9C_492/2014 (d) du 03.06.2015 – Affections psychosomatiques et rente de l’assurance-invalidité : le Tribunal fédéral modifie sa jurisprudence

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_492/2014 (d) du 03.06.2015 – destiné à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/1BitLCh

 

Communiqué de presse du TF du 17.06.2015 : http://bit.ly/1G3b8i4

 

Le Tribunal fédéral modifie sa pratique en matière d’évaluation du droit à une rente de l’assurance-invalidité en cas de troubles somatoformes douloureux et d’affections psychosomatiques assimilées. La présomption qui prévalait jusqu’à ce jour, selon laquelle ces syndromes peuvent être surmontés en règle générale par un effort de volonté raisonnablement exigible, est abandonnée. Désormais, la capacité de travail réellement exigible des personnes concernées doit être évaluée dans le cadre d’une procédure d’établissement des faits structurée, à la lumière des circonstances du cas particulier et sans résultat prédéfini.

 

Par le biais de l’arrêt de principe ATF 130 V 352 de 2004 et des arrêts qui ont suivi, le Tribunal fédéral avait fixé, dans le cadre de l’examen des conditions du droit à une rente de l’assurance-invalidité, les principes juridiques régissant l’évaluation des symptomatologies douloureuses sans substrat organique objectivable (autrement appelées « troubles somatoformes douloureux ») et des autres affections psychosomatiques assimilées. Le présent arrêt donne lieu à une modification de la pratique en la matière.

Le Tribunal fédéral tient ainsi compte de l’expérience accumulée au cours des onze années qui se sont écoulées depuis l’arrêt de principe précité ainsi que des critiques formulées par la doctrine médicale et juridique à l’encontre de cette jurisprudence et de sa mise en œuvre.

Un point central de ce changement de pratique concerne la renonciation à la présomption du caractère surmontable de la douleur. Selon la jurisprudence qui prévalait jusqu’à ce jour, il fallait partir du principe que les affections psychosomatiques pouvaient être surmontées par un effort de volonté raisonnablement exigible, si bien que les personnes concernées n’avaient en règle générale aucun droit à une rente de l’assurance-invalidité. Seule l’existence de certains facteurs déterminés pouvaient, exceptionnellement, faire apparaître la réintégration dans le processus de travail comme n’étant pas exigible. Ce système construit sur le modèle règle/exception est désormais remplacé par une procédure d’établissement des faits structurée. La capacité de travail réellement exigible de la personne concernée doit être évaluée sur la base d’une vision d’ensemble, à la lumière des circonstances du cas particulier et sans résultat prédéfini. Cette évaluation doit se dérouler sur la base d’un catalogue d’indices qui rassemble les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique. Cette nouvelle jurisprudence ne modifie en rien l’exigence légale selon laquelle il ne saurait y avoir incapacité de gain propre à entraîner une invalidité que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable. La personne assurée continue à supporter le fardeau de la preuve.

Eu égard aux indices retenus, il conviendra, plus qu’avant, de tenir compte des effets de l’atteinte à la santé sur les aptitudes de la personne concernée à exercer son travail et les fonctions de sa vie quotidienne. La phase diagnostique devra mieux prendre en considération le fait qu’un diagnostic de « trouble somatoforme » présuppose un degré certain de gravité. Le déroulement et l’issue des traitements thérapeutiques et des mesures de réadaptation professionnelle fourniront également des conclusions sur les conséquences de l’affection psychosomatique. Il conviendra également de mieux intégrer la question des ressources personnelles dont dispose la personne concernée, eu égard en particulier à sa personnalité et au contexte social dans lequel elle évolue. Joueront également un rôle essentiel les questions de savoir si les limitations alléguées se manifestent de la même manière dans tous les domaines de la vie (travail et loisirs) et si la souffrance se traduit par un recours aux offres thérapeutiques existantes.

Droit et médecine devront œuvrer de concert pour, d’une part, préciser ces indices et, d’autre part, les mettre en œuvre dans les cas particuliers. Il appartiendra aux Sociétés médicales de discipline d’établir à l’attention des experts médicaux les directives – reflétant le consensus le plus récent sur la question – destinées à concrétiser ces indices.

 

 

Arrêt 9C_492/2014 consultable ici : http://bit.ly/1BitLCh

 

NB : L’assurée était défendue par l’excellent Me David Husmann. Cela sera d’autant plus intéressant de lire (et traduire) cet arrêt de principe.

 

 

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