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Fin de l’examen du développement continu de l’AI

Fin de l’examen du développement continu de l’AI

 

Communiqué de presse du Parlement du 16.11.2018 consultable ici

 

La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) entend faire en sorte que les expertises mandatées par l’AI soient établies avec équité et efficacité. Elle a adopté des propositions en ce sens lors de la clôture de ses travaux concernant le développement continu de l’AI.

Au vote sur l’ensemble, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) a adopté le projet 17.022 n «LAI. Modification (Développement continu de l’AI)» par 15 voix contre 0 et 7 abstentions. Pour conclure la discussion par article du projet, la commission a examiné en détail les exigences relatives à l’établissement d’expertises, procédure qui doit être à la fois équitable et efficace. Si les exigences en question sont en principe valables pour toutes les assurances sociales (cf. art. 44 LPGA), dans les faits elles concernent surtout l’AI et l’assurance-accidents. La commission veut inscrire expressément dans la loi une obligation d’indépendance pour les experts. A l’unanimité, elle propose également que les entretiens entre experts et personnes expertisées fassent l’objet d’un procès-verbal. Par 17 voix contre 6, la CSSS-N veut en outre obliger le Conseil fédéral à édicter des critères applicables à l’autorisation d’expertises médicales et à instituer une commission réunissant des représentants de tous les milieux concernés afin de surveiller de manière générale les expertises. Grâce à ces mesures, la commission entend garantir la qualité des expertises. A l’instar du Conseil fédéral, elle veut par ailleurs renforcer les droits de participation des personnes qui doivent se soumettre à une expertise. La commission considère par contre qu’il ne serait pas judicieux d’étendre les possibilités de recours, sous peine de prolonger les procédures ; elle a donc rejeté des propositions formulées en ce sens.

Le projet est ainsi prêt à être examiné par le Conseil national ; celui-ci devrait s’y pencher à la session de printemps 2019. Lors de la discussion par article, la commission a largement suivi les propositions du Conseil fédéral. Différentes mesures doivent contribuer à ce que les jeunes adultes et les personnes atteintes dans leur santé psychique, en particulier, ne perçoivent pas précipitamment une rente, mais soient ou demeurent intégrés le plus possible dans la vie active. La révision vise en outre à substituer un système de rentes linéaire au modèle à quatre échelons en vigueur. S’écartant du point de vue du Conseil fédéral, la majorité de la commission propose d’abaisser le montant des rentes pour enfants, qui devraient à l’avenir être qualifiées d’allocations parentales, afin d’inciter davantage les parents de familles nombreuses à exercer une activité lucrative.

 

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 16.11.2018 consultable ici

Objet du Conseil fédéral 17.022 « LAI. Modification (Développement continu de l’AI) » consultable ici

Message du 15 février 2017 concernant la modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité (Développement continu de l’AI), disponible in FF 2017 2363

 

 

9C_427/2018 (f) du 20.09.2018 – Revenu d’invalide après formation professionnelle initiale – 16 LPGA – 16 LAI / Estimation du rendement – Médico-théorique vs réalité du terrain (pratique)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_427/2018 (f) du 20.09.2018

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide après formation professionnelle initiale / 16 LPGA – 16 LAI

Estimation du rendement – Médico-théorique vs réalité du terrain (pratique)

 

Assuré, née en 1993, souffre depuis sa naissance d’une galactosémie ayant entraîné des difficultés neuropsychologiques. Elle a entrepris une formation d’assistante socio-éducative puis un apprentissage d’assistante en pharmacie, qu’elle n’a pas pu mener à chef.

Dans les suites du dépôt d’une demande AI le 04.09.2013, le Service médical régional (SMR) a ordonné un bilan neuropsychologique complet destiné à préciser l’exigibilité médico-théorique. A la lumière du rapport de la psychologue, le SMR a fixé le rendement à 50% pour un horaire de travail de 80% à 100% dans des activités sans travaux lourds, responsabilité ou stress, et privilégiant les tâches simples pour l’autonomie.

L’assurée a débuté un stage le 01.04.2014 auprès d’un magasin en vue d’y entreprendre un apprentissage de gestionnaire de commerce de détail durant l’été 2014. L’office AI a accepté de prendre à sa charge les frais supplémentaires de formation professionnelle initiale du 01.07.2014 au 30.06.2016, date à laquelle l’assurée a obtenu son CFC. La responsable de l’apprentissage a indiqué, notamment, que l’assurée avait un rendement diminué de 20 à 30%.

Du 19.09.2016 au 19.12.2016, l’assurée a suivi un programme d’évaluation temporaire de l’assurance-chômage. Selon leur rapport, elle n’est pas autonome dans la plupart des tâches en lien avec la tenue d’une boutique et a besoin de la présence d’une personne de référence, bien qu’elle possède les compétences de base pour travailler dans ce domaine.

Afin d’évaluer le rendement de l’assurée sur le premier marché du travail, l’office AI a mis en œuvre un stage auprès d’un magasin, que l’assurée a suivi du 01.03.2017 au 31.05.2017. La gérante a fait état de difficultés lorsque l’assurée est appelée à effectuer plusieurs tâches en même temps dans le magasin, ce qui justifierait un salaire réduit de 20% dans le cas d’un engagement. Le tableau d’évaluation a mis en évidence une baisse de rendement de 19% en moyenne pour une activité dans un magasin de village avec du personnel réduit.

L’office AI a refusé à l’assurée tout droit à d’autres mesures de formation professionnelle initiale et a nié le droit de l’assurée à une rente d’invalidité (taux d’invalidité de 19%).

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale a constaté que l’assurée avait obtenu un CFC de gestionnaire du commerce de détail par la voie standard, dans les délais normaux et sans avoir eu besoin d’un quelconque soutien extérieur. Elle a considéré que la baisse de rendement de l’ordre de 19% à 30%, observée par le maître d’apprentissage, puis par la gérante du magasin du stage réalisé en 2017, s’expliquait entièrement par la dimension réduite des enseignes, laquelle exigeait une polyvalence que l’assurée n’était pas en mesure de gérer. Tous les intervenants avaient en revanche reconnu les compétences professionnelles de base de gestionnaire de l’assurée et admis que son rendement serait meilleur dans un cadre plus structuré où les tâches sont réparties entre les employés, comme c’est le cas dans les grandes surfaces.

Sur le plan médico-théorique, les juges cantonaux ont retenu que le stage d’observation professionnelle n’avait apporté aucun élément concret supplémentaire à ceux déjà mis en évidence par les médecins traitants et le SMR, c’est-à-dire que l’assurée ne pouvait pas effectuer de travaux lourds, qu’elle devait privilégier les tâches simples et éviter les travaux avec responsabilité. La mesure avait permis de déterminer que le rendement de l’assurée atteignait 70% à 80%, voire 81% dans le métier appris, ce taux ayant été fixé au terme du stage sur la base des éléments rapportés par le maître d’apprentissage puis par la gérante du magasin et l’assurée elle-même. Comme le taux de 19% établi à l’issue du stage, respectivement le taux maximal de 30% estimé par le maître d’apprentissage étaient inférieurs au taux minimal de 40% ouvrant droit à la rente, cette prestation n’était pas due.

Par jugement du 07.05.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Confirmant les considérations des juges cantonaux, le Tribunal fédéral a rappelé que les organes d’observation professionnelle ont pour fonction de compléter les données médicales en examinant concrètement dans quelle mesure l’assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail. Dans les cas où ces appréciations (d’observation professionnelle et médicale) divergent sensiblement, il incombe à l’administration, respectivement au juge – conformément au principe de la libre appréciation des preuves – de confronter les deux évaluations et, au besoin de requérir un complément d’instruction (cf. arrêt 9C_1035/2009 du 22 juin 2010 consid. 4.1 et les références, in SVR 2011 IV n° 6 p. 17).

En l’occurrence, l’évaluation médico-théorique du rendement de l’assurée établie par le SMR diverge sensiblement du rendement effectif qui a été constaté ultérieurement aussi bien au terme de l’apprentissage de deux ans qu’à la fin du stage de trois mois. Le Tribunal cantonal a dès lors confronté ces évaluations puis exposé les motifs qui l’ont conduit à s’en tenir aux observations effectuées lors de situations concrètes auprès de ces deux entreprises du commerce de détail.

L’assurée a achevé avec succès sa formation initiale (cf. art. 16 LAI) et rien ne l’empêche de mettre son CFC et sa capacité de gain à profit en subissant au plus une perte de gain de 30%. Elle ne soutient pas qu’elle ne pourrait pas être placée en raison de son état de santé et n’invoque aucun avis médical actuel permettant de remettre cette appréciation professionnelle en cause. De plus, elle ne demande pas non plus à pouvoir bénéficier d’une nouvelle formation professionnelle et n’indique pas en quoi le nouveau stage qu’elle souhaite effectuer dans un grand magasin, en partie à charge de l’AI, lui permettrait de se perfectionner et d’améliorer sa capacité de gain. Il est donc superflu d’ordonner un nouveau stage en milieu professionnel. Le droit à une aide au placement est réservé.

Vu ce qui précède, le taux d’invalidité ne peut être fixé sur la seule base du rapport du SMR qui retenait un rendement de 50% pour un horaire de travail de 80% à 100%. En effet, cette appréciation, elle-même fondée uniquement sur l’avis d’une psychologue qui s’était exprimée avant le début de l’apprentissage, ne correspondait manifestement pas au rendement bien supérieur qui a été observé par la suite dans la pratique. Compte tenu d’une perte de gain maximale de 30%, le seuil ouvrant droit la rente d’invalidité n’est pas atteint.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_427/2018 consultable ici

 

 

9C_453/2017+9C_454/2017 (f) du 06.03.2018 – Valeur probante d’un rapport médical / Divergences (notables) dans les conclusions de deux médecins-experts

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_453/2017+9C_454/2017 (f) du 06.03.2018

 

Consultable ici

 

Valeur probante d’un rapport médical

Divergences (notables) dans les conclusions de deux médecins-experts

 

Assurée, aide-soignante, a chuté et heurté un banc avec son épaule et son bras gauche le 17.07.2013, accident pris en charge par son assureur LAA. Demande AI déposée le 07.08.2013.

L’office AI a recueilli l’avis des médecins traitants, puis fait verser au dossier celui de l’assurance-accidents qui contenait notamment une expertise orthopédique. Il a ensuite soumis l’intéressée à une expertise psychiatrique. Par décision, l’office AI a nié le droit de l’assurée à des prestations de l’assurance-invalidité, au motif que son activité habituelle d’aide-soignante demeurait exigible, sans baisse de rendement.

Parallèlement, l’assurance-accidents a mis un terme au versement des indemnités journalières de l’assurance-accidents avec effet au 30.09.2013, ce que l’intéressée a contesté.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/378/2017 – consultable ici)

L’assurée a fait verser à la procédure l’expertise judiciaire bidisciplinaire (rhumatologique et orthopédique) ordonnée dans le cadre de la procédure de recours ouverte contre la décision de l’assurance-accidents. Il existait une divergence entre les conclusions du spécialiste en médecine interne générale et en rhumatologie et celle du spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur. En dépit d’une demande répétée de la cour, les médecins ne s’étaient par ailleurs pas mis d’accord sur ce point. Dans la mesure où le docteur le chirurgien orthopédique s’était cependant rallié aux conclusions de son confrère s’agissant de la date du statu quo ante, il en résultait juges une force probante accrue de l’expertise du rhumatologue, ce d’autant plus qu’elle était plus détaillée. La juridiction cantonale a considéré que l’assurée ne pouvait plus exercer son activité habituelle d’aide-soignante, mais qu’elle disposait d’une capacité de travail entière dans une activité strictement adaptée à ses limitations fonctionnelles.

Par jugement du 15.05.2017, admission partielle du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon le principe de la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA), le tribunal apprécie librement les preuves médicales qu’il a recueillies, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Le tribunal doit examiner objectivement tous les documents à disposition, quelle que soit la provenance, puis décider s’ils permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. S’il existe des avis contradictoires, il ne peut trancher l’affaire sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion plutôt qu’une autre. En ce qui concerne la valeur probante d’un rapport médical, ce qui est déterminant c’est que les points litigieux aient fait l’objet d’une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu’il ait été établi en pleine connaissance de l’anamnèse, que la description du contexte médical et l’appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l’expert soient dûment motivées. Au demeurant, l’élément déterminant pour la valeur probante n’est ni l’origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2 p. 126; 125 V 351 consid. 3a p. 352 et les références).

En l’espèce, confrontée à une divergence d’opinion, l’autorité cantonale ne pouvait faire l’économie d’une mesure d’instruction complémentaire avant de statuer, en invitant par exemple derechef oralement ou par écrit les deux médecins à s’exprimer conjointement sur les effets de l’atteinte à la santé de l’assurée sur sa capacité de travail dans son activité habituelle d’aide-soignante. Compte tenu des spécialités en présence, une réponse claire et cohérente des experts aux questions posées par la juridiction cantonale était en effet nécessaire (à ce sujet, cf. ATF 143 V 124 consid. 2.2.4 p. 128; 137 V 210 consid. 1.2.4 p. 224 et les références), laquelle fait défaut en l’espèce.

On ne saurait par ailleurs suivre la juridiction cantonale lorsqu’elle retient, implicitement, qu’on pouvait se passer d’une telle mesure d’instruction en raison de la « force probante accrue » des conclusions du rhumatologue. Les premiers juges n’établissent en effet nullement cet élément, la valeur probante d’un rapport médical ne résultant en particulier pas de sa longueur. Ils ne pouvaient par ailleurs se contenter d’écarter le point de vue défendu par le chirurgien orthopédique pour le seul motif que le médecin s’était rallié, sur un point non essentiel de l’expertise (les effets d’une contusion sur la capacité de travail de l’assurée), à l’appréciation de son confrère, alors que la question déterminante – au regard de l’art. 16 LPGA – de la capacité de travail de l’assurée dans son activité habituelle d’aide-soignante restait sans réponse.

 

Le TF admet partiellement les recours de l’assurée et de l’office AI, annulant le jugement cantonal et renvoyant la cause au tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

 

 

Arrêt 9C_453/2017+9C_454/2017 consultable ici

 

 

Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) 2016 : Tableau TA1_skill-level disponible

Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) 2016 : Tableau TA1_skill-level disponible

 

Le tableau TA1_skill-level « Salaire mensuel brut selon les branches économiques, le niveau de compétences et le sexe – Secteur privé » de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) de l’année 2016 a été publié par l’Office fédéral de la statistique le 26.10.2018. Il est disponible ici.

Quant au tableau T1_skill-level « Secteur privé et secteur public ensemble », il est disponible ici.

Enfin, à noter également la publication du tableau T17 « Salaire mensuel brut selon les groupes de professions, l’âge et le sexe – Secteur privé et secteur public ensemble », utilisé dans des cas particuliers.

 

Pour les détails quant à l’utilisation de l’ESS dans la détermination du revenu d’invalide, nous vous renvoyons à l’article Fixation du revenu d’invalide selon l’ESS, in : Jusletter 22 octobre 2018.

 

 

9C_330/2017 (f) du 14.12.2017 – Allocation pour impotent – Nécessité de l’assistance d’un tiers pour la réalisation des tâches ménagères / 42 al. 3 LAI – 38 al. 1 RAI – 37 al. 2 let. c RAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_330/2017 (f) du 14.12.2017

 

Consultable ici

 

Allocation pour impotent – Nécessité de l’assistance d’un tiers pour la réalisation des tâches ménagères / 42 al. 3 LAI – 38 al. 1 RAI – 37 al. 2 let. c RAI

 

Assurée, atteinte depuis sa naissance d’une dysphasie et de séquelles d’un syndrome de Marfan, a bénéficié de plusieurs prestations de l’assurance-invalidité.

Le 04.11.2014, l’assurée a sollicité de l’office AI une allocation pour impotent. Le médecin traitant, spécialiste en médecine interne générale, a confirmé le besoin d’aide de sa patiente. L’administration a également procédé à une enquête sur l’impotence. Il en ressort que l’intéressée nécessitait l’aide d’un tiers uniquement pour accomplir deux actes ordinaires de la vie.

L’assurée a également précisé, après réception du projet de décision reconnaissant le droit à une allocation pour impotent de degré faible à compter du 01.06.2011, qu’il fallait aussi prendre en compte les conséquences de sa dysphasie ainsi que son besoin d’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie et, partant, lui reconnaître un droit à une allocation pour impotent de degré moyen. Après avoir sollicité l’avis de l’auteur de l’enquête sur l’impotence ainsi que celui de son Service médical régional (SMR), l’administration a entériné l’octroi d’une allocation pour impotent de degré faible.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 79/16 – 103/2017 – consultable ici)

La juridiction cantonale a retenu que, compte tenu de son état de santé, l’assurée nécessitait une assistance importante pour réaliser ses travaux ménagers. Elle a en outre relevé que cette assistance était trop importante pour que, dans le cadre de l’obligation de diminuer le dommage, elle soit raisonnablement exigible des parents de l’assurée avec lesquels cette dernière faisait ménage commun. Elle en a déduit un besoin d’accompagnement régulier et durable pour faire face aux nécessités de la vie, en plus du besoin d’aide pour accomplir deux actes ordinaires de la vie.

Par jugement du 03.04.2017, admission du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant à l’assuré le droit à une allocation pour impotent de degré moyen à partir du 01.06.2011.

 

TF

Comme l’admet l’OFAS dans sa prise de position, la nécessité de l’assistance d’un tiers pour la réalisation des tâches ménagères peut justifier à elle seule la reconnaissance du besoin d’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie (cf. arrêt 9C_425/2014 du 26 septembre 2014 consid. 4.1). On rappellera également que la nécessité de l’aide apportée par une tierce personne doit être examinée de manière objective, selon l’état de santé de l’assuré concerné, indépendamment de l’environnement dans lequel celui-ci se trouve; seul importe le point de savoir si, dans la situation où il ne dépendrait que de lui-même, cet assuré aurait besoin de l’aide d’un tiers. L’assistance que lui apportent les membres de sa famille a trait à l’obligation de diminuer le dommage et ne doit être examinée que dans une seconde étape (cf. arrêt 9C_410/2009 du 1er avril 2010 consid. 5.1, in SVR 2011 IV n° 11 p. 29; voir aussi arrêt 9C_425/2014 du 26 septembre 2014 consid. 4.2).

La juridiction cantonale a retenu que si l’assurée pouvait certes réaliser certaines tâches culinaires en utilisant des ustensiles adaptés (four à micro-ondes, casserole à deux anses, etc.), même la préparation de repas simples exigeait un minimum de manipulations (ouvrir une bouteille, verser le contenu d’une casserole dans un égouttoir, etc.) que celle-ci n’était pas en mesure d’accomplir en raison d’une faiblesse des mains. Elle a ajouté qu’on ne pouvait exiger de l’assurée qu’elle s’alimente essentiellement de produits préfabriqués pour le four à micro-ondes. Elle a en outre relevé que, selon l’enquête sur l’impotence, l’assurée avait besoin d’aide pour les tâches lourdes, en raison d’un port de charges limité à trois kilogrammes, ou tous les autres travaux impliquant des mouvements de rotation ou des positions en porte-à-faux, en raison d’une arthrodèse rachidienne bloquant la colonne vertébrale en position rigide de la quatrième vertèbre dorsale à la troisième vertèbre lombaire. Elle a également déduit de l’impossibilité (totale ou partielle) à réaliser certains actes ordinaires de la vie (impossibilité de se pencher pour se laver les pieds et les jambes ou s’épiler, impossibilité de lever les bras pour se laver les cheveux, impossibilité d’effectuer une légère torsion du tronc pour se laver le dos, etc.) une impossibilité à accomplir certaines tâches ménagères (nettoyer les sols ou les sanitaires, faire la lessive, changer la literie, etc.). Elle a par conséquent conclu à un besoin d’aide suffisamment important pour justifier un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie. Le seul fait de savoir s’organiser et demander de l’aide lorsque celle-ci est nécessaire ne saurait remettre en question ce qui précède mais établit au contraire l’existence même de la nécessité de l’assistance apportée par un tiers.

S’agissant de l’aide que peuvent ou doivent apporter les parents de l’assurée dans la mesure où ceux-ci forment une communauté familiale, on précisera que, selon la jurisprudence, si la question de savoir comme s’organiserait cette communauté familiale dans le cas où elle ne devait pas percevoir de prestations d’assurance est certes importante, l’aide exigible ne doit pas devenir excessive ou disproportionnée (cf. arrêt 9C_410/2009 du 1er avril 2010 consid. 5.5, in SVR 2011 IV n° 11 p. 29). Or, sauf à vouloir vider l’institution de l’allocation pour impotent de tout son sens dans le cas où les parents font ménage commun avec leur enfant majeur et invalide, on ne saurait exiger de ceux-ci qu’ils assument toutes les tâches ménagères de leur enfant – ou la quasi-totalité de celles-ci au regard des empêchements mentionnés ci-dessus – comme le soutient péremptoirement l’administration.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_330/2017 consultable ici

 

 

Fixation du revenu d’invalide selon l’ESS

Fixation du revenu d’invalide selon l’ESS

 

Article paru in Jusletter, 22 octobre 2018

 

Expliquer à une personne atteinte dans sa santé pourquoi elle pourrait encore percevoir un revenu est tout aussi complexe que de déterminer ce revenu. La jurisprudence a abordé cette complexité en ayant recours à des données, réalisées par l’Office fédéral de la statistique. Par ailleurs, une déduction sur le salaire statistique doit être opérée, si le cas d’espèce le justifiait. Ce sont ces différents points qui sont abordés et développés dans le présent article, tout en restant ancré dans la pratique.

Publication : Fixation du revenu d’invalide selon l’ESS – David Ionta – Jusletter 2018-10-22

 

 

9C_901/2017 (f) du 28.05.2018 – Revenu d’invalide selon l’ESS – 16 LPGA / Niveau de compétences 2 vs 1 – Rappel de la notion du niveau de compétences selon ESS 2012 (et suivants)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_901/2017 (f) du 28.05.2018

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide selon l’ESS / 16 LPGA

Niveau de compétences 2 vs 1 – Rappel de la notion du niveau de compétences selon ESS 2012 (et suivants)

 

Assuré, opérateur de station d’épuration, souffrant de séquelles d’une pathologie pulmonaire incapacitante depuis le 01.09.2011, a requis des prestations de l’assurance-invalidité le 22.03.2012.

Dès lors que la situation s’était améliorée et permettait la reprise d’une activité à mi-temps dans un milieu protégé, l’office AI a reconnu le droit de l’assuré à des mesures de réadaptation. Ce dernier a bénéficié d’un reclassement dans la profession de comptable. Il a suivi une formation complète mais a échoué à l’examen final. Cette activité a néanmoins été considérée comme adaptée à son état de santé pour autant que le taux d’occupation ne dépassât pas les 50%.

La mesure de réadaptation menée à terme, l’administration a alloué à l’assuré une rente entière dès le 21.11.2012 et trois-quarts de rente dès le 01.08.2016. L’office AI a notamment fixé le montant du revenu d’invalide pour 2016 sur la base des données statistiques ressortant du tableau T1_skill_level (lignes 69-71 correspondant aux activités juridiques, comptables, de gestion, d’architecture et d’ingénierie, niveau de compétence 2, pour homme) de l’Enquête suisse sur la structure des salaires 2012 (ESS 2012).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/974/2017 – consultable ici)

Par jugement du 31.10.2017, admission du recours par le tribunal cantonal. L’instance cantonale a notamment jugé que le revenu d’invalide dont il fallait tenir compte était celui ressortant du tableau TA1_skill_level (lignes 69-71, niveau de compétence 1, pour homme) de l’ESS 2012.

 

TF

Le choix du niveau de compétence est une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement (ATF 143 V 295 consid. 2.4 p. 297).

L’ESS a été révisée dans sa version 2012 (sur les principaux changements, cf. notamment ATF 142 V 178 consid. 2.5.3 p. 184 ss). Les emplois sont désormais classés par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué et les critères de base utilisés pour définir le système des différents groupes de professions sont les niveaux et la spécialisation des compétences requis pour effectuer les tâches inhérentes à la profession. Quatre niveaux de compétence ont donc été définis en fonction des groupes de professions et du type de travail qui y est généralement effectué. Il existe neuf groupes de professions: les deux premiers regroupent les tâches qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques ou factuelles dans un domaine spécialisé (niveau de compétence 4); le troisième regroupe les tâches pratiques complexes nécessitant un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (niveau de compétence 3); les cinq suivants regroupent les tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l’utilisation de machines et d’appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules (niveau de compétence 2); le neuvième regroupe les tâches physiques ou manuelles simples (niveau de compétence 1 ; cf. ESS 2012, brochure éditée par l’Office fédéral de la statistique, p. 11 ss). L’accent est donc désormais mis sur le type de tâches que l’assuré est susceptible d’assumer en fonction de ses qualifications mais pas sur les qualifications en elles-mêmes.

Aussi, l’absence d’expérience dans le domaine de la comptabilité, la reconnaissance du diplôme intermédiaire d’aide-comptable seulement par l’Etat de Genève ou le premier échec à l’examen final de comptabilité ne sauraient justifier le choix du niveau 1 de compétence, qui ne vise que les tâches physiques ou manuelles simples. Au contraire, ces différents éléments placent l’assuré au niveau de compétence 2, qui fait référence à des domaines dans lesquels il pourra mettre en valeur ses connaissances nouvellement acquises, indépendamment de l’absence d’expérience, comme l’a relevé l’administration.

On ajoutera que, compte tenu de la pathologie pulmonaire dont souffre l’assuré (insuffisance respiratoire), on ne peut exiger de lui qu’il exerce une activité physique ou manuelle, même simple.

En choisissant le niveau de compétence 1, la juridiction cantonale a dès lors violé le droit fédéral.

 

Le TF admet le recours de l’office AI, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_901/2017 consultable ici

 

 

9C_692/2017 (f) du 12.03.2018 – Revenu d’invalide selon l’ESS – Baisse de rendement – Abattement – 16 LPGA / Taux d’invalidité se confondant avec le taux d’incapacité de travail / Exemple du TF pour le calcul d’un abattement après prise en compte de la baisse de rendement

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_692/2017 (f) du 12.03.2018

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide selon l’ESS – Baisse de rendement – Abattement / 16 LPGA

Taux d’invalidité se confondant avec le taux d’incapacité de travail

Exemple du TF pour le calcul d’un abattement après prise en compte de la baisse de rendement

 

Assuré, né en 1965, employé de production logistique jusqu’au mois d’avril 2012 et perçu des indemnités de chômage à partir du mois d’août suivant. Il a requis des prestations de l’office AI le 02.06.2014, invoquant les séquelles incapacitantes d’un accident vasculaire cérébral survenu le 18.07.2013.

L’office AI a rejeté la demande, considérant que, compte tenu du dossier médical constitué, il disposait depuis le mois d’octobre 2013 d’une capacité totale de travail dans toute activité avec une diminution de rendement de 30%.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/698/2017 – consultable ici)

Le tribunal cantonal a constaté que l’assuré disposait d’une pleine capacité de travail avec une baisse de rendement de 30% dans son activité habituelle. Compte tenu cependant du fait que l’assuré percevait des indemnités de chômage au moment de la survenance de l’atteinte à la santé, il a jugé superflu de fixer avec précision les revenus d’invalide et sans invalidité dès lors que tous deux devaient se déterminer en fonction de données statistiques et que, dans ces circonstances, le taux d’invalidité se confondait avec le taux d’incapacité de travail. Il a en outre ajouté à la diminution de rendement de 30% un abattement de 10% et arrêté le taux d’invalidité à 40%.

Par jugement du 22.08.2017, admission partielle du recours par le tribunal cantonal et octroi d’un quart de rente depuis le 01.11.2014.

 

TF

Il n’est pas contesté qu’en l’absence d’activité exercée par l’assuré au moment de la survenance de l’atteinte à la santé, il faille se référer à des données statistiques pour déterminer le taux d’invalidité et qu’en raison d’une capacité résiduelle de travail dans toute activité (ici, 100% de capacité de travail avec une baisse de rendement de 30%), il faille se fonder sur les mêmes données statistiques pour déterminer les revenus avec et sans invalidité.

Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire de chiffrer précisément les revenus avec et sans invalidité dans la mesure où le taux d’invalidité se confond avec le taux d’incapacité de travail (cf. notamment arrêt 9C_260/2013 du 9 août 2013 consid. 4.2). Même s’il n’est pas indispensable de déterminer avec précision les salaires de références, il n’en demeure pas moins que, dans cette situation, l’évaluation de l’invalidité repose sur des données statistiques. Par conséquent, une réduction supplémentaire du revenu d’invalide (abattement) est possible (cf. arrêt 9C_260/2013 du 9 août 2013 consid. 4.2) en fonction des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (cf. ATF 126 V 75).

Le tribunal cantonal a fixé cet abattement à 10% et l’a cumulé à la diminution de rendement de 30% pour arrêter le taux d’invalidité à 40%. Cette façon de procéder est contraire au droit dès lors que l’abattement doit être appliqué au revenu d’invalide et ne saurait en aucun cas s’additionner au taux de la diminution de rendement.

Concrètement, il convient d’appliquer l’abattement de 10% à la part du salaire statistique que l’assuré est toujours susceptible de réaliser malgré sa baisse de rendement de 30% (10% de 70%, soit 7%) – et non à la part du salaire statistique correspondant à la perte de gain équivalant en l’espèce à la diminution de rendement (10% de 30%, soit 3%) – puis de déduire le résultat obtenu de ladite part salariale (70%-7% = 63%). La différence obtenue correspond à la perte de gain effective, soit 37% (100%-63%), et donne le taux d’invalidité qui, en l’occurrence, n’ouvre pas le droit à un quart de rente.

 

Le TF admet le recours de l’office AI, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_692/2017 consultable ici

 

 

Le National veut une meilleure prise en charge des prothèses

Le National veut une meilleure prise en charge des prothèses

 

Communiqué de presse du Parlement du 19.09.2018 consultable ici

 

Les assurances sociales devraient mieux prendre en charge les prothèses destinées aux personnes handicapées. Le National a adopté mercredi par 119 voix contre 57 deux motions de Balthasar Glättli (Verts/ZH) et Roger Golay (MCG/GE). Le Conseil des Etats doit encore se prononcer.

On ne peut pas parler de luxe lorsqu’on évoque une prothèse, a lancé Balthasar Glättli. Ces moyens auxiliaires ne peuvent jamais remplacer le membre perdu. Il faut améliorer les conditions de vie des personnes concernées, a renchéri Roger Golay.

La Suisse n’est pas un modèle: les assurances ne prennent en charge que les prothèses qui remplissent les critères de simplicité, d’adéquation et d’économie. Les évolutions techniques et esthétiques ne sont pas prises en compte. Il ne devrait pas avoir d’inégalité de traitement entre les personnes concernées, a poursuivi le Genevois.

Et Balthasar Glättli de citer le cas d’un couple où l’homme a eu droit, en raison de son activité professionnelle, à une meilleure prothèse que son épouse. Et les deux motionnaires de relever que la facture ne serait pas exorbitante. Les prothèses représentent actuellement, avec 9,2 millions de francs par an, un pour mille des coûts de l’assurance invalidité (AI).

 

Doutes

Le Conseil fédéral a émis des doutes sur la façon d’appliquer la motion. Il faut cibler au mieux les besoins de l’assuré tout en assurant un prix juste. Ce qui est optimal pour une personne ne l’est peut-être pas pour une autre.

La prise en compte de critères subjectifs ne permettrait pas que l’on assure une égalité de traitement tout en n’abusant de la solidarité. Les progrès techniques ont en outre été pris en compte ces dernières années, a souligné le ministre de la santé Alain Berset. Et d’appeler les parlementaires à profiter de la révision de la loi sur l’AI pour régler les problèmes concrets.

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 19.09.2018 consultable ici

Bulletin officiel, Conseil national Session d’automne 2018, Séance du 19.09.2018 (texte provisoire) consultable ici

Motion Glättli 16.3880 « Améliorer l’accompagnement vers l’autonomie et l’intégration sociale des personnes en situation de handicap » consultable ici

Motion Golay 16.3881 « Améliorer l’accompagnement vers l’autonomie et l’intégration sociale des personnes en situation de handicap » consultable ici

 

 

 

Les mesures de réadaptation de l’AI vues par les bénéficiaires

Les mesures de réadaptation de l’AI vues par les bénéficiaires

 

Article de Neisa Cuonz, Christine Besse, Michael Matt, Niklas Baer et Ulrich Frick paru in Sécurité sociale CHSS 2018/3 (consultable ici)

 

Pour la première fois, des assurés atteints de troubles musculo-squelettiques ou de
maladies psychiques ont fait l’objet d’une enquête approfondie sur leur situation et sur les effets des mesures de réadaptation de l’AI. L’étude montre les liens étroits entre
handicap, réussite de la réadaptation et qualité de vie, et l’importance de la spécificité
des mesures et de l’aspect relationnel.

Les mesures d’ordre professionnel ont fait l’objet, dans le cadre du programme de recherche sur l’assurance-invalidité (PR-AI), de plusieurs études menées à partir de données de registres, de dossiers d’assurés ou de données administratives, mais jamais sur la base des renseignements fournis par les personnes assurées elles-mêmes. L’étude présentée ci-dessous vient combler ce manque : elle analyse non seulement leur état de santé, leur parcours professionnel et leur situation sociale, mais aussi la façon dont elles ont vécu les mesures de réadaptation de l’AI.

 

Questions et démarche de l’étude

L’étude s’intéresse, d’une part, à des caractères extérieurs tels que le statut professionnel, le revenu et le type de mesure de réadaptation, et, d’autre part, à des caractéristiques « intérieurs » ou subjectifs comme la qualité de vie, les espoirs et les peurs qui se manifestent au cours de la réadaptation. De plus, elle compare les bénéficiaires de mesures AI à la population suisse et fait le parallèle entre la situation des assurés atteints de troubles psychiques et celle des assurés qui présentent des troubles musculo-squelettiques.

L’étude comprend deux volets. Dans le premier, les auteurs analysent les facteurs qui prédisent au mieux la réussite de la réadaptation (étude partielle TS 1, Facteurs de réussite) ; dans le second, ils décrivent l’évolution de la situation et de la satisfaction au cours du processus (étude partielle TS 2, Évolution). La réadaptation est considérée comme réussie lorsque les assurés qui ont suivi leur dernière mesure d’ordre professionnel en 2014, gagnaient au moins 1000 francs par mois et ne touchaient ni prestations de l’assurance-chômage ni rente AI en 2015. Au total, 3600 assurés ont été invités à participer à l’enquête écrite, soit 1800 par étude partielle (900 intégrés et 900 non intégrés, et 900 qui commençaient une mesure et 900 qui en terminaient une). Le taux de retour a été de 25 % pour les deux échantillons (au total N = 916 personnes). En outre, les chercheurs ont mené des entretiens ouverts complémentaires avec 20 participants à l’enquête, sélectionnés dans tous les échantillons. Les résultats de l’enquête écrite que nous présentons ci-dessous tiennent compte des données obtenues lors de ces entretiens.

 

Description des bénéficiaires des mesures

Dans les deux études partielles, le sex-ratio est équilibré, un tiers des sondés ont moins de 35 ans et 80 % sont d’origine suisse ; le pourcentage d’étrangers est deux fois plus élevé dans les offices AI de Suisse latine (30 %) que dans ceux de Suisse alémanique (13 %). Parmi les personnes interrogées, 30 % se sont arrêtées à la fin de la scolarité obligatoire, 55 % ont une formation de degré secondaire et 15 % une formation de degré tertiaire. Le niveau général est ainsi nettement plus bas que dans la population générale. La moitié environ des sondés sont en couple, un tiers à un quart (selon l’étude partielle) vivent seuls et près de 10 % habitent chez leurs parents.

Bien que les étrangers soient beaucoup plus nombreux en Suisse romande et au Tessin et que seuls 60 % d’entre eux au maximum aient terminé la scolarité obligatoire, ces assurés ne sont pas moins souvent réinsérés que les assurés de Suisse alémanique. Ce phénomène s’explique probablement par le fait que les étrangers interrogés présentent beaucoup plus fréquemment un trouble musculo-squelettique que les sondés de nationalité suisse : les assurés présentant un trouble musculo-squelettique sont plus souvent réinsérés que ceux atteints d’une maladie psychique (45 contre 25 %), ce qui compense le taux de réussite inférieur des personnes sans formation professionnelle et de nationalité étrangère.

 

Importance du parcours professionnel

De manière générale, de nombreux assurés AI disent avoir eu des problèmes liés à leur santé dès l’école ou la formation professionnelle, ou durant leur parcours professionnel. C’est le cas principalement des personnes atteintes d’une maladie psychique. La moitié des sondés mentionnent des conflits avec leurs collègues de travail ou leur supérieur hiérarchique dans les postes occupés antérieurement, du harcèlement à l’école, pendant l’apprentissage ou au travail, des licenciements, des exigences trop élevées en matière de performance ou des absences prolongées justifiées par une incapacité de travail. Parmi les assurés atteints d’une maladie psychique, 30 % ont interrompu prématurément leur formation professionnelle. Dans les deux études partielles, 65 % des participants ont en outre connu des périodes où ils se sont retrouvés au chômage ou à l’aide sociale. Autrement dit, la majorité des personnes qui venaient de déposer une demande AI avaient depuis longtemps des problèmes au travail.

 

Santé psychique et physique

Un résultat important de cette enquête est la nette différence constatée entre les bénéficiaires de mesures de l’AI, en termes de santé psychique et physique, et la population générale suisse (PGS). Cette différence s’explique par la mission même de l’AI, mais elle indique aussi que l’on ne pourra jamais surestimer l’importance de l’état de santé pour la réadaptation.

Les participants à l’enquête ont indiqué deux à trois fois plus rarement disposer d’une bonne santé et d’une bonne vitalité que la moyenne de la population ; ensuite, ils présentent quatre fois plus souvent des troubles physiques ou psychiques importants ; enfin – et c’est là un point important à retenir pour la façon de concevoir la réadaptation – ils ont rarement un sentiment de contrôle, c’est-à-dire l’impression de pouvoir influer sur leur vie. Si l’on veut que les assurés puissent se ressentir comme sujets plutôt que comme « objets » des mesures, déterminés de l’extérieur, il est nécessaire de les impliquer le plus possible dans la planification de leur réadaptation.

La gravité de l’atteinte à la santé se reflète dans la quantité et la diversité des médicaments pris par les sondés : 60 % en prennent tous les jours (psychotropes, antalgiques, etc.), 20 % en prennent trois ou davantage par jour. Plus grand est le nombre de médicaments nécessaires, plus les sondés souffrent de leurs effets secondaires, ce qui est susceptible de diminuer leur capacité de travail.

Plus l’état de santé est bon et moins les troubles psychiques et physiques sont importants, plus grande est la réussite de la réadaptation professionnelle. Au cours du processus, la santé psychique des assurés s’améliore, alors que les troubles physiques restent inchangés. On remarquera que les troubles psychiques ou physiques isolés constituent l’exception : 80 % des assurés atteints de troubles psychiques ont des troubles physiques et 60 % des assurés présentant des troubles musculo-squelettiques ont des troubles psychiques. Ces chiffres, qui font ressortir le lien étroit existant entre difficultés psychiques et difficultés physiques, montrent que l’accompagnement psychologique est important aussi pour soutenir la réadaptation professionnelle des assurés présentant des troubles musculo-squelettiques.

 

Limitations fonctionnelles

Les assurés interrogés sont confrontés à d’importantes limitations dans leur vie quotidienne non seulement au travail, mais aussi dans la vie de couple, les contacts avec les amis, la tenue du ménage, la gestion des tâches administratives ou les loisirs hors domicile. En moyenne, ils sont notablement limités dans sept des seize domaines fonctionnels physiques et psychiques analysés. Si la réussite de la réadaptation dépend surtout, pour les déficits fonctionnels somatiques, du besoin de faire davantage de pauses en raison des douleurs, presque toutes les limitations psychiques sont corrélées avec la probabilité de réadaptation ; les principales sont le manque d’énergie, les limitations cognitives, l’instabilité, l’impulsivité, le perfectionnisme, le manque de flexibilité et les conduites d’évitement liées à l’angoisse.

L’analyse statistique des déficits fonctionnels relevés permet de distinguer cinq types de bénéficiaires de mesures. Il est ainsi évident que les assurés qui sont limités tant physiquement que psychiquement présentent des perspectives de réadaptation nettement plus mauvaises que ceux qui sont peu atteints :

  • relativement peu de limitations spécifiques (30 %), en général bonne formation, sexe masculin, pas de limitations importantes au quotidien, souvent bonne réinsertion (39 %) ;
  • déficits purement psychiques (20 %), souvent importantes limitations dans le quotidien, apparition précoce des problèmes à l’école, dans la formation ou au travail, et taux de réinsertion moyen (34 %) ;
  • limitations uniquement physiques (18 %), peu de limitations au quotidien, apparition tardive des problèmes, souvent formation de degré secondaire II, réinsertion dans la majorité des cas (61 %) ;
  • déficits principalement physiques, parfois associés à des déficits psychiques (19 %), limitations majeures au quotidien relativement fréquentes, souvent faible niveau de formation (scolarité obligatoire), forte proportion d’étrangers et rares réussites de la réadaptation (21 %) ;
  • troubles majeurs tant psychiques que physiques (13 %), généralement importantes limitations dans le quotidien, apparition des premiers problèmes le plus souvent après l’âge de 25 ans, plus grand pourcentage de formation limitée à la scolarité obligatoire et très rare réussite de la réadaptation (13 %).

 

Soutien social

Plus d’un tiers des assurés qui ont obtenu des mesures de l’AI n’ont pas de personne de confiance pour parler de problèmes personnels, pourcentage près de deux fois plus élevé que dans la population générale. L’appréciation subjective qu’ils portent sur leur qualité de vie est par ailleurs nettement moins bonne. Plus les limitations fonctionnelles sont importantes, moins les assurés ont une personne de confiance. Le type de limitations joue aussi un rôle : ceux qui présentent des problèmes d’énergie, un déficit cognitif, des peurs, des sautes d’humeur et de l’impulsivité ont rarement une personne de référence proche. Il en va de même pour les assurés qui vivent seuls, les personnes élevant seules leurs enfants et les jeunes qui habitent chez leurs parents.

La gravité des troubles influe sur l’importance du soutien que les sondés reçoivent de leur environnement social. Les assurés peu limités dans leur vie quotidienne bénéficient assez souvent du soutien de leur entourage : en particulier, dans 20 à 30 % des cas, les amis proches, mais aussi des connaissances, ainsi que d’anciens collègues et supérieurs hiérarchiques, les ont beaucoup aidés au moins une fois à rechercher un emploi, alors que ceux qui sont très limités et ont spécialement besoin de soutien ont rarement cette possibilité. On voit donc là que les handicaps les plus importants ne peuvent pas être compensés par l’environnement social, mais qu’ils sont (nécessairement) associés à un besoin élevé de soutien par des professionnels.

 

Vécu de la relation avec l’office AI et des mesures de réadaptation

La façon dont les assurés jugent les mesures de réadaptation est assez étroitement liée au sens que le dépôt d’une demande AI a eu pour eux. Parmi les sondés, 70 % ne souhaitaient pas, au départ, recourir à l’AI et 60 % de ceux qui ont franchi le pas ont eu un sentiment d’échec. Le dépôt d’une demande AI est un moment critique, marqué par de grands espoirs, mais aussi de nombreuses peurs : dans les deux études partielles, quatre assurés sur cinq étaient à ce stade plutôt ou très optimistes quant à l’utilité des mesures AI pour leur vie professionnelle, la moitié avaient peur d’un échec et étaient désorientés parce que leur thérapeute et l’office AI ne portaient pas le même jugement sur leur situation, ou encore craignaient que l’on ne comprenne pas leurs problèmes et leurs possibilités.

Ces réponses soulignent l’importance de la relation avec le conseiller AI. La majorité des sondés jugent celle-ci positive : dans les deux études partielles, 60 % estiment que le conseiller était plutôt ou tout à fait compétent, qu’il s’engageait et que cette relation était utile. Mais d’un autre côté, 30 % se sentent « à la merci » de l’AI et mis sous pression par elle. La majorité juge gênants les changements fréquents de conseiller. Bien que ces expériences négatives soient plus fréquentes chez les assurés très handicapés et n’ayant pas le sentiment de pouvoir influer sur leur vie, il faudrait à l’avenir garantir à tous les assurés qui bénéficient de mesures de l’AI une plus grande constance et une meilleure qualité relationnelles.

Toutes mesures de réadaptation confondues, le taux de réussite est de 33 %, les interventions précoces et les mesures de reclassement réussissant plus souvent, la formation professionnelle initiale plus rarement. Ces différences sont dues aux conditions initiales et aux objectifs de ces mesures : par exemple, les assurés qui n’avaient obtenu qu’une mesure d’intervention précoce disposaient souvent encore d’un emploi, contrairement à ceux qui avaient bénéficié d’une mesure de réinsertion. Indépendamment de la réussite de la réadaptation elle-même, les mesures d’ordre professionnel ont toutes un impact positif sur les capacités de travail de base et la confiance en soi.

Dans 50 à 70 % des cas, les sondés estiment (« plutôt » ou « tout à fait ») que les conseillers AI sont compétents, qu’ils ont examiné attentivement leur problématique professionnelle et leur ont apporté un soutien spécifique. Les mesures ont non seulement réussi à renforcer la capacité de travail de base et la confiance en soi, mais elles ont aussi souvent contribué à accroître le rythme de travail et à améliorer les compétences sociales, l’aptitude à l’effort et le comportement au travail.

Pour l’évaluation des mesures, il convient surtout de retenir que les assurés réinsérés jugent celles-ci plus de deux fois plus souvent « spécifiques » que les non-réinsérés. De ce fait, les offices AI devraient, plus systématiquement, prévoir des mesures mieux adaptées à la situation particulière de chaque assuré et s’en tenir plus rigoureusement à l’assessment de la problématique professionnelle pour formuler des solutions. Il faudrait également exiger que les centres chargés de l’exécution des mesures de réadaptation professionnelle proposent des interventions spécifiques et techniquement fondées.

Enfin, 30 % des sondés, parmi lesquels principalement les plus handicapés, disent que la ou les mesures ne leur ont pas été utiles, voire qu’elles ont aggravé leurs problèmes de santé. On remarquera que les assurés dont le conseiller AI, le médecin ou l’employeur ne se sont jamais rencontrés pour traiter du cas font le même constat. Le lien net entre absence de contact et atteinte à la santé devrait pousser l’analyse plus loin. Le cas échéant, des changements dans la collaboration s’imposent.

 

Facteurs de réussite de la réadaptation

L’analyse des facteurs de réussite de la réadaptation montre que de nombreux caractères, significatifs par eux-mêmes (univariés), font nettement la différence entre réussite et échec : les mesures qui visaient spécifiquement le handicap, qui sont parvenues à accroître le rythme de travail et le taux d’occupation, mais aussi à améliorer le comportement au travail, la confiance en soi et l’aptitude à travailler malgré les problèmes, sont nettement corrélées avec la réussite de la réadaptation. Le fait que le conseiller AI, de même que les personnes qui accompagnaient les assurés dans les centres d’exécution des mesures, aient compris leur problématique professionnelle, que l’AI les ait aidés à trouver un emploi et qu’elle les ait bien soutenus en cas de problème ou de crise est aussi un facteur de réussite. C’est là, entre autres, une invitation pour les offices AI à renforcer les mesures de placement concrètes sur le marché primaire du travail.

Enfin, l’analyse multivariée des facteurs influant sur la réussite de la réadaptation en met en évidence six qui prédisent le résultat au mieux, indépendamment de tous les autres :

  • une mauvaise qualité de vie diminue de 60 % les chances de réussite de la réinsertion professionnelle (par rapport à une bonne qualité de vie) ;
  • une maladie psychique divise par 2,2 les chances de réinsertion professionnelle par rapport à une atteinte musculo-squelettique ;
  • le manque de flexibilité (perfectionnisme et rigidité) est corrélé à 60 % de chances de réussite en moins ;
  • les problèmes liés à l’égalité d’humeur (impulsivité et comportement conflictuel) divisent par deux les chances de réussite ;
  • les personnes qui n’ont jamais été licenciées ont 70 % de chances de plus de se réinsérer ;
  • une formation de degré tertiaire augmente de 40 % les chances de réussite.

Les éléments déterminants pour la réussite de la réinsertion sont donc le vécu subjectif, le type de maladie, la structure de la personnalité, le comportement au travail, les capacités relationnelles, le parcours professionnel et le niveau de formation des assurés.

 

Conclusion

Les résultats de l’enquête auprès des assurés montrent que les bénéficiaires de mesures de l’AI présentent des handicaps généralement lourds et souvent chroniques avant de se décider à déposer une demande AI. Notamment ceux d’entre eux qui avaient travaillé pendant de nombreuses années ont vécu le dépôt de la demande comme un échec. Un accompagnement professionnel mettant l’accent sur la relation et les impliquant personnellement, ainsi que des mesures de réadaptation professionnelle ciblées et fondées, ont eu pour eux une importance capitale. Un cinquième des sondés – plus particulièrement les assurés pour qui aucune réunion n’a été organisée entre AI, médecin et, le cas échéant, employeur – estiment que les mesures ont aggravé leurs problèmes de santé. La réussite de la réadaptation est remarquable chez les assurés présentant des troubles musculo-squelettiques (45 %), mais faible chez les personnes atteintes de troubles psychiques (25 %). Les raisons de ces échecs fréquents sont certainement multiples ; elles tiennent aux limitations fonctionnelles propres à ces malades, mais aussi à la procédure elle-même. Ce résultat montre aussi qu’il faut accorder suffisamment de temps au processus de réadaptation, que la patience et la persévérance sont indispensables : même si de nombreux assurés ont fait de nets progrès grâce aux mesures, ils n’ont plus, quand la réinsertion n’a pas abouti du premier coup, ni accompagnement ni rente – principalement parce que la période durant laquelle il est possible de bénéficier de mesures est limitée. L’AI met désormais l’accent sur la réadaptation et la relation ; elle a pris ce tournant il y a dix ans et semble être maintenant sur le bon chemin. Elle doit toutefois veiller à continuer dans cette voie afin de renforcer durablement la réadaptation professionnelle.

 

Article de Neisa Cuonz, Christine Besse, Michael Matt, Niklas Baer et Ulrich Frick paru in Sécurité sociale CHSS 2018/3, édité par l’OFAS (consultable ici)