4A_234/2016 (f) du 19.12.2016 – proposé à la publication – Responsabilité de l’avocat d’office / Avocat d’office n’est pas un agent public au sens de l’art. 61 al. 1 CO

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_234/2016 (f) du 19.12.2016, proposé à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/2kvXd43

 

Responsabilité de l’avocat d’office

Avocat d’office n’est pas un agent public au sens de l’art. 61 al. 1 CO

 

 

TF

Entre l’avocat d’office auquel il est donné un mandat d’assistance judiciaire, d’une part, et la collectivité publique qui lui confie ce mandat, d’autre part, il existe un rapport juridique soumis au droit public, lequel régit notamment l’obligation d’accepter le mandat, les motifs de libération du mandat ainsi que la rétribution due pour l’activité exercée; de ce fait, l’avocat d’office accomplit une tâche étatique (ATF 132 I 201 consid. 7.1 p. 205; 122 I 322 consid. 3b p. 325; 117 Ia 22 consid. 4a p. 23; 113 Ia 69 consid. 6 p. 71; cf. également ATF 131 I 217 consid. 2.4 p. 220; Vincent Spira, L’avocat au bénéfice de l’assistance juridique, in Mélanges en l’honneur de Dominique Burger, 2008, p. 330; Pierre Christe, Rôle et fonction de l’avocat dans la protection des droits, RDS 107/1988 II p. 497). Ce lien de droit public entre l’avocat d’office et la collectivité publique n’implique pas nécessairement que le droit public régisse également les rapports entre l’avocat d’office et la personne qu’il assiste sur mandat de la collectivité publique (cf. ATF 60 I 12 consid. 1 p. 17; ROLAND Brehm, Berner Kommentar, 4e éd. 2013, n° 21 ad art. 61 CO). Il faut admettre au contraire que ces rapports-ci sont soumis au droit privé (Walter Fellmann, Berner Kommentar, 1992, n° 146 ad art. 394 CO et n° 56 ad art. 395 CO; Georg Gautschi, Berner Kommentar, 3e éd. 1971, n° 30b ad art. 394 CO; cf. pour le droit actuel, Michel Valticos, in Commentaire romand – loi sur les avocats, 2010, n° 252 ad art. 12 LLCA; contra apparemment: Spira, op. cit., p. 330). Il s’ensuit qu’envers la personne qu’il assiste, l’avocat d’office répond d’un éventuel défaut de diligence sur la base du droit privé. Ainsi, dans un arrêt se rapportant à une cause civile où l’avocat d’office d’un enfant né hors mariage et de sa mère avait laissé passer le délai pour ouvrir action en paternité, le Tribunal fédéral a jugé que l’avocat d’office ne contestait plus, à bon droit, répondre du dommage causé à l’enfant et à la mère sur la base des règles de droit privé sur le mandat (ATF 87 II 364 consid. 1 p. 368 s.).

En l’espèce, la question est de savoir si le droit cantonal peut déroger à ce régime et prévoir une responsabilité exclusive de l’État en cas de mauvaise exécution du mandat par l’avocat d’office (cf. ATF 127 III 248 consid. 1b p. 251 s.). D’aucuns ont répondu par l’affirmative, estimant que le canton peut notamment renvoyer à la législation cantonale en matière de responsabilité des agents publics envers les administrés. Leur opinion se fonde principalement sur le fait que le Tribunal fédéral a admis un tel renvoi pour le notaire; ces auteurs relèvent en outre que la notion de fonctionnaires et employés publics est interprétée très largement dans la jurisprudence (Piermarco Zen-Ruffinen, Assistance judiciaire et administrative: les règles minima imposées par l’article 4 de la Constitution fédérale, JT 1989 I p. 53; Pierre Wessner, La responsabilité professionnelle de l’avocat au regard de son devoir général de diligence, RJN 1986 p. 15 s.).

La législation cantonale peut déroger aux dispositions de droit privé fédéral en ce qui concerne la responsabilité encourue par des fonctionnaires et employés publics pour le dommage et le tort moral qu’ils causent dans l’exercice de leur charge (art. 61 al. 1 CO; cf. ATF 111 II 149 consid. 2a p. 151). Le but de cette disposition est de permettre au canton de protéger ses employés face à des prétentions injustifiées de tiers (Brehm, op. cit., n° 5b ad art. 61 CO). Est concernée toute personne qui, même sans être au service de l’État, est investie d’attributions de droit public (ATF 96 II 45; 127 III 538 consid. 4a p. 539).

L’avocat d’office, au même titre que l’avocat de choix, exerce une activité d’avocat, à savoir celle de défendre en toute indépendance les intérêts d’un justiciable dans le cadre d’une procédure devant les autorités judiciaires; comme l’avocat choisi, il est mandaté pour sauvegarder les intérêts particuliers d’un justiciable déterminé et pour rien d’autre. Certes, le mandat d’office est donné par la collectivité publique afin de garantir l’égalité des parties dans le procès, ce qui est non seulement dans l’intérêt du bénéficiaire de l’assistance judiciaire, mais aussi dans l’intérêt public; cela ne signifie pas pour autant que l’avocat d’office, souvent proposé par la partie qui entend requérir l’assistance judiciaire, ait par rapport à cette partie un autre rôle que s’il était avocat de choix. On peut d’ailleurs se demander si l’égalité des parties ne commande pas la représentation par un avocat personnellement responsable tant pour la partie au bénéfice de l’assistance judiciaire que pour la partie économiquement en mesure de mandater elle-même un avocat, afin d’éviter le sentiment chez la première d’avoir un défenseur éventuellement moins intéressé à faire preuve de toute la diligence nécessaire. Quoi qu’il en soit, l’avocat commis d’office a un mandat public en faveur d’un tiers, le bénéficiaire de l’assistance judiciaire, mais ne se trouve pas dans un rapport de subordination quelconque face à la collectivité publique qui l’a mandaté, laquelle ne saurait lui donner d’instructions sur la manière d’exercer le mandat confié. Il n’est pas non plus soumis à une surveillance différente de celle à laquelle il serait soumis en tant qu’avocat de choix. Le fait qu’il reçoive, le cas échéant, des honoraires réduits est sans pertinence pour la question à trancher, ces honoraires devant au demeurant être fixés de façon à couvrir tous ses frais généraux, dont font partie les coûts de l’assurance responsabilité civile professionnelle (cf. ATF 137 III 185 consid. 5.4 p. 190).

Par ailleurs, le rôle de l’avocat d’office se différencie fondamentalement de celui du notaire. Ce dernier accomplit des actes de puissance publique, par exemple lorsqu’il établit un acte authentique. Il est alors un officier public dont les relations avec ses clients relèvent du droit public. Certes, le notaire exerce également d’autres activités, par exemple de conseil, qui ressortissent au droit privé. Distinguer les unes des autres peut toutefois se révéler difficile; ainsi, l’instrumentation d’un acte authentique est souvent liée à une activité de conseil juridique fournie aux parties à l’acte. Un régime de responsabilité uniforme du notaire peut alors être souhaitable. C’est pourquoi le Tribunal fédéral a admis que les cantons étaient habilités, en vertu de l’art. 6 CC, à régler la responsabilité des notaires pour l’ensemble de leurs activités, tant celles relevant du droit public que celles relevant du droit privé (cf. ATF 126 III 370 consid. 7 p. 372 ss). A la différence du notaire qui est en premier lieu un officier public, l’avocat, le plus souvent, agit principalement dans le cadre de mandats privés. Et lorsqu’il est commis d’office, il ne devient pas un officier public; certes, il a une qualité officielle (obrigkeitliche Bestellung, cf. art. 395 CO) et remplit une tâche d’intérêt public, mais il n’est pas une personne investie d’attributions de droit public (hoheitliche Amtsverrichtung).

En conséquence, il faut admettre que sous le droit antérieur à l’entrée en vigueur de la LLCA, les cantons ne pouvaient pas exclure la responsabilité civile de l’avocat d’office. Autre est la question, non pertinente en l’espèce, de la compétence pour introduire, par le biais du droit cantonal, une responsabilité du canton en sus de celle de l’avocat d’office découlant du droit privé fédéral.

La LLCA n’a rien changé à cet égard. Cette loi fixe les principes applicables à l’exercice de la profession d’avocat (art. 1 LLCA) par une réglementation exhaustive des règles professionnelles de l’avocat en Suisse (Message du 28 avril 1999 concernant la loi fédérale sur la libre circulation des avocats, FF 1999 5368 ch. 233.2; Bohnet/Othenin-Girard/Schweizer, in Commentaire romand – loi sur les avocats, 2010, n° 52 ad art. 1 LLCA). La seule réserve en faveur des cantons est la possibilité de fixer, dans le cadre de la LLCA, les exigences pour l’obtention du brevet d’avocat et le droit d’autoriser les titulaires des brevets d’avocat qu’ils délivrent à représenter les parties devant leurs propres autorités judiciaires (art. 3 LLCA). Pour être inscrit au barreau, condition nécessaire pour pratiquer la représentation en justice, l’avocat doit être en mesure de pratiquer en toute indépendance et il ne peut être employé que par des personnes elles-mêmes inscrites dans un registre cantonal des avocats (art. 4 et art. 8 al. 1 let. d LLCA). A teneur de l’art. 12 let. b LLCA, l’avocat inscrit au barreau exerce son activité professionnelle non seulement en toute indépendance et en son nom personnel, mais également sous sa propre responsabilité; ces exigences s’appliquent sans restriction aux causes dans lesquelles l’avocat a été commis d’office (cf. art. 12 let. g LLCA). Le caractère exhaustif de l’art. 12 LLCA s’oppose ainsi à toute réglementation cantonale excluant la responsabilité de l’avocat d’office pour les dommages dus à un défaut de diligence lors de l’exécution du mandat d’office. Au demeurant, une réglementation différente de la responsabilité de l’avocat d’office selon les cantons n’est guère conciliable avec l’unification de la réglementation professionnelle de l’avocat voulue par la LLCA.

En résumé, l’avocat d’office, même s’il exerce une tâche d’intérêt public, n’est pas un agent public au sens de l’art. 61 al. 1 CO. Conformément à l’art. 49 Cst., le droit cantonal ne peut donc pas déroger au droit privé fédéral, en excluant la responsabilité civile personnelle de l’avocat d’office.

C’est dès lors en violation du droit fédéral que la cour cantonale a nié la légitimation passive de l’avocat d’office.

 

 

Arrêt 4A_234/2016 consultable ici : http://bit.ly/2kvXd43

 

 

9C_587/2016 (f) du 12.12.2016 – Expertise médicale mise en œuvre par l’assurance perte de gain maladie reprise par l’office AI et le tribunal cantonal – 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_587/2016 (f) du 12.12.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2j8lgpO

 

Expertise médicale mise en œuvre par l’assurance perte de gain maladie reprise par l’office AI et le tribunal cantonal / 44 LPGA

 

Première demande AI en raison d’une tumeur osseuse bénigne du doigt. Par décision du 16.08.2012, l’office AI a rejeté la demande de l’assurée, fondant sa décision en particulier sur le rapport d’examen rhumatologique du Service médical régional de l’AI.

Nouvelle demande AI le 10.04.2013, en raison d’une dépression depuis septembre 2012. L’office AI a procédé aux investigations habituelles. L’administration a également obtenu copie du rapport de l’expertise réalisée sur mandat de l’assureur perte de gain, daté du 21.03.2014. Le médecin-expert, spécialiste en psychiatrie, avait retenu que les troubles étaient sans incidence sur la capacité de travail de l’assurée. En se fondant sur ces informations, l’administration a décidé de rejeter la demande de l’assurée.

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale a constaté que l’assurée ne présentait pas de nouvelle atteinte de nature somatique, mais souffrait de troubles psychiques, diagnostiqués tant par son médecin traitant que par l’expert mandaté par l’assureur perte de gain. Se fondant sur le rapport de cet expert, le tribunal cantonal a cependant retenu que ces affections étaient sans incidence sur la capacité de travail de l’assurée à partir du 01.07.2013.

Par jugement du 05.07.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’assurée fait valoir que la juridiction cantonale aurait violé l’art. 44 LPGA, dès lors que les droits procéduraux de l’assurée n’auraient pas été respectés lors la mise en œuvre de l’expertise [réalisée sur demande de l’assurance maladie perte de gain].

Selon l’art. 44 LPGA, si l’assureur recourt aux services d’un expert indépendant pour élucider les faits, il donne connaissance du nom de celui-ci aux parties; celles-ci peuvent récuser l’expert pour des raisons pertinentes et présenter des contre-propositions.

En l’occurrence, l’office AI n’a pas lui-même mis en œuvre une expertise auprès d’un médecin externe à l’assurance-invalidité, mais a recueilli un rapport médical initié par un tiers. L’assurée a eu connaissance de l’expertise au moment où l’office AI lui a transmis son projet de décision et a pu se prononcer à son égard, son médecin traitant ayant du reste fait parvenir son appréciation y relative à l’office AI.

Dans ces circonstances, les droits procéduraux prévus par l’art. 44 LPGA ne trouvent pas application : l’administration n’a pas elle-même recouru aux services de l’expert indépendant, ni n’est intervenue dans la mise en œuvre de l’expertise, par exemple en posant des questions au spécialiste, ce dont elle aurait alors dû informer l’assurée pour lui donner l’occasion d’en faire de même (arrêt 8C_254/2010 du 15 septembre 2010 consid. 4.2).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_587/2016 consultable ici : http://bit.ly/2j8lgpO

 

 

ARTICLES ET OUVRAGES – SELECTION JANVIER 2017

Voici une sélection (personnelle et subjective) des divers articles, contributions et ouvrages parus récemment :

 

  • Ueli Kieser, Schweizerisches Sozialversicherungsrecht, 2. vollst. überarb. und erw. Aufl., Dike, 2017

 

  • Daniele Cattaneo, Novità legislative e giurisprudenziali in materia di assicurazioni sociali, in: Rivista ticinese di diritto, 2016, no 2, p. 325-363

 

  • Franz Werro, La responsabilité contractuelle professionnelle : entre mandat et entreprise, in: La pratique contractuelle 5., Schulthess, 2016, p. 1-28

 

  • Benoît Chappuis, La responsabilité de l’avocat – thèmes choisis, in: La pratique contractuelle 5., Schulthess, 2016, p. 63-99

 

  • Jacqueline Passaplan, La responsabilité du notaire : aspects théoriques et actualité jurisprudentielle, in: La pratique contractuelle 5., Schulthess, 2016, p. 157-167

 

  • Andreas A. Roth, Rechtsprechung unter der Lupe, in: Strassenverkehr, Jg. 8(2016), Nr. 1, S. 29-33 ; Nr. 3, S. 28-42

 

  • Laurent Bieri, Le droit à la réduction du loyer en cas de défaut de la chose louée, in: Jusletter, 9 janvier 2017

 

  • Pierre Heusser, Privatdetektive, aufgepasst! : das Urteil des EGMR 18. Oktober 2016 und dessen Auswirkungen weit über den Bereich der Unfallversicherung hinaus, in: Jusletter, 9. Januar 2017

 

  • Rahel Müller, Kostentragung bei Rettungseinsätzen am Berg, in: Sicherheit & Recht, 2016, H. 3, S. 203-210

 

  • Léa Maulet, Le principe « ne bis in idem », objet d’un « dialogue » contrasté entre la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’homme, in: Revue trimestrielle des droits de l’homme, 28(2017), no 109, p. 107-130

 

8C_927/2015 (f) du 13.12.2016 – Lésions assimilées à un accident – 9 al. 2 OLAA / « Re-rupture » du LCA et prise en charge du nouvel événement

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_927/2015 (f) du 13.12.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2k4KnsE

 

Lésions assimilées à un accident – 9 al. 2 OLAA

Causalité naturelle – Statu quo sine vel ante

« Re-rupture » du LCA et prise en charge du nouvel événement

 

Assuré victime d’une déchirure du genou droit le 25.04.2013 ainsi déclaré : « en voulant changer de direction, la jambe est restée droite et le genou a craqué ». L’IRM du 29.05.2013 a objectivé une déchirure complète du ligament croisé antérieur (LCA) et plusieurs contusions osseuses.

L’assuré a informé l’assureur-accidents qu’il avait déjà subi une déchirure partielle du LCA le 08.05.2011 également en jouant au football. Un traitement conservateur avait alors été proposé. Une IRM du 01.06.2011 du genou droit de l’assuré avait conclu à une déchirure en plein corps du LCA proximal et une contusion osseuse du condyle fémoral externe et du plateau externe postérieur du tibia, sans trait de fracture visible.

Le 10.09.2013, un médecin du sport a informé l’assurance-accidents et a fait état d’une re-rupture du LCA droit et indiqué qu’une intervention était prévue. La plastie ligamentaire a été réalisée le 06.01.2014.

Le médecin-conseil de l’assurance-accidents, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a considéré que la relation de causalité naturelle entre l’événement mineur survenu le 25.04.2013 et l’intervention chirurgicale du 06.01.2014 paraissait hautement, voire très hautement improbable. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a refusé de prendre en charge les conséquences des troubles de l’assuré au genou droit, postérieurement au 30.06.2013.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/846/2015 – consultable ici : http://bit.ly/2knR7jd)

Par arrêt du 09.11.2015, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Aux termes de l’art. 6 al. 2 LAA, le Conseil fédéral peut inclure dans l’assurance-accidents des lésions corporelles qui sont semblables aux conséquences d’un accident. En vertu de cette délégation de compétence, il a édicté l’art. 9 al. 2 OLAA, selon lequel certaines lésions corporelles sont assimilées à un accident même si elles ne sont pas causées par un facteur extérieur de caractère extraordinaire, pour autant qu’elles ne soient pas manifestement imputables à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs. A l’exception du caractère extraordinaire de la cause extérieure, toutes les autres conditions constitutives de la notion d’accident mentionnées à l’art. 4 LPGA doivent donc être réalisées (ATF 139 V 327 consid. 3.1 p. 328). La liste exhaustive de l’art. 9 al. 2 OLAA mentionne les lésions de ligaments (let. g).

La notion de lésion assimilée à un accident a pour but d’éviter, au profit de l’assuré, la distinction souvent difficile entre maladie et accident. Aussi, les assureurs-accidents LAA doivent-ils assumer un risque qui, en raison de la distinction précitée, devrait en principe être couvert par l’assurance-maladie. Les lésions mentionnées à l’art. 9 al. 2 OLAA sont assimilées à un accident même si elles ont, pour l’essentiel, une origine vraisemblablement maladive ou dégénérative, pour autant qu’une cause extérieure ait, au moins, déclenché les symptômes dont souffre l’assuré (ATF 139 V 327 consid. 3.1 p. 328; 129 V 466; 123 V 43 consid. 2b p. 44; 116 V 145 consid. 2c p. 147; 114 V 298 consid. 3c p. 301).

On précisera qu’en ce qui concerne l’art. 9 al. 2 OLAA, on ne peut admettre qu’une lésion assimilée – malgré son origine en grande partie dégénérative – a fait place à l’état de santé dans lequel l’assuré se serait trouvé sans l’incident du 25.04.2013 (retour au statu quo sine), tant que le caractère désormais exclusivement maladif ou dégénératif de l’atteinte à la santé n’est pas clairement établi (cf. arrêts 8C_358/2015 du 14 mars 2016 consid. 6.2.1; 8C_357/2007 du 31 janvier 2008 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 220/02 du 6 août 2003 consid. 2).

 

Le TF arrive à la conclusion que la lésion du genou consécutive à la contusion du 25.04.2013 est due à une instabilité rotatoire qui avait subsisté après une première déchirure survenue en 2011. L’incident du 25.04.2013 est certes lié à cette instabilité, mais il n’en a pas moins causé une nouvelle rupture du LCA (ou une « re-rupture » selon les termes du docteur D.__).

Cela étant, on ne peut affirmer que l’atteinte à la santé était clairement et exclusivement due à un état antérieur après un délai de six semaines. Le médecin-conseil de l’assurance-accidents a fixé ce délai de six semaines de manière aléatoire, uniquement en fonction de la date de l’IRM. Or, comme le relève d’ailleurs l’assurance-accidents, si le radiologue a décrit une déchirure complète du LCA, il n’a pas précisé si celle-ci était récente ou ancienne. On ne peut rien tirer de l’IRM quant au moment d’un retour possible au statu quo ante ou de l’émergence éventuelle d’un statu quo sine.

Par conséquent, c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu qu’il incombait à l’assurance-accidents de prendre en charge les conséquences de l’événement du 25.04.2013, en particulier les frais liés à l’intervention du 06.01.2014.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_927/2015 consultable ici : http://bit.ly/2k4KnsE

 

 

Révision de la loi fédérale sur l’assurance-accidents : résumé et commentaires des modifications les plus importantes

Révision de la loi fédérale sur l’assurance-accidents : résumé et commentaires des modifications les plus importantes

 

Article paru in Jusletter, 30 janvier 2017

 

Depuis son entrée en vigueur au 1er janvier 1984, la loi fédérale sur l’assurance-accidents n’a pas connu de modification fondamentale, contrairement à la législation de la plupart des autres assurances sociales. Après de vives controverses entre 2008 et 2010 au sein de la commission du Conseil national et renvoi du projet de révision au Conseil fédéral au printemps 2011, la révision de la loi sur l’assurance-accidents a été adoptée en vote final par les deux Chambres le 25 septembre 2015. La contribution aborde certaines des modifications importantes de la loi et de l’ordonnance, qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2017.

 

Publication : Révision de la LAA – Ionta David – Jusletter 2017-01-30

 

Edit. 02.02.17: correction du fichier pdf

9C_268/2016 (f) du 14.11.2016 – Versement d’une rente de vieillesse à la veuve de l’assuré / Succession répudiée et liquidée par la voie de la faillite / Péremption du droit de requérir la restitution d’une prestation – 25 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_268/2016 (f) du 14.11.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2iTFnI2

 

Versement d’une rente de vieillesse à la veuve de l’assuré

Succession répudiée et liquidée par la voie de la faillite

Péremption du droit de requérir la restitution d’une prestation / 25 LPGA

 

A.__ est la veuve de B.__. Celui-ci est né en septembre 1945 et décédé en juin 2012. Sur requête de la veuve, la Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après: la CCGC) a reconnu le droit, rétroactif, de B.__ à une rente de vieillesse pour la période comprise entre les mois d’octobre 2010 et de juin 2012 (décision du 07.05.2013). Le montant de la rente a été versé sur le compte bancaire de la veuve. La CCGC a toutefois exigé de A.__ qu’elle restitue le montant de 33’708 fr. versé indûment en faveur du mari défunt, dès lors que sa succession avait été répudiée puis liquidée par la voie de la faillite, qui avait été clôturée faute d’actifs (décision du 25.02.2014, confirmée sur opposition).

 

TF

Les premiers juges ont constaté que le versement rétroactif des rentes de vieillesse avait été indûment effectué en mains de la veuve puisque la succession de son conjoint décédé avait été répudiée et que les conditions d’une reconsidération de la décision initiale étaient données.

 

La péremption du droit de requérir la restitution d’une prestation ne saurait commencer à courir avant que la décision allouant la prestation en question ne soit rendue. On relèvera que, lorsque comme en l’occurrence la restitution est imputable à faute, le point de départ du délai ne coïncide pas avec le moment où la faute a été commise par l’administration (soit, la prise de la décision initiale du 07.05.2013), mais bien avec celui auquel celle-ci aurait dû, dans un deuxième temps (lors d’un contrôle comptable par exemple), se rendre compte de son erreur en faisant preuve de toute l’attention requise (cf. ATF 124 V 380 consid. 1 p. 382 s.).

 

S’agissant de la soustraction du droit aux rentes AVS aux exécutions forcées (art. 20 al. 1 LAVS) ainsi que de l’incessibilité (art. 197 al. 1 LP en relation avec l’art. 22 al. 1 LPGA) et de l’insaisissabilité (art. 197 al. 1 LP en relation avec l’art. 92 al. 1 ch. 9a LP) de ces prestations, le Tribunal fédéral a rappelé que le montant de 33’708 fr. (correspondant au droit de l’assuré décédé à une rente de vieillesse pour la période courant du mois d’octobre 2010 à celui de juin 2012) n’a pas fait l’objet d’une exécution forcée mais est entré dans la succession (masse successorale) du défunt qui, une fois répudiée par l’ensemble des héritiers, a été liquidée par voie de faillite.

 

Le TF rejette le recours de la veuve.

 

 

Arrêt 9C_268/2016 consultable ici : http://bit.ly/2iTFnI2

 

 

8C_229/2016 (f) du 09.11.2016 – Causalité naturelle pour troubles oculaires – rechute – 6 LAA – 11 OLAA / Vraisemblance prépondérante d’une érosion cornéenne – Fardeau de la preuve

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_229/2016 (f) du 09.11.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2kiCNMj

 

Causalité naturelle pour troubles oculaires – rechute – 6 LAA – 11 OLAA

Vraisemblance prépondérante d’une érosion cornéenne – Fardeau de la preuve

 

Assuré, travaillant en qualité d’électricien, a ainsi déclaré l’accident survenu le 25.06.2012 : « un fil électrique en tournant m’a blessé l’œil ». Les diagnostics de débris au canthus interne et de blépharite ont été posés par les médecins de l’hôpital ophtalmique. Le traitement consistait en un rinçage, un traitement antibiotique et une hydratation de l’œil.

Le 19.03.2013, l’assuré a informé l’assurance-accidents qu’il avait toujours des problèmes au niveau de son œil gauche. Dans un rapport du 12.02.2015, l’ophtalmologue-traitant a posé le diagnostic de probable érosion cornéenne gauche suite à l’accident du 25.06.2012. Sous la rubrique « Evolution », il a notamment indiqué: « pas d’érosion constatée objectivement ». La spécialiste de la division médecine des assurances a indiqué, le 17.03.2015, que l’on ne pouvait envisager de maladie à caractère récidivant en l’espèce puisqu’il n’y avait pas d’érosion de la cornée, mais uniquement une irritation provoquée par des particules étrangères. La problématique oculaire de l’assuré était en revanche attribuable à la blépharite, soit une inflammation chronique au bord des paupières. Par conséquent, il n’y avait pas de lien de causalité entre les troubles de l’assuré, constitutifs de la rechute déclarée, et l’événement accidentel initial.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a refusé d’allouer des prestations pour les troubles oculaires ayant fait l’objet d’un traitement chez l’ophtalmologue-traitant.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 95/15 – 21/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2iTlnFn)

Par arrêt du 04.02.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Les premiers juges ont estimé que les renseignements médicaux au dossier étaient suffisants et probants pour conclure qu’il n’y avait pas de lien de causalité entre l’accident et les troubles de l’œil gauche réannoncés.

En cas de rechute ou de séquelle tardive, l’obligation de l’assureur-accidents de répondre de la nouvelle atteinte à la santé n’est pas donnée du seul fait que l’existence d’un lien de causalité naturelle entre l’atteinte initiale et un accident a été reconnue. Les conséquences de l’absence de preuve d’un tel lien entre la nouvelle atteinte et l’accident doivent être supportées par l’assuré qui requiert des prestations de l’assurance-accidents pour ladite atteinte (RAMA 1994 n° U 206 p. 328 consid. 3b; arrêt de l’ancien Tribunal fédéral des assurances U 192/06 du 10 avril 2007, consid. 3.3).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_229/2016 consultable ici : http://bit.ly/2kiCNMj

 

 

6B_23/2016 (f) du 09.12.2016 – Violation grave des règles de la circulation routière – 90 ch. 2 aLCR / Excès de vitesse dans une zone 20 km/h – 32 LCR / Vitesse n’ayant pas pu être déterminée avec précision

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_23/2016 (f) du 09.12.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2k7D0kQ

 

Violation grave des règles de la circulation routière – 90 ch. 2 aLCR

Excès de vitesse dans une zone 20 km/h – 32 LCR

Vitesse n’ayant pas pu être déterminée avec précision

 

Le mardi 19.07.2011, entre 11 h 25 et 11 h 35, X.__ circulait au volant d’un véhicule utilitaire. Il était parfaitement conscient que la vitesse autorisée dans cette zone de rencontre était de 20 km/h. Il avait néanmoins roulé à une vitesse bien supérieure, sans pour autant que sa vitesse puisse être déterminée avec précision. Le conducteur avait circulé à une vitesse qui était en totale inadéquation avec la configuration des lieux (places de stationnement, fontaine, tournant à gauche), notamment sous l’angle de la visibilité et de la possibilité d’être à tout moment confronté tant à des véhicules circulant en sens inverse qu’à des piétons, en particulier des enfants en vacances scolaires et à l’heure de sortie des passeports vacances.

 

TF

Détermination de la vitesse

Selon le TF, l’autorité précédente pouvait sans arbitraire se fonder sur les déclarations concordantes des deux témoins visuels pour retenir que le recourant roulait à vive allure, soit à une vitesse bien supérieure à 20 km/h, proche de la limite posée par la jurisprudence (soit 45 km/h [20 km/h en zone de rencontre + 25 km/h]), sans qu’elle ne puisse être précisément déterminée.

 

Vitesse adaptée aux circonstances

L’art. 32 al. 1 LCR implique notamment qu’on ne peut circuler à la vitesse maximale autorisée que si les conditions de la route, du trafic et de visibilité sont favorables (ATF 121 IV 286 consid. 4b p. 291; plus récemment arrêt 6B_1247/2013 du 13 mars 2014 consid. 3.1). La violation de l’art. 32 al. 1 LCR n’est pas subordonnée à la condition de la perte de maîtrise du véhicule (arrêt 4A_76/2009 du 6 avril 2009 consid. 3.2).

Pour dire si une violation d’une règle de la circulation doit être qualifiée de grave au sens de l’art. 90 al. 2 LCR, respectivement 90 ch. 2 aLCR, il faut procéder à une appréciation aussi bien objective que subjective.

D’un point de vue objectif, la violation grave d’une règle de circulation au sens de l’art. 90 ch. 2 aLCR suppose que l’auteur a mis sérieusement en danger la sécurité du trafic. Il y a création d’un danger sérieux pour la sécurité d’autrui non seulement en cas de mise en danger concrète, mais déjà en cas de mise en danger abstraite accrue (ATF 142 IV 93 consid. 3.1. p. 96; 131 IV 133 consid. 3.2 p. 136). Il y a mise en danger abstraite accrue lorsqu’une ou des personnes indéterminées auraient pu se trouver potentiellement exposées à un danger pour leur intégrité physique. Lorsque l’on peut objectivement exclure des circonstances la présence de tout tiers, y compris, le cas échéant, du passager du conducteur en infraction, l’imminence du danger peut être niée (arrêt 6B_117/2015 du 11 février 2016 consid. 13.2).

Subjectivement, l’état de fait de l’art. 90 ch. 2 aLCR exige un comportement sans scrupules ou gravement contraire aux règles de la circulation, c’est-à-dire une faute grave et, en cas d’acte commis par négligence, à tout le moins une négligence grossière (ATF 142 IV 93 consid. 3.1. p. 96). Celle-ci doit être admise lorsque le conducteur est conscient du caractère généralement dangereux de son comportement contraire aux règles de la circulation. Mais une négligence grossière peut également exister lorsque, contrairement à ses devoirs, l’auteur ne prend absolument pas en compte le fait qu’il met en danger les autres usagers, en d’autres termes s’il se rend coupable d’une négligence inconsciente. Dans de tels cas, une négligence grossière ne peut être admise que si l’absence de prise de conscience du danger créé pour autrui repose elle-même sur une absence de scrupules (ATF 131 IV 133 consid. 3.2 p. 136). Plus la violation de la règle de la circulation apparaît objectivement grave, plus facilement sera admis, sauf circonstances particulières contraires, un comportement sans scrupule. L’acceptation de l’absence de scrupules ne peut cependant pas être déduite de toute inattention (cf. ATF 142 IV 93 consid. 3.1. p. 96 et les références).

Dans le domaine des excès de vitesse, la jurisprudence a été amenée à fixer des règles précises afin d’assurer l’égalité de traitement. Ainsi, le cas est objectivement grave au sens de l’art. 90 ch. 2 aLCR, sans égard aux circonstances concrètes, en cas de dépassement de la vitesse autorisée de 25 km/h ou plus à l’intérieur des localités (ATF 132 II 234 consid. 3.1 p. 237 s.). Même en deçà de cette limite, le cas peut néanmoins être objectivement grave pour d’autres motifs, par exemple à raison d’une vitesse inadaptée aux circonstances, au sens de l’art. 32 al. 1 LCR, ayant entraîné une perte de maîtrise du véhicule. Il a été relevé de manière répétée qu’il en irait de même dans le cas de celui qui, dans une localité, circulerait à 50 km/h à proximité d’un jardin d’enfants au moment où des enfants se trouvent à cet endroit, en raison du risque important créé dans un lieu où circulent des usagers particulièrement vulnérables (piétons, cyclistes; ATF 121 II 127 consid. 4a p. 132; arrêt 6B_282/2009 du 14 décembre 2009 consid. 2.1).

 

Il ressort de l’arrêt attaqué que la zone où a eu lieu le comportement reproché au recourant était une zone de rencontre, soit une route située dans un quartier résidentiel ou commercial, sur laquelle les piétons et les utilisateurs d’engins assimilés à des véhicules peuvent utiliser toute l’aire de circulation, où ils bénéficient de la priorité mais ne doivent toutefois pas gêner inutilement les véhicules et où la vitesse maximale est fixée à 20 km/h (cf. art. 22b al. 1 et 2 de l’ordonnance sur la signalisation routière du 5 septembre 1979; OSR; RS 741.21). Sur de telles routes, les conducteurs sont tenus de circuler d’une manière particulièrement prudente et prévenante (art. 41a de l’ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962; OCR; RS 741.11).

Compte tenu de la configuration des lieux, du peu de visibilité – et donc d’anticipation possible – du recourant sur le trafic pouvant surgir en contre-sens et sur les piétons pouvant s’engager sur la route sur laquelle ils étaient prioritaires, le recourant a par sa conduite créé un danger abstrait accru pour, notamment, les piétons présents dans la zone de rencontre qui se sont potentiellement trouvés exposés à un danger pour leur intégrité physique. La violation précitée de l’art. 32 al. 1 LCR est objectivement grave au sens de l’art. 90 ch. 2 aLCR.

Subjectivement, l’autorité précédente a constaté que le recourant avait parfaitement conscience qu’il se trouvait dans une zone de rencontre limitée à 20 km/h et n’avait pas tenu compte du fait qu’il mettait en danger les autres usagers, sa préoccupation d’amener des matériaux pour ses employés travaillant sur le chantier l’emportant sur le péril qu’il faisait courir aux autres usagers. Elle a ainsi retenu qu’il n’avait eu aucun égard pour ces derniers. Ce raisonnement ne peut qu’être suivi. Le recourant en roulant aussi vite qu’il l’a fait, alors qu’il savait qu’il traversait une zone limitée à 20 km/h et que sa visibilité était restreinte, a fait preuve à tout le moins d’une négligence grossière et d’une absence de scrupules pour les utilisateurs potentiels de la zone de rencontre.

 

Le TF rejette le recours du conducteur.

 

 

Arrêt 6B_23/2016 consultable ici : http://bit.ly/2k7D0kQ

 

 

Les changements induits par la révision de la Loi fédérale sur l’assurance-accidents (selon le projet de loi)

Edit : le présent article est remplacé par l’article publié le 31.01.2017, consultable ici : Jusletter – Révision de la LAA – Ionta David – 2017-01-30

 

La loi fédérale sur l’assurance-accidents, entrée en vigueur le 1er janvier 1984, a pour l’essentiel fait ses preuves, et le financement des prestations est assuré. Cependant, quelques adaptations s’imposent en raison des changements intervenus au cours des trente dernières années.

Cette révision de la LAA a une longue histoire, puisque le premier projet du Conseil fédéral date du 30 mai 2008, et avait fait l’objet de vives controverses entre 2008 et 2010 au sein de la commission du Conseil national. Le Parlement avait fini par le renvoyer au Conseil fédéral au printemps 2011, avec mandat de réexaminer l’ampleur de la révision, et de limiter le projet à l’essentiel. Il fallait en particulier examiner la problématique de la surindemnisation des assurés, en tenant compte de la prévoyance professionnelle, et de l’adapter de manière appropriée. Le traitement du projet 2 (Organisation et activités accessoires de la CNA) avait été suspendu.

En 2015 (session d’été et d’automne), le projet 3, qui est le projet 1 remanié, et le projet 2, qui a lui aussi subi des changements, ont été examiné par les deux chambres. Le projet 3 a été remanié avec le concours des organisations faîtières des partenaires sociaux et des assureurs.

Les associations faîtières des partenaires sociaux et les assureurs ont été invités à présenter des propositions sur le contenu de cette nouvelle version du projet 3. L’objectif était d’aboutir à un compromis largement soutenu, afin de pouvoir poursuivre les débats parlementaires sur la base d’un consensus. Les partenaires sociaux ont remis fin novembre 2013 leur proposition de compromis, qui est également soutenue par les assureurs. Le projet 1 a donc été remanié sur cette base. Il reprend largement les propositions du projet du 30 mai 2008 et la commission a jugé ce compromis bon. Elle a approuvé, à l’unanimité, ce premier volet de la révision à la mi-avril 2015. Elle s’est écartée sur un seul point du compromis que les partenaires sociaux et les assureurs avaient échafaudé.

Lors de la session d’automne 2015, les deux chambres ont discuté du texte légal, article par article, mettant fin à la reforme.

Au vu des nombreuses questions qui me sont venues lors de la lecture du projet 1 (puis le projet 3 suite à l’abandon du projet 1), il m’apparaissait important de constater, avec des exemples, les problèmes auxquels nous devrons faire face une fois la loi entrée en vigueur.

Vous trouverez ici mon article sur les changements qu’apportera la nouvelle loi sur l’assurance-accidents.

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Révision de la Loi fédérale sur l’assurance-accidents

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Révision de la Loi fédérale sur l’assurance-accidents de David Ionta est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International.

9C_51/2016 (f) du 02.11.2016 – Changement d’assureur – primes impayées – notion d’« assurés en retard de paiement » – 64a LAMal – 105b OAMal – 105l OAMal

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_51/2016 (f) du 02.11.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2kh2KHQ

 

Changement d’assureur – primes impayées – notion d’« assurés en retard de paiement » / 64a LAMal – 105b OAMal – 105l OAMal

 

TF

D’après l’art. 64a al. 6 LAMal, seuls les assurés « en retard de paiement » ne peuvent pas changer d’assureur. Ce retard de paiement ne se produit qu’au moment de la notification de la sommation visée à l’art. 105b al. 1 OAMal (art. 105l al. 1 OAMal) qui doit être précédée d’un rappel écrit au moins (art. 64a al. 1 LAMal; à propos des deux mesures que doit adopter l’assureur en cas de non-paiement de primes et de participations aux coûts, cf. Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 28 août 2009 concernant l’Initiative parlementaire Article 64a LAMal et primes non payées, FF 2009 5973, p. 5976 ch. 3 ad art. 64a al. 1). Selon la jurisprudence, en présence de sommations prématurées – en l’occurrence, à défaut de sommation – l’assuré ne peut pas être considéré comme « en retard de paiement » au sens de l’art. 64a al. 6 LAMal en relation avec l’art. 105l OAMal (arrêt 9C_653/2015 du 7 juillet 2016 consid. 4.2).

En l’espèce, la facture afférente à la prime du mois de décembre 2011 est datée du 26.08.2011 et a été suivie d’un rappel daté du 16.12.2011, ainsi que d’une sommation datée du 20.01.2012. Cette dernière n’a ainsi pu être notifiée à l’assuré que postérieurement à cette date. Par conséquent, la juridiction cantonale ne pouvait constater que le recourant se trouvait « en retard de paiement » lors de la dissolution des relations contractuelles à la fin de l’année 2011 sans violer les normes citées.

Il découle de la disposition légale mentionnée en relation avec l’art. 105l al. 2 OAMal que la sommation doit avoir été notifiée à l’assuré un mois avant l’échéance du délai de résiliation, pour que la conséquence prévue par la loi – l’impossibilité de changer d’assureur – puisse intervenir; une sommation postérieure ne peut pas empêcher le changement d’assureur (Gebhard Eugster, Krankenversicherung, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 3ème éd. 2016, p. 457, n° 168). L’assuré doit alors s’acquitter de la prime impayée, mais n’est pas tenu à d’autres obligations contractuelles à l’égard de l’assureur (arrêt 9C_653/2015 précité, consid. 4.2 in fine).

 

 

Arrêt 9C_51/2016 consultable ici : http://bit.ly/2kh2KHQ