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8C_867/2014 (f) du 28.12.2015 – Causalité adéquate – Tinnitus (acouphènes) – 6 LAA / Classification de l’accident dans la catégorie moyenne

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_867/2014 (f) du 28.12.2015

 

Consultable ici : bit.ly/1PlJwZy

 

Causalité adéquate – Tinnitus (acouphènes) / 6 LAA

Tinnitus non attribuable à une atteinte à la santé organique objectivable (atteinte non objectivable) – Examen de la causalité adéquate selon les critères objectifs applicables en cas de troubles psychiques

Classification de l’accident dans la catégorie moyenne

 

Assuré, né en 1967, souffrant d’une surdité congénitale bilatérale et portant des appareils acoustiques, travaille comme monteur-électricien. Le 03.05.2005, alors qu’il se trouvait dans le parking souterrain d’un chantier, deux inconnus ont lancé un pétard qui a explosé à deux mètres derrière lui. Il semble avoir perdu connaissance quelques instants. Après, il n’entendait plus rien et ressentait des vertiges. Diagnostic : probable aggravation de la surdité par traumatisme acoustique (en comparaison au dernier examen audiométrique disponible daté de 1999) et d’acouphènes ; les tympans étaient cliniquement intacts. En juillet 2005, objectivement, l’aggravation de la surdité diagnostiquée dans les suites de l’accident était revenue au stade initial ; subjectivement, l’assuré se plaignait toujours d’une diminution de son ouïe. Décision du 28.04.2006 : octroi d’une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 5% pour la perte de l’audition due à l’accident.

Expertise réalisée par un psychiatre en 2007, sur demande de l’assureur-accident : en 2001 l’assuré avait souffert d’une dépression et déjà présenté des problèmes de vertiges sans substrat organique. Trouble actuel sans lien de causalité avec l’accident du 03.05.2005. Les troubles manifestés par l’assuré (vertiges, malaises, acouphènes) découlaient du trouble dissociatif et s’étaient progressivement amplifiés en réaction à des facteurs de stress et à la non reconnaissance de son ressenti de victime.

Décision du 05.02.2008 : fin du droit aux prestations au 15.02.2008 en raison de l’absence d’un lien de causalité entre les troubles et l’accident assuré. Décision sur opposition admettant partiellement l’opposition, en octroyant une indemnité pour atteinte à l’intégrité complémentaire de 5% pour le tinnitus qualifié de partiellement compensé selon la table 13 d’indemnisation des atteintes à l’intégrité. Jugement du 13.10.2010 (AA 90/08 – 3/2011) : recours partiellement admis, annulation de la décision sur opposition et renvoi de la cause.

Expertise mise en œuvre par l’assureur-accidents. Par décision du 02.05.2013, confirmée sur opposition, l’assureur-accidents a maintenu la suppression des prestations au 15.02.2008 et refusé d’allouer une indemnité pour atteinte à l’intégrité pour le tinnitus.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 75/13 – 94/2014 – consultable ici : bit.ly/1OVHjdd)

La juridiction cantonale a relevé que le Tribunal fédéral avait modifié sa jurisprudence en matière de tinnitus (ATF 138 V 248) postérieurement au jugement de renvoi qu’elle avait rendu en appliquant l’ancienne pratique. Dans le nouvel arrêt récent (ATF 138 V 248 précité), le Tribunal fédéral a précisé que les acouphènes ne pouvaient pas être considérés, selon la science médicale actuelle, comme une atteinte physique ou pour le moins, comme une atteinte ayant (obligatoirement) pour origine une cause physique. Dès lors, en présence d’un tinnitus non attribuable à une atteinte à la santé organique objectivable d’origine accidentelle (grâce à des investigations réalisées au moyen d’appareils diagnostiques ou d’imagerie à laquelle associer les acouphènes), le rapport de causalité adéquate avec l’accident ne pouvait pas être admis sans faire l’objet d’un examen particulier comme pour les autres tableaux cliniques sans preuve d’un déficit organique. Cela signifiait qu’en l’absence de lésion organique spécifique, le lien de causalité adéquate entre les acouphènes et l’accident devait être examiné selon les critères objectifs applicables en cas de troubles psychiques.

En l’espèce, la juridiction cantonale a constaté que l’assuré avait présenté, immédiatement après l’accident, une diminution temporaire de l’audition (de mai à juillet 2005), puis une aggravation plus importante, entre février et mars 2006, qui n’était toutefois pas imputable au traumatisme acoustique du 03.05.2005, vu le laps de temps séparant cette dégradation et l’événement en cause. L’assuré souffrait également d’un tinnitus non objectivable lié probablement à l’accident et dont la gravité était difficilement déterminable (entre un tinnitus grave et très grave). Sur la base de ces informations médicales, la juridiction cantonale a fait application de la jurisprudence en cas de troubles psychiques pour statuer sur le droit aux prestations de l’assuré à raison du tinnitus qu’il présentait. Elle a classé l’événement du 03.05.2005 dans la catégorie des accidents de gravité moyenne stricto sensu et jugé qu’aucun critère parmi ceux consacrés par cette jurisprudence n’était réuni chez l’assuré. Partant, elle a nié l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident et le tinnitus, et confirmé la décision de refus d’une rente ainsi que d’une indemnité pour atteinte à l’intégrité.

Par arrêt du 16.09.2014, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Classification de l’accident

Le phénomène d’amplification du bruit provoqué par l’appareil acoustique ne justifie pas de ranger l’accident à la limite des accidents de gravité moyenne, voire parmi les accidents graves. Ce phénomène peut être relativisé par un autre facteur. En effet, en présence de troubles d’audition préexistants, l’expérience médicale montre que ceux-ci ont tendance à protéger l’oreille en cas de nouvelle contrainte acoustique excessive. L’absence de lésion organique justifie également de qualifier les forces générées par l’explosion du pétard d’importance moyenne (consid. 5.1 et 5.2).

Causalité adéquate

Les premiers juges ont clairement exposé les principes jurisprudentiels qui ont fondé leur raisonnement.

Le droit à des prestations de l’assurance-accidents suppose un rapport de causalité naturelle et adéquate entre l’accident et le dommage (ATF 129 V 177 consid. 3 p. 181). La causalité adéquate répond à la nécessité de fixer une limite raisonnable – et supportable pour la communauté – à la responsabilité de l’assurance sociale (ATF 127 V 102 consid. 5b/aa p. 102; 123 III 110 consid. 3 p. 111; 123 V 98 consid. 3d p. 104; arrêt 8C_1040/2012 du 15 mars 2013 consid. 4.2.3.1). Si la causalité adéquate coïncide pratiquement avec la causalité naturelle en présence d’une atteinte à la santé physique (ATF 127 V 102 consid. 5b/bb p. 103), la jurisprudence soumet cet examen à des règles particulières en cas d’atteinte à la santé sans déficit organique objectivable (ATF 115 V 133), compte tenu du fait qu’il est plus difficile, pour ces atteintes, d’apprécier juridiquement si l’accident revêt une importance déterminante dans la survenance du résultat. Il y a alors lieu de se fonder sur le déroulement de l’événement accidentel lui-même (et non sur la manière dont l’assuré a ressenti et assumé le choc traumatique), en considération, selon les circonstances, de certains critères en relation avec cet événement. C’est justement pour parer aux incertitudes liées aux nombreux cas d’espèce et au risque d’inégalité de traitement que l’ancien Tribunal fédéral des assurances a dégagé des critères d’appréciation objectifs qui permettent de juger du caractère adéquat de troubles psychiques consécutifs à un accident (cf. FRÉSARD/MOSER SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Vol. XIV, 2 ème éd., n o 89 p. 868). Ces critères objectifs ont été établis en fonction d’un large cercle d’assurés et couvrent également les risques présentés par les personnes qui, sur le plan psychique, assument moins bien l’accident que les assurés jouissant d’une constitution normale en raison d’une prédisposition liée à leur état physique ou psychique (ATF 115 V 133 consid. 4b p. 135). Aussi, devient-il superflu d’examiner s’il existe d’autres facteurs ayant favorisé la survenance de troubles psychiques (cf. ATF 116 V 159 consid. 4 non publié). Cela implique, à l’inverse, qu’en cas d’admission du lien de causalité naturelle et adéquate selon ces critères, l’assuré ne se verra pas opposer les conséquences d’une éventuelle prédisposition constitutionnelle dont il souffrait déjà avant l’accident (voir par exemple l’arrêt 8C_380/2011 du 20 octobre 2011). Pour les raisons exposées ci-dessus, le Tribunal fédéral a déjà plusieurs fois refusé de s’écarter de cette jurisprudence en faveur d’une appréciation plus subjective et individuelle qui tiendrait compte des conditions personnelles de l’assuré (SVR 2001 UV n° 8 p. 31; SVR 1999 UV n° 10 p. 31; arrêt U 290/02 du 7 août 2003 consid. 4).

Ce procédé ne viole pas le principe de l’égalité de traitement. Il en garantit au contraire le respect, de sorte qu’il n’y a aucune raison de le modifier (consid. 4.2).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_867/2014 consultable ici : bit.ly/1PlJwZy

 

 

 

8C_519/2014 (f) du 28.08.2015 – Agression par des malfaiteurs avec des armes – Rechute lors du procès pénal – Causalité adéquate / 6 LAA – 11 OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_519/2014 (f) du 28.08.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1KF1WTp

 

Agression par des malfaiteurs avec des armes – Rechute lors du procès pénal – Causalité adéquate / 6 LAA – 11 OLAA

 

Assurée employée en qualité de responsable de l’Office de C.________. Vers 7h du matin, le 27.12.2011, l’assurée s’est rendue à son travail et s’apprêtait à ouvrir la porte d’entrée de l’office lorsqu’un homme cagoulé s’est approché d’elle par derrière, l’a serrée par la taille, puis menacée de mort au moyen d’un pistolet appuyé sur sa tempe au cas où elle n’ouvrirait pas la porte. Elle a crié et s’est débattue. Puis elle est tombée sur le sol, ce qui a brisé ses lunettes et l’a blessée au nez. Un second individu, qui attendait à proximité dans une voiture volée, est alors venu prêter main forte au premier. Une fois à l’intérieur de l’office postal, les deux hommes ont ordonné à l’assurée d’éteindre l’alarme et d’ouvrir le coffre-fort. Celle-ci leur a expliqué que le coffre-fort ne pouvait pas s’ouvrir avant 8h. Comme l’un des hommes la plaquait contre le coffre en la menaçant à nouveau avec son arme, l’assurée a dit qu’elle pouvait ouvrir une caisse. Une fois la totalité de l’argent de la caisse mis dans un sac, les deux individus se sont enfuis au volant de la voiture volée qui a été retrouvée brûlée près d’un bois.

Diagnostic d’état de stress post-traumatique posé, nécessitant un suivi médical. Incapacité de travail totale dès le 28.12.2011. L’assurée ayant repris son activité à partir du 05.03.2012, l’assureur-accidents a arrêté ses prestations à cette date.

Nouvelle incapacité de travail à 100% dès le 25.06.2013. Le médecin traitant rapporte que les symptômes de l’assurée étaient réapparus à la suite de l’ouverture, au cours du mois de juin 2013, du procès pénal des auteurs du brigandage du 27.12.2011; selon lui, l’incapacité de travail actuelle était la conséquence du traumatisme subi lors de cette attaque. L’assurée a repris son travail à 30% le 04.11.2013 et il était prévu d’augmenter son taux d’activité à 50% le 2 décembre suivant, puis à 100% en janvier 2014.

Par décision du 08.11.2013, confirmée sur opposition le 09.01.2014, l’assureur a refusé de prendre en charge la rechute sous l’angle de la causalité adéquate. L’assureur a retenu que la tenue du procès pénal lié à l’événement du 27.12.2011 n’était pas propre, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, à générer une nouvelle incapacité de travail totale pour des motifs psychiques.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 9/14 – 52/2014 – consultable ici : http://bit.ly/1WlG8U5)

Par jugement du 13.05.2014, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois a admis le recours formé par l’assurée, et réformé la décision sur opposition du 09.01.2014 en ce sens que l’assureur doit prendre en charge, à compter du 25.06.2013, les suites de la rechute de l’événement du 27.12.2011.

 

TF

Selon le Tribunal fédéral, le jugement cantonal expose de manière exacte et complète les règles régissant le droit à la prise en charge des rechutes (art. 11 OLAA) ainsi que la jurisprudence sur les traumatismes psychiques consécutifs à un choc émotionnel lorsqu’un assuré a vécu un événement traumatisant sans subir d’atteinte physique, ou que l’atteinte physique est mineure et ne joue qu’un rôle très secondaire par rapport au stress psychique subi (ATF 129 V 177 consid. 4.2 p. 184). Le TF rappelle que l’existence d’un lien de causalité adéquate entre un tel événement et une incapacité de gain d’origine psychique déclenchée par cet événement doit être examinée au regard des critères généraux du cours ordinaire des choses et de l’expérience de la vie, étant précisé que la jurisprudence considère qu’un traumatisme psychique devrait normalement, selon l’expérience générale de la vie, être surmonté au bout de quelques semaines ou mois (ATF 129 V 177 consid. 4.3. et les références p. 185).

Le TF indique que c’est à l’aune des circonstances de l’événement initial du 27.12.2011 qu’il convient d’examiner le point de savoir si la confrontation de l’assurée aux auteurs du brigandage dans le cadre du procès pénal qui s’est ouvert au mois de juin 2013 est un fait propre, d’après le cours ordinaire de choses et l’expérience générale de la vie, à générer la réapparition de troubles psychiques et d’une incapacité de travail. Il est indéniable que l’attaque dont l’assurée a été victime présente un caractère violent et traumatisant. D’une part, l’assurée était seule face à deux hommes déterminés et bien organisés dont l’un l’a constamment tenue sous la menace d’un pistolet. D’autre part, elle pouvait sérieusement craindre pour sa vie, ou du moins pour son intégrité corporelle vu la façon d’agir des malfaiteurs, et on peut penser que les événements auraient pu prendre une tout autre tournure si elle n’avait eu l’idée d’ouvrir une caisse contenant de l’argent pour satisfaire à leurs exigences.

En comparaison à d’autres cas de brigandage ayant impliqué plusieurs auteurs et l’usage d’une arme à feu pour menacer la victime, l’assurée a certes été en mesure de reprendre son activité professionnelle assez rapidement (pour des exemples voir les arrêts 8C_266/2013 du 4 juin 2013, 8C_522/2007 du 1er septembre 2008 et U 593/06 du 14 avril 2008). On ne saurait toutefois se fonder sur ce fait pour argumenter, comme le fait l’assureur, qu’il ne peut y avoir de cas de rechute puisque le traumatisme consécutif au choc émotionnel ressenti par l’assurée a été guéri une fois pour toutes. A l’instar d’une atteinte à la santé physique, une affection psychique peut être considérée comme guérie en apparence seulement mais non dans les faits, et se manifester à nouveau. C’est la définition même de la rechute au sens de l’art. 11 OLAA. Par ailleurs, c’est un phénomène psychologique connu que la confrontation d’une victime de délits d’une certaine gravité avec les auteurs de ces agissements à un tribunal peut conduire celle-ci à revivre l’événement traumatisant et constituer un facteur déclenchant de nouveaux troubles psychiques.

Selon le TF, au regard du déroulement de l’événement à l’origine du traumatisme initial et vu l’intervalle de temps qui a séparé celui-ci de l’épreuve psychologique que représente la confrontation à ses agresseurs, il n’est pas contraire au droit fédéral d’admettre que cette situation était apte, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, à déclencher une nouvelle incapacité de travail d’origine psychique.

Le présent cas se distingue en effet très nettement de celui ayant donné lieu à l’arrêt 8C_469/2014 du 04.08.2015. Il s’agissait dans ce cas d’une employée au guichet d’un office postal, victime d’une tentative de brigandage commis par un seul homme qui a fait usage d’une arme factice contre une cliente et qui a rapidement pris la fuite après que l’employée n’eut pas donné suite à son injonction de lui remettre de l’argent. Le Tribunal fédéral avait alors nié le caractère adéquat d’une rechute après une capacité de travail supérieure à deux ans.

 

Le TF rejette le recours de l’assureur.

 

 

Arrêt 8C_519/2014 consultable ici : http://bit.ly/1KF1WTp

 

 

8C_207/2014 (f) du 13.03.2015 – Infirmière agressée – Causalité adéquate niée – Trauma psy nié

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_207/2014 (f) du 13.03.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1JCus8P

 

Décision informelle –Dies a quo pour la demande de révision procédurale / 67 PA

Trouble psychique et lien de causalité naturelle et adéquate / 6 LAA

Traumatismes psychiques consécutifs à un choc émotionnel

Infirmière agressée par deux résidents d’un établissement pour handicapés mentaux

 

Assurée travaillant à temps partiel comme éducatrice dans un établissement pour handicapés mentaux. Victime d’un accident le 15.05.2009, déclaré le 12.08.2009 : a été projetée au sol et a reçu des coups de pieds en voulant s’interposer entre deux résidents de l’institution qui se bagarraient.

Incapacité totale de travail dès le 24.06.2009. Une IRM a montré une hernie discale en L4-L5 et un canal lombaire étroit. Au cours du mois d’août 2009, l’assuré a subi trois interventions au dos.

Après investigation et recueilli la version de l’assurée, l’assureur-accidents a, par lettre du 14.09.2009, informé celle-ci qu’en ce qui concernait son affection à la colonne lombaire et le traitement débuté le 24.06.2009, un lien de causalité avec l’accident du 15.05.2009 ne pouvait être admis.

Le 20.05.2011, l’assurée, représentée par son fils, s’est adressée à l’assureur-accidents en lui demandant de réexaminer son cas, en raison « d’éléments et de nouvelles pièces médicales » attestant une atteinte à la santé psychique liée à l’accident du 15.05.2009 et de l’octroi d’une rente entière par l’AI dès le 01.08.2009. Refus d’entrer en matière par l’assureur-accidents, renvoyant l’assurée à décision informelle rendue le 14.09.2009, entrée en force.

L’assurée a saisi la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal valaisan pour déni de justice. Par jugement du 05.10.2012, le Tribunal valaisan a admis la demande et a invité l’assureur-accidents à statuer à bref délai sur la demande de révision.

Par décision du 08.11.2012, confirmée sur opposition le 25.02.2013, l’assureur-accidents a refusé d’entrer en matière sur la demande, au motif que l’apparition de troubles psychiques ne constituait pas un fait nouveau justifiant l’ouverture d’une procédure de révision.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/160/2014 – consultable ici : http://bit.ly/1cnM25x)

La lettre de l’assureur-accidents du 14.09.2009, par laquelle celle-ci avait refusé la prise en charge des troubles dorsaux de l’assurée, avait acquis force de chose décidée même en l’absence de décision formelle à ce sujet, faute pour l’intéressée de l’avoir contestée dans le délai d’une année conformément à la jurisprudence (ATF 134 V 145 consid. 5 p. 149 ss).

L’assureur-accidents était fondé à ne pas entrer en matière sur la demande de l’assurée tendant à la reconsidération de ce refus (cf. art. 53 al. 2 LPGA). Les juges genevois ont examiné si les troubles psychiques qui y étaient invoqués pouvaient constituer un fait nouveau propre à entraîner une révision du cas. Il ressortait du dossier AI que des troubles de l’adaptation avaient été évoqués dans un rapport du 29.09.2009. Le psychiatre-traitant a rapporté le 10.01.2011 une hyper vigilance et une peur anticipative chez sa patiente qu’il mettait en lien avec l’agression que celle-ci avait subie en date du 15.05.2009. Les juges genevois en ont déduit que l’assurée avait connaissance de l’existence de troubles psychiques en lien avec l’accident annoncé au plus tard lors de l’établissement de ce dernier rapport. En déposant sa demande de révision en date du 20 mai 2011, l’assurée n’avait toutefois pas respecté le délai prévu par l’art. 67 PA [RS 172.021], applicable par renvoi de l’art. 55 al. 1 LPGA, au terme duquel la demande de révision doit être introduite dans les 90 jours dès la découverte du motif de révision. Son droit de demander la révision de la décision informelle du 14.09.2009 étant périmé, l’assureur-accidents pouvait refuser d’entrer en matière.

Par arrêt du 05.02.2014, recours déclaré irrecevable en tant qu’il tendait à l’annulation du refus d’entrer en matière de l’assureur-accidents dans le cadre d’une reconsidération, et rejeté pour le surplus.

 

TF

L’assurée a annoncé pour la première fois l’existence de troubles psychiques qui, selon elle, résulteraient de l’accident du 15.05.2009 dans sa lettre du 20.05.2011. Il y a lieu de retenir qu’elle entend faire valoir une modification postérieure de son état de santé sous la forme de l’apparition de troubles psychiques. A cet égard, elle n’est pas forclose par la décision informelle de refus du 14.09.2009. En effet, même si le cas d’un assuré a été liquidé par une décision de refus de prestations entrée en force, celui-ci peut toujours invoquer la survenance d’une modification dans les circonstances de fait à l’origine de sa demande de prestations (cf. RAMA 1994 n° U 189 p. 138). Alors que dans le domaine de l’assurance-invalidité, cette situation est réglée par le biais de la nouvelle demande de prestations, l’assurance-accidents prévoit la possibilité pour l’assuré d’annoncer en tout temps une rechute ou des suites tardives d’un accident assuré (art. 11 OLAA).

L’existence d’un lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques de l’assurée et l’accident assuré peut d’emblée être niée. En admettant que l’on se trouve en présence d’un accident de gravité moyenne, le seul critère qui pourrait entrer en ligne de compte ici parmi ceux dégagés par la jurisprudence en matière de troubles psychiques additionnels à une atteinte à la santé physique (ATF 115 V 133 et 403) est le caractère impressionnant de l’agression. Or, dans le cas particulier, on ne voit pas que ce critère a revêtu une intensité suffisante pour établir le caractère adéquat des troubles psychiques présentés par l’assurée (voir pour une affaire similaire notamment l’arrêt 8C_168/2011 consid. 5.2 où le Tribunal fédéral avait à juger le cas d’une infirmière agressée par un résident handicapé mental).

Le résultat serait le même en examinant les circonstances du cas d’espèce à l’aune de la jurisprudence sur les traumatismes psychiques consécutifs à un choc émotionnel – lorsqu’un assuré a vécu un événement traumatisant sans subir d’atteinte physique ou que l’atteinte physique est mineure et ne joue qu’un rôle très secondaire par rapport au stress psychique subi. Dans ces cas, l’examen de la causalité adéquate s’effectue conformément à la règle générale du cours ordinaire des choses et de l’expérience de la vie (ATF 129 V 177 consid. 4.2. p. 184). Mais seuls des événements extraordinaires propres à susciter l’effroi et entraînant des chocs psychiques eux-mêmes extraordinaires remplissent la condition du caractère extraordinaire de l’atteinte et, partant, sont constitutifs d’un accident (ATF 129 V 402 consid. 2.1 p. 404). Selon la jurisprudence, en effet, un traumatisme psychique devrait normalement, selon l’expérience générale de la vie, être surmonté au bout de quelques semaines ou mois (ATF 129 V 177 consid. 4.3. et les références p. 185). A été ainsi qualifié d’accident le traumatisme subi par une assurée qui se trouvait sur une petite île en Thaïlande lors du tsunami du 26 décembre 2004 (arrêt U 548/06 du 20 septembre 2007, in SVR 2008 UV n° 7 p. 22) ou encore celui du conducteur de locomotive qui s’est rendu compte d’avoir écrasé une personne qui s’était jetée sous sa machine (arrêt U 93/88 du 20 avril 1990, in RAMA 1990 n° U 109 p. 300).

En l’espèce, le fait pour une éducatrice travaillant dans un foyer pour adultes handicapés d’avoir été agressée physiquement par un résident ne saurait présenter les caractéristiques d’un événement extraordinaire propre à engendrer des troubles psychiques avec une incapacité de gain durable (voir également l’arrêt 8C_168/2011 précité).

Le TF confirme le jugement cantonal et rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 8C_207/2014 consultable ici : http://bit.ly/1JCus8P