la santé. Il s’agit en particulier de se demander comment se comporterait une famille raisonnable, si aucune prestation d’assurance ne devait être octroyée. Cela ne signifie toutefois pas qu’au titre de l’obligation de diminuer le dommage, l’accomplissement des activités ménagères selon chaque fonction particulière ou dans leur ensemble soit répercuté sur les autres membres de la famille, avec la conséquence qu’il faille se demander pour chaque empêchement constaté s’il y a un proche qui pourrait le cas échéant entrer en ligne de compte pour exécuter en remplacement la fonction partielle correspondante (ATF 133 V 504 consid. 4.2 p. 509 ss et les arrêts cités).

Or, en l’espèce, même si les premiers juges ont été bien au-delà de ce qu’exigeait la jurisprudence en quantifiant minutieusement l’aide individuelle de chaque membre de la famille selon chaque fonction particulière, on ne peut toutefois leur reprocher d’avoir violé le droit en ne respectant pas les principes relatifs à l’aide exigible de la part des membres de la famille, ni d’avoir arbitrairement apprécié les éléments de preuve. Ainsi, s’il peut certes sembler insoutenable de retenir une aide exigible de la part d’un membre de la famille qui ne vit plus sous le même toit que l’invalide, cela n’est néanmoins pas décisif, du moment que les divers travaux ménagers accomplis précédemment par cette personne peuvent être reportés sur une autre, voire plusieurs autres personnes, sans que cela ne constitue pour celles-ci une charge excessive.

Les tensions régnant au sein du couple depuis la retraite du mari jusqu’à la séparation ne peuvent nullement justifier du point de vue de l’assurance-invalidité d’écarter l’exigibilité de la participation de l’époux aux travaux ménagers.

 

Le TF rejette le recours.

 

 

Arrêt 9C_785/2014 consultable ici : http://bit.ly/1U6m2gL

 

 

4A_66/2015 + 4A_82/2015 (f) du 22.09.2015 – RC médicale – Responsabilité d’un chirurgien – 398 CO / Calcul du dommage subi par un indépendant

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_66/2015 + 4A_82/2015 (f) du 22.09.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1LIamj0

 

RC médicale – Responsabilité d’un chirurgien – 398 CO

Calcul du dommage subi par un indépendant

 

Indépendant, au bénéfice d’une formation de peintre-décorateur, exploitant sa propre entreprise de peinture, spécialisée notamment dans le stucco vénitien. Le 21.05.2000, il se déchirure le ligament croisé antérieur au football. Il subit une plastie ligamentaire du genou gauche le 13.02.2001. A son réveil vers 14h00, il a ressenti de violentes douleurs dans le genou opéré et n’avait plus de sensibilité en dessous de celui-ci. A partir de 16h45, l’anesthésiste a alors pratiqué de nouvelles anesthésies, qui n’ont permis d’atténuer que temporairement les douleurs. Le 19.02.2001, un spécialiste FMH en neurologie a conclu à une lésion bitronculaire du nerf sciatique au niveau du creux poplité, expliquant l’insensibilité ainsi que l’impossibilité pour le lésé d’opérer une flexion dorsoplantaire active du pied et des orteils. Deux experts, mandatés par le lésé, ont indiqué que l’opération avait été pratiquée dans les règles de l’art, mais que le suivi postopératoire dans les vingt-quatre premières heures avait été en partie délégué et que le diagnostic d’une complication postopératoire avait été tardif.

Au niveau AI, l’office AI a octroyé au lésé une rente entière avec effet rétroactif au 01.02.2002.

 

Procédure cantonale

Sur appel du lésé, la Cour de justice a, par arrêt du 22.10.2010 (ACJC/1220/2010) , a annulé le jugement de la première instance, a constaté que la responsabilité des deux médecins était engagée (à l’exclusion de celle de la clinique) et a renvoyé la cause au premier juge.

Par arrêt du 17.12.2014 (arrêt ACJC/1606/2014), la Cour de justice, sur appel des deux médecins, a condamné les deux médecins à payer au lésé la somme de 61’085 fr., intérêts en sus, à titre d’indemnisation du gain manqué subi durant les années 2001 à 2003, le montant de 18’275 fr., intérêts en sus, à titre d’indemnisation du préjudice ménager subi durant la même période, s’est prononcée à nouveau sur les frais et dépens de première instance et a confirmé le jugement pour le surplus (frais consécutifs aux lésions corporelles).

 

TF

S’agissant de la faute du chirurgien

Selon le recourant, tout chirurgien exerçant en clinique privée aurait délégué le suivi postopératoire à un anesthésiste puisqu’il s’agit d’une pratique courante. La critique est sans consistance. Le fait que la délégation du suivi à l’anesthésiste soit couramment pratiquée en clinique privée ne change en rien la responsabilité du chirurgien, puisque cela ne signifie pas que cette pratique soit conforme dans le cas particulier aux règles de l’art médical. La cour cantonale constate d’ailleurs que cette pratique résulte plutôt d’une mauvaise organisation entre spécialistes et on peut en inférer qu’un chirurgien raisonnable placé dans les mêmes circonstances n’aurait pas délégué le suivi opératoire à un anesthésiste.

L’existence d’une lésion bitronculaire, complication rare, est en l’espèce totalement impropre à écarter le lien de causalité. Le chirurgien confond la conséquence de son inaction avec la complication, dont il aurait pu discerner l’existence et qui nécessitait une intervention rapide. En effet, si le chirurgien avait entrepris le contrôle qui lui incombait en vertu des règles de l’art, il aurait pu constater l’existence d’une complication et poser le diagnostic de la compression du nerf sciatique dans le creux poplité, complication décrite par la littérature médicale qui, à défaut d’une intervention rapide, risque de causer une lésion tronculaire (lésion d’un seul nerf décrite par la littérature médicale)  ; il aurait ainsi pu procéder à la décompression du nerf sciatique, ce qui aurait permis d’éviter aussi bien cette dernière lésion (plus connue), qu’une lésion bitronculaire (non mentionnée par la littérature médicale).

 

Dommage subi par le lésé, indépendant

Dans la détermination du revenu hypothétique, le revenu que réalisait le lésé au moment de l’événement dommageable constitue la référence ; le juge ne doit toutefois pas se limiter à constater le revenu réalisé jusqu’alors, car l’élément déterminant repose bien davantage sur ce que la victime aurait gagné annuellement dans le futur. Ce calcul nécessite une importante abstraction (arrêt 4A_239/2011 du 22 novembre 2011 consid. 3.1.1 et les références citées).

Il incombe au demandeur (lésé) d’établir les circonstances de fait – à l’instar des augmentations futures probables du revenu durant la période considérée – dont le juge peut inférer, selon le degré de la vraisemblance prépondérante, les éléments pertinents pour établir le revenu que le lésé aurait réalisé sans l’événement dommageable (arrêt 4A_239/2011 ibidem).

De manière générale, l’estimation du revenu d’un indépendant pose plus de problèmes que celle du gain d’un salarié. Chaque cas est particulier et il n’existe pas de méthode unique pour calculer le revenu hypothétique dans cette hypothèse. Une expertise peut fournir des renseignements sur les gains passés et sur les revenus futurs que l’indépendant aurait pu escompter sans l’événement dommageable (arrêt 4A_239/2011 ibidem).

On rappellera que la perte de gain (actuelle) indemnisable correspond à la différence entre les revenus nets indexés (à la date du prononcé du jugement cantonal) de valide et d’invalide du lésé (ATF 136 III 222 consid. 4.1.1 ; arrêt 4A_481/2009 déjà cité consid. 4.2.5). Afin d’éviter que la réparation de ce préjudice ne conduise à un enrichissement de la victime, il faut imputer sur ce montant les avantages constitués par toutes les prestations allouées au lésé par les assureurs sociaux (compensatio lucri cum damno) (sur l’ensemble de la question : ATF 134 III 489 consid. 4.2 p. 491 s. et l’arrêt cité; 130 III 12 consid. 7.1 p. 16; arrêt 4A_481/2009 déjà cité consid. 4.2.1 et 4.2.6).

 

 

Arrêt 4A_66/2015 + 4A_82/2015 consultable ici : http://bit.ly/1LIamj0

 

 

9C_746/2014 (f) du 30.09.2015 – Valeur probante d’une expertise médicale – 44 LPGA / Expert spécialiste en rhumatologie intégrant à sa réflexion des éléments de nature psychiatrique

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_746/2014 (f) du 30.09.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1RNAWXe

 

Valeur probante d’une expertise médicale – 44 LPGA

Expert spécialiste en rhumatologie intégrant à sa réflexion des éléments de nature psychiatrique

 

L’assurée reproche au tribunal cantonal (arrêt ATAS/984/2014) d’avoir procédé à une appréciation arbitraire des preuves. Elle estime que celui-ci ne pouvait écarter l’évaluation de sa capacité de travail par le docteur H.__, spécialiste en rhumatologie et en médecine interne générale, au motif que ce dernier avait dépassé le cadre de son mandat d’expertise judiciaire en ne se limitant pas à la problématique rhumatologique.

Le seul fait que le docteur H.__, spécialiste en rhumatologie, mandaté pour mettre en œuvre une expertise relevant de son domaine de spécialisation, ne s’est pas limité à examiner la problématique sous l’angle rhumatologique et qu’il a intégré à sa réflexion des éléments de nature psychiatrique ne saurait justifier l’éviction pure et simple de son appréciation de la capacité de travail de l’assurée.

Selon la jurisprudence correctement mentionnée par les premiers juges, seuls les motifs impératifs tels que l’existence de contradictions intrinsèques au rapport d’expertise, d’une surexpertise en infirmant les conclusions de manière convaincante ou d’avis spécialisés contraires aptes à mettre en doute la pertinence des déductions de l’expert peuvent justifier l’éviction évoquée (cf. ATF 125 V 351 consid. 3b/aa p. 352 s.).

Or tel n’est manifestement pas le cas en l’espèce. La juridiction cantonale a du reste reconnu que le rapport d’expertise judiciaire revêtait une pleine valeur probante, sauf en ce qui concernait les conclusions sur le plan psychique. On ajoutera par ailleurs que, toujours selon la jurisprudence correctement citée par le tribunal cantonal, la valeur probante d’un rapport médical s’apprécie à l’aune de divers éléments dont la description de possibles interférences médicales (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a p. 352). On précisera en outre que la jurisprudence accorde aux rhumatologues certaines compétences en ce qui concerne les tableaux cliniques psychosomatiques dans la mesure où les états rhumatologiques douloureux ne se différencient souvent guère des symptomatologies somatoformes. Ces compétences se limitent toutefois à déterminer si la symptomatologie douloureuse trouve une explication somatique objective et, sinon, à indiquer si l’avis d’un spécialiste en psychiatrie est nécessaire pour expliquer les discordances constatées (arrêt 9C_621/2010 du 22 décembre 2010 consid. 2.2.2 in SZS 2011 p. 299; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 704/03 du 28 décembre 2004 consid. 4.1.1).

Les premiers juges ne pouvaient pas faire totalement abstraction des considérations du docteur H.__ au sujet des éventuels troubles psychiques présentés par l’assurée. Même s’il ne lui appartenait pas de déterminer précisément l’impact des éventuels pathologies psychiatriques sur la capacité de travail, les indications de l’expert devaient être prises en compte par la juridiction cantonale, au moins comme une invitation – motivée et convaincante – à compléter l’instruction sur le plan psychique.

 

 

Arrêt 9C_746/2014 consultable ici : http://bit.ly/1RNAWXe

 

 

8C_414/2014 (f) du 22.09.2015 – Parallélisation des revenus à comparer – 16 LPGA / Revenu sans invalidité nettement inférieur au salaire moyen de la branche

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_414/2014 (f) du 22.09.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/21N1qjO

 

Parallélisation des revenus à comparer – 16 LPGA

Revenu sans invalidité nettement inférieur au salaire moyen de la branche

 

Assurée travaillant dès le 21.08.2007 en qualité d’opératrice à l’étampage, par l’entremise d’une entreprise de placement de personnel. Le 21.01.2008, elle a chuté dans les escaliers et a percuté une vitre qui s’est brisée, se blessant au niveau du coude. Décision du 18.03.2009 : pleine capacité de travail dans son activité d’étampeuse ; fin du versement des indemnités journalières dès le 16.03.2009.

Rechute annoncée le 15.02.2011, avec interruption de l’activité de sommelière en raison de douleurs au membre supérieur droit. Expertise médicale confiée à un spécialiste FMH en chirurgie orthopédique : capacité de travail nulle dans les anciennes activités (industrie et restauration) ; capacité de travail pleine et entière dans une autre activité, sans port de charges avec le membre supérieur droit ni mouvements répétitifs de flexion-extension du coude et/ou de prosupination et à condition que le membre supérieur droit ne soit pas utilisé en permanence durant toute la journée comme c’est le cas dans des travaux fins d’établi.

Décision du 09.01.2013, confirmée sur opposition le 21.02.2013 : pas de droit à une rente d’invalidité et octroi d’une IPAI de 5%. Se fondant sur un choix de descriptions de postes de travail (DPT), l’assureur-accidents a considéré que l’assurée pouvait réaliser un salaire à tout le moins égal, si ce n’est supérieur, à celui qu’elle aurait perçu sans l’accident, que ce soit lors de la stabilisation initiale de son état de santé en 2009 ou en 2012.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 02.04.2014, rejet du recours par le tribunal cantonal. S’écartant des DPT sur lesquelles s’était fondée l’assurance-accidents pour calculer le revenu d’invalide, la juridiction cantonale s’est référée aux statistiques salariales, sans tenir compte du fait que dans l’activité exercée avant son atteinte à la santé, l’assurée percevait un salaire nettement inférieur au salaire moyen de la branche. Taux d’invalidité maximum : 6.43%, arrondi à 6 % pour 2009.

 

TF

L’assurée conteste le montant du revenu sans invalidité retenu par la juridiction cantonale en faisant valoir qu’il ne tient pas compte du fait que son revenu était très nettement inférieur au revenu moyen dans l’industrie horlogère. Elle se réfère pour la première fois à la jurisprudence relative au parallélisme des revenus à comparer (ATF 135 V 297; 134 V 322).

L’application des principes exposés par la jurisprudence à ce sujet suppose que le revenu (sans invalidité) effectivement réalisé par l’assuré soit notablement inférieur à la moyenne, c’est-à-dire inférieur d’au moins 5 % au salaire statistique usuel dans la branche (ATF 135 V 297 consid. 6.1.2 p. 302). Le revenu nettement inférieur peut alors justifier un parallélisme des revenus à comparer, lequel doit porter seulement sur la part qui excède le taux déterminant de 5 %. En pratique, le parallélisme des revenus à comparer peut être effectué soit au regard du revenu sans invalidité en augmentant de manière appropriée le revenu effectivement réalisé ou en se référant aux données statistiques, soit au regard du revenu d’invalide en réduisant de manière appropriée la valeur statistique (ATF 135 V 297 consid. 6.1.3. p. 304; 134 V 322 consid. 4.1 p. 326).

L’art. 99 LTF n’interdit pas de présenter une nouvelle argumentation juridique, à la condition toutefois qu’elle se fonde sur des faits constatés dans la décision attaquée (ATF 136 V 362 consid. 4.1 p. 336; 134 III 643 consid. 5.3.2 p. 651). La parallélisation invoquée peut s’opérer à partir des faits constatés par la juridiction cantonale. Il n’appartient cependant pas au Tribunal fédéral, en première et unique instance, de se prononcer sur l’argumentation présentée par l’assurée.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et renvoie la cause à la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura.

 

 

Arrêt 8C_414/2014 consultable ici : http://bit.ly/21N1qjO

 

 

9C_99/2015 (f) du 13.10.2015 – Valeur probante d’une expertise psychiatrique – 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_99/2015 (f) du 13.10.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1VYirAs

 

Valeur probante d’une expertise psychiatrique – 44 LPGA

 

Assurée, née en 1959, travaillant en qualité de nettoyeuse à temps partiel et souffrant d’un trouble dépressif récurrent. Octroi rente entière dès le 01.12.2002.

Révision, initiée au mois de juillet 2007. Selon expertise psychiatrique, l’assurée souffrait d’un trouble dépressif, en rémission, et la capacité de travail se situait à 100% depuis le début de l’année 2006 dans une activité simple. Suppression de la rente entière d’invalidité.

Après jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales, mise en œuvre d’une expertise médicale. Expertise confiée au Centre d’expertises psychiatriques rattaché à l’Hôpital C.__. Les médecins-experts ont retenu les diagnostics de trouble mixte de la personnalité à traits borderline et histrioniques et de trouble dépressif récurrent actuellement en rémission; la capacité de travail de l’assurée ne dépassait pas 50% dans une activité simple, routinière et demandant peu de capacités adaptatives et peu d’interactions sociales, taux auquel il convenait d’ajouter une diminution de rendement de 20% en raison d’une rigidité de fonctionnement.

Considérant qu’il était impossible de trancher entre les deux expertises réalisées jusqu’alors, l’office AI a confié la réalisation d’une nouvelle expertise psychiatrique. Le nouvel expert a retenu les diagnostics de légère dysthymie et de personnalité état limite à traits histrioniques, non décompensée et que l’assurée était en mesure de travailler à 100% dans une activité adaptée à sa personnalité. L’office AI a supprimé le droit à la rente entière d’invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1343/2014 – consultable ici : http://bit.ly/1LHewYq)

La juridiction cantonale a considéré que l’office AI n’avait aucun motif de s’écarter de la deuxième expertise, laquelle répondait clairement aux questions posées et revêtait pleine valeur probante. Le rapport de la troisième expertise ne pouvait être suivi, car plusieurs de ses propos dénotaient un parti pris de sa part et l’expertise était empreinte de jugements de valeur. Par jugement du 23.12.2014, admission partielle du recours ; octroi à un trois quarts de rente d’invalidité dès le 01.06.2008.

 

TF

Contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, le rapport de la deuxième expertise souffrait de défauts conséquents qui en atténuaient considérablement la valeur probante. Les observations cliniques rapportées par ces médecins étaient particulièrement ténues et consistaient pour l’essentiel en une énumération des plaintes subjectives rapportées par l’assurée; la plupart des symptômes mentionnés (« difficultés psychiques de longue date concrétisées par l’agir, une impulsivité, une instabilité de l’humeur, des éclats de colère, des comportements explosifs ») n’étaient ainsi pas le fait d’observations qu’ils auraient personnellement effectuées, mais le fait de l’interprétation des propos rapportés par l’assurée. L’absence d’explications étayées ne permettait pas de comprendre les diagnostics retenus et la capacité de travail réduite de l’assurée. Malgré le complément d’information apporté à la demande du SMR, il n’était ainsi pas possible de saisir les raisons pour lesquelles la personnalité impulsive de l’assurée allait au-delà de simples traits de la personnalité pour constituer un trouble de la personnalité à caractère invalidant. Les conclusions auxquelles aboutissaient les médecins-experts, en tant qu’elles étaient exposées de façon péremptoire, ne procédaient pas d’une discussion neutre et distanciée, où auraient été intégrés, dans une analyse cohérente et complète, les renseignements issus du dossier (dont notamment la première expertise) l’anamnèse, les indications subjectives et l’observation clinique. Eu égard à ce constat, il ne saurait être reproché à l’office AI d’avoir écarté cette deuxième expertise et décidé la mise en œuvre d’une troisième.

Le rapport de la troisième expertise contient une description détaillée des observations cliniques auxquelles il a été procédé, une présentation étayée des diagnostics retenus ainsi qu’une longue discussion sur le fonctionnement de la personnalité de l’assurée et son influence sur la capacité de travail. Elle explique par ailleurs de manière intelligible les raisons pour lesquelles les éléments de personnalité histrionique et limite – mis en évidence par l’ensemble des médecins consultés – ne constituent pas dans le cas particulier un trouble de la personnalité clairement constitué, mais de simples traits de la personnalité. Les propos, qui pour la juridiction cantonale dénotaient un parti pris de l’expert, avaient pour but de mettre en évidence la problématique relative à la recherche d’éventuels bénéfices secondaires liés à la maladie et à la position du médecin traitant dans ce contexte. On notera à cet égard qu’il appartient à tout expert d’intégrer dans le cadre de sa réflexion les facteurs motivationnels à l’œuvre chez l’expertisé (cf. Lignes directrices de la Société suisse de psychiatrie d’assurance pour l’expertise médicale des troubles psychiques, in Bulletin des médecins suisses 2004/85 p. 1907). Quant aux prétendus jugements de valeur dont l’expertise serait empreinte, ils correspondent à des observations qui reflètent la perception subjective qu’a eue l’expert de l’assurée.

 

Le TF admet le recours de l’Office AI, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’Office AI.

 

 

Arrêt 9C_99/2015 consultable ici : http://bit.ly/1VYirAs

 

 

9C_433/2015 (f) du 01.02.2016 – Fardeau de la preuve de l’envoi d’une décision AI / Dies a quo pour déposer un recours – 60 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_433/2015 (f) du 01.02.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1TeilHc

 

Fardeau de la preuve de l’envoi d’une décision AI

Dies a quo pour déposer un recours – 60 LPGA

 

Décision rendue par l’Office AI datait du 03.04.2014. L’assuré indique que la décision, datée du 03.04.2014, lui a été notifiée le 15.12.2014.

Le 13.11.2014, le mandataire demande par écrit à l’administration qu’une décision relative à la demande de rente d’invalidité soit notifiée. A la suite d’un entretien téléphonique entre le mandataire et une personne de l’office AI, l’assuré a reçu la décision requise le 15.12.2014.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 08.05.2015, le tribunal cantonal déclare irrecevable le recours, pour cause de tardiveté.

 

TF

Selon l’art. 60 al. 1 LPGA, le recours doit être déposé dans les trente jours suivant la notification de la décision sujette à recours. D’après la jurisprudence, le fardeau de la preuve de la notification d’un acte et de sa date incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 136 V 295 consid. 5.9 p. 309, avec les nombreuses références). En ce qui concerne plus particulièrement la notification d’une décision ou d’une communication de l’administration, elle doit au moins être établie au degré de la vraisemblance prépondérante requis en matière d’assurance sociale (ATF 121 V 5 consid. 3b p. 6). L’autorité supporte donc les conséquences de l’absence de preuve (ou de vraisemblance prépondérante) en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu’il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l’envoi (ATF 129 I 8 consid. 2.2 p. 10; 124 V 400 consid. 2a p. 402 et les références). La seule présence au dossier de la copie d’une lettre n’autorise pas à conclure avec un degré de vraisemblance prépondérante que cette lettre a été effectivement envoyée par son expéditeur et qu’elle a été reçue par le destinataire (ATF 101 Ia 7 consid. 1 p. 8). La preuve de la notification d’un acte peut néanmoins résulter d’autres indices ou de l’ensemble des circonstances, en particulier de la correspondance échangée ou de l’absence de protestation de la part d’une personne qui reçoit des rappels (cf. ATF 105 III 43 consid. 2a p. 46; DTA 2000 n° 25 p. 121 consid. 1b).

Il incombe en principe à l’office AI d’établir, au regard de la vraisemblance prépondérante, que sa décision – qui a fait l’objet d’un envoi non inscrit, – a été notifiée au plus tard le 13.04.2014 comme il l’a indiqué en instance cantonale ou du moins bien avant le 15.12.2014. Un doute subsiste sur le point de savoir à quel moment la décision du 13.04.2014 est entrée dans la sphère de puissance de son destinataire.

L’assuré parvient à semer le doute quant à la date de la notification de la décision. Le mandataire avait adressé un courrier à l’administration le 13.11.2014, requérant qu’une décision soit rendue. Sans réponse de l’office AI, le mandataire l’a ensuite contacté par téléphone afin de réitérer sa demande. C’est seulement à la suite de cet appel qu’il aurait reçu la décision requise, le 15.12.2014. Compte tenu des déclarations contradictoires des parties, il n’est pas possible – et une instruction complémentaire sur ce point n’apporterait pas d’éléments davantage plausibles – d’établir à quel moment l’assuré a reçu la décision en cause.

Il n’en demeure pas moins que la date de la notification « à une date bien antérieure au 15 décembre 2014, même en courrier B » ne peut pas non plus être retenue au degré de la vraisemblance prépondérante, en l’absence d’autres indices que la seule présence au dossier de l’administration de la décision en cause.

Même si le procédé du conseil du recourant – qui n’a pas conservé l’enveloppe pourvue du timbre postal – paraît discutable, le doute quant à la date de la notification de celle-ci doit profiter à l’assuré, en ce sens qu’il y a lieu de se fonder sur ses déclarations en tant que destinataire de l’envoi. Selon celles-ci, il aurait pris connaissance de la décision de refus de rente seulement le 15.12.2014, ce qui porte l’échéance du délai de recours au 30.01.2015. Le recours formé en date du 29.01.2015 auprès de la juridiction cantonale doit dès lors être considéré comme recevable.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et renvoie la cause au Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Cour des assurances.

 

 

Arrêt 9C_433/2015 consultable ici : http://bit.ly/1TeilHc

 

 

9C_677/2015 (f) du 25.01.2016 – Revenu d’invalide – 16 LPGA / Abattement de 15% au lieu de 10% retenu par l’OAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_677/2015 (f) du 25.01.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1nlkcvB

 

Revenu d’invalide – 16 LPGA

Abattement de 15% au lieu de 10% retenu par l’OAI

 

1ère demande AI : Assuré travaillant en qualité d’ouvrier-machiniste, subi en janvier 2007 l’ablation de son rein droit. A la suite de cette intervention, l’assuré a présenté une surdité complète de l’oreille gauche et s’est plaint de dorso-lombalgies persistantes. Décision : Pleine capacité de travail, mais diminution de rendement de 10%, dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles ; degré d’invalidité fixé à 26%.

2ème demande AI : Des troubles sur le plan psychique sont évoqués lors du dépôt de la deuxième demande AI. Expertise bidisciplinaire (psychiatrie et médecine interne générale) : diagnostics retenus avec répercussion sur la capacité de travail : troubles dégénératifs du rachis (hypersostose D10-D11 et D11-D12; discopathie L5-S1), syndrome douloureux chronique de la loge rénale droite et diabète de type II insuffisamment contrôlé avec glycosurie. Depuis 2008, l’assuré ne disposait plus que d’une capacité de travail de 80% dans une activité légère et adaptée. Décision : degré d’invalidité fixé à 38%, insuffisant pour ouvrir le droit à une rente d’invalidité.

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale a considéré qu’il y avait lieu de retenir, en lieu et place de l’abattement de 10% auquel avait procédé l’office AI, un abattement de 15%, afin de tenir compte de son âge, de la fatigue engendrée par son diabète et de son déconditionnement.

Par jugement du 03.08.2015, admission partielle du recours ; octroi d’un quart de rente d’invalidité.

 

TF

Il est notoire que les personnes atteintes dans leur santé, qui présentent des limitations même pour accomplir des activités légères, sont désavantagées sur le plan de la rémunération par rapport aux travailleurs jouissant d’une pleine capacité de travail et pouvant être engagés comme tels; ces personnes doivent généralement compter sur des salaires inférieurs à la moyenne (ATF 124 V 321 consid. 3b/bb p. 323). La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent par conséquent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation). Une déduction globale maximale de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79). L’étendue de l’abattement (justifié dans un cas concret) constitue une question typique relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif ou négatif de son pouvoir d’appréciation ou a abusé de celui-ci (ATF 132 V 393 consid. 3.3 p. 399), notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n’usant pas de critères objectifs (cf. ATF 130 III 176 consid. 1.2 p. 180).

Dans sa décision du 11 février 2014, l’office AI avait justifié la prise en considération d’un abattement de 10% en se référant uniquement à la nature des limitations fonctionnelles présentées par l’assuré (pas de mouvement en porte-à-faux, pas de charges de plus de 10 kilos, pas de mouvements répétitifs du rachis, alternance des positions debout et assis).

Eu égard à l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, on ne saurait reprocher à la juridiction cantonale d’avoir tenu compte, en sus des limitations fonctionnelles, des effets que l’âge de l’assuré (54 ans) et son absence prolongée du marché du travail peuvent jouer sur ses perspectives salariales dans le cadre de l’exercice d’une activité légère. S’il n’y a en revanche pas lieu de prendre en considération les effets du diabète, dès lors que l’évaluation de la capacité résiduelle de travail inclut déjà cet élément, il n’en demeure pas moins que l’interdépendance des autres facteurs personnels et professionnels entrant en ligne de compte sont de nature à contribuer à désavantager l’assuré au moment d’un éventuel engagement. Seules des concessions salariales sensibles pourront à l’évidence compenser cet état de fait et lui permettre d’être compétitif sur le marché du travail.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_677/2015 consultable ici : http://bit.ly/1nlkcvB

 

 

6B_41/2015 (f) du 29.01.2016 – Excès de vitesse – Infraction qualifiée aux règles de la circulation routière – 90 al. 3 et 4 LCR / Fixation de la peine – 47 CP / Combinaison d’une peine privative de liberté et d’une peine pécuniaire

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_41/2015 (f) du 29.01.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/21bHiCi

 

Excès de vitesse – Infraction qualifiée aux règles de la circulation routière – 90 al. 3 et 4 LCR

Fixation de la peine – 47 CP

Peine privative de liberté vs peine pécuniaire

Combinaison d’une peine privative de liberté et d’une peine pécuniaire

 

Le 08.01.2013 à 12h05, X.__ circulait à une vitesse de 141 km/h, marge de sécurité déduite, commettant ainsi un excès de vitesse de 61 km/h. Les faits se sont déroulés par beau temps, hors localité sur une route principale qui était sèche, d’une largeur de 6 mètres et dépourvue de trottoir. La route était pourvue d’une ligne de direction médiane et de lignes en bordure. Des clôtures et bornes routières longeaient la chaussée. Quelques bâtiments se situaient du côté droit de la route, mais aucun du côté gauche. Il n’y avait aucun véhicule devant celui de X.__.

Sur appel du Ministère public, la Cour suprême du canton de Berne a condamné X.__ à une peine privative de liberté de 11 mois avec sursis, le délai d’épreuve étant fixé à 2 ans et à une amende additionnelle de 1’200 fr., la peine privative de liberté de substitution étant fixée à 30 jours en cas de non-paiement fautif.

 

TF

Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

Pour fixer la peine, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, se fonde sur des critères étrangers à l’art. 47 CP, omet de prendre en considération des éléments d’appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu’il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d’appréciation (ATF 136 IV 55 consid. 5.6 p. 61; 134 IV 17 consid. 2.1 et les références citées).

Selon l’art. 42 al. 4 CP, le juge peut prononcer, en plus d’une peine assortie du sursis, une peine pécuniaire sans sursis ou une amende selon l’art. 106 CP. Le Tribunal fédéral s’est prononcé sur cette combinaison de sanctions dans deux arrêts de principe auxquels il peut être renvoyé (ATF 134 IV 1 et 134 IV 60). En cas de peines combinées au sens de l’art. 42 al. 4 CP, l’amende ne peut pas conduire à une aggravation de la peine ou au prononcé d’une sanction supplémentaire. Si une peine combinée est justifiée, les deux sanctions considérées ensemble doivent correspondre à la gravité de la faute (ATF 134 IV 53 consid. 5.2 p. 55 s.; arrêt 6B_61/2010 du 27 juillet 2010 consid. 5.2).

Une peine pécuniaire, qui atteint l’intéressé dans son patrimoine, constitue une sanction plus clémente qu’une peine privative de liberté, qui l’atteint dans sa liberté personnelle (ATF 134 IV 97 consid. 4.2.2 p. 101 s.; arrêt 6B_210/2010 du 8 juin 2010 consid. 2.2). La peine privative de liberté assortie du sursis constitue, de par la loi, une peine plus lourde que la peine pécuniaire ferme, quand bien même la première apparaît généralement plus légère aux yeux du condamné et de la collectivité (cf. Message du 21 septembre 1998 concernant la modification du code pénal suisse, FF 1999 1856).

En application de l’art. 42 al. 4 CP, la cour cantonale a prononcé une peine additionnelle, fixée à un douzième de la peine globale et l’a déduite de la peine privative de liberté. Elle a divisé la quotité globale de 12 mois en une peine privative de liberté de 11 mois additionnée à 30 jours-amende à 40 fr. l’unité.

Si la cour cantonale a diminué la quotité de la peine privative de liberté du nombre de jours-amende afin d’éviter une aggravation de celle-ci, conformément à la jurisprudence rendue en lien avec l’art. 42 al. 4 CP, elle a toutefois prononcé une peine inférieure au minimum légal sans pour autant retenir de motifs d’atténuation. La combinaison d’une peine privative de liberté de 11 mois avec sursis et d’une peine pécuniaire de 30 jours-amende est plus favorable que la peine privative de liberté d’une année prévue par l’art. 90 al. 3 LCR, ce indépendamment de la perception du condamné. Par conséquent, la cour cantonale est sortie du cadre légal et a ainsi violé le droit fédéral.

 

Le TF admet le recours du Ministère public du canton de Berne, modifie le jugement cantonal condamnant l’intéressé à une peine privative de liberté d’un an avec sursis, le délai d’épreuve étant fixé à 2 ans.

 

 

Arrêt 6B_41/2015 consultable ici : http://bit.ly/21bHiCi

 

 

9C_690/2015 (f) du 12.02.2016 – Méthode mixte d’évaluation de l’invalidité vs méthode générale de la comparaison des revenus / 28a al. 2 er 3 LAI – 27 et 27bis RAI – 16 LPGA – 8 al. 3 LPGA / Choix de la méthode pour un assuré n’ayant pas travaillé à 100%

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_690/2015 (f) du 12.02.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Yaicnu

 

Méthode mixte d’évaluation de l’invalidité vs méthode générale de la comparaison des revenus / 28a al. 2 et 3 LAI – 27 et 27bis RAI – 8 al. 3 LPGA – 16 LPGA

Choix de la méthode pour un assuré n’ayant pas travaillé à 100%

 

Assuré, né en 1954, célibataire, sans formation professionnelle, a travaillé en dernier lieu, à raison de six à sept heures par semaine, comme ouvrier aide main-d’œuvre jusqu’au 30.04.2010, puis a perçu ensuite des indemnités journalières de l’assurance-chômage, puis a accompli en contrepartie du revenu minimum cantonal d’aide sociale une activité compensatoire.

Dépôt demande AI le 25.09.2013. Reconnaissance d’une incapacité de travail totale depuis le 13.12.2012. Enquête économique sur le ménage mettant en évidence un empêchement de 12,75% dans la sphère ménagère. Décision du 06.11.2014, octroyant une demi-rente de l’assurance-invalidité à compter du 01.03.2014 (empêchement de 100% dans la sphère professionnelle pris en compte pour 50% et de 12,75% dans la sphère ménagère pour l’autre 50%, soit un degré d’invalidité de 56%).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/594/2015 – consultable ici : http://bit.ly/1TYagF8)

La cour cantonale a, en application de la méthode générale de comparaison des revenus, octroyé une rente entière de l’assurance-invalidité (empêchement de 100% dans la sphère professionnelle). Il n’avait jamais déclaré avoir travaillé à temps partiel ou envisagé de le faire pour s’occuper le reste du temps de son ménage ou pour vaquer à des travaux habituels et rien dans le dossier ne permettait de conclure en ce sens. Si l’assuré n’avait quasiment jamais travaillé à plein temps, c’était essentiellement pour des raisons psycho-sociales. Cela était toutefois sans influence sur la méthode d’évaluation de son degré d’invalidité, car du point de vue strictement médical, on pouvait raisonnablement exiger de lui qu’il exerçât une activité lucrative.

Par jugement du 18.08.2015, admission du recours et annulation de la décision.

 

TF

Selon la jurisprudence, pour déterminer la méthode d’évaluation du degré d’invalidité applicable au cas particulier, il faut non pas, malgré la teneur de l’art. 8 al. 3 LPGA, chercher à savoir dans quelle mesure l’exercice d’une activité lucrative aurait été exigible de la part de l’assuré, mais se demander ce que l’assuré aurait fait si l’atteinte à la santé n’était pas survenue (ATF 133 V 504 consid. 3.3 p. 507; 133 V 477 consid. 6.3 p. 486). Selon la pratique, cette question doit être tranchée sur la base de l’évolution de la situation jusqu’au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l’éventualité de l’exercice d’une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 137 V 334 consid. 3.2 p. 338 et les références).

Le Tribunal fédéral a rappelé que la jurisprudence publiée aux ATF 131 V 51 excluait de cette définition les activités de loisirs (ATF 141 V 15 consid. 4.4 p. 22).

L’office AI admet que l’assuré n’effectuait pas des travaux habituels tant avant qu’après l’atteinte à la santé. Dans ces circonstances, le taux d’invalidité de l’intimé doit être évalué selon la méthode générale de comparaison des revenus (art. 28a al. 3 LAI en corrélation avec l’art. 16 LPGA; ATF 141 V 15 consid. 4.4 p. 22 et le renvoi à l’ATF 131 V 51).

 

Le TF rejette le recours de l’Office AI.

 

 

Arrêt 9C_690/2015 consultable ici : http://bit.ly/1Yaicnu

 

 

1C_539/2015 (f) du 05.02.2016 – Retrait de sécurité du permis de conduire – 16c al. 1 let. f LCR / Erreur sur l’illicéité – 21 CP

Arrêt du Tribunal fédéral 1C_539/2015 (f) du 05.02.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1QvIwqk

 

Retrait de sécurité du permis de conduire – 16c al. 1 let. f LCR

Erreur sur l’illicéité – 21 CP

 

Ressortissante française née en 1946, domiciliée à Genève et titulaire du permis de conduire des catégories A1, B, B1, F, G et M.

Un premier retrait du permis de conduire, pour une durée de trois mois, a été prononcé à la suite d’une opposition à un prélèvement de sang et dont l’exécution a pris fin le 18.03.2010. Par décision du 22.04.2014, retrait du permis de conduire pour une durée de douze mois, pour avoir provoqué un accident en état d’ébriété. Cette décision précisait que l’intéressée pouvait conduire « des véhicules des catégories spéciales G et M et des véhicules pour lesquels un permis de conduire n’est pas nécessaire pendant la durée du retrait ».

Le 26.11.2014, alors qu’elle se rendait en France, où elle exerce son activité professionnelle, A.__ a été interpellée à la douane de Fossard. Elle circulait au volant d’un véhicule à moteur immatriculé en France (ci-après: la voiturette), dont la conduite ne nécessite pas, dans ce pays, de permis de conduire pour les personnes nées avant le 01.01.1988. Selon les documents d’immatriculation, cette voiturette doit être qualifiée, selon la nomenclature française, de quadricycle léger à moteur.

Par décision du 12.01.2015, retrait du permis de conduire pour une durée indéterminée, mais pour deux ans au minimum, pour avoir circulé au volant d’un véhicule automobile non homologué en Suisse, alors qu’elle se trouvait sous l’effet d’un précédent retrait.

 

TF

En France, la conduite d’une voiturette n’exige pas de permis de conduire pour les personnes nées avant le 01.01.1988; en revanche, sur le territoire suisse, l’utilisation de ce type de véhicule requiert un permis de conduire de la catégorie spéciale F.

Conformément à l’art. 16c al. 1 let. f LCR, commet une infraction grave la personne qui conduit un véhicule automobile alors que le permis de conduire lui a été retiré. Après une infraction grave, le permis de conduire est retiré pour une durée indéterminée, mais pour deux ans au minimum, si, au cours des dix années précédentes, le permis lui a été retiré à deux reprises en raison d’infractions graves (cf. art. 16c al. 2 let. d 1 ère phrase LCR).

L’art. 16c al. 1 let. f LCR présente les traits d’une mesure répressive destinée à faire respecter une précédente décision de retrait du permis de conduire (André Bussy et al., Code suisse de la circulation routière commenté, 4 e éd. 2015, n. 6 ad. art. 16c LCR et l’arrêt cité 6A.113/2006 du 30 avril 2007 consid. 6.2.3). Quant au retrait du permis de conduire fondé sur l’art. 16c al. 2 let. d LCR, il doit, selon la jurisprudence, être considéré comme un retrait de sécurité, dont le but est d’exclure de la circulation routière le conducteur multirécidiviste (cf. ATF 139 II 95 consid. 3.4.2 p. 104). Néanmoins, à l’instar du retrait d’admonestation, la problématique pertinente dans l’application de cette disposition et celle de savoir si une nouvelle infraction a été commise et non de déterminer concrètement si la personne concernée est toujours apte à conduire un véhicule automobile (cf. ATF 139 II 95 consid. 3.4.3 p. 104). Il s’ensuit que, tout comme en droit des mesures administratives d’admonestation (cf. Cédric Mizel, Droit et pratique illustrée du retrait du permis de conduire, 2015, p. 303 n. 49.1), l’application de l’art. 16c al. 2 let. d LCR commande d’examiner la faute, respectivement la culpabilité de l’auteur, sur lesquelles influe notamment l’erreur sur l’illicéité (Message du 21 septembre 1998 concernant la modification du code pénal suisse et du code pénal militaire ainsi qu’une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs, FF 1999 1787 1814). Le régime prévu par la loi en matière de mesures administratives étant muet sur les conséquences d’une erreur, il convient de se référer par analogie au droit pénal (cf. art. 102 ch. 1 LCR par analogie; cf. Moor/Poltier, Droit administratif, vol. II, 3 e éd. 2011, p. 134 n. 1.4.3.1; pour deux cas d’application de l’erreur de droit, voir arrêts 1C_333/2014 du 23 septembre 2014 consid. 4.2 et 4.3; 6A.54/2006 du 13 février 2007 consid. 5.5.2 s.; pour une application par analogie du concours d’infraction [art. 68 ch. 2 aCP], cf. ATF 113 Ib 53 consid. 3 p. 56).

L’erreur sur l’illicéité n’est pas réalisée au seul motif que l’auteur tient faussement son comportement pour non punissable, encore faut-il qu’il ne sache pas ou ne puisse pas savoir qu’il se comporte de manière illicite. Cette dernière condition n’est pas réalisée lorsqu’au regard des circonstances l’auteur aurait dû avoir des doutes quant à la licéité de son comportement (cf. arrêt 1C_333/2014 du 23 septembre 2014 consid. 4.2).

Si l’on peut – dans une certaine mesure – reconnaître que les dispositions en matière d’admission des véhicules à la circulation présentent une certaine complexité, celle-ci ne saurait en l’occurrence constituer une raison suffisante permettant à la conductrice de se croire autorisée à conduire; cette complexité exigeait au contraire de celle-ci qu’elle fasse preuve d’une attention particulière. Il y a en effet lieu de se montrer sévère lorsqu’il s’agit d’appliquer, comme en l’espèce, l’erreur sur l’illicéité dans des domaines techniques ou soumis à un régime d’autorisation (cf. Martin Killias et al., Précis de droit pénal général, 3e éd. 2008, p. 43 n. 312 et les arrêts cités) et que l’auteur sait qu’une réglementation juridique existe (cf. ATF 120 IV 208 consid. 5b p. 215). Il en découle qu’il ne suffisait pas à la conductrice de se croire en droit d’agir; il lui incombait en outre de se renseigner avant de prendre le volant (cf. Martin Killias et al., op. cit., p. 43 n. 312). Cela est d’autant plus vrai que la décision du 22.04.2014 précise expressément quelles catégories de véhicules la conductrice pouvait conduire en dépit du retrait de son permis; il lui était ainsi aisé d’obtenir les informations relatives aux types de véhicules concernés en prenant contact avec l’autorité ayant prononcé cette décision (ou encore en consultant, par exemple, le site Internet de la République et canton de Genève [http://ge.ch/vehicules/permis-de-conduire-et-permis-deleve]). De plus, compte tenu du but clair poursuivi par l’art. 16c al. 2 let. d LCR, à savoir écarter les conducteurs multirécidivistes de la circulation, la conductrice aurait à l’évidence dû nourrir des doutes quant à son droit de conduire un véhicule automobile en Suisse malgré la mesure prononcée à son encontre. Il est par ailleurs sans pertinence que la conductrice soit de nationalité française, qu’elle travaille en France, et que ce type de véhicule peut être conduit sans permis dans ce pays. Il n’y a en effet rien de surprenant à ce que les législations de deux Etats souverains divergent dans un domaine donné, ce que la conductrice ne pouvait ignorer; ainsi même si le doute était permis, il ne lui incombait pas moins de s’informer préalablement.

 

Le TF admet le recours du Département de l’environnement, des transports et de l’agriculture de la République et canton de Genève, réforme l’arrêt de l’instance inférieur en ce sens que le recours de la conductrice est rejeté.

 

 

Arrêt 1C_539/2015 consultable ici : http://bit.ly/1QvIwqk