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4A_148/2017 (f) du 20.12.2017 – Absence de cotisations à l’AVS – Rente de veuve – Action civile en dommages-intérêts contre l’employeur / Prescription absolue de 10 ans – 60 al. 1 CO / Violation de l’art. 6 § 1 CEDH niée

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_148/2017 (f) du 20.12.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2BLttcj

 

Absence de cotisations à l’AVS – Rente de veuve – Action civile en dommages-intérêts contre l’employeur

Prescription absolue de 10 ans / 60 al. 1 CO

Violation de l’art. 6 § 1 CEDH niée

 

Feu A2.__ a été employé entre 1981 et 2011 par une société de transports internationaux sise dans le canton de Genève. De nationalité italienne, il a exercé son activité sur des installations ferroviaires dans différents pays sans jamais résider en Suisse. Il n’avait pas de place de travail fixe. Il est décédé le 28.11.2012. La Caisse suisse de compensation a alloué à son épouse une rente de veuve de 422 fr. pour le mois de décembre 2012, puis de 426 fr. par mois dès le 01.01.2013.

Le 26.06.2013, la veuve et ses mandataires ont eu un entretien avec les représentants de la société précitée. Ils ont pu accéder au dossier du travailleur et à l’historique des cotisations AVS versées par l’employeuse.

Le 03.10.2013, la veuve a réclamé à l’employeuse de son défunt mari la somme de 201’000 fr. en réparation du dommage causé par l’absence d’affiliation à l’AVS entre le 14.05.1981 et le 31.12.2002.

 

Procédure cantonale

Le Tribunal civil a jugé que la responsabilité délictuelle de l’employeuse était engagée au motif qu’elle n’avait pas de liens contractuels avec la veuve du travailleur. Même si l’on admet qu’un employeur enfreint ses obligations contractuelles envers le travailleur lorsqu’il ne verse pas les cotisations dans la mesure prévue par la LAVS, la veuve demande réparation non pas pour le dommage qu’a pu subir le défunt travailleur sur sa rente d’assuré, mais bien pour le dommage qu’elle prétend éprouver sur sa propre rente de survivante.

Il est reproché à l’employeuse d’avoir omis de verser à la caisse de compensation des cotisations par hypothèse dues sur les revenus du défunt travailleur. La dernière (prétendue) dette de cotisation se rapporte au revenu réalisé en décembre 2002. Les juges neuchâtelois ont fixé le départ de la prescription au 01.01.2003, voire au 31.12.2002. Quand bien même on jugerait que les délais de paiement repoussent quelque peu ce point de départ (cf. art. 34 ss RAVS), le résultat n’en serait pas modifié et la prescription devrait être retenue, l’action n’ayant été intentée que le 03.06.2014.

 

TF

Rente de veuve et cotisations AVS

Le droit à une rente de veuf/veuve prend naissance le premier jour du mois qui suit le décès du conjoint (art. 23 al. 3 LAVS). Il s’agit d’un droit propre, mais qui dérive du décès du conjoint assuré (cf. ATF 138 V 235 consid. 7.4 et l’arrêt cité U 269/99 du 3 décembre 1999 consid. 4b, in SVR 2001 UV n° 18 p. 67). Destinée à compenser la perte de soutien, cette rente de survivant repose uniquement sur les cotisations du conjoint prédécédé (cf. art. 33 al. 1 LAVS; ATF 139 V 473 consid. 5.5 in fine p. 481; arrêt 9C_83/2009 du 14 avril 2010 consid. 3.1, in SVR 2011 AHV n° 1 p. 1; MARCO REICHMUTH, AHV-Renten, in Recht der Sozialen Sicherheit, Steiger-Sackmann/Mosimann [éd.], 2014, nos 24.14 et 24.67).

L’employeur qui ne verse pas à la caisse de compensation les cotisations AVS dans la mesure prescrite par la loi cause un dommage à l’assurance, lequel survient lorsque les contributions dues ne peuvent plus être perçues, pour des raisons juridiques ou factuelles (péremption des cotisations selon l’art. 16 LAVS; insolvabilité de l’employeur; ATF 141 V 487 consid. 2.2; 113 V 256 consid. 3c p. 257 in fine et 258; REICHMUTH, Die Haftung des Arbeitgebers und seiner Organe nach Art. 52 AHVG [ci-après: REICHMUTH, Haftung], 2008, p. 81 ss nos 329 ss; MARLIES KNUS, Die Schadenersatzpflicht des Arbeitgebers in der AHV, 1989, p. 28 ss). La caisse de compensation peut faire valoir sa créance en réparation du dommage aux conditions de l’art. 52 LAVS, qui pose une limite temporelle (al. 3). Si le dommage est réparé, le compte individuel de l’assuré est adapté en conséquence (cf. art. 138 al. 3 RAVS). Par ailleurs, si l’employeur a retenu les cotisations légales sur les revenus du travailleur sans les verser à la caisse de compensation, ces revenus sont tout de même inscrits au compte individuel du travailleur (art. 30ter al. 2 LAVS et art. 138 al. 1 RAVS).

Certains auteurs relèvent que le manquement de l’employeur peut aussi causer un dommage au travailleur, en particulier sous la forme d’une diminution de rente (KNUS, op. cit., p. 26 s. et 45; REICHMUTH, Haftung, p. 117 n. 708). Ils évoquent la possibilité d’intenter une action civile en dommages-intérêts contre l’employeur, tout en relevant que le travailleur ne devrait généralement pas subir de dommage vu les possibilités précitées de rectifier son compte individuel (THOMAS NUSSBAUMER, Die Haftung des Verwaltungsrates nach Art. 52 AHVG, in PJA 1996 p. 1074 n. 29; REICHMUTH, Haftung, p. 117 s. dont n. 708; KNUS, op. cit., p. 45 s. et 94). Un de ces auteurs relève aussi la difficulté à chiffrer les effets du manquement sur la rente future, un pronostic fiable ne pouvant être fait que si le travailleur est proche de la retraite (KNUS, op. cit., p. 45 s.).

 

Prescription

D’après l’art. 60 du Code des obligations, l’action en dommages-intérêts découlant d’une responsabilité pour acte illicite (cf. art. 41 CO) se prescrit par un an à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage et de la personne qui en est l’auteur, et dans tous les cas par dix ans dès le jour où le fait dommageable s’est produit (al. 1). Si les dommages-intérêts dérivent d’un acte punissable soumis par les lois pénales à une prescription de plus longue durée, cette prescription s’applique à l’action civile (al. 2).

Selon une jurisprudence constante, le point de départ du délai décennal de l’art. 60 al. 1 CO est indépendant de la survenance du dommage et de la connaissance qu’en a le lésé. Par « fait dommageable», il faut comprendre le comportement illicite – action ou omission – qui fonde la prétention en dommages-intérêts. Pour le délai absolu, est donc seul déterminant le moment où s’exerce le comportement qui est la cause du dommage (ATF 136 II 187 consid. 7.4.4 p. 198 s.; 127 III 257 consid. 2b/aa p. 260; 106 II 134 consid. 2c p. 138). Cette solution est dictée par la lettre et le but de la loi : répondant aux impératifs de sécurité et de paix juridiques, elle tient compte des difficultés à réunir les preuves avec l’écoulement du temps et de la nécessité de protéger le débiteur de prétentions remontant à des temps reculés. Il peut ainsi arriver que la prescription absolue soit acquise avant même que le lésé n’ait connaissance du dommage (ATF 136 II 187 consid. 7.5).

Les actions fondées sur des obligations contractuelles se prescrivent par dix ans, sauf disposition spéciale (art. 127 CO). Un délai de cinq ans s’applique aux actions des travailleurs concernant leurs services (art. 128 ch. 3 CO). L’art. 130 al. 1 CO fixe le point de départ de la prescription au moment où la créance devient exigible, soit au moment où le créancier peut exiger la prestation et où le débiteur doit l’exécuter. A défaut d’accord spécial entre les parties, la créance est immédiatement exigible, c’est-à-dire dès sa naissance (art. 75 CO; ATF 143 III 348 consid. 5.3.2 p. 358; 129 III 535 consid. 3.2.1). L’art. 130 al. 1 CO s’applique notamment aux créances en dommages-intérêts découlant de la violation d’obligations contractuelles (ATF 137 III 16 consid. 2.2; 87 II 155 consid. 3a p. 159).

Dans le domaine des lésions corporelles, où il arrive fréquemment que le dommage apparaisse de façon différée, le Tribunal fédéral a précisé que le lésé peut exiger la réparation du dommage dès le moment où le débiteur porte atteinte à son intégrité en violation de ses devoirs contractuels. La créance en dommages-intérêts (qui compense aussi le dommage futur) naît et devient exigible (art. 75 CO) au moment de la violation du devoir contractuel, et non pas seulement lorsque le lésé peut reconnaître et constater les conséquences de cette violation. Si cette dernière solution devait prévaloir, l’art. 46 al. 2 CO – qui s’applique aussi en matière contractuelle (art. 99 al. 3 CO) – n’aurait plus de raison d’être ; cette disposition permet de réserver une révision du jugement lorsque les suites des lésions ne peuvent être déterminées avec une certitude suffisante. Le Tribunal fédéral a ainsi renoncé à repousser le départ de la prescription au moment de la survenance du dommage, nonobstant les critiques doctrinales qui objectent entre autres que la créance en dommages-intérêts fondée sur une violation positive du contrat ne se confond pas avec la créance originaire en exécution du contrat, mais constitue une prétention indépendante avec un nouveau terme de naissance et d’exigibilité. Le Tribunal fédéral n’a vu aucune raison de traiter différemment les créances contractuelles et délictuelles en réparation du dommage (ATF 137 III 16 consid. 2.3, 2.4.1 et 2.4.3; 106 II 134 consid. 2; 87 II 155 consid. 3).

L’art. 134 al. 1 ch. 6 CO prévoit la suspension de la prescription tant qu’il est impossible de faire valoir la créance devant un tribunal suisse. Le Tribunal fédéral a précisé qu’une telle impossibilité doit résulter de circonstances objectives, indépendantes de la situation personnelle du créancier, en particulier de l’inexistence d’un for dans le pays. Cette interprétation est en adéquation avec la jurisprudence selon laquelle la prescription court dès la violation du contrat, et non pas dès le moment où le créancier a connaissance du dommage (ATF 90 II 428 consid. 9). Est ainsi fortement relativisée la portée de l’adage selon lequel la prescription ne court pas contre celui qui ne peut agir en justice (« contra non valentem agere non currit praescriptio » ; ATF 124 III 449 consid. 4a).

Le Tribunal fédéral a appliqué ces principes dans deux affaires concernant un travailleur qui avait développé une tumeur maligne de la plèvre causée par l’exposition à l’amiante dans le cadre de son travail. La maladie avait été diagnostiquée plus de dix ans après l’exposition nocive. La veuve du travailleur avait intenté une action en dommages-intérêts fondée sur la LRCF contre la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (CNA), pour violation des devoirs de protection (ATF 136 II 187; cf. art. 20 al. 1 LRCF, qui prévoit l’extinction de la responsabilité dans tous les cas dix ans après «l’acte dommageable» du fonctionnaire). Une autre action en responsabilité contractuelle, initiée par le travailleur puis poursuivie par ses filles, avait été déposée contre l’employeuse (ATF 137 III 16). Les deux actions ont été rejetées pour cause de prescription ou de péremption (cf. ATF 136 II 187 consid. 6). Ecartant les critiques doctrinales, le Tribunal fédéral a constaté que cette solution était dictée et voulue par le législateur, qui devait le cas échéant y remédier, comme il l’avait fait dans certains domaines.

Ces deux causes ont été portées devant la Cour européenne des droits de l’homme, laquelle a retenu une violation de l’art. 6 § 1 CEDH. Selon cette autorité, l’application systématique des règles de prescription ou péremption à des victimes de maladies qui, comme celles causées par l’amiante, ne peuvent être diagnostiquées que de longues années après les événements pathogènes, est susceptible de priver les intéressés de la possibilité de faire valoir leurs prétentions en justice. S’il est scientifiquement prouvé qu’une personne est dans l’impossibilité de savoir qu’elle souffre d’une certaine maladie, une telle circonstance devrait être prise en compte pour le calcul du délai de péremption ou de prescription. La Cour a jugé que dans ces circonstances exceptionnelles, l’application des délais de péremption ou de prescription limitait l’accès des ayants droit à un tribunal à un point tel que ce droit s’en trouvait atteint dans sa substance même (affaire Howald Moor et autres c. Suisse, du 11 mars 2014, nos 52067/10 et 41072/11, § 77-80, in Jdt 2014 II 165).

Saisie d’une requête de révision de l’ATF 137 III 16, le Tribunal fédéral a pris acte de la décision européenne et constaté qu’elle prescrivait, dans ce cas d’espèce (in diesem Einzelfall), de ne pas tenir compte de la prescription. Aussi la demande de révision a-t-elle été admise, le jugement concerné annulé et la cause renvoyée aux autorités cantonales pour instruction et jugement (arrêt 4F_15/2014 du 11 novembre 2015 consid. 2.3, publié à l’ATF 142 I 42, et consid. 3, in EuGRZ 2016 146).

Au niveau législatif, le Parlement a été saisi d’un projet du Conseil fédéral visant à réviser la réglementation de la prescription dans le Code des obligations (projet n° 13.100; Message du 29 novembre 2013, in FF 2014 221). Alors que des divergences étaient apparues entre les deux Chambres, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a proposé de classer ce projet suite à la création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes de l’amiante (communiqué de presse du 4 septembre 2017). Son homologue au Conseil des Etats a en revanche refusé un tel classement, de telle sorte que l’objet a été renvoyé au Conseil national pour la suite de l’élimination des divergences (communiqué de presse du 27 octobre 2017).

 

Selon le TF, les juges cantonaux n’ont pas violé les art. 60 al. 1 et 134 al. 1 ch. 6 CO (ni a fortiori l’art. 130 al. 1 CO) en considérant que l’action était prescrite.

 

Violation de l’art. 6 § 1 CEDH

Dans l’affaire Moor contre Suisse, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que les règles de droit suisse sur la prescription ne devaient pas être prises en compte alors qu’il était objectivement (scientifiquement) impossible, pendant toute la durée du délai de prescription décennal, de constater quelles conséquences l’exposition à une substance dangereuse avait entraînées sur la santé du travailleur.

En l’occurrence, des lacunes de cotisations non corrigées dans le compte AVS d’une personne causeront un dommage ultérieur sur les rentes d’assuré et/ou de survivant.

La veuve argue du fait que son droit à une rente de veuve n’a pris naissance qu’au décès de son conjoint. Selon le TF, elle méconnaît ce faisant qu’elle fait valoir une prétention en dommages-intérêts fondée sur un comportement par hypothèse illicite de l’employeuse, et qu’il est possible d’agir en réparation d’un dommage futur.

Toute la difficulté consiste à déterminer si l’on est en présence d’un dommage futur ou d’un simple dommage hypothétique non encore réparable (BENOÎT CHAPPUIS, Le moment de la fixation du dommage, 2007, n° 599). Pour la rente de veuf/veuve, l’aléa porte notamment sur la survivance au conjoint assuré. S’agissant d’un dommage futur, une action ne peut être intentée avec succès qu’au moment où il devient hautement vraisemblable, selon le cours ordinaire des choses, que le dommage va survenir; ce dommage doit au moins pouvoir être estimé en vertu de l’art. 42 al. 2 CO (cf. ATF 137 III 16 consid. 2.4.1 in fineet consid. 2.4.4 p. 22). Une partie de la doctrine est d’avis que la prescription ne saurait commencer à courir avant ce moment (cf. entre autres PORTMANN/STREULI-NIKOLIC, Zur Verjährung von Forderungen aus positiver Vertragsverletzung im Fall von Spätschäden, in ArbR 2011 p. 22 s. et 32).

Le TF pose la question suivante : La Cour européenne des droits de l’homme pourrait-elle retenir une violation de l’art. 6 § 1 CEDH dès lors que, pendant toute la durée du délai de prescription, une action en justice serait manifestement vouée à l’échec faute de dommage suffisamment vraisemblable et mesurable ? Le TF rappelle que des conditions exceptionnelles ont conduit cette autorité à s’écarter de la réglementation du droit interne. Quoi qu’il en soit, il suffit de constater qu’un tel cas de figure n’est pas réalisé. Selon l’arrêt attaqué, le conjoint de la recourante a acquis le droit à une rente AVS en octobre 2010; il est décédé le 28.11.2012. A ce moment-là, la prescription n’était toujours pas acquise; elle ne l’était pas non plus lorsque le droit à la rente de veuve est né le 01.12.2012. Dans un tel contexte, on ne saurait affirmer que pendant toute la durée du délai de prescription décennal, il était impossible de prévoir et mesurer le dommage même futur de la recourante avec une certitude suffisante, au point qu’une action aurait été manifestement vouée à l’échec.

Le TF conclut que le grief de violation de l’art. 6 § 1 CEDH est infondé.

 

Le TF rejette le recours de la veuve.

 

 

Arrêt 4A_148/2017 consultable ici : http://bit.ly/2BLttcj

 

 

8C_36/2017 (f) du 05.09.2017 – Lésion assimilée à un accident – 9 al. 2 OLAA (valable jusqu’au 31.12.2016) / Lésion du tendon du sus-épineux – Causalité naturelle – Expertise médicale

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_36/2017 (f) du 05.09.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2s8Hg92

 

 

Lésion assimilée à un accident / 9 al. 2 OLAA (valable jusqu’au 31.12.2016)

Lésion du tendon du sus-épineux – Causalité naturelle – Expertise médicale

 

Assurée, en 1965, employée en qualité d’aide-comptable et réceptionniste, consulte le 06.06.2012 son médecin traitant en raison de « douleurs et impotence brutale de l’épaule droite suite à un faux-mouvement en juin 2012 ». Une IRM de l’épaule droite a mis en évidence une lésion myo-tendineuse grade 2 du supra-épineux et à une petite déchirure partielle de la face profonde de l’enthèse distale du supra-épineux dans sa portion antérieure. Le 13.08.2013, une réparation du tendon du sus-épineux par arthroscopie est réalisée.

Le 24.01.2014, l’assurée a fait parvenir à l’assurance-accidents une déclaration d’accident en lien avec l’incident survenu en le 02.06.2012. Dans ses explications du 24.03.2014 décrivant l’incident du 02.06.2012, l’assurée a indiqué qu’elle venait de déposer des courses sur le siège passager, que la porte avant était grande ouverte et qu’elle avait pris son élan en tendant le bras droit, tout en reculant pour fermer sa portière avec force. Légèrement déséquilibrée, ses doigts avaient glissé dessus et elle avait fait le mouvement dans le vide. Elle avait ensuite ressenti une douleur à l’épaule, comme une déchirure.

L’assurance-accidents a mandaté un spécialiste FMH en chirurgie orthopédique pour une expertise.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié le droit de l’assurée à des prestations LAA pour l’événement du 02.06.2012, au motif qu’il ne remplissait pas les critères d’un accident et que ses suites ne constituaient pas non plus une lésion corporelle assimilée à un accident.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 132/14 – 127/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2GVyUVC)

Les juges cantonaux ont retenu que l’on se trouvait en présence d’un facteur extérieur susceptible d’avoir causé la lésion, dès lors que l’action vulnérante subie par l’assurée était clairement rattachée à l’événement du 02.06.2012, lequel avait déclenché les symptômes ressentis. Il s’agissait par ailleurs d’un changement de position du corps brusque et incontrôlé du fait d’avoir manqué sa cible, de nature à provoquer une lésion corporelle.

Par jugement du 29.11.2016, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où l’événement litigieux est survenu avant cette date, le droit de l’assurée aux prestations d’assurance est soumis à l’ancien droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015 ; RO 2016 4375). Les dispositions visées seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2016.

Causalité naturelle

Selon l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. Le droit à des prestations découlant d’un accident assuré suppose d’abord, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Pour admettre l’existence d’un lien de causalité naturelle, il n’est pas nécessaire que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte à la santé ; il faut et il suffit que l’événement dommageable, associé éventuellement à d’autres facteurs, ait provoqué l’atteinte à la santé physique ou psychique de l’assuré, c’est-à-dire qu’il se présente comme la condition sine qua non de celle-ci. Savoir si l’événement assuré et l’atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l’administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d’ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l’appréciation des preuves dans l’assurance sociale. Ainsi, lorsque l’existence d’un rapport de cause à effet entre l’accident et le dommage paraît possible, mais qu’elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l’accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 p.181 ; p. 402 consid. 4.3.1 p. 406; 119 V 335 consid. 1 p. 337; 118 V 286 consid. 1b p. 289 s. et les références).

 

Lésion assimilée à un accident

Aux termes de l’art. 6 al. 2 LAA, le Conseil fédéral peut inclure dans l’assurance-accidents des lésions corporelles qui sont semblables aux conséquences d’un accident. En vertu de cette délégation de compétence, il a édicté l’art. 9 al. 2 OLAA, selon lequel certaines lésions corporelles sont assimilées à un accident même si elles ne sont pas causées par un facteur extérieur de caractère extraordinaire, pour autant qu’elles ne soient pas manifestement imputables à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs. La liste exhaustive de l’art. 9 al. 2 OLAA mentionne les déchirures de tendons (let. f).

La jurisprudence (ATF 139 V 327; 129 V 466) a précisé les conditions d’octroi des prestations en cas de lésion corporelle assimilée à un accident. C’est ainsi qu’à l’exception du caractère « extraordinaire » de la cause extérieure, toutes les autres conditions constitutives de la notion d’accident doivent être réalisées (cf. art. 4 LPGA). En particulier, en l’absence d’une cause extérieure – soit d’un événement similaire à un accident, externe au corps humain, susceptible d’être constaté de manière objective et qui présente une certaine importance -, fût-ce comme simple facteur déclenchant des lésions corporelles énumérées à l’art. 9 al. 2 OLAA, les troubles constatés sont à la charge de l’assurance-maladie.

L’existence d’une lésion corporelle assimilée à un accident doit ainsi être niée dans tous les cas où le facteur dommageable extérieur se confond avec l’apparition (pour la première fois) de douleurs identifiées comme étant les symptômes des lésions corporelles énumérées à l’art. 9 al. 2 let. a à h OLAA (ATF 129 V 466 consid. 4.2.1 p. 469). L’exigence d’un facteur dommageable extérieur n’est pas non plus donnée lorsque l’assuré fait état de douleurs apparues pour la première fois après avoir accompli un geste de la vie courante. La notion de cause extérieure présuppose qu’un événement générant un risque de lésion accru survienne. Tel est le cas lorsque l’exercice de l’activité à la suite de laquelle l’assuré a éprouvé des douleurs incite à une prise de risque accrue, à l’instar de la pratique de nombreux sports. L’existence d’un facteur extérieur comportant un risque de lésion accru doit être admise lorsque le geste quotidien en cause équivaut à une sollicitation du corps, en particulier des membres, qui est physiologiquement plus élevée que la normale et dépasse ce qui est normalement maîtrisé du point de vue psychologique (ATF 139 V 327 consid. 3.3.1 p. 329). C’est la raison pour laquelle les douleurs identifiées comme étant les symptômes de lésions corporelles au sens de celles énumérées à l’art. 9 al. 2 OLAA ne sont pas prises en considération lorsqu’elles surviennent à la suite de gestes quotidiens accomplis sans qu’interfère un phénomène extérieur reconnaissable. A eux seuls, les efforts exercés sur le squelette, les articulations, les muscles, les tendons et les ligaments ne constituent pas une cause dommageable extérieure en tant qu’elle présuppose un risque de lésion non pas extraordinaire mais à tout le moins accru en regard d’une sollicitation normale de l’organisme (ATF 129 V 470 consid. 4.2.2).

 

Il n’est pas contesté en l’espèce que l’on se trouve en présence d’une lésion qui entre dans la définition d’une déchirure tendineuse assimilée à un accident au sens de l’art. 9 al. 2 let. f OLAA (cf. arrêt 8C_61/2016 du 19 décembre 2016 consid. 5.1).

En ce qui concerne l’existence éventuelle d’un lien de causalité naturelle entre les troubles au niveau de l’épaule droite et l’incident du 02.06.2012, le médecin-expert est d’avis qu’il est hautement improbable que la pathologie de l’épaule droite soit en relation avec l’événement du 02.06.2012. Il a rappelé qu’il n’y avait pas eu de chute ni de mouvement forcé de l’épaule mais que l’assurée avait fait un mouvement de rotation interne dans le vide en voulant fermer une portière de voiture. En outre, il a clairement expliqué que le muscle supra-épineux et son tendon étaient essentiellement des abducteurs de l’épaule et des rotateurs externes. Il ne voyait dès lors pas comment un mouvement de rotation interne dans le vide pouvait être susceptible de provoquer une lésion du tendon du sus-épineux.

Selon le TF, il n’y avait pas de raison de s’écarter de l’avis du médecin-expert. L’avis du chirurgien orthopédique de l’assurée n’est pas motivé, se contentant d’affirmer : « il est clair que l’atteinte en elle-même est plutôt de type traumatique ». En utilisant l’adverbe « plutôt », ce médecin ne s’est pas prononcé de manière catégorique, mais laisse au contraire planer une incertitude sur l’existence d’un lien de causalité.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule la décision du tribunal cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_36/2017 consultable ici : http://bit.ly/2s8Hg92

 

 

8C_655/2016 (f) du 04.08.2017 – Syndrome douloureux régional complexe (SDRC ; CRPS) – Absence d’explication somatique aux douleurs – Causalité adéquate selon 115 V 133 / Revenu d’invalide selon l’ESS –Abattement sur salaire statistique

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 (f) du 04.08.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2E4YcP5

 

 

Syndrome douloureux régional complexe (SDRC ; CRPS) – Absence d’explication somatique aux douleurs – Causalité adéquate selon 115 V 133 / 6 LAA

Accident de gravité moyenne stricto sensu – Causalité adéquate niée

Revenu d’invalide selon l’ESS – Table T1 au lieu de la TA1 – Abattement sur salaire statistique / 16 LPGA

 

Assuré, ouvrier au service d’une voirie, qui est victime d’un accident professionnel le 18.12.2011, vers 5h : un conducteur en état d’ébriété, inattentif, a percuté l’arrière du camion de la voirie arrêté à un feu rouge, provoquant la chute de l’assuré qui se trouvait sur le marchepied arrière au moment du heurt. Il en est résulté un traumatisme par écrasement au niveau du pied gauche avec de multiples lésions osseuses à la cheville.

L’évolution a été décrite comme lentement favorable avec une consolidation des fractures mais des douleurs. Les douleurs ont toutefois persisté. Diverses consultations et examens spécialisés ont été réalisés, qui n’ont mis à jour aucun problème particulier. Un bilan final a eu lieu le 09.01.2015 ; sur le plan objectif, les examens radiologiques ne montraient pas de lésions séquellaires ; l’atteinte à l’intégrité était inférieure au seuil indemnisable ; l’assuré était apte à exercer sans diminution de rendement une activité légère dans différentes domaines de l’industrie respectant les limitations fonctionnelles.

Octroi d’une rente fondée sur un degré d’invalidité de 33% dès le 01.01.2015, et refus de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI). Dans son opposition, l’assuré a produit un document selon lequel il souffre d’une algodystrophie (ou syndrome douloureux régional complexe [SDRC]), ainsi qu’une expertise concluant à une atteinte à l’intégrité de 8,75%. Dans une nouvelle décision, l’assurance-accidents a porté le taux d’invalidité à 36% et reconnu le droit à une IPAI de 8,75%.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/658/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2nLXu2e)

Par jugement du 23.08.2016, admission partiel du recours par le tribunal cantonal (taux d’invalidité de 39%).

 

TF

Syndrome douloureux régional complexe (SDRC ; CRPS en anglais)

L’assuré reproche à la cour cantonale d’avoir nié qu’il souffrait d’un SDRC en lien de causalité avec l’accident. Si dans son cas le diagnostic avait été posé six mois après l’événement, il en avait déjà présenté les signes cliniques dans les six à huit semaines de sa survenance.

Le diagnostic de SDRC ou de probable algodystrophie a certes été posé dans les suites de l’accident, mais que plusieurs médecins ont ultérieurement fait état de la disparition de signes compatibles avec une telle atteinte. En particulier, le médecin sollicité par le médecin-traitant pour un deuxième avis en novembre 2013 a indiqué que les examens qu’il avait nouvellement répétés étaient « revenus dans les limites de la norme », ce qui correspondait aussi à son examen clinique qui ne montrait pas de séquelles posttraumatiques. Or ce spécialiste s’est fondé sur les résultats d’investigations spécifiques pour ce type d’atteinte (scintigraphie osseuse, Spectct, examen neurologique avec électroneuromyographie). Il n’y a pas de motif de s’en écarter, d’autant que la constatation d’une telle évolution favorable est partagée par d’autres confrères.

 

Jurisprudence en matière de troubles psychiques consécutifs à un accident – 115 V 133

Il est établi que l’importance des douleurs encore ressenties par l’assuré ne peut s’expliquer ni par un SDRC ni par le status après fractures. En l’absence d’explication somatique à l’ampleur de cette symptomatologie algique, c’est à juste titre que les juges cantonaux ont fait application de la jurisprudence sur les troubles psychiques consécutifs à un accident.

Bien que l’assuré n’ait pas été soumis à une expertise psychiatrique en bonne et due forme, il est admis de laisser ouverte la question de la causalité naturelle d’éventuels troubles psychiques dans les cas où ce lien de causalité ne peut de toute façon pas être qualifié d’adéquat (ATF 135 V 465 consid. 5.1 p. 472).

 

Qualification de l’accident – Accident de gravité moyenne stricto sensu

L’accident a été classé dans la catégorie des accidents de gravité moyenne stricto sensu, ce qui est confirmé par le TF.

Eu égard au traumatisme subi (fractures par écrasement), on doit retenir que les forces mises en jeu sur la jambe gauche de l’assuré au moment de l’accident étaient d’importance moyenne.

Pour que la causalité adéquate soit admise, il faut un cumul de trois critères sur les sept consacrés par la jurisprudence, ou au moins que l’un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante pour l’accident (SVR 2010 UV n° 25 p. 100 [8C_897/2009] consid. 4.5; arrêt 8C_196/2016 du 9 février 2017 consid. 4).

 

Critère du caractère impressionnant de l’accident

Ce critère n’est pas réalisé. Tout accident de gravité moyenne est associé un certain caractère impressionnant, lequel ne suffit pas pour admettre l’existence du critère en question. Les précisions supplémentaires apportées dans le recours par rapport aux circonstances décrites dans le rapport de police ne sont pas de nature à conduire à une appréciation différente (pour un rappel de la casuistique à ce sujet voir SVR 2013 UV n° 3 p. 7 consid. 6.1).

 

Critère de la gravité ou de la nature particulière des lésions physiques

Ce critère n’est pas non plus rempli. Le fait qu’un assuré ne peut plus garder le même poste de travail qu’avant l’accident à raison de ses séquelles n’y suffit pas (cf. arrêt 8C_566/2013 du 18 août 2014 consid. 6.2.2).

On ne saurait assimiler des limitations fonctionnelles au niveau du pied gauche à une atteinte propre à entraîner des troubles psychiques comme la jurisprudence l’a reconnu par exemple pour la perte d’un œil ou certains cas de mutilations à la main dominante.

 

Critère du traitement médical

Le traitement médical a été conservateur. Après une période de rééducation, il a consisté uniquement en de l’antalgie. On ne peut donc pas parler d’un traitement médical particulièrement pénible sur une longue période (voir par comparaison l’arrêt 8C_818/2015 du 15 novembre 2016 consid. 6.2 où ce critère a été admis).

 

Critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques

L’incapacité de travail n’a pas été particulièrement longue vu que l’assuré a pu reprendre une activité à 50% à la voirie en septembre 2012 et que l’échec d’une augmentation de ce taux trouve son origine avant tout dans un tableau algique qui ne peut être corrélé qu’en partie aux lésions objectives initiales.

 

Critère des douleurs physiques persistantes

Le tableau algique ne pouvant être corrélé qu’en partie aux lésions objectives initiales, le critère des douleurs persistantes liées aux seules lésions physiques ne peut pas non plus être admis.

 

Critère d’erreurs dans le traitement médical

Il n’y a pas non plus eu d’erreur dans le traitement médical.

 

Critère des difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes

Le Tribunal fédéral a laissé ouvert le point de savoir si l’épisode d’algodystrophie survenu au cours du processus de guérison constitue ou non une complication importante, car même si ce critère devait être admis, il ne s’est en tout cas pas manifesté d’une manière particulièrement marquante, les remaniements osseux et la synovite en découlant ayant disparu relativement vite.

 

En conclusion, l’existence d’un lien de causalité adéquate entre d’éventuels troubles psychiques pesant sur la symptomatologie algique et l’accident doit être niée.

 

Revenu d’invalide selon T1 de l’ESS

Le TF confirme l’application de la table T1 valable pour l’ensemble du secteur privé et public (au lieu de la table TA1 « secteur privé » à laquelle il convient de se référer en règle générale; voir ATF 124 V 321 consid. 3b/aa p. 323), puisque l’assuré a exercé sa dernière activité dans le secteur public.

La faculté de se référer aux salaires mensuels de secteurs particuliers (secteur 2 [production] ou 3 [services]), voire à des branches particulières pour respecter au mieux la situation professionnelle concrète de la personne assurée est certes reconnue par la jurisprudence, mais elle concerne les cas particuliers dans lesquels l’assuré concerné a travaillé dans un domaine pendant de nombreuses années et qu’une activité dans un autre domaine n’entre pas en ligne de compte (arrêt 9C_142/2009 du 20 novembre 2009 consid. 4.1 et les références).

C’est à juste titre que la juridiction cantonale a considéré que cette constellation ne s’appliquait pas à la situation de l’assuré dès lors que celui-ci avait exercé divers autres métiers avant son emploi à la voirie (dans la construction, comme bagagiste, dans la restauration et la tenue d’une épicerie).

 

Abattement

Limitations fonctionnelles retenues : pas de marche en terrain accidenté, de montée/descente d’escaliers, de position debout statique prolongée ou de marche prolongée. La nature des limitations fonctionnelles ne présentent pas de spécificités telles qu’elles sont susceptibles d’induire, à elles seules, une réduction importante sur ses perspectives salariales compte tenu de la palette d’activités compatibles avec celles-ci, contrairement à son âge (58 ans au moment de la naissance de la rente) qui constitue un plus grand inconvénient, et au fait qu’il perd l’avantage de compter 15 années de service chez un employeur public. Dans son résultat, l’abattement de 15% apparaît donc approprié aux circonstances du cas d’espèce.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_655/2016 consultable ici : http://bit.ly/2E4YcP5

 

 

4A_562/2016 (f) du 26.04.2017 – Déclaration obligatoire en cas de sinistre – 38 LCA / Obligation de sauvetage – 61 LCA

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_562/2016 (f) du 26.04.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2Gy2Re9

 

Couverture des frais médicaux – Assurance privée LCA

Déclaration obligatoire en cas de sinistre / 38 LCA

Obligation de sauvetage / 61 LCA

 

Dans le cadre d’un contrat d’assurance collective conclu entre la compagnie d’assurance et la preneuse d’assurance, A.__ (ci-après: l’assurée) a été assurée au début du mois d’août 2009 en prévision d’une opération dentaire qu’elle s’apprêtait à subir dans une clinique à Barcelone. Le contrat d’assurance collective portait sur les «Frais médicaux supplémentaires suite à complication lors de traitement des yeux ou des dents».

Assuré qui s’est fait poser des implants dentaires dans une clinique à Barcelone, puis s’est rendue dès le 19.08.2009 auprès d’une clinique vaudoise pour enlever des fils et effectuer des radiographies de contrôle. La prise en charge par la clinique vaudoise a duré jusqu’en avril 2010, voire mai 2010.

A ce moment, la prothèse de l’assurée était selon ses propres dires très inconfortable, notamment pour la mastication. Par ailleurs, entre août et octobre 2009, son dentiste a attiré son attention sur le fait qu’il y avait un problème. Il considérait que le travail effectué en Espagne avait été mal fait, les implants ayant été posés de manière inhabituelle, voire inadéquate. L’assurée n’a toutefois pas accordé une grande importance à ses propos, qu’elle a davantage pris comme une critique par rapport au fait qu’elle était allée se faire soigner en Espagne.

Parallèlement au suivi en Suisse, l’assurée est retournée en mars 2010 auprès de la clinique espagnole pour une deuxième étape du traitement qui était prévue dès le départ, à savoir un moulage des dents ensuite de la pose des implants. Elle a constaté que le dentiste avait des difficultés à procéder et qu’il avait même dû limer une dent d’origine. Elle a alors décidé d’arrêter le traitement en Espagne et de demander l’avis d’un dentiste de la clinique vaudoise.

Après avoir encore consulté deux chirurgiens-dentistes qui lui ont indiqué que la situation ne pouvait pas être améliorée à cause de la mauvaise position des implants, l’assurée s’est rendue en octobre 2010 auprès d’une clinique dentaire à Lisbonne au Portugal. Elle y a subi une nouvelle opération importante consistant en l’enlèvement de sept implants avec mise en place d’une nouvelle prothèse. Cette intervention a causé de très fortes douleurs.

Par avis de sinistre du 17.02.2011, la mandataire de l’assurée a annoncé à la preneuse d’assurance que la pose des implants dentaires était défectueuse. La preneuse l’a invitée à contacter directement la compagnie d’assurance, tout en précisant avoir transmis à celle-ci une copie du courrier du 17.02.2011. Le 14.03.2011, la compagnie d’assurance a répondu à l’assurée qu’elle refusait de prendre en considération la demande de prestations, au motif que sa centrale d’appels d’urgence n’avait pas été contactée et n’avait ainsi pas donné son accord préalable concernant les prestations sollicitées.

 

Procédure cantonale

Les juges cantonaux ont retenu que l’assurée avait eu conscience en octobre 2009 au plus tard de complications liées à l’opération du mois d’août 2009. Son dentiste lui avait en effet signalé entre août 2009 et octobre 2009 que les implants avaient été posés de façon problématique. Dans la mesure où il s’ajoutait à un important inconfort ressenti lors de la mastication, ce signalement effectué par un spécialiste était suffisant pour qu’elle se rende compte que l’opération effectuée entraînait des complications et, dès lors, que le danger redouté s’était réalisé à l’égard de l’objet assuré. Par conséquent, en n’annonçant le sinistre que le 17.02.2011, soit bien plus d’une année après sa survenance, l’assurée n’avait pas respecté son obligation d’avis immédiat au sens de l’art. 38 al. 1 LCA. Cette omission avait en particulier empêché l’assureur de vérifier à ce moment-là l’existence du droit aux prestations et d’examiner si des mesures pour réduire le dommage devaient être ordonnées. Par ailleurs, en n’annonçant pas le sinistre immédiatement et en entreprenant par elle-même des démarches complémentaires entre août 2009 et mai 2010, auprès de la clinique espagnole en mars 2010 et auprès de la clinique portugaise en octobre 2010, l’assurée n’avait pas non plus respecté son obligation de sauvetage au sens de l’art. 61 LCA. Conformément à ces dispositions, elle aurait en effet dû contacter la compagnie d’assurance dès le constat des complications afin de permettre à celle-ci de donner des instructions quant au mode de procéder pour réduire le dommage. L’assurée avait donc objectivement failli à ses incombances résultant des art. 38 et 61 LCA, telles que précisées par les conditions générales.

 

TF

Selon l’art. 38 al. 1 et 2 LCA, l’ayant droit doit aviser l’assureur aussitôt qu’il a eu connaissance du sinistre et de son droit à des prestations d’assurance ; s’il omet fautivement de donner cet avis, l’assureur a le droit de réduire l’indemnité à la somme qu’elle comporterait si la déclaration avait été faite à temps. Cette exigence a pour but de permettre à l’assureur, d’une part, de vérifier l’existence d’un droit à des prestations et, d’autre part, d’ordonner, si nécessaire, des mesures pour réduire le dommage (arrêt 5C.55/2005 du 6 juin 2005 consid. 2.3 et les références citées).

En outre, l’art. 61 LCA énonce que lors du sinistre, l’ayant droit est obligé de faire tout ce qui est possible pour restreindre le dommage; s’il n’y a pas péril en la demeure, il doit requérir les instructions de l’assureur et s’y conformer (al. 1); si l’ayant droit contrevient à cette obligation d’une manière inexcusable, l’assureur peut réduire l’indemnité au montant auquel elle serait ramenée si l’obligation avait été remplie (al. 2). Bien que classée parmi les règles relatives aux assurances contre les dommages, cette disposition légale est aussi applicable aux assurances de personnes (ATF 128 III 34 consid. 3b p. 36). L’obligation de sauvetage qui en découle naît au moment de la réalisation du cas d’assurance, c’est-à-dire dès que le danger redouté se réalise à l’égard de l’objet assuré, soit, en matière d’assurance-accident, dès que la force extérieure s’est exercée sur la personne assurée, même si l’on ignore encore quelles suites auront les lésions subies par cette dernière (arrêt précité 5C.55/2005 consid. 2.2 et les références citées). C’est à ce moment qui naissent les incombances telles que l’obligation d’annonce et l’obligation de sauvetage (arrêt 5C.89/2000 du 5 novembre 2001 consid. 2b/aa, non publié aux ATF 128 III 34).

Sous réserve de l’exigence d’une faute comme condition de toute réduction des prestations en cas de manquement de l’assuré (cf. art. 45 LCA), les art. 38 et 61 LCA ne sont pas impératifs (cf. art. 97 et 98 LCA). Les parties peuvent donc préciser, voire aggraver, les obligations que pose le premier alinéa de chacune de ces dispositions légales et remplacer la réduction des prestations prévue à leur alinéa 2 par l’extinction complète du droit aux prestations en cas de violation fautive de ses incombances par l’assuré (arrêt précité 5C.55/2005 consid. 2.2 et 2.3).

Cependant, selon l’art. 45 LCA, lorsqu’une sanction a été stipulée pour le cas où le preneur d’assurance ou l’ayant droit violerait l’une de ses obligations, cette sanction n’est pas encourue s’il résulte des circonstances que la faute n’est pas imputable au preneur ou à l’ayant droit. D’après la jurisprudence, il n’y a pas de violation fautive, au sens de l’art. 45 LCA, si des causes objectives, ou du moins non imputables à l’assuré – telles que la maladie, l’impossibilité de produire une preuve, le comportement de l’assureur, de son agent ou de services de l’administration -, ont empêché l’assuré de respecter ses obligations (arrêt précité 5C.55/2005 consid. 3.1; cf. ATF 115 II 88 consid. 4a; 84 II 556 consid. 9).

Aux termes de l’art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit pas le contraire, prouver les faits qu’elle allègue pour en déduire son droit. Il s’ensuit que c’est à l’assuré qui réclame le versement de prestations en contestant l’applicabilité d’une clause de déchéance qu’il appartient de prouver que la violation de l’une ou de l’autre de ses incombances n’a pas eu d’influence sur la survenance de l’événement redouté ou sur l’étendue de la prestation de l’assureur (arrêt précité 5C.55/2005 consid. 4.2; cf. ATF 115 II 88 consid. 4b).

En l’espèce, le TF confirme le point de vue de la juridiction cantonale.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 4A_562/2016 consultable ici : http://bit.ly/2Gy2Re9

 

 

8C_11/2017 (f) du 21.08.2017 – Accident de gravité moyenne – Causalité adéquate selon 115 V 133 niée – 6 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_11/2017 (f) du 21.08.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2EtTzzd

 

Accident de gravité moyenne – Causalité adéquate selon 115 V 133 niée / 6 LAA

 

Assuré, né en 1974, opérateur au service, est victime d’un accident professionnel le 14.04.2014 : alors qu’il passait sous une plaque métallique d’environ 25 kg qu’un collègue était en train de démonter, celle-ci est tombée d’une hauteur de 1 mètre et a heurté le côté droit de sa tête et son épaule. Il en est résulté un traumatisme crânien simple sans perte de connaissance et une contusion de l’épaule droite.

A la suite de cet accident, l’assuré a présenté différents troubles sous la forme notamment de céphalées, sensations vertigineuses, fatigue, dyssomnie, irritabilité, insécurité à la marche, difficultés de concentration et diminution de la tolérance au stress et aux émotions.

Les divers examens réalisés (CT-scan cérébral, électromyogramme, sonographie Doppler, IRM angio-cérébrale) n’ont mis en évidence aucune particularité.

Suite à la péjoration de son état de santé psychique, l’assuré a volontairement séjourné à l’Hôpital du 16.01.2015 au 03.02.2015, où les médecins ont fait état d’un épisode dépressif moyen: syndrome subjectif consécutif à un traumatisme crânien.

L’assurance-accidents a rendu une décision, confirmée sur opposition, par laquelle elle a supprimé le droit de l’assuré aux prestations d’assurance à compter du 12.08.2015, motif pris que celui-ci ne présentait plus de séquelles organiques nécessitant un traitement et que les troubles psychiques dont il souffrait ne se trouvaient pas en relation de causalité avec l’événement assuré.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a nié le lien de causalité naturelle entre les troubles psychiques de l’assuré et l’accident du 14.04.2014, motif pris que ceux-ci étaient antérieurs à l’événement assuré, lequel, en outre, ne s’était pas manifesté avec un degré de gravité suffisant pour en être la cause. De plus, elle a retenu que les difficultés survenues dans la situation personnelle de l’assuré, antérieurement à l’événement accidentel, avaient joué un rôle prépondérant sur l’évolution de son état de santé. Quoi qu’il en soit, les premiers juges ont nié l’existence d’un lien de causalité adéquate entre les affections psychiques et l’accident – qu’ils ont qualifié d’accident de gravité moyenne – au motif que les critères objectifs définis par la jurisprudence pour examiner le caractère adéquat du lien de causalité entre une atteinte à la santé psychique et un accident de gravité moyenne n’étaient pas réalisés.

Par jugement du 11.11.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Causalité naturelle

La question de savoir si les troubles psychiques dont souffre l’assuré sont en rapport de causalité naturelle avec l’accident peut rester indécise.

 

Causalité adéquate – Accident de gravité moyenne

Sur le vu de l’ensemble des avis médicaux recueillis au dossier, il apparaît que l’état de santé de l’assuré a été de manière précoce et durablement affecté par des troubles psychiques qui constituent une atteinte à la santé distincte et indépendante du tableau clinique caractéristique habituellement associé à un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, un traumatisme analogue à la colonne cervicale ou un traumatisme cranio-cérébral (cf. ATF 134 V 109 consid. 9.5 p. 125).

Cela étant, il convient de trancher le cas en se fondant sur la jurisprudence en matière de troubles psychiques additionnels à une atteinte à la santé physique (cf. ATF 127 V 102 consid. 5b/bb p. 103 et les références; 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140 et 403 consid. 5c/aa p. 409).

 

Pour qu’un lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques et un accident de gravité moyenne soit admis, il faut un cumul de trois critères sur sept, ou au moins que l’un des critères se soit manifesté de manière particulièrement marquante pour l’accident (SVR 2010 UV n° 25 p. 100 [8C_897/2009] consid. 4.5; arrêt 8C_196/2016 du 9 février 2017 consid. 4).

L’assuré soutient que l’accident a revêtu un caractère particulièrement impressionnant, en invoquant le poids de la charge qui est tombée d’une hauteur de 1 mètre et a heurté sa tête alors qu’il ne portait pas de casque et qu’il se trouvait sur un échafaudage à plus de 4 mètres de hauteur. Même en admettant la réalisation de ce critère, il ne revêt pas une intensité suffisante pour que l’événement accidentel apparaisse propre à entraîner une atteinte psychique. Quant aux autres critères, l’assuré ne prétend pas qu’ils seraient réalisés. En l’absence de tout grief à ce sujet, le TF ne les a pas examinés.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_11/2017 consultable ici : http://bit.ly/2EtTzzd

 

 

4A_695/2016 (f) du 22.06.2017 – Causalité naturelle et adéquate en droit de la responsabilité civile – 42 CO – 44 CO / Perte de gain passée et perte de gain future – 46 CO / Indemnité pour tort moral – 47 CO

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_695/2016 (f) du 22.06.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2GBTNEQ

 

Causalité naturelle et adéquate en droit de la responsabilité civile / 42 CO – 44 CO

Perte de gain passée et perte de gain future / 46 CO

Indemnité pour tort moral / 47 CO

 

Le 28.07.2003, X.__, arrêté à un feu rouge au volant de sa voiture, a été percuté par l’arrière par le véhicule de F.__. L’alcoolémie de la conductrice fautive s’élevait à 2.81 o/oo (valeur moyenne) et elle était sous l’influence d’un médicament anxiolytique. Ayant pourtant convenu avec le lésé qu’elle s’arrêterait au bord de la route, elle a pris la fuite. L’irresponsabilité de l’auteur de l’accident a été soulignée par les psychiatres ayant examiné le lésé qui ont insisté sur les conséquences néfastes pour le lésé d’un tel comportement. Ce dernier, qui a rapidement ressenti des douleurs cervicales sur le côté droit, a recherché la conductrice en vain dans le quartier, puis il s’est finalement présenté seul au poste de police pour décrire le déroulement de l’accident.

Depuis octobre 2003, le lésé a été examiné par de nombreux spécialistes en neurologie et en psychiatrie/psychothérapie, ainsi que, pendant l’instruction, par des experts judiciaires.

Il a été établi qu’il n’existait – hormis sur une période de deux à trois mois après l’accident – aucun lien de causalité naturelle entre l’événement dommageable du 28.07.2003 et les divers troubles physiques dont se plaignait le lésé. En revanche, sur le plan psychiatrique, le lien de causalité naturelle entre l’accident et la souffrance psychique du lésé a été jugé comme hautement vraisemblable. Le lésé a subi une modification durable de sa personnalité « après exposition à un stress prolongé ». Sa dépression est qualifiée de sévère.

 

Procédure cantonale (arrêt HC / 2016 / 931 – consultable ici : http://bit.ly/2DU6pK9)

Les magistrats cantonaux ont admis le lien de causalité naturelle et adéquate, tout en considérant que la réduction (50%) opérée par les premiers juges était fondée, tant sur le principe que sur la quotité, au motif qu’il « n’était pas dans l’ordre des choses qu’un accident tel que celui qui s’est produit puisse causer des troubles psychiatriques d’une telle ampleur alors qu’il n’existait aucune lésion physique objectivable ni objectivée ».

 

TF

Causalité naturelle et adéquate en droit de la responsabilité civile

Pour dire s’il y a causalité naturelle, le juge doit apprécier les preuves fournies et s’interroger, de manière purement factuelle, sur l’enchaînement des événements et le caractère indispensable, pour provoquer le résultat, du comportement invoqué à l’appui de la demande. Il appartient donc au juge d’apprécier les diverses preuves et de constater l’existence – ou l’inexistence – du rapport de causalité naturelle (cf. ATF 128 III 174 consid. 2b p. 177; 128 III 180 consid. 2d p. 184).

L’examen du lien de causalité adéquate est une question de droit. Le rapport de causalité est adéquat lorsque l’acte incriminé était propre, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s’est produit (ATF 123 III 110 consid. 3a p. 112 s.; 122 IV 17 consid. 2c/bb p. 23 s.).

En droit de la responsabilité civile, il ne se justifie pas de tenir compte de la gravité (ou de la légèreté) de l’accident lors de l’examen du rapport de causalité (ATF 123 III 110 consid. 3 p. 111 ss; arrêt 4A_45/2009 du 25 mars 2009 consid. 3.3.1 et 3.3.2 publiés in SJ 2010 p. 73). La faible intensité de la cause du dommage (comparée au préjudice causé) peut toutefois, en combinaison avec d’autres facteurs, être prise en compte au moment de calculer l’indemnité (« circonstances » de l’art. 43 CO; ATF 123 III 110 consid. 3c p. 115). Il est également possible de tenir compte, à ce stade, d’une affection préexistante (art. 44 CO; ATF 123 III 110 consid. 3c p. 114 s.).

La question de savoir s’il y a lieu de revenir sur cette jurisprudence, au vu de celle publiée par les Cours de droit social du Tribunal fédéral en ce qui concerne l’influence de la légèreté de l’accident sur la causalité adéquate, peut ici demeurer ouverte.

Au moment de calculer le dommage subi par le lésé, la cour cantonale a établi que les troubles psychiques de l’assuré ne se seraient pas développés sans l’événement dommageable. Il est donc exclu d’écarter, en application de l’art. 42 CO, une part du préjudice au motif qu’elle serait liée à un état préexistant. Aucune cause concurrente n’avait joué de rôle et aucun élément antérieur (vulnérabilité, troubles de la personnalité, événement particulier de l’histoire personnelle du lésé, état anxieux inhabituel préexistant à l’accident) n’avait été constaté. L’indemnité due au lésé ne pouvait donc pas non plus être réduite pour ces motifs sous l’angle de l’art. 44 CO.

L’accident devait donc être qualifié de léger et une réduction de l’indemnité pouvait être opérée. La faute grave de l’auteur de l’accident (comme  » autre facteur  » déterminant lors de la fixation de l’indemnité) ne permet pas d’exclure d’emblée, à elle seule, toute réduction de l’indemnité (cf. ATF 45 II 310 consid. 5 p. 315 s.). Cela étant, vu la faible intensité de l’accident en l’espèce, on ne saurait reprocher à la cour cantonale d’avoir abusé de son pouvoir d’appréciation (art. 4 CC) lorsqu’elle a décidé de réduire de 50% l’indemnité due au lésé.

 

Préjudice résultant de l’incapacité de travail et atteinte portée à l’avenir économique – 46 CO

En vertu de l’art. 46 al. 1 CO, applicable par le renvoi de l’art. 62 al. 1 LCR, la victime de lésions corporelles a droit au remboursement des frais et aux dommages-intérêts qui résultent de son incapacité de travail totale ou partielle, ainsi que de l’atteinte portée à son avenir économique.

Le préjudice s’entend au sens économique. Est donc déterminante la diminution de la capacité de gain. Le dommage consécutif à l’invalidité doit, autant que possible, être établi de manière concrète. Le juge partira du taux d’invalidité médicale (ou théorique) – question qui relève du fait – et recherchera ses effets sur la capacité de gain ou l’avenir économique du lésé; cette démarche l’amènera à estimer le revenu hypothétique du lésé, soit le gain qu’il aurait obtenu dans son activité professionnelle s’il n’avait pas subi l’accident (ATF 131 III 360 consid. 5.1 p. 363 et les arrêts cités; arrêt 4A_77/2011 du 20 décembre 2011 consid. 2.2.1 et les arrêts cités).

Si la situation salariale concrète de la personne concernée avant l’événement dommageable constitue ainsi la référence, le juge ne doit toutefois pas se limiter à constater le revenu réalisé jusqu’alors, car l’élément déterminant repose bien davantage sur ce que le lésé aurait gagné annuellement dans le futur. Mais, il incombe en particulier au demandeur de rendre vraisemblables les circonstances de fait – à l’instar des augmentations futures probables de son salaire durant la période considérée – dont le juge peut inférer les éléments pertinents pour établir le revenu que le premier aurait réalisé sans l’accident (ATF 131 III 360 consid. 5.1 p. 363; 129 III 135 consid. 2.2 p. 141). Le juge n’admettra une augmentation du revenu due à une promotion ou un changement d’activité que s’il existe des circonstances rendant ces faits vraisemblables (cf. ATF 116 II 295 consid. 3a/aa p. 296 s.; arrêt 4A_79/2011 du 1er juin 2011 consid. 2.2 publié in JdT 2011 I 340).

 

Perte de gain passée

Pour ce poste, l’autorité cantonale a pris en compte le revenu annuel net que le lésé aurait perçu sans l’accident (revenu hypothétique). Comme il aurait poursuivi ses démarches en vue de remettre son commerce et qu’il aurait occupé un poste à mi-temps dans cette société, son salaire annuel a été estimé, selon la situation concrète de l’entreprise, à 22’488 fr. net en 2005 et 23’442 fr. en 2014 (après indexation au coût de la vie). La cour cantonale a ajouté que le lésé aurait continué à enseigner, mais en ne gardant qu’un seul des deux postes d’enseignant qu’il occupait alors. Elle a estimé que, pour le poste qu’il aurait gardé, il aurait perçu une moyenne de 10’009 fr.50 en 2005 et de 10’434 fr. en 2014 (après indexation). Le revenu hypothétique annuel net moyen du demandeur entre 2005 et 2014 se serait ainsi élevé à 33’186 fr.75 ([22’488 fr. + 10’009 fr.50] + [23’442 fr. + 10’434 fr.] / 2), soit, pour la période concernée, la somme de 331’867 fr.50.

S’agissant du revenu réel, la cour cantonale a constaté que, pour la période précitée, l’AI a versé au lésé un montant de 323’556 fr. jusqu’au 30 juin 2014 et, pour le deuxième semestre 2014, un montant de 16’038 fr., soit au total une somme de 339’594 fr. Le revenu hypothétique aurait ainsi été inférieur à celui qu’il a perçu de l’AI.

On ne saurait reprocher à la cour cantonale d’avoir sombré dans l’arbitraire en s’écartant légèrement des chiffres fournis par l’expert, proches de ceux donnés par le témoin L.__. La cour cantonale a expliqué son raisonnement.

Il y a donc lieu de se fonder sur les chiffres établis par la cour cantonale. Il en résulte que, pour la période prise en compte (du 01.01.2005 au 31.12.2014), le revenu hypothétique du lésé (331’867 fr. 50) aurait été inférieur à celui qu’il a perçu de l’AI (339’594 fr.), ce qui exclut toute perte de gain passée.

 

Perte de gain future

Le calcul de la cour cantonale portant sur ce poste doit être confirmé. Il y a donc lieu de tenir compte du montant (capitalisé) de 202’239 fr.70 et d’en déduire le montant versé par l’AI (140’580 fr.75). Il en résulte un dommage de 61’658 fr.50, qu’il y a lieu de réduire de 50%.

 

Indemnité pour tort moral – 47 CO

En vertu de l’art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale.

Les circonstances particulières évoquées dans la norme consistent dans l’importance de l’atteinte à la personnalité du lésé, l’art. 47 CO étant un cas d’application de l’art. 49 CO (ATF 141 III 97 consid. 11.2 p. 98).

Les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent donc en principe impliquer une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé. Parmi les circonstances qui peuvent, selon les cas, justifier l’application de l’art. 47 CO, figurent avant tout le genre et la gravité de la lésion, l’intensité et la durée des répercussions sur la personnalité de la personne concernée, le degré de la faute de l’auteur ainsi que l’éventuelle faute concomitante de la victime (ATF 141 III 97 consid. 11.2 et les nombreux arrêts cités).

L’indemnité allouée doit être équitable (ATF 130 III 699 consid. 5.1 p. 704 s. et les arrêts cités). Le juge applique les règles du droit et de l’équité lorsque la loi le charge, comme l’art. 47 CO, de prononcer en tenant compte des circonstances (cf. art. 4 CC). Le Tribunal fédéral ne revoit qu’avec réserve la décision d’équité prise en dernière instance cantonale. Il intervient lorsque celle-ci s’écarte sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de libre appréciation, lorsqu’elle repose sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle ou, au contraire, lorsqu’elle ignore des éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; en outre, le Tribunal fédéral redresse les décisions rendues en vertu d’un pouvoir d’appréciation lorsqu’elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 141 III 97 consid. 11.2 p. 98; 135 III 121 consid. 2 p. 123).

A propos du quantum de l’indemnité, on peut rappeler que le Tribunal fédéral a jugé équitable une indemnité pour tort moral de 140’000 fr. en capital, dans le cas d’une motocycliste, âgée de 19 ans, grièvement blessée dans un accident de la circulation, qui a entraîné un traumatisme cérébral laissant des séquelles irréversibles (ATF 134 III 97 consid. 4 p. 99 s.).

De même, il a trouvé conforme au droit le versement d’une réparation morale du même montant – avant réduction pour faute de la victime – à un enfant qui, lors d’une descente à ski, a violemment heurté de la tête une barre de fer délimitant la piste et en est resté gravement handicapé (arrêt 4A_206/2014 du 18 septembre 2014 consid. 5).

Le Tribunal fédéral a confirmé le montant de l’indemnité satisfactoire de 80’000 fr. accordée à un demandeur victime d’un accident lui occasionnant de multiples fractures des membres inférieurs, des contusions graves du foie et de la rate, plus un violent choc à la tête, et entraînant une fracture de la pyramide nasale et de très nombreuses fractures dentaires. L’ampleur des blessures est attestée par la première intervention chirurgicale, qui a duré 27 heures. Six autres opérations ont suivi. Les soins hospitaliers et la rééducation se sont étalés sur près de neuf mois. La compagne d’alors du demandeur est restée quant à elle paraplégique. Le lésé, qui travaillait 50 à 60 heures par semaine en étant actif pour le compte de trois sociétés et qui gagnait annuellement plus de 220’000 fr. nets en 1991, a dû totalement arrêter les activités professionnelles qu’il menait alors avec succès. Depuis l’accident, il est atteint de troubles fonctionnels persistants qui provoquent notamment des déficits mnésiques et attentionnels. Sa capacité résiduelle de travail dans une activité adaptée est quant à elle limitée à 30 % (ATF 141 III 97 consid. 11.4 p. 99).

En l’espèce, la cour cantonale a tenu compte de la pathologie psychiatrique sévère dont souffre le lésé, de la modification durable de sa personnalité qui y est liée et de l’invalidité totale qui en résulte. L’autorité précédente s’est également fondée sur la durée des troubles (une vie entière), en relevant toutefois que ceux-ci, leurs conséquences sur la vie sociale du lésé et son état de santé ne pouvaient pas être comparés à la situation d’une personne qui ne pourrait plus se déplacer, se vêtir ou se nourrir. Elle a également pris en compte la gravité de la faute de la conductrice responsable, qui a perdu la maîtrise de son véhicule en étant sous l’emprise de l’alcool.

Le TF confirme le montant de l’indemnité satisfactoire de 50’000 fr. accordée au demandeur par la cour cantonale. Il y a lieu de réduire de moitié ce montant.

 

 

Le TF rejette le recours de X.__.

 

 

Arrêt 4A_695/2016 consultable ici : http://bit.ly/2GBTNEQ

 

 

8C_689/2016 (f) du 05.07.2017 – Restitution imputable à une faute de la caisse de chômage – 25 LPGA / Péremption du droit de demander la restitution – 25 al. 2 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_689/2016 (f) du 05.07.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2E6pEzd

 

Restitution imputable à une faute de la caisse de chômage / 25 LPGA

Péremption du droit de demander la restitution / 25 al. 2 LPGA

 

Assuré, livreur à un taux d’activité de 50%, qui est licencié le 25.01.2012 avec effet au 31.03.2012, pour des motifs économiques. Parallèlement à cette activité, il exerçait celle de concierge à un taux de 25% pour le compte de la Société C.__. Le 09.02.2012, il a déposé une demande d’indemnité de chômage en indiquant être disposé à travailler à un taux de 50%. Un délai-cadre d’indemnisation a été ouvert du 01.04.2012 au 31.03.2014.

A la demande du gestionnaire en charge du dossier auprès de la caisse de chômage, l’assuré a fait parvenir, le 10.04.2012, une copie de son contrat de travail de conciergerie ainsi que les fiches de salaire y afférentes pour les mois de février et mars 2012. Par pli du 11.04.2012, le gestionnaire a en outre invité l’assuré à lui faire parvenir le formulaire « confirmation d’inscription » avec un taux de 75%. Il justifiait sa requête par ces termes écrits ultérieurement à la main et figurant au bas de cette lettre : « cet assuré avait un emploi à 50% + un autre à 25% qui continue ».

A la suite d’une révision du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) des 08.07.2013-10.07.2013, la caisse de chômage a invité la société C.__ à lui transmettre les formulaires « Attestation de gain intermédiaire » concernant l’assuré pour les mois d’avril 2012 à juin 2013 ainsi qu’une copie des fiches de salaire pour la même période. Par décision du 27.11.2013, confirmé sur opposition, elle a réclamé à l’assuré la restitution de 15’476 fr. 05, correspondant au montant des prestations versées en trop en raison de « la non-prise en considération de [son] emploi mensuel provenant de [son] activité de concierge non professionnel à 25% ».

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 58/14 – 163/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2GCczw0)

Le premier juge a retenu que la caisse de chômage savait que l’intimé effectuait un travail de concierge à raison de 25%, respectivement n’entendait requérir l’aide de l’assurance que pour compenser sa perte d’emploi à 50% et que c’était à la demande du gestionnaire de la caisse que l’inscription avait été modifiée pour être portée à 75%. Toujours selon le premier juge, c’était le gestionnaire qui avait demandé à l’assuré de lui faire parvenir son contrat de travail ainsi que les attestations de salaire y afférentes relatifs à son emploi de concierge. Enfin, l’instruction avait permis d’établir que c’était en mains dudit gestionnaire qu’étaient parvenues les IPA durant tout le délai d’indemnisation de l’assuré. Le premier juge a considéré qu’il n’y avait pas lieu de douter de la bonne foi de l’assuré, ce dernier pouvant raisonnablement penser que son emploi conservé à 25% était considéré comme un gain accessoire échappant à la logique de l’indemnisation, celle-ci ne portant que sur la disponibilité restante de 75% dans le cadre de laquelle il avait dûment annoncé les gains intermédiaires réalisés. En procédant chaque mois à l’examen des IPA tout en requérant systématiquement les pièces afférentes aux gains intermédiaires déclarés, le gestionnaire de la caisse ne pouvait ignorer, toujours selon la juridiction cantonale, l’emploi et la rémunération de concierge conservés à 25%. Il disposait en outre de toutes les pièces utiles à cet égard, de sorte qu’en vouant au cas de son assuré l’attention requise par les circonstances, il disposait des éléments qui fondaient l’indu, dans son principe et sa quotité. Dans ces circonstances, le premier juge a retenu que le comportement du gestionnaire ne procédait pas d’une simple erreur de calcul, mais bien d’un comportement qui justifiait de fixer le début du délai au moment où le gestionnaire aurait été en mesure de rendre une décision de restitution s’il avait fait preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger de lui. Au vu du dossier que le gestionnaire de la caisse de chômage avait constitué, lequel comprenait les pièces afférentes à l’emploi de concierge qu’il avait réclamées, le premier juge a considéré que le délai de péremption avait commencé à courir immédiatement, soit dès les premiers versements d’indemnités, entre avril et juin 2012. En attendant le mois de novembre 2013 pour réclamer à l’assuré le remboursement des prestations versées indûment, la caisse avait laissé la créance se périmer.

Par jugement du 09.09.2016, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Aux termes de l’art. 25 al. 1, 1ère phrase, LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. Selon la jurisprudence, cela implique que soient réunies les conditions d’une reconsidération (cf. art. 53 al. 2 LPGA) ou d’une révision procédurale (cf. art. 53 al. 1 LPGA) de la décision par laquelle les prestations ont été accordées (ATF 130 V 318 consid. 5.2 p. 320). En ce qui concerne plus particulièrement la révision, l’obligation de restituer des prestations indûment touchées et son étendue dans le temps ne sont pas liées à une violation de l’obligation de renseigner (ATF 122 V 134 consid. 2e p. 139). Il s’agit simplement de rétablir l’ordre légal, après la découverte du fait nouveau.

 

Péremption du droit de demander la restitution

En vertu de l’art. 25 al. 2, première phrase, LPGA, le droit de demander la restitution s’éteint un an après le moment où l’institution a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Il s’agit de délais (relatif et absolu) de péremption, qui doivent être examinés d’office (ATF 140 V 521 consid. 2.1 p. 525).

Selon la jurisprudence, le délai de péremption relatif d’une année commence à courir dès le moment où l’administration aurait dû connaître les faits fondant l’obligation de restituer, en faisant preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle (ATF 140 V 521 précité consid. 2.1 p. 525; 139 V 6 consid. 4.1 p. 8). L’administration doit disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde – quant à son principe et à son étendue – la créance en restitution à l’encontre de la personne tenue à restitution (ATF 140 V 521 déjà cité consid. 2.1 p. 525; 111 V 14 consid. 3 p. 17). Si l’administration dispose d’indices laissant supposer l’existence d’une créance en restitution, mais que les éléments disponibles ne suffisent pas encore à en établir le bien-fondé, elle doit procéder, dans un délai raisonnable, aux investigations nécessaires. A défaut, le début du délai de péremption doit être fixé au moment où elle aurait été en mesure de rendre une décision de restitution si elle avait fait preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle. Dans tous les cas, le délai de péremption commence à courir immédiatement s’il s’avère que les prestations en question étaient clairement indues (arrêt 9C_454/2012 du 18 mars 2013 consid. 4 non publié in ATF 139 V 106 et les références).

Cependant, lorsque la restitution est imputable à une faute de l’administration, on ne saurait considérer comme point de départ du délai d’une année le moment où l’erreur a été commise par l’administration, mais le moment auquel celle-ci aurait dû, dans un deuxième temps (par exemple à l’occasion d’un contrôle) se rendre compte de son erreur en faisant preuve de l’attention requise. En effet, si l’on plaçait le moment de la connaissance du dommage à la date du versement indu, cela rendrait souvent illusoire la possibilité pour l’administration de réclamer le remboursement de prestations allouées à tort en cas de faute de sa part (ATF 124 V 380 consid. 1 p. 383; arrêt 8C_968/2012 du 18 novembre 2013 consid. 2.2).

En l’espèce, il ressort de la décision de restitution que la caisse n’a pas pris en considération le revenu mensuel fixe de 1’554 fr. 60 provenant de l’activité de concierge à 25%. Il est en outre établi que la caisse a eu connaissance du contrat de travail de conciergerie de l’intimé ainsi que de ses fiches de salaire y afférentes pour les mois de février et mars 2012. Elle ne s’est cependant pas rendue compte, au moment où elle a commencé à verser les prestations de chômage au mois d’avril 2012, qu’il y avait également lieu de tenir compte du gain intermédiaire réalisé dans l’activité de concierge pour calculer les indemnités de chômage auxquelles l’assuré avait droit. Ceci peut s’expliquer, en partie tout au moins, par le fait que l’assuré n’avait pas mentionné ce gain intermédiaire sur les formulaires IPA. Ce n’est que dans un deuxième temps, à savoir au moment où elle a pris connaissance du rapport de contrôle du SECO, des 08.07.2013-10.07.2013, que la caisse de chômage a remarqué son erreur initiale et qu’elle a interpellé la société C.__. Aussi, en réclamant la restitution des prestations par sa décision du 27.11.2013, la caisse a-t-elle respecté le délai d’une année à compter du moment où elle a eu connaissance des faits ayant fondé sa demande de restitution.

 

Bonne foi

Même en admettant que l’administration ait pu induire en erreur, cela ne justifierait pas que l’on renonce à la restitution des prestations versées à tort. En effet, rien n’indique que l’assuré aurait pris des dispositions qu’il ne pourrait plus modifier sans subir de préjudice. Le seul fait d’avoir dépensé des prestations pécuniaires perçues de bonne foi ne constitue pas, en soi, un acte de disposition irrévocable dont pourrait se prévaloir un assuré en invoquant le droit constitutionnel à la protection de la bonne foi (cf. arrêt 8C_796/2007 du 22 octobre 2008 in DTA 2009 86 consid. 3.1 et les références citées).

 

Le TF admet le recours de la caisse de chômage, annule le jugement cantonal et confirme la décision de la caisse de chômage.

 

 

Arrêt 8C_689/2016 consultable ici : http://bit.ly/2E6pEzd

 

 

6B_959/2016 (f) du 06.07.2017 – Violation simple des règles de la circulation routière – Principe de la confiance niée / 26 al. 1 LCR

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_959/2016 (f) du 06.07.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2DfBGpA

 

Violation simple des règles de la circulation routière – Principe de la confiance niée / 26 al. 1 LCR

 

Le 02.12.2013, vers 08h30, X.__ circulait de Forel, en direction de Savigny, au volant de son véhicule automobile. Arrivée au « Cédez le passage » du giratoire, elle s’est engagée dans cet ouvrage sans accorder la priorité de passage à D.__ qui arrivait, depuis Savigny et allait en direction d’Oron, au volant de son véhicule. Cette dernière a alors heurté avec l’avant droit de son véhicule l’avant gauche du véhicule de X.__.

 

Procédure cantonale (arrêt Jug / 2016 / 222 – consultable ici : http://bit.ly/2r92W4c)

Statuant sur l’appel formé par le Ministère public, la Cour d’appel pénal a, par jugement du 07.03.2016, a réformé le jugement du 01.12.2015 du tribunal de police en ce sens que X.__ a été reconnue coupable de violation simple des règles de la circulation routière et condamnée à une amende de 350 fr., la peine privative de liberté de substitution étant fixée à quatre jours.

 

TF

Aux termes de l’art. 90 al. 1 LCR, celui qui viole les règles de la circulation prévues par la LCR ou par les dispositions d’exécution émanant du Conseil fédéral est puni de l’amende.

En vertu de l’art. 27 al. 1 de l’ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière (OCR ; RS 741.11), chacun se conformera aux signaux et aux marques ainsi qu’aux ordres de la police. Les signaux et les marques priment les règles générales ; les ordres de la police ont le pas sur les règles générales, les signaux et les marques. L’art. 41b al. 1 OCR impose quant à lui au conducteur, avant d’entrer dans un carrefour à sens giratoire, de ralentir et d’accorder la priorité aux véhicules qui, sur sa gauche, surviennent dans le giratoire.

Le principe de la confiance est déduit de l’art. 26 al. 1 LCR qui prévoit que chacun doit se comporter, dans la circulation, de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies (ATF 120 IV 252 consid. 2d/aa p. 254). Ce principe permet à l’usager, qui se comporte réglementairement, d’attendre des autres usagers, aussi longtemps que des circonstances particulières ne doivent pas l’en dissuader, qu’ils se comportent également de manière conforme aux règles de la circulation, c’est-à-dire ne le gênent pas ni ne le mettent en danger (ATF 125 IV 83 consid. 2b p. 87; 118 IV 277 consid. 4a p. 280).

Le conducteur débiteur de la priorité peut se prévaloir du principe de la confiance. Si le trafic lui permet de s’engager sans gêner un véhicule prioritaire, on ne peut lui reprocher aucune violation du droit de priorité s’il entrave malgré tout la progression du prioritaire en raison du comportement imprévisible de ce dernier (cf. ATF 120 IV 252 consid. 2d/aa p. 254; arrêt 4A_239/2011 du 22 novembre 2011 consid. 2.4.1 et les références citées). Constitue un comportement imprévisible le fait d’accélérer brusquement pour forcer le passage, le fait de surgir à l’improviste à une vitesse excessive à une croisée à mauvaise visibilité (arrêt 4A_239/2011 du 22 novembre 2011 consid. 2.4.1 et les références citées). Dans l’optique d’une règle de priorité claire, on ne peut toutefois admettre facilement que le débiteur de la priorité n’a pas à compter avec le passage, respectivement l’entrave d’un prioritaire (ATF 120 IV 252 consid. 2d/aa p. 254; plus récemment arrêt 6B_917/2016 du 9 décembre 2016 consid. 2.5.1).

En l’espèce, X.__, entrant dans le giratoire, n’a pas accordé la priorité au véhicule qui s’y trouvait déjà, arrivant sur sa gauche. Elle a ainsi clairement entravé la trajectoire de ce véhicule qui bénéficiait de la priorité.

Il reste à examiner s’il peut être considéré que c’est en raison du comportement imprévisible du véhicule prioritaire que l’accident est survenu. Selon les constatations de fait, ce véhicule circulait avant de s’engager dans le giratoire à plus de 40 km/h, puis dans le giratoire à 40 km/h. Il n’avait donc pas adopté de vitesse que l’on pourrait qualifier d’excessive ou d’inadaptée, qui plus est hors localité. Au vu de ce comportement, on ne saurait admettre, sur la base du principe de la confiance, que X.__ n’avait pas à compter avec l’arrivée dans le giratoire de ce véhicule, tel qu’il l’a été. La visibilité dont profitait X.__, qu’elle ait été bonne ou non, n’était dans ces circonstances pas un élément imprévisible susceptible de la dédouaner de ne pas avoir vu et compté avec l’arrivée du véhicule prioritaire sur la route qu’elle voulait emprunter.

Au vu de ce qui précède, la condamnation de X.__ pour violation des règles de la circulation en vertu de l’art. 90 al. 1 LCR ne prête pas flanc à la critique.

 

Le TF rejette le recours de X.__.

 

 

Arrêt 6B_959/2016 consultable ici : http://bit.ly/2DfBGpA

 

 

9C_175/2017 (f) du 30.06.2017 – Mise en œuvre expertise judiciaire refusée par le tribunal cantonal – Jugement confirmé par le TF

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_175/2017 (f) du 30.06.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2DAAQkX

 

AI – Mise en œuvre expertise judiciaire refusée par le tribunal cantonal – Jugement confirmé par le TF

 

TF

L’existence d’avis médicaux contradictoires et le dépôt d’une requête d’expertise ne suffisent pas, en soi, à justifier la mise en œuvre d’une telle mesure d’instruction au sens de l’ATF 135 V 465, lorsque ces éléments ont été examinés au cours de l’appréciation des preuves et écartés à l’issue de celle-ci. Le recourant doit dans ces circonstances établir en quoi l’appréciation non arbitraire des preuves aurait dû mener les premiers juges à constater l’existence d’un doute quant à la fiabilité des rapports des médecins rattachés à l’assureur-accidents, ce qu’il ne fait manifestement pas.

La qualité de médecin traitant, ou pas, n’est pas déterminante, ni même pertinente en l’occurrence. Si la juridiction cantonale a bien évoqué la jurisprudence relative à la manière d’aborder l’avis des médecins traitants en raison du rapport de confiance les liant à leurs patients, c’est bien la pertinence de l’avis du praticien évoqué qui a conduit à sa mise à l’écart (jugement cantonal du 27.01.2017). Quoi qu’en dise l’assuré, cette appréciation n’est nullement entachée d’arbitraire au regard des explications convaincantes des premiers juges.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_175/2017 consultable ici : http://bit.ly/2DAAQkX

 

 

9C_80/2017 (f) du 31.05.2017 – Responsabilité de l’employeur en raison du non-paiement des cotisations sociales – 52 LAVS / Administrateur et directeur avec signature individuelle – « Homme de paille »

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_80/2017 (f) du 31.05.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2FApcXU

 

Responsabilité de l’employeur en raison du non-paiement des cotisations sociales / 52 LAVS

Administrateur et directeur avec signature individuelle – « Homme de paille »

 

La société « C.__ LTD., succursale de U.__, en liquidation » (ci-après : la société) a été affiliée en qualité d’employeur à la caisse de compensation entre les 01.01.2007 et 31.10.2011. Elle a été dissoute par suite de faillite prononcée par jugement du 18.10.2011. A.__ en était l’administrateur et le directeur avec signature individuelle et D.__ l’administrateur sans signature.

La caisse de compensation a réclamé à A.__ la somme de 57’160 fr. 10, correspondant aux dommages-intérêts pour les cotisations sociales (yc frais et intérêts impayés) afférentes à la période courant du 01.01.2007 au 30.04.2011.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1049/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2mBZYQq)

La cour cantonale a considéré que A.__ avait commis en sa qualité d’organe formel de la société faillie une négligence grave entraînant son obligation de réparer le dommage subi par la caisse de compensation intimée. A.__ aurait violé son obligation de diligence en n’exerçant aucune surveillance pendant l’activité de la société, ni en n’ayant rien entrepris pour s’assurer du paiement des cotisations sociales. S’il avait correctement exercé son mandat, il aurait pu veiller au paiement desdites cotisations ou, à tout le moins, pu constater que celles-ci étaient impayées et exercer une pression sur B.__ qui dirigeait en fait la société, afin que ce dernier s’en acquitte dans les meilleurs délais. Quant au fait qu’il avait été trompé par B.__ – qui lui aurait présenté seulement en octobre 2010 les documents comptables pour les années 2007 à 2009 ne mentionnant pas les dettes de cotisations à l’égard de la caisse de compensation intimée – cet élément n’était pas pertinent. Il était en effet établi que A.__ était au courant du retard dans le paiement des cotisations, ainsi que des problèmes de trésorerie de la société et, compte tenu des pouvoirs liés à sa fonction d’administrateur avec signature individuelle, il aurait pu par exemple révoquer la procuration en faveur de B.__ et s’assurer du paiement des cotisations sociales. De surcroît, le retard dans le paiement des cotisations a sensiblement augmenté après 2010 et, à cette date, la société n’avait plus présenté de comptabilité, ce qui constituait une violation supplémentaire des obligations incombant à un administrateur de sociétés.

Par jugement du 15.12.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Recevabilité du recours

La recevabilité du recours en matière de droit public contre un jugement statuant sur la responsabilité d’un employeur envers une caisse de compensation fondée sur l’art. 52 al. 1 LAVS n’est ouverte que si la valeur litigieuse atteint la somme de 30’000 fr. (art. 85 al. 1 let. a LTF; ATF 137 V 51 consid. 4.3 p. 56; JEAN-MAURICE FRÉSARD, in Commentaire de la LTF, 2ème éd., 2014, n° 31 ad art. 113 LTF). Le recours est recevable de ce chef.

 

Responsabilité de l’employeur en raison du non-paiement des cotisations sociales

Les montants litigieux se référant à une période allant jusqu’au 30.04.2011, il convient néanmoins de préciser que l’art. 52 al. 1 LAVS est applicable dans le cas d’espèce dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31.12.2011, selon laquelle l’employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n’observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l’assurance, est tenu à réparation (RO 2002 3371). Du point de vue matériel, cette disposition ne diffère pas de celle en vigueur depuis le 01.01.2012 qui l’a remplacée (arrêt 9C_83/2015 du 20 avril 2015 consid. 3).

La responsabilité au sens de l’art. 52 LAVS, tant dans la version en vigueur jusqu’au 31.12.2011 que dans sa version actuelle, suppose un rapport de causalité adéquate entre la violation intentionnelle ou par négligence grave de l’employeur (ou d’un organe) des devoirs lui incombant et la survenance du dommage.

La causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance. Celle-ci peut être exclue, c’est-à-dire interrompue, l’enchaînement des faits perdant alors sa portée juridique, lorsqu’une autre cause concomitante – la force majeure, la faute ou le fait d’un tiers, la faute ou le fait de la victime – constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l’on ne pouvait pas s’y attendre. L’imprévisibilité de l’acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate; il faut encore que cet acte ait une importance telle qu’il s’impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l’événement considéré, reléguant à l’arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l’amener, en particulier le comportement de l’auteur (ATF 132 III 523 consid. 4.6 p. 529 s.; arrêt H 95/05 du 10 janvier 2007 consid. 4).

Les fautes que A.__ impute à B.__ ne sont pas de nature à interrompre le lien de causalité entre ses négligences – du reste admises – et le dommage encouru par la caisse de compensation.

Tout d’abord, du point de vue formel, A.__ était administrateur unique de la société avec un droit de signature individuelle. Ainsi, il aurait pu aisément se renseigner périodiquement sur la marche des affaires, ce qui inclut notamment la surveillance du paiement des cotisations sociales paritaires (arrêt 9C_657/2015 du 19 janvier 2016 consid. 5.3 et les références), et prendre les mesures appropriées pour effectuer ces paiements. Le fait que les comptes individuels 2007-2009 n’indiquaient pas de dette concernant les cotisations arriérées ne lui est d’aucun secours. En effet, celui-ci n’établit pas qu’il a été empêché de prendre connaissance autrement de la situation comptable de la société. Au contraire, il apparaît qu’il était bel et bien au courant des difficultés financières de la société, ce qui aurait dû l’inciter à vérifier si les paiements litigieux avaient été effectués.

Ensuite, on ne peut pas suivre A.__ lorsqu’il affirme avoir été trompé par des manœuvres fallacieuses de B.__ dans la mesure où celui-ci lui a présenté des comptes 2007-2009 erronés visant à lui cacher le défaut de paiement à l’égard de la caisse de compensation. A.__ aurait dû se renseigner bien avant sur la situation comptable de la société sans attendre la transmission de ces documents en octobre 2010, ce qui démontre qu’il ne s’est à aucun moment soucié de la situation comptable de la société. En outre, le fait que B.__ ait opéré – sans raison apparente – des versements au propriétaire allégué de la société n’est pas non plus un argument en faveur de A.__. Compte tenu de ses pouvoirs, une fois remarquée l’existence de ces versements, il aurait pu sans difficultés retirer la procuration en faveur de B.__.

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

 

Arrêt 9C_80/2017 consultable ici : http://bit.ly/2FApcXU