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8C_150/2018 (f) du 08.11.2018 – Lésion assimilée à un accident – Lésion de la coiffe des rotateurs – 9 al. 2 OLAA / Mouvement lors d’un exercice de musculation – Pas de potentiel de danger accru

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_150/2018 (f) du 08.11.2018

 

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Lésion assimilée à un accident – Lésion de la coiffe des rotateurs / 9 al. 2 OLAA

Mouvement lors d’un exercice de musculation – Pas de potentiel de danger accru

 

Assuré, né en 1968, s’est blessé le 09.09.2014 au niveau de l’épaule droite en faisant du « lifting » (déclaration d’accident du 26.05.2015). Le médecin consulté le 24.09.2014 a retenu une déchirure partielle du tendon sous-scapulaire droit. Une échographie de l’épaule droite réalisée le 06.10.2014 montrait une très probable désinsertion de la partie supérieure du tendon subscapulaire associée à une subluxation interne du tendon long chef du biceps, la présence d’une calcification pré-insertionnelle du tendon supra-spinatus et une arthrose acromio-claviculaire liée probablement aux surcharges mécaniques. Il n’existait pas de signe de déchirure ni même de fissuration du tendon. Dans un questionnaire du 16.06.2015, l’assuré a fait la description suivante de l’événement survenu le 09.09.2014 : « Je faisais des exercices de musculation à la maison et j’ai senti une douleur dans mon épaule d’un coup ». A la question de savoir s’il s’était produit quelque chose de particulier tel que coup, chute ou glissade, le prénommé a répondu par la négative.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié le droit de l’assuré à des prestations LAA pour l’événement du 09.09.2014, au motif qu’il ne remplissait pas les critères d’un accident et que ses suites ne constituaient pas non plus une lésion corporelle assimilée à un accident.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1123/2017 – consultable ici)

Selon la juridiction cantonale, les efforts qu’a fournis l’assuré le 09.09.2014 étaient volontaires et sans perte de maîtrise, de sorte qu’ils ne pouvaient être considérés comme manifestement excessifs pour un homme habitué à ce type d’exercices. Ce dernier ne prétendait par ailleurs pas avoir fait un faux mouvement ou un mouvement non coordonné par exemple. Selon les premiers juges, les efforts exercés sur les tendons ne constituent pas, à eux seuls, une cause dommageable extérieure en l’absence d’un risque pour le moins accru – absent en l’occurrence – en regard d’une sollicitation normale de l’organisme. Aussi, en l’absence d’une cause extérieure externe au corps humain d’une certaine importance, les troubles constatés ne pouvaient être mis à la charge de l’assureur-accidents.

Par jugement du 07.12.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

En l’espèce, il n’est pas contesté que l’événement survenu le 09.09.2014 ne constitue pas un accident au sens de l’art. 4 LPGA, faute de facteur extérieur extraordinaire. Par conséquent, pour que l’assurance-accidents soit tenue de prendre en charge les suites qui en découlent, il faut que l’on se trouve en présence d’une lésion assimilée à un accident (art. 9 al. 2 OLAA en lien avec l’art. 6 al. 2 LAA, teneur en vigueur jusqu’au 31.12.2016).

Il n’est pas non plus contesté que l’atteinte au niveau de l’épaule présentée par l’assuré constitue une déchirure de tendon tombant sous le coup de l’art. 9 al. 2 let. f OLAA. La jurisprudence (ATF 143 V 285; 139 V 327; 129 V 466) a précisé les conditions d’octroi des prestations en cas de lésion corporelle assimilée à un accident. C’est ainsi qu’à l’exception du caractère « extraordinaire » de la cause extérieure, toutes les autres conditions constitutives de la notion d’accident doivent être réalisées (cf. art. 4 LPGA). En particulier, en l’absence d’une cause extérieure – soit d’un événement similaire à un accident, externe au corps humain, susceptible d’être constaté de manière objective et qui présente une certaine importance -, fût-ce comme simple facteur déclenchant des lésions corporelles énumérées à l’art. 9 al. 2 OLAA, les troubles constatés sont à la charge de l’assurance-maladie. L’existence d’une lésion corporelle assimilée à un accident doit ainsi être niée dans tous les cas où le facteur dommageable extérieur se confond avec l’apparition (pour la première fois) de douleurs identifiées comme étant les symptômes des lésions corporelles énumérées à l’art. 9 al. 2 let. a à h OLAA (ATF 129 V 466 consid. 4.2.1 p. 469).

L’exigence d’un facteur dommageable extérieur n’est pas non plus donnée lorsque l’assuré fait état de douleurs apparues pour la première fois après avoir accompli un geste de la vie courante. La notion de cause extérieure présuppose qu’un événement générant un risque de lésion accru survienne. Tel est le cas lorsque l’exercice de l’activité à la suite de laquelle l’assuré a éprouvé des douleurs incite à une prise de risque accrue, à l’instar de la pratique de nombreux sports. L’existence d’un facteur extérieur comportant un risque de lésion accru doit être admise lorsque le geste quotidien en cause équivaut à une sollicitation du corps, en particulier des membres, qui est physiologiquement plus élevée que la normale et dépasse ce qui est normalement maîtrisé du point de vue psychologique (ATF 143 V 285 consid. 2.3 p. 288; 139 V 327 consid. 3.3.1 p. 329). C’est la raison pour laquelle les douleurs identifiées comme étant les symptômes de lésions corporelles au sens de celles énumérées à l’art. 9 al. 2 OLAA ne sont pas prises en considération lorsqu’elles surviennent à la suite de gestes quotidiens accomplis sans qu’interfère un phénomène extérieur reconnaissable. A eux seuls, les efforts exercés sur le squelette, les articulations, les muscles, les tendons et les ligaments ne constituent pas une cause dommageable extérieure en tant qu’elle présuppose un risque de lésion non pas extraordinaire mais à tout le moins accru en regard d’une sollicitation normale de l’organisme (ATF 129 V 466 consid. 4.2.2 p. 470).

Il est vrai, comme l’admet l’assuré lui-même, qu’on ne saurait se fonder sur la seule pratique d’une activité sportive pour justifier un potentiel de danger accru (cf. arrêt 8C_147/2014 du 16 juillet 2014, consid. 3.3). Admettre le contraire signifierait que la même séquence de mouvements devrait être jugée différemment selon qu’elle aurait eu lieu au cours d’une randonnée pédestre par exemple, ou pendant un match de boxe. Néanmoins, les circonstances spécifiques de l’activité à l’origine de la douleur doivent également être prises en compte, car dans certains cas il n’est guère possible de déterminer avec précision quel mouvement effectif a réellement déclenché la lésion. Même s’il y a lieu d’admettre une situation de risque généralement plus élevé dans de nombreuses activités sportives, un facteur externe avec un potentiel de danger accru n’est présent que si l’activité en question est associée à une sollicitation physiologiquement plus élevée que la normale et dépasse ce qui est normalement maîtrisé du point de vue psychologique.

Dans l’arrêt 8C_40/2014 du 8 mai 2014, le Tribunal fédéral a admis l’obligation de prise en charge par l’assureur-accidents d’une lésion assimilée à un accident survenue lors d’un saut depuis la position accroupie (« Squat-Jumpig »), en raison de l’effort déployé et du changement permanent et rapide de charge lors des séquences de mouvements dans leur ensemble. Dans l’arrêt 8C_295/2015 du 8 septembre 2015, la personne assurée a subi une rupture du ménisque lors d’un entraînement au cours duquel elle sautait sur une jambe et donnait des coups de genou avec l’autre jambe dans le but de frapper un adversaire, en l’occurrence son entraîneur de fitness, qui se protégeait avec des gants. Selon le Tribunal fédéral, le procédé était comparable à celui d’un exercice d’auto-défense avec un partenaire ou de la pratique dite du « Squat-Jumping » (cf. SVR 2014 UV n° 30 p. 100, 8C_147/2014 du 16 juillet 2014, consid. 3.5).

En l’occurrence, que ce soit dans la déclaration d’accident du 26.05.2015 ou dans le questionnaire détaillé rempli 16.06.2015, l’assuré n’a signalé aucun mouvement incontrôlé, trébuchement, faux pas, faux mouvement, etc. Il a indiqué avoir ressenti une vive douleur, d’un coup, en faisant de la musculation chez lui. L’apparition de la douleur en tant que telle n’est pas un facteur extérieur dommageable. Contrairement aux exemples cités plus haut, la musculation ne comporte pas de mouvements brusques, saccadés et incontrôlés, mais plutôt une séquence de mouvements réguliers dans le cadre d’une sollicitation du corps physiologiquement normale et maîtrisée du point de vue psychologique.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_150/2018 consultable ici

 

 

8C_548/2018 (f) du 07.11.2018 – Morsure de tique – Causalité naturelle / 4 LPGA – 6 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_548/2018 (f) du 07.11.2018

 

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Morsure de tique – Causalité naturelle / 4 LPGA – 6 LAA

 

Assurée, née en 1973, greffière, a été victime le 27.06.2014 d’une morsure de tique. Le 04.07.2014, elle a consulté son médecin de famille, spécialiste en médecine interne générale, lequel a constaté un érythème migrant et un méningisme clinique, et a prescrit un traitement antibiotique. Par la suite, divers examens médicaux ont été pratiqués afin de déterminer la nature et l’origine des troubles de l’assurée. Un spécialiste en neurologie a écarté la possibilité d’une neuroborréliose et évoqué une éventuelle maladie démyélinisante. Un second spécialiste en neurologie a exclu également une neuroborréliose, du fait de la négativité des tests sérologiques, sans que cela ne mette en doute la probabilité d’un tableau méningitique après morsure de tique sur un autre agent non identifié à ce stade. Une spécialiste en radiologie et neuroradiologie diagnostique a expliqué qu’il n’y avait pas d’arguments de laboratoire pour une maladie de Lyme. Après avoir soumis le cas à sa division de médecine du travail, l’assurance-accidents a refusé de prendre en charge les suites de l’accident du 27.06.2014, au motif qu’un lien de causalité entre celui-ci et les troubles annoncés n’était pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 65/16 – 68/2018 – consultable ici)

Le dossier de l’AI a été versée à la procédure. Y figurait en particulier un rapport d’expertise pluridisciplinaire du Centre d’Expertises Médicales (CEMed), concluant à un « status après probable méningoencéphalite d’origine indéterminée (juin 2014) avec un tableau post-infectieux persistant ».

Par jugement du 06.06.2018, admission partielle du recours par le tribunal cantonal. Les juges cantonaux ont considéré que le traitement antibiotique administré en raison de la présence d’un érythème migrant et l’incapacité de travail liée au méningisme primaire devaient être pris en charge par l’assurance-accidents. En revanche, l’assureur n’était pas tenu de verser des prestations en raison des symptômes chroniques qui ont persisté à la fin du traitement antibiotique.

 

TF

Dans le rapport du second spécialiste en neurologie, le médecin indique certes que le tableau actuel est compatible avec un syndrome post-infectieux mais il n’est pas en mesure d’en identifier l’agent.

En outre, il n’apparaît pas en soi contradictoire (de la part des médecins du CEMed) de constater l’existence de troubles sur le plan somatique et de considérer qu’il n’incombe pas à l’assurance-accidents de les prendre en charge. Le caractère objectivable d’une atteinte ne signifie pas pour autant qu’il existe assurément un lien de causalité naturelle et adéquate avec un événement accidentel antérieur.

Enfin, même en tenant compte des difficultés liées à l’établissement diagnostique d’une infection par morsure de tique, il n’en reste pas moins qu’aucun des médecins consultés n’a identifié l’agent pathogène à l’origine des troubles de l’assurée malgré les tests et examens pratiqués. Le seul fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu’après la survenance d’un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc »; cf. ATF 119 V 335 consid. 2b/bb p. 341 s.; arrêt 8C_331/2015 du 21 août 2015 consid. 2.2.3.1, in SVR 2016 UV n° 18 p. 55). Dans ces conditions, on ne saurait d’emblée rattacher les symptômes chroniques de l’assurée à une cause accidentelle, en l’espèce la morsure de tique, d’autant moins que le médecin de famille de l’assurée a mentionné une amélioration spectaculaire à la suite du traitement antibiotique initial.

Il n’y a pas non plus lieu d’ordonner une expertise complémentaire. En effet, dans la procédure d’octroi de prestations d’assurance sociale, il existe un droit formel à une expertise médicale qu’en cas de doutes quant à la fiabilité et la pertinence des constatations des médecins internes à l’assurance (cf. ATF 135 V 465 consid. 4 p. 467 ss). En outre, on voit mal quelles autres mesures médicales, qui n’auraient pas déjà été mises en œuvre par les médecins consultés, permettraient d’établir le lien de causalité invoqué par l’assurée.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_548/2018 consultable ici

 

 

8C_687/2017 (f) du 24.10.2018 – Révision procédurale – Fait nouveau pertinent / 53 al. 1 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_687/2017 (f) du 24.10.2018

 

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Révision procédurale / 53 al. 1 LPGA

Fait nouveau pertinent

 

Assurée, née en 1977, travaillant à 75 %, a été victime d’un accident le 05.05.2011 (chute en arrière sur les fesses d’une hauteur environ de 2 mètres). Elle a subi une fracture du sacrum S4 légèrement déplacée ainsi qu’une discrète fracture tassement du plateau supérieur de D12 ; par la suite, une hernie discale médiane à légèrement paramédiane gauche en L5-S1 a également été mise en relation avec l’accident.

A l’issue d’un examen final de l’assurée du 04.11.2013, le médecin de l’assurance-accidents, spécialiste en médecine physique et réhabilitation et rhumatologie, a constaté qu’il n’y avait pas de syndrome déficitaire sur le plan neurologique, mais qu’il persistait un syndrome algo-fonctionnel au niveau dorso-lombaire et fessier sans base organique objectivable. Il a retenu une évolution vers un syndrome somatoforme douloureux chronique. Sur le plan de la capacité de travail, en l’absence de lésion structurelle, l’assurée devait pouvoir reprendre son ancienne activité. Cependant, une activité industrielle légère respectant certaines limitations paraissait mieux indiquée compte tenu de ses douleurs résiduelles.

L’assurance-accidents a mis fin au versement des indemnités journalières au 31.12.2013 et n’a allouer ni rente d’invalidité ni indemnité pour atteinte à l’intégrité (décision du 19.12.2013). Après s’être opposée, l’assurée a retiré son opposition. Elle a repris son travail mais dans une activité plus légère (avec peu de travaux de nettoyage) et à un taux diminué de moitié (37,5 %).

L’assurée a annoncé une rechute le 26.06.2014 (incapacité de travail de 100% dès le 13.06.2014). Par décision du 27.08.2014, l’assurance-accidents a refusé de prendre en charge la rechute. L’assuré a formé opposition contre cette décision. Entre-temps, l’office AI ainsi que l’assureur-maladie de l’assurée ont confié une expertise rhumatologique et psychiatrique à la Clinique X.__. Sur le vu des conclusions de cette expertise datée du 12.01.2015, l’assurée a informé l’assurance-accidents qu’elle retirait son opposition (lettre du 29.04.2015).

Le 18.12.2015, un spécialiste en anesthésiologie a transmis à l’assurance-accidents une copie de sa lettre du même jour adressée à un confrère. Dans ce courrier, le médecin constatait chez l’assurée un status neurologique pathologique avec une diminution de la sensibilité pour les quatre qualités testées (froid, chaud, toucher, piquer) dans le territoire des segments D12-L1 et S4 à G. Il en concluait que sa patiente présentait des lésions des fibres fines en relation parfaite avec les fractures constatées après l’accident. Sur cette base, l’assurée a demandé la réouverture de son dossier. L’assurance-accidents a rejeté la requête, traitée comme demande de révision de sa première décision du 19.12.2013, considérant qu’il n’existait pas d’éléments médicaux nouveaux permettant de tirer d’autres conclusions médicales que celles qui avaient conduit à la fin des prestations. L’assurance-accidents a maintenu sa décision après opposition formée par l’assurée.

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2016 271 – consultable ici)

Par jugement du 23.08.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 53 al. 1 LPGA, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si l’assuré ou l’assureur découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits auparavant.

Sont « nouveaux » au sens de cette disposition, les faits qui se sont produits jusqu’au moment où, dans la procédure principale, des allégations de faits étaient encore recevables, mais qui n’étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence. En outre, les faits nouveaux doivent être importants, c’est-à-dire qu’ils doivent être de nature à modifier l’état de fait qui est à la base de la décision dont la révision est demandée et conduire à une solution différente en fonction d’une appréciation juridique correcte.

Les preuves, quant à elles, doivent servir à prouver soit les faits nouveaux importants, qui motivent la révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure précédente, mais qui n’avaient pas pu être prouvés, au détriment du requérant. Ce qui est décisif, c’est que le moyen de preuve ne serve pas à l’appréciation des faits seulement, mais à l’établissement de ces derniers. Ainsi, il ne suffit pas qu’un nouveau rapport médical donne une appréciation différente des faits ; il faut bien plutôt des éléments de fait nouveaux, dont il résulte que les bases de la décision entreprise comportaient des défauts objectifs. Pour justifier la révision d’une décision, il ne suffit pas que le médecin ou l’expert tire ultérieurement, des faits connus au moment de la décision principale, d’autres conclusions que l’administration ou le tribunal. Il n’y a pas non plus motif à révision du seul fait que l’administration ou le tribunal paraît avoir mal interprété des faits connus déjà lors de la décision principale. L’appréciation inexacte doit être, bien plutôt, la conséquence de l’ignorance ou de l’absence de preuve de faits essentiels pour la décision (ATF 127 V 353 consid. 5b p. 358 et les références ; arrêts 9C_589/2013 du 2 mai 2014 consid. 4.2 et 9C_371/2008 du 2 février 2009 consid. 2.3).

 

On peut admettre que les troubles sensitifs mis en évidence par le spécialiste en anesthésiologie constituent un élément médical nouveau dès lors qu’ils reposent sur un test de sensibilité (tactile, froid, chaud et piqué) qui n’avait pas été réalisé jusque-là. Le fait nouveau pertinent qui fonde la demande de révision ne réside toutefois pas dans l’existence de ces troubles sensitifs mais dans le diagnostic d’une atteinte des fibres fines au niveau des racines L1 et S4 que le spécialiste en anesthésiologie a posé à raison de ceux-ci.

Dans son dernier rapport, ce spécialiste concède que l’unique examen pour objectiver une atteinte des fibres fines consiste en une méthode appelée thermo-test développée par le neurologue suédois Ulf Lindblom et qu’à ce jour, il n’a pas trouvé une telle machine en Suisse. Cela étant, il reconnaît lui-même que les constatations nouvelles dont il fait état sur la base du test de sensibilité qu’il a effectué constituent tout au plus un indice allant dans le sens du diagnostic posé. Cela est toutefois insuffisant pour considérer que les éléments de preuve invoqués établissent le fait nouveau pertinent. Par ailleurs, le spécialiste en anesthésiologie s’est abstenu de dire en quoi une atteinte des fibres fines dans les racines L1 et S4 entraînerait chez l’assurée une incapacité de travail ou des limitations fonctionnelles plus importantes que celles retenues à l’époque par le médecin de l’assurance-accidents. Si ce dernier a certes nié que la symptomatologie de l’assurée avait encore une base organique en lien avec l’accident, il n’en a pas moins évalué l’exigibilité d’une reprise d’activité professionnelle en tenant compte de la présence de douleurs résiduelles au niveau dorso-lombaire et fessier. Ainsi, il a estimé que l’ancienne activité de l’assurée exigeait d’elle des efforts qui allaient peut-être au-delà de ses capacités, et qu’elle devrait exercer une activité industrielle légère sans ports de charges lourdes, en position alternée avec la possibilité de se dégourdir les jambes, ne nécessitant que peu d’accroupissements ou de travail à genoux, aucun travail sur des échafaudages ou des échelles, et pas de montée ou descente répétitive d’escaliers. On précisera que c’est en fonction de descriptions de poste de travail (DPT) compatibles avec ces limitations fonctionnelles que l’assurance-accidents a déterminé le revenu d’invalide de l’assurée.

Il s’ensuit que les rapports du spécialiste en anesthésiologie ne permettent pas d’établir un élément de fait nouveau, déterminant sur le plan juridique, dont il résulterait que les bases de la décision du 19.12.2013 comportait des défauts objectifs. Partant, les conditions de l’art. 53 al. 1 LPGA ne sont pas réalisées.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_687/2017 consultable ici

 

 

8C_238/2018 (f) du 22.10.2018 – Participation à une rixe – Réduction des prestations en espèces – 39 LAA – 49 OLAA / Provocations verbales précédant la bagarre

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_238/2018 (f) du 22.10.2018

 

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Participation à une rixe – Réduction des prestations en espèces / 39 LAA – 49 OLAA

Provocations verbales précédant la bagarre

 

Assuré, né en 1978, aide menuisier, a fait annoncer par son employeur l’événement suivant : 03.09.2016, vers 23h50, à la sortie d’un bar, un individu impliqué dans une bagarre avait poussé l’assuré, de sorte que celui-ci était tombé et s’était fracturé la cheville droite.

Dans un formulaire rempli le 30.09.2016, l’assuré a expliqué qu’une bagarre avait éclaté alors qu’il était en train de rentrer chez lui; il avait tenté de séparer les protagonistes qui l’ont poussé, ce qui l’a fait tomber.

Le 16.11.2016, l’assuré a déposé une plainte pénale contre C.__ et D.__, lesquels avaient été interpellés par la police la nuit de l’altercation. Ces deux individus ont été condamnés pour rixe, par ordonnances pénales du 17.03.2017, sur la base de l’état de fait suivant: Le 03.09.2016, entre 2h00 et 2h30, à la suite de provocations verbales, une bagarre a débuté en face d’un établissement entre C.__, D.__, l’assuré et F.__. Des coups se sont échangés de part et d’autre. Alors que l’assuré tentait de venir en aide à son ami F.__, C.__ et D.__ leur ont asséné des coups de poing et des coups de pied.

Entendu à son domicile par un inspecteur de l’assurance-accidents le 14.02.2017, l’assuré a expliqué que dans la nuit du 03.09.2016, il se trouvait dans un bar avec son ami F.__. A un moment donné, les deux hommes sont sortis de l’établissement dans l’intention de rentrer chez eux. F.__ a commencé à se battre avec des personnes sans que l’assuré en connaisse la raison. Celui-ci est alors intervenu pour séparer les protagonistes. Ce faisant, il a été violemment poussé à terre, a perdu l’équilibre et s’est retrouvé au sol sur le dos. Un des protagonistes lui a donné un violent coup de pied sur la cheville, lui écrasant cette dernière. A l’issue de l’entretien, après avoir été informé que le fait d’intervenir dans une bagarre représentait une entreprise téméraire entraînant une réduction des indemnités journalières, l’assuré a déclaré qu’il n’était pas intervenu dans la bagarre mais que c’est l’individu en question qui était venu vers lui l’agresser. Cela étant, il a refusé de signer le procès-verbal d’entretien.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a réduit de 50% les prestations en espèces dues à l’assuré.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 22.02.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’art. 49 al. 2 OLAA dispose que les prestations en espèces sont réduites au moins de moitié en cas d’accident non professionnel survenu notamment en cas de participation à une rixe ou à une bagarre, à moins que l’assuré ait été blessé par les protagonistes alors qu’il ne prenait aucune part à la rixe ou à la bagarre ou qu’il venait en aide à une personne sans défense (let. a). La notion de participation à une rixe ou à une bagarre est plus large que celle de l’art. 133 CP. Pour admettre l’existence d’une telle participation, il suffit que l’assuré entre dans la zone de danger, notamment en participant à une dispute. Peu importe qu’il ait effectivement pris part activement aux faits ou qu’il ait ou non commis une faute: il faut au moins qu’il se soit rendu compte ou ait pu se rendre compte du danger. En revanche, il n’y a pas matière à réduction en cas de légitime défense ou plus généralement lorsque l’assuré se fait agresser physiquement, sans qu’il y ait eu au préalable une dispute, et qu’il frappe à son tour l’agresseur dans un mouvement réflexe de défense (arrêt 8C_702/2017 du 17 septembre 2018 consid. 3.1 et les arrêts cités).

L’assuré fait valoir que, sur le plan pénal, lui et son ami F.__ n’ont pas été considérés comme des participants à la rixe, vu que seules deux ordonnances pénales ont été prononcées à l’encontre de D.__ et C.__. Aussi, le ministère public aurait admis que lui et son ami s’étaient limités à sa défendre. Plus précisément, l’assuré serait intervenu seulement dans un second temps pour séparer les protagonistes, afin de venir en aide à F.__ qui se trouvait sans défense sous les coups de deux agresseurs.

 

L’absence de condamnation pénale n’est pas décisive. En outre, on ne saurait retenir que l’assuré s’est limité à se défendre dans la mesure où il a lui-même admis être intervenu dans la bagarre. On rappellera à cet égard que, selon la jurisprudence, il faut accorder la préférence aux premières déclarations de l’assuré, données alors qu’il en ignorait peut-être les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le fruit de réflexions ultérieures (voir ATF 142 V 590 consid. 5.2 p. 594 s.; 121 V 45 consid. 2a p. 47).

En outre, si l’assuré et F.__ n’ont pas été en mesure d’expliquer de manière précise et/ou convaincante ce qui a causé l’altercation, il ressort des versions concordantes de C.__, D.__ et des deux témoins, que des provocations verbales ont précédé la bagarre, en particulier, que l’ami F.__ a crié « fuck Albanie » et « fuck Portugal », en référence aux pays d’origine de C.__ et D.__. Dans ces conditions, on ne saurait retenir que l’assuré n’a pas pu se rendre compte du danger et qu’il s’est contenté de venir en aide à une personne sans défense. On est fondé à considérer qu’il a plutôt voulu prêter main-forte à son ami. La cour cantonale n’a donc pas violé le droit fédéral en confirmant la réduction opérée par la CNA.

 

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_238/2018 consultable ici

 

 

Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) 2016 : Tableau TA1_skill-level disponible

Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) 2016 : Tableau TA1_skill-level disponible

 

Le tableau TA1_skill-level « Salaire mensuel brut selon les branches économiques, le niveau de compétences et le sexe – Secteur privé » de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) de l’année 2016 a été publié par l’Office fédéral de la statistique le 26.10.2018. Il est disponible ici.

Quant au tableau T1_skill-level « Secteur privé et secteur public ensemble », il est disponible ici.

Enfin, à noter également la publication du tableau T17 « Salaire mensuel brut selon les groupes de professions, l’âge et le sexe – Secteur privé et secteur public ensemble », utilisé dans des cas particuliers.

 

Pour les détails quant à l’utilisation de l’ESS dans la détermination du revenu d’invalide, nous vous renvoyons à l’article Fixation du revenu d’invalide selon l’ESS, in : Jusletter 22 octobre 2018.

 

 

8C_97/2018 (f) du 01.10.2018 – Rente d’invalidité – Comparaison des revenus – 16 LPGA – 18 LAA / Interprétation des descriptions de postes de travail (DPT) – Position assise vs position alternée / Définition de « souvent »

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_97/2018 (f) du 01.10.2018

 

Consultable ici

 

Rente d’invalidité – Comparaison des revenus / 16 LPGA – 18 LAA

Interprétation des descriptions de postes de travail (DPT) – Position assise vs position alternée / Définition de « souvent »

 

Assuré, sans formation, travaillant en qualité de ferrailleur, a été victime, le 20.08.2012, d’une fracture du plateau tibial Schatzker III à gauche alors qu’il jouait au football. L’assuré n’ayant pas repris son travail, son employeur l’a licencié avec effet au 31.12.2013.

L’assurance-accidents a recueilli l’avis de son médecin d’arrondissement, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, lequel a procédé à un examen final de l’assuré le 25.09.2014. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a alloué à l’assuré, à partir du 01.01.2015, une rente d’invalidité fondée sur un taux d’incapacité de gain de 12%, ainsi qu’une indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI) d’un taux de 5%.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 45/15 – 138/2017 – consultable ici)

Par jugement du 15.11.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Les activités décrites dans les DPT ayant été prises en compte pour le calcul du revenu d’invalide sont compatibles avec l’état de santé de l’assuré. Dans son rapport final, le médecin d’arrondissement a fait état des limitations fonctionnelles suivantes: position de travail alternée assise/debout, déplacement en terrain plat, pas de travail à genou ou accroupi et port de charges limité à 20-25 kg de manière non répétitive. Le médecin-expert mandaté par l’assuré a retenu les mêmes limitations, estimant pour sa part que le port de charges ne devait pas dépasser 10 kg. Il a préconisé une activité d’établi, ajoutant qu’une activité d’aide-horloger, d’aide-micromécanicien ou une activité équivalente étaient tout à fait envisageables.

Les DPT proposées permettent l’alternance des positions debout et assise. Certes, l’activité de contrôleur de qualité évoque souvent la position assise et jamais la position debout. Cela veut simplement dire que le poste n’exige pas la position debout mais qu’il se fait principalement assis, comme toute activité d’établi ou d’aide-horloger jugée compatible avec l’état de santé de l’assuré par l’expert privé.

Au demeurant, l’adjectif « souvent » ne veut pas dire « exclusivement ». L’alternance des positions assises et debout n’implique aucunement une répartition chronologique rigoureuse de celles-ci mais uniquement la possibilité de passer de l’une à l’autre lorsque le besoin physique s’en fait sentir, ce qui est certainement possible dans l’activité de contrôleur de qualité et, a fortiori, dans les autres DPT retenues par l’assurance-accidents. On relèvera encore que ces dernières suggèrent des déplacements limités à plat, ce qui permet également l’alternance des positions. Les cinq DPT choisies respectent par ailleurs les autres limitations fonctionnelles de l’assuré, en particulier en ce qui concerne le port de charges sur lequel l’expert privé a mis l’accent.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_97/2018 consultable ici

 

 

Fixation du revenu d’invalide selon l’ESS

Fixation du revenu d’invalide selon l’ESS

 

Article paru in Jusletter, 22 octobre 2018

 

Expliquer à une personne atteinte dans sa santé pourquoi elle pourrait encore percevoir un revenu est tout aussi complexe que de déterminer ce revenu. La jurisprudence a abordé cette complexité en ayant recours à des données, réalisées par l’Office fédéral de la statistique. Par ailleurs, une déduction sur le salaire statistique doit être opérée, si le cas d’espèce le justifiait. Ce sont ces différents points qui sont abordés et développés dans le présent article, tout en restant ancré dans la pratique.

Publication : Fixation du revenu d’invalide selon l’ESS – David Ionta – Jusletter 2018-10-22

 

 

8C_215/2018 (f) du 04.09.2018 – Maladie professionnelle – Traitement médical – 9 al. 1 LAA – 9 al. 2 LAA – 10 LAA / Amélioration sensible de l’état de santé en relation avec la maladie professionnelle reconnue

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_215/2018 (f) du 04.09.2018

 

Consultable ici

 

Maladie professionnelle – Traitement médical / 9 al. 1 LAA – 9 al. 2 LAA – 10 LAA

Amélioration sensible de l’état de santé en relation avec la maladie professionnelle reconnue

 

Assuré travaillant en qualité de journaliste. Dans son activité, l’assuré apparaît régulièrement sur les plateaux de télévision et doit se faire maquiller. Au cours de l’année 2013 il a ressenti des problèmes aux yeux, des démangeaisons, des maux de tête, une hypersensibilité à la lumière et au vent. Dans un rapport du 27.03.2014, le spécialiste en ophtalmologie a diagnostiqué une conjonctivite allergique aux deux yeux. Après avoir recueilli divers renseignements médicaux et requis l’avis d’un spécialiste en médecine du travail et en médecine interne, et médecin à la Division de médecine du travail de la CNA, l’assurance-accidents a reconnu comme maladie professionnelle la conjonctivite allergique bilatérale déclenchée par des composants de produits de maquillage.

Au cours de l’année 2015, l’assuré a consulté plusieurs médecins. Des spécialistes en ophtalmologie et ophtalmochirurgie ont diagnostiqué un Floppy Eyelid Syndrom et une blépharite chronique avec chalazions à répétition. Ces médecins ont préconisé la mise en œuvre d’une intervention chirurgicale des paupières, qui a été réalisée le 11.02.2016.

Par décision du 12.04.2016, l’assurance-accidents a nié le droit de l’assuré à la prise en charge des frais liés au Floppy Eyelid Syndrom et à la blépharite chronique, motif pris que ces troubles ne constituent pas des maladies professionnelles et que l’intervention chirurgicale n’était pas en relation de causalité avec la maladie professionnelle reconnue, à savoir la conjonctivite allergique bilatérale. Saisie d’oppositions de l’assuré et de la caisse-maladie de l’intéressé, l’assurance-accidents les a rejetées le 12.09.2016.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a retenu que le Floppy Eyelid Syndrom et la blépharite chronique ne pouvaient se voir reconnaître le caractère de maladies professionnelles selon l’art. 9 al. 1 LAA, ni sous l’angle de l’art. 9 al. 2 LAA. Par ailleurs, la juridiction cantonale a considéré que l’existence d’un lien entre la maladie professionnelle reconnue (conjonctivite allergique bilatérale) et l’opération subie n’apparaissait pas vraisemblable au degré requis par la jurisprudence et que cette intervention ne constituait pas un traitement médical approprié de cette affection au sens de l’art. 10 LAA.

Par jugement du 24.01.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Les prestations d’assurance sont en principe allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle (art. 6 al. 1 LAA).

Selon l’art. 9 al. 1 LAA, sont réputées maladies professionnelles les maladies (art. 3 LPGA) dues exclusivement ou de manière prépondérante, dans l’exercice de l’activité professionnelle, à des substances nocives ou à certains travaux. Ces substances et travaux, ainsi que les affections dues à ceux-ci, sont énumérés de manière exhaustive (RAMA 1988 n° U 61 p. 447, U 98/87, consid. 1a) à l’annexe 1 de l’OLAA.

Sont aussi réputées maladies professionnelles les autres maladies dont il est prouvé qu’elles ont été causées exclusivement ou de manière nettement prépondérante par l’exercice de l’activité professionnelle (art. 9 al. 2 LAA). La condition d’un lien exclusif ou nettement prépondérant n’est réalisée que si la maladie a été causée à 75% au moins par l’exercice de l’activité professionnelle (ATF 126 V 183 consid. 2b p. 186; 119 V 200 consid. 2b p. 201 et la référence). Cela signifie, pour certaines affections qui ne sont pas typiques d’une profession déterminée, que les cas d’atteinte pour un groupe professionnel particulier doivent être quatre fois plus nombreux que ceux que compte la population en général (ATF 116 V 136 consid. 5c p. 143; RAMA 2000 n° U 408 p. 407, U 235/99, consid. 1a).

Selon la jurisprudence, le point de savoir si une affection est une maladie professionnelle au sens de l’art. 9 al. 2 LAA est d’abord une question relevant de la preuve dans un cas concret. Cependant, s’il apparaît comme un fait démontré par la science médicale qu’en raison de la nature d’une affection particulière, il n’est pas possible de prouver que celle-ci est due à l’exercice d’une activité professionnelle, il est hors de question d’apporter la preuve, dans un cas concret, de la causalité qualifiée au sens de l’art. 9 al. 2 LAA (ATF 126 V 183 consid. 4c p. 190 et les références; arrêt 8C_415/2015 du 24 mars 2016 consid. 3.2; voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 381/01 du 20 mars 2003 consid. 3.2-3.3).

Selon l’art. 10 LAA, l’assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l’accident (ou de la maladie professionnelle; cf. art. 6 al. 1 LAA), à savoir notamment au traitement ambulatoire dispensé par le médecin, le dentiste ou, sur prescription de ces derniers, par le personnel paramédical ainsi que par le chiropraticien, de même qu’au traitement ambulatoire dispensé dans un hôpital (let. a). Ce droit s’étend à toutes les mesures qui visent une amélioration de l’état de santé ou à éviter une péjoration de cet état. La preuve que la mesure envisagée permettra d’atteindre cet objectif doit être établie avec une vraisemblance suffisante; elle est rapportée dès que l’on peut admettre que le traitement envisagé ne représente pas seulement une possibilité lointaine d’amélioration (SVR 2011 UV n° 1 p. 1, 8C_584/2009, consid. 2; arrêt 8C_112/2014 du 23 janvier 2015 consid. 2.1). Le traitement médical n’est alloué qu’aussi longtemps que sa continuation est susceptible d’apporter une amélioration sensible de l’état de l’assuré (art. 19 al. 1, seconde phrase, LAA a contrario), une amélioration insignifiante n’étant pas suffisante. Il n’y a pas d’amélioration sensible de l’état de santé quand la mesure thérapeutique (p. ex. une cure annuelle) ne fait que soulager momentanément des douleurs occasionnées par un état par ailleurs stationnaire (RAMA 2005 n° U 557 p. 388, U 244/04, consid. 3.1; arrêt 8C_103/2018 du 25 juillet 2018 consid. 6.3).

 

En l’espèce, l’ophtalmologue a indiqué que l’opération réalisée par lui le 11.02.2016 avait pour but de diminuer les symptômes de sécheresse oculaire dont souffre l’assuré dans son activité professionnelle. Cette intervention de correction latérale de la paupière inférieure ne corrigeait en rien le Floppy Eyelid Syndrom ni la blépharite chronique. Il s’agissait d’une intervention simple ayant pour but d’améliorer le confort et la productivité de l’intéressé en diminuant sa gêne, ainsi que le besoin de lubrifier en permanence ses yeux. Dans son bref rapport complémentaire du 10.05.2016, rédigé sur intervention de l’assuré, ce médecin a ajouté que l’opération permettait de diminuer les symptômes des trois diagnostics présents (conjonctivite allergique, Floppy Eyelid Syndrom et blépharite chronique) sans en corriger la cause, de sorte que l’assuré resterait toujours sensible à son travail, mais dans une moindre mesure.

Il ressort de ces indications médicales que, si elle était bien propre à diminuer les symptômes provoqués par la conjonctivite allergique, l’opération réalisée était toutefois sans influence sur l’état de santé, par ailleurs stationnaire, à l’origine de ces symptômes. Par ailleurs, dans son rapport intermédiaire du 14.01.2016, dans lequel il propose d’effectuer une intervention chirurgicale en vue d’une possible amélioration des symptômes et de la productivité, l’ophtalmologue ne mentionne que les diagnostics de Floppy Eyelid Syndrom et de blépharite chronique. C’est seulement dans ses rapports rédigés après le prononcé de la décision de refus du 12.04.2016 et sur intervention de l’assuré que ce médecin a mentionné le diagnostic de conjonctivite allergique en plus des diagnostics déjà cités.

Cela étant il n’apparaît pas établi au degré de vraisemblance requis que l’opération réalisée le 11.02.2016 visait une amélioration sensible de l’état de santé en relation avec la maladie professionnelle reconnue, à savoir la conjonctivite allergique.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_215/2018 consultable ici

 

 

8C_702/2017 (f) du 17.09.2018 – Participation à une rixe – 39 LAA – 49 OLAA / « Allez vous faire foutre » n’est pas similaire à un « doigt d’honneur »

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_702/2017 (f) du 17.09.2018

(arrêt à 5 juges)

 

Consultable ici

 

Participation à une rixe / 39 LAA – 49 OLAA

« Allez vous faire foutre » n’est pas similaire à un « doigt d’honneur »

Réduction des prestations en espèces niée par le TF

 

Assuré, apprenti électronicien, qui a déposé le 08.07.2013 une plainte pénale pour lésions corporelles simples, menaces, injures et dommages à la propriété. Selon le rapport de dénonciation, il s’est rendu le 6 juillet 2013 aux rencontres des jeunesses, où il a campé du samedi au dimanche matin. Lors de son départ, le dimanche vers 9h30, il s’est fait insulter par quatre jeunes hommes qui se trouvaient dans un véhicule et qui s’apprêtaient également à quitter les lieux. L’assuré leur a répondu. Le conducteur de la voiture est alors sorti et s’est dirigé vers lui. Arrivé à sa hauteur, il l’a aussitôt frappé. L’assuré s’est défendu à l’aide d’un casque de moto qu’il tenait dans une main. Immédiatement après, les trois passagers du véhicule sont également sortis et ont, à leur tour, frappé le plaignant. Un de ces jeunes criait à son copain:  « tue-le, tue-le! ». Les quatre individus ont ensuite menacé l’assuré en lui disant:  « on va se revoir ». Les agresseurs de l’assuré n’ont pas pu être identifiés.

L’assuré a subi une luxation de l’épaule droite. L’assurance-accidents a pris en charge le cas.

Le 10.08.2015, l’employeur a annoncé une rechute par déclaration de sinistre LAA en raison de douleurs à l’épaule droite apparues en juin 2015.

Le 15.03.2016, l’assuré a été entendu par un agent de l’assurance-accidents. Revenant sur les faits survenus le 07.07.2013, il a précisé qu’avant de se faire insulter, il ne s’était pas adressé aux occupants du véhicule, ni oralement, ni par geste. Il s’est fait insulter « avec pleins de noms d’oiseaux et notamment par « pédé » ». Il avait répondu: « Allez vous faire foutre ». C’est alors que le conducteur était sorti de la voiture et, sans dire un mot, lui avait asséné un coup de poing au visage. Il avait réagi et s’était défendu au moyen du casque de moto qu’il tenait dans sa main en frappant le conducteur à la tête. Immédiatement après les autres occupants de la voiture étaient sortis du véhicule et l’avaient frappé violemment.

Le 01.06.2016, l’assurance-accidents a nié le lien de causalité naturelle entre l’accident du 07.07.2013 et les lésions de l’épaule droite déclarées. Après opposition de l’assuré, l’assurance-accidents a réexaminé la situation médicale et a accepté d’allouer ses prestations. Toutefois, elle a réduit les prestations en espèces de moitié au titre d’une participation à une rixe.

 

Procédure cantonale

Les juges cantonaux ont considéré qu’envoyer quelqu’un « se faire foutre », même sous le coup de la provocation, n’est pas anodin. Selon eux, à l’instar du « doigt d’honneur », l’expression utilisée par l’assuré était dotée d’une connotation sexuelle sans équivoque et a vocation à humilier la personne à qui elle s’adresse. L’assuré aurait pu demander qu’on le « laisse tranquille » ou, à la limite, qu’on lui « foute la paix ». Il aurait aussi pu se contenter de rester silencieux malgré l’altercation verbale provoquée par ses opposants, voire d’ignorer leurs propos et de quitter les lieux sans demander son reste dès lors qu’il était déjà sur le départ. Au vu du caractère de surenchère des propos assumés de l’assuré, la réaction de l’agresseur n’était pas si imprévisible et inattendue qu’il faille admettre qu’il n’existe aucun lien entre la parole prononcée et les coups qui ont suivis. Selon la cour cantonale, les propos tenus par l’assuré étaient manifestement susceptibles, au vu du contexte d’emblée tendu, d’entraîner une réaction de violence telle qu’elle s’est effectivement produite. Aux dires même d’ailleurs de l’assuré, « leurs intentions [de ses agresseurs] m’étaient claires dès le début, soit chercher la bagarre ». Son argument selon lequel il ne serait pas à l’origine de l’altercation et n’aurait fait que se défendre ne lui était par conséquent d’aucun secours dès lors que, même sans l’avoir réellement initiée, il s’était mis volontairement dans une zone de danger qu’il reconnaissait avoir parfaitement jaugée.

Par jugement du 24.08.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’art. 49 al. 2 OLAA dispose que les prestations en espèces sont réduites au moins de moitié en cas d’accident non professionnel survenu notamment en cas de participation à une rixe ou à une bagarre, à moins que l’assuré ait été blessé par les protagonistes alors qu’il ne prenait aucune part à la rixe ou à la bagarre ou qu’il venait en aide à une personne sans défense (let. a). La notion de participation à une rixe ou à une bagarre est plus large que celle de l’art. 133 CP. Pour admettre l’existence d’une telle participation, il suffit que l’assuré entre dans la zone de danger, notamment en participant à une dispute. Peu importe qu’il ait effectivement pris part activement aux faits ou qu’il ait ou non commis une faute: il faut au moins qu’il se soit rendu compte ou ait pu se rendre compte du danger. En revanche, il n’y a pas matière à réduction en cas de légitime défense ou plus généralement lorsque l’assuré se fait agresser physiquement, sans qu’il y ait eu au préalable une dispute, et qu’il frappe à son tour l’agresseur dans un mouvement réflexe de défense (arrêts 8C_575/2017 du 26 avril 2018 consid. 3; 8C_459/2017 du 16 avril 2018 consid. 4.1; 8C_600/2017 du 26 mars 2018 consid. 3; 8C_788/2016 du 20 novembre 2017 consid. 3; 8C_263/2013 du 19 août 2013).

Par ailleurs, il doit exister un lien de causalité entre le comportement de la personne assurée et le dommage survenu. Si l’attitude de l’assuré – qui doit être qualifiée de participation à une rixe ou à une bagarre – n’apparaît pas comme une cause essentielle de l’accident ou si la provocation n’est pas de nature, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, à entraîner la réaction de violence, l’assureur-accidents n’est pas autorisé à réduire ses prestations d’assurance. Il convient de déterminer rétrospectivement, en partant du résultat qui s’est produit, si et dans quelle mesure l’attitude de l’assuré apparaît comme une cause essentielle de l’accident (ATF 134 V 315 consid. 4.5.1.2 p. 320). A cet égard, les diverses phases d’une rixe, respectivement d’une bagarre, forment un tout et ne peuvent être considérées indépendamment l’une de l’autre (arrêt 8C_600/2017 du 26 mars 2018 consid. 3 et les arrêts cités).

 

Selon le Tribunal fédéral, contrairement à l’opinion des premiers juges, on ne saurait considérer, dans le présent contexte tout au moins, que l’expression incriminée est constitutive d’une injure (sur cette notion en droit pénal, voir l’arrêt 6B_557/2013 du 12 septembre 2013 consid. 1.1). Il s’agit d’une locution que l’on peut certes qualifier de vulgaire, mais qui, dans le cas particulier, peut être comprise comme signifiant, familièrement dit, « dégage », ou « va te faire fiche » ou encore « va te faire voir ». Dans le langage courant actuel, elle est dépourvue de connotation sexuelle contrairement aussi à ce que retient la juridiction cantonale. Son sens étymologique (se faire posséder sexuellement selon le Grand Robert, dictionnaire de la langue française dans sa version électronique) est aujourd’hui sorti de l’usage. On peut en outre sérieusement douter que les occupants du véhicule, qui avaient provoqué gratuitement et sans doute assez gravement l’assuré en proférant des insultes à son endroit, se soient sentis particulièrement humiliés par les mots de ce dernier.

De plus, on ne saurait guère attendre d’un jeune homme, alors âgé de 19 ans, qu’il se laisse insulter par d’autres jeunes gens tout en restant silencieux ou qu’il réagisse en des termes choisis. Les mots employés par l’assuré s’inscrivaient dans le contexte particulier d’une agression verbale et relevaient d’une réaction spontanée à celle-ci. Si véritablement les intentions des agresseurs devaient être claires dès le début, on peut alors penser que ceux-ci ont saisi le prétexte de cette réaction pour frapper l’assuré. Ce n’est du reste pas tant les mots en question qui sont à l’origine des coups qui ont été portés à l’assuré par les quatre occupants du véhicule que le fait que l’assuré a tenté de se défendre au moyen de son casque contre le premier agresseur. C’est ce geste de défense qui a visiblement provoqué un désir de vengeance des trois autres protagonistes restés jusque-là à l’intérieur du véhicule avant de venir frapper à leur tour l’assuré. L’injonction répétée « tue-le, tue-le ! » proférée par l’un d’entre eux et la menace « on va se revoir » constituent des indices sérieux de cette volonté de vengeance.

En définitive il n’y a pas eu de dispute préalable dans laquelle se serait engagé imprudemment l’assuré. Son mouvement de défense au moyen de son casque était légitime. Malgré les termes employés, sa réponse aux insultes proférées ne suffisait pas à le placer dans la zone de danger exclue par l’assurance.

Dans ces conditions, il n’y avait pas lieu à réduction des prestations en application de l’art. 49 al. 2 OLAA. On notera, pour terminer, que les faits de la présente cause ne sont pas comparables à la situation jugée dans l’arrêt 8C_932/2012 du 22 mars 2013 où un assuré qui se trouvait dans sa voiture avec sa femme dans un parking a été passé à tabac par deux jeunes gens auxquels ils avaient montré un doigt d’honneur, geste qui présentait indéniablement un caractère obscène et qui passait pour une provocation (cf. consid. 4 de l’arrêt).

 

Le TF admet le recours de l’assuré et annule le jugement cantonal et la décision de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_702/2017 consultable ici

 

 

8C_479/2016 (f) du 02.08.2017, publié 143 V 249 – Procédure cantonale – Délai supplémentaire en vue de régulariser le recours dont la motivation est insuffisante – 40 al. 3 LPGA – 60 al. 2 LPGA – 61 let. b LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_479/2016 (f) du 02.08.2017, publié 143 V 249

 

Arrêt 8C_479/2016 consultable ici

ATF 143 V 249 consultable ici

 

Procédure cantonale – Délai supplémentaire en vue de régulariser le recours dont la motivation est insuffisante / 40 al. 3 LPGA – 60 al. 2 LPGA – 61 let. b LPGA

 

Par décision du 11.02.2016, confirmée sur opposition le 05.04.2016, l’assurance-accidents a réduit avec effet au 01.10.2012 la rente d’invalidité allouée à l’assuré et lui a demandé la restitution du montant des prestations indûment versées depuis cette date.

Par lettre du 06.05.2016 (timbre postal) adressée à l’assurance-accidents, l’assuré s’est exprimé sur la décision sur opposition, faisant part de son désaccord à divers égards, en particulier sur la question de sa perte de gain. L’assurance-accidents a transmis ce courrier à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du Valais comme objet de sa compétence.

 

Procédure cantonale

Par lettre envoyée sous pli recommandé le 24.05.2016, la juridiction cantonale a informé l’assuré que son écriture du 06.05.2016 ne satisfaisait pas aux exigences légales d’un recours, notamment en raison de l’absence de signature. Aussi lui a-t-elle imparti un délai expirant le 02.06.2016 pour déposer un recours en bonne et due forme, sous peine que son écriture soit déclarée irrecevable.

Le 01.06.2016, l’assuré a consulté un mandataire professionnel, lequel a requis le dernier jour du délai une prolongation de celui-ci au 30.06.2016, afin de pouvoir consulter le dossier de l’assurance-accidents et se déterminer valablement (fax et courrier du 02.06.2016). Par retour de fax et de courrier du même jour, la cour cantonale a rejeté la requête de prolongation, motif pris qu’il ne s’agissait pas d’un délai prolongeable. Partant, le mandataire de l’assuré lui a immédiatement renvoyé l’écriture du 06.05.2016 munie d’une signature.

La juridiction cantonale a considéré que le délai de neuf jours, expirant le 02.06.2016, pour déposer un recours en bonne et due forme laissait suffisamment de temps à l’assuré pour se renseigner auprès d’un homme de loi, indépendamment du fait qu’il avait attendu six jours avant de retirer son pli recommandé et attendu le 01.06.2016 pour consulter un avocat. La cour cantonale considéré que l’assuré n’avait pas valablement exprimé une volonté claire et inconditionnelle de recours et l’écriture n’était pas recevable, faute de motivation et conclusions cohérentes.

Par jugement du 09.06.2016, refus d’entrer en matière sur l’écriture du 06.05.2016 par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 61, première phrase, LPGA, la procédure devant le tribunal cantonal des assurances est réglée par le droit cantonal, sous réserve de l’art. 1 al. 3 PA. L’art. 61 let. b LPGA précise cependant que l’acte de recours doit contenir un exposé succinct des faits et des motifs invoqués, ainsi que les conclusions ; si l’acte n’est pas conforme à ces règles, le tribunal impartit un délai convenable au recourant pour combler les lacunes, en l’avertissant qu’en cas d’inobservation le recours sera écarté.

La règle de l’art. 61 let. b LPGA découle du principe de l’interdiction du formalisme excessif et constitue l’expression du principe de la simplicité de la procédure qui gouverne le droit des assurances sociales (arrêt 8C_828/2009 du 8 septembre 2010 consid. 6.2 et la référence; cf. UELI KIESER, ATSG-Kommentar, 3 e éd. 2015, n° 84 ad art. 61 LPGA). C’est pourquoi le juge saisi d’un recours dans ce domaine ne doit pas se montrer trop strict lorsqu’il s’agit d’apprécier la forme et le contenu de l’acte de recours. Il s’agit là d’une prescription formelle, qui oblige le juge de première instance – excepté dans les cas d’abus de droit manifeste – de fixer un délai pour corriger les imperfections du mémoire de recours (ATF 134 V 162 consid. 2 p. 163 s.; 112 Ib 634 consid. 2b p. 635; 107 V 244 consid. 2 p. 245; 104 V 178).

 

En l’occurrence, l’autorité cantonale retient que le délai supplémentaire de l’art. 61 let. b LPGA n’était pas prolongeable en se référant à la jurisprudence du Tribunal fédéral (à savoir les arrêts 8C_723/2014 du 29 octobre 2014 consid. 2.3, 9C_561/2012 du 18 juin 2013 consid. 2.1 et 2C_193/2009 du 29 août 2009 consid. 3.3). Ce faisant, elle fait une mauvaise lecture des arrêts cités, lesquels ne sont pas pertinents en l’espèce. En effet, les causes dont ils font l’objet concernaient la question d’une éventuelle restitution de délai, eu égard au fait que les écritures complétées n’avaient pas été transmises dans le délai supplémentaire imparti, sans qu’une demande de prolongation ne fût déposée avant l’expiration de ce délai. En outre, au consid. 2.3 de l’arrêt 8C_723/2014, c’est en référence au délai légal de recours de l’art. 60 al. 1 LPGA, et non au délai supplémentaire de l’art. 61 let. b LPGA, que le Tribunal fédéral évoque le caractère non prolongeable du délai. La juridiction cantonale ne pouvait dès lors se fonder sur la jurisprudence précitée pour refuser d’emblée une prolongation de délai.

Selon l’art. 40 al. 3 LPGA, applicable par analogie à la procédure devant le tribunal cantonal des assurances (art. 60 al. 2 LPGA), le délai fixé par l’assureur, respectivement par le juge de première instance, peut être prolongé pour des motifs pertinents si la partie en fait la demande. Il ne s’agit pas d’un délai légal à proprement parler, lequel ne peut pas être prolongé (cf. art. 40 al. 1 et 60 al. 2 LPGA), mais d’un délai dont la durée est laissée à l’appréciation de l’autorité. Sur le principe, un tel délai est prolongeable (arrêt I 898/06 du 23 juillet 2007 consid. 3.4 et les références; RCC 1986 p. 426 consid. 1b; voir aussi UELI KIESER, op. cit., n° 89 ad art. 61 LPGA et n° 17 ad art. 60 LPGA).

La juridiction cantonale se devait d’examiner l’existence de motifs suffisants à l’appui de la demande de prolongation du recourant et ne pouvait, dans ce contexte, faire abstraction de la date effective de notification de son ordonnance du 24.05.2016. En effet, sous réserve d’un abus de droit, le destinataire d’un acte judiciaire envoyé sous pli recommandé, à l’adresse duquel un avis de retrait a été déposé, est libre d’aller retirer l’envoi à sa convenance, à l’intérieur du délai de garde de sept jours suivant la première tentative de notification. D’ailleurs, s’agissant des délais fixés en jours, ils courent dès le lendemain de la communication de l’acte (art. 38 al. 1 LPGA), à savoir au moment du retrait de l’acte au guichet postal, dans le cas d’un acte remis contre signature dont la première tentative de distribution a été infructueuse. Ce n’est que si l’envoi n’est pas retiré dans le délai de garde, qu’il est réputé avoir été communiqué le dernier jour de ce délai (cf. art. 38 al. 2bis LPGA; ATF 119 V 89 consid. 4b/aa). En d’autres termes, lorsqu’elle accorde un délai supplémentaire pour régulariser un acte de recours au sens de l’art. 61 let. b LPGA, l’autorité cantonale doit tenir compte du fait que le destinataire bénéfice du délai de garde de sept jours pour retirer un acte remis contre signature.

En l’espèce, le recourant a retiré l’ordonnance en cause le 30.05.2016. Il ne disposait concrètement que de trois jours complets pour déposer un recours en bonne et due forme. Dans la mesure où il a mandaté un avocat le 01.06.2016, on ne saurait lui reprocher d’avoir tardé à agir. Quant à l’avocat nouvellement mandaté, il n’avait à l’évidence pas suffisamment de temps pour demander et consulter le dossier de l’assurance-accidents et rédiger un mémoire de recours jusqu’au lendemain (cf. ATF 134 V 162 consid. 6 p. 169 s.; arrêt 8C_442/2007 du 5 mai 2008 consid. 1.5).

 

Il était également contradictoire de la part de la juridiction cantonale d’impartir un délai supplémentaire au recourant pour déposer un recours en bonne et due forme puis de considérer dans son arrêt du 9 juin 2016 qu’il n’avait pas exprimé une volonté claire de recourir. À tout le moins aurait-elle dû clarifier ce point avant d’impartir le délai supplémentaire. Dans tous les cas, la volonté de recourir ne pouvait raisonnablement plus faire de doute lorsque le mandataire du recourant a requis une prolongation de ce délai pour se déterminer valablement.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et renvoie la cause au tribunal cantonal pour nouvelle décision.

 

 

Arrêt 8C_479/2016 consultable ici

ATF 143 V 249 consultable ici