Arrêt du Tribunal fédéral 9C_100/2024 (f) du 12.08.2024
Nouvelle demande AI après un précédent refus / 17 LPGA – 87 al. 2 et 3 RAI
Pas de révision procédurale ni de reconsidération / 53 al. 1 LPGA – 53 al. 2 LPGA
Assuré, né en 1982, a bénéficié d’une demi-rente de l’assurance-invalidité du 01.09.2016 au 30.11.2017 (décision du 21.05.mai 2019, confirmée par arrêt du tribunal cantonal du 19.06.2020). L’administration a ensuite rejeté une nouvelle demande de prestations présentée par le prénommé en relation avec une aggravation de son état de santé qu’il avait annoncée en novembre 2021 (décision du 19.07.2022). Saisi d’une nouvelle demande de l’assuré en novembre 2022, l’office AI a refusé d’entrer en matière sur celle-ci (décision du 20.02.2023).
Procédure cantonale
Par jugement du 08.01.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.
TF
Consid. 3.1
Le litige porte sur le droit de l’assuré à une rente de l’assurance-invalidité, dans le cadre de la nouvelle demande de prestations qu’il a déposée en novembre 2022, en relation avec une aggravation de son état de santé (cf. art. 17 al. 1 LPGA, applicable par analogie, en lien avec l’art. 87 al. 2 et 3 RAI; voir aussi ATF 147 V 167 consid. 4.1; 133 V 108 consid. 5 et les arrêts cités). Il s’agit de trancher le point de savoir si la juridiction cantonale était en droit de confirmer le refus de l’office AI d’entrer en matière sur cette demande, au motif que l’intéressé n’avait pas rendu plausible une modification de son état de santé susceptible d’influencer ses droits depuis la dernière décision entrée en force reposant sur un examen matériel du droit à la rente (soit la décision du 19.07.2022).
Consid. 3.3
On rappellera qu’en vertu de l’art. 87 al. 2 et 3 RAI, lorsque la rente a été refusée parce que le taux d’invalidité était insuffisant, la nouvelle demande ne peut être examinée que si l’assuré rend plausible que son invalidité s’est modifiée de manière à influencer ses droits. Cette exigence doit permettre à l’administration qui a précédemment rendu une décision de refus de prestations entrée en force d’écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles l’assuré se borne à répéter les mêmes arguments, sans alléguer une modification des faits déterminants (ATF 133 V 108 consid. 5.2 et 5.3; 130 V 64 consid. 5.2.3; 117 V 198 consid. 4b et les références). Lorsqu’elle est saisie d’une nouvelle demande, l’administration doit commencer par examiner si les allégations de l’assuré sont, d’une manière générale, plausibles. Si tel n’est pas le cas, l’affaire est liquidée d’entrée de cause et sans autres investigations par un refus d’entrer en matière (ATF 117 V 198 consid. 3a).
Consid. 5.1
À l’appui de son recours, l’assuré se prévaut d’une violation du droit suisse, en particulier des art. 17 et 53 al. 1 et 2 LPGA, ainsi que de l’art. 87 al. 2 et 3 RAI. D’une part, il reproche à la juridiction cantonale d’avoir considéré qu’il n’avait pas rendu plausible une aggravation de son état de santé. D’autre part, l’assuré invoque l’existence d’un motif de révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA), en affirmant aussi que les conditions d’une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) sont remplies.
Consid. 5.2 [résumé]
L’assuré invoque une violation de l’art. 17 LPGA, soutenant que le rapport de son médecin traitant, spécialiste en médecine physique et réhabilitation, indiquerait une aggravation de son état de santé, avec une incapacité totale de travailler dans toute activité. Cet argument est mal fondé, car le même médecin avait déjà attesté d’une capacité de travail nulle dans ses rapports précédents de février et avril 2022, où il avait mentionné que la situation physique de l’assuré était « très limitante » et ne permettait pas d’envisager une activité adaptée à ses handicaps. De plus, l’assuré ne conteste pas que le dernier rapport du médecin ne signale aucune nouvelle atteinte à la santé. L’appréciation de l’instance cantonale n’apparaît donc ni arbitraire ni contraire au droit. Il n’y a dès lors pas lieu de s’écarter de son appréciation. Le recours est mal fondé sur ce point.
Consid. 5.3.1
En ce qu’il allègue que le rapport de son médecin traitant du 24.10.2022 constitue un moyen de preuve nouveau propre à apporter la preuve de son incapacité totale de travailler, l’assuré méconnaît les conditions de la révision procédurale selon l’art. 53 al. 1 LPGA (sur ces conditions, cf. arrêt 9C_64/2023 du 6 décembre 2023 consid. 2.2 et les références). En effet, la révision procédurale permet de corriger une constatation inexacte des faits (inexactitude initiale sur les faits). Or dans la mesure où l’assuré se prévaut d’un rapport médical qui porte sur des faits survenus postérieurement à la décision du 19.07.2022, il ne fait pas état de faits nouveaux importants au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA, c’est-à-dire de faits de nature à modifier l’état de fait qui est à la base de la décision (du 19.07.2022) et à conduire à un jugement différent en fonction d’une appréciation juridique correcte. Dans son rapport du 24.10.2022, le médecin traitant a en effet indiqué que son patient est « [a]ctuellement » incapable de travailler à 100%.
Consid. 5.3.2
Sous l’angle ensuite de la reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA), l’assuré soutient que la décision du 19.07.2022 serait manifestement erronée, « en particulier s’agissant de l’évaluation incorrecte de [son] invalidité ». Il reproche à la juridiction cantonale de n’avoir pas examiné si les conditions de l’art. 53 al. 2 LPGA étaient réalisées. Ce faisant, l’assuré omet qu’avec sa décision du 20.02.2023, l’office AI s’est prononcé uniquement sur la non-entrée en matière sur la nouvelle demande de prestations, sans examiner l’éventualité d’une reconsidération de sa décision précédente du 19.07.2022. Or, de jurisprudence constante, l’administration n’est pas tenue de reconsidérer ses décisions: l’art. 53 al. 2 LPGA lui en donne simplement la faculté et ni l’assuré ni le juge ne peuvent l’y contraindre (ATF 133 V 50 consid. 4.1; 119 V 475 consid. 1b/cc; arrêt 9C_229/2024 du 27 juin 2024 consid. 5). À défaut d’une décision de reconsidération de l’office AI, les juges cantonaux n’avaient pas à examiner la contestation sous cet angle, étant précisé que l’éventualité d’un raisonnement par substitution de motifs n’entrait pas en ligne de compte en l’occurrence, étant donné la décision administrative litigieuse de non-entrée en matière (sur les conditions d’une substitution de motifs dans ce contexte, arrêt 8C_634/2017 du 20 février 2018 consid. 5.4 et les références). Le grief de l’assuré tiré de la violation de l’art. 53 al. 2 LPGA est également mal fondé.
Le TF rejette le recours de l’assuré.
Arrêt 9C_100/2024 consultable ici