4A_239/2015 (f) du 06.10.2015 – Faute grave – 14 al. 2 LCA / « Prudence particulière » avant les passages pour piétons – 33 al. 2 LCR / Motocycliste, ébloui par le soleil, heurte une piétonne sur un passage piétons à une vitesse de 40 km/h / Vitesse inférieure à la limitation et vitesse adaptée aux circonstances (32 al. 1 LCR) / Faute grave vs faute moyenne – rappel de la jurisprudence

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_239/2015 (f) du 06.10.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/21MiTGH

 

Faute grave / 14 al. 2 LCA

« Prudence particulière » avant les passages pour piétons – 33 al. 2 LCR

Motocycliste, ébloui par le soleil, heurte une piétonne sur un passage piétons à une vitesse de 40 km/h

Vitesse inférieure à la limitation et vitesse adaptée aux circonstances (32 al. 1 LCR)

Faute grave vs faute moyenne – rappel de la jurisprudence et exemples

 

Le 24.06.2004, peu avant 7 heures, A.__ (ci-après: le conducteur ou le motocycliste) circulait, au guidon d’une moto. Parvenu à la hauteur du passage piéton situé à l’est de la Place du Port, il a heurté C.__ qui traversait l’avenue sur le passage de sécurité du nord au sud (soit de gauche à droite par rapport au sens de marche de la moto). La piétonne a alors été projetée sur la chaussée à environ 17 mètres du point de choc et gravement blessée.

Il a été établi que, 100 mètres avant le passage pour piétons (soit devant le bâtiment de la poste) et jusqu’à 11 mètres avant ce passage, le motocycliste a été gêné par le soleil rasant (qui avait été caché par une succession de bâtiments sur tout le trajet précédant l’avenue du Premier-Mars). Sur cette distance (en ligne droite), il a roulé à une vitesse plus ou moins constante de l’ordre de 40 km/h, voire un peu moins, sans réduire sa vitesse à l’approche du passage de sécurité dont il connaissait pourtant l’existence. Le motocycliste n’a à aucun moment remarqué (il a été incapable de dire si la piétonne traversait de gauche à droite ou de droite à gauche), durant les 7 à 10 secondes qu’il lui a fallu pour atteindre le point de choc à partir de la poste, la victime qui avait déjà traversé pratiquement les trois-quarts du passage.

Par lettre du 04.01.2007, l’assureur responsabilité civile a communiqué à son client qu’elle considérait que les faits reprochés au motocycliste procédaient d’une faute grave et l’informait qu’elle entendait lui réclamer le remboursement partiel de ses prestations, soit à concurrence de 20%.

 

Procédures cantonales

Par demande du 22.12.2008, la compagnie d’assurances a actionné son assuré en paiement des 20% du total définitif des prestations qu’elle avait versées suite à l’accident du 24.06.2004. Par jugement du 01.07.2014, le Tribunal civil du Littoral et du Val-de-Travers a retenu que le conducteur avait négligé de prendre les précautions évidentes aux yeux de toute personne raisonnable et, partant, qu’il avait commis une faute grave; il a admis la demande de la compagnie d’assurances.

Par arrêt du 18.03.2015, la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté l’appel formé par l’assuré, considérant que celui-ci avait commis une faute grave, celle-ci résultant à la fois d’une vitesse inadaptée aux conditions de la circulation et d’un défaut d’attention.

 

TF

Selon l’art. 14 al. 2 LCA, si le preneur d’assurance ou l’ayant droit a causé le sinistre par une faute grave, l’assureur est autorisé à réduire sa prestation dans la mesure répondant au degré de la faute. La notion de faute grave figurant à l’art. 14 al. 2 LCA ne s’oppose pas seulement à la faute légère dont parle l’art. 14 al. 4 LCA, mais aussi à la faute moyenne ou intermédiaire (arrêt 4A_226/2013 du 7 octobre 2013 consid. 3.1 et les arrêts cités).

Commet une faute grave celui qui viole un devoir élémentaire de prudence dont le respect s’impose à toute personne raisonnable placée dans la même situation (ATF 128 III 76 consid. 1b p. 81). Pour dire si la faute est grave, il faut l’apprécier de manière objective en tenant compte des circonstances d’espèce; déterminer dans le cas concret si la faute doit être qualifiée de grave relève du jugement de valeur et repose largement sur l’appréciation du juge cantonal, de sorte que le Tribunal fédéral ne réexamine la question qu’avec retenue (arrêt 4A_226/2013 déjà cité consid. 3.1 et les arrêts cités). Il n’intervient que si le juge a abusé de son pouvoir d’appréciation, en se référant à des critères dénués de pertinence ou en ne tenant pas compte d’éléments essentiels, ou lorsque la décision, dans son résultat, heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité (arrêt 5C.175/2003 du 24 février 2004 consid. 5.1; ATF 128 III 121 consid. 3d/aa p. 124; 126 III 266 consid. 2b p. 273 et les références).

On se montrera plus sévère lorsque l’ayant droit a eu le temps de réfléchir aux conséquences de son acte et n’a pas été placé dans une situation d’urgence (arrêt 4A_226/2013 déjà cité consid. 3.1 et les arrêts cités).

Selon l’art. 32 al. 1 LCR, la vitesse doit toujours être adaptée aux circonstances, notamment aux particularités du véhicule et du chargement, ainsi qu’aux conditions de la route, de la circulation et de la visibilité. Cette règle implique notamment qu’on ne peut circuler à la vitesse maximale autorisée que si les conditions de la route, du trafic et de visibilité sont favorables (ATF 121 IV 286 consid. 4b p. 291; 121 II 127 consid. 4a p. 132),

Selon l’art. 33 LCR, reconnu comme une règle fondamentale de la circulation (arrêt 1C_425/2012 du 17 décembre 2012 consid. 3.1), le conducteur facilitera aux piétons la traversée de la chaussée (al. 1). Avant les passages pour piétons, le conducteur circulera avec une prudence particulière et, au besoin, s’arrêtera pour laisser la priorité aux piétons qui se trouvent déjà sur le passage ou s’y engagent (al. 2).

La « prudence particulière » avant les passages pour piétons que doit adopter le conducteur selon l’art. 33 al. 2 LCR signifie qu’il doit porter une attention accrue à ces passages protégés et à leurs abords par rapport au reste du trafic et être prêt à s’arrêter à temps si un piéton traverse la chaussée ou en manifeste la volonté (arrêt 1C_425/2012 déjà cité consid. 3.2 et les arrêts cités)

D’après la jurisprudence, la faute d’un conducteur qui a heurté une personne engagée sur un passage pour piétons en ne s’arrêtant pas à temps ne peut être qualifiée de légère (arrêt 1C_425/2012 déjà cité consid. 4.1 et les arrêts cités).

Le Tribunal fédéral a notamment confirmé que commettent une faute grave (arrêt précité consid. 4.1 et les références citées) :

– le conducteur qui, circulant à 30 km/h dans une zone à important trafic piétonnier et après avoir contourné un îlot de tram, renverse mortellement une dame âgée à quelques mètres d’un passage pour piétons,

– le motocycliste qui, de nuit et sur une chaussée mouillée, n’ayant remarqué que tardivement un piéton sur un passage sécurisé, effectue un freinage d’urgence entraînant la chute de sa moto qui renverse alors le piéton,

– de même que le conducteur qui, ébloui plusieurs fois par le soleil, continue de circuler à 55 km/h à l’intérieur d’une localité, en particulier sur un passage pour piétons, sans visibilité.

Ont en revanche commis une faute moyenne (arrêt précité consid. 4.1 et les références citées) :

– le conducteur qui a démarré en faisant crisser les pneus lors du passage au vert du signal lumineux, sans prendre garde au feu orange clignotant, et a renversé un piéton qui traversait normalement au feu vert sur un passage sécurisé,

– la conductrice qui n’a pas accordé la priorité à un piéton déjà engagé sur le passage protégé au motif qu’une camionnette lui masquait la vue,

– l’automobiliste qui, ébloui par les phares d’un véhicule venant en sens inverse, n’a pas pu freiner à temps et a renversé un piéton qui avait déjà traversé plus de la moitié du passage protégé,

– la conductrice inattentive qui a heurté une piétonne engagée sur un passage sécurisé peu après avoir bifurqué à gauche,

– ou encore le conducteur qui, à l’approche d’un carrefour, alors qu’il réduisait son allure et concentrait son attention sur les véhicules venant de sa gauche, a remarqué tardivement la piétonne qui avait traversé les trois quarts d’un passage sécurisé, l’a heurtée et fait chuter.

Selon les constatations cantonales, le motocycliste conduisait, à l’approche du passage pour piétons, à une vitesse constante de l’ordre de 40 km/h, voire un peu moins. Il n’a pas freiné ni même réduit sa vitesse (en « lâchant les gaz »), alors même qu’il connaissait l’existence à cet endroit du passage de sécurité et que, sur 90 mètres avant celui-ci, il a été gêné par le soleil.

Le fait qu’il roulait en respectant la limitation de vitesse (fixée à 50 km/h) n’est en soi pas décisif, le conducteur ayant l’obligation de rouler à une vitesse adaptée aux circonstances. In casu, ce qui importe c’est qu’en raison de la visibilité restreinte du conducteur et de la proximité du passage de sécurité, la vitesse du motocycliste n’était manifestement pas adaptée.

Selon le TF, le motocycliste a négligé les précautions élémentaires qui s’imposaient à l’approche d’un passage pour piétons qu’il connaissait, en présence de mauvaises conditions de visibilité. En outre, au vu des circonstances retenues, le motocycliste a également fait preuve d’une absence totale d’attention.

Au vu de la violation de l’art. 33 LCR qui est une règle fondamentale de la circulation, et en dépit d’une vitesse conforme à la limitation prescrite, les autorités précédentes n’ont pas excédé leur important pouvoir d’appréciation en retenant, en se fondant sur la négligence (quant aux précautions élémentaires à prendre) du motocycliste et son absence totale d’attention, une faute grave au sens de l’art. 14 al. 2 LCR.

La situation du motocycliste doit être distinguée d’une situation de brève cécité, due par exemple à un éblouissement soudain et inattendu. Le laps de temps à disposition du conducteur à l’approche du passage pour piétons (7 à 10 secondes) était, selon l’expérience générale de la vie, largement suffisant pour qu’il prenne conscience des risques potentiels, ce d’autant plus qu’il connaissait l’existence du passage qu’il allait devoir traverser.

Même à supposer que la vitesse du motocycliste aurait été de l’ordre de 30 km/h (ce que ce dernier soutient toujours), la conclusion aurait été la même. Dans l’hypothèse d’une vitesse plus réduite, le temps de parcours aurait alors de facto été allongé, lui aurait laissé plus de temps pour apprécier les circonstances et l’absence totale d’attention du motocycliste aurait été encore plus marquée, ce qui justifiait de retenir une faute grave.

 

Le TF rejette le recours du motocycliste.

 

 

Arrêt 4A_239/2015 consultable ici : http://bit.ly/21MiTGH

 

 

8C_412/2015 (d) du 05.11.2015 – Accident – Agression sexuelle et trouble psychique – 6 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_412/2015 (d) du 05.11.2015

Résumé paru in : Assurance Sociale Actualités n° 24/15 du 23.11.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1T9Fmrn

 

Accident – Agression sexuelle et trouble psychique – 6 LAA

 

La caisse d’assurance-maladie Helsana doit verser des prestations à une jeune femme victime d’une agression sexuelle en 2008 même si les faits datent de sept ans. Dans son arrêt, le Tribunal fédéral constate que le délit est la cause de la maladie psychique et de l’incapacité de travail qui en a résulté pour cette personne. Il relève en outre que la réaction de la victime à un tel traumatisme a été certes très forte, mais pas inhabituelle ni singulière. Le fait que la jeune femme ait souffert de problèmes psychiques avant l’agression n’enlève rien à ce constat.

 

 

Arrêt 8C_412/2015 consultable ici : http://bit.ly/1T9Fmrn

 

 

6B_974/2014 (f) du 03.07.2015 – Vignette autoroutière collée sur un film adhésif transparent – Falsification des timbres officiels de valeur – 245 CP

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_974/2014 (f) du 03.07.2015, proposé à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/1kKKpn6

 

Vignette autoroutière collée sur un film adhésif transparent : condamnation du conducteur confirmée

Falsification des timbres officiels de valeur – 245 CP

 

Celui qui colle une vignette autoroutière sur un film adhésif transparent et l’appose ainsi sur son véhicule se rend coupable de falsification de timbres officiels de valeur. Le Tribunal fédéral confirme un jugement du Tribunal pénal fédéral.

 

Le 13 août 2013, l’homme a acquis une vignette autoroutière en Suisse. En France, où il avait stationné son véhicule, il a détaché la vignette de son support et l’a collée sur un film adhésif transparent, dont il a découpé les bords. Puis, il a collé la vignette ainsi modifiée sur le pare-brise de son véhicule. A son passage à la douane franco-suisse, les gardes-frontières ont découvert la manipulation. Le Tribunal pénal fédéral a condamné l’intéressé en août 2014 pour falsification de timbres officiels de valeur à une peine pécuniaire de dix jours-amende avec sursis.

Le Tribunal fédéral rejette le recours du conducteur. Par son comportement, ce dernier a réalisé l’infraction de falsification de timbres officiels de valeur (article 245 du Code pénal). Selon la loi, la vignette n’est plus valable si elle a été détachée de son support sans être collée directement sur le véhicule. Elle perd donc sa valeur si elle est d’abord collée sur un film adhésif. En découpant les bords et en la collant sur le pare-brise, l’intéressé a donné l’impression qu’il s’agissait d’une vignette valable. Peu importe qu’il ait agi pour préserver son pare-brise, pour revendre la vignette à un tiers ou encore pour l’utiliser lui-même sur une seconde voiture. Bien que la vignette ait été falsifiée en France, le droit suisse a été considéré comme étant applicable, car le conducteur avait le dessein d’utiliser la vignette sur les autoroutes suisses.

 

 

Arrêt 6B_974/2014 consultable ici : http://bit.ly/1kKKpn6

 

Communiqué de presse du TF : http://bit.ly/1LqtZoK

 

 

Accent mis sur les ressources: l’arrêt du Tribunal fédéral représente une chance pour l’AI

Le 3 juin 2015, le Tribunal fédéral a changé sa jurisprudence en matière d’appréciation du droit à la rente pour les personnes présentant un tableau clinique peu clair. Dans cet arrêt, il renonce à la présomption de caractère surmontable de la douleur au profit d’une procédure d’examen ouverte axée sur les ressources, mettant par là fin à un cas particulier d’examen. Il donne ainsi à l’AI l’opportunité de mettre en place une procédure d’examen identique pour toutes les atteintes à la santé.

 

Article paru in Sécurité sociale CHSS 5/2015, p. 279 ss, de Ralf Kocher

 

Accent mis sur les ressources-l’arrêt du TF représente une chance pour l’AI [9C_492-2014 du 03.06.2015] Sécurité sociale CHSS 5_2015

 

Autres liens concernant ce sujet : 

Arrêt du TF 9C_492/2014 du 3 juin 2015 : Traduction en français des extraits de l’arrêt de principe sur les troubles somatoformes douloureux et les troubles psychosomatiques comparables dans l’AI

9C_492/2014 du Tribunal fédéral – affections psychosomatiques : Un arrêt qui soulève de multiples questions

Lettre-circulaire AI n° 334 : Nouvelle procédure d’instruction pour les atteintes psychosomatiques (arrêt 9C_492/2014 du 03.06.2015)

9C_492/2014 (d) du 03.06.2015 – Affections psychosomatiques et rente de l’assurance-invalidité : le Tribunal fédéral modifie sa jurisprudence

 

 

 

Améliorer la collaboration entre les offices AI et les médecins traitants

Une bonne collaboration entre les offices AI et les médecins traitants contribue à améliorer l’efficacité de la procédure AI et l’adéquation de ses résultats. Or cette collaboration ne donne pas toujours satisfaction, par exemple lorsque l’office AI et le médecin n’évaluent pas de la même façon la capacité de travail de l’assuré. Après avoir analysé les problèmes existants et leurs causes, une étude récente a identifié un ensemble de pratiques recommandables en la matière.

 

Article paru in Sécurité sociale CHSS 5/2015, p. 275 ss, de Christian Bolliger et Marius Féraud

 

Améliorer la collaboration entre les offices AI et les médecins traitants – Sécurité sociale CHSS 5_2015

 

 

 

La procédure d’instruction de l’AI pour les décisions d’octroi de rente

Lorsqu’une personne ne peut plus exercer son activité lucrative pour des raisons de santé, l’AI examine si elle peut être réadaptée ou si elle a droit à une rente. L’instruction doit être précise et rapide, afin de ne pas nuire aux chances de réadaptation. Un projet réalisé par le programme de recherche PR-AI 2 analyse comment les offices AI peuvent s’organiser de sorte que les décisions relatives à la rente soient médicalement fondées, rapides et prises dans le respect des dispositions légales.

 

Article paru in Sécurité sociale CHSS 5/2015, p. 270 ss, de Jürg Guggisberg et Heidrun Karin Becker

 

 

La procédure d’instruction de l’AI pour les décisions d’octroi de rente – Sécurité sociale CHSS 5-2015

 

9C_867/2014 (d) du 11.08.2015 – publication ATF prévue – Pas d’effet contraignant des décisions des organes de l’AI en pilier 3a, même à titre subsidiaire – OPP3

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_867/2014 (d) du 11.08.2015, publication ATF prévue

 

Paru in Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 140, ch. 933, 12.11.2015, édité par l’OFAS

 

Consultable ici : http://bit.ly/20Wm0eH

 

Pas d’effet contraignant des décisions des organes de l’AI en pilier 3a, même à titre subsidiaire – OPP3

 

L’effet contraignant des constatations de l’AI, qui s’applique dans le domaine de la prévoyance professionnelle obligatoire, ne doit pas s’appliquer à titre subsidiaire dans le pilier 3a.

Dans ce cas, l’office AI a alloué à un assuré une rente entière d’invalidité de durée limitée jusqu’au 30 avril 2008, mais a dénié le droit à une rente pour la période ultérieure (taux d’invalidité de 29 %). L’instance précédente a exigé de l’institution d’assurance (pilier 3a) qu’elle verse une rente d’invalidité correspondant à un taux d’incapacité de gain de 29 % de juin 2008 à mai 2012. Elle est partie du principe qu’il fallait viser une application uniforme des notions pertinentes, car les CGA de l’institution d’assurance se réfèrent directement aux notions d’incapacité de travail, d’incapacité de gain et d’invalidité applicables dans l’AI. Ces CGA ne prévoyaient toutefois pas un effet contraignant des décisions de l’AI. L’institution d’assurance a recouru au TF en faisant notamment valoir que les dérogations à la loi prévues dans les CGA sont à ce point importantes qu’il ne serait pas soutenable d’admettre un effet contraignant.

Le TF a examiné s’il faut avoir recours à titre subsidiaire aux principes applicables dans le domaine de la prévoyance professionnelle obligatoire en ce qui concerne l’effet contraignant des décisions des organes de l’AI pour l’institution de prévoyance. Il est arrivé à la conclusion que d’importants motifs s’y opposent car, notamment, le pilier 3a peut être conçu de manière plus libre que le 2e pilier. Le pilier 3a est dépourvu de références visant expressément à une concordance avec le 1er pilier. Le TF considère qu’il est significatif dans le pilier 3a que la notion d’invalidité – tout comme dans la prévoyance professionnelle étendue – peut être définie de manière plus large que dans l’AI et que des prestations sous forme de rente peuvent être prévues à partir de taux d’incapacité de gain qui, dans l’AI, ne donnent pas droit à des prestations et de ce fait ne doivent pas être déterminés de manière précise. Il faut aussi tenir compte du fait que, sous l’angle de la procédure, les décisions de l’AI ne doivent pas être notifiées aux organismes responsables du pilier 3a (institution d’assurance ou fondation bancaire).

 

 

Arrêt 9C_867/2014 consultable ici : http://bit.ly/20Wm0eH

 

 

9C_457/2014 (d) du 16.06.2015 – publication ATF prévue – Adaptation d’une rente d’invalidité – pilier 3a – 82 al. 2 LPP et OPP 3

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_457/2014 (d) du 16.06.2015, publication ATF prévue

 

Paru in Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 140, ch. 933, 12.11.2015, édité par l’OFAS

 

Consultable ici : http://bit.ly/1HOvDFU

 

Adaptation d’une rente d’invalidité – pilier 3a – 82 al. 2 LPP et OPP 3

 

Les principes applicables dans le 2e pilier pour l’adaptation d’une rente d’invalidité doivent s’appliquer à titre subsidiaire et par analogie dans le pilier 3a, pour autant que les conditions d’assurance ne prévoient rien d’autre.

Le litige portait sur le droit à une rente d’invalidité après modification de la capacité de gain d’un assuré qui avait conclu un contrat d’assurance-vie avec une institution d’assurance du pilier 3a. Dans le cadre d’une procédure de révision, l’office AI a conclu à l’absence d’un motif de révision et a confirmé le droit à une rente entière d’invalidité, sans changement. En revanche, l’institution d’assurance a retenu une amélioration de l’état de santé et a interrompu ses prestations. Selon les CGA de l’institution d’assurance, ces prestations sont déterminées en fonction du taux de l’incapacité de gain. En cas de modification de ce taux, les institutions d’assurance fixent à nouveau le montant de leurs prestations. La question litigieuse était celle de savoir quelles conditions doivent être remplies pour ce faire.

Le TF a notamment examiné si les principes du 2e pilier doivent s’appliquer par analogie dans le pilier 3a pour l’adaptation des prestations d’invalidité en cas de modification de la capacité de gain. Il l’a admis pour les motifs suivants : l’OPP 3 ne règle pas dans quelle mesure les prestations d’invalidité découlant d’une assurance-vie du pilier 3a doivent être adaptées lorsque, par exemple, le taux de l’incapacité de gain se modifie. La LCA ne contient pas non plus une telle réglementation. Comme la question n’est pas non plus réglée par les conditions d’assurance de l’institution d’assurance, il se justifie d’appliquer à titre subsidiaire et par analogie les principes prévus dans le 2e pilier. Le TF retient que la prévoyance liée découle du 2e pilier et que la pratique a recouru à diverses reprises aux réglementations du 2e pilier, à titre subsidiaire, en l’absence de dispositions pertinentes dans l’OPP 3. Il a confirmé la décision de l’instance précédente, qui avait considéré que les conditions d’une révision matérielle en application par analogie de l’art. 17, al. 1, LPGA n’étaient pas remplies. L’institution d’assurance doit dès lors continuer de verser une rente.

 

 

Arrêt 9C_457/2014 consultable ici : http://bit.ly/1HOvDFU

 

 

9C_835/2014 (d) du 28.04.2015 – publié 141 V 197 – Pas d’obligation pour l’institution de prévoyance tenue à prestation d’exiger la restitution de la prestation de sortie – 3 al. 2 LFLP – 3 al. 3 LFLP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_835/2014 (d) du 28.04.2015, publié aux ATF 141 V 197

 

Paru in Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 140, ch. 932, 12.11.2015, édité par l’OFAS

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Lhv7Lr

 

Pas d’obligation pour l’institution de prévoyance tenue à prestation d’exiger la restitution de la prestation de sortie – 3 al. 2 LFLP – 3 al. 3 LFLP

 

Une institution de prévoyance qui est tenue à prestation après avoir transféré la prestation de sortie à une institution de libre passage n’est pas tenue d’exiger la restitution de la prestation de sortie. Si celle-ci n’a pas lieu, elle peut réduire ses prestations en conséquence.

Le Tribunal fédéral avait à juger si une institution de prévoyance doit exiger la restitution de la prestation de sortie visée à l’art. 3, al. 2, LFLP lorsqu’il s’avère, après la sortie de l’assuré, qu’elle est tenue à prestation pour un cas de prévoyance. Selon le TF, l’art. 3, al. 2, LFLP ne règle pas qui est visé par l’obligation de restitution, ni la manière ou même la possibilité d’imposer le respect de cette obligation. Le TF parvient à la conclusion que l’institution de prévoyance n’est pas tenue d’exiger la restitution de la prestation de sortie. Si cette dernière n’est pas restituée, elle peut réduire en conséquence les prestations dues.

En l’espèce, l’assurée est sortie de l’institution de prévoyance en juin 2005. La prestation de sortie, selon la communication faite par l’assurée, a été transférée à une institution de libre passage. A partir de mai 2006, l’assurée a bénéficié d’une rente entière octroyée par l’assurance-invalidité. L’institution de prévoyance a alors annulé la sortie effectuée en 2005 et a versé elle aussi une rente d’invalidité à l’assurée, rétroactivement, à compter de mai 2006*. Mais elle a refusé de créditer son compte de vieillesse, en vue de la future rente de vieillesse, du montant transféré à l’institution de libre passage lors de la sortie (dans l’intervalle, cette dernière avait versé la prestation de sortie à X., qui avait présenté une procuration signée par l’assurée). Le TF a jugé qu’elle n’y était effectivement pas tenue. Par conséquent, l’institution de prévoyance peut réduire la future prestation de vieillesse qui prendra le relais de la rente d’invalidité.

 

*Remarque sur le calcul de la rente d’invalidité: d’après l’art. 24, al. 3, LPP, l’avoir de vieillesse acquis par l’assuré à la naissance du droit à la rente d’invalidité ainsi que la somme des bonifications de vieillesse afférentes aux années futures, jusqu’à l’âge ordinaire de la retraite, sans les intérêts, sont déterminants pour le calcul de la rente. Le règlement peut toutefois prévoir une autre méthode de calcul ; ainsi, dans le cas présent, ce n’est pas la prestation de sortie effectivement disponible qui était déterminante, mais un capital mathématique (fictif).

 

 

Arrêt 9C_835/2014 consultable ici : http://bit.ly/1Lhv7Lr

 

 

9C_486/2014 (d) du 21.05.2015 – publié 141 V 416 – Choix des stratégies de placement – 1 al. 3 LPP – 1 OPP2 – 1e OPP2 / Examen des stratégies de placement par l’expert en matière de prévoyance professionnelle sous l’angle du respect des principes d’adéquation et de collectivité

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_486/2014 (d) du 21.05.2015, publié aux ATF 141 V 416

 

Paru in Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 140, ch. 931, 12.11.2015, édité par l’OFAS

 

Consultable ici : http://bit.ly/1QGl9dF

 

Choix des stratégies de placement – 1 al. 3 LPP – 1 OPP2 – 1e OPP2

Examen des stratégies de placement par l’expert en matière de prévoyance professionnelle sous l’angle du respect des principes d’adéquation et de collectivité

 

L’exigence d’un examen préalable par l’expert en matière de prévoyance professionnelle pour chaque stratégie de placement proposée dans le cadre de l’art. 1e OPP 2 n’est ni inadéquate, ni contraire au droit fédéral.

Une fondation collective active dans la prévoyance surobligatoire propose des prestations de prévoyance avec différentes stratégies de placement adaptées à la capacité de risque individuelle (en l’espèce, 1000 à 1200 stratégies différentes) entre lesquelles ses assurés peuvent en principe choisir librement. L’autorité de surveillance a exigé que les stratégies proposées soient préalablement soumises à l’examen de l’expert en matière de prévoyance professionnelle sous l’angle de leur adéquation. La fondation a refusé de présenter des attestations d’expert concernant l’adéquation de la prévoyance offerte compte tenu des différentes perspectives de rendement des diverses stratégies; elle voulait se limiter à un examen global de l’adéquation dans l’hypothèse d’un rendement dépassant de 2 % l’évolution des salaires. Dans ce contexte, le Tribunal fédéral avait à juger si l’autorité de surveillance peut à bon droit exiger un examen préalable de chaque stratégie de placement quant à l’adéquation de celle-ci ou s’il est suffisant d’examiner seulement le modèle de placement.

Le TF a abouti à la conclusion suivante : même les solutions de prévoyance pour lesquelles la stratégie de placement peut être choisie individuellement doivent respecter les principes de la prévoyance professionnelle énoncés à l’art. 1, al. 3, LPP, en particulier ceux de l’adéquation et de la collectivité. Conformément à ce dernier, une institution de prévoyance ne peut pas multiplier le nombre des stratégies au point qu’il en résulte, de fait, une individualisation des avoirs de prévoyance des assurés. L’art. 1e OPP 2 ne précise pas le nombre de stratégies admissible, et le TF n’a pas tranché définitivement la question du nombre de stratégies – par plan de prévoyance ou par caisse affiliée – encore admissible légalement. Il retient néanmoins qu’en tout état de cause, la disposition d’ordonnance ne doit pas être vidée de sa substance par une interprétation excessive contournant le principe de collectivité (le TF renvoie à cet égard au Bulletin de la prévoyance professionnelle no 125, ch. 813, dans lequel l’OFAS part de l’idée que cinq à dix stratégies tout au plus sont admissibles). Du point de vue du TF, l’exigence posée par l’autorité de surveillance d’un examen préalable de chaque stratégie par l’expert en matière de prévoyance professionnelle, approuvée par l’instance précédente, n’est ni inadéquate ni contraire au droit fédéral. Pour le TF, un examen global du modèle de placement avec un pronostic de performance n’est pas suffisant.

 

 

Arrêt 9C_486/2014 consultable ici : http://bit.ly/1QGl9dF