Archives de catégorie : Assurance-accidents LAA

8C_55/2015 (f) du 12.02.2016 – Droit au traitement médical – 10 LAA – 21 LAA / Contestation du début du droit à la rente et traitement médical selon 21 LAA / Usage « hors étiquette » d’un médicament / Traitement de la douleur par injection de kétamine non reconnu scientifiquement

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_55/2015 (f) du 12.02.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1pnGf6s

 

Droit au traitement médical / 10 LAA – 21 LAA

Contestation du début du droit à la rente et traitement médical selon 21 LAA

Usage « hors étiquette » d’un médicament

Traitement de la douleur par injection de kétamine non reconnu scientifiquement

 

Assuré, mécanicien sur machines textiles, victime, le 27.08.2007, d’une chute du haut d’une machine et d’une blessure à la main droite. L’évolution a été défavorable, marquée par une algodystrophie du 5ème rayon de la main droite et d’une capsulite rétractile de l’épaule gauche.

A partir d’avril 2009, l’assuré a bénéficié, à intervalles réguliers de trois mois, un traitement médical sous la forme de perfusions de médicaments antalgiques, en particulier de kétamine (médicament Ketalar®), visant à élever le seuil douloureux. Ce traitement a eu un bénéfice certain.

Par décision du 11.02.2011, l’assureur-accidents a octroyé à l’assuré une rente fondée sur un degré d’invalidité de 22% dès le 01.01.2010 ainsi qu’une indemnité pour atteinte à l’intégrité d’un taux de 6%. L’assuré s’est opposé à cette décision, demandant entre autre la continuation de la prise en charge du traitement à la kétamine. Dans une nouvelle décision du 23.10.2012, l’assurance-accidents a partiellement admis l’opposition en ce sens qu’elle a prolongé le versement de l’indemnité journalière jusqu’au 31.10.2010 et fixé la naissance du droit à la rente au 01.11.2010.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 25.11.2014, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Contestation du début du droit à la rente et traitement médical selon 21 LAA

En se référant à l’arrêt U 252/01 de l’ancien Tribunal fédéral des assurances, la cour cantonale a considéré que le droit éventuel de l’assuré à la prise en charge du traitement litigieux devait être examiné à l’aune de l’art. 10 al. 1 LAA. Dans cet arrêt, l’ancien TFA avait été saisi d’un recours interjeté par un assuré contre le refus de l’assureur-accidents (confirmé en dernière instance cantonale) de prendre en charge une opération chirurgicale au titre de l’art. 21 al. 1 LAA, à un moment où une procédure parallèle sur le droit à la rente de cet assuré était encore pendante devant le tribunal cantonal. La cour fédérale a retenu que tant que la décision de rente n’était pas entrée en force, la rente ne pouvait être considérée comme fixée au sens de l’art. 21 al. 1 LAA. En effet, le juge appelé à se prononcer sur la décision de rente pourrait retenir que la poursuite du traitement médical était susceptible d’apporter une amélioration sensible de l’état de santé de l’assuré, ce qui aurait pour effet de différer la fixation de la rente au sens de l’art. 19 al. 1 LAA. C’est pourquoi, l’assureur-accidents – et le juge en cas de recours – devait examiner le bien-fondé de la demande de prise en charge de l’opération chirurgicale selon les conditions de l’art. 10 al. 1 LAA.

En l’espèce, ce sont les mêmes juges dans la même procédure qui avaient à traiter de tous les aspects du droit aux prestations de l’assuré. Dès lors que la cour cantonale a confirmé la stabilisation de l’état de santé de celui-ci au 01.11.2010 ainsi que le passage à la rente à cette date – ce qui n’était au demeurant pas contesté par l’assuré -, on ne voit pas d’obstacle à considérer que la rente est fixée au sens de l’art. 21 al. 1 LAA même si la décision de rente n’est pas encore formellement entrée en force parce que l’intéressé a conclu à la reconnaissance d’un degré d’invalidité supérieur à celui fixé par cette décision.

 

Droit au traitement médical – 10 LAA – 21 LAA

L’assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l’accident, à savoir notamment au traitement ambulatoire dispensé par le médecin, ainsi qu’aux médicaments et analyses ordonnés par celui-ci (art. 10 al. 1 let. a et b LAA). Le traitement médical n’est alloué qu’aussi longtemps que sa continuation est susceptible d’apporter une sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré. Il cesse dès la naissance du droit à la rente (art. 19 al. 1, 2ème phrase, LAA). Lorsque la rente a été fixée, les prestations pour soins et remboursement de frais (art. 10 à 13 LAA) sont accordées à son bénéficiaire aux conditions énumérées à l’art. 21 al. 1 LAA, soit notamment lorsqu’il a besoin de manière durable d’un traitement et de soins pour conserver sa capacité résiduelle de gain (let. c). Ainsi, les conditions du droit à la prise en charge des frais de traitement médical diffèrent selon que l’assuré est ou n’est pas au bénéfice d’une rente (ATF 116 V 41 consid. 3b p. 45).

La cour cantonale a retenu que le traitement à la kétamine permettait de soulager passagèrement les douleurs chroniques de l’assuré sans toutefois apporter d’amélioration sensible de son état de santé. Partant, l’assurance-accidents n’avait pas à en assumer la prise en charge au titre de l’art. 10 al. 1 LAA postérieurement au 31.12.2010. A cela s’ajoutait que l’injection, à faibles doses, du médicament Ketalar® pour élever le seuil douloureux en cas de syndrome douloureux chronique correspondait à un usage « hors étiquette » de ce médicament dont l’indication autorisée est l’induction d’une anesthésie générale. Or une telle utilisation du médicament ne donnait pas lieu à un remboursement dans l’assurance-maladie obligatoire et il devait en aller de même dans l’assurance-accidents. Enfin, de l’aveu même de la Doctoresse F.__, il ne s’agissait pas d’une thérapie scientifiquement reconnue, ce qui justifiait également que l’assurance-accidents ne la prenne pas en charge.

 

Traitement de la douleur par injection de kétamine non reconnu scientifiquement

Il est admis en jurisprudence comme en doctrine que le traitement médical doit être scientifiquement reconnu pour être pris en charge par l’assurance-accidents: l’assuré n’a pas droit à la prise en charge de traitements expérimentaux, pas plus que l’assureur ne saurait lui imposer de tels traitements (voir ATF 123 V 53 consid. 2b/bb p. 59; RAMA 2000 n° U 395 p. 317 consid. 5a, U 160/98; Jean-Maurice Frésard/Margit Moser-Szeless, L’assurance-accidents obligatoire (avec des aspects de l’assurance-militaire), in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3ème éd. 2016, p. 969 n° 198; Alexandra Rumo-Jungo, Bundesgesetz über die Unfallversicherung, 4ème éd. 2012, ad. art. 54 LAA, p. 244; Alfred Maurer, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, 2ème éd. 1989, p. 291). A cet égard, l’assureur-accidents s’inspire en principe de la jurisprudence relative à l’assurance-maladie (critère de l’efficacité posé par l’art. 32 al. 2 LAMal). Une méthode de traitement est considérée comme éprouvée par la science médicale, c’est-à-dire réputée scientifiquement reconnue, si elle est largement admise par les chercheurs et les praticiens (ATF 123 V 53 consid. 2b/aa p. 58). Quant à la prise en charge des médicaments, l’art. 71 al. 2 OLAA (RS 832.202) prévoit qu’ils sont remboursés par les assureurs d’après les listes qui ont été établies conformément à l’art. 52 al. 1 de la LAMal.

En l’espèce, le médicament Ketalar® et le spray nasal à la kétamine ne figurent pas sur la liste des spécialités établie par l’Office fédéral de la santé publique. D’autre part, il ressort des articles scientifiques produits que l’injection intraveineuse de kétamine à faibles doses pour combattre la douleur en est encore à un stade expérimental même si quelques études ont montré une certaine efficacité dans le traitement des douleurs à prédominance neuropathique grâce à la propriété de la kétamine de bloquer les récepteurs NMDA (acide-N-méthyl-D-aspartique). Il y est également relevé que la kétamine a des effets secondaires et qu’il subsiste de nombreuses interrogations liés à l’utilisation de cet agent analgésique puissant en dehors de son usage médical premier qui est l’induction d’une anesthésie générale. On ne peut donc considérer qu’il s’agit d’un traitement scientifiquement éprouvé et reconnu.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_55/2015 consultable ici : http://bit.ly/1pnGf6s

 

 

8C_252/2012 (f) du 30.11.2012 – Accident en état d’ébriété, avec drogues (cannabis, lidocaïne, atropine et midazolam), sans ceinture de sécurité, vitesse inadaptée / Assuré décédé – réduction pour délits – 37 al. 3 LAA / Taux d’alcoolémie moyen à retenir – Rappel de la jurisprudence / Réduction prestations survivants conforme au droit international

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_252/2012 (f) du 30.11.2012

 

Consultable ici : http://bit.ly/1UYeFql

 

Accident en état d’ébriété, avec drogues (cannabis, lidocaïne, atropine et midazolam), sans ceinture de sécurité, vitesse inadaptée

Assuré décédé – réduction pour délits – 37 al. 3 LAA

Taux d’alcoolémie moyen à retenir – Rappel de la jurisprudence

Réduction prestations survivants conforme au droit international

 

Faits

Assuré victime d’un accident de la circulation le 17.04.2010, placé dans un coma médicamenteux. En raison de la mort cérébrale du patient, les médecins ont coupé le soutien ventilatoire de l’assuré qui est décédé le 05.05.2010.

Du rapport de police, il ressort que l’assuré circulait en état d’ébriété, seul à bord de son automobile sur une route sèche, sans avoir attaché sa ceinture de sécurité. Il a perdu la maîtrise de son véhicule qui roulait à une vitesse inadaptée au tracé de la route. Une expertise toxicologique des échantillons d’urine et de sang prélevés le jour même a révélé la présence de cannabis et d’éthanol (taux compris entre 1,05 et 2,22 g pour mille au moment de l’événement). En outre, des substances telles que la lidocaïne, l’atropine et le midazolam ont été mises également en évidence dans les échantillons biologiques. Dans un rapport complémentaire du 04.06.2010, la gendarmerie a conclu à une faute dans la conduite d’un véhicule automobile, au motif que le conducteur était incapable de conduire en raison de la consommation de stupéfiants.

L’assureur LAA rend une décision le 25.06.2010, tenant compte d’une réduciton de 50% en raison de la gravité des infractions commises par l’assuré (conduite en état d’ébriété, défaut du port de la ceinture de sécurité et vitesse inadaptée aux circonstances, ainsi qu’aux conditions de la route, de la circulation et de la visibilité).

 

Par jugement du 09.02.2012, la juridiction genevoise a partiellement admis le recours et a fixé à 40% la réduction des prestations allouées aux survivants. Taux de réduction confirmé par le TF.

 

Art. 37 al. 3 LAA et 21 LPGA

L’art. 37 al. 3 LAA contient une double dérogation à l’art. 21 LPGA. En premier lieu, la LAA permet une réduction des prestations allouées à l’assuré ou aux survivants en cas de crime ou de délit non intentionnel. En second lieu, quand l’assuré décédé a lui-même commis un crime ou un délit, les prestations en espèces pour les survivants peuvent être réduites de moitié au plus (voir ATF 134 V 277 consid. 2.4 p. 280). Ces dérogations à la LPGA ont été voulues par le législateur, qui entendait maintenir le régime des sanctions instauré par l’ancien art. 37 al. 3 LAA. Par ces dérogations, il avait en vue, principalement, les accidents causés par un conducteur pris de boisson. Cette intention ressort de manière non équivoque du rapport de la Commission du Conseil national de la sécurité sociale et de la santé du 26 mars 1999 (FF 1999 p. 4168). A ce sujet, en effet, la commission s’est exprimée en ces termes (p. 4346; cf. aussi ATF 134 V 277 consid. 3.3 p. 282):

« L’art. 37, al. 3, LAA règle la réduction en cas d’accident en relation avec la commission d’un délit ou d’une infraction. Cette disposition s’écarte de plusieurs manières de l’art. 27 LPGA: d’une part, elle couvre également les cas survenant en présence d’un délit commis par négligence et, d’autre part, les réductions prévues touchent également les proches. Le principal cas d’application est la conduite en état d’ébriété » (cf. aussi ATF 134 V 277 consid. 3.3 p. 282).

 

Taux de réduction en cas d’alcoolémie

Avant l’entrée en vigueur (le 01.01.2005) du nouvel art. 91 al. 1 LCR, l’ancien Tribunal fédéral des assurances avait maintes fois confirmé la pratique des assureurs-accidents, notamment la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents, qui faisait dépendre le taux de réduction du degré d’alcoolémie selon l’échelle suivante: entre 0,8 et 1,2‰, la réduction est de 20% ; elle augmente de 10% pour chaque 0,4‰ d’alcoolémie supplémentaire (ATF 120 V 224 consid. 4c p. 231; RAMA 1996, no U 263 p. 284 consid. 4, 1995 no U 208 p. 24 consid 3a). L’abaissement du taux limite d’alcoolémie à 0,5 gramme pour mille n’a pas modifié cette pratique et la jurisprudence rendue à son propos reste donc valable (Jean-Maurice Frésard/Margit Moser-Szeless, L’assurance-accidents obligatoire, in: Soziale Sicherheit, SBVR. vol. XIV, n° 314 p. 935).

 

Réduction selon 37 al. 3 LAA et conventions internationales

S’agissant d’un accident non professionnel, les conventions internationales ne sont pas applicables (Convention OIT n° 128 et Code Européen de Sécurité sociale).

 

Réduction des prestations de survivants selon 37 al. 3 LAA

Une sévérité moindre ne se justifie pas. Si l’assuré doit pourvoir à l’entretien de proches auxquels son décès ouvrirait droit à une rente de survivant ou s’il décède des suites de l’accident, les prestations ne peuvent être réduites que de moitié au plus. Il s’agit d’un privilège dit « pour proches » en ce sens que la réduction ne peut dépasser la moitié, lors même que la gravité de la faute aurait justifié un refus de prestations ou une réduction supérieure à ce taux (Ghélew/Ramelet/Ritter, Commentaire de la loi sur l’assurance-accidents [LAA], Lausanne 1992, p. 147 s.). Sous cet angle, il est déjà tenu compte du fait que les survivants ne sont pas à l’origine du comportement délictueux.

 

Taux d’alcoolémie – prise en compte du taux moyen

L’existence d’un écart entre l’alcoolémie minimale et maximale est inhérent au système, la prise de sang ne pouvant forcément qu’être effectuée un certain temps après le moment déterminant. Selon la jurisprudence rendue en matière pénale, lorsque l’analyse de sang a pu être effectuée à satisfaction scientifique, le juge ne saurait s’en écarter. En particulier, il est tenu de respecter le cadre défini par l’analyse, autrement dit les valeurs minimale et maximale d’alcoolémie qu’elle fixe. En revanche, aucune disposition légale n’impose en elle-même au juge de retenir l’alcoolémie la plus faible mentionnée dans l’analyse (cf. ATF 129 IV 290 consid. 2.7 p. 295). Quand il s’agit de fixer le taux d’alcoolémie de l’assuré en matière de réduction des prestations il est admissible de se fonder sur un taux moyen, en l’absence d’indications plus précises, notamment d’éléments de fait ressortant d’un jugement pénal (cf. arrêt U 394/05 du 10 novembre 2006 consid. 3.3).

 

 

Arrêt 8C_252/2012 consultable ici : http://bit.ly/1UYeFql

 

 

8C_897/2011 (f) du 22.11.2012 – Travail principal (maçon) et activité accessoire (sur appel) / Revenu sans invalidité (y.c. activité accessoire) – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_897/2011 (f) du 22.11.2012

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Q5aawe

 

Travail principal (maçon) et activité accessoire (sur appel) / Revenu sans invalidité (y.c. activité accessoire) – 16 LPGA

 

Assuré œuvrant comme maçon (activité principale) exerçant également une activité accessoire du 15.12.2006 au 30.04.2007.

Accident survenu le 15.02.2007, où l’assuré a glissé sur la neige; en se rattrapant sur les bras, il s’est blessé à l’épaule droite. Evolution a été défavorable. Plusieurs tentatives de reprise du travail dans une activité mieux adaptée auprès de l’employeur principal ont échoué.

Octroi par la Suva d’une rente d’invalidité (invalidité 20%) dès 01.02.2011 et une IPAI de 17.5%. Le degré d’invalidité résultait de la comparaison du revenu sans invalidité de 69’862 fr. avec le revenu dans une activité adaptée exigible à 100% de 56’167 fr. fixé sur la moyenne des salaires résultant de cinq descriptions de postes de travail (DPT), en tant que collaborateur de production, ouvrier de brasserie et caissier. Par DSO du 07.06.2011, le montant du gain annuel assuré a été porté à 72’234 fr. au lieu de 69’736 fr.

 

Recours auprès de le tribunal cantonal (jugement du 25.10.2011).

 

TF

S’agissant du revenu sans invalidité, le TF rappelle que les revenus obtenus dans l’exercice d’activités accessoires sont pris en compte dans la fixation du revenu sans invalidité, si l’on peut admettre que l’intéressé aurait, selon toute vraisemblance, continué à percevoir des gains accessoires s’il était resté en bonne santé. La prise en compte de ces gains accessoires intervient sans égard au rendement et au temps consacré pour leur obtention. Elle s’étend donc aux revenus obtenus dans une activité accomplie en supplément d’un emploi exercé dans les limites d’un horaire de travail normal. A la différence du revenu d’invalide, la question de l’exigibilité ne joue pas de rôle pour la détermination du revenu sans invalidité. Pour savoir si un revenu accessoire doit être pris en compte, seul est décisif le lien entre l’atteinte à la santé et la cessation de l’activité s’y rapportant (arrêts U 66/02 du 2 novembre 2004 consid. 4.1.2, in RAMA 2005 n° U 538 p. 112, U 130/02 du 29 novembre 2002 consid. 3.2.1, in RAMA 2003 n° U 476 p. 107 et 8C_452/2009 du 26 janvier 2010 consid. 4.3 et les références).

Des pièces au dossier, il s’avère que l’activité exercée à titre accessoire découlait d’un contrat de travail de durée déterminée et que l’activité accessoire n’a été exercée que quelques mois, à des taux d’occupation variables. Le TF rejoint l’appréciation de la juridiction précédente, dans le sens où l’activité s’exerçait sur appel, sans obligation de la part de l’employeur de fournir du travail. L’activité ne présente pas de caractère régulier ; rien ne laissait supposer au degré de vraisemblance requise qu’il aurait pu à l’avenir compter sur de nouveaux engagements.

Le TF confirme le revenu sans invalidité fixé à 69’862 fr. par l’assureur LAA et confirmé par la juridiction cantonale.

 

 

Arrêt 8C_897/2011 consultable ici : http://bit.ly/1Q5aawe

 

 

8C_926/2011 (f) du 07.12.2012 – Rente d’invalidité LAA – Capacité de travail exigible sur un marché équilibré du travail – 16 LPGA / Force contraignante de la décision de l’AI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_926/2011 (f) du 07.12.2012

 

Consultable ici : http://bit.ly/1ol1Uff

 

Rente d’invalidité LAA – Capacité de travail exigible sur un marché équilibré du travail – 16 LPGA

Force contraignante de la décision de l’AI

 

Faits

Un jardinier et chef d’équipe a fait une chute d’une échelle d’une hauteur de trois mètres, le 05.10.1998, occasionnant une fracture du péroné droit. En 1999, une arthroscopie met en évidence une importante lésion ostéo-cartilagineuse. La symptomatologie a évolué vers une arthrose de l’articulation tibio-astragalienne.

Expertise médicale confiée au Dr W.__, spéc. FMH en chirurgie orthopédique. Diagnostics retenus : arthrose tibio-astragalienne, arthrose sous astragalienne débutante, suspicion de canal lombaire étroit, obésité avec BMI à 37 ; seuls les deux premiers diagnostics étaient en rapport avec l’accident de 1998. CT dans son métier habituel : 50% avec certaines limitations. CT exigible : aucune incapacité de travail dans les professions de réceptionniste/téléphoniste (il convenait toutefois de tenir compte du fait que l’assuré avait arrêté sa scolarité à 11 ans), gardien de musée (dans un poste assis), employé de régie (dans un poste à l’interne, sans visite d’appartements) et surveillant de parking, tandis que les activités de commis administratif, préposé au guichet et employé dans une compagnie d’assurances n’étaient exigibles qu’à 75% vu la limitation existant pour le temps passé debout.

Entre 2006 et 2008, trois nouvelles interventions chirurgicales dont la pose d’une prothèse totale (17.10.2006).

Entre-temps, l’OAI GE lui a reconnu, par décision du 23.04.2008, le droit à une demi-rente d’invalidité dès le 01.09.2005, puis à une rente entière à compter du 01.01.2006.

A la demande de l’assurance-accidents, le médecin-expert spéc. en orthopédique a réexaminé l’assuré. Constatations d’une évolution défavorable après mise en place de la prothèse; le handicap est désormais indéniable. CT dans le métier de jardinier : nulle. CT exigible : entière dans une profession respectant toutes les limitations fonctionnelles constatées.

Décision du 03.02.2010 : IPAI de 25%. Décision du 12.04.2010 : rente d’invalidité de 27%.

RM de la doctoresse P.________, spéc. FMH en chirurgie orthopédique et médecin traitant : activité de jardinier plus exigible ; CT dans une activité adaptée : 50%, voire 75%.

Opposition de l’assuré contestant la quotité de la rente. DSO : rectification de la première décision, portant le taux d’invalidité à 29%.

 

Procédure cantonale

Le tribunal cantonal a admis le recours de l’assuré et annulé la DSO. Elle a reconnu le droit à une rente d’invalidité de 100% à partir du 01.02.2010.

 

TF

Capacité de travail exigible sur un marché équilibré du travail

Lorsqu’il s’agit d’examiner dans quelle mesure un assuré peut encore exploiter économiquement sa capacité de gain résiduelle sur le marché du travail entrant en considération pour lui (art. 16 LPGA en liaison avec l’art. 1 al. 1 LAA), on ne saurait subordonner la concrétisation des possibilités de travail et des perspectives de gain à des exigences excessives. Il s’ensuit que pour évaluer l’invalidité, il n’y a pas lieu d’examiner la question de savoir si un invalide peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s’il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail lorsque les places de travail disponibles correspondent à l’offre de la main d’œuvre (VSI 1998 p. 293, I 198/97 consid. 3b et les références). On ne saurait toutefois se fonder sur des possibilités de travail irréalistes. Ainsi, on ne peut parler d’une activité exigible au sens de l’art. 16 LPGA, lorsqu’elle ne peut être exercée que sous une forme tellement restreinte qu’elle n’existe pratiquement pas sur le marché général du travail ou que son exercice suppose de la part de l’employeur des concessions irréalistes et que, de ce fait, il semble exclu de trouver un emploi correspondant (RCC 1991 p. 329, I 350/89 consid. 3b; RCC 1989 p. 328, I 329/88 consid. 4a; arrêt 9C_713/2009 du 22 juillet 2010, consid. 3.2). A la lumière de ces considérations, il y a lieu de déterminer dans chaque cas de manière individuelle si l’assuré est encore en mesure d’exploiter une capacité de travail résiduelle sur le plan économique et de réaliser un salaire suffisant pour exclure une rente. Ni sous l’angle de l’obligation de diminuer le dommage, ni sous celui des possibilités qu’offre un marché du travail équilibré aux assurés pour mettre en valeur leur capacité de travail résiduelle, on ne saurait exiger d’eux qu’ils prennent des mesures incompatibles avec l’ensemble des circonstances objectives et subjectives (arrêts 9C_313/2007 du 8 janvier 2008, consid. 5.2; I 537/03 du 16 décembre 2003, consid. 3.1).

 

Exigences quant à la limitation de pouvoir alterner les positions et d’éviter de longs déplacements

Expert mandaté par l’assurance-accidents et médecin-traitant parlent en faveur d’une CT exigible. Il ressort de ces constatations médicales qu’une activité s’exerçant principalement en position assise, permettant d’alterner les positions et ne requérant pas de longs déplacements (en raison de l’utilisation de cannes) reste exigible. Si les limitations fonctionnelles peuvent de prime abord sembler importantes, elles représentent les mesures d’épargne somme toute pas inhabituelles dans ce cas. Au demeurant, elles ne requièrent pas des aménagements ou des concessions irréalistes de la part de l’employeur.

Il existe sur le marché du travail un éventail suffisamment large d’activités simples et légères, ne nécessitant aucune formation particulière, dont on doit convenir qu’un nombre significatif sont adaptées au handicap de l’intimé, notamment dans des activités de contrôle, de surveillance, de bureau et de l’industrie légère. On rappellera au demeurant qu’il n’y a pas lieu, dans ce contexte, d’examiner dans quelle mesure la situation concrète du marché du travail permettrait à l’intimé de retrouver un emploi (ATF 134 V 64 consid. 4.2.1 p. 70; 110 V 273 consid. 4b p. 276).

 

CT exigible dans le cas d’espèce

Les activités de gardien, surveillant de musée ou gardien de parking, envisagées par le docteur W.________ en 2005, restent exigibles. Dans la même mesure, les professions de huissier, réceptionniste/téléphoniste, employé de bureau sont également adaptées. Si l’on peut se poser la question de l’adéquation de ces dernières au profil professionnel de l’assuré, il y a toutefois lieu de relever que celui-ci n’a pas toujours exercé un travail manuel; avant son arrivée en Suisse, il a également travaillé durant six ans comme gérant d’une entreprise de production de poussins. En outre, le docteur W.________ l’a jugé apte à remplir des tâches administratives (de planification, gestion et établissement de devis), en retenant une capacité de travail résiduelle dans l’activité de jardinier sédentaire.

 

Force contraignante de la décision de l’OAI

L’évaluation de l’invalidité par l’OAI GE n’a pas de force contraignante pour l’assureur-accidents (ATF 131 V 362 consid. 2.3 p. 368). Au vu du rapport succinct du SMR, sur lequel se fonde la décision AI, il ne peut être établi (au degré de vraisemblance requise) que seules les séquelles liées à l’accident de 1998, à l’exclusion des autres atteintes (lombalgies, obésité, syndrome d’apnées du sommeil), ont motivé la décision d’octroi d’une rente et son maintien lors des révisions ultérieures.

 

Conclusion

Le recours de l’assurance-accidents admis. Cause renvoyée à la juridiction cantonale pour nouvelle décision.

 

 

Arrêt 8C_926/2011 consultable ici : http://bit.ly/1ol1Uff

 

 

8C_826/2011 (f) du 17.12.2012 – Traumatisme cranio-cérébral (TCC) suite à une chute de 2,8 m / Troubles psychiques apparus peu de temps après – Causalité adéquate – 6 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_826/2011 (f) du 17.12.2012

 

Consultable ici : http://bit.ly/1SEb8jJ

 

Traumatisme cranio-cérébral (TCC) suite à une chute de 2,8 m

Troubles psychiques apparus peu de temps après – Causalité adéquate – 6 LAA

Classification de la gravité de l’accident – rappel de la casuistique des chutes d’une certaine hauteur (consid. 6.2)

 

Faits

Assuré de 42 ans, arrivé en Suisse en mai 2004, travaillant comme ouvrier en bâtiment depuis le 01.07.2004. Le 27.07.2004, à son lieu de travail, il a fait une chute de 2,8 mètres sur le sol en béton. Score Glasgow de 7, intubé sur place et héliporté à l’Hôpital. Diagnostic posé de syncope d’étiologie inconnue suivie d’une chute ayant entraîné une commotion cérébrale. Les examens pratiqués n’ont révélé aucun signe de lésion traumatique. Transfert le lendemain au Centre hospitalier où il s’est plaint de cervicalgies et de maux de tête importants. Il y a séjourné jusqu’au 13.08.2004.

Du 16.08.2004 au 24.08.2004, l’assuré a derechef été hospitalisé pour des tendances suicidaires. Du 24.08.2004 au 14.09.2004, il a accompli un séjour à la CRR. Les médecins de cet établissement ont fait état d’une symptomatologie douloureuse invariable et de troubles comportementaux (apathie, adynamie) difficilement explicables par le seul traumatisme initial. Ils ont retenu, au premier plan, un trouble de l’adaptation avec réaction dépressive nécessitant une prise en charge psychiatrique.

Expertise neuropsychologique. Conclusion de l’expertise : l’assuré présentait des troubles neuropsychologiques atypiques s’intégrant dans un tableau psychique complexe sans lien de causalité avec l’accident. Décision le 02.04.2009 : fin de l’obligation de prester dès le 01.04.2009, confirmé par DSO du 09.07.2009.

 

TF

Confirmation par le TF que l’assuré a été victime d’un TCC sans substrat organique associé. Il apparaît toutefois que son état a été très vite influencé par des troubles psychiques importants.

Pas un seul des avis médicaux n’établit que la symptomatologie manifestée par l’assuré appartient exclusivement ou, du moins, de façon prépondérante au tableau caractéristique habituellement associé à un TCC. On doit bien plutôt en déduire que l’assuré a développé de manière précoce des problèmes d’ordre psychique qui constituent une atteinte à la santé distincte indépendante du traumatisme initial, ce qui justifie l’application des critères en cas de troubles psychiques consécutifs à un accident (voir ATF 134 V 109 consid. 9.5 p. 125 s.).

 

Degré de gravité d’un accident

Le degré de gravité d’un accident s’apprécie d’un point de vue objectif, en fonction de son déroulement; il ne faut pas s’attacher à la manière dont la victime a ressenti et assumé le choc traumatique (cf. ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140 et 403 consid. 5c/aa p. 409; Jean-Maurice Frésard/Margit Moser-Szeless, L’assurance-accidents obligatoire, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], 2ème éd., no 89 ss). Sont déterminantes les forces générées par l’accident et non pas les conséquences qui en résultent. La gravité des lésions subies – qui constitue l’un des critères objectifs définis par la jurisprudence pour juger du caractère adéquat du lien de causalité – ne doit être prise en considération à ce stade de l’examen que dans la mesure où elle donne une indication sur les forces en jeu lors de l’accident (arrêt 8C_77/2009 du 4 juin 2009 consid. 4.1.1 et les références citées).

 

Casuistique tirée de la jurisprudence en matière de chutes d’une certaine hauteur :

  • considérées comme faisant partie de la limite supérieure des accidents de gravité moyenne : chutes qui se sont produites d’une hauteur entre 5 et 8 mètres et qui ont entraîné des lésions osseuses relativement sévères (voir les arrêts publiés à la RAMA 1999 n° U 330 p. 122 consid. 4b/bb et RAMA 1998 n° U 307 p. 448 consid. 3a).
  • catégorie des accidents de gravité moyenne : cas de chutes d’une hauteur d’environ 3 mètres (voir notamment les arrêts 8C_305/2011 du 6 mars 2012, 8C_855/2009 du 21 avril 2010. Dans l’arrêt 8C_584/2007 du 9 septembre 2008 : assuré électricien monteur est tombé d’environ 3 à 4 mètres sur le sol après avoir subi une électrisation et a été trouvé pratiquement inconscient dans une petite mare de sang

Dans le cas d’espèce : chute d’une hauteur de 2,8 mètres, pas pleinement conscient au moment où il a chuté, donc tombé au sol de manière incontrôlée, le fait qu’il n’y a pas eu de lésion physique associée au TCC permet de considérer que les forces en jeu n’étaient pas telles qu’il faille aboutir à une appréciation différente de la situation (comme par exemple dans le cas ayant donné lieu à l’arrêt 8C_584/2010). Il y a lieu de ranger cet événement dans la catégorie des accidents de gravité moyenne stricto sensu.

 

Causalité adéquate entre des troubles psychiques et un accident de gravité moyenne

Les critères objectifs posés par la jurisprudence en la matière doivent se cumuler ou revêtir une intensité particulière (ATF 129 V 402 consid. 4.4.1 p. 407; 129 V 177 consid. 4.1 p. 183 ss; 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140 et 403 consid. 5c/aa p. 409).

In casu : aucun critère retenu. Causalité adéquate niée dès 31.03.2009. DSO confirmée.

 

 

Arrêt 8C_826/2011 consultable ici : http://bit.ly/1SEb8jJ

 

 

8C_901/2011 (f) du 19.12.2012 – Accident de la circulation sans plainte de lésion somatique initialement / Décision avec effet ex nunc et pro futuro / Névrose d’effroi – « Choc nerveux » – caractère extraordinaire de l’atteinte / Traumatisme psychique nié – stress suite à une collision

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_901/2011 (f) du 19.12.2012

 

Consultable ici : http://bit.ly/1nY4FmJ

 

Accident de la circulation sans plainte de lésion somatique initialement

Décision avec effet ex nunc et pro futuro

Névrose d’effroi – « Choc nerveux » – caractère extraordinaire de l’atteinte

Traumatisme psychique nié – stress suite à une collision

 

Faits

Le 8 novembre 2001, alors qu’elle arrivait à une intersection au volant de sa voiture, l’assurée, S., secrétaire, a obliqué à gauche sans accorder la priorité à un motocycliste qui circulait normalement en sens inverse. L’intéressée ne s’est plainte d’aucune blessure. De son côté, le motocycliste a été grièvement blessé lors de la collision.

Dans les semaines qui ont suivi cet accident, l’assurée a ressenti des vertiges accompagnés de nausées et de déséquilibres, ainsi que des douleurs à la nuque et de la fatigue. Consulté le 8 décembre 2001, le docteur H., spécialiste en médecine générale, a fait état d’une possible dysfonction labyrinthique et de cervicalgies post-contusionnelles. Il a attesté une incapacité de travail de 100% du 22 février au 1er mars 2002, avec reprise du travail à 100% dès le 2 mars suivant.

Décision du 6 juillet 2007 : octroi d’une IPAI de 10%, en raison des séquelles de l’accident, à savoir une affection au niveau de l’oreille interne, à l’origine d’un hydrops endolymphatique et de symptômes d’une maladie de Ménière. En outre, l’assureur-accidents a indiqué qu’il allait continuer de prendre en charge les frais des traitements médicaux nécessaires et appropriés, pour autant qu’il existât un lien de causalité naturelle entre l’accident et l’affection traitée.

A réception de factures de pharmacie concernant des médicaments délivrés les 9 janvier et 6 avril 2009, et d’une note d’honoraires du docteur R.________, médecin traitant de l’assurée, l’assurance-accidents a rendu une décision le 17 février 2010, confirmée sur opposition le 18 octobre suivant, par laquelle elle a refusé de prendre en charge désormais les frais du traitement relatif au syndrome de Ménière, motif pris de l’absence d’un lien de causalité entre ce trouble et l’accident du 8 novembre 2001. Bien qu’elle ait indiqué avoir admis par erreur l’existence d’un tel lien auparavant, l’assurance-accidents a renoncé à réclamer la restitution des prestations déjà allouées.

 

Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura a rejeté le recours de l’assurée par jugement du 31 octobre 2011.

 

Possibilité de mettre fin à l’obligation de prester avec effet ex nunc et pro futuro

Selon la jurisprudence, l’assureur-accidents a la possibilité de mettre fin avec effet ex nunc et pro futuro à son obligation de prendre en charge le cas, qu’il avait initialement reconnue en versant des prestations, sans devoir invoquer un motif de reconsidération ou de révision procédurale. Il peut liquider le cas en alléguant le fait qu’un événement assuré – selon une appréciation correcte de la situation – n’est jamais survenu, ou que l’existence d’un lien de causalité doit être niée (ATF 130 V 380 consid. 2.3.1 p. 384). Le Tribunal fédéral des assurances a précisé en outre que les frais de traitement et l’indemnité journalière ne constituent pas des prestations durables au sens de l’art. 17 al. 2 LPGA, de sorte que les règles présidant à la révision des prestations visées par cette disposition légale (cf. ATF 137 V 424 consid. 3.1 p. 428 et la référence) ne sont pas applicables (ATF 133 V 57 consid. 6.7 p. 65).

En l’occurrence, l’assureur LAA a supprimé, avec effet ex nunc et pro futuro, la prise en charge du traitement et a renoncé à réclamer la restitution des prestations allouées précédemment. L’assurée ne saurait dès lors critiquer cette décision en soutenant qu’il n’existait pas de motif de reconsidération ou de révision procédurale des décisions (formelle et matérielle) d’octroi des prestations ou que l’assureur-accidents n’a pas respecté les règles applicables à la révision des prestations durables.

 

Névrose d’effroi – « Choc nerveux » – caractère extraordinaire de l’atteinte

Si l’affection de l’oreille interne découlait d’un facteur de stress, l’accident du 8 novembre 2001, en particulier la violente émotion ressentie à la vue du choc subi par le motocycliste, ne constituait pas un événement dramatique propre à faire naître une terreur subite même chez une personne moins apte à supporter certains chocs nerveux.

Sur le vu des circonstances de l’accident du 8 novembre 2001, le TF considère que le traumatisme psychique ne remplit pas la condition du caractère extraordinaire de l’atteinte et, partant, il n’est pas constitutif d’un accident au sens de la jurisprudence (ATF 129 V 402 consid. 2.1 p. 404).

 

 

Arrêt 8C_901/2011 consultable ici : http://bit.ly/1nY4FmJ

 

 

8C_895/2011 (f) du 07.01.2013 – Rechute – 11 OLAA / Coiffe des rotateurs – causalité naturelle / Lésion possible – vraisemblance prépondérante

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_895/2011 (f) du 07.01.2013

 

Consultable ici : http://bit.ly/1QmOPIP

 

Rechute – 11 OLAA

Coiffe des rotateurs – causalité naturelle / Lésion possible – vraisemblance prépondérante

 

Faits

D., né en 1955, travaillait comme monteur-électricien. Le 11 novembre 1999, au cours d’une manœuvre de déplacement d’un câble à fibres optiques, le manchon avait glissé du chemin de câbles et était venu heurter l’épaule droite de l’assuré. Incapacité de travail dès le 24 janvier 2000. Arthro-IRM le 19 janvier 2000, qui a mis en évidence un important remaniement sous-chondral ainsi qu’une tuméfaction de l’articulation acromio-claviculaire droite dont l’origine pouvait être traumatique, mais pas de déchirure de la coiffe des rotateurs ni de signe en faveur d’une déchirure des bourrelets glénoïdiens. Traitement conservateur. Reprise du travail 100% dès le 28 février 2000. L’assurance-accidents a clôturé le cas à cette date après que l’assuré a été vu par le médecin d’arrondissement de l’assurance-accidents.

Le 6 juillet 2009, annonce de rechute de l’accident du 11 novembre 1999, avec incapacité de travail totale. Une artho-IRM de l’épaule droite a montré une arthrose acromio-claviculaire. Arthroscopie le 28 juin 2010 : lésion de la coiffe des rotateurs aux dépens du tiers supérieur du sub-scapulaire, une tendinopathie du long chef biceps et un conflit sous-acromial. Appréciation du 17 janvier 2011 du médecin d’arrondissement : pas de relation de causalité probable entre les troubles constatés en 2009 et l’accident initial du 11 novembre 1999.

Décision du 18.01.2011 et DSO du 24.02.2011 : refus de prendre en charge la rechute.

 

Notion de la rechute en LAA

Selon la jurisprudence, il y a rechute lorsqu’une atteinte présumée guérie récidive, de sorte qu’elle conduit à un traitement médical ou à une (nouvelle) incapacité de travail. Les rechutes se rattachent par définition à un événement accidentel. Corrélativement, elles ne peuvent faire naître une obligation de l’assureur-accidents (initial) de verser des prestations que s’il existe un lien de causalité naturelle et adéquate entre les nouvelles plaintes de l’intéressé et l’atteinte à la santé causée à l’époque par l’accident assuré (ATF 118 V 293 consid. 2c p. 296 et les références; RAMA 1994 n° U 206 p. 327 consid. 2).

 

Causalité naturelle et vraisemblance prépondérante

Le docteur L, qui a opéré l’assuré, a déclaré qu’une lésion de la coiffe des rotateurs à l’épaule droite pouvait être vue chez l’assuré aussi bien sur le cliché IRM réalisé en janvier 2000 que sur celui de juillet 2009. Il s’agissait toutefois d’une « constatation subtile », ce qui expliquait qu’elle était passée inaperçue. Une évolution lente de la lésion tendineuse était tout à fait possible. Chez une personne de moins de 55 ans, une lésion à la coiffe des rotateurs résultait généralement d’un traumatisme. A ses yeux, l’accident tel qu’il avait été décrit était susceptible de causer une telle atteinte. Sur la question de l’existence du lien de causalité, le docteur L. a répondu qu’un tel lien était possible à 50%. Il a également précisé que l’arthrose n’était pas responsable des douleurs ni de l’incapacité de travail.

Le premier médecin-traitant a observé qu’il avait peut-être posé le diagnostic initial de contusion de l’épaule droite un peu à la légère. L’arthrose était vraisemblablement due à l’accident initial puisque l’assuré ne présentait pas d’arthrose à l’épaule gauche. Le médecin traitant a également souligné que son patient lui avait confié avoir régulièrement souffert de son épaule droite depuis la survenance de l’accident.

Le médecin d’arrondissement a exprimé l’avis qu’une atteinte (partielle) de la coiffe des rotateurs sur le premier cliché IRM n’était ni établie ni exclue. Le fait que l’assuré avait déclaré être asymptomatique lors de l’examen médical final en mars 2000 et qu’il n’avait plus consulté pour des problèmes d’épaule jusqu’en 2009 ne correspondait pas à l’évolution généralement observée chez des patients souffrant d’une rupture traumatique du sous-scapulaire. Enfin, une contusion directe de l’épaule n’était pas le type de mécanisme propre à générer une rupture du tendon du sous-scapulaire.

Pour la lésion de la coiffe des rotateurs, l’on ne peut que constater que parmi les avis médicaux figurant au dossier, aucun ne va dans le sens d’une admission d’un tel rapport de causalité. Même le docteur L., qui disposait en tant que chirurgien traitant d’une connaissance exhaustive du cas de l’assuré, n’a pas abouti à la conclusion que la relation de causalité entre l’atteinte en cause et l’accident initial atteignait le seuil de la vraisemblance prépondérante. Il a dit qu’elle était possible, ce qui ne suffit pas pour fonder la responsabilité de l’assureur-accidents. En ce qui concerne l’origine de l’arthrose constatée sur l’IRM de 2009, cette atteinte restant sans conséquences invalidantes, l’assuré ne saurait prétendre de prestations d’assurance à ce titre.

 

 

Arrêt 8C_895/2011 consultable ici : http://bit.ly/1QmOPIP

 

 

8C_813/2011 (f) du 03.01.2013 – Accident de la circulation – traumatisme cranio-cérébral (« coup du lapin ») / Causalité adéquate – 6 LAA – selon l’arrêt Garcia (115 V 133) / Accident de gravité moyenne

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_813/2011 (f) du 03.01.2013

 

Consultable ici : http://bit.ly/1nY2Vdj

 

Accident de la circulation – traumatisme cranio-cérébral (« coup du lapin »)

Causalité adéquate – 6 LAA – selon l’arrêt Garcia (115 V 133)

Accident de gravité moyenne

 

Faits

W., alors âgée de 51 ans, est victime d’un accident de la circulation. Le 27 janvier 2006, alors qu’elle circulait au volant de son véhicule dans un tunnel, l’assurée a été percutée par un véhicule arrivant en sens inverse. Sous l’effet du choc, sa voiture s’est déportée sur la voie de gauche. Elle a alors heurté le véhicule qui suivait immédiatement celui de la conductrice responsable de l’accident avant de s’immobiliser contre le trottoir. Elle a aussitôt ressenti des douleurs à la nuque et a été transportée en ambulance à l’hôpital Z. qu’elle a quitté le jour même. Les examens effectués n’ont pas décelé de fracture ni de saignement au niveau du crâne ou de la colonne vertébrale. Dans son rapport du 9 février 2006, un spécialiste FMH en chirurgie a constaté que l’assurée présentait une fracture au pied gauche, une légère commotion cérébrale, un coup du lapin avec cervicalgie et des migraines. Dans un rapport du 7 juillet 2006, le docteur F., spécialiste FMH en neurologie, a relevé qu’au dysfonctionnement frontal venait s’ajouter un syndrome post-traumatique à tendance anxio-dépressive masquée ou en tous les cas non exprimée.

1ère expertise neurologique en 2007, mandatée par l’assureur LAA : diagnostics : TCC mineur avec commotion cérébrale associée à une distorsion cervicale simple (degré I à II selon la Québec Task Force), fracture des 3ème et 4ème métatarsiens, syndrome post-commotionnel après distorsion cervicale persistant et très probable état de stress post-traumatique. Les conséquences physiques de l’accident avaient «clairement» été accompagnées d’une réaction psychologique dont la description évoquait un état de stress post-traumatique assez typique avec un état anxieux et une altération de l’humeur à caractère dépressif, une reviviscence de l’événement accidentel, des troubles du sommeil, des cauchemars et des conduites d’évitement. L’état de santé de l’assurée n’était pas encore stabilisé.

2ème expertise neurologique en 2008, avec bilan neuropsychologique. Présence d’un syndrome anxio-dépressif. Le neurologue a relevé qu’il n’y avait aucune limitation significative de la capacité de travail sur le plan locomoteur et neurologique proprement dit. L’incapacité de travail potentielle était à mettre en relation avec les troubles neuropsychologiques, ainsi qu’avec les facteurs psychologiques (état anxio-dépressif et status après probable état de stress post-traumatique). Il préconisait la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique.

Août 2009, expertise psychiatrique, demandée par l’AI : diagnostic d’état de stress post-traumatique de gravité moyenne (voire majeure), d’un trouble panique avec agoraphobie, d’un état dépressif majeur de gravité légère à moyenne et d’une probable personnalité à traits limites (faux self) décompensée. Le psychiatre a conclu que le rapport de causalité naturelle entre les atteintes et l’accident incriminé pouvait être estimé comme certain pour une durée de deux ans. Dès la survenance du cancer du sein de l’assurée, les atteintes psychiques étaient à la fois d’origine accidentelle pour 50%, et pour le taux restant, relevaient d’un état maladif. Depuis lors, d’autres facteurs, sans rapport avec l’accident, jouaient un rôle non négligeable. L’évolution chronique des troubles de panique et de l’état de stress post-traumatique empêchait l’assurée de reprendre une activité professionnelle. La capacité de travail était donc nulle sur le plan psychiatrique.

Décision du 19 mai 2010 et DSO du 29 juin 2010 : suppression des prestations LAA à partir du 1er janvier 2010 motif pris de l’absence de relation de causalité existant entre les troubles psychiques et l’accident. Les atteintes physiques ne justifiaient aucune incapacité de travail et ne nécessitaient plus de traitement médical depuis le 31 décembre 2009.

 

Causalité adéquate

Dans le cas d’espèce, il s’agit bien d’un traumatisme du type «coup du lapin» ou à un traumatisme analogue (notamment un traumatisme cranio-cérébral), accompagné des symptômes typiques (maux de tête, douleurs à la nuque, troubles de la mémoire, diminution de la concentration, troubles du langage, troubles du sommeil et fatigabilité). Il apparaît toutefois que des troubles d’ordre psychique sont venus assez rapidement compléter le tableau clinique. L’assurée a développé des problèmes d’ordre psychique qui ont constitué – au plus tard deux ans après l’accident – une atteinte à la santé distincte et indépendante du tableau clinique des traumatismes cervicaux et cranio-cervicaux.

Critères jurisprudentiels a appliqué : selon l’ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140.

 

Classification de l’accident (gravité moyenne)

Bien que les véhicules aient roulé à une vitesse approximative de 80 km/h et que l’assurée ne portât pas sa ceinture de sécurité en raison d’une dispense médicale, les blessures n’ont pas été graves. Les occupants ont pu sortir de leur véhicule par leurs propres moyens après l’impact. Il n’a pas pu être établi que l’assurée ait perdu connaissance au moment de l’accident. Par ailleurs, la première collision n’a pas été frontale. Il ressort, en effet, du rapport de police que le véhicule fautif, en déviant de sa trajectoire, a percuté, avec son avant gauche, l’avant gauche du véhicule de la recourante. Enfin, même s’ils sont considérés comme «irréparables» d’un point de vue économique, il résulte des différentes photos du dossier pénal que les véhicules n’ont été que partiellement endommagés. Dès lors, il n’existe pas de circonstances justifiant de ranger l’accident du 27 janvier 2006 parmi les accidents graves (voir pour comparaison les arrêts 8C_354/2011 du 3 février 2012 consid. 3.3, 8C_767/2009 du 3 août 2010 consid. 4.2 et U 412/05 du 20 septembre 2006, consid. 5.2, où une collision frontale avec plusieurs blessés nécessitant une hospitalisation a été jugée de gravité moyenne à la limite des accidents graves). L’accident se situe dans la limite supérieure des accidents de gravité moyenne.

 

Examen de la causalité adéquate selon 115 V 133

Aucun des critères développés par la jurisprudence en rapport avec les accidents de la catégorie moyenne n’est rempli. L’accident n’a pas présenté d’un point de vue objectif un caractère particulièrement dramatique ou impressionnant. La durée du traitement médical – lequel a consisté pour l’essentiel en un traitement antalgique et conservateur, sous la forme de physiothérapie, ostéopathie et acupuncture – n’apparaît pas anormalement longue, étant donné que les troubles psychiques ont exercé assez tôt une influence prépondérante sur l’évolution de l’état de santé de l’assurée. Pour ce même motif, le critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques n’est pas non plus réalisé. Enfin, les lésions physiques ne revêtaient pas le caractère de gravité exigé par la jurisprudence.

 

Conclusions du TF

Par conséquent, l’existence d’un lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques persistant après le 1er janvier 2010 et l’accident doit être niée. L’assurance-accidents était fondée, par sa décision sur opposition du 29 juin 2010, à supprimer le droit de l’assurée aux prestations de l’assurance-accidents à partir du 1er janvier 2010.

 

 

Arrêt 8C_813/2011 consultable ici : http://bit.ly/1nY2Vdj

 

 

8C_959/2011 (f) du 19.12.2012 – Causalité naturelle et adéquate – 6 LAA / Accident de type coup du lapin (HWS) sans tableau clinique – Possibilité ou vraisemblance prépondérante des lésions somatiques

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_959/2011 (f) du 19.12.2012

 

Consultable ici : http://bit.ly/20F8mij

 

Causalité naturelle et adéquate – 6 LAA

Accident de type coup du lapin (HWS) sans tableau clinique – Possibilité ou vraisemblance prépondérante des lésions somatiques

 

Faits

Le 26.06.2007, assuré – infirmier de métier – a été victime d’un accident, alors qu’il était passager avant d’un véhicule qui est sorti de la route et a heurté un pilier de béton à faible allure. Il s’est cogné au pare-brise et a subi une entorse cervicale bénigne, ainsi qu’un traumatisme crânien simple, sans perte de connaissance. Après examen par IRM 2 mois après : forte suspicion d’atteinte des ligaments inter-épineux D1-D2 et éventuellement des étages adjacents. L’assuré a suivi des séances de physiothérapie et d’ostéopathie. Il a été entièrement incapable de travailler depuis le 20.10.2007.

Par décision du 28.11.2008, confirmée par DSO du 03.06.2009, l’assurance-accidents a supprimé le droit de l’assuré à des prestations à partir du 01.12.2008, motif pris de l’absence d’un lien de causalité entre l’accident du 26.06.2007 et la symptomatologie douloureuse subsistant après le 30.11.2008.

 

Procédure cantonale

Expertise neurologique et orthopédique réalisée. Par jugement du 16.11.2011, la juridiction cantonale a réformé la décision sur opposition du 3 juin 2009 en ce sens que l’assureur-accidents est tenu d’allouer ses prestations au-delà du 30.11.2008 pour les suites de l’accident du 26.06.2007.

 

TF

Deux types de lésions subies par l’assuré ont été relevés, à savoir une hernie discale en D2-D3 et une lésion ligamentaire dans le complexe inter-épineux D1-D2. En ce qui concerne la hernie discale, la juridiction cantonale a considéré que l’ensemble des avis médicaux recueillis convergeaient en ce sens qu’un lien entre cette lésion et l’accident est seulement possible, ce qui ne suffit pas pour établir l’existence d’un rapport de causalité naturelle au degré de la vraisemblance prépondérante.

Pour ce qui a trait à la lésion ligamentaire inter-épineuse en D1-D2, les médecins-experts (expertise judiciaire) ont attesté que la lésion ligamentaire était probablement d’origine traumatique. Invités par le tribunal cantonal à se déterminer sur un rapport d’IRM du 20.11.2008, lequel n’avait pas été versé au dossier soumis aux experts, ceux-ci ont indiqué que la lésion ligamentaire inter-épineuse était effectivement guérie sur le vu du compte-rendu de l’IRM. Cependant, ils ont ajouté que l’assuré souffrait toujours de douleurs à la charnière cervico-dorsale et à la région dorsale haute, lesquelles pouvaient « être mises en lien de causalité » avec l’accident du 26.06.2007. La juridiction cantonale a inféré de cet avis médical qu’un lien de causalité naturelle et adéquate entre les lésions ligamentaires persistant après le 30.11.2008 et l’accident était établi.

Le fait que, selon les experts, la symptomatologie douloureuse peut « être mise en lien de causalité » avec l’accident ne fait apparaître un tel lien que comme une hypothèse possible ou envisageable parmi d’autres éléments de fait. Cela ne suffit toutefois pas pour considérer le lien de causalité comme établi au sens de la jurisprudence ci-dessus exposée. Quant à l’argument invoqué par l’assuré dans sa réponse au recours, selon lequel le verbe « pouvoir » dont se sont servis les experts n’a pas été utilisé pour exprimer une probabilité ou une éventualité, mais dans le sens de la capacité d’établir un lien de causalité, il n’est d’aucun secours pour l’intéressé. S’il était en effet apte à entraîner la symptomatologie douloureuse, l’accident ne constitue néanmoins qu’une cause envisageable parmi d’autres causes possibles et qui, partant, n’apparaît pas comme la plus probable.

 

Conclusion

L’existence d’un lien de causalité naturelle entre la symptomatologie douloureuse subsistant après le 30.11.2008 et l’accident doit être niée et l’assureur LAA était fondé à supprimer le droit de l’assuré à des prestations de l’assurance-accidents à partir du 01.12.2008.

 

 

Arrêt 8C_959/2011 consultable ici : http://bit.ly/20F8mij

 

 

8C_916/2011 (f) du 08.01.2013 – Suicide par arme à feu – 37 al. 1 LAA / Médicaments – Paroxétine et Lexotanil / Capacité de discernement – 48 OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_916/2011 (f) du 08.01.2013

 

Consultable ici : http://bit.ly/1nY26kL

 

Suicide par arme à feu – 37 al. 1 LAA

Médicaments – Paroxétine et Lexotanil

Capacité de discernement – 48 OLAA

 

Faits

D. travaillait comme « account manager » au service de la société X. AG. Le 16 mars 2006, se sentant anxieux, D. a consulté le docteur S., généraliste et médecin traitant, qui lui a prescrit deux médicaments (Paroxétine et Lexotanil) pour le calmer et le détendre. Le soir même puis le lendemain matin, l’intéressé a pris un comprimé de chacun de ces produits pharmaceutiques. Le 17 mars 2006, après que D. et son épouse se sont levés ensemble à six heures trente, celle-ci a près d’une heure plus tard emmené sa fille chez la maman de jour et son fils à l’école. A son retour, à huit heures trente, elle a découvert le corps de son époux, étendu sur le lit de la chambre à coucher; il s’était donné la mort au moyen d’une arme à feu.

L’assurance-accidents a pris des renseignements auprès des docteurs S., généraliste et médecin traitant, et O., spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Celui-ci avait suivi l’assuré à partir du 25 juin 2004, en lui administrant un traitement médicamenteux (Paroxétine) pendant plusieurs mois. Après avoir requis l’avis du médecin d’arrondissement, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et médecin d’arrondissement, l’assurance-accidents a refusé d’allouer des prestations, à l’exception de l’indemnité pour frais funéraires, motif pris que le défunt s’était donné la mort volontairement (décision du 22 octobre 2007 et DSO du 12 mars 2008).

 

Procédure cantonale (ATAS/1024/2011 du 27.10.2011)

La veuve et ses enfants ont déféré cette décision au Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève. Dans son argumentation, la recourante insistait en particulier sur le fait que le suicide de son époux constituait un accident et que notamment la Paroxétine pouvait provoquer – et a effectivement provoqué par le passé – chez certains patients une perte totale de la capacité de discernement, les désinhibant jusqu’à tuer leurs proches et/ou à se suicider. Ont été déposés les avis d’un spécialiste FMH en médecine interne, spécialement pharmacologie clinique, et d’un médecin, consultant en pharmacologie clinique.

Par jugement du 27 octobre 2011, la Cour de justice genevoise a rejeté le recours.

 

Suicide

Au considérant 2.2 est fait le rappel des dispositions légales et de la jurisprudence des conditions dans lesquelles les suites d’un suicide sont prises en charge par l’assurance-accidents.

Le TF a examiné si, au moment où il s’est donné la mort, l’assuré était, sans faute de sa part, totalement incapable de se comporter raisonnablement. La question centrale est de savoir si l’assuré a agi, lors de son geste fatidique, dans un état d’incapacité totale de discernement, en particulier à la suite de l’absorption de la Paroxétine. Selon les recourants, l’assuré avait eu un comportement inexplicable (il n’avait aucune raison de se donner la mort et n’avait laissé aucun mot d’explication).

Selon le TF, il n’est pas possible de départager les évaluations contradictoires de la doctoresse L. (spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, de la division de médecine des accidents de l’assurance-accidents) et du docteur E. (consultant en pharmacologie clinique mandaté par les recourants) dont l’appréciation produite en instance cantonale n’a pas été évoquée dans le jugement entrepris.

Dans leurs rapports respectifs, qui revêtent une valeur probante équivalente et reposent sur des arguments circonstanciés de part et d’autre, l’experte administrative et l’expert privé se fondent, dans l’ensemble, sur les mêmes éléments de fait pour en donner une interprétation totalement opposée quant à la capacité de discernement de l’assuré au moment de son passage à l’acte fatal. A l’inverse de sa consoeur L., le docteur E. ne mentionne certes pas le fait que l’assuré avait déjà suivi avec succès un traitement par Paroxétine en 2004, et n’explique donc pas les raisons pour lesquelles une réaction totalement différente (et extrême) à la prise de médicament serait survenue moins de deux ans plus tard, selon la vraisemblance prépondérante. Son appréciation met cependant en doute celle de l’experte administrative, puisque le spécialiste en pharmacologie relève que sa consoeur a nié l’effet négatif de la médication sans prendre en considération l’agitation psychomotrice (soudaine et extraordinaire) que pouvait causer Paroxétine (associée à un tranquillisant) et en se référant à une étude médicale qu’il considérait comme non pertinente pour se prononcer sur le décès de l’assuré.

Par conséquent, en l’absence d’éléments objectifs indiscutables qui permettraient de choisir entre les deux avis en cause, il se justifie d’ordonner une expertise judiciaire dont la mise en œuvre sera assurée par la juridiction cantonale. Dans ce cadre, il pourrait se révéler utile de confier la réalisation de l’expertise à un médecin spécialiste en pharmacologie.

 

Conclusion

Jugement cantonal annulé et cause renvoyée à l’autorité judiciaire de première instance pour compléter l’instruction.

 

 

Arrêt 8C_916/2011 consultable ici : http://bit.ly/1nY26kL