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9C_271/2022 (f) du 28.11.2022 – Nouvelle demande AI – Revenu sans invalidité et revenu d’invalide après des précédentes mesures d’ordre professionnel

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_271/2022 (f) du 28.11.2022

 

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Nouvelle demande AI – Revenu sans invalidité et revenu d’invalide après des précédentes mesures d’ordre professionnel / 16 LPGA

Vraisemblance des possibilités théoriques de développement professionnel

 

Assuré, né en 1980, a obtenu un CFC de caviste en 1998, une maturité professionnelle en 1999 et un baccalauréat littéraire français en 2001. Il a exercé la profession de caviste à plusieurs reprises pour l’entreprise B.__ entre 1999 et 2004, ainsi que pour une société de remontées mécaniques en Valais de 2003 à 2006.

En septembre 2005, il a déposé une demande de prestations AI en raison des séquelles d’une fracture du talon subie en 1996. L’office AI a accordé des mesures professionnelles, permettant à l’assuré de suivre une formation dans une Haute école spécialisée dès 2006, où il a obtenu un bachelor en sciences du vivant en 2009, puis un master en chimie en 2011. Dès le 01.05.2011, il a travaillé comme adjoint scientifique pour l’entreprise C.__.

Par décision du 23.05.2011, l’office AI a refusé l’octroi d’une rente, retenant que la comparaison entre les revenus issus de ses activités antérieures (caviste et employé de remontées mécaniques) et son revenu d’adjoint scientifique ne révélait pas un taux d’invalidité suffisant.

En février 2014, l’assuré a présenté une nouvelle demande de prestations (arthrodèse au pied droit). Après instruction, l’office AI a reconnu un droit à une rente entière du 01.08.2014 au 30.11.2014. Il a considéré que, sans problèmes de santé, l’assuré aurait poursuivi ses activités de caviste et d’employé de remontées mécaniques, ces activités servant de référence pour le revenu sans invalidité. La comparaison avec le revenu d’adjoint scientifique a abouti à des taux d’invalidité (de 3 % à 14 %) insuffisants pour maintenir un droit à la rente au-delà du 30.11.2014.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 14.04.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.3.1
On rappellera toutefois qu’en ce qui concerne le revenu sans invalidité, est déterminant le salaire qu’aurait effectivement réalisé l’assuré sans atteinte à la santé, selon le degré de la vraisemblance prépondérante. En règle générale, on se fonde sur le dernier salaire réalisé avant l’atteinte à la santé, compte tenu de l’évolution des circonstances à l’époque où est né le droit à la rente. Au regard des capacités professionnelles de l’assuré et des circonstances personnelles le concernant, on prend en considération ses chances réelles d’avancement compromises par le handicap, en posant la présomption qu’il aurait continué d’exercer son activité sans la survenance de son invalidité. Des exceptions ne sauraient être admises que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2; arrêt 9C_708/2017 du 23 février 2018 consid. 8.1).

Consid. 3.3.2
Le revenu que pourrait réaliser l’assuré sans invalidité est en principe établi sans prendre en considération les possibilités théoriques de développement professionnel (lié en particulier à un complément de formation) ou d’avancement, à moins que des indices concrets rendent très vraisemblable qu’elles se seraient réalisées. Cela pourra être le cas lorsque l’employeur a laissé entrevoir une telle perspective d’avancement ou a donné des assurances en ce sens. En revanche, de simples déclarations d’intention de l’assuré ne suffisent pas; l’intention de progresser sur le plan professionnel doit s’être manifestée par des étapes concrètes, telles que la fréquentation d’un cours, le début d’études ou la passation d’examens (arrêt 8C_45/2022 du 3 août 2022 consid. 3.2 et les références).

Consid. 3.3.3
Dans la procédure de révision, à la différence de la procédure initiale à l’issue de laquelle le droit à la rente est déterminé pour la première fois, le parcours professionnel effectivement suivi entre-temps par la personne assurée est connu. Celui-ci permet éventuellement – à la différence toujours de l’octroi initial de la rente – de faire des déductions (supplémentaires) quant à l’évolution professionnelle et salariale hypothétique sans atteinte à la santé. Pour examiner alors ce que la personne assurée aurait atteint sur le plan professionnel et salarial sans atteinte à la santé ou de quelle manière son salaire se serait développé, il faut tenir compte de l’ensemble des circonstances survenues jusqu’au moment de la révision (arrêt 9C_708/2017 cité consid. 8.2 et les références).

Consid. 4 [résumé]
La juridiction cantonale a constaté que, durant près de quatre ans après l’obtention de son baccalauréat, l’assuré avait poursuivi ses activités de caviste et d’employé auprès de sociétés de remontées mécaniques, sans entreprendre de démarches concrètes pour accéder à des études universitaires ou supérieures. Les juges cantonaux ont considéré que les déclarations de l’assuré concernant une éventuelle poursuite d’études relevaient de simples intentions, sans élément concret pour les rendre plausibles, puisqu’aucune inscription ni projet n’avait été concrétisé. De plus, l’assuré ne s’était pas opposé à la première décision de l’office AI du 23.05.2011, qui avait déjà fixé le revenu sans invalidité sur la base de ses activités de caviste et d’employé de remontées mécaniques. Dès lors, faute d’éléments concrets rendant vraisemblable la poursuite d’études universitaires, il convenait de fixer le revenu sans invalidité en fonction des dernières activités exercées par l’assuré en 2004 et 2005.

 

Consid. 6.1
La majorité des titulaires d’un certificat de maturité gymnasiale obtiennent avec grande vraisemblance un diplôme universitaire par la suite, éventuellement après avoir changé de branche d’études (cf. arrêt 9C_439/2020 du 18 août 2020 consid. 4.4). Toutefois, l’assuré ne saurait en l’espèce être suivi lorsqu’il soutient qu’il ne pouvait « aspirer qu’à un changement d’orientation professionnelle » et qu’il aurait donc effectué des études supérieures, puisque les titres et les diplômes qu’il avait obtenus « se trouvaient en déconnexion avec les activités professionnelles exercées jusqu’alors [activités de caviste et employé de remontées mécaniques] ». En effet, à la suite des juges cantonaux, on constate que pendant une période de quatre années entre l’obtention de son baccalauréat français (assimilable en l’occurrence à une maturité suisse) et la présentation de la demande de prestations en septembre 2005 (en raison d’une arthrose sous-astragalienne post-traumatique modérée), l’assuré n’a pas entrepris de démarches particulières, comme par exemple une immatriculation, afin de poursuivre des études supérieures. A cet égard, l’assuré ne remet pas en cause la constatation des juges cantonaux selon laquelle la seule pièce du dossier mentionnant une possibilité d’évolution professionnelle était un compte-rendu d’entretien d’enquête de l’assurance-accidents. A cette occasion, l’assuré avait indiqué vouloir rester dans le domaine du vin, en évoquant la possibilité d’une formation d’oenologue, qu’il n’a pourtant jamais entreprise. Il n’existe donc pas d’éléments concrets permettant de conclure qu’en 2005, l’assuré avait la volonté de changer de carrière et aurait planifié la suite de sa formation auprès d’une université ou d’une haute école.

C’est également en vain que l’assuré fait valoir, pour démontrer qu’il faudrait tenir compte de l’issue de sa formation pour déterminer son revenu sans invalidité, que l’office AI avait relevé chez lui des aptitudes qui se situaient « au-delà de la moyenne » ainsi qu’un « important potentiel de reclassement. En effet, si de telles appréciations se sont révélées correctes puisque l’assuré a terminé avec succès une formation de niveau supérieur, elles ne permettent pas d’établir, au degré très vraisemblable, que l’assuré aurait suivi une telle formation sans atteinte à la santé (comp. arrêt 8C_778/2017 du 25 avril 2018 consid. 4.3).

Consid. 6.2
On doit ainsi constater que les mesures professionnelles mises en place par l’office AI ont été déterminantes, en ce sens qu’elles ont constitué l’impulsion à partir de laquelle l’assuré a entrepris de poursuivre des études de niveau supérieur, ainsi qu’un changement d’orientation professionnelle. En définitive, en tenant compte de l’ensemble des circonstances jusqu’à la procédure de révision, on ne saurait déduire du succès de la carrière de l’assuré après l’invalidité qu’il aurait occupé une position semblable dans le domaine des sciences du vivant, sans invalidité. Partant, c’est à bon droit que la juridiction cantonale a fixé le revenu sans invalidité, en se référant aux dernières activités exercées par l’assuré en 2004 et 2005 (activité de caviste et employé auprès de sociétés de remontées mécaniques).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_271/2022 consultable ici

 

9C_411/2024 (f) du 11.02.2025 – Notification de la décision à la personne assurée sans copie au mandataire – Tardiveté du recours

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_411/2024 (f) du 11.02.2025

 

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Notification de la décision à la personne assurée sans copie au mandataire – Tardiveté du recours / 37 LPGA – 49 al. 3 LPGA – 56 LPGA – 60 al. 1 LPGA

Versement par l’office AI de l’arrérage des rentes peu après l’envoi de la décision – Principe de la bonne foi

 

Invoquant les suites incapacitantes d’une chute survenue le 19 octobre 2012, l’assurée, née en 1976, infirmière à temps partiel, a sollicité l’octroi de prestations de l’assurance-invalidité le 13 mars 2014. Au terme de son instruction, l’office AI a informé l’assurée qu’il allait lui accorder trois quarts de rente pour la période limitée comprise entre le 01.09.2014 et le 31.01.2015 par projet de décision du 30.08.2021.

L’assurée a contesté ce projet et demandé plusieurs prolongations de délai pour compléter son argumentation. Si l’office AI a accepté la première demande, il a rejeté les suivantes et informé l’assurée le 31 janvier 2022 que la décision serait prochainement notifiée. Par décision du 18.02.2022, adressée directement à l’assurée (et non à son mandataire), l’office AI a confirmé l’octroi des trois quarts de rente pour la période limitée précitée. En réponse à des demandes – la première datée du 27.06.2022 – l’invitant à notifier sans délai la décision attendue, l’office AI a transmis une copie de cette décision au mandataire de l’assurée par lettre du 05.09.2022. Il a aussi admis l’irrégularité de la notification mais a nié la nécessité de procéder à une nouvelle notification par lettre du 29.09.2022.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 260/22 – 195/2024 – consultable ici)

Par jugement du 24.06.2024, le tribunal cantonal a déclaré le recours irrecevable pour cause de tardiveté.

 

TF

Consid. 4 [résumé]
Le tribunal cantonal a reconnu l’irrégularité de la notification de la décision administrative à l’assurée. Cependant, il a estimé que plusieurs éléments auraient dû alerter l’assurée et son mandataire. Premièrement, la décision avait été envoyée au domicile de l’assurée, qui avait également reçu un versement de CHF 7’225 dans les dix jours qui avaient suivi le prononcé de la décision. Le tribunal cantonal a jugé que l’assurée aurait dû en informer son mandataire dans un délai raisonnable. Deuxièmement, compte tenu de son expérience en matière de procédure et de pratique administrative, le mandataire n’aurait pas dû attendre jusqu’en juin 2022 pour s’enquérir de la notification, annoncée à trois reprises entre novembre 2021 et janvier 2022. La cour cantonale a considéré que cette attente n’était pas conforme à une bonne gestion du mandat. Par conséquent, la transmission d’une copie de la décision au mandataire le 05.09.2022 ne pouvait être considérée comme une nouvelle notification marquant le début du délai de recours. Le tribunal a donc conclu que le recours déposé le 06.10.2022 était tardif et, par conséquent, irrecevable.

Consid. 6
Manifestement infondé, au sens de l’art. 109 al. 2 let. a LTF, le recours de l’assurée doit être rejeté selon la procédure simplifiée prévue à l’art. 109 al. 3 LTF.

Il importe effectivement peu en l’occurrence de savoir si l’assurée a concrètement reçu – ou pas – la décision du 18.02.2022, comme elle le laisse entendre, ni d’examiner si la connaissance de la procédure et de la pratique administrative auraient dû faire réagir le mandataire bien avant la transmission de la copie de la décision, ou même du mois de juin 2022. En effet, le versement par l’office AI des CHF 7’225, correspondant aux trois quarts de rente d’invalidité accordés pour la période courant du 01.09.2014 au 31.01.2015, permet de trancher le litige.

Selon les constatations cantonales, l’assurée a reçu les CHF 7’225 dans les dix jours suivant le prononcé de la décision administrative. La cour cantonale a en l’espèce considéré que l’assurée aurait dû chercher à déterminer les raisons et la provenance de ce versement en se renseignant auprès de son représentant. L’assurée n’admet ni ne conteste avoir reçu le montant en question. Dans la mesure où l’assurée ne prend pas position sur ce qui s’apparente à une motivation alternative de la part de la juridiction cantonale, on pourrait se poser la question de la recevabilité du recours (cf. ATF 138 I 197 consid. 4.1.4 et les références). Cette question peut cependant rester ouverte parce qu’il est manifeste que le versement de l’office AI était un élément qui permettait de soupçonner l’existence de la décision dans la mesure où le projet de décision annonçait à l’assurée le versement de trois quarts de rente pour la période du 01.09.2014 au 31.01.2015. Or, selon la jurisprudence citée par les juges cantonaux (cf. ATF 139 IV 228 consid. 1.3 et les références), en vertu du principe de la bonne foi, qui limite l’invocation d’une notification irrégulière, l’intéressée est tenue de se renseigner sur l’existence et le contenu de la décision dès qu’elle peut en soupçonner l’existence sous peine de se voir opposer l’irrecevabilité d’un éventuel recours pour cause de tardiveté.

Dans ces circonstances, l’assurée ne peut pas invoquer la notification irrégulière pour justifier la date du dépôt de son recours. Dans la mesure où les CHF 7’225 ont été versés dans les dix jours qui ont suivi le 18.02.2022, le recours interjeté le 06.10.2022 était largement tardif car l’assurée aurait pu et dû réagir dès le mois de mars 2022.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée dans la mesure où il est recevable.

 

Arrêt 9C_411/2024 consultable ici

 

Motion CSSS-E 25.3014 «13e rente AI pour les bénéficiaires de prestations complémentaires» – Avis du Conseil fédéral du 07.03.2025

Motion CSSS-E 25.3014 «13e rente AI pour les bénéficiaires de prestations complémentaires» – Avis du Conseil fédéral du 07.03.2025

 

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Texte déposé

Le Conseil fédéral est chargé de soumettre au Parlement un projet de modification de la loi sur les prestations complémentaires (LPC) prévoyant que les personnes qui touchent une rente AI et ont droit à des prestations complémentaires annuelles au mois de décembre reçoivent un supplément correspondant à un douzième de la rente AI perçue durant l’année civile concernée.

 

Minorité

Une minorité de la commission (Friedli Esther, Dittli, Germann, Hegglin Peter, Müller Damian) propose de rejeter la motion.

 

Développement

Se fondant sur l’art. 112a Cst., la Confédération et les cantons versent des prestations complémentaires aux personnes dont les besoins vitaux ne sont pas couverts par l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité. En acceptant l’initiative populaire pour une 13e rente AVS – où il est précisé que la 13e rente de vieillesse ne doit pas conduire à une réduction ou à une suppression des prestations complémentaires (PC) –, le peuple et les cantons ont privilégié, dans le domaine des PC, les bénéficiaires d’une rente de vieillesse AVS par rapport aux autres personnes qui ont droit à des PC, et en particulier par rapport aux bénéficiaires de rentes AI : les bénéficiaires d’une rente AVS recevant des PC disposent d’un montant total augmenté d’un douzième de leur rente vieillesse annuelle pour assurer leur subsistance. Il convient donc de corriger la situation privilégiée des bénéficiaires d’une rente AVS recevant des PC et le désavantage qui en découle pour les personnes en situation de handicap qui reçoivent des PC en plus d’une rente AI. Selon les clarifications juridiques, le législateur dispose de la marge de manœuvre nécessaire pour procéder à cette correction. Ce n’est qu’avec une compensation sous forme de complément annuel correspondant à un douzième de leur rente AI annuelle que les bénéficiaires d’une rente AI recevant des PC et les bénéficiaires d’une rente AVS recevant des PC seront traités de la même manière.

 

Avis du Conseil fédéral du 07.03.2025

Le Conseil fédéral comprend la volonté de mettre sur un pied d’égalité les rentiers AI touchant les prestations complémentaires (PC) et les rentiers de vieillesse touchant ces mêmes prestations. La différence dans le revenu global des rentiers de vieillesse et d’invalidité ne trouve toutefois pas son origine exclusivement dans le régime des PC, mais dans l’octroi d’une 13e rente aux bénéficiaires d’une rente de vieillesse. Aux yeux du Conseil fédéral, la solution préconisée par la motion ne règle pas cette question à satisfaction et crée de nouvelles différences de traitement au sein des bénéficiaires de PC. La mise en œuvre telle quelle de la motion créerait une différence de traitement entre les rentiers AI, étant donné que seuls les bénéficiaires d’une rente AI complétée par des PC toucheraient une telle prestation, contrairement aux personnes bénéficiaires d’une allocation pour impotents ou d’indemnités journalières AI complétée par des PC.

Il est en outre probable qu’un supplément de 13e rente AI en lien avec les PC, calculé sur la base de la rente d’invalidité et calqué sur la 13e rente de vieillesse, soit qualifié de prestation d’invalidité selon le droit européen de coordination. Ainsi, peu importe que ce supplément soit prévu dans le cadre des PC, qui sont en principe exclues de l’exportation, il devrait tout de même être exporté aux Suisses et aux ressortissants des pays de l’UE et AELE.

La solution préconisée par la motion créerait un transfert de charges vers la Confédération et les cantons. Sur la base des données statistiques de l’année 2023, une estimation de l’Office fédéral des assurances sociales montre que si cette prestation avait été introduite dans l’année 2023, les dépenses supplémentaires auraient été de 170 millions de francs au total, dont 100 millions à la charge de la Confédération et 70 millions de francs à la charge des cantons.

Indépendamment de cette nouvelle charge financière, la question des bas revenus, notamment des bénéficiaires de prestations de l’AI, sera examinée dans le cadre d’une réforme globale à venir.

En cas d’acceptation de la motion par le 1er Conseil, le Conseil fédéral proposera de la transformer en mandat d’examen.

 

Proposition du Conseil fédéral du 07.03.2025

Rejet

 

Motion CSSS-E 25.3014 «13e rente AI pour les bénéficiaires de prestations complémentaires» consultable ici

Rapport de l’OFAS du 09.01.2025 – Réponses aux questions concernant une solution d’une 13e rente AI passant par les PC, disponible ici

 

9C_425/2024 (f) du 10.01.2025 – Expertise médicale et compréhension entre l’assuré et les experts – Absence d’interprète – Valeur probante de l’expertise niée

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_425/2024 (f) du 10.01.2025

 

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Expertise médicale et compréhension entre l’assuré et les experts – Absence d’interprète – Valeur probante de l’expertise niée / 44 LPGA

 

À la suite d’un premier refus de prestations de l’assurance-invalidité, l’assuré, né en 1962, a sollicité la réouverture de son dossier, au mois de juillet 2020, en se prévalant d’une aggravation de son état de santé. Après avoir considéré la démarche de l’assuré comme une nouvelle demande de prestations, l’office AI a notamment diligenté une expertise pluridisciplinaire. Il a ensuite rejeté la demande (décision du 08.03.2023).

 

Procédure cantonale

Par jugement du 13.06.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3 [résumé]
L’assuré conteste la valeur probante de l’expertise menée par le centre d’expertise, arguant qu’un interprète en langue turque n’était pas présent lors des examens rhumatologique et pneumologique. Bien qu’il ait expressément demandé la présence d’un interprète, car il ne parle pas français, l’expert [recte : l’interprète] n’a pas été présent le jour de l’expertise. Les experts ont reconnu un problème de communication avec l’assuré. L’assuré soutient que l’absence d’interprète a bafoué ses droits fondamentaux, étant donné l’influence déterminante de l’expertise sur l’issue du litige.

Consid. 4.1
Dans le contexte d’examens médicaux nécessaires pour évaluer de manière fiable l’état de santé de l’assuré et ses répercussions éventuelles sur la capacité de travail, en particulier d’un examen psychiatrique, la meilleure compréhension possible entre l’expert et la personne assurée revêt une importance spécifique. Il n’existe cependant pas de droit inconditionnel à la réalisation d’un examen médical dans la langue maternelle de l’assuré ou à l’assistance d’un interprète. En définitive, il appartient à l’expert, dans le cadre de l’exécution soigneuse de son mandat, de décider si l’examen médical doit être effectué dans la langue maternelle de l’assuré ou avec le concours d’un interprète. Le choix de l’interprète, ainsi que la question de savoir si, le cas échéant, certaines phases de l’instruction médicale doivent être exécutées en son absence pour des raisons objectives et personnelles, relèvent également de la décision de l’expert. Ce qui est décisif dans ce contexte, c’est l’importance de la mesure au regard de la prestation entrant en considération. Il en va ainsi de la pertinence et donc de la valeur probante de l’expertise en tant que fondement de la décision de l’administration, voire du juge. Les constatations de l’expert doivent dès lors être compréhensibles, sa description de la situation médicale doit être claire et ses conclusions motivées (arrêt 9C_262/2015 du 8 janvier 2016 consid. 5.1 et les arrêts cités).

Consid. 4.2
Le point de savoir si, au regard des circonstances concrètes du cas d’espèce et des aspects rappelés ci-avant, la compréhension linguistique entre l’expert et la personne assurée est suffisante pour garantir une expertise revêtant un caractère à la fois complet, compréhensible et concluant relève de l’appréciation des preuves et, partant, d’une question de fait que le Tribunal fédéral examine uniquement à l’aune de l’inexactitude manifeste et de la violation du droit au sens de l’art. 95 LTF (consid. 1 supra; arrêt 9C_262/2015 précité consid. 5.2).

À cet égard, l’appréciation des preuves est arbitraire lorsque l’autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu’elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 134 V 53 consid. 4.3 et les arrêts cités). L’appréciation des preuves doit être arbitraire non seulement en ce qui concerne les motifs évoqués par la juridiction cantonale pour écarter un moyen de preuve, mais également dans son résultat (ATF 137 I 1 consid. 2.4; 136 I 316 consid. 2.2.2).

Consid. 5
En l’occurrence, les constatations de la juridiction cantonale quant à une compréhension suffisante entre l’assuré et les experts rhumatologue et pneumologue pour que ces derniers puissent obtenir les informations nécessaires à l’appréciation de la situation malgré l’absence d’un interprète se révèlent insoutenables. En effet, à la lecture du rapport d’évaluation consensuelle du 08.11.2022, on constate que les experts ont considéré que l’assuré ne pouvait pas être expertisé sans interprète car il ne s’exprime dans aucune langue nationale, bien qu’il soit en Suisse depuis de nombreuses années. On ajoutera que le spécialiste en médecine interne générale a indiqué que l’assuré ne s’était pas exprimé une seule fois en français au cours de l’expertise qu’il avait effectuée en présence d’une interprète turque et qu’il n’avait pas eu l’impression que l’expertisé comprenait, au moins partiellement, certaines questions posées. Pour leur part, le spécialiste en rhumatologie et le spécialiste en médecine interne générale et en pneumologie ont relevé l’absence du traducteur prévu et indiqué que l’assuré s’exprimait mal en français (rapport d’expertise rhumatologique), respectivement qu’il comprenait très mal le français (rapport d’expertise pneumologique).

Dans ces circonstances, l’absence d’un traducteur durant l’entretien est de nature à susciter une incertitude quant à la pertinence des constatations des spécialiste en rhumatologie et en pneumologie. À ce stade de la procédure, on ne saurait s’accommoder de ce manquement, si bien que la cause doit être renvoyée à l’office AI afin que les expertises rhumatologique et pneumologique puissent se dérouler intégralement dans la langue maternelle de l’assuré ou avec l’aide d’un interprète. En ce sens, le recours sera partiellement admis, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les autres griefs soulevés par l’assuré, en relation notamment avec son impossibilité de « retrouve[r] une activité lucrative ». La conclusion subsidiaire du recours se révèle bien fondée.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et la décision litigieuse, renvoyant la cause à l’office AI pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

 

Commentaires

Cet arrêt met en lumière un problème central : la barrière linguistique peut gravement compromettre la qualité et la fiabilité des évaluations médicales. Comme je l’ai soutenu (David Ionta, Expertises médicales en assurances sociales, in : Jusletter 14 octobre 2024, ch. 105 ss, notamment ch. 118), bien qu’il n’existe pas de droit formel à la réalisation d’un examen médical dans la langue maternelle de l’assuré ou à l’assistance d’un interprète, ignorer cet aspect revient à compromettre la « vérité médicale » recherchée. Cette attention accrue aux aspects linguistiques est une nécessité qui s’inscrit pleinement dans les objectifs du Développement continu de l’AI visant à améliorer la qualité et la transparence des expertises.

Le Tribunal fédéral aurait également pu se référer aux lignes directrices pour l’expertise rhumatologique, qui précisent qu’il incombe à l’expert de s’assurer d’une compréhension linguistique parfaite entre le patient examiné et lui-même (directrices pour l’expertise rhumatologique, mai 2018, ch. 3.1, p. 4.).

Enfin, les deux experts auraient dû reconvoquer l’expertisé en s’assurant de la présence d’un interprète, dès lors qu’ils se sont aperçus des difficultés de compréhension linguistique entre eux.

 

Arrêt 9C_425/2024 consultable ici

 

9C_664/2020 (f) du 27.01.2021 – Allocation pour impotent pour mineur / Acte « aller aux toilettes » – Acte de « se vêtir/se dévêtir » – Aide indirecte d’un tiers

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_664/2020 (f) du 27.01.2021

 

Consultable ici

 

Allocation pour impotent pour mineur / 9 LPGA – 42 s. LAI – 37 RAI

Acte « aller aux toilettes »

Acte de « se vêtir/se dévêtir » – Aide indirecte d’un tiers

 

En mars 2015, assuré (né en 2008) a présenté une demande d’allocation pour impotent, en indiquant, par l’intermédiaire de ses parents, qu’il avait besoin de leur aide directe ou indirecte pour les actes ordinaires de la vie, ainsi que d’une surveillance pendant la nuit et le jour. Déscolarisé depuis février 2015, il a commencé un traitement auprès d’une spécialiste en psychiatrie et psychothérapie d’enfants et d’adolescents, selon laquelle il souffrait notamment d’une infirmité congénitale (psychoses primaires du jeune enfant; ch. 406 OIC).

Après que l’assuré a réintégré l’école primaire à environ 50% à la rentrée scolaire 2015, l’office AI a pris des renseignements auprès de l’enseignante de l’enfant et d’une spécialiste du Service de l’enseignement spécialisé et des mesures d’aide (SESAM) qui l’accompagnait. Il a également diligenté une enquête sur l’impotence. A la suite d’un projet de décision du 03.07.2017, selon lequel il comptait nier le droit de l’assuré à une allocation pour impotent et qui a été contesté par les parents le 23.08.2017, l’office AI a requis des informations complémentaires auprès notamment de l’enseignante et du SESAM. Pour l’année scolaire 2018/2019, une autorisation d’enseignement à domicile a été délivrée pour l’assuré. Par décision du 16.01.2019, l’office AI a rejeté la demande d’allocation pour impotence.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2019 42 – consultable ici)

Par jugement du 22.09.2020, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant le droit de l’assuré à une allocation pour impotence de degré moyen dès le 01.11.2014.

 

TF

Consid. 4.1
Pour l’acte « aller aux toilettes », la juridiction cantonale a constaté que l’assuré était en mesure d’accomplir cet acte (enfant propre) sans l’aide de ses parents et qu’on pouvait attendre de ceux-ci qu’ils vérifient son hygiène corporelle, en considération de son jeune âge. Cette constatation ne correspond toutefois pas entièrement aux indications de l’enquêtrice de l’office AI selon lesquelles l’enfant avait besoin d’aide pour s’essuyer après avoir été à selles. La nécessité d’une telle assistance a été confirmée notamment par le pédiatre traitant, selon lequel l’enfant n’était pas autonome pour s’essuyer. Or conformément à la jurisprudence (ATF 121 V 88 consid. 6 p. 93 ss; arrêt 9C_560/2017 du 17 octobre 2017 consid. 4.2 et les références), le nettoyage corporel après le passage aux toilettes constitue une fonction partielle de l’acte en cause, pour laquelle l’assuré requiert concrètement une aide régulière et importante, puisqu’il n’est pas autonome pour l’accomplir (sur la notion de l’importance de l’aide, cf. arrêt 9C_560/2017 précité consid. 4.3); un rituel apparaît de plus nécessaire dans ce domaine également, selon le pédiatre traitant. La référence au jeune âge de l’assuré n’y change rien, dès lors que selon les recommandations concernant l’évaluation de l’impotence déterminante chez les mineurs, un enfant est considéré capable, à six ans, de s’essuyer lui-même et de se rhabiller tout seul (Annexe III à la Circulaire de l’OFAS sur l’invalidité et l’impotence dans l’assurance-invalidité [CIIAI; version valable à partir du 1er janvier 2018], ch. 5 p. 212). Le grief tiré de l’établissement manifestement inexact des faits est dès lors fondé, la nécessité d’assistance devant être reconnue aussi pour l’acte « aller aux toilettes ».

Consid. 4.2
En ce qui concerne l’acte ordinaire « se vêtir/se dévêtir », la juridiction cantonale a suivi l’indication de l’enseignante de l’assuré qui avait mentionné qu’il était autonome pour se vêtir ou se dévêtir lors des cours de gymnastique. Tout en indiquant que cet avis ne concordait pas avec la position des médecins traitants de l’assuré, elle n’a pas discuté plus avant cette divergence et constaté la capacité de l’enfant de s’habiller sans l’aide de ses parents. On ignore dès lors la raison pour laquelle les juges cantonaux ont été apparemment convaincus davantage par les renseignements donnés par l’enseignante que par ceux des médecins traitants.

Quoi qu’il en soit, la constatation cantonale apparaît manifestement inexacte, parce que les juges cantonaux n’ont pas pris en considération toutes les pièces pertinentes au dossier. En complément de leur constatation, il ressort d’abord de l’enquête sur l’impotence que l’assuré nécessite une aide directe pour tout ce qui demande une dextérité fine, comme enfiler les chaussettes, ouvrir ou fermer une fermeture éclair, boutonner ses vêtements. Selon les indications des pédiatres traitants, leur patient a besoin d’une assistance verbale pour s’habiller, alors qu’il présente une hypersensibilité tactile et une maladresse au niveau de la motricité; l’enfant n’arrive à s’habiller qu’en présence d’un adulte et avec un coaching verbal. La nécessité d’une telle assistance n’est pas contredite par les observations faites à l’école, dans la mesure où l’assuré y a bénéficié d’un cadre structuré. Dans ce contexte, la pédiatre traitant mentionne la nécessité d’un « grand besoin de contenant extérieur » en ces termes: « dès que bien contenu [l’assuré] arrive à fonctionner d’une façon adapté[e] à la circonstance ». L’enseignante de l’assuré a indiqué qu’il était autonome pour se déshabiller et se rhabiller au vestiaire ou aux leçons de gymnastique, mais a précisé qu’il avait un peu moins d’assurance tout en assumant les gestes seul. On peut en déduire que le cadre ou l’impulsion nécessaires ont été fournis par la présence de l’enseignante, voire des camarades de classe. A cet égard, le procès-verbal de la séance de réseau du SESAM du 20.04.2016 met en évidence qu’en rapport avec l’acte de s’habiller en relation avec les cours de gymnastiques, l’enfant a senti « la pression des copains » et qu’il est dès lors plus facile pour les parents de l’entraîner à la maison pour ce faire. On constate donc que l’assuré est en mesure, du point de vue fonctionnel, d’accomplir avec une certaine difficulté l’acte de « se vêtir/se dévêtir » mais a besoin d’une aide indirecte d’un tiers, sans laquelle il ne ferait l’acte qu’imparfaitement ou à contretemps; en d’autres termes, livré à lui-même, cet acte ne serait accompli qu’avec difficulté ou avec une lenteur certaine (cf. ATF 133 V 450 consid. 7.2 p. 462 s. et les références), le contrôle nécessaire dépassant le cadre usuel pour les enfants de six à dix ans (cf. Annexe III à la CIIAI, ch. 1 p. 209). Il y a donc lieu d’admettre également la nécessité d’assistance pour l’acte en cause.

Consid. 4.3
Il résulte de ce qui précède que l’impotence de l’assuré doit être qualifiée de grave, conformément à l’art. 37 al. 1 RAI, de sorte qu’il a droit à une allocation pour impotent de degré grave à partir du 1er novembre 2014.

L’argumentation de l’office AI n’y change rien. En se référant de façon générale aux indications données par les parents de l’assuré (objections du 23.08.2017) au moment de contester le projet de décision du 03.07.2017, l’office AI nie la nécessité d’un besoin d’aide pour l’acte « se lever, s’assoir, se coucher », sans se prononcer sur les deux autres actes invoqués par l’assuré. Ce faisant, il ne met pas en évidence que les constatations des juges cantonaux sur l’aide nécessaire des parents pour coucher l’enfant seraient manifestement inexactes ou insoutenables. Son argumentation ne saurait dès lors être suivie.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_664/2020 consultable ici

 

9C_244/2020 (f) du 05.01.2021 – Octroi initial de la rente d’invalidité limitée dans le temps / Mesures de nouvelle réadaptation / Réadaptation par soi-même – Obligation de réduire le dommage

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_244/2020 (f) du 05.01.2021

 

Consultable ici

 

Octroi initial de la rente d’invalidité limitée dans le temps / 17 LPGA – 88a al. 1 RAI

Mesures de nouvelle réadaptation (MNR) des bénéficiaires de rente / 8a LAI

Réadaptation par soi-même – Obligation de réduire le dommage

 

Assuré, né en 1983, marié et père de deux enfants, a travaillé en dernier lieu comme marqueur routier. En février 2017, il a présenté une demande de prestations de l’assurance-invalidité; il y indiquait être en incapacité de travail depuis le 15.08.2016, en raison d’une ostéonécrose avasculaire de la tête fémorale droite. L’office AI a mis en place une mesure d’intervention précoce. L’assuré s’est ensuite inscrit à l’assurance-chômage dès le 01.01.2018 et l’office AI lui a accordé une aide au placement.

A la suite d’une nouvelle incapacité de travail survenue le 29.01.2018 (récidive de hernie discale L5-S1), la caisse cantonale de chômage a mis un terme à l’indemnisation du chômage avec effet au 28.02.2018. Le 30.04.2018, l’assuré a informé l’office AI que son état de santé était à nouveau satisfaisant et a sollicité une aide au placement. L’administration lui a indiqué qu’il remplissait les conditions pour bénéficier d’une mesure de placement, et qu’elle l’informerait des démarches ultérieures et en particulier de la date d’un premier entretien. L’assuré a ensuite requis une mesure de reclassement professionnel le 30.08.2018, demande qu’il a renouvelée les 18.09.2018 et 07.11.2018. Dans l’intervalle, l’administration a recueilli des renseignements médicaux, qu’elle a soumis au médecin au Service médical régional de l’AI (SMR), qui a conclu à l’exigibilité d’une activité adaptée à 100% à partir du 24.06.2018. Après lui avoir octroyé une mesure d’orientation professionnelle dès le 14.01.2019 et un placement à l’essai dès le 14.04.2019, l’office AI a reconnu le droit de l’assuré à une rente entière d’invalidité du 01.08.2017 au 30.09. 2018, assortie de deux rentes pour enfant.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 193/19 – 55/2020 – consultable ici)

Par jugement du 20.02.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.2
En l’espèce, il ressort des constatations cantonales que l’assuré avait recouvré une capacité totale de travail dans une activité adaptée (travail simple et répétitif dans le domaine industriel léger ou dans la vente simple, par exemple) depuis le 24.06.2018, et qu’à partir de cette date, il n’était pas dans l’attente du début d’une formation professionnelle ou d’un reclassement. L’assuré ne remet pas en cause ces constatations. Les juges cantonaux ont également constaté que la mesure d’orientation professionnelle qui a débuté le 14.01.2019 n’avait pas pour but de déterminer si l’assuré était en mesure de mettre à profit sa capacité de travail dans une activité adaptée, mais bien de lui accorder un soutien dans ses démarches de recherche d’un emploi adapté (à ce sujet, voir arrêt 9C_707/2018 du 26 mars 2019 consid. 4.2), comme l’avait expressément indiqué l’office AI dans sa correspondance du 11.03.2019. En conséquence, c’est à bon droit que les juges cantonaux ont confirmé la suppression du droit de l’assuré à une rente entière d’invalidité au 30.09.2018 (art. 17 al. 1 LPGA, art. 88a al. 1 RAI).

Consid. 4.3
L’assuré ne peut pas être suivi lorsqu’il soutient qu’il avait droit à la poursuite du versement de la rente d’invalidité au-delà du 30.09.2018, que ce soit par une application analogique de l’art. 8a LAI ou de la jurisprudence selon laquelle, dans certaines situations, des mesures d’ordre professionnel se révèlent nécessaires, malgré l’existence d’une capacité de travail médico-théorique, avant de procéder à la réduction ou à la suppression du droit à une rente de l’assurance-invalidité.

Consid. 4.3.1
S’agissant d’abord de l’application des règles en matière de mesures de nouvelle réadaptation des bénéficiaires de rente (art. 8a LAI), si l’assuré admet que sa situation diffère des cas visés par celles-ci, il soutient cependant qu’il serait possible, dans son cas, de s’inspirer de ces règles pour prolonger son droit à la rente jusqu’au 14.01.2019. Quoi qu’en dise l’assuré, comme l’ont dûment rappelé les juges cantonaux, en présence d’une modification notable de l’état de santé ou de la situation professionnelle, l’office AI révise la rente, c’est-à-dire qu’il l’augmente, la réduit ou la supprime, étant rappelé que l’art. 17 LPGA sur la révision d’une rente en cours s’applique également à la décision par laquelle une rente échelonnée dans le temps est accordée avec effet rétroactif. Ce n’est que lorsqu’il n’y a pas de modification notable de l’état de santé ou de la situation professionnelle d’un bénéficiaire d’une rente d’invalidité, que l’office AI examine s’il serait possible d’améliorer la capacité de gain par des mesures appropriées (cf. Message relatif à la modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité [6e révision, premier volet] du 24 février 2010, FF 2010 1647 [1672 s.]). Au vu de la pleine capacité de travail recouvrée par l’assuré dans une activité adaptée dès le 24.06.2018, c’est dès lors en vain qu’il se prévaut d’une application analogique de l’art. 8a LAI.

Consid. 4.3.2
Contrairement à ce que soutient ensuite l’assuré, le seul fait qu’un assuré soit empêché de trouver un emploi adapté à son handicap ou ses limitations fonctionnelles ne suffit pas pour reconnaître le droit à des mesures de réadaptation. La réadaptation par soi-même est en effet un aspect de l’obligation de diminuer le dommage et prime aussi bien le droit à une rente que celui à des mesures de réadaptation (arrêts 9C_304/2020 du 8 juillet 2020 consid. 3; 9C_163/2009 du 10 septembre 2010 consid. 4.2.2 et les arrêts cités). En tant que l’assuré se réfère aux exceptions dans lesquelles la jurisprudence admet que des mesures d’ordre professionnel sont nécessaires, malgré l’existence d’une capacité de travail médico-théorique, préalablement à la réduction ou à la suppression du droit à une rente de l’assurance-invalidité (cf. arrêts 9C_308/2018 du 17 août 2018 consid. 5.2; 9C_517/2016 du 7 mars 2017 consid. 5.2 et les arrêts cités), son argumentation n’est pas non plus pertinente. Bien que cette jurisprudence soit également applicable lorsque l’on statue sur la limitation et/ou l’échelonnement en même temps que sur l’octroi de la rente (ATF 145 V 209 consid. 5 p. 211 ss), elle ne concerne toutefois que les assurés qui sont âgés de 55 ans révolus ou qui ont bénéficié d’une rente pendant quinze ans au moins, ce qui n’est pas le cas de l’assuré.

Consid. 4.3.3
Certes, comme le fait également valoir l’assuré, la suppression de son droit à la rente est intervenue le 30.09.2018, soit avant la reconnaissance de son droit à une mesure d’orientation professionnelle dès le 14.01.2019. Cela étant, contrairement à ce qu’il soutient, l’office AI n’a pas tardé à se prononcer sur son droit à des mesures d’ordre professionnel, ni interrompu le « processus global de réadaptation » de manière inopportune. Il ressort à cet égard des constatations cantonales que l’assuré a, par le biais de son mandataire, sollicité des mesures de réadaptation dès le mois d’août 2018 (correspondances des 30.08.2018, 18.09.2018 et 07.11.2018), soit après le recouvrement d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée dès le 24.06.2018. Auparavant, l’assuré s’était limité à demander une aide au placement (courrier du 30.04.2018), ce qu’il ne conteste du reste pas. Partant, l’office AI, et à sa suite, les juges cantonaux, n’ont pas méconnu les principes relatifs à la réadaptation.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_244/2020 consultable ici

 

9C_553/2023 (f) du 14.11.2024 – Valeur probante d’un rapport d’examen SMR / Expertises médicales privées – Divergences médicales – Mise en œuvre d’une nouvelle expertise / Frais d’expertises privées à la charge de l’office AI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_553/2023 (f) du 14.11.2024

 

Consultable ici

 

Valeur probante d’un rapport d’examen SMR / 43 LPGA

Expertises médicales privées – Divergences médicales – Mise en œuvre d’une nouvelle expertise

Frais d’expertises privées à la charge de l’office AI / 45 LPGA

 

Assuré, né en 1969, a travaillé en qualité de magasinier à partir de l’année 1996, puis de cuisinier dès 2003.

Le 18.03.2019, il a déposé une demande AI, en raison de lombalgies sur troubles dégénératifs et d’une dépression réactionnelle. L’office AI a recueilli plusieurs avis médicaux. L’office AI a soumis l’assuré à un examen auprès du Service médical régional de l’assurance-invalidité, Suisse romande (SMR), dont les docteurs G.__, spécialiste en médecine physique et réadaptation, et H.__, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, ont rendu leur rapport le 22 février 2021. Se fondant sur les conclusions des médecins du SMR, l’office AI a rejeté la demande, par décision du 12.07.2021, au motif que le taux d’invalidité (de 2%) était insuffisant pour ouvrir le droit à des prestations.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 321/21 – 196/2023 – consultable ici)

L’assuré a déféré cette décision au tribunal cantonal. En cours de procédure, il a produit deux expertises, l’une rhumatologique établie par le docteur I.__, spécialiste en rhumatologie, l’autre psychiatrique réalisée par le docteur J.__, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, ainsi qu’un consilium signé par les médecins prénommés. Le docteur K.__, médecin au SMR, s’est exprimé sur les rapports de ses deux confrères ; ceux-ci se sont à leur tour déterminés sur la prise de position du médecin du SMR.

Par arrêt du 20.07.2023, la juridiction cantonale a admis le recours; elle a réformé la décision de l’office AI en ce sens qu’elle a reconnu le droit de l’assuré à une rente entière d’invalidité pour la période du 01.09.2019 au 31.05.2021. Pour le surplus, elle a renvoyé la cause à l’office AI afin qu’il procède conformément aux considérants de l’arrêt pour la période courant dès le mois de juin 2021. Elle a par ailleurs mis les frais des expertises des docteurs I.__ et J.__ à la charge de l’office AI à hauteur de 10’320 fr., en plus des frais et dépens de la cause.

 

TF

Consid. 5.1
Compte tenu des différences dans les diagnostics et l’appréciation de la capacité de travail de l’assuré, ainsi que de la présence possible d’éléments psychiatriques en l’absence de suivi, le médecin au SMR a demandé la réalisation d’un « examen/expertise » bidisciplinaire rhumatologique et psychiatrique avec conclusions consensuelles. Cette mesure d’instruction a été mise en œuvre auprès du SMR par les docteurs G.__ et H.__. Dans leur rapport du 22 février 2021, ces médecins ont posé le diagnostic incapacitant de « lombalgies chroniques non déficitaires dans le cadre de discopathies et d’arthrose des articulations postérieures, prédominant de L3 à S1 »; ils ont en revanche écarté le diagnostic de dépression réactionnelle évoqué par les médecins traitants (la première fois en 2018), retenant que l’assuré n’avait jamais présenté d’incapacité de travail sur le plan psychiatrique. Pour les médecins du SMR, si la capacité de travail était nulle dans l’activité de cuisinier, elle était en revanche totale dans une activité adaptée depuis le 8 juillet 2019.

Contrairement à ce qu’ont retenu à tort les juges cantonaux, on ne saurait admettre que l’office recourant a violé son obligation d’instruire d’office la demande (cf. art. 43 LPGA) en se fondant sur l’avis des médecins du SMR, sans avoir préalablement mis en œuvre une expertise médicale conformément à la procédure prévue à l’art. 44 LPGA. En effet, il ressort du rapport du SMR que ses auteurs se sont exprimés sur les avis des médecins traitants et qu’ils ont clairement justifié les diagnostics ainsi que leur évaluation de la capacité de travail. Plus particulièrement, en ce qui concerne le diagnostic de dépression réactionnelle évoqué par les médecins traitants, les docteurs G.__ et H.__ ont indiqué les motifs qui les ont conduits à nier la présence d’une quelconque pathologie psychiatrique caractérisée. De plus, ils n’ont laissé indécise aucune question pertinente d’ordre médical. À cet égard, la juridiction cantonale s’est limitée à indiquer que les constatations du médecin traitant faisaient apparaître des doutes suffisants quant au bien-fondé des conclusions du SMR, sans toutefois mentionner en quoi consisteraient ces doutes, ni pour quelle raison l’appréciation des docteurs G.__ et H.__ ne suffisait pas pour évaluer la situation de l’assuré.

Consid. 5.2
Cela étant, les conclusions des experts privés mandatés par l’assuré en procédure cantonale ne concordent pas avec celles des médecins du SMR. Les docteurs I.__ et J.__ ont diagnostiqué un trouble dépressif (épisode actuel moyen), une gonarthrose fémoro-patellaire, un lombodiscarthrose et une arthrose du tarse au pied droit; ces atteintes entraînaient une incapacité de travail totale dans la profession de cuisinier depuis octobre 2018 et dans une activité adaptée du 25.10.2018 au 15.02.2021; à partir du 16.02.2021, l’assuré présentait une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles somatiques et psychiques (cf. consilium). Quoi qu’en dise l’office AI recourant, qui soutient que ces conclusions seraient insoutenables en se référant aux avis médicaux du SMR, les expertises privées mettent en doute l’évaluation du SMR du 22 février 2021 sous plusieurs points: ainsi, le docteur I.__ nie que la situation était stabilisée sur le plan rhumatologique avant l’examen auprès du SMR en raison d’une évolution « en dents de scie » jusque-là, tandis que le docteur J.__ fait remonter les effets incapacitants de l’atteinte psychiatrique diagnostiquée à novembre 2018 (cf. consilium du 3 février 2022; rapport du 31 janvier 2022.

Dans ces circonstances, le Tribunal fédéral, comme déjà la juridiction cantonale qui a écarté le rapport du SMR de manière insoutenable (consid. 5.1 supra), est confrontée à des divergences médicales qui ne peuvent être départagées sans la mise en oeuvre d’une nouvelle expertise bi-disciplinaire (en rhumatologie et psychiatrie) confiée à des médecins indépendants. En particulier, si la juridiction cantonale a constaté que l’examen effectué par le docteur J.__ avait mis en évidence des symptômes dépressifs « actuels » de manière convaincante, elle semble admettre qu’une telle atteinte existait déjà antérieurement au motif que l’expert psychiatre privé estimait qu’un diagnostic ne pouvait être écarté « uniquement sur la base du constat ponctuel d’un manque de symptôme au moment de l’examen » comme l’aurait fait le docteur H.__. Or un tel motif apparaît arbitraire, dès lors que le psychiatre du SMR a nié un trouble psychiatrique non seulement sur la base de son examen de l’assuré mais également sur d’autres éléments au dossier (dont la mention d’une « dépression réactionnelle » qui n’a guère été objectivée par les médecins traitants). À défaut de motif convaincant pour départager les avis des experts privés de celui du SMR, les juges cantonaux étaient tenus d’ordonner une expertise judiciaire. La conclusion subsidiaire du recours est dès lors bien fondée et il convient de renvoyer la cause au Tribunal cantonal pour qu’il complète l’instruction, puis rende une nouvelle décision.

 

Consid. 6.2
Aux termes de l’art. 45 al. 1 LPGA, les frais de l’instruction sont pris en charge par l’assureur qui a ordonné les mesures. À défaut, l’assureur rembourse les frais occasionnés par les mesures indispensables à l’appréciation du cas ou comprises dans les prestations accordées ultérieurement. Selon la jurisprudence, les frais d’expertise font partie des frais de procédure. Les frais d’expertise privée peuvent être inclus dans les dépens mis à la charge de l’assureur social lorsque cette expertise était nécessaire à la résolution du litige (ATF 115 V 62 consid. 5c; arrêts 9C_519/2020 du 6 mai 2021 consid. 2.2 et les arrêts cités; 8C_971/2012 du 11 juin 2013 consid. 4.2; I 1008/06 du 24 avril 2007 consid. 3).

Consid. 6.3
En l’occurrence, devant la juridiction cantonale, l’assuré est parvenu à susciter un doute sur les conclusions du SMR par le dépôt des expertises privées, de sorte que les juges précédents devront compléter l’instruction de la cause. À cet égard, l’admissibilité de l’imputation des frais d’un rapport médical à l’administration ne suppose pas nécessairement qu’il serve de base à une décision définitive. Il peut suffire qu’il donne lieu à des investigations supplémentaires qui n’auraient pas été ordonnées en son absence (cf. arrêt 9C_395/2023 du 11 décembre 2023 consid. 6.3 et les arrêts cités), ce qui est le cas ici. Par conséquent, les frais relatifs aux rapports des docteurs I.__ et J.__ doivent être imputés à l’office recourant. Sur ce point, l’arrêt attaqué doit être confirmé par substitution de motifs.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’office AI.

 

Arrêt 9C_553/2023 consultable ici

 

8C_225/2024+8C_243/2024 (f) du 02.12.2024 – Procédure – Compétence de l’office AI et du tribunal cantonal / 55 al. 1 LAI – 40 al. 2quater RAI – 69 al. 1 LAI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_225/2024+8C_243/2024 (f) du 02.12.2024

 

Arrêt à 5 juges, non publié, consultable ici

 

Procédure – Compétence de l’office AI et du tribunal cantonal / 55 al. 1 LAI – 40 al. 2quater RAI – 69 al. 1 LAI

 

Par décision du 28.11.2023, l’Office cantonal AI du Valais a octroyé à l’assuré, domicilié alors à U.__, une rente entière d’invalidité dès le 01.12.2022. L’assuré a définitivement quitté la Suisse au 31.12.2023 pour s’établir au Portugal.

 

Procédure cantonale

Le 12.01.2024, l’assuré a déféré la décision précitée à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du Valais (ci-après: le Tribunal cantonal). Par décision du 11.03.2024, la cour cantonale, s’estimant incompétente, a déclaré le recours irrecevable et transmis d’office la cause au Tribunal administratif fédéral (TAF). Par arrêt du 18.03.2024, la Cour III du TAF a également déclaré le recours irrecevable, faute de compétence.

 

TF

Consid. 3.1
Aux termes de l’art. 55 al. 1 LAI, l’office AI compétent est, en règle générale, celui du canton dans lequel l’assuré est domicilié au moment où il exerce son droit aux prestations (première phrase); le Conseil fédéral règle la compétence dans des cas spéciaux (seconde phrase). Selon l’art. 40 al. 1 RAI, est compétent pour enregistrer et examiner les demandes: l’office AI dans le secteur d’activité duquel les assurés sont domiciliés (let. a); l’office AI pour les assurés résidant à l’étranger, sous réserve des al. 2 et 2 bis, si les assurés sont domiciliés à l’étranger (let. b). L’art. 40 al. 2 quater RAI prévoit que si un assuré domicilié en Suisse prend en cours de procédure domicile à l’étranger, la compétence passe à l’office AI pour les assurés résidant à l’étranger.

Consid. 3.2
Dans sa teneur en vigueur depuis le 1 er janvier 2007, l’art. 69 al. 1 LAI dispose qu’en dérogation aux art. 52 et 58 LPGA, les décisions des offices AI cantonaux peuvent directement faire l’objet d’un recours devant le tribunal des assurances du domicile de l’office concerné (let. a); les décisions de l’office AI pour les assurés résidant à l’étranger peuvent directement faire l’objet d’un recours devant le Tribunal administratif fédéral (let. b). Entre le 01.07.2006 et le 31.12.2006, cette disposition avait déjà la même teneur, en dehors des termes « Commission fédérale de recours en matière d’assurance-vieillesse, survivants et invalidité » qui figuraient à la place de ceux de « Tribunal administratif fédéral ». Selon l’art. 69 LAI dans sa teneur en vigueur du 01.01.2003 au 30.06.2006, les décisions et les décisions sur opposition des offices AI peuvent, en dérogation à l’art. 58 al. 1 LPGA, faire l’objet d’un recours auprès du Tribunal des assurances du canton de l’office qui a rendu la décision (al. 1); la commission de recours AVS/AI connaît des recours interjetés par les personnes résidant à l’étranger, en dérogation à l’art. 58 al. 2 LPGA (al. 2, première phrase).

Consid. 4.1
En l’espèce, le Tribunal cantonal a considéré qu’au moment du dépôt de son recours cantonal le 12.01.2024, l’assuré avait quitté définitivement la Suisse au 31.12.2023 pour s’établir au Portugal. La compétence pour traiter le dossier était ainsi passée à l’Office AI pour les assurés résidant à l’étranger (OAIE), de sorte que la compétence de la cour cantonale n’était pas donnée. De son côté, le TAF a retenu que la décision du 28.11.2023 avait été rendue par l’office cantonal AI du Valais, lequel était compétent pour statuer dès lors que le recourant avait quitté la Suisse pour s’installer au Portugal le 31.12.2023, soit après le prononcé de cette décision. Dans ces circonstances, le TAF n’était pas compétent pour connaître du recours du 12.01.2024.

Consid. 4.2
Se plaignant d’une violation du droit fédéral, l’assuré soutient que le Tribunal cantonal serait compétent pour traiter son recours du 12.01.2024, puisqu’il était encore domicilié en Valais au début de la procédure de préavis au sens de l’art. 57a LAI. À défaut, le TAF serait compétent. Le fait que les deux instances ont déclaré le recours irrecevable constituerait également une violation du droit fédéral. 

Consid. 4.3.1
Dans sa décision du 11 mars 2024, le Tribunal cantonal s’est référé à la jurisprudence fédérale (ATF 100 V 53; arrêts 9C_313/2008 du 6 mars 2009 et I 232/03 du 22 janvier 2004) selon laquelle le point de rattachement pour définir la compétence de l’autorité de recours est le domicile civil du recourant au moment du dépôt de son recours, indépendamment de savoir quelle est l’autorité administrative qui a rendu la décision attaquée. Comme l’a fait remarquer la juridiction cantonale, cette jurisprudence se rapporte toutefois à des cas d’application du droit dans son état antérieur à l’entrée en vigueur – le 01.07.2006 – de l’art. 69 al. 1 LAI dans sa teneur actuelle (en dehors du remplacement, dès le 01.01.2007, des termes « Commission fédérale de recours en matière d’assurance-vieillesse, survivants et invalidité » par ceux de « Tribunal administratif fédéral » [cf. consid. 3.2 supra]). Même dans l’arrêt 9C_313/2008, postérieur à l’entrée en vigueur du nouveau droit, le Tribunal fédéral a tranché le litige au regard de l’art. 69 LAI dans sa teneur en vigueur entre le 01.01.2006 et le 30.06.2006 (cf. consid. 4.1 de cet arrêt).

Consid. 4.3.2
Comme relevé par le TAF dans son arrêt du 18 mars 2024, le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de se prononcer sur des conflits négatifs de compétence entre tribunaux cantonaux sous l’empire du nouveau droit. Il a considéré qu’en vertu de l’art. 69 al. 1 let. a LAI, les recours contre les décisions des offices AI cantonaux devaient être traités par le tribunal des assurances du canton concerné indépendamment du domicile de la personne assurée (arrêt 9C_892/2014 du 6 mars 2015 consid. 2; cf. aussi arrêt 9C_167/2015 du 9 septembre 2015 consid. 1.5). En d’autres termes, la décision d’un office AI cantonal doit être déférée au tribunal des assurances du canton où se situe l’office AI, même si l’assuré installe son domicile en dehors du canton entre le moment où la décision est rendue et le dépôt de son recours. La compétence de l’autorité de recours découle ainsi d’un critère formel, relatif à l’auteur de la décision administrative, et non d’un critère territorial, relatif au domicile de l’assuré, comme tel était le cas sous l’ancien droit pour désigner l’ancienne commission fédérale de recours comme autorité de recours. Ces deux arrêts du Tribunal fédéral concernaient des changements de domicile d’un canton à un autre. Il n’y a toutefois pas de raison qu’il en aille différemment lorsque, comme en l’espèce, la personne assurée quitte définitivement la Suisse après le prononcé de la décision d’un office AI cantonal et est domiciliée à l’étranger au moment du dépôt de son recours. Conformément à l’art. 69 al. 1 let. a LAI, dans un tel cas de figure, l’autorité judiciaire compétente pour traiter le recours est le tribunal des assurances du canton où se situe l’office AI cantonal. En application de l’art. 69 al. 1 let. b LAI, les décisions de l’OAIE doivent en revanche faire l’objet d’un recours auprès du TAF, indépendamment du domicile de l’assuré au moment où il recourt (cf. en ce sens MEYER/REICHMUTH, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Bundesgesetz über die Invalidenversicherung IVG, 4 e éd. 2022, n° 2 ad art. 69 LAI).

Le Tribunal cantonal s’est également appuyé sur l’art. 40 al. 2quater RAI pour nier sa compétence. Cette disposition réglementaire, qui porte sur les cas de transfert de compétence en cours de procédure entre un office AI cantonal et l’OAIE, ne règle toutefois pas la compétence des autorités judiciaires, régie par l’art. 69 al. 1 LAI comme on vient de le voir. Elle n’a donc aucune portée au-delà de la procédure administrative, qui se termine par la décision d’un office AI cantonal ou de l’OAIE.

Consid. 4.4
Au vu de ce qui précède, le Tribunal cantonal est l’autorité judiciaire compétente pour traiter le recours du 12.01.2024 dirigé contre la décision de l’office intimé du 28.11.2023. Le recours en matière de droit public contre la décision du Tribunal cantonal du 11.03.2024 doit donc être admis, avec pour conséquence l’annulation de cette décision. La cour cantonale devra ainsi entrer en matière sur le recours du 12.01.2024. Le recours en matière de droit public contre l’arrêt du TAF du 18.03.2024 doit en revanche être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

Consid. 5
Le recourant, qui a été contraint de recourir à la fois contre la décision du 11.03.2024 et l’arrêt du 18.03.2024 pour sauvegarder ses droits, obtient gain de cause et ne peut donc pas se voir imputer des frais judiciaires. Il en va de même de l’office intimé, qui ne s’est pas prononcé sur les recours et ne voit pas sa décision du 28.11.2023 annulée ou réformée. Conformément à l’art. 66 al. 4 LTF, des frais judiciaires ne peuvent pas non plus être mis à la charge du Tribunal cantonal, et encore moins à la charge du TAF. Par conséquent, on renoncera à percevoir des frais judiciaires. Le recourant a droit à des dépens à la charge de l’État du Valais (cf. arrêt 8C_750/2018 du 6 mai 2019 consid. 6, non publié in ATF 145 V 247, et les arrêts cités).

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_225/2024+8C_243/2024 consultable ici

 

8C_32/2024 (f) du 04.11.2024 – Début du droit à l’allocation pour impotent – Dépôt de la demande par le père de l’assuré avant de devenir curateur de représentation et de gestion, avec pouvoir de représentation envers les tiers

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_32/2024 (f) du 04.11.2024

 

Consultable ici

 

Début du droit à l’allocation pour impotent – Dépôt de la demande par le père de l’assuré avant de devenir curateur de représentation et de gestion, avec pouvoir de représentation envers les tiers / 48 LAI – 66 RAI – 394 CC – 395 CC

Domicile et résidence habituelle en Suisse / 42 al. 1 LAI – 13 LPGA

 

Assuré né le 01.09.1996, atteint d’un autisme sévère avec retard mental dû (délétion du bras long du cinquième chromosome). À la suite d’une demande de prestations AI déposée le 12.07.2021 par son père, l l’office AI a reconnu le droit de l’assuré à une rente entière d’invalidité à compter du 01.01.2022.

Le 25.03.2022, une demande d’allocation pour impotent a été déposée par le père de l’assuré.

Par décision du 25.08.2022, la Justice de paix a institué une curatelle de représentation et de gestion au sens des art. 394 al. 1 et 395 al. 1 CC en faveur de l’assuré et nommé ses parents co-curateurs, avec pouvoir de représentation envers les tiers.

Se fondant sur un rapport d’évaluation de l’impotence du 22.12.2022, l’office AI a reconnu, par projet de décision du 23.12.2022, le droit à une allocation pour impotent de degré moyen à domicile dès octobre 2014 (1er mois suivant le 18e anniversaire de l’assuré). En raison du dépôt tardif de la demande, les prestations ne pouvaient être accordées que pour les douze mois précédant le dépôt de la demande, soit dès le 01.03.2021.

Une première décision du 21.02.2023 octroyait à l’assuré une allocation pour impotent de degré moyen à partir du 01.09.2014 avec un montant rétroactif de 120’650 fr. Cependant, cette décision a été annulée par la Caisse de compensation AVS. Une nouvelle décision, également datée du 21.02.2023, a finalement accordé l’allocation pour impotent de degré moyen à partir du 01.03.2021, avec un montant rétroactif réduit à 28’740 fr.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 95/23 – 341/2023 – consultable ici)

Par jugement du 06.12.2023, admission partielle par le tribunal cantonal du recours déposé par le père de l’assuré, réformant la décision litigieuse en fixant le début du droit à l’allocation pour impotent au 01.03.2017.

 

TF

Consid. 4.1 [résumé]

Les juges cantonaux ont reconnu que l’assuré, en raison de son handicap, était incapable de comprendre sa situation et d’agir pour faire valoir son droit aux prestations au sens de l’art. 48 al. 2 let. a LAI.  Ils ont ensuite examiné si la connaissance de ces faits par ses parents pouvait affecter son droit aux prestations arriérées.

L’instance cantonale a constaté que les parents n’étaient devenus représentants légaux de l’assuré que le 25.08.2022, date à laquelle ils ont été nommés co-curateurs de représentation et de gestion, avec pouvoir de représentation envers les tiers. Avant cette date, ils étaient considérés comme des tiers au sens de l’art. 66 RAI, auxquels la jurisprudence refuse précisément un devoir d’agir, du moins tant et aussi longtemps qu’ils ne sont pas chargés d’une représentation légale de l’ayant droit. Par conséquent, le tribunal cantonal a estimé qu’on ne pouvait imputer ni à l’assuré ni à ses parents le devoir de déposer une demande de prestations en temps utile.

Le tribunal cantonal a conclu que le point de départ du délai de douze mois pour faire valoir le droit aux prestations avait débuté le 25.08.2022. Dès lors que la demande formelle du 25.03.2022 avait été déposée avant le point de départ de ce délai de douze mois, par des parents qui en avaient le droit en tant que tiers énumérés à l’art. 66 RAI, elle satisfaisait à la condition de l’art. 48 al. 2 LAI, de sorte que les prestations arriérées pouvaient être allouées pour une période plus longue que la règle des douze mois.

Consid. 5.1
Aux termes de l’art. 48 al. 1 LAI, si un assuré ayant droit à une allocation pour impotent, à des mesures médicales ou à des moyens auxiliaires présente sa demande plus de douze mois après la naissance de ce droit, la prestation, en dérogation à l’art. 24, al. 1, LPGA, n’est allouée que pour les douze mois précédant le dépôt de la demande.

Selon l’art. 48 al. 2 LAI, les prestations arriérées sont allouées à l’assuré pour des périodes plus longues s’il ne pouvait pas connaître les faits ayant établi son droit aux prestations (let. a) et s’il a fait valoir son droit dans un délai de douze mois à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de ces faits (let. b). Selon l’art. 24 al. 1 LPGA, le droit à des prestations arriérées s’éteint cinq ans après la fin du mois pour lequel elles étaient dues.

Consid. 5.2
Par faits établissant le droit aux prestations au sens de l’art. 48 al. 2 let. a LAI, on entend, par analogie avec les art. 4 et 5 LAI et 8 et 9 LPGA, l’atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui entraîne un besoin présumé permanent ou de longue durée d’aide ou de surveillance pour accomplir les actes ordinaires de la vie (ATF 139 V 289 consid. 4.2). Selon la jurisprudence, l’art. 48 al. 2 let. a LAI s’applique lorsque la personne assurée ne connaissait pas ou ne pouvait pas connaître les faits ayant établi son droit aux prestations ou que, bien qu’elle en ait eu connaissance, elle ait été empêchée pour cause de maladie de déposer une demande ou de charger quelqu’un du dépôt de la demande. Un tel état de fait n’est admis que de manière très restrictive par la jurisprudence, notamment en cas de schizophrénie (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 824/05 du 20 février 2006 consid. 4.3; I 705/02 du 17 novembre 2003 consid. 4.3; I 141/89 du 1er mars 1990 consid. 2b), en cas de trouble grave de la personnalité narcissique et dépressive au sens d’un état borderline à la limite de la psychose schizophrénique (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 418/96 du 12 novembre 1997 consid. 3b), en cas de trouble grave de la personnalité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 205/96 du 21 octobre 1996 consid. 3c), en cas d’incapacité de discernement due à une maladie psychique grave (non précisée) (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 71/00 du 29 mars 2001 consid. 3a); éventuellement aussi en cas de dépression grave (ATF 102 V 112 consid. 3) ou de troubles de la personnalité avec alcoolisme chronique secondaire (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 149/99 du 16 mars 2000 consid. 3b).

Par ailleurs, seule compte la connaissance des faits fondant le droit, c’est-à-dire la connaissance de l’état de santé correspondant, et non pas la question de savoir si l’on peut en déduire un droit à une allocation pour impotent. L’art. 48 al. 2 LAI ne s’applique en revanche pas lorsque l’assuré, respectivement son représentant légal, connaissait ces faits mais ignorait qu’ils donnent droit à des prestations de l’assurance-invalidité (ATF 102 V 112 consid. 1a).

Consid. 6.1
Aux termes de l’art. 66 al. 1 RAI, l’exercice du droit aux prestations appartient à l’assuré ou à son représentant légal ainsi qu’aux autorités ou tiers qui l’assistent régulièrement ou prennent soin de lui de manière permanente. Si l’assuré n’exerce pas lui-même le droit aux prestations, il doit autoriser les personnes et les instances mentionnées à l’art. 6a LAI à fournir aux organes de l’assurance-invalidité tous les renseignements et les documents nécessaires pour établir ce droit et le bien-fondé de prétentions récursoires (al. 1bis). Si l’assuré est incapable de discernement, son représentant légal accorde l’autorisation visée à l’art. 6a LAI en signant la demande (al. 2).

Consid. 6.2
Dans l’arrêt déjà cité du 6 mai 2013 publié aux ATF 139 V 289, le Tribunal fédéral a confirmé la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances (ATF 108 V 226 consid. 3 et 102 V 112 consid. 2c), dans lequel ce dernier avait retenu, s’agissant du champ d’application de l’art. 48 al. 2 deuxième phrase LAI (dès le 1er janvier 2012: art. 48 al. 2 let. a et b LAI), que pour le paiement rétroactif concernant une période qui remonte au-delà des douze mois précédant le dépôt de la demande, est déterminante la connaissance de l’état de fait ouvrant droit à prestations de la part de la personne assurée ou de son représentant légal. Le fait que les tiers désignés à l’art. 66 RAI, autorisés à faire valoir le droit aux prestations, aient au besoin déjà eu connaissance de l’état de fait ouvrant droit à prestations à un moment antérieur ne s’oppose pas à un tel droit au paiement rétroactif.

Consid. 6.3.1
Dans l’ATF 139 V 289, c’est le fils de l’assurée qui avait déposé en avril 2009 une demande d’allocation pour impotence grave en faveur de sa mère atteinte de multiples pathologies. Le droit aux prestations existait depuis le 1er janvier 2005 mais l’allocation n’avait été octroyée qu’à partir du 1er avril 2008, soit douze mois avant le dépôt de la demande. Le Tribunal fédéral a considéré que même si le fils de l’assurée connaissait l’état de santé qui avait entraîné une impotence grave et qu’il aurait pu annoncer sa mère plus tôt – seule son ignorance du droit l’en avait empêché – l’assurée pouvait bénéficier d’un droit au paiement rétroactif de l’allocation pour impotent à partir du 1er janvier 2005 déjà. Dans l’arrêt H 22/02 du 8 juillet 2002, l’assurée, qui souffrait de démence sénile, se trouvait dans un établissement de soins depuis 1995. Le Tribunal fédéral a jugé que la demande d’allocation pour impotent déposée par le mari de l’assurée le 22 février 2000 était tardive et que c’était à juste titre que le paiement rétroactif de l’allocation n’entrait en ligne de compte que pour la période à partir du 1er février 1999, soit pour les douze mois précédant le dépôt de la demande. Les conditions pour un paiement rétroactif plus étendu n’étaient pas remplies, étant donné que le mari de l’assuré était son curateur et qu’il connaissait les faits établissant son droit aux prestations. Dans un arrêt I 141/89 du 1er mars 1990, l’assurée, privée de la capacité de discernement en raison de sa maladie mentale, ne pouvait pas connaître les faits établissant son droit aux prestations. Le Tribunal fédéral des assurances avait jugé que le fait d’être pourvue d’un représentant légal provisoire, lequel avait été empêché de se rendre compte de la gravité de la situation de l’assurée, n’empêchait pas que l’assurée soit mise au bénéfice de l’art. 48 al. 2 LAI. Par ailleurs, le fait que la soeur de l’assurée – à l’origine des démarches visant à obtenir des prestations de l’AI – avait selon toute vraisemblance pu se rendre compte depuis plusieurs années de la maladie, ne suffisait pas non plus à exclure l’application dans le cas d’espèce de l’art. 48 al. 2 LAI, de sorte que l’assurée avait eu droit au versement rétroactif de sa rente d’invalidité.

Consid. 6.3.2
Il résulte de la jurisprudence précitée (consid. 6.3.1 supra), laquelle n’est au demeurant pas remise en cause en tant que telle par les parties, que lorsque la personne assurée n’est pas en mesure de connaître les faits ouvrant son droit aux prestations, il ne s’impose de lui imputer ce que savait et devait savoir un tiers qui l’assiste régulièrement ou prend soin d’elle de manière permanente que si cette personne est officiellement son représentant légal et qu’elle pouvait à son tour connaître les faits établissant le droit aux prestations.

Consid. 7.1
L’autorité de protection de l’adulte prend les mesures appropriées pour garantir l’assistance et la protection de la personne qui a besoin d’aide (art. 388 CC) dans le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité (art. 389 CC). Selon l’art. 390 al. 1 ch. 1 CC, l’autorité de protection de l’adulte institue une curatelle lorsqu’une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d’assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d’une déficience mentale, de troubles psychiques ou d’un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle. Aux termes de l’art. 394 al. 1 CC, une curatelle de représentation est instituée lorsque la personne qui a besoin d’aide ne peut accomplir certains actes et doit de ce fait être représentée. L’art. 395 al. 1 CC permet par ailleurs à l’autorité de protection de l’adulte d’instituer une curatelle ayant pour objet la gestion du patrimoine, en déterminant les biens sur lesquels portent les pouvoirs du curateur; celle-ci est donc une forme spéciale de la curatelle de représentation, destinée à protéger les intérêts d’une personne dans l’incapacité de gérer son patrimoine quel qu’il soit, l’étendue de la mesure étant déterminée par le besoin de protection concret au regard des circonstances (arrêts 5A_103/2024 du 26 septembre 2024 consid. 3.2; 5A_567/2023 du 25 janvier 2024 consid. 3.1.3; 5A_319/2022 du 17 juin 2022 consid. 5.1; 5A_192/2018 du 30 avril 2018 consid. 3.1). Il n’est pas nécessaire que l’intéressé soit incapable de discernement, le besoin de protection et d’aide suffit (HAUSHEER/GEISER/AEBI-MÜLLER, Das neue Erwachsenenschutzrecht, 2 e éd. 2014, n° 2.102 p. 64).

Consid. 7.2
L’art. 389 CC soumet toutes les mesures de protection aux principes de subsidiarité et de proportionnalité. L’application du principe de subsidiarité implique que l’autorité de protection de l’adulte ne peut ordonner une telle mesure que si l’aide dont a besoin la personne concernée ne peut pas être procurée par sa famille, ses proches ou par les services publics ou privés compétents (art. 389 al. 1 ch. 1 CC). Si l’autorité de protection de l’adulte constate que l’aide apportée par ce cercle de personnes ne suffit pas ou estime d’emblée qu’elle sera insuffisante, elle doit ordonner une mesure qui respecte le principe de la proportionnalité, à savoir une mesure nécessaire et appropriée (art. 389 al. 2 CC; ATF 140 III 49 consid. 4.3.1 et les références; parmi d’autres: arrêts 5A_567/2023 précité consid. 3.1.2; 5A_682/2022 du 8 juin 2023 consid. 3.1; 5A_221/2021 du 7 décembre 2021 consid. 5.1).

Consid. 7.3
Le curateur institué devient le représentant légal de la personne concernée dans le cadre des tâches qui lui sont confiées; il l’engage valablement par ses actes ou omissions (YVO BIDERBOST, in Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch, Band I: Art. 1-456 ZGB, 7 e éd. 2022, n° 18 ad art. 394 CC). L’institution d’une curatelle de représentation n’entraîne pas automatiquement une limitation de l’exercice des droits civils de la personne concernée, à moins que l’autorité de protection de l’adulte n’en décide autrement (art. 394 al. 2 CC; AUDREY LEUBA, in Commentaire romand, Code civil I: Art. 1-456 CC, 2 e éd. 2024, n° 17 ss ad art. 394 CC). Par ailleurs, contrairement à ce qui est le cas lors de l’institution d’une mesure de curatelle de portée générale, la curatelle de représentation, même doublée d’une restriction de la capacité civile, n’a aucun impact sur le domicile volontaire (art. 23 et 26 CC) de la personne concernée (AUDREY LEUBA, op. cit., n° 32 ad art. 394 CC).

Consid. 7.4
Selon l’art. 16 CC, est capable de discernement toute personne qui n’est pas privée de la faculté d’agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d’ivresse ou d’autres causes semblables. La notion de capacité de discernement contient deux éléments: un élément intellectuel, la capacité d’apprécier le sens, l’opportunité et les effets d’un acte déterminé, et un élément volontaire ou caractériel, la faculté d’agir en fonction de cette compréhension raisonnable, selon sa libre volonté. La capacité de discernement ne doit pas être appréciée abstraitement mais en rapport avec un acte déterminé, selon la difficulté et la portée de cet acte (ATF 144 III 264 consid. 6.1.1; 134 II 235 consid. 4.3.2). On peut donc imaginer qu’une personne dont la capacité de discernement est généralement réduite puisse tout de même exercer certaines tâches quotidiennes et soit capable de discernement pour les actes qui s’y rapportent; pour des affaires plus complexes, en revanche, on pourra dénier sa capacité de discernement. Alors que l’expérience de la vie plaide généralement en faveur de la présomption de capacité de discernement, cette présomption trouve ses limites et s’inverse là où, en raison de l’état de santé général de la personne concernée, l’expérience de la vie plaide en faveur du fait que la personne doit généralement être considérée comme incapable de discernement (ATF 124 III 5 consid. 4b).

Consid. 7.5
En l’occurrence, l’assuré a atteint sa majorité le 01.09.2014. À partir de cette date, il n’était plus sous autorité parentale. Ses parents n’ont été nommés curateurs de leur fils qu’à partir du 25.08.2022. Pendant la période comprise entre le 01.09.2014 et le 25.08.2022, l’assuré ne disposait donc pas de représentant légal. Rien n’indique, contrairement à ce qu’allègue l’office AI recourant, que ce sont les parents de l’assuré qui ont tardé à requérir une curatelle officielle pour leur fils. Ces derniers ont expliqué dans leur réponse au recours que lorsqu’ils avaient voulu annoncer leur fils au contrôle des habitants lors de leur arrivée en Suisse, ils avaient été orientés dans un premier temps vers l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte qui n’avait pas jugé nécessaire de faire instaurer une curatelle pour établir le domicile de leur fils à Zurich. Lorsque le père de l’assuré a déposé, le 12.07.2021, une première demande de prestations d’assurance-invalidité en faveur de son fils, il n’était pas encore son curateur. Implicitement tout au moins, l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte a admis que les parents de l’assuré aider ce dernier dans ses démarches pour demander des prestations de l’assurance-invalidité en qualité de tiers qui l’assistent régulièrement ou prennent soin de lui de manière permanente, sans qu’il soit nécessaire de lui nommer un représentant légal. Au moment du dépôt de la demande d’allocation pour impotent le 25.03.2022, le père de l’assuré est donc intervenu en qualité de tiers au sens de l’art. 66 RAI, et non en qualité de représentant légal de son fils (art. 304 al. 1 CC a contrario). La situation a changé lorsque les parents de l’assuré ont été nommés ses co-curateurs avec pouvoirs de représentation, notamment dans les affaires sociales et les affaires juridiques. C’est seulement à partir de l’institution de cette mesure de curatelle de représentation que les parents de l’assuré sont devenus ses représentants légaux en l’engageant valablement par leurs actes ou omissions. Dans ces circonstances, c’est sans arbitraire que la juridiction cantonale a considéré que l’assuré ne pouvait pas se voir imputer l’ignorance du droit par ses parents avant la décision du 25.08.2022 et que par conséquent, il pouvait – sous réserve que les autres conditions du droit à la prestation fussent remplies – bénéficier de prestations arriérées pour une période de cinq ans au plus (cf. art. 24 al. 1 LPGA) à compter du dépôt de la demande de prestations, soit dès le 01.03.2017.

Consid. 8.1
Dans un grief très subsidiaire, l’office AI fait encore valoir que si l’on devait considérer que les parents de l’assuré n’avaient pas été ses représentants légaux avant la décision de la Justice de paix du 25.08.2022, l’assuré n’aurait pas pu, en l’absence de discernement, se constituer un domicile en Suisse, lequel est une condition du droit à l’allocation pour impotent.

Consid. 8.2
En vertu de l’art. 42 al. 1 LAI, les assurés impotents (art. 9 LPGA) qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à une allocation pour impotent. Cette disposition pose explicitement l’exigence, entres autres conditions, du domicile et de la résidence habituelle en Suisse (ATF 135 V 249 consid. 4.4).

Consid. 8.3
En vertu de l’art. 13 LPGA, le domicile correspond au domicile civil selon les art. 23 à 26 CC (al. 1), tandis que la résidence habituelle correspond au lieu où la personne concernée séjourne un certain temps même si la durée de ce séjour est d’emblée limitée (al. 2; cf. ATF 141 V 530 consid. 5.1).

Consid. 8.3.1
Au sens des art. 13 al. 1 LPGA et 23 al. 1, 1re phrase, CC, le domicile civil de toute personne est au lieu où elle réside avec l’intention de s’y établir. La notion de domicile contient deux éléments: d’une part, la résidence, soit un séjour d’une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits et, d’autre part, l’intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives (ATF 143 II 233 c. 2.5.2; 141 V 530 c. 5.2; 137 II 122; 127 V 237). Cette intention implique la volonté manifestée de faire d’un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. L’intention de se constituer un domicile volontaire suppose que l’intéressé soit capable de discernement au sens de l’art. 16 CC. Cette exigence ne doit toutefois pas être appréciée de manière trop sévère (ATF 134 V 236 consid. 2.1; 127 V 237 consid. 2c) et peut être remplie par des personnes présentant une maladie mentale (ATF 143 II 233 c. 2.5.2; 141 V 530 c. 5.2).

L’intention d’une personne de se fixer au lieu de sa résidence ne doit pas être examinée de façon subjective, au regard de sa volonté interne, mais à la lumière de circonstances objectives, reconnaissables pour les tiers, permettant de conclure à l’existence d’une telle intention. Pour savoir quel est le domicile d’une personne, il faut tenir compte de l’ensemble de ses conditions de vie, le centre de son existence se trouvant à l’endroit, lieu ou pays, où se focalisent un maximum d’éléments concernant sa vie personnelle, sociale et professionnelle, de sorte que l’intensité des liens avec ce centre l’emporte sur les liens existant avec d’autres endroits ou pays (ATF 125 III 100 consid. 3). Déterminer les conditions de vie d’une personne, son comportement et les liens concrets qu’elle entretient avec un lieu donné relève de l’établissement des faits. En revanche, la conclusion qu’il faut en tirer quant à l’intention de s’établir durablement est une question de droit (cf. ATF 136 II 405 consid. 4.3; 97 II 1 consid. 3; arrêt 4A_588/2017 du 6 avril 2018 consid. 3.2.1).

Consid. 8.3.2
Par résidence habituelle au sens de l’art. 13 al. 2 LPGA, il convient de comprendre la résidence effective en Suisse (« der tatsächliche Aufenthalt ») et la volonté de conserver cette résidence; le centre de toutes les relations de l’intéressé doit en outre se situer en Suisse (ATF 119 V 111 consid. 7b et la référence). La notion de résidence doit être comprise dans un sens objectif, de sorte que la condition de la résidence effective en Suisse n’est en principe plus remplie à la suite d’un départ à l’étranger.

Consid. 8.4
En l’espèce, s’il ne fait pas de doutes que la première des deux conditions cumulatives de l’art. 23 al. 1 CC, soit le séjour d’une certaine durée en Suisse, est réalisée dans le cas de l’assuré, la seconde condition mérite un examen plus approfondi.

Consid. 8.4.1
On relèvera tout d’abord qu’il n’est pas établi, contrairement à ce qu’affirme l’office AI recourant, que l’assuré était privé de sa capacité de discernement, que ce soit au moment de son arrivée en Suisse ou par après. Les juges cantonaux ont certes retenu que l’assuré ne disposait pas d’une capacité de jugement adéquat quant à son état de santé. Ils n’ont cependant pas constaté que ce dernier était incapable de discernement au sens de l’art. 16 CC a contrario. Quoi qu’il en soit, on a vu que la capacité de discernement est une notion relative devant être appréciée concrètement par rapport à un acte déterminé, en fonction de sa nature et de son importance (cf. consid. 7.4 supra; voir aussi ATF 150 III 147 consid. 7.6.1). Elle ne doit en outre pas être appréciée de manière trop sévère lorsqu’elle l’est en lien avec l’intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence (cf. consid. 8.3.1 supra).

Consid. 8.4.2
Il ressort des faits constatés dans l’arrêt attaqué que l’assuré est arrivé en Suisse avec ses parents en mai 2015 et qu’il y réside depuis lors. En raison de son handicap, il dépend de l’assistance de ses parents. Il ne travaille pas, ne séjourne pas dans une institution, même temporairement, mais vit depuis toujours avec ses parents. D’un point de vue objectif, le centre des relations de l’assuré se trouve donc au lieu de résidence de ses parents, lieu où il dort, passe son temps libre et laisse ses effets personnels (DANIEL STAEHELIN, in Basler Kommentar, n° 6 ad art. 23 CC). Au regard des circonstances du cas d’espèce, il y a lieu d’en déduire que l’assuré avait son domicile civil et sa résidence habituelle en Suisse depuis 2015 jusqu’à ce jour. L’office AI n’a du reste pas remis en cause le domicile en Suisse de l’assuré lorsqu’il lui a reconnu le droit à une rente d’invalidité à compter du 01.01.2022.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

Arrêt 8C_32/2024 consultable ici

 

Une étude fournit pour la première fois des données scientifiques sur le COVID long dans l’AI

Une étude fournit pour la première fois des données scientifiques sur le COVID long dans l’AI

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 30.01.2025 consultable ici

 

Les cas de personnes souffrant d’une affection post-COVID-19 – communément appelée COVID long – représentent un peu moins de 2% des nouvelles demandes adressées à l’AI. C’est ce que montre une étude réalisée sur mandat de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) à partir de données disponibles pour la période de 2021 à 2023. Elle fournit pour la première fois des informations scientifiques permettant de mesurer les effets du COVID long sur une période prolongée. Les personnes qui déposent une demande à l’AI à la suite d’un COVID long présentent généralement des symptômes particulièrement graves et une rente leur est plus souvent accordée qu’aux assurés qui ne sont pas atteints par cette maladie.

Fin 2023, environ 2900 personnes s’étaient annoncées à l’AI à la suite d’une atteinte liée au COVID long. Le nombre de ces cas, en augmentation début 2021, a légèrement diminué en 2023. Ils ne représentent cependant que 1,8% des nouvelles demandes, soit une proportion assez faible. Cependant, les personnes atteintes de la maladie présentent souvent des symptômes graves et environ neuf sur dix d’entre elles se retrouvent en incapacité de travail totale. 85% montrent des symptômes de fatigue ou d’intolérance à l’effort. Elles souffrent de fatigue chronique et atteignent rapidement un seuil d’épuisement. 60% d’entre elles souffrent également de troubles cognitifs comme des difficultés à se concentrer ou des troubles neurologiques multiples. Deux tiers des personnes atteintes du COVID long sont des femmes.

Suivant le principe de la primauté de la réadaptation sur la rente, l’AI explore en premier lieu les possibilités de réadaptation pour chaque personne. Dans près de 60% des cas, la capacité de travail s’améliore dans les deux premières années qui suivent l’annonce à l’AI. Pour une part considérable des personnes atteintes de COVID long, en particulier les personnes âgées et celles souffrant de plusieurs atteintes à la santé, l’incapacité de travail reste de 100% même deux ans plus tard. Les améliorations sont soit rapides soit inexistantes.

 

Une rente plus souvent octroyée que pour les autres demandes

Les personnes atteintes du COVID long ont bénéficié de plus de mesures d’instruction et de réadaptation de l’AI que celles appartenant au groupe de référence (personnes ne souffrant pas de COVID long) ; elles sont également plus nombreuses à se voir accorder une rente. À la fin de l’année 2023, 12% des personnes atteintes du COVID long qui avaient déposé leur demande en 2021 ou 2022 percevaient une rente de l’AI. À titre de comparaison, cette même proportion était de 9% dans le groupe de référence. La proportion de rentes octroyées dans des cas de COVID long continuera très probablement d’augmenter. En effet, à la fin 2023, 20% des personnes ayant présenté une demande à l’AI pour COVID long en 2021 percevaient une rente (alors que dans le groupe de référence, cette proportion ne dépassait pas 13%).

L’étude en conclut que pour l’AI également, le COVID long représente une nouvelle maladie à prendre au sérieux, aux conséquences souvent graves. Elle signifie pour l’AI des instructions longues, complexes, et émaillées d’incertitudes. Il est difficile de prévoir à long terme l’évolution du nombre de nouvelles rentes qu’occasionnera le COVID long, du fait que le virus continue à circuler. Leur nombre peut néanmoins être considéré comme peu élevé en regard du total des autres rentes AI en cours (251 000 en 2023) et des nouvelles rentes octroyées chaque année (22 300 en 2023).

 

Lacune comblée par l’étude

L’étude analysant les conséquences du COVID long sur l’AI a permis de dresser un bilan préliminaire sur le nombre de personnes atteintes qui ont déposé une demande à l’AI ainsi que sur les prestations qui leur ont été octroyées. Elle s’appuie sur l’analyse de 500 demandes déposées auprès d’offices AI entre 2021 et 2023 par des personnes atteintes d’une affection post-COVID-19 identifiée comme un COVID long. Les résultats de l’analyse ont été extrapolés à l’ensemble des demandes présentées à l’AI pour la période étudiée. Afin de mieux répertorier les différents cas, l’étude a établi une comparaison avec un groupe de référence constitué de personnes ayant présenté une demande à l’AI sans être atteintes de cette maladie.

Cette étude comble une lacune en observant l’évolution de cas avérés de COVID long sur une durée significative de près de trois ans. Par contre, les renseignements ponctuels relatifs au diagnostic de cette affection et aux prestations octroyées à ce titre ne sont ni complets ni précis, pour les raisons suivantes :

  • toutes les demandes présentées à l’AI ne sont pas accompagnées d’un diagnostic médical attestant d’un «COVID long» ;
  • le tableau clinique de certains assurés évolue entre le moment de la demande et celui de la décision de l’AI. Dans certains cas, il se peut que l’AI ait accordé des mesures de réadaptation et que l’assuré ait donc bénéficié de prestations au moment de l’enquête, mais ne perçoive pas de rente à ce moment-là. Cela n’exclut pas l’octroi ultérieur d’une rente ;
  • une rente n’est octroyée que lorsque l’assuré présente une incapacité de travail de 40% au moins en moyenne sur une durée d’un an et qu’il continuera, selon toute probabilité, de présenter une incapacité de 40% au moins. Même dans les cas ne présentant aucun potentiel de réadaptation, il se peut que la rente n’ait pas encore été octroyée au moment de l’enquête, pour des raisons liées au fonctionnement de l’assurance.

 

Quel est l’objectif des instructions de l’AI ?

L’objectif de l’AI est de permettre aux personnes atteintes dans leur santé de conserver malgré tout une activité lucrative et ainsi de rester autonomes. Une rente n’est envisagée que lorsque la réadaptation n’est pas possible. L’octroi d’une rente peut donc prendre plusieurs années.

L’AI a l’obligation de traiter toutes les personnes de manière égale, quelle que soit leur maladie ou l’atteinte à leur santé. L’AI n’a pas de procédures propres aux diagnostics, et, par définition, aucun diagnostic ne donne en soi droit à des prestations. L’instruction des demandes est un processus individuel qui se déroule en fonction de l’état de santé et de la situation professionnelle de l’assuré. Les offices AI peuvent s’appuyer sur la large variété des disciplines médicales couvertes par les centres d’expertise pour l’examen des cas, dont la complexité est souvent liée à la diversité des symptômes. Les recommandations formulées par la Swiss Insurance Medicine (SIM), en collaboration avec l’université de Bâle, sur l’examen des cas de COVID long du point de vue de la médecine des assurances servent de guide aux centres d’expertise et sont régulièrement mises à jour.

 

Résumé du rapport de recherche 2/25 « Auswirkungen von Long-Covid auf die Invalidenversicherung »

Le domaine Assurance-invalidité (AI) de l’OFAS a été chargé d’établir un rapport en réponse au postulat de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) (21.3454) «Conséquences du « Covid long »», adopté par le Conseil national. L’étude analyse les conséquences du COVID long sur l’AI en se fondant sur l’état actuel des connaissances et sur les expériences acquises dans le domaine. Le résultat de cette étude sera synthétisé dans le rapport demandé à l’administration en réponse au postulat.

Problématique et procédure

L’étude a plusieurs objectifs.

Le premier est de dresser un état des lieux des connaissances disponibles actuellement sur le COVID long, sur la base d’une analyse de la littérature, afin de mieux classifier les résultats et observations empiriques sur les cas de COVID long dans l’AI.

Le deuxième consiste à déterminer le nombre de cas de COVID long ayant déposé une demande de prestations à l’AI, les prestations et mesures accordées tant au niveau de l’instruction que de l’intervention précoce et de la réadaptation, et le nombre des rentes octroyées (état fin 2023). Pour cela, l’étude s’est appuyée sur l’analyse quantitative d’un échantillonnage d’environ 500 dossiers tirés du monitoring du COVID que réalisent les offices AI depuis début 2021. Les informations issues de cette analyse ont permis de dresser un tableau de la situation du point de vue de l’état de santé, de l’incapacité de travail, et de l’examen du droit à la rente des personnes atteintes du COVID long ayant déposé une demande à l’AI. Les enseignements de l’analyse de dossiers ont été complétés par les informations tirées des données des registres AI, entre autres, des octrois de prestations. À des fins d’évaluation, les chiffres résultant de l’analyse des cas de COVID long ont été comparés à ceux d’un groupe témoin de personnes sans COVID long ayant déposé une demande auprès de l’AI pendant la même période.

Le troisième objectif est d’obtenir, au moyen d’une enquête en ligne menée auprès de tous les offices AI, une vue d’ensemble des expériences faites avec des cas de COVID long. Cette enquête ne portait pas sur l’analyse et l’appréciation des processus, des décisions et des octrois de prestations, ni sur la perception du soutien de l’AI par les personnes concernées.

 

Analyse des connaissances actuelles sur le COVID long dans la littérature

Les connaissances sur le COVID long ne sont pas définitives, car elles ne cessent de progresser. L’OMS définit le COVID long comme l’ensemble des symptômes apparus dans les trois mois suivant une infection au virus SARS-CoV-2 et dont la manifestation dure au moins deux mois. La prévalence de COVID long auprès des cas infectés par le virus SARS-CoV-2 est estimée à 5%, avec une proportion moindre de cas graves et persistants. Ces derniers sont spécialement pertinents pour la problématique de cette étude, puisqu’il s’agit de patients gravement atteints qui, après douze mois ou plus, éprouvent toujours de grandes difficultés à accomplir les tâches du quotidien et dont la capacité de travail est fortement réduite. La plupart des personnes atteintes de COVID long se trouvaient dans un état moyennement grave pendant la partie aiguë de la maladie ; les femmes, les personnes plus âgées et celles atteintes de maladies chroniques sont particulièrement touchées. La probabilité de contracter le COVID long semble avoir diminué au cours de la pandémie, notamment en raison de l’apparition de nouveaux variants du virus et de l’immunité accrue de la population.

Les symptômes du COVID long sont multiples ; environ 200 d’entre eux sont documentés. Les groupes de symptômes les plus courants sont des troubles des voies respiratoires, des problèmes cardio-vasculaires, une fatigue excessive et des troubles cognitifs. Dans de nombreux cas chroniques de COVID long, les symptômes s’apparentent à une encéphalomyélite myalgique, ou syndrome de fatigue chronique (EM/FSC), qui réduit considérablement la capacité de travail. Il existe des tests spécifiques à certains symptômes, mais pas de marqueurs généraux permettant de diagnostiquer les cas de COVID long. Les thérapies possibles se limitent au soulagement des symptômes et aux stratégies d’adaptation. Le pacing et les techniques pour éviter le surmenage sont très importants pour les patients atteints de fatigue avec intolérance à l’effort, car ils permettent d’éviter une aggravation. Le pronostic pour les patients chroniques gravement atteints n’est pas bon : un grand nombre d’entre eux souffriront probablement à vie d’importantes limitations dans leur quotidien et leur capacité de travail.

 

Cas de COVID long à l’AI

Fin 2023, le nombre des personnes atteintes de symptômes du COVID long ayant fait une demande à l’AI atteignait 2900 au moins. Dans environ un cas sur sept, soit assez rarement, la demande liée au COVID long vient s’ajouter à une procédure AI déjà en cours. Ces personnes sont représentées dans l’échantillon LC1 qui couvre ces cas précis. Pour la grande majorité des cas de COVID long annoncés à l’AI, il s’agit d’une première demande ; ces cas sont représentés dans l’échantillon LC2 (nouvelles demandes pour cause de COVID long).

La majorité de ces demandes est parvenue à l’AI entre 4 et 12 mois après l’infection au COVID, une plus faible partie, plus d’un an après. Les femmes risquent moins que les hommes de souffrir de symptômes graves pendant la phase aiguë de l’infection au COVID, mais elles sont plus nombreuses à être touchées par le COVID long, selon les connaissances actuelles. Ce schéma se retrouve dans les demandes AI liées au COVID long : les femmes constituent près des deux tiers (64%) de ces demandes et sont donc nettement surreprésentées.

Le nombre de demandes déposées auprès de l’AI à la suite d’un COVID long a augmenté depuis début 2021, puis régressé depuis fin 2022. Ces demandes représentent 1,8% de toutes les nouvelles demandes AI déposées pour la même période, dont 1,6% sont liées exclusivement au COVID long. Il est possible que le nombre de cas de COVID long enregistré par l’AI soit sous-estimé dans cette étude, étant donné qu’elle ne prend en considération que les cas dont le dossier comportait, en août 2023, un avis médical attestant ou supposant explicitement la présence d’un COVID long. Il existait ainsi au moment de l’analyse de dossiers un millier de cas ne présentant (encore) aucune indication claire d’atteinte du COVID long, selon le monitoring réalisé en 2021/2022. Ce nombre représente environ un tiers des personnes considérées par le monitoring. Il est possible qu’entre-temps, les symptômes d’un COVID long aient été médicalement attestés pour une partie d’entre elles. On peut également supposer que nombre de personnes concernées ne s’annoncent à l’AI que très tard, voire pas du tout et n’apparaissent donc pas (encore) dans les données disponibles. Il n’est pas possible d’estimer ce nombre. Il reste à établir combien de personnes se retrouveront à l’avenir à l’AI parce qu’elles présentent des symptômes caractéristiques du COVID long (par ex. EM/FSC) sans lien avec une infection du COVID.

Comme évoqué plus haut, les symptômes du COVID long sont multiples. Parmi les personnes ayant fait une demande à l’AI, un nombre remarquable de patients souffre de fatigue/intolérance à l’effort (présente dans 85% des cas) et de troubles neurocognitifs (60% des cas). Ces chiffres indiquent que les personnes qui déposent une demande à l’AI en raison d’un COVID long présentent des symptômes particulièrement graves, affectant fortement leurs fonctions. Cela se retrouve dans leur incapacité de travail au moment de l’annonce : dans neuf cas sur dix, elle est de 100%.

Comme l’indique la recherche, le COVID long touche les jeunes comme les vieux, les personnes en bonne santé comme les malades chroniques. Un tiers des personnes à l’AI à la suite d’un COVID long ne souffre d’aucune autre affection et était en bonne santé avant l’affection au COVID-19. La littérature ne livre actuellement aucune information claire sur d’éventuelles maladies chroniques comportant un risque accru de COVID long. Parmi les cas de COVID long, la part des personnes souffrant également d’une maladie chronique (cas de comorbidité) est de 66%, soit un taux supérieur à celui de l’ensemble de la population ; c’est ce que montre une comparaison avec les données sur la santé de la population suisse. De plus, la distinction entre les symptômes du COVID long et ceux de certaines autres maladies chroniques, telles que les maladies cardio-vasculaires et rénales, n’est pas toujours très claire. De même, il n’est toujours possible de faire une distinction entre les troubles cognitifs et psychiques liés au COVID long comme les troubles du sommeil ou de l’anxiété, le syndrome de stress post-traumatique ou la dépression, et les troubles psychiques préexistants. Il se peut donc que la proportion des cas de comorbidité prise en compte dans cette étude soit surévaluée. Par ailleurs, on observe que plus la demande à l’AI est ancienne, plus les comorbidités sont fréquentes, ce qui semble indiquer que, dans une partie des cas, il ne s’agit pas réellement de maladies préexistantes, mais plutôt de symptômes ou de conséquences du COVID long lui-même.

Dans 60% des cas, une amélioration de la capacité de travail est constatée dans les deux ans qui suivent l’annonce à l’AI. Pour une part considérable des personnes atteintes de COVID long, dont les personnes plus âgées et celles souffrant de plusieurs atteintes à la santé, l’incapacité de travail reste de 100%, même après deux ans. Dans la plupart des cas, une amélioration se présente soit rapidement, soit pas du tout. Une personne sur quatre perd son emploi dans les un à deux ans qui suivent le dépôt de la demande de prestation à l’AI pour cause de COVID long. On ne dispose pas de données permettant de comparer ces chiffres avec ceux des demandes à l’AI liées à d’autres atteintes à la santé pour une période similaire. La comparaison avec les résultats d’une autre étude sur le sujet (Guggisberg et al. 2023) laisse néanmoins présumer que le risque de perdre son emploi est plus élevé pour les personnes atteintes du COVID long que pour les autres. Cette étude montre qu’en 2017, une personne sur quatre perdait son emploi dans les quatre années suivant une nouvelle demande à l’AI. Dans les participants à notre enquête faisant partie de l’échantillon LC2, une personne sur quatre avait déjà perdu son emploi deux ans seulement après sa demande.

 

Mesures d’instruction et de réadaptation

L’analyse de la présente étude porte sur la quantité, la rapidité et le coût des mesures d’instruction et de réadaptation accordées à des assurés atteints de COVID long, en comparaison avec ceux du groupe témoin. Ses résultats montrent que, dans les cas de COVID long, le nombre de mesures octroyées dans les 12 à 24 mois suivant la demande tend à être supérieur au nombre de mesures octroyées pour le groupe témoin. Cette tendance peut être une indication que les personnes souffrant du COVID long doivent faire face à des limitations plus graves. L’analyse distingue les mesures déjà décidées et facturées de celles pour lesquelles une décision a été rendue mais qui n’ont pas encore été facturées. Lorsqu’une mesure a fait l’objet d’une décision et d’une facture, il est certain qu’elle a effectivement été exécutée et n’a pas, par exemple, été reportée en raison d’une modification de l’état de santé de la personne.

 

Vue d’ensemble des principaux chiffres

Mesures d’instruction médicales et professionnelles : pour 10,2% des personnes concernées par le COVID long, au moins une mesure d’instruction a été décidée dans les 12 mois suivant le dépôt de la demande, et dans 4,3% des cas, une mesure a déjà été facturée, soit le double des chiffres du groupe témoin. Dans ce groupe, seules 4,2% des personnes ont reçu une décision de mesure d’instruction médicale ou professionnelle, et la prestation n’a déjà été facturée que dans 2,9% des cas. Le coût moyen des mesures d’instruction des cas de COVID long est légèrement supérieur et la dispersion du coût, légèrement plus élevée que celles du groupe témoin. Le délai moyen avant la décision de mesure d’instruction est d’environ huit mois pour le groupe témoin et d’un peu plus de huit mois pour les cas de COVID long.

Mesures de réadaptation (y c. mesures d’intervention précoce) : 47,1% des personnes atteintes du COVID long se sont vu octroyer au moins une mesure de réadaptation dans les 12 mois suivant le dépôt de la demande, soit légèrement plus que le groupe témoin (41,6%). Il s’agit le plus souvent de mesures d’intervention précoce (COVID long : 39,6%, groupe témoin : 31,5%). Les mesures de réinsertion (COVID long : 9,4%, groupe témoin : 5,7%) et les mesures d’ordre professionnel (COVID long : 12,4%, groupe témoin : 9,7%) sont accordées aux deux groupes avec une fréquence similaire. Le coût moyen par bénéficiaire de mesures de réadaptation (y c. mesures d’intervention précoce) est d’environ 5000 francs. Ce montant est sensiblement le même pour les cas de COVID long que pour le groupe témoin. Le coût par bénéficiaire de prestations chez les personnes atteintes de COVID long est légèrement inférieur mais comparable à celui du groupe témoin, toutes mesures de réadaptation confondues (intervention précoce comprise). Pour les deux groupes, le délai moyen de décision est d’environ deux mois pour les mesures d’intervention précoce et d’environ huit mois pour les mesures d’ordre professionnel et les mesures de réinsertion.

 

Rentes

Pour un peu moins de la moitié (45%) de toutes les demandes déposées à la suite d’un COVID long (échantillon LC2), une décision relative à l’octroi d’une rente a été rendue dans les 24 mois suivant la demande. Dans un peu plus d’un tiers de ces cas, une rente était octroyée, dans les deux tiers restants, elle était refusée. Ces informations proviennent de l’analyse des dossiers. Une décision d’octroi de rente dans les cas de COVID long prend en règle générale plus longtemps (médiane : 19 mois) qu’une décision de refus (médiane : 11 mois). Aucunes données de comparaison ne sont disponibles pour le groupe témoin, étant donné que la date de la décision figure uniquement dans le dossier et non dans le registre dont sont tirées les données du groupe témoin.

En revanche, les informations de ce registre permettent de savoir qui percevait une rente AI en décembre 2023, tant chez les personnes atteintes du COVID long que chez le groupe témoin. En tout, 12% des personnes de l’échantillon LC2 (nouvelles demandes 2021/2022 liées au COVID long) et 9% du groupe témoin (nouvelles demandes 2021/2022 sans COVID long) percevaient une rente en décembre 2023. Ce pourcentage augmentera à mesure que les décisions encore en suspens seront prises. L’on peut donc présumer qu’une part des personnes pour lesquelles l’examen du droit à la rente n’est pas encore achevé recevra une rente. C’est ce que l’on peut déduire si l’on compare les taux de bénéficiaires de rente en fonction de l’année de la demande. 20% des personnes atteintes du COVID long ayant déposé leur demande en 2021 percevaient une rente fin 2023, contre seulement 6% de celles l’ayant déposée en 2022. Le taux de bénéficiaires de rente du groupe témoin ayant déposé leur demande en 2021 n’était que de 13% et celui des bénéficiaires l’ayant déposée en 2022, de 6%. Étant donné que tous les bénéficiaires n’ont pas droit à une rente entière, les taux de rentes pondérées méritent attention. La proportion des personnes de l’échantillon LC2 (demande en 2021/2022) bénéficiaires d’une rente pondérée était de 9%, un chiffre légèrement supérieur au taux du groupe témoin (8%). La proportion des demandes liées au COVID long de 2021 bénéficiaires d’une rente pondérée était de 14%, un chiffre légèrement supérieur au taux du groupe témoin (11%).

Les différences en matière d’octroi de rente observées entre certaines catégories de personnes dans le groupe témoin se retrouvent également chez les assurés atteints de COVID long. Une rente est octroyée aux hommes plus souvent qu’aux femmes, aux jeunes moins fréquemment qu’aux plus âgés ; le taux de bénéficiaires de rente est plus élevé dans les cantons latins que dans les cantons alémaniques.

 

Évaluation et expériences des offices AI

Près de quatre après le début de la pandémie, la plupart des offices AI de Suisse n’observent pas d’augmentation remarquable du nombre de cas ni de conséquences directes sur la charge de travail de leurs collaborateurs. Cette évaluation se reflète dans les indications des analyses statistiques selon lesquelles la part des cas de COVID long ne représente qu’une faible proportion des nouvelles demandes à l’AI et que sa tendance est à la baisse. De manière générale, les offices AI pensent être en mesure d’examiner le droit aux prestations dans les cas de COVID long et de soutenir les personnes concernées à l’aide des moyens et instruments actuels, sans modification spécifique du processus. Jusqu’à présent, l’impact du COVID long s’est surtout ressenti dans le fait que l’instruction des demandes correspondantes est souvent gourmande en ressources et empreinte de grandes incertitudes (diagnostic, évaluation des limitations fonctionnelles, potentiel de réadaptation). C’est en particulier le symptôme de fatigue/intolérance à l’effort présent dans la majorité des cas qui constitue un défi spécifique, car il s’agit là d’un symptôme peu objectivable et difficile à instruire. Les mesures de réinsertion dans les cas de COVID long revêtent une importance toute particulière, car ces mesures sont faciles d’accès et adaptées aux cas des personnes atteintes de fatigue/intolérance à l’effort. Bien que de nombreux offices AI considèrent le COVID long comme un phénomène plutôt marginal (du point de vue quantitatif), l’enquête menée auprès des offices AI et des SMR a montré que les sondés peinaient à évaluer aujourd’hui ses conséquences à long terme pour l’AI.

 

Considérations finales

Ce mandat a été l’occasion d’évaluer brièvement et de synthétiser l’état actuel des connaissances sur le COVID long et, lorsque c’était possible, de le corréler avec les observations empiriques de l’AI sur les cas de COVID long. Les données à disposition permettent de tirer un premier bilan sur le nombre de personnes atteintes du COVID long ayant déposé une demande à l’AI et sur les prestations et mesures qui leur ont été octroyées en matière d’instruction, de réadaptation et de rentes, à la fin 2023. Le recours à un groupe témoin composé de personnes s’étant annoncées à l’AI durant la même période pour une autre raison que le COVID long a permis une appréciation des résultats concernant le nombre, la rapidité de l’octroi et le coût des prestations accordées dans les cas de COVID long. Les expériences et les avis recueillis dans l’enquête menée en ligne auprès des offices AI sur les conséquences du COVID long pour l’assurance-invalidité ont permis de compléter le tableau.

D’un point de vue médical, les patients atteints du COVID long souffrent de symptômes graves limitant fortement leurs fonctions. 9 personnes concernées sur 10 sont en incapacité de travail à 100% au moment de la demande. La majorité d’entre elles (85%) souffrent de fatigue/intolérance à l’effort, souvent combinée à d’autres symptômes tels que des troubles neurocognitifs ou, dans une moindre mesure, des troubles respiratoires ou cardio-vasculaires. Il est donc vraisemblable qu’une part considérable des cas de COVID long annoncés à l’AI souffre d’encéphalomyélite myalgique ou syndrome de fatigue chronique (EM/FSC). L’EM/FSC est une maladie chronique lourde et complexe qui se manifeste par une fatigue persistante, des douleurs et des troubles cognitifs, avec une aggravation des symptômes post-exercice. Les techniques pour éviter le surmenage, en particulier le pacing, sont indiquées dans ces cas, étant donné que le forçage peut mener à une aggravation durable de l’état du patient. Ce constat est à prendre en compte, en particulier dans les mesures de réadaptation.

Du fait qu’il n’existe à ce jour aucune thérapie efficace reconnue pour soigner le COVID long ou l’EM/FSC, et que les pronostics de ces maladies ne sont pas favorables (Renz-Polster & Scheibenbogen, 2022), on peut s’attendre à ce que l’état de santé d’une partie de la population atteinte de COVID long ne s’améliore ni sur le moyen ni sur le long terme et que les personnes concernées doivent apprendre à vivre avec ces troubles chroniques. De plus, ces personnes ne sont souvent pas prises en charge de manière adéquate. Partout dans le monde, les systèmes de santé et de sécurité sociale recherchent des solutions tant pour gérer cette nouvelle maladie que pour soulager les personnes qui en souffrent (The Economist, 2024). Cela signifie que, pour l’AI, cette nouvelle maladie est à prendre au sérieux, avec toute la charge de sa pathologie. Il est difficile de prévoir à long terme l’évolution du nombre de nouvelles rentes qu’occasionnera le COVID long. Ce nombre peut néanmoins être considéré comme marginal en regard du total des autres rentes AI en cours (251 000 en 2023) et des nouvelles rentes octroyées chaque année (22 300 en 2023). Étant donné que d’autres variants du virus SARS-CoV-2 sont amenés à circuler, il est très probable que le nombre de nouveaux cas ne diminuera pas.

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 30.01.2025 consultable ici

Rapport de recherche 2/25 « Auswirkungen von Long-Covid auf die Invalidenversicherung » disponible ici (en allemand, avec avant-propos et résumé en français)

 

Uno studio fornisce per la prima volta dati scientifici sulla sindrome post COVID-19 nell’AI, comunicato stampa dell’UFSP del 30.01.2025 disponibile qui

Studie liefert erstmals wissenschaftliche Angaben zu Long-Covid in der IV, Medienmitteilung des BAG vom 30.01.2025 hier abrufbar