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6B_99/2015 (f) du 27.11.2015 – Escroquerie – 146 CP / Obligation de communiquer – 31 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_99/2015 (f) du 27.11.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1SMHubo

 

Escroquerie – 146 CP

Obligation de communiquer – 31 LPGA

 

Le 22.11.2010, X.__ a complété et signé une formule de « Demande de prestations d’aide financière et de subside de l’assurance-maladie ou d’aide à la gestion de revenus » ainsi qu’un document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général », lequel précise les devoirs des personnes souhaitant bénéficier de prestations d’aide financière. A la rubrique idoine, X.__ a indiqué être titulaire d’un seul compte privé postal. Sur cette base, X.__ a perçu un montant total de 74’624 fr. 50 versé à titre de prestations d’aide financière durant la période du 01.12.2007 au 30.06.2011.

A la suite d’un rapport d’enquête établi le 03.06.2011, l’Hospice général a découvert que X.__ était titulaire d’un compte privé. Selon le relevé de ce compte, 64’000 fr. ont été crédités le 13.10.2008. Ces montants dépassaient la limite de fortune permettant à une personne vivant seule de bénéficier d’une aide financière de l’institution précitée.

 

TF

Aux termes de l’art. 146 CP, se rend coupable d’escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers.

Cette infraction se commet en principe par action. Tel est le cas lorsqu’elle est perpétrée par actes concluants (ATF 140 IV 11 consid. 2.3.2 p. 14). L’assuré qui, en vertu de l’art. 31 LPGA, a l’obligation de communiquer toute modification importante des circonstances déterminantes pour l’octroi d’une prestation, ne respecte pas cette obligation et continue à percevoir les prestations allouées initialement à juste titre, n’adopte pas un comportement actif de tromperie. Le fait de continuer à percevoir les prestations allouées ne saurait être interprété comme la manifestation positive – par acte concluant – du caractère inchangé de la situation. Il convient en revanche d’analyser la situation de façon différente lorsque la perception de prestations est accompagnée d’autres actions permettant objectivement d’interpréter le comportement de l’assuré comme étant l’expression du caractère inchangé de la situation. Tel sera le cas lorsque l’assuré ne répond pas ou pas de manière conforme à la vérité aux questions explicites de l’assureur destinées à établir l’existence de modification de la situation personnelle, médicale ou économique; il n’est en effet plus question alors d’une escroquerie par omission, mais d’une tromperie active (ATF 140 IV 206 consid. 6.3.1.3 p. 209 et les références citées). Une escroquerie par actes concluants a également été retenue dans le cas d’un bénéficiaire de prestations d’assurance exclusivement accordées aux indigents, qui se borne à donner suite à la requête de l’autorité compétente tendant, en vue de réexaminer sa situation économique, à la production d’un extrait de compte déterminé, alors qu’il possède une fortune non négligeable sur un autre compte, jamais déclaré (ATF 127 IV 163 consid. 2b p. 166; plus récemment arrêt 6B_1115/2014 du 28 août 2015 consid. 2.1.1) ou dans le cas d’une personne qui dans sa demande de prestations complémentaires tait un mois de rente et plusieurs actifs et crée par les informations fournies l’impression que celles-ci correspondent à sa situation réelle (ATF 131 IV 83 consid. 2.2 p. 88 s.; cf. également arrêt 9C_232/2013 du 13 décembre 2013 consid. 4.1.3).

Pour qu’il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit pas. Il faut encore qu’elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse, au sens de l’art. 146 CP, lorsque l’auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu’il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n’est pas possible, ne l’est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l’auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu’elle renoncera à le faire (ATF 135 IV 76 consid. 5.2 p. 81 s. et les références citées). L’astuce n’est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d’attention ou éviter l’erreur avec le minimum de prudence que l’on pouvait attendre d’elle. Il n’est cependant pas nécessaire qu’elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu’elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d’être trompée. L’astuce n’est exclue que si elle n’a pas procédé aux vérifications élémentaires que l’on pouvait attendre d’elle au vu des circonstances. Une coresponsabilité de la dupe n’exclut toutefois l’astuce que dans des cas exceptionnels (ATF 135 IV 76 consid. 5.2 p. 81).

Ces principes sont également applicables en matière d’aide sociale. L’autorité agit de manière légère lorsqu’elle n’examine pas les pièces produites ou néglige de demander à celui qui requiert des prestations les documents nécessaires afin d’établir ses revenus et sa fortune, comme par exemple sa déclaration fiscale, une décision de taxation ou des extraits de ses comptes bancaires. En revanche, compte tenu du nombre de demandes d’aide sociale, une négligence ne peut être reprochée à l’autorité lorsque les pièces ne contiennent pas d’indice quant à des revenus ou à des éléments de fortune non déclarés ou qu’il est prévisible qu’elles n’en contiennent pas (arrêts 6B_125/2012 du 28 juin 2012 consid. 5.3.3; 6B_576/2010 du 25 janvier 2011 consid. 4.1.2 et les références citées).

Pour que le crime d’escroquerie soit consommé, l’erreur dans laquelle la tromperie astucieuse a mis ou conforté la dupe doit avoir déterminé celle-ci à accomplir un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires, ou à ceux d’un tiers sur le patrimoine duquel elle a un certain pouvoir de disposition. Un dommage temporaire ou provisoire est suffisant. Lorsque l’acte litigieux consiste dans le versement par l’Etat de prestations prévues par la loi, il ne peut y avoir escroquerie consommée que si le fait sur lequel portait la tromperie astucieuse et l’erreur était propre, s’il avait été connu par l’Etat, à conduire au refus, conformément à la loi, de telles prestations. Ce n’est en effet que dans ce cas, lorsque les prestations n’étaient en réalité pas dues, que l’acte consistant à les verser s’avère préjudiciable pour l’Etat et donc lui cause un dommage (arrêts 6B_183/2014 du 28 octobre 2014 consid. 3.3, non publié in ATF 140 IV 150; 6B_1115/2014 précité consid. 2.1.3 et les références citées).

Sur le plan subjectif, l’escroquerie est une infraction intentionnelle, l’intention devant porter sur tous les éléments constitutifs de l’infraction. L’auteur doit en outre avoir agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, correspondant au dommage de la dupe (ATF 134 IV 210 consid. 5.3 p. 213 s.).

In casu, les éléments constitutifs de l’infraction d’escroquerie sont réunis en l’espèce. X.__ a menti à l’Hospice général en ne déclarant pas qu’il disposait d’une fortune représentant 20 ans d’économies, s’élevant à 64’000 fr. au 13.10.2008, et en lui cachant l’existence du compte bancaire, dont il était titulaire, sur lequel le montant précité a été crédité à cette dernière date, lorsqu’il a complété et signé les formulaires de demande de prestations et d’engagement. Il savait que sur la base des renseignements produits, l’autorité renoncerait à procéder à de plus amples investigations. Il a ainsi indûment perçu le montant de 74’624 fr. 50.

La condamnation de X.__ pour escroquerie ne viole pas le droit fédéral.

 

 

Arrêt 6B_99/2015 consultable ici : http://bit.ly/1SMHubo

 

 

6B_174/2015 (f) du 09.12.2015 – Conduite en état d’ébriété – appréciation erronée des faits – 13 CP

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_174/2015 (f) du 09.12.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Tqjydl

 

Conduite en état d’ébriété – appréciation erronée des faits – 13 CP

 

Le 01.11.2012, entre 18h00 et 20h00, alors qu’il se trouvait dans son garage, X.__ a bu deux whiskys et une bière; il n’avait alors pas prévu de sortir de chez lui. Aux alentours de 20h00, son frère l’a contacté pour lui demander s’il pouvait aider deux de ses employés qui venaient d’avoir un accident sur l’autoroute Lausanne-Berne. L’intéressé a accepté de les dépanner avec son véhicule, mais a refusé de conduire lui-même compte tenu de sa consommation d’alcool. Deux employés de son frère sont alors venus le chercher et tous les trois se sont rendus sur les lieux de l’accident. Après avoir dépanné le véhicule accidenté, la police a demandé aux personnes impliquées dans l’accident de se rendre au poste de la police cantonale pour la suite de la procédure. Comme ces dernières ne parlaient pas français, X.__ a proposé aux agents de servir d’interprète. Il a ainsi également été invité à se rendre au centre de la Blécherette. Ensuite, pressés par les policiers de dégager la voie d’urgence, les personnes impliquées ont rapidement regagné leur voiture et quitté les lieux. S’étant trouvé seul, X.__ a pris le volant de son véhicule et s’est rendu au poste de police malgré son état d’ébriété, circonstance qu’il n’a pas signalée aux policiers. Ce n’est qu’une fois sur place que les agents ont remarqué son état physique douteux; les résultats du test ont révélé un taux d’alcoolémie moyen de 0.88‰ à 21h10.

Procédure cantonale : arrêt 339 – consultable ici : http://bit.ly/1ZWUMkR

TF

Aux termes de l’art. 13 CP, quiconque agit sous l’influence d’une appréciation erronée des faits est jugé d’après cette appréciation si elle lui est favorable. Agit sous l’emprise d’une erreur sur les faits celui qui n’a pas connaissance ou qui se base sur une appréciation erronée d’un élément constitutif d’une infraction pénale. L’intention délictueuse fait défaut. L’auteur doit être jugé selon son appréciation erronée si celle-ci lui est favorable (ATF 129 IV 238 consid. 3.1 p. 240).

L’art. 14 CP dispose que celui qui agit comme la loi l’ordonne ou l’autorise se comporte de manière licite, même si l’acte est punissable en vertu du code pénal ou d’une autre loi.

X.__ ne peut pas se prévaloir d’un ordre de la police au sens de l’art. 27 LCR. En tout état de cause, s’il pensait avoir reçu l’injonction de conduire son véhicule, il aurait dû signaler sa récente consommation d’alcool à la police. Il ne peut rien tirer du fait que les policiers n’avaient pas remarqué son état, étant donné que les protagonistes se trouvaient sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute, de nuit, et que X.__ n’était pas impliqué dans l’accident. X.__ peut d’autant moins invoquer sa bonne foi que, lors de son premier déplacement, il avait refusé de prendre le volant et qu’une heure au maximum s’était écoulée entre ce moment et l’acte litigieux.

Le TF rejette le recours.

 

Arrêt 6B_174/2015 consultable ici : http://bit.ly/1Tqjydl

 

 

6B_974/2014 (f) du 03.07.2015 – Vignette autoroutière collée sur un film adhésif transparent – Falsification des timbres officiels de valeur – 245 CP

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_974/2014 (f) du 03.07.2015, proposé à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/1kKKpn6

 

Vignette autoroutière collée sur un film adhésif transparent : condamnation du conducteur confirmée

Falsification des timbres officiels de valeur – 245 CP

 

Celui qui colle une vignette autoroutière sur un film adhésif transparent et l’appose ainsi sur son véhicule se rend coupable de falsification de timbres officiels de valeur. Le Tribunal fédéral confirme un jugement du Tribunal pénal fédéral.

 

Le 13 août 2013, l’homme a acquis une vignette autoroutière en Suisse. En France, où il avait stationné son véhicule, il a détaché la vignette de son support et l’a collée sur un film adhésif transparent, dont il a découpé les bords. Puis, il a collé la vignette ainsi modifiée sur le pare-brise de son véhicule. A son passage à la douane franco-suisse, les gardes-frontières ont découvert la manipulation. Le Tribunal pénal fédéral a condamné l’intéressé en août 2014 pour falsification de timbres officiels de valeur à une peine pécuniaire de dix jours-amende avec sursis.

Le Tribunal fédéral rejette le recours du conducteur. Par son comportement, ce dernier a réalisé l’infraction de falsification de timbres officiels de valeur (article 245 du Code pénal). Selon la loi, la vignette n’est plus valable si elle a été détachée de son support sans être collée directement sur le véhicule. Elle perd donc sa valeur si elle est d’abord collée sur un film adhésif. En découpant les bords et en la collant sur le pare-brise, l’intéressé a donné l’impression qu’il s’agissait d’une vignette valable. Peu importe qu’il ait agi pour préserver son pare-brise, pour revendre la vignette à un tiers ou encore pour l’utiliser lui-même sur une seconde voiture. Bien que la vignette ait été falsifiée en France, le droit suisse a été considéré comme étant applicable, car le conducteur avait le dessein d’utiliser la vignette sur les autoroutes suisses.

 

 

Arrêt 6B_974/2014 consultable ici : http://bit.ly/1kKKpn6

 

Communiqué de presse du TF : http://bit.ly/1LqtZoK

 

 

6B_603/2015 (f) du 30.09.2015 – Etat de nécessité excusable – 18 CP / Violation grave des règles de la circulation routière

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_603/2015 (f) du 30.09.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1HMIPeq

 

Violation grave des règles de la circulation routière

Etat de nécessité excusable – 18 CP

 

Le dimanche 02.02.2014, à 17h30, un conducteur a circulé au volant de son véhicule sur la route principale de Nyon en direction de La Cure, dans la commune de Gingins, à une allure de 133 km/h, marge de sécurité déduite, alors que la vitesse maximale autorisée sur ce tronçon est de 80 km/h, faisant ainsi un excès de vitesse de 53 km/h.

Par jugement du 03.12.2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte l’a condamné pour violation grave des règles de la circulation routière à une peine pécuniaire de 140 jours-amende à 80 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu’à une amende de 2’240 fr., convertible en 28 jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif, et a mis les frais de la cause à sa charge.

 

Procédure cantonale (arrêt Jug / 2015 / 121 – consultable ici : http://bit.ly/1N59BAW)

Par jugement du 26.03.2015, rejet de l’appel par la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

 

TF

A teneur de l’art. 18 al. 1 CP, si l’auteur commet un acte punissable pour se préserver ou préserver autrui d’un danger imminent et impossible à détourner autrement menaçant la vie, l’intégrité corporelle, la liberté, l’honneur, le patrimoine ou d’autres biens essentiels, le juge atténue la peine si le sacrifice du bien menacé pouvait être raisonnablement exigé de lui. En vertu de l’al. 2, l’auteur n’agit pas de manière coupable si le sacrifice du bien menacé ne pouvait être raisonnablement exigé de lui.

Le danger est imminent lorsqu’il est actuel et concret (ATF 122 IV 1 consid. 3a p. 5; arrêt 6B_322/2014 du 26 juin 2014 consid. 1.1 et les références citées). L’impossibilité que le danger puisse être détourné autrement implique une subsidiarité absolue. La question de savoir si cette condition est réalisée doit être examinée en fonction des circonstances concrètes du cas (cf. ATF 122 IV 1 consid. 4 p. 7; arrêt 6B_322/2014 précité consid. 1.1 et les références citées).

Le conducteur avait pris son véhicule pour amener son épouse non pas à l’hôpital le plus proche, mais à celui de V.__ qui était pourtant plus éloigné. Il avait fait ce choix au motif que cet hôpital avait déjà le dossier de son épouse, car elle y avait accouché de leurs deux enfants, raison qui apparaissait toutefois surprenante, vu l’inquiétude importante que le conducteur avait déclaré avoir ressentie à la suite de la manifestation des douleurs et symptômes de son épouse. Il n’avait pas choisi la voie lui permettant d’obtenir les secours les plus rapides, ni la moins préjudiciable afin de réduire les risques qu’il faisait courir aux autres usagers de la route. En outre, il n’avait pas appelé les secours, alors qu’il avait son portable sur lui. Il ne pouvait en outre être considéré que le conducteur incriminé n’avait pas pris de risque avec sa conduite en raison du fait qu’il était « très attentif et prêt à freiner », l’excès de vitesse de plus de 30 km/h hors des localités commis, sur une route connue pour être fréquentée par de nombreux usagers, représentant un danger abstrait accru. Enfin, une ambulance était mieux à même d’effectuer un trajet urgent qu’un véhicule sans signalisation particulière, car elle bénéficiait d’une priorité et d’une visibilité que celui-ci n’avait pas.

Selon le TF, la cour cantonale pouvait, sans arbitraire, admettre que le conducteur incriminé disposait d’autres moyens, respectant les exigences de sécurité, pour détourner le danger auquel il allègue que sa femme aurait été confrontée et éviter ainsi de faire courir un risque important aux autres usagers de la route, de même qu’à sa famille et à lui-même.

Le TF rejette le recours.

 

 

Arrêt 6B_603/2015 consultable ici : http://bit.ly/1HMIPeq

 

 

6B_256/2014 (d) du 08.04.2014 – Menace proférée envers des amis Facebook ne peut être sanctionnée au titre de « menaces alarmant la population »

« Post » Facebook: le cercle d’amis n’est pas une « population »

 

Arrêt du TF du 08.04.2015 (6B_256/2014 ; http://bit.ly/1H2Y6Fq)

Une menace proférée envers des amis Facebook ne peut être sanctionnée au titre de « menaces alarmant la population ». Le cercle d’amis et de connaissances dans la vie réelle ou virtuelle ne constitue pas une « population ». Forment en revanche une « population » les habitants d’une zone déterminée ou l’ensemble des personnes se trouvant au même moment dans un lieu déterminé. Le Tribunal fédéral annule la condamnation d’un homme par le Tribunal supérieur du canton de Zurich.

 

En mars 2012, l’intéressé avait posté sur sa page Facebook un texte qui pouvait être lu par environ 290 personnes ayant le statut d’ami. Il s’adressait dans ce texte à ceux qui ne lui avaient pas souhaité un bon anniversaire et indiquait entre autres : (…) je vous extermine tous, vous allez le regretter (…) maintenant plus personne ne peut vous protéger Pan!!!! Pan!!!! Pan!!!! (« post » original en dialecte suisse-allemand). En 2013, le Tribunal supérieur du canton de Zurich a condamné l’homme pour ces faits pour tentative de menaces alarmant la population au sens de l’art. 258 du Code pénal (CP) à une peine pécuniaire avec sursis partiel.

Le Tribunal fédéral admet le recours de l’intéressé et annule l’arrêt du Tribunal cantonal. L’art. 258 CP n’est applicable que lorsque « la population » est alarmée, respectivement lorsqu’il est tenté de l’alarmer. Par « population », on entend dans le langage commun en premier lieu l’ensemble des habitants d’une zone déterminée plus ou moins grande. Forme également une « population » l’ensemble des personnes qui se trouvent plutôt par hasard et pour un temps court au même moment dans un lieu déterminé, par exemple dans un magasin, dans un transport public ou dans un stade sportif. Ne peut en revanche être considéré comme une « population » le cercle des personnes, avec lesquelles quelqu’un est ami ou qu’il connaît dans la vie réelle ou virtuelle, ce d’autant plus qu’il manque là un lien avec un endroit déterminé. L’intéressé ne s’adresse ainsi pas à la « population » lorsqu’il communique les déclarations litigieuses à ses environs 290 amis Facebook et par là s’adresse en particulier à ceux qui ne lui ont pas souhaité un bon anniversaire.

Le Tribunal fédéral n’avait pas à trancher la question de savoir si une déclaration à des amis Facebook devait être considérée comme « publique » ou « privée ». La notion de « population » n’est pas équivalente à celle du « caractère public », déterminante notamment s’agissant de l’infraction de discrimination raciale.

Le Tribunal fédéral laisse ouverte la question de savoir si une déclaration faite dans un « post » était objectivement de nature à alarmer ses destinataires. Le Tribunal supérieur l’avait pourtant admis. Il n’avait toutefois vu aucun indice qu’un grand nombre de personnes aurait concrètement été apeuré et alarmé et avait pour cette raison admis une tentative.

 

Communiqué de presse du Tribunal fédéral, 29.04.2015 : http://bit.ly/1PWUO9g

 

Arrêt du TF du 08.04.2015 (6B_256/2014 ; http://bit.ly/1H2Y6Fq)

 

6B_768/2014 (d) du 24.03.2014 – 16 personnes contaminées avec le VIH: condamnation confirmée

16 personnes contaminées avec le VIH: condamnation confirmée

 

Arrêt du TF du 24 mars 2015 (6B_768/2014 ; http://bit.ly/1OcWg6k)

Le Tribunal fédéral confirme la condamnation d’un bernois qui, de 2001 à 2005, a infecté intentionnellement 16 personnes avec le VIH. La contamination des victimes par le virus de l’immunodéficience humaine a été, à juste titre, qualifiée de lésion corporelle grave par la Cour suprême du canton de Berne. Celle-ci doit se prononcer à nouveau sur le montant des indemnités pour tort moral dues aux personnes concernées.

 

De mai 2001 à mai 2005, l’homme avait transmis intentionnellement le virus du SIDA à seize personnes. Pour ce faire, il avait inoculé à ses victimes du sang contaminé ou un autre matériel biologique avec le VIH, au moyen d’aiguilles ou d’objets analogues. Les piqûres dans le dos ou dans la zone de la nuque survenaient, d’une part, dans le cadre de prétendus traitements d’acupuncture, d’autre part, par surprise ou pendant une perte de conscience des personnes concernées. Au mois d’avril 2014, la Cour suprême bernoise a confirmé la condamnation, prononcée en première instance, pour lésions corporelles graves et propagation d’une maladie de l’homme à réitérées reprises et infligé une peine de 15 ans de privation de liberté. Par ailleurs, l’homme a été condamné à verser 100’000 fr. à chaque lésé pour le tort moral, respectivement 90’000 fr. dans un cas.

Le Tribunal fédéral rejette le recours de l’intéressé contre sa condamnation mais l’admet quant aux indemnités pour tort moral. Pour l’essentiel, le recourant avait invoqué qu’il ne devait être condamné que pour lésions corporelles simples et que sa peine devait être fixée par le tribunal. Le Tribunal fédéral considère la qualification juridique opérée par la Cour suprême comme conforme au droit fédéral. Le jugement contesté n’est pas non plus en contradiction avec la jurisprudence du Tribunal fédéral. En 2013, ce dernier a certes modifié sa jurisprudence et jugé que de nos jours, compte tenu des possibilités de traitement médical, une infection VIH en tant que telle ne met plus, en général, la vie en danger et ne constitue donc pas une lésion corporelle grave. Il a cependant réservé la possibilité qu’une infection volontaire avec le VIH constitue une lésion corporelle grave au sens de la clause générale, qui suppose une atteinte grave à la santé physique ou mentale de la victime. En l’espèce, le Tribunal cantonal l’a admis à juste titre. Les preuves matérielles suffisent objectivement pour qualifier les faits de lésions corporelles graves. En particulier, il ressort du rapport de l’expertise médicale ordonnée, relative aux conséquences communes d’une infection VIH, que la contamination par ce virus, constitue aujourd’hui encore un fardeau physique et psychique très pesant pour les personnes concernées et que la maladie en tant que telle demeure lourdement stigmatisante. La thérapie antivirale doit être prise à vie. Des effets secondaires à long terme sont envisageables même avec les médicaments actuels. Les personnes qui ont été infectées par le VIH-1 dans les années 2001 à 2005 ont une espérance de vie estimée nettement raccourcie, de plusieurs années. Selon les explications de l’expert, tous les lésés subissent ces conséquences de manière comparable. Quant à l’indemnisation du tort moral, la Cour suprême doit rendre un nouveau jugement. Le Tribunal fédéral juge incomplète la motivation y relative de l’autorité précédente, respectivement qu’elle différencie insuffisamment les situations individuelles.

 

Communiqué de presse du Tribunal fédéral, 09.04.2015 : http://bit.ly/1CsDWhf

 

Arrêt du TF du 24 mars 2015 (6B_768/2014 ; http://bit.ly/1OcWg6k)