Archives de catégorie : Jurisprudence

9C_920/2015 (f) du 24.03.2016 – Contradiction dans le jugement cantonal et résultat arbitraire

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_920/2015 (f) du 24.03.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1QmSNAm

 

Contradiction dans le jugement cantonal et résultat arbitraire

 

TF

Le TF constate que la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales ne pouvait, sans se contredire et parvenir à un résultat arbitraire (sur la notion d’arbitraire, cf. ATF 141 I 49 consid. 3.4 p. 53 et les arrêts cités), constater une incapacité totale de travail sur le plan psychiatrique (rapport du 4 octobre 2013), alors qu’elle retenait simultanément que l’état de santé de l’intimée n’était pas suffisamment éclairci et nécessitait un complément d’expertise tant sur le plan psychiatrique que rhumatologique.

Les premiers juges ne sauraient préjuger du résultat de l’évaluation globale requise relatif à la capacité, respectivement l’incapacité de travail de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_920/2015 consultable ici : http://bit.ly/1QmSNAm

 

 

9C_575/2015 (f) du 23.03.2016 – Appréciation des rapports et des expertises médicales / Attestation établie par un psychologue n’est pas un diagnostic psychiatrique posé selon les règles de l’art

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_575/2015  (f) du 23.03.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Skz4nh

 

Appréciation des rapports et des expertises médicales

Attestation établie par un psychologue n’est pas un diagnostic psychiatrique posé selon les règles de l’art

 

TF

Au consid. 5.2, le TF rappelle que si la jurisprudence a établi des directives sur l’appréciation de certaines formes de rapports ou d’expertises médicaux (ATF 135 V 465 consid. 4.4 p. 469 et la référence), elle n’a jamais entendu créer une hiérarchie rigide entre les différents moyens de preuve disponibles. L’appréciation d’une situation médicale déterminée ne saurait se résumer à trancher, sur la base de critères exclusivement formels, la question de savoir quel est parmi les rapports médicaux versés au dossier celui qui remplit au mieux les critères jurisprudentiels en matière de valeur probante. Si la provenance et la qualité formelle sont des facteurs permettant d’apprécier la portée d’un document médical, seul en définitive le contenu matériel de celui-ci permet de porter un jugement valable sur le droit litigieux. Un rapport médical ne saurait ainsi être écarté pour la simple et unique raison qu’il émane du médecin traitant ou qu’il a été établi par un médecin se trouvant dans un rapport de subordination vis-à-vis d’un assureur. De même, le simple fait qu’un certificat médical est établi à la demande d’une partie ne justifie pas, en soi, des doutes quant à sa valeur probante; une expertise privée peut également valoir comme moyen de preuve. Pour qu’un avis médical puisse être écarté, il est nécessaire qu’il existe des circonstances particulières qui permettent de justifier objectivement les doutes émis quant à l’impartialité ou au bien-fondé de l’évaluation (arrêt 9C_276/2015 du 10 novembre 2015 consid. 4.3 et la référence).

 

S’agissant de la reconnaissance d’une invalidité ouvrant le droit à une rente, elle suppose, selon la jurisprudence (arrêt 9C_492/2015 du 3 juin 2015, publié in ATF 141 V 281), qu’un diagnostic psychiatrique ait été posé selon les règles de l’art (ATF 141 V 281 consid. 2 p. 285 ss). Une attestation établie par une psychologue, selon laquelle l’assurée présentait un très grave état dépressif et un épuisement lié à son contexte professionnel, ne répond pas aux exigences jurisprudentielles.

 

 

 

Arrêt 9C_575/2015  consultable ici : http://bit.ly/1Skz4nh

 

4A_576/2015 (d) du 29.03.2016 – propose à la publication – vidéosurveillance dans un immeuble locatif – protection des données (LPD) – atteinte à la sphère privée

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_576/2015 (d) du 29.03.2016, proposé à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Ni9eDv

 

Vidéosurveillance dans un immeuble locatif – Protection des données (LPD) – atteinte à la sphère privée

 

Une surveillance vidéo des parties communes d’immeubles locatifs est susceptible de porter atteinte de manière inadmissible à la sphère privée des locataires. Le point de savoir si un bailleur peut utiliser des caméras de surveillance pour des raisons de sécurité sans l’accord des locataires est une question qui doit être tranchée de cas en cas à la lumière des circonstances de la cause en litige. Dans un premier arrêt rendu en la matière, le Tribunal fédéral rejette le recours des bailleurs d’un immeuble locatif situé dans le canton de Bâle-Campagne.

L’immeuble locatif, un bâtiment en trois parties ayant chacune sa propre entrée, comporte 24 appartements. En 2014, les bailleurs ont fait installer après coup un système de vidéosurveillance avec douze caméras, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’immeuble, pour prévenir les actes de vandalisme et les effractions. Les images prises sont conservées pendant 24 heures. Alors que la majorité des locataires a approuvé la mesure, un locataire qui habite l’immeuble depuis 2000 a ouvert action afin d’obtenir le retrait des caméras de surveillance. Le Tribunal cantonal de Bâle-Campagne a décidé, au mois d’août dernier, que trois des caméras devaient être démontées. Est plus spécialement visée une caméra qui filme l’entrée de la partie du bâtiment où se trouve l’appartement du locataire demandeur.

Le Tribunal fédéral rejette le recours des bailleurs. L’enregistrement d’images permettant d’identifier certaines personnes, au moyen d’un système de vidéosurveillance installé dans un immeuble locatif, entre dans le champ d’application de la loi sur la protection des données. Dès lors, le bailleur qui entend exploiter une telle installation doit veiller en particulier à ce qu’il ne soit pas porté atteinte de manière illégale aux droits de la personnalité des personnes concernées. Savoir s’il en va ou non ainsi est une question qui doit être résolue – à défaut d’accord des locataires – de cas en cas sur la base d’une pesée d’intérêts concrète prenant en compte l’ensemble des circonstances de l’affaire examinée.

Aussi une surveillance vidéo de l’entrée d’un bloc anonyme, où existe un éventuel risque d’agressions, peut-elle être indiquée et s’avérer tolérable pour toutes les personnes visées. En revanche, tel ne devrait normalement pas être le cas – en l’absence d’indices concrets d’un danger – s’agissant d’un petit immeuble locatif où les voisins se connaissent.

En l’espèce, le Tribunal cantonal a tout d’abord relevé, à juste titre, qu’une surveillance durable de l’entrée permet de procéder à une analyse systématique du comportement du locataire concerné, ce qui constitue une atteinte importante à la sphère privée de l’intéressé. Eu égard aux circonstances claires de la cause, caractérisées par la présence d’un petit nombre seulement de locataires et par l’absence d’indices d’un danger concret, le Tribunal cantonal a considéré avec raison comme disproportionnée cette atteinte à la sphère privée. En raisonnant ainsi, il a tenu compte du fait que l’intérêt des bailleurs et des locataires ayant approuvé la mesure à une prévention efficace des infractions et à leur élucidation est déjà suffisamment sauvegardé avec les caméras restantes.

 

 

Arrêt 4A_576/2015 consultable ici : http://bit.ly/1Ni9eDv

Communiqué de presse du 18.04.2016 : http://bit.ly/1paN0aZ

 

8C_455/2015 (d) du 08.03.2016 – proposé à la publication – Refus d’exécuter un travail non rémunéré : aide sociale supprimée à juste titre – maintien du droit à l’aide d’urgence

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_455/2015 (d) du 08.03.2016, proposé à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/1S439fU

 

Refus d’exécuter un travail non rémunéré : aide sociale supprimée à juste titre – maintien du droit à l’aide d’urgence

 

C’est à juste titre qu’une commune zurichoise a supprimé l’aide sociale à un homme qui a refusé à plusieurs reprises de prendre part à un programme d’occupation. Dès lors que le travail qu’il aurait dû effectuer n’était pas rémunéré, le droit à l’aide d’urgence est maintenu.

 

Le bénéficiaire de l’aide sociale avait refusé de prendre part, en 2013, à un programme d’occupation auquel l’avait assigné la commune. En conséquence, la commune avait réduit ses prestations d’aide sociale de 15 pour cent pendant six mois et avait averti l’intéressé qu’en cas de nouveau refus de sa part, les prestations seraient complètement supprimées. Après que l’homme eut à nouveau refusé de prendre part à un programme d’occupation non rémunéré, ses prestations d’aide sociale ont été suspendues. Le Tribunal administratif du canton de Zurich a confirmé cette décision en 2015. Il a également rejeté la requête d’aide d’urgence déposée par cet homme.

Le Tribunal fédéral admet partiellement le recours de cet homme. La suppression de l’aide sociale n’est pas critiquable. Les conditions prévues par la loi zurichoise sur l’aide sociale pour supprimer les prestations d’assistance sont remplies, d’autant plus que l’intéressé avait déjà fait l’objet d’une réduction desdites prestations en raison de son refus de collaborer et qu’il avait été prévenu à cette occasion que ses prestations seraient totalement suspendues s’il opposait un nouveau refus. Il a cependant toujours droit au revenu minimal au titre de l’aide d’urgence conformément à l’article 12 de la Constitution fédérale. L’aide d’urgence comprend les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. Il n’existe pas de droit à l’aide d’urgence lorsqu’une personne serait objectivement en mesure de se procurer les ressources indispensables à sa survie par ses propres moyens. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, cela concerne les personnes qui refusent une possibilité de travailler qui se présente concrètement à eux ou qui refusent de participer à un programme d’occupation rémunéré. Dans le cas d’espèce, aucune rémunération n’était prévue pour le travail proposé. Le principe de subsidiarité de l’aide d’urgence par rapport aux revenus acquis par ses propres moyens n’est par conséquent pas applicable.

 

 

Arrêt 8C_455/2015 consultable ici : http://bit.ly/1S439fU

Communiqué de presse du 05.04.2016 : http://bit.ly/1Se5Fdt

 

 

9C_283/2015 (f) du 11.09.2015 – Résidence habituelle en Suisse – 13 LPGA / Rente extraordinaire de l’AI non exportable – ALCP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_283/2015 (f) du 11.09.2015, publié 141 V 530

 

ATF 141 V 530 consultable ici : http://bit.ly/1TlPqkv

 

Résidence habituelle en Suisse – 13 LPGA

Rente extraordinaire de l’AI non exportable – ALCP

 

Assurée, ressortissante suisse, présentant à la suite une hémorragie survenue à la naissance une hémiplégie congénitale gauche, un drainage ventriculo-péritonéal ainsi qu’une épilepsie partielle, associés à un déficit intellectuel modéré et une autonomie limitée. Vivant avec ses parents en France, elle a fréquenté à compter du mois de septembre 1998 différentes écoles spécialisées situées à Genève. L’Office AI pour les assurés résidant à l’étranger a contribué aux frais de formation scolaire spéciale jusqu’au 31.12.2007. De même a-t-il pris en charge les mesures médicales liées à l’infirmité congénitale, l’octroi de moyens auxiliaires ainsi que les frais de transport entre le domicile et les écoles fréquentées par l’assurée.

L’assurée est domiciliée dans le canton de Genève depuis le 01.02.2012, à l’adresse de F.__ (qui n’est pas un des parents). Interdiction prononcée et désignation, en qualité de co-tuteurs, d’une part, ses parents, BB. __ et CB. __, pour les aspects personnel, social et médical de la mesure et, d’autre part, F.__ pour les aspects administratifs et financiers de la mesure.

L’assurée a été admise à compter du 05.11.2012 au Centre de jour du foyer G.__ en qualité d’externe (avec deux nuits de dépannage par semaine).

Décision de l’office AI : octroi, en raison d’une impotence grave, d’une allocation pour mineur dès le 01.02.2012 puis d’une allocation pour adulte à compter du 01.11.2012.

Dépôt demande MOP ou rente AI le 06.09.2013. Projet de décision du 11.03.2014 : information à l’assurée que le droit à une rente (extraordinaire) de l’AI était nié, faute pour elle de s’être constituée un domicile en Suisse. Par courrier du 01.04.2014, l’office AI a précisé que, malgré l’absence de domicile en Suisse, il n’allait pas revenir sur les décisions qu’il avait rendues en matière d’allocation pour impotent, ajoutant que le déménagement de parents résidant en France à Genève pourrait suffire à admettre que leur enfant est domicilié en Suisse et, partant, ouvrir un droit aux prestations de l’assurance-invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/201/2015 – consultable ici : http://bit.ly/1TlNEzG)

Par jugement du 16.03.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Résidence habituelle en Suisse

En vertu de l’art. 13 LPGA, le domicile correspond au domicile civil selon les art. 23 à 26 CC (al. 1), tandis que la résidence habituelle correspond au lieu où la personne concernée séjourne un certain temps même si la durée de ce séjour est d’emblée limitée (al. 2; sur le caractère autonome de ces deux notions, voir Ueli Kieser, ATSG-Kommentar, 2e éd. 2009, n° 13 ss ad art. 13 LPGA; voir également le Rapport du 27 septembre 1990 de la Commission du Conseil des Etats sur l’initiative parlementaire « Partie générale du droit des assurances sociales » [FF 1991 II 181, 245 ch. 41] et le Rapport du 26 mars 1999 de la Commission du Conseil national de la sécurité sociale et de la santé sur l’initiative parlementaire « Droit des assurances sociales » [FF 1999 4168, 4198 ch. 52]).

Au sens des art. 13 al. 1 LPGA et 23 al. 1, 1ère phrase, CC, le domicile civil de toute personne est au lieu où elle réside avec l’intention de s’y établir. La notion de domicile contient deux éléments: d’une part, la résidence, soit un séjour d’une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits et, d’autre part, l’intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d’un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. L’intention de se constituer un domicile volontaire suppose que l’intéressé soit capable de discernement au sens de l’art. 16 CC. Cette exigence ne doit pas être appréciée de manière trop sévère (ATF 127 V 237 consid. 2c p. 240) et peut être remplie par des personnes présentant une maladie mentale, dans la mesure où leur état leur permet de se former une volonté (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 282/91 du 21 octobre 1992 consid. 2a). Le domicile d’une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l’ensemble des circonstances. Le lieu où les papiers d’identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l’emporter sur le lieu où se focalise un maximum d’éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l’intéressé (ATF 136 II 405 consid. 4.3 p. 409 et les références).

Aux termes de l’art. 23 al. 1, 2ème phrase, CC, le séjour dans une institution de formation ou le placement dans un établissement d’éducation, un home, un hôpital ou une maison de détention ne constitue en soi pas le domicile. Lors du placement dans un établissement par des tiers, on devra donc exclure régulièrement la création d’un domicile à cet endroit, l’installation dans l’établissement relevant de la volonté de tiers et non de celle de l’intéressé. Il en va en revanche autrement lorsqu’une personne majeure et capable de discernement décide de son plein gré, c’est-à-dire librement et volontairement, d’entrer dans un établissement pour une durée illimitée et choisit par ailleurs librement l’établissement ainsi que le lieu de séjour. Dans la mesure où, lors de l’entrée dans un établissement qui survient dans ces circonstances, le centre de l’existence est déplacé en ce lieu, un nouveau domicile y est constitué. L’entrée dans un établissement doit aussi être considérée comme le résultat d’une décision volontaire et libre lorsqu’elle est dictée par « la force des choses » (Zwang der Umstände), tel le fait de dépendre d’une assistance ou d’avoir des difficultés financières (ATF 134 V 236 consid. 2.1 p. 239 et la référence).

Par résidence habituelle au sens de l’art. 13 al. 2 LPGA, il convient de comprendre la résidence effective en Suisse (« der tatsächliche Aufenthalt ») et la volonté de conserver cette résidence; le centre de toutes les relations de l’intéressé doit en outre se situer en Suisse (ATF 119 V 111 consid. 7b p. 117 et la référence). La notion de résidence doit être comprise dans un sens objectif, de sorte que la condition de la résidence effective en Suisse n’est en principe plus remplie à la suite d’un départ à l’étranger. En cas de séjour temporaire à l’étranger sans volonté de quitter définitivement la Suisse, le principe de la résidence tolère deux exceptions. La première concerne les séjours de courte durée à l’étranger, lorsque ils ne dépassent pas le cadre de ce qui est généralement admis et qu’ils reposent sur des raisons valables (visite, vacances, affaires, cure, formation); leur durée ne saurait dépasser une année, étant précisé qu’une telle durée ne peut se justifier que dans des circonstances très particulières. La seconde concerne les séjours de longue durée à l’étranger, lorsque le séjour, prévu initialement pour une courte durée, doit être prolongé au-delà d’une année en raison de circonstances imprévues telles que la maladie ou un accident, ou lorsque des motifs contraignants (tâches d’assistance, formation, traitement d’une maladie) imposent d’emblée un séjour d’une durée prévisible supérieure à une année (ATF 111 V 180 consid. 4 p. 182; voir également arrêt 9C_729/2014 du 16 avril 2015 consid. 3).

In casu, il n’y a pas lieu de considérer que l’assurée a son domicile civil et sa résidence habituelle en Suisse. Les démarches entreprises par les parents de l’assurée afin de lui constituer un nouveau domicile civil en Suisse n’y changent rien. Le dépôt des papiers le 01.02.2012 auprès de l’Office cantonal de la population ne constitue toutefois qu’un indice (cf. ATF 125 III 100 consid. 3 p. 102), insuffisant en l’espèce à établir la volonté de l’assurée de faire de la Suisse le centre de ses relations personnelles. Le lieu de résidence effective de ses parents, lieu où l’assurée dormait, passait son temps libre et laissait ses effets personnels (arrêt K 34/04 du 2 août 2005 consid. 3, in SVR 2006 KV n° 12 p. 38; voir également Christian Brückner, Das Personenrecht des ZGB, 2000, n. 319 ss p. 92), demeurait l’endroit avec lequel ses liens personnels étaient les plus intenses. Il importe à cet égard peu que l’assurée passait la majeure partie de son temps éveillé au Centre de jour du foyer. C’est également pour les mêmes raisons qu’il faut considérer que la résidence habituelle de l’assurée se situait en France.

La jurisprudence a précisé que la mise sous tutelle ne crée pas un domicile au siège de l’autorité tutélaire, s’il n’en existait pas déjà un avant la mesure tutélaire (ATF 135 V 249 consid. 4.4 p. 253). Ce principe continue à s’appliquer après l’entrée en vigueur, au 01.01.2013, des nouvelles dispositions sur la protection de l’adulte, singulièrement lorsqu’est instituée une curatelle de portée générale.

 

Dispositions de l’ALCP et des règlements communautaires

Sous le titre « Levée des clauses de résidence », l’art. 7 du règlement n° 883/2004 prévoit que les prestations en espèces dues en vertu de la législation d’un ou de plusieurs Etats membres ou du présent règlement ne peuvent faire l’objet, à moins que le présent règlement n’en dispose autrement, d’aucune réduction, modification, suspension, suppression ou confiscation du fait que le bénéficiaire ou les membres de sa famille résident dans un Etat membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice.

Selon l’art. 70 par. 1 et 3 du règlement n° 883/2004, l’art. 7 du règlement n° 883/2004 et les autres chapitres du Titre III du règlement n° 883/2004 ne s’appliquent pas aux « prestations spéciales en espèces à caractère non contributif » relevant d’une législation qui, de par son champ d’application personnel, ses objectifs et/ou ses conditions d’éligibilité, possède les caractéristiques à la fois de la législation en matière de sécurité sociale (art. 3 par. 1 du règlement n° 883/2004) et d’une assistance sociale. En vertu de l’art. 70 par. 4 du règlement n° 883/2004, ces prestations sont octroyées exclusivement dans l’Etat membre dans lequel la personne intéressée réside et conformément à sa législation; ces prestations sont servies par l’institution du lieu de résidence et à sa charge.

A teneur de la let. d de l’inscription de la Suisse à l’Annexe X du règlement n° 883/2004, constituent des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif les rentes extraordinaires non contributives en faveur d’invalides qui n’ont pas été soumis, avant leur incapacité de travail, à la législation suisse sur la base d’une activité salariée ou non salariée (au sens de l’art. 39 LAI).

La mention des rentes extraordinaires de l’assurance-invalidité au titre de prestations spéciales en espèces à caractère non contributif est nouvelle, puisqu’elle ne figurait pas dans l’annexe correspondante du règlement n° 1408/71 (Annexe IIbis). Dans le cadre de la mise à jour de l’Annexe II ALCP, la Confédération suisse a expressément demandé que les rentes extraordinaires de l’assurance-invalidité soient incluses dans la liste des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif (Proposition de la Commission européenne, du 28 juin 2010, de décision du Conseil relative à la position à adopter au nom de l’Union européenne au sein du comité mixte institué par l’accord du 21 juin 1999 entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes en ce qui concerne le remplacement de l’annexe II sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, p. 5 ss, document consultable à l’adresse: http://www.eur-lex.europa.eu [n° CELEX 52010PC0333]).

Afin de justifier sa position auprès des institutions européennes, la Confédération suisse a d’abord rappelé que pour pouvoir bénéficier d’une rente ordinaire de l’assurance-invalidité suisse, les personnes assurées devaient avoir versé des contributions pendant au moins trois ans au moment de la survenance de l’incapacité de travail. Les personnes handicapées depuis la naissance ou l’enfance ne pouvaient remplir cette condition, étant donné qu’elles étaient incapables de travailler avant d’atteindre l’âge à partir duquel les contributions étaient perçues. C’est pourquoi ces personnes avaient droit à une rente spéciale correspondant au montant de la rente d’invalidité ordinaire minimale. Cette rente était octroyée aux personnes de plus de 18 ans tant qu’elles vivaient en Suisse (proposition du 28 juin 2010 précitée, p. 8 et 9).

Selon les explications données par la Confédération suisse, il se justifiait d’inclure la rente extraordinaire de l’assurance-invalidité dans la liste des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif, parce qu’elle remplissait tous les critères requis pour être considérée comme une prestation spéciale à caractère non contributif au sens de l’art. 4 par. 2bis du règlement n° 1408/71 et de la jurisprudence de la CJCE y relative. Il s’agissait tout d’abord d’une prestation hybride (à caractère mixte) : d’une part, elle présentait des caractéristiques propres à la sécurité sociale en ce sens que les intéressés avaient un droit clairement défini à cette prestation et qu’elle couvrait le risque d’invalidité; d’autre part, elle s’apparentait à l’assistance sociale, en ce qu’elle ne reposait pas sur des périodes d’activité ou de cotisation et qu’elle visait à atténuer un état de besoin en assurant un revenu minimal vital à un groupe socialement défavorisé (jeunes handicapés). La rente extraordinaire était ensuite une prestation spéciale, puisqu’elle constituait une allocation de remplacement destinée aux personnes qui ne remplissaient pas les conditions d’assurance pour obtenir une rente d’invalidité ordinaire; elle était étroitement liée au contexte socio-économique en Suisse, puisqu’elle correspondait à la pension minimale dans cet Etat. Enfin, la rente extraordinaire avait un caractère non contributif, parce qu’elle n’était pas financée par des contributions, mais exclusivement par la Confédération (proposition du 28 juin 2010 précitée, p. 8).

La proposition de modification de l’Annexe II ALCP a été entérinée par le Conseil de l’Union européenne le 6 décembre 2010 (JO L 209/1 du 17 août 2011). La modification a formellement été adoptée par la décision n° 1/2012 du 31.03.2012 du Comité mixte (institué par l’accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes) remplaçant l’annexe II dudit accord sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RO 2012 2345 et JO L 103/51 du 13.04.2012).

In casu, il n’existe aucun motif de s’écarter des considérations émises par la Suisse au cours des travaux préparatoires qui ont conduit à l’adoption de la décision n° 1/2012 du Comité mixte du 31.03.2012 quant à la qualification de prestation spéciale en espèces à caractère non contributif de la rente extraordinaire d’invalidité non contributive en faveur d’invalides qui n’ont pas été soumis, avant leur incapacité de travail, à la législation suisse sur la base d’une activité salariée.

La rente extraordinaire de l’assurance-invalidité remplit tous les critères pour qu’elle puisse être considérée comme une prestation spéciale à caractère non contributif au sens de l’art. 70 par. 2 let. a point i du règlement n° 883/2004. Dans la mesure où elle n’est allouée que lorsque le droit à une rente ordinaire de l’assurance-invalidité n’est pas ouvert faute pour la condition de la durée minimale de cotisation d’être remplie (Meyer/Reichmuth, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], 3e éd. 2014, n° 1 ad art. 39 LAI), elle couvre, à titre de remplacement, le risque de l’invalidité (art. 3 par. 1 let. c du règlement n° 883/2004; sur la notion de remplacement, voir aussi Maximilian Fuchs, in Europäisches Sozialrecht, 6e éd. 2013, n° 11 ad art. 70 du règlement n° 883/2004), en permettant d’assurer, pour des considérations de nature économique et sociale, un revenu minimum aux personnes invalides de naissance ou depuis l’enfance qui n’ont jamais eu l’occasion de verser des cotisations jusqu’à l’ouverture du droit à la rente.

Le TF arrive à la conclusion que la rente extraordinaire de l’assurance-invalidité ne fait pas partie des prestations soumises au principe de la levée des clauses de résidence définie à l’art. 7 du règlement n° 883/2004.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

ATF 141 V 530 consultable ici : http://bit.ly/1TlPqkv

Arrêt 9C_283/2015 consultable ici : http://bit.ly/1StP769

 

 

8C_499/2014 (f) du 12.08.2015 – Rente d’invalidité LAA / Accidents successifs – Mesures de reclassement AI interrompu pour des accidents – fixation du revenu d’invalide – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_499/2014 (f) du 12.08.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1QFzvri

 

Rente d’invalidité LAA

Accidents successifs – Mesures de reclassement AI interrompu pour des accidents – fixation du revenu d’invalide / 16 LPGA

Revenu d’invalide selon ESS – niveau de qualification 3

 

Assuré, né en 1967, titulaire d’un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) et d’un brevet d’études professionnelles (BEP) en électromécanique, obtenus en France. Il travaille en suisse en qualité de monteur en piscines. L’assuré a été victime de trois accidents : déchirure du ligament luno-pyramidal lors de la pratique de jiu-jitsu (16.03.1999) ; entorse de la cheville gauche (stade I à II) à la suite d’une chute (29.05.2005) ; rupture complète du LCA en retenant sa moto (31.07.2006). Axa a pris en charge les suites de ces accidents et a confié une expertise au Dr C.__, spécialiste en chirurgie orthopédique.

Mise en œuvre par l’office AI d’une mesure de reclassement professionnel d’une durée de deux ans sous la forme d’une formation de technicien du bâtiment et d’un stage pratique en entreprise (1ère phase de la mesure : du 09.04.2008 au 31.03.2009). Interruption de cette mesure en raison de quatre nouveaux accidents : entorse de la cheville droite (26.06.2008) ; torsion de la cheville droite et traumatisme de l’épaule droite (26.03.2009) ; contusions cervico-claviculaires (26.07.2009) ; contusions dorsales (04.01.2010).

Décision d’Axa LAA : allocation d’une rente d’invalidité de 30% dès le 01.11.2010.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/673/2014 – consultable ici : http://bit.ly/1ROJVaz)

Complément d’expertise confié au spécialiste en chirurgie orthopédique, Dr C.__.

Par jugement du 30.05.2014, admission du recours par le tribunal cantonal et octroi d’une rente d’invalidité de 40% dès le 01.11.2010.

 

TF

Selon l’art. 18 al. 1 LAA, l’assuré a droit à une rente d’invalidité s’il est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d’un accident. Est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée (art. 8 al. 1 LPGA).

Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA). La comparaison des revenus s’effectue, en règle générale, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l’un avec l’autre, la différence permettant de calculer le taux d’invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 29 consid. 1 p. 30; voir également SVR 2010 IV n° 11 p. 35 [9C_236/2009] consid. 3.1).

Selon la jurisprudence, la diminution de la capacité de gain doit être déterminée de la manière la plus concrète possible. Aussi, le revenu d’invalide doit-il être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée (ATF 135 V 297 consid. 5.2 p. 301; 129 V 472 consid. 4.2.1 p. 475). En l’absence d’un revenu effectivement réalisé, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base des statistiques salariales (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb p. 76 ss).

Le point de savoir si les tables de salaires statistiques sont applicables et, le cas échéant, quelle table est déterminante est une question de droit (ATF 132 V 393 consid. 3.3 p. 399; SVR 2009 IV n° 34 p. 95 [9C_24/2009] consid. 1.2) que le Tribunal fédéral examine d’office (art. 106 al. 1 LTF). En effet, le choix du niveau de qualification professionnelle (1+2, 3 ou 4), en tant que facteur entrant dans la détermination du gain d’invalide sur la base des statistiques salariales (cf. ATF 124 V 321), se fonde sur l’expérience générale de la vie et constitue dès lors une question de droit que le Tribunal fédéral peut revoir librement (SVR 2009 IV n° 34 p. 95, déjà cité; arrêt 9C_110/2009 du 23 décembre 2009 consid. 4.2).

In casu, le reclassement professionnel en qualité de technicien en bâtiment qui aurait dû se dérouler sur une période totale d’environ deux ans a été interrompu (du 26 juin jusqu’à l’automne 2008), puis abandonné définitivement au mois de mars 2009, soit après onze mois. Toutefois, les événements à l’origine de l’interruption puis de l’abandon définitif de ce reclassement ne sont pas en relation avec les suites des accidents (survenus en 1999, 2005 et 2006) dont Axa LAA doit répondre. Il y a donc lieu d’établir le niveau de qualification professionnelle déterminant pour fixer le taux d’invalidité de l’assuré en se fondant sur la situation qui eût été la sienne si la mesure professionnelle avait été menée à terme. Il apparaît que sa formation et son expérience professionnelles lui conféraient dans le secteur administratif de la gestion d’immeubles des connaissances préalables, sur le vu desquelles on ne saurait considérer que l’intéressé, dans ce domaine, ne pourrait exercer que des tâches non qualifiées, n’impliquant pas de formation particulière (cf. arrêts 9C_444/2010 du 20 décembre 2010 consid. 2.3 et 9C_963/2008 du 27 mai 2009 consid. 3.5).

L’assureur LAA était fondée à tenir compte d’un niveau de qualification 3 (connaissances professionnelles spécialisées) pour fixer le revenu d’invalide déterminant pour la comparaison des revenus.

 

Le TF admet le recours de l’assureur-accidents.

 

 

Arrêt 8C_499/2014 consultable ici : http://bit.ly/1QFzvri

 

 

8C_562/2014 (f) du 29.09.2015 – Révision d’une rente d’invalidité – 17 LPGA / Evaluation de la capacité de travail en cas de syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables – Exagération des symptômes

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_562/2014 (f) du 29.09.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1RwkYy9

 

Révision d’une rente d’invalidité / 17 LPGA

Evaluation de la capacité de travail en cas de syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables – Exagération des symptômes

 

Assurée travaillant en qualité d’ouvrière agricole. Le 17.03.1997, se blesse l’auriculaire de la main droite avec une trancheuse à oignons (sub-amputation avec fracture comminutive de la phalange distale de l’auriculaire droit). Les suites de l’opération ont été compliquées d’intenses algies remontant le long de l’avant-bras puis, progressivement, jusqu’à l’épaule et la nuque. Un état dépressif s’est surajouté au tableau clinique. Le médecin de l’office AI a retenu un état dépressif majeur et un syndrome douloureux, et conclu à une incapacité de travail totale, principalement en raison d’un état dépressif majeur et, accessoirement, d’un syndrome douloureux. Aucune atteinte somatique, hormis l’amputation elle-même, n’a été retenue. Octroi d’une rente d’invalidité entière dès le 01.03.1998. Le droit à la rente entière a été maintenu à l’issue de plusieurs procédures de révision (communications des 05.07.2001, 10.06.2003 et 18.10.2006).

Nouvelle procédure de révision initiée en octobre 2009. Le médecin traitant de l’assurée rapporte qu’une réadaptation professionnelle dans une activité adaptée à raison de 10 à 12 heures par semaine était envisageable depuis début 2010. Expertise psychiatrique, mettant en évidence les diagnostics suivants : Majoration de symptômes physiques pour des raisons psychologiques et sociales, processus d’invalidation très avancé (F68.0) ; Fluctuations dysthymiques (F34.1) ; Fluctuations anxieuses légères (F41.1) ; Syndrome douloureux somatoforme persistant sans comorbidité psychiatrique majeure (F45.4). Il n’a retenu aucune incapacité de travail ou diminution de rendement au plan psychiatrique et fait état de très importantes auto-limitations. Sur le plan somatique, un médecin du SMR s’est prononcé et a constaté de nombreuses discordances et n’a posé aucun diagnostic ayant une répercussion sur la capacité de travail de l’assurée; en considération néanmoins d’un déconditionnement général, il a fixé la capacité de travail à 50 %. Décision : suppression de la rente entière au 31.05.2013, considérant que l’atteinte psychiatrique invalidante qui avait motivé l’octroi de la rente initiale avait disparu.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale n’a pas pris en considération l’incapacité de travail de 50% fixée en raison du déconditionnement physique de l’assurée, celle-ci ne découlant pas d’une atteinte à la santé proprement dite. Par jugement du 16.06.2014, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Révision – 17 LPGA

Aux termes de l’art. 17 LPGA, si le taux d’invalidité du bénéficiaire de rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. En revanche, une simple appréciation différente d’un état de fait, qui, pour l’essentiel, est demeuré inchangé n’appelle pas à une révision au sens de l’art. 17 LPGA (ATF 112 V 371 consid. 2b p. 372; 387 consid. 1b p. 390). Le point de savoir si un tel changement s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière décision entrée en force reposant sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit, et les circonstances régnant à l’époque de la décision litigieuse (ATF 133 V 108 consid. 5 p. 110 ss).

En outre, lorsque les faits déterminants pour le droit à la rente se sont modifiés au point de faire apparaître un changement important de l’état de santé motivant une révision, le degré d’invalidité doit être fixé à nouveau sur la base d’un état de fait correct et complet, sans référence à des évaluations d’invalidité antérieures (ATF 141 V 9 consid. 2.3 p. 13; 117 V 198 consid. 4b p. 200; arrêts 9C_378/2014 du 21 octobre 2014 consid. 4.2; 9C_226/2013 du 4 septembre 2013).

In casu, il y a bien eu une évolution favorable de l’état psychique de l’assurée puisque les symptômes dépressifs, qui dominaient le tableau clinique initial, ne sont plus présents. Il s’agit d’une modification notable des faits déterminants par rapport à la situation au moment de l’octroi de la rente, de sorte qu’il existe bien un motif de révision de la rente d’invalidité au sens de l’art. 17 LPGA. Il s’ensuit que le degré d’invalidité de l’assurée peut être fixé à nouveau sans référence à des évaluations d’invalidité antérieures (voir consid. 3 supra).

 

Evaluation de la capacité de travail en cas de syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables

Dans un récent arrêt de principe (9C_492/2014 du 3 juin 2015 publié aux ATF 141 V 281), le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d’évaluation de la capacité de travail, respectivement de l’incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables.

Si, dans l’arrêt précité, le Tribunal fédéral a notamment abandonné la présomption du caractère surmontable d’un syndrome douloureux somatoforme, il a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d’exclusion définis dans l’ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l’absence d’une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d’assurance, si les limitations liées à l’exercice d’une activité résultent d’une exagération des symptômes ou d’une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d’un trouble somatoforme douloureux au sens de la classification sont réalisées (voir le consid. 2.2. de l’arrêt 9C_492/2014). Des indices d’une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l’allégation d’intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l’absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l’anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l’expert, ainsi que l’allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact.

In casu, le médecin-expert psychiatre a posé le diagnostic principal de majoration de symptômes physiques pour des raisons psychologiques et sociales. Il a étayé son diagnostic par de nombreuses observations allant clairement dans le sens d’une exagération. On peut mentionner notamment: une tendance à l’accentuation et à la démonstration (l’assurée fait des grimaces et des mouvements d’étirement lorsqu’elle parle de ses douleurs qui n’épargnent aucun endroit anatomique de son corps); une mobilité plus grande que prétendue (durant une partie de l’examen l’assurée maintien son bras droit pendu ou sur ses genoux alors que elle l’utilise normalement pour prendre un verre d’eau ou donner sa poignée de main); l’existence de divergences dans les informations données (l’assurée déclare prendre régulièrement ses médicaments contre la douleur et consulter son médecin traitant deux fois par semaine ce qui est contredit par les analyses sanguines et les déclarations du médecin-traitant); un comportement revendicateur; des relations sociales intactes. L’expert a également noté que l’assurée tirait des bénéfices secondaires bien réels de son comportement d’invalide en ce sens que celle-ci avait réussi à organiser sa famille autour de ses handicaps (ses deux fils majeurs dont l’un était marié habitaient toujours chez elle et étaient à son service), laissant clairement entendre « qu’elle a donné pour la vie et la société et qu’elle est en droit de recevoir ». Enfin, l’assurée était totalement opposée à toute idée de reprise d’activité.

Ces éléments justifient d’admettre l’existence d’un motif d’exclusion au sens de la jurisprudence (pour des cas similaires voir les arrêts 9C_899/2014 et 9C_173/2015 des 29 juin 2015).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_562/2014 consultable ici : http://bit.ly/1RwkYy9

 

 

8C_308/2015 (f) du 08.10.2015 – Nouvelle demande AI après un refus de rente – 87 al. 2 et al. 3 RAI / Plausibilité de l’aggravation de l’état de santé

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_308/2015 (f) du 08.10.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/21QkyKc

 

Nouvelle demande AI après un refus de rente – 87 al. 2 et al. 3 RAI

Plausibilité de l’aggravation de l’état de santé

Violation du principe de la libre appréciation des preuves – argumentation à apporter dans le recours au TF

 

Assurée, née en 1956, travaillant en qualité d’aide de cuisine à compter du 15.08.2001. Dès le 01.05.2007, incapacité totale de travail pour cause de maladie. Dépôt demande AI le 06.12.2007.

Expertise réalisée sur mandat de l’assureur-maladie perte de gain : diagnostics de lombo-pseudo-sciatalgies chroniques, troubles dégénératifs sévères du rachis lombaire, obésité, hypothyroïdie et syndrome d’apnée du sommeil. Capacité de travail nulle dans l’activité habituelle et capacité de travail à 85% dans une activité légère, sédentaire, autorisant l’alternance des positions assise et debout, et excluant le port de charges de plus de 15 kilos et les mouvements répétitifs du rachis en porte-à-faux. Expertise psychiatrique réalisée sur demande de l’Office AI. Diagnostic de dysthymie sans aucune répercussion sur la capacité de travail de l’assurée. Décision de l’OAI : pas de droit à une rente d’invalidité (invalidité de 5,2%).

Annonce de l’aggravation de l’état de santé le 11.07.2012. Le 21.03.2013, l’OAI a rendu deux décisions, par lesquelles il a refusé, d’une part, d’entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations et, d’autre part, de désigner un avocat d’office à l’assurée.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 90/13 – 52/2015 – consultable ici : http://bit.ly/1QsHz0V)

Les premiers juges ont expliqué de manière circonstanciée et convaincante les raisons pour lesquelles ils ont considéré que les rapports médicaux produits par l’assurée ne permettaient pas de rendre vraisemblable une aggravation significative de l’état de santé de celle-ci. Par jugement du 09.03.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 87 al. 2 et al. 3 RAI, lorsque une rente a été refusée parce que le degré d’invalidité était insuffisant, la nouvelle demande ne peut être examinée que si l’assuré établit de façon plausible que son invalidité s’est modifiée de manière à influencer ses droits.

D’après la jurisprudence, le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’autorité (cf. art. 43 al. 1 LPGA), ne s’applique pas à la présente procédure. Lorsqu’un assuré introduit une nouvelle demande de prestations ou une procédure de révision sans rendre plausible que son invalidité s’est modifiée, notamment en se bornant à renvoyer à des pièces médicales qu’il propose de produire ultérieurement ou à des avis médicaux qui devraient selon lui être recueillis d’office, l’administration doit lui impartir un délai raisonnable pour déposer ses moyens de preuve, en l’avertissant qu’elle n’entrera pas en matière sur sa demande pour le cas où il ne se plierait pas à ses injonctions. Enfin, cela présuppose que les moyens proposés soient pertinents, en d’autres termes qu’ils soient de nature à rendre plausibles les faits allégués. Si cette procédure est respectée, le juge doit examiner la situation d’après l’état de fait tel qu’il se présentait à l’administration au moment où celle-ci a statué (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5 p. 68; arrêt 9C_683/2013 du 2 avril 2014 consid. 3.3.1).

Compte tenu de son pouvoir d’examen restreint, il n’appartient pas au Tribunal fédéral de procéder une nouvelle fois à l’appréciation des preuves administrées, mais à la partie recourante d’établir en quoi celle opérée par l’autorité cantonale serait manifestement inexacte ou incomplète, ou en quoi les faits constatés auraient été établis au mépris de règles essentielles de procédure. A l’appui de ses griefs, l’assurée se limite pour l’essentiel à substituer sa propre appréciation à celle des premiers juges, ce qui ne suffit pas à en démontrer le caractère arbitraire.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_308/2015 consultable ici : http://bit.ly/21QkyKc

 

 

9C_785/2014 (f) du 30.09.2015 – Evaluation de l’invalidité pour une ménagère – 8 al. 3 LPGA – 28a al. 3 LAI / Obligation de réduire le dommage – aide des membres de la famille dans les activités ménagère – Tension au sein du couple

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_785/2014 (f) du 30.09.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1U6m2gL

 

Evaluation de l’invalidité pour une ménagère – 8 al. 3 LPGA – 28a al. 3 LAI

Obligation de réduire le dommage – aide des membres de la famille dans les activités ménagère – Tension au sein du couple

 

Dépôt demande AI le 01.03.2004 en raison de limitation dans les tâches ménagères ou sa vie quotidienne par des pathologies vertébrales. L’assurée travaillait comme maman de jour ou de famille d’accueil à la journée agréée par l’Office genevois de la jeunesse. Après instruction, assurée considérée comme ménagère. Octroi d’une demi-rente d’invalidité dès le 01.03.2003. Les résultats d’une enquête économique sur le ménage intégraient, sous le poste « divers », les empêchements liés à l’accomplissement de l’activité de maman de jour ou de famille d’accueil.

Demande de révision du droit à la rente le 05.11.2008. Expertise confiée Centre d’expertise médicale. Péjoration de l’état de santé reconnue. Nouvelle enquête ménagère. L’enquête différenciait plusieurs périodes en fonction de l’évolution de la capacité de travail décrite par le SMR et prenait en compte la situation professionnelle des membres de la famille, le départ des deux filles du domicile familial, ainsi que la séparation du couple. Octroi par l’office AI d’un trois quarts de rente, puis d’une demi-rente, puis d’un trois quarts de rente et enfin d’une rente entière.

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1033/2014)

Les deux filles de l’assurée et l’infirmière-enquêtrice ont été entendues durant la procédure. Invitées à se déterminer une dernière fois, les parties n’ont pas modifié leurs conclusions. Les filles de l’assurée ont admis qu’elles donnaient des coups de main à leur mère dans une moindre mesure même après leur départ de la maison. Par jugement du 30.09.2014, admission très partielle du recours par le tribunal cantonal. Il a modifié le taux d’aide que les membres de la famille étaient susceptibles d’apporter dans la tenue du ménage au cours de la période considérée.

 

TF

Il existe dans l’assurance-invalidité – ainsi que dans les autres assurances sociales – un principe général selon lequel l’assuré qui demande des prestations doit d’abord entreprendre tout ce que l’on peut raisonnablement attendre de lui pour atténuer les conséquences de son invalidité (cf. ATF 138 I 205 consid. 3.2 p. 209). Dans le cas d’une personne rencontrant des difficultés à accomplir ses travaux ménagers à cause de son handicap, le principe évoqué se concrétise notamment par l’obligation de solliciter l’aide des membres de la famille. Un empêchement dû à l’invalidité ne peut être admis chez les personnes qui consacrent leur temps aux activités ménagères que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies sont exécutées par des tiers contre rémunération ou par des proches qui encourent de ce fait une perte de gain démontrée ou subissent une charge excessive. L’aide apportée par les membres de la famille à prendre en considération dans l’évaluation de l’invalidité de l’assuré au foyer va plus loin que celle à laquelle on peut s’attendre sans atteinte à la santé. Il s’agit en particulier de se demander comment se comporterait une famille raisonnable, si aucune prestation d’assurance ne devait être octroyée. Cela ne signifie toutefois pas qu’au titre de l’obligation de diminuer le dommage, l’accomplissement des activités ménagères selon chaque fonction particulière ou dans leur ensemble soit répercuté sur les autres membres de la famille, avec la conséquence qu’il faille se demander pour chaque empêchement constaté s’il y a un proche qui pourrait le cas échéant entrer en ligne de compte pour exécuter en remplacement la fonction partielle correspondante (ATF 133 V 504 consid. 4.2 p. 509 ss et les arrêts cités).

Or, en l’espèce, même si les premiers juges ont été bien au-delà de ce qu’exigeait la jurisprudence en quantifiant minutieusement l’aide individuelle de chaque membre de la famille selon chaque fonction particulière, on ne peut toutefois leur reprocher d’avoir violé le droit en ne respectant pas les principes relatifs à l’aide exigible de la part des membres de la famille, ni d’avoir arbitrairement apprécié les éléments de preuve. Ainsi, s’il peut certes sembler insoutenable de retenir une aide exigible de la part d’un membre de la famille qui ne vit plus sous le même toit que l’invalide, cela n’est néanmoins pas décisif, du moment que les divers travaux ménagers accomplis précédemment par cette personne peuvent être reportés sur une autre, voire plusieurs autres personnes, sans que cela ne constitue pour celles-ci une charge excessive.

Les tensions régnant au sein du couple depuis la retraite du mari jusqu’à la séparation ne peuvent nullement justifier du point de vue de l’assurance-invalidité d’écarter l’exigibilité de la participation de l’époux aux travaux ménagers.

 

Le TF rejette le recours.

 

 

Arrêt 9C_785/2014 consultable ici : http://bit.ly/1U6m2gL

 

 

4A_66/2015 + 4A_82/2015 (f) du 22.09.2015 – RC médicale – Responsabilité d’un chirurgien – 398 CO / Calcul du dommage subi par un indépendant

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_66/2015 + 4A_82/2015 (f) du 22.09.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1LIamj0

 

RC médicale – Responsabilité d’un chirurgien – 398 CO

Calcul du dommage subi par un indépendant

 

Indépendant, au bénéfice d’une formation de peintre-décorateur, exploitant sa propre entreprise de peinture, spécialisée notamment dans le stucco vénitien. Le 21.05.2000, il se déchirure le ligament croisé antérieur au football. Il subit une plastie ligamentaire du genou gauche le 13.02.2001. A son réveil vers 14h00, il a ressenti de violentes douleurs dans le genou opéré et n’avait plus de sensibilité en dessous de celui-ci. A partir de 16h45, l’anesthésiste a alors pratiqué de nouvelles anesthésies, qui n’ont permis d’atténuer que temporairement les douleurs. Le 19.02.2001, un spécialiste FMH en neurologie a conclu à une lésion bitronculaire du nerf sciatique au niveau du creux poplité, expliquant l’insensibilité ainsi que l’impossibilité pour le lésé d’opérer une flexion dorsoplantaire active du pied et des orteils. Deux experts, mandatés par le lésé, ont indiqué que l’opération avait été pratiquée dans les règles de l’art, mais que le suivi postopératoire dans les vingt-quatre premières heures avait été en partie délégué et que le diagnostic d’une complication postopératoire avait été tardif.

Au niveau AI, l’office AI a octroyé au lésé une rente entière avec effet rétroactif au 01.02.2002.

 

Procédure cantonale

Sur appel du lésé, la Cour de justice a, par arrêt du 22.10.2010 (ACJC/1220/2010) , a annulé le jugement de la première instance, a constaté que la responsabilité des deux médecins était engagée (à l’exclusion de celle de la clinique) et a renvoyé la cause au premier juge.

Par arrêt du 17.12.2014 (arrêt ACJC/1606/2014), la Cour de justice, sur appel des deux médecins, a condamné les deux médecins à payer au lésé la somme de 61’085 fr., intérêts en sus, à titre d’indemnisation du gain manqué subi durant les années 2001 à 2003, le montant de 18’275 fr., intérêts en sus, à titre d’indemnisation du préjudice ménager subi durant la même période, s’est prononcée à nouveau sur les frais et dépens de première instance et a confirmé le jugement pour le surplus (frais consécutifs aux lésions corporelles).

 

TF

S’agissant de la faute du chirurgien

Selon le recourant, tout chirurgien exerçant en clinique privée aurait délégué le suivi postopératoire à un anesthésiste puisqu’il s’agit d’une pratique courante. La critique est sans consistance. Le fait que la délégation du suivi à l’anesthésiste soit couramment pratiquée en clinique privée ne change en rien la responsabilité du chirurgien, puisque cela ne signifie pas que cette pratique soit conforme dans le cas particulier aux règles de l’art médical. La cour cantonale constate d’ailleurs que cette pratique résulte plutôt d’une mauvaise organisation entre spécialistes et on peut en inférer qu’un chirurgien raisonnable placé dans les mêmes circonstances n’aurait pas délégué le suivi opératoire à un anesthésiste.

L’existence d’une lésion bitronculaire, complication rare, est en l’espèce totalement impropre à écarter le lien de causalité. Le chirurgien confond la conséquence de son inaction avec la complication, dont il aurait pu discerner l’existence et qui nécessitait une intervention rapide. En effet, si le chirurgien avait entrepris le contrôle qui lui incombait en vertu des règles de l’art, il aurait pu constater l’existence d’une complication et poser le diagnostic de la compression du nerf sciatique dans le creux poplité, complication décrite par la littérature médicale qui, à défaut d’une intervention rapide, risque de causer une lésion tronculaire (lésion d’un seul nerf décrite par la littérature médicale)  ; il aurait ainsi pu procéder à la décompression du nerf sciatique, ce qui aurait permis d’éviter aussi bien cette dernière lésion (plus connue), qu’une lésion bitronculaire (non mentionnée par la littérature médicale).

 

Dommage subi par le lésé, indépendant

Dans la détermination du revenu hypothétique, le revenu que réalisait le lésé au moment de l’événement dommageable constitue la référence ; le juge ne doit toutefois pas se limiter à constater le revenu réalisé jusqu’alors, car l’élément déterminant repose bien davantage sur ce que la victime aurait gagné annuellement dans le futur. Ce calcul nécessite une importante abstraction (arrêt 4A_239/2011 du 22 novembre 2011 consid. 3.1.1 et les références citées).

Il incombe au demandeur (lésé) d’établir les circonstances de fait – à l’instar des augmentations futures probables du revenu durant la période considérée – dont le juge peut inférer, selon le degré de la vraisemblance prépondérante, les éléments pertinents pour établir le revenu que le lésé aurait réalisé sans l’événement dommageable (arrêt 4A_239/2011 ibidem).

De manière générale, l’estimation du revenu d’un indépendant pose plus de problèmes que celle du gain d’un salarié. Chaque cas est particulier et il n’existe pas de méthode unique pour calculer le revenu hypothétique dans cette hypothèse. Une expertise peut fournir des renseignements sur les gains passés et sur les revenus futurs que l’indépendant aurait pu escompter sans l’événement dommageable (arrêt 4A_239/2011 ibidem).

On rappellera que la perte de gain (actuelle) indemnisable correspond à la différence entre les revenus nets indexés (à la date du prononcé du jugement cantonal) de valide et d’invalide du lésé (ATF 136 III 222 consid. 4.1.1 ; arrêt 4A_481/2009 déjà cité consid. 4.2.5). Afin d’éviter que la réparation de ce préjudice ne conduise à un enrichissement de la victime, il faut imputer sur ce montant les avantages constitués par toutes les prestations allouées au lésé par les assureurs sociaux (compensatio lucri cum damno) (sur l’ensemble de la question : ATF 134 III 489 consid. 4.2 p. 491 s. et l’arrêt cité; 130 III 12 consid. 7.1 p. 16; arrêt 4A_481/2009 déjà cité consid. 4.2.1 et 4.2.6).

 

 

Arrêt 4A_66/2015 + 4A_82/2015 consultable ici : http://bit.ly/1LIamj0