8C_332/2012 (f) du 18.04.2013 – Prise en charge des frais médicaux après l’octroi d’une rente – 10 LAA – 21 LAA / Soins à domicile – 10 al. 3 LAA – 18 OLAA / Reconsidération avec effet ex nunc et pro futuro et protection de la bonne foi

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_332/2012 (f) du 18.04.2013

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Ri2JAC

 

Prise en charge des frais médicaux après l’octroi d’une rente – 10 LAA – 21 LAA

Soins à domicile – 10 al. 3 LAA – 18 OLAA

Reconsidération avec effet ex nunc et pro futuro et protection de la bonne foi

 

Assuré atteint de tétraplégie, au bénéfice, notamment, d’une rente d’invalidité ainsi que d’une allocation pour impotence grave.

Visite par une IS Suva au domicile de l’assuré le 26.01.2011 pour une enquête sur le déroulement de sa journée. Un rapport détaillé de cette visite donne la description des soins (médicaux et non médicaux) prodigués à l’assuré et évalue le temps qui leur est consacré.

Se fondant sur les observations de son inspectrice, l’assurance-accidents a retenu que les soins à domicile duraient 105 minutes par jour, dont 66 minutes constituaient des examens et traitements et 20 minutes des soins de base prodigués par une personne autorisée. Le tarif local des organisations de soins à domicile était de 65 fr. 40 pour les examens et traitements et de 54 fr. 60 pour les soins de base. Le reste représentait 9 minutes d’examens et traitements et 10 minutes de soins de base prodigués par une aide à domicile et non par une infirmière. L’assurance-accidents a rappelé que selon les dispositions légales, l’assureur pouvait à titre exceptionnel participer aux frais résultant des soins à domicile donnés par une personne non autorisée. Pour ces prestations, un salaire horaire de 32 fr. pour les examens et traitements et de 25 fr. pour les soins de base était pris en compte. Par décision du 29.04.2011, confirmée sur opposition le 20.07.2011, l’assurance-accidents a accepté la prise en charge mensuelle d’un montant de 3’015 fr.

 

Prise en charge des frais médicaux après l’octroi d’une rente – 10 LAA – 21 LAA

Le droit au traitement médical cesse dès la naissance du droit à la rente (art. 19 al. 1, 2ème phrase, LAA). Lorsque la rente a été fixée, les prestations pour soins et remboursement de frais (art. 10 à 13 LAA) sont accordées à son bénéficiaire aux conditions énumérées à l’art. 21 al. 1 LAA, litt. a à d.

Ainsi, les conditions du droit à la prise en charge des frais de traitement médical diffèrent selon que l’assuré est ou n’est pas au bénéfice d’une rente (ATF 116 V 41 consid. 3b p. 45). Dans l’éventualité visée à l’art. 10 al. 1 LAA, un traitement doit être pris en charge lorsqu’il est propre à entraîner une amélioration de l’état de santé ou à éviter une péjoration de cet état. Il n’est pas nécessaire qu’il soit de nature à rétablir ou à augmenter la capacité de gain (Jean-Maurice Frésard/Margit Moser-Szeless, L’assurance-accidents obligatoire, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 2ème éd., p. 891 n° 138). En revanche, dans l’éventualité visée à l’art. 21 al. 1 LAA, un traitement ne peut être pris en charge qu’aux conditions énumérées à cette disposition.

Ainsi que cela résulte de l’art. 21 al. 1 let. d LAA, lorsque la rente a été fixée, les prestations pour soins et remboursement de frais sont accordées à son bénéficiaire lorsqu’il présente une incapacité de gain et que des mesures médicales amélioreraient notablement son état de santé ou empêcheraient que celui-ci subisse une notable détérioration. On vise ici les assurés totalement invalides dont l’état de santé peut être amélioré ou tout au moins stabilisé grâce à des mesures médicales, même si cela reste sans influence sur leur capacité de gain. La prise en charge de telles mesures par l’assureur-accidents ne fait pas obstacle au maintien du droit de l’assuré à une indemnité pour impotence grave (ATF 124 V 52 consid. 4 p. 57 et l’arrêt cité).

 

Soins à domicile – 10 al. 3 LAA – 18 OLAA

Faisant usage de la délégation de compétence prévue à l’art. 10 al. 3 LAA, le Conseil fédéral a édicté l’art. 18 OLAA relatif aux soins à domicile. Selon cette disposition, l’assuré a droit aux soins à domicile prescrits par un médecin, à condition qu’ils soient donnés par une personne ou une organisation autorisées, conformément aux art. 49 et 51 de l’ordonnance du 27 juin 1995 sur l’assurance-maladie. L’assureur peut, à titre exceptionnel, participer aux frais qui résultent des soins à domicile donnés par une personne non autorisée.

Dans un arrêt paru aux ATF 116 V 41, notamment 47 consid. 5, l’ancien Tribunal fédéral des assurances a eu l’occasion de préciser ce qu’il y avait lieu d’entendre par soins à domicile au sens de ces dispositions. Cette notion englobe d’abord le traitement médical dispensé à domicile dans un but thérapeutique, appliqué ou ordonné par un médecin. Elle comprend également les soins médicaux au sens de soins infirmiers, sans action thérapeutique mais qui sont toutefois indispensables au maintien de l’état de santé. Il s’agit en particulier des mesures médicales au sens de l’art. 21 al. 1 let. d LAA, qui maintiennent, soutiennent, assurent ou remplacent pour ainsi dire les fonctions organiques vitales. Une troisième forme de soins à domicile est constituée par les soins non médicaux, soit aussi bien l’aide personnelle fournie à l’intéressé pour les actes ordinaires de la vie (soins corporels, nourriture, par exemple) que l’aide dans l’environnement de l’assuré (par exemple, tenue du ménage) (ATF 116 V 41 consid. 5a p. 47).

Les assureurs sociaux ne doivent pas intervenir pour l’ensemble des soins à domicile mais uniquement pour ceux pour lesquels la loi ou l’ordonnance qu’ils appliquent leur impose le versement d’une prestation. En matière d’assurance-accidents, l’obligation de l’assureur de verser des prestations pour soins à domicile est clairement réglée par l’art. 18 OLAA. Cette disposition oblige au versement de prestations pour les « soins à domicile prescrits par un médecin » (al. 1er). Il en découle que l’obligation de prester doit être limitée au traitement thérapeutique et aux soins médicaux. On ne saurait en effet parler de prescription médicale que lorsqu’il s’agit de mesures ayant un caractère médical; des soins non médicaux ne sont, par nature, pas subordonnés à une indication médicale. Une prescription médicale formelle n’est toutefois pas nécessaire; il suffit que les mesures médicales qui doivent être appliquées à la maison soient médicalement indiquées (ATF 116 V 41 consid. 5b et c p. 47 s.). Dès lors, l’assureur-accidents n’est tenu à prestations que dans la mesure où il s’agit d’un traitement médical ou de soins médicaux au sens de l’art. 10 al. 1 LAA, soit pour les soins à domicile au sens des deux premières catégories précitées.

En l’espèce, les prétentions à la prise en charge de la totalité des soins à domicile formulées par l’assuré ne sont pas fondées. En effet, contrairement à la situation qui prévaut en matière d’assurance-maladie où les soins de base sont pris en charge (cf. art. 7 al. 2 let. c OPAS; ATF 127 V 94 au sujet de la coordination avec l’allocation pour impotence grave de l’AVS/AI), seuls les soins proprement médicaux et infirmiers à l’exclusion des autres soins comme l’aide pour les actes ordinaires de la vie et les soins corporels peuvent être pris en charge par l’assureur-accidents, aux conditions des art. 21 al. 1 LAA et 18 OLAA.

 

Reconsidération avec effet ex nunc et pro futuro et protection de la bonne foi

L’assuré se prévaut encore du droit à la protection de la bonne foi. Il fait valoir que l’assurance-accidents a pris en charge tous les frais de soins à domicile pendant onze ans, sans faire la moindre réserve. Pour l’assuré, l’assurance-accidents aurait ainsi créé l’apparence que, sauf changement dans sa situation personnelle, ces prestations continueraient à lui être versées.

S’agissant d’une reconsidération avec effet ex nunc et pro futuro, la jurisprudence a limité la portée du principe de la bonne foi. Elle a considéré qu’en présence d’une telle décision, l’administré ne peut pas, en principe, se prévaloir du droit à la protection de la bonne foi, puisque, justement, l’autorité est revenue sur la décision erronée qui avait fondé la confiance de l’intéressé. Même si l’administré a pris des dispositions qui continuent de produire des effets dans l’avenir et sur lesquelles il ne peut revenir, les principes de la légalité et de l’égalité de traitement l’emportent, dans ce cas, sur le droit à la protection de la bonne foi (SVR 2004 IV n° 23 p. 69, I 453/02 consid. 4.2.2). Ceci vaut a fortiori dans l’hypothèse où, comme en l’espèce, l’assureur LAA n’a pas rendu de décision ni donné par le passé des assurances particulières qui auraient incité l’assuré à croire qu’il pourrait toujours bénéficier de prestations ne reposant sur aucune base légale et que l’assureur-accidents ne peut en principe accorder qu’à bien plaire.

 

 

Arrêt 8C_332/2012 consultable ici : http://bit.ly/1Ri2JAC

 

 

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