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1B_63/2016 (f) du 08.06.2015 – Surveillance téléphonique – Mesures de surveillance secrètes / 269 ss CPP

Arrêt du Tribunal fédéral 1B_63/2016 (f) du 08.06.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/290cTEI

 

Surveillance téléphonique – Mesures de surveillance secrètes / 269 ss CPP

 

TF

Selon l’art. 269 al. 1 CPP, le ministère public peut ordonner la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication aux conditions suivantes : de graves soupçons laissent présumer que l’une des infractions visées à l’alinéa 2 a été commise (let. a); cette mesure se justifie au regard de la gravité de l’infraction (let. b); les mesures prises jusqu’alors dans le cadre de l’instruction sont restées sans succès ou les recherches n’auraient aucune chance d’aboutir ou seraient excessivement difficiles en l’absence de surveillance (let. c). Seules les infractions visées par le catalogue exhaustif de l’art. 269 al. 2 CPP peuvent justifier une surveillance; parmi celles-ci figurent les infractions réprimées à l’art. 19 al. 2 de la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup; RS 812.121; art. 269 al. 2 let. f CPP).

De manière générale, le Tribunal fédéral a rappelé que des abus n’étaient pas exclus dans les cas d’application des normes permettant des mesures de surveillance secrète, notamment téléphonique. Seul un contrôle par une autorité judiciaire, par le biais tout d’abord d’une procédure d’autorisation, puis la possibilité d’un recours ultérieur par la personne concernée (ATF 140 I 381 consid. 4.5.1 p. 390 s.) assurent les garanties nécessaires et adéquates à cet égard (ATF 140 I 353 consid. 8.7.2.3 p. 376 et les arrêts cités). Cette procédure (autorisation judiciaire, puis éventuel recours) se justifie en raison de la grave atteinte à la sphère privée que constitue ce type de mesure (art. 13 al. 1 Cst.; sur cette disposition, ATF 140 I 381 consid. 4.1 p. 383 s., 353 consid. 8.3 p. 369 s.).

 

Le CPP s’inscrit parfaitement dans ce souci d’éviter des abus. Ainsi, ce type de surveillance est soumis à l’autorisation du Tmc (art. 272 al. 1 CPP). Puis, au plus tard lors de la clôture de la procédure préliminaire, le ministère public communique au prévenu ainsi qu’au tiers qui ont fait l’objet d’une surveillance au sens de l’art. 270 let. b CPP, les motifs, le mode et la durée de la surveillance (art. 279 al. 1 CPP). Selon l’alinéa 3 de cette même disposition, les personnes dont le raccordement de télécommunication ou l’adresse postale ont été surveillés ou celles qui ont utilisé le même raccordement ou la même adresse postale peuvent interjeter recours conformément aux art. 393 à 397 CPP; le délai de recours commence à courir dès la réception de la communication.

En tant qu’autorité d’autorisation (art. 272 al. 2, 273 al. 2 et 274 CPP), le Tmc est ainsi appelé à vérifier l’existence de graves soupçons au sens de l’art. 269 al. 1 let. a CPP. Lors de cet examen, il n’a cependant pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge. Il doit uniquement examiner, si, au vu des éléments ressortant alors de la procédure, il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant la mesure requise et procède donc à un examen de la qualification juridique des faits sous l’angle de la vraisemblance (ATF 141 IV 459 consid. 4.1 p. 461).

Selon la doctrine, la gravité des soupçons au sens de l’art. 269 al. 1 let. a CPP doit atteindre celle requise pour la mise en détention provisoire (cf. art. 221 al. 1 CPP [« fortement soupçonné », « dringend verdächtig », « gravemente indiziato »]; MARC JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Art. 196-457 StPO, 2e éd. 2014, n° 34 ad art. 269 CPP; FRANZ RIKLIN, StPO Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2e éd. 2014, n° 4 ad remarques préliminaires ad art. 269-298d CPP et n° 1 ad art. 269 CPP; NIKLAUS SCHMID, Praxiskommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2e éd. 2013, n° 6 ad art. 269 CPP; JEANNERET/KUHN, Précis de procédure pénale, 2013, n. 14094; MOREILLON/PAREIN-REYMOND, Petit commentaire, Code de procédure pénale, 2013, n° 6 ad art. 269 CPP; ZUFFEREY/BACHER, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2011, n° 8 ad art. 269 CPP). Selon HANSJAKOB, le degré de gravité devrait cependant être moins élevé s’agissant d’une mesure de surveillance que celui exigé pour une détention, dès lors que les éléments obtenus lors de la première mesure peuvent permettre le prononcé de la seconde (THOMAS HANSJAKOB, in DONATSCH/HANSJAKOB/ LIEBER, Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), 2e éd. 2014, n° 19 ad art. 269 CPP).

L’intensité des charges propres à motiver notamment un maintien en détention n’est pas la même aux divers stades de l’instruction pénale; ainsi, dans les premiers temps de l’enquête, des soupçons encore peu précis peuvent être suffisants (ATF 137 IV 122 consid. 3.2 p. 126 s.; arrêts 1B_56/2016 du 7 mars 2016 consid. 2.1; 1B_352/2015 du 27 octobre 2015 consid. 2.2 et les arrêts cités). Tel n’est cependant pas le cas de vagues suspicions ne se fondant sur aucun motif objectif; en outre, les charges doivent être objectivement fondées et vérifiables (ZUFFEREY/BACHER, op. cit., n° 8 ad art. 269 CPP). Il n’est en revanche pas nécessaire de prouver les éléments de la qualification déjà au moment de statuer sur l’admissibilité de la mesure (ATF 129 IV 188 consid. 3.2.3 p. 194 s.; arrêt 1B_425/2010 du 22 juin 2011 consid. 3.1). Il faut aussi tenir compte de la gravité de l’infraction examinée, de l’existence, le cas échéant, d’une décision judiciaire préalable relative à de tels soupçons, ainsi que de l’avancée depuis lors de l’instruction (arrêt 1B_230/2013 du 26 juillet 2013 consid. 5.1.2).

Pour effectuer ce contrôle, le Tmc se fondera en particulier sur la demande du ministère public, l’ordre de surveillance de ce dernier, un exposé des motifs et les actes déterminants du dossier (cf. art. 274 al. 1 let. a et b CPP). La requête contiendra notamment une – courte – description de l’état de fait, l’indication de l’infraction poursuivie et des circonstances fondant les graves soupçons (JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, op. cit., n° 5 ad art. 274 CPP; HANSJAKOB, op. cit., n° 4 ad art. 274 CPP; RIKLIN, op. cit., n° 2 ad art. 274 CPP; MOREILLON/PAREIN-REYMOND, op. cit., n° 4 ad art. 274 CPP; NIKLAUS OBERHOLZER, Grundzüge des Strafprozessrechts, 3e éd. 2012, n° 1199 p. 424; ZUFFEREY/BACHER, op. cit., n° 5 ad art. 274 CPP). Elle exposera de plus les démarches entreprises au cours de l’enquête, en particulier celles restées sans succès (cf. art. 269 al. 1 let. c CPP; OBERHOLZER, op. cit., n° 1199 p. 424; ZUFFEREY/BACHER, op. cit., n° 5 ad art. 274 CPP).

Quant aux actes déterminants que doit fournir le ministère public au Tmc, il peut s’agir de pièces à conviction au sens de l’art. 192 CPP (JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, op. cit., n° 35 ad art. 269 CPP; ZUFFEREY/ BACHER, op. cit., n° 6 ad art. 274 CPP; ALEXIS SCHMOCKER, in Commentaire romand, Code procédure pénale, 2011, n° 9 ad art. 221 CPP, auteur citant en matière de détention provisoire une arrestation en flagrant délit, des aveux a priori crédibles, des empreintes digitales et/ou ADN). La doctrine mentionne aussi des rapports de police et/ou des notes du ministère public (JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, op. cit., n° 5 ad art. 274 CPP), voire même des éléments recueillis au cours des premières 24 heures de surveillance (ZUFFEREY/BACHER, op. cit., n° 6 ad art. 274 CPP). L’établissement des graves soupçons peut aussi se fonder sur les déclarations de témoins, de parties (art. 104 CPP), d’autres participants (art. 105 CPP), ainsi que de collaborateurs des autorités pénales (JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, op. cit., n° 35 ad art. 269 CPP; ZUFFEREY/BACHER, op. cit., n° 8 ad art. 269 CPP et n° 6 ad art. 274 CPP).

Il ne faut cependant pas perdre de vue que les déclarations de parties ou de témoins peuvent manquer d’objectivité (ZUFFEREY/ BACHER, op. cit., n° 8 ad art. 269 CPP). Dès lors, la seule affirmation – notamment d’une partie – sans indication de source ou sans avoir le caractère spécifique de témoignage n’est en principe pas suffisante (JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, op. cit., n° 35 ad art. 269 CPP). Il en va de même de simples spéculations, de rumeurs ou de suppositions générales (arrêt 1B_516/2011 du 17 novembre 2011 consid. 2.1; JONAS WEBER, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Art. 196-457 StPO, 2e éd. 2014, n° 7 ad art. 197 CPP).

Une appréciation plus nuancée est envisageable s’agissant des éléments relevés par la police dans ses rapports. En effet, il arrive que ceux-ci ne puissent pas être davantage étayés, notamment afin de protéger, provisoirement ou durablement, l’identité de certains informateurs; l’utilisation de telles informations n’en est pas pour autant exclue si celles-ci semblent objectivement plausibles au vu des circonstances entourant l’enquête (HANSJAKOB, op. cit., n° 3 ad art. 274 CPP).

 

En vertu du principe de proportionnalité (art. 197 al. 1 let. c et d et 269 al. 1 let. b CPP), la mesure de surveillance doit encore être adéquate et poursuivre un intérêt public; elle doit ainsi être susceptible d’obtenir des résultats concrets. Les circonstances d’espèce sont dès lors déterminantes pour examiner la gravité de l’infraction; à cet égard, il n’est pas en soi suffisant que celle-ci figure dans le catalogue de l’art. 269 al. 2 CPP. La surveillance est ainsi admissible si, objectivement et subjectivement, elle se justifie au regard de la nature du bien juridiquement protégé atteint par l’acte punissable, la mise en danger de ce dernier, la gravité de la lésion, le mode opératoire utilisé, l’énergie criminelle déployée et/ou les mobiles de l’auteur (ATF 141 IV 459 consid. 4.1 p. 461 s.).

 

Enfin, une surveillance ne peut être autorisée que si elle respecte le principe de subsidiarité (art. 269 al. 1 let. c CPP). Celui-ci présuppose notamment que l’autorité examine d’abord si une autre mesure moins incisive peut atteindre le résultat recherché (ultima ratio; ATF 141 IV 459 consid. 4.1 p. 462).

 

 

Arrêt 1B_63/2016 consultable ici : http://bit.ly/290cTEI

 

 

9C_722/2015 (f) du 31.05.2016 – Réparation du dommage causé par la perte des cotisations sociales d’un « homme de paille » – 52 LAVS – 716 ss CO

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2015 (f) du 31.05.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/291cl43

 

Réparation du dommage causé par la perte des cotisations sociales d’un « homme de paille » – 52 LAVS – 716 ss CO

TF

A.__ a été inscrit au Registre du commerce en tant qu’administrateur de la société C.__ SA. A ce titre, il était organe de plein droit de la société et devait assumer les tâches prescrites par la loi (art. 716 ss CO). En sa qualité d’administrateur, il lui incombait de veiller personnellement à ce que les cotisations paritaires afférentes aux salaires versés fussent effectivement payées à la caisse de compensation, nonobstant le mode de répartition interne des tâches au sein la société.

Un administrateur d’une société anonyme ne peut se libérer de cette responsabilité en se bornant à soutenir qu’il faisait confiance à un employé chargé de régler les cotisations sociales à la caisse de compensation, car cela constitue déjà en soi un cas de négligence grave. La jurisprudence s’est toujours montrée constante, lorsqu’il s’est agi d’apprécier la responsabilité d’administrateurs qui alléguaient avoir été exclus de la gestion d’une société et qui s’étaient accommodés de ce fait sans autre forme de procès (parmi d’autres: arrêt 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2 et les références).

Dans le cas d’espèce, A.__ reconnaît avoir été un « homme de paille ». Une telle situation est précisément inadmissible, car celui qui se déclare prêt à assumer ou à conserver un mandat d’administrateur d’une société anonyme, tout en sachant qu’il ne pourra pas le remplir consciencieusement, viole son obligation de diligence (ATF 122 III 195 consid. 3b p. 200; RDAT 1993, I, p. 374 consid. 6). En n’exerçant aucune surveillance, A.__ a donc commis une négligence qui doit, sous l’angle de l’art. 52 LAVS, être qualifiée de grave (ATF 112 V 1 consid. 2b p. 3).

On rappellera aussi que le fait de ne pas être en mesure d’exercer ses fonctions, parce que la personne morale est dirigée en fait par d’autres personnes, ou d’accepter un mandat à titre fiduciaire, ne constitue pas un motif de suppression ou d’atténuation de la faute commise (JEAN-FRANÇOIS EGLI, Aperçu de la jurisprudence récente du Tribunal fédéral relative à la responsabilité des administrateurs de société anonyme, in Publication CEDIDAC 8, 1987, p. 32).

En bref, la carence de A.__ (cura in custodiendo) tombe sous le coup de l’art. 52 LAVS et sa responsabilité dans le préjudice subi par la caisse s’en trouve aussi engagée.

A.__ ne peut se libérer de sa responsabilité envers la caisse de compensation en alléguant ou en cherchant à établir qu’il n’était qu’un homme de paille (voir la décision H 289/99 du 10 janvier 2000 du Tribunal fédéral des assurances).

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

Arrêt 9C_722/2015 consultable ici : http://bit.ly/291cl43

 

 

9C_813/2015 (f) du 31.05.2016 – Capacité de travail exigible – Revenu d’invalide – Marché équilibré du travail / 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_813/2015 (f) du 31.05.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/28YOD6A

 

Capacité de travail exigible – Revenu d’invalide – Marché équilibré du travail / 16 LPGA

 

TF

Le seul fait pour l’assurée de prétendre qu’il n’existerait sur le marché du travail aucune activité qui corresponde à sa situation, médicale, personnelle et professionnelle, ne lui est d’aucun secours.

L’évaluation de l’invalidité s’effectue en effet à l’aune d’un marché équilibré du travail. Il s’agit d’une notion théorique et abstraite, qui présuppose l’équilibre entre l’offre et la demande de main d’œuvre d’une part et un marché structuré du travail d’autre part (cf. p. ex. arrêt 9C_286/2015 du 12 janvier 2016 consid. 4.2 et les références).

In casu, il n’est au demeurant nullement illusoire ou irréaliste d’admettre qu’il existe un nombre significatif d’activités adaptées aux différentes limitations de l’assurée (port de charges lourdes, travaux lourds, travail répétitif et de précision avec les mains, longues marches, nuisances telles que le froid et l’humidité, positions non-ergonomiques, stress), qui peuvent s’exercer sans nécessiter de formations autre qu’une mise au courant initiale.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_813/2015 consultable ici : http://bit.ly/28YOD6A

 

 

9C_860/2015 (f) du 01.06.2016 – Révision du droit à la rente– Changement important de circonstances – 17 LPGA / Libre appréciation des preuves

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_860/2015 (f) du 01.06.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/292rRxu

 

Révision du droit à la rente– Changement important de circonstances – 17 LPGA

Libre appréciation des preuves

 

TF

Condition pour la révision du droit à la rente

Dans le cadre d’une révision du droit à la rente, il importe nécessairement d’établir l’existence d’un changement important de circonstances propre à justifier l’augmentation, la réduction ou la suppression de la rente. Or un tel examen ne peut intervenir qu’à la faveur d’une comparaison entre deux états de fait successifs (ATF 125 V 413 consid. 2d in fine p. 418).

En l’espèce, le jugement cantonal contient un descriptif détaillé des différentes procédures de révision qui se sont succédées depuis l’octroi initial de la rente d’invalidité. La juridiction cantonale n’a toutefois pas déterminé quelle était la décision entrée en force qu’elle jugeait pertinente pour procéder à la comparaison des états de fait (cf. ATF 133 V 108), singulièrement quels troubles – physiques et/ou psychiques – justifiaient auparavant le versement de la rente.

On ajoutera pour finir que le simple fait qu’un diagnostic ne soit plus retenu à la suite d’un examen ultérieur ne saurait justifier, à lui seul, la révision du droit à la rente, dans la mesure où un tel constat ne permet pas d’exclure l’existence d’une appréciation différente d’un état de fait qui, pour l’essentiel, est demeuré inchangé. Une modification sensible de l’état de santé ne saurait être admise que si le nouveau diagnostic est corroboré par un changement clairement objectivé de la situation clinique et par l’amélioration, voire la disparition des limitations fonctionnelles précédemment décrites (sur les exigences en matière de preuve pour une évaluation médicale dans le cadre d’une révision, voir arrêts 9C_418/2010 du 29 août 2011 consid. 4.2, in SVR 2012 IV n° 18 p. 81, et 8C_441/2012 du 25 juillet 2013 consid. 6, in SVR 2013 IV n° 44 p. 134).

 

Libre appréciation des preuves

La juridiction cantonale a fondé son appréciation sur des critères avant tout formels, sans discuter du contenu matériel des pièces médicales versées au dossier. En procédant de la sorte, elle a violé le principe de la libre appréciation des preuves (ATF 125 V 351 consid. 3b p. 352; voir également arrêt 9C_607/2008 du 27 avril 2009 consid. 3.2 et les références).

 

Le TF accepte partiellement le recours de l’assuré et renvoie la cause à la juridiction cantonale afin qu’elle statue à nouveau.

 

 

Arrêt 9C_860/2015 consultable ici : http://bit.ly/292rRxu

 

 

9C_435/2015 (f) du 10.05.2016 – destiné à la publication – Assurance obligatoire des soins – 25 LAMal – 32 LAMal – OPAS / Prise en charge d’inséminations intra-utérines avec stimulations ovariennes pour une assurée âgée de 44 ans

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_435/2015 (f) du 10.05.2016, destiné à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/28RPWSx

 

Assurance obligatoire des soins – 25 LAMal – 32 LAMal – OPAS

Prise en charge d’inséminations intra-utérines avec stimulations ovariennes pour une assurée âgée de 44 ans

 

Assurée, née le 29.04.1968, a demandé, le 23.05.2011, à sa caisse-maladie de prendre en charge un traitement visant à remédier à des troubles de la fertilité. La caisse-maladie a admis le remboursement du traitement (inséminations intra-utérines des 09.07.2011 et 27.08.2011 et stimulations ovariennes), qui a échoué. L’assurée a demandé le 14.03.2012 la prise en charge d’un second traitement. Le médecin-conseil a considéré qu’à l’âge de 44 ans, la baisse de la fécondité ne pouvait plus être considérée comme une maladie, quel que soit l’environnement hormonal de la patiente; il mentionnait une réserve ovarienne diminuée et un risque de fausse couche augmenté. Refus de la caisse-maladie, par décision, confirmée sur opposition, motif pris qu’en raison de son âge, la stérilité ne constituait plus une maladie mais relevait d’un problème physiologique et que le traitement prévu n’était plus efficace, dans la mesure où les chances de tomber enceinte et de mener une grossesse à terme étaient trop faibles.

 

TF

La question de l’âge peut effectivement entrer en ligne de compte dans l’évaluation du caractère efficace d’une prestation, à condition qu’elle repose sur des critères médicaux (ATF 131 V 271 consid. 4 p. 278 et les références citées). A cette fin, il faut pouvoir se référer à des données médicales largement admises. Une distinction valable relative à l’âge doit se fonder sur un motif d’ordre clinique convaincant qui constituerait une justification objective et raisonnable (ATF 136 I 121 consid. 5.2 p. 127 et les références citées); il n’appartient pas au juge ou aux caisses-maladies de se livrer à des conjectures à cet égard.

Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de se prononcer sur la question de l’efficacité d’un traitement en lien avec l’âge du patient. Il s’agissait en particulier de la limite d’âge fixée à 60 ans au ch. 1.1 de l’annexe I de l’OPAS, concernant le traitement de l’adiposité. La juridiction fédérale a admis que même si elle pouvait paraître surprenante, cette limitation, très exceptionnelle dans le domaine de l’assurance obligatoire des soins, reposait sur des considérations médicales approuvées par les spécialistes en matière d’obésité morbide (cf. ATF 136 I 121 consid. 5.2 p. 127 et les références citées). Le Tribunal fédéral a donc constaté qu’au-delà de l’âge de 60 ans, l’efficacité dudit traitement était niée par les experts (arrêt cité, consid. 5.3). Dans cette mesure, c’est à raison que le DFI avait fait figurer cette limite d’âge au ch. 1.1 de l’annexe I de l’OPAS comme condition à la prise en charge des frais relatifs au traitement de l’adiposité. La situation n’est pas comparable en l’espèce, dans la mesure où le caractère efficace du traitement par insémination artificielle est admis mais aucune limite d’âge générale n’a été déterminée.

Il convient de préciser qu’aucune distinction en fonction de l’âge ne peut être trouvée dans la LAMal ni dans la loi fédérale sur la procréation médicalement assistée du 18 décembre 1998 (LPMA; RS 810.11). Dans le cadre de l’adoption de cette loi, le Conseil fédéral avait par ailleurs expliqué que la procréation médicalement assistée (PMA) était notamment réservée aux couples qui, en considération de leur âge et de leur situation personnelle, paraissaient être à même d’élever un enfant jusqu’à sa majorité (art. 3 al. 2 let. b du projet). Dans ce cadre, il a précisé que le projet de loi ne contenait pas de limite d’âge déterminée. D’une part, la fixation d’une telle limite aurait renfermé le danger qu’elle soit interprétée comme un droit à bénéficier d’un traitement et que celui-ci soit régulièrement effectué aussi longtemps que le seuil d’âge limite ne serait pas atteint. D’autre part, interdire l’accès à la PMA à une personne pour le motif qu’elle a dépassé d’un jour ou de quelques jours la limite d’âge légale n’était pas satisfaisant. Le Conseil fédéral avait préconisé de donner la préférence à la solution consistant à laisser la Commission nationale d’éthique pour la médecine humaine (CNE) la tâche de clarifier l’art. 3 al. 2 let. b LPMA dans une directive. Il avait également expliqué que la ménopause fixait par exemple une limite naturelle à la possibilité de procréer mais que dans la mesure où cette limite variait d’une femme à l’autre, il existait une relativement grande différence entre les âges auxquels les femmes l’atteignaient au sein de la population, créant ainsi une inégalité, ce qui était une raison supplémentaire pour ne pas fixer de limite d’âge (Message du 26 juin 1996 relatif à l’initiative populaire «Pour la protection de l’être humain contre les techniques de reproduction artificielle [Initiative pour une procréation respectant la dignité humaine», PPD] et à la loi fédérale sur la procréation médicalement assistée [LPMA], FF 1996 197, p. 245 ch. 312.112).

De manière générale, au fur et à mesure de l’avancement de l’âge de la femme, les chances de procréer diminuent-, ce qui n’est pas contesté. Une limite d’âge fixe à partir de laquelle une femme ne pourrait plus tomber enceinte ni mener une grossesse à terme n’a en revanche pas été arrêtée. Il ressort des pièces présentées par la caisse-maladie recourante ainsi que d’autres documents de doctrine scientifique que les âges limites évoqués varient entre 42 et 51 ans (voir par exemple Aldo Campana et al., Intrauterine insemination: evaluation of the results according to the woman’s age, sperm quality, total sperm count per insemination and life table analysis, Human Reproduction, vol. 11 n° 4, pp. 732 et 735); Bruno Imthurn/Estilla Maurer-Major/Ruth Stiller, Stérilité/Infertilité – étiologies et investigations, Forum Med Suisse, 8/2008, p. 126) et Collège des médecins du Québec, Les activités de procréation médicalement assistée – Démarche clinique et thérapeutique, Guide d’exercice 10/2015, p. 92, <http://cmq.org/publications-pdf/p-1-2015-11-18-fr-activites-de-procreation-medicalement-assistee.pdf> [consulté le 6 avril 2016]).

Dans la mesure où la loi ne prévoit pas de limite d’âge, ce seul critère ne saurait en soi justifier la négation du caractère efficace du traitement contre la stérilité et les troubles de la fertilité. Par ailleurs, il n’appartient pas au Tribunal fédéral de fixer un âge maximum. Les constatations médicales étant actuellement divergentes quant à l’éventuel moment à partir duquel une femme ne serait plus en capacité de procréer, il s’agit plutôt de procéder à une approche individualisée fondée sur les composantes cliniques propres à chaque patiente. On ne peut dès lors reprocher au DFI, en l’état actuel de la loi et de la doctrine médicale, d’avoir mal évalué l’efficacité du traitement, tel que le préconise l’art. 32 al. 1 LAMal, en ne mentionnant pas la condition de l’âge au ch. 3 de l’annexe 1 de l’OPAS.

Le médecin-conseil de la caisse-maladie a nié le droit au remboursement du traitement en raison principalement de l’âge de l’assurée. Or l’âge ne constitue pas à lui seul un critère valable pour démontrer l’inefficacité du traitement dont il est question. Dans le même sens, les dispositions de la SSMC invoquées par la caisse-maladie recourante selon lesquelles les traitements de stérilité chez une femme de plus de 40 ans ne sont pas pris en charge (<www.medecins-conseils.ch> sous Manuel/Gynécologie et obstétrique/Stérilité et infertilité – Traitement [consulté le 6 avril 2016]) ne lui sont d’aucun secours; elles ont été adoptées par une association de médecins-conseils et de médecins d’assurance, qui d’ailleurs ne mentionne pas les raisons de la fixation d’une telle limite d’âge. La caisse-maladie ne les a au demeurant pas appliquées lorsqu’elle a admis la prise en charge du premier traitement, alors que l’intimée était âgée de 43 ans. Les considérations du médecin-conseil sont du reste brèves et ne reprennent ni ne contredisent celles du médecin-traitant, la seule référence à la diminution du taux d’AMH (hormone antimüllérienne) entre mars 2011 et novembre 2012 étant insuffisante pour démontrer l’inefficacité du traitement en question.

La situation médicale de l’assurée au moment des inséminations artificielles refusées n’était pas suffisamment établie pour pouvoir apprécier les chances de succès du traitement. La juridiction cantonale ne disposait pas des éléments cliniques nécessaires sur lesquels elle pouvait se fonder – le cas échéant avec l’aide d’un expert médical – pour évaluer l’état de santé de l’assurée et, partant, se déterminer sur l’efficacité du traitement.

Dans la mesure où les valeurs médicales concernant le moment ici déterminant ne pourront pas ou plus être connues, l’assurée supportera le fardeau de la preuve. L’assurée avait suffisamment connaissance du fait que la caisse-maladie avait refusé de rembourser les frais du premier traitement déjà. La prise en charge de ces coûts avait finalement eu lieu au motif qu’une grossesse était en cours. Si l’assurée entendait faire changer la caisse-maladie d’avis à propos de l’influence de son âge avancé sur le deuxième traitement dont il était question, elle aurait dû être consciente de la nécessité de pouvoir disposer des valeurs actuelles, rendant vraisemblable le fait que son infertilité constituait une maladie (cf. arrêt K 62/05 du 3 octobre 2005 consid. 4).

 

Le TF accepte partiellement le recours de la caisse-maladie, renvoie la cause à la juridiction cantonale. Il lui appartiendra d’examiner si le traitement par insémination artificielle administré en mars et août 2012 remplissait le critère de l’efficacité d’un point de vue médical.

 

 

Arrêt 9C_435/2015 consultable ici : http://bit.ly/28RPWSx

 

Autre article à ce sujet :

Communiqué de presse du TF

 

6B_165/2015 (f) du 01.06.2016 – destiné à la publication – Grand excès de vitesse – Délit de chauffard – 90 al. 3 LCR – 90 al. 4 LCR / Eléments subjectifs de l’infraction à l’art. 90 al. 3 et 4 LCR – Changement de jurisprudence

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_165/2015 (f) du 01.06.2016, destiné à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/28PGq3l

 

Grand excès de vitesse – Délit de chauffard / 90 al. 3 LCR – 90 al. 4 LCR

Eléments subjectifs de l’infraction à l’art. 90 al. 3 et 4 LCR / Changement de jurisprudence

 

Le dimanche 16.06.2013 à 12h05, X.__ a circulé sur la route de Thonon, en direction de Genève, à la vitesse de 110 km/h alors que la vitesse était limitée à 50 km/h sur ce tronçon, commettant ainsi un dépassement de la vitesse autorisée de 54 km/h après déduction de la marge de sécurité de 6 km/h.

Dans le cas d’espèce, la question est de savoir si l’infraction est systématiquement réalisée sur le plan subjectif lorsque l’un des seuils de dépassement de vitesse fixés par l’art. 90 al. 4 LCR est atteint.

 

TF

L’art. 90 al. 3 LCR punit d’une peine privative de liberté d’un à quatre ans, celui qui, par une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation, accepte de courir un grand risque d’accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, que ce soit en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, en effectuant des dépassements téméraires ou en participant à des courses de vitesse illicites avec des véhicules automobiles.

A teneur de l’art. 90 al. 4 LCR, l’al. 3 est toujours applicable lorsque la vitesse maximale autorisée a été dépassée: d’au moins 40 km/h, là où la limite était fixée à 30 km/h (let. a); d’au moins 50 km/h, là où la limite était fixée à 50 km/h (let. b); d’au moins 60 km/h, là où la limite était fixée à 80 km/h (let. c); d’au moins 80 km/h, là où la limite était fixée à plus de 80 km/h (let. d).

L’art. 90 al. 3 et 4 LCR, entré en vigueur le 1 er janvier 2013, consacre une troisième catégorie d’infraction aux règles de la circulation routière sous la forme d’un crime (cf. l’art. 90 al. 1 LCR constituant une contravention et l’art. 90 al. 2 LCR un délit).

Sur le plan subjectif, l’art. 90 al. 3 LCR déroge à l’art. 100 ch. 1 LCR et limite la punissabilité à l’intention. Celle-ci doit porter sur la violation des règles fondamentales de la circulation routière ainsi que sur le risque d’accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort (cf. Message du 9 mai 2012 concernant l’initiative populaire  » Protection contre les chauffards « , FF 2012 5067 ch. 3.3; PHILIPPE WEISSENBERGER, Kommentar Strassenverkehrsgesetz und Ordnungsbussengesetz: mit Änderungen nach Via Sicura, 2 e éd. 2015, n° 58 s. ad art. 90 LCR et références citées).

Si l’on comprend sans ambiguïté du texte légal que l’atteinte de l’un des seuils énumérés à l’al. 4 constitue toujours un cas d’excès de vitesse particulièrement important au sens de l’art. 90 al. 3 LCR, le libellé de l’al. 4 n’est pas absolument clair s’agissant des autres conditions de réalisation de l’infraction.

Il résulte de l’interprétation historique de l’art. 90 al. 3 et 4 LCR qu’en cas de dépassement de vitesse particulièrement important, le juge est lié par la définition d’un chauffard et ne peut que constater la réalisation des éléments objectifs de l’infraction, quelles que soient les circonstances. S’il apparaît que le législateur a également souhaité fortement restreindre le pouvoir d’appréciation du juge quant aux éléments subjectifs de l’infraction, celui-ci en conserve une partie (cf.  » pas laissée à la  seule appréciation du juge « ) et doit s’assurer que l’auteur a agi intentionnellement ou du moins par dol éventuel.

Du point de vue systématique, il sied de relever que l’art. 90 al. 3 LCR limite expressément la punissabilité à l’intention, ce en dérogation à l’art. 100 ch. 1, 1ère phrase, LCR. Quant à l’art. 90 al. 4 LCR, il ne contient ni énoncé de fait légal ni sanction et dépend dès lors directement de l’al. 3. Dans la mesure où l’al. 4 ne saurait trouver application de manière autonome, une lecture globale de l’art. 90 al. 3 et 4 LCR s’impose. Dans ce sens, HANS GIGER qualifie l’art. 90 al. 3 LCR de norme principale contenant tant une clause générale que des conditions subjectives et voit dans l’art. 90 al. 4 LCR une norme subordonnée concrétisant un cas d’application de l’al. 3, sans toutefois contenir de condition subjective (HANS GIGER, SVG, Kommentar, 8e éd. 2014, n° 39 s. ad art. 90 LCR [ci-après: Kommentar]; LE MÊME, Z ur Entemotionalisierung der Raserproblematik: Kritik an der verfehlten Neuregelung in der Strassenverkehrsgesetzgebung, Jusletter du 4 mars 2013, n° 23 [ci-après: Jusletter]).

Cette interdépendance des normes plaide en faveur d’un examen des conditions subjectives dans chaque cas de figure mentionné de manière exemplative à l’al. 3 (notamment le dépassement de vitesse particulièrement important au sens de l’al. 4) comme pour les autres comportements susceptibles d’être couverts par la disposition, ce à l’instar des autres infractions intentionnelles de la LCR (art. 100 ch. 1, 1ère phrase, LCR  a contrario).

Par ailleurs, si l’art. 90 al. 4 LCR dépend de l’al. 3, il n’est pas exclu que l’al. 3 trouve application de manière autonome lors d’un dépassement de vitesse important inférieur aux valeurs indicatives de l’al. 4. Dans ce sens, certains auteurs estiment qu’un tel dépassement peut, selon les circonstances, constituer une violation grave qualifiée des règles de la circulation en vertu de l’art. 90 al. 3 LCR (CÉDRIC MIZEL, Le délit de chauffard et sa répression pénale et administrative, PJA 2013 189, p. 196, lequel, pour illustrer son propos, mentionne l’exemple d’un excès de vitesse de 40 km/h sur un tronçon limité à 50 km/h à la pause de midi, devant une école, à proximité d’un bus scolaire d’où descendent des enfants en courant; JÜRG BOLL, Verkehrsstrafrecht nach der Via Sicura, Circulation routière 4/2014, p. 7).

Cela étant, il n’y a pas de raison qu’un conducteur commettant un dépassement de vitesse particulièrement important appréhendé par l’al. 4 soit traité différemment, sous l’angle de l’intention, que celui commettant un excès de vitesse particulièrement dangereux du point de vue des circonstances ou un dépassement téméraire au sens de l’al. 3.

En conséquence, du point de vue de la cohérence législative, le simple renvoi de l’art. 90 al. 4 LCR à l’al. 3 ne permet pas non plus de s’affranchir de la question de la réalisation des aspects subjectifs de l’infraction lors d’un dépassement particulièrement important de la limitation de vitesse.

 

L’art. 90 al. 3 et 4 LCR érige au rang de crime la violation grave qualifiée intentionnelle d’une règle de la circulation routière en la punissant d’une peine privative de liberté de un à quatre ans. Le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur (art. 47 al. 1, 1ère phrase, CP); la culpabilité étant déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP). Du point de vue subjectif, outre les motivations et les buts de l’auteur, l’intensité de sa volonté délictuelle doit être prise en compte (cf. ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 p. 66 s.). Or la détermination de l’intensité de la volonté délictuelle dépend du caractère intentionnel de l’acte. Aussi, la fixation de la peine dans le cadre légal fixé par l’art. 90 al. 3 et 4 LCR implique nécessairement l’examen des éléments subjectifs de l’infraction, la culpabilité étant une composante de la peine.

De manière quasi unanime, la doctrine considère qu’au regard des principes de droit pénal et constitutionnels, le « délit de chauffard » appréhendé par l’art. 90 al. 3 LCR ne saurait se résumer à la seule constatation d’un excès de vitesse particulièrement important au sens de l’al. 4; la réalisation des conditions subjectives demeurant nécessaire dans un tel cas de figure. Une partie de la doctrine déduit de la formulation de l’art. 90 al. 4 LCR, qu’en cas de dépassement d’un des seuils énumérés aux let. a-d, seules les conditions objectives de l’art. 90 al. 3 LCR sont réalisées.

Certains auteurs illustrent, au regard des principes de culpabilité et de punissabilité, la nécessité d’examiner le caractère intentionnel de la violation grave qualifiée des règles de la circulation routière en envisageant diverses situations. Ils évoquent notamment l’hypothèse d’une défaillance technique du véhicule (dysfonctionnement des freins ou du tempomat) ou d’une pression extérieure (prise d’otage, menaces). Quelques auteurs mentionnent l’hypothèse d’une conduite d’urgence à l’hôpital. Il est également fait état de situations dans lesquelles la limitation de vitesse était improbable sur le tronçon concerné ou difficilement reconnaissable.

Aucune méthode d’interprétation de l’art. 90 al. 3 et 4 LCR ne permet de retenir l’existence d’une présomption légale irréfragable en faveur de la réalisation des conditions subjectives de l’al. 3 en cas d’excès de vitesse visé à l’al. 4 let. a-d. En effet, par son texte et sa définition, l’art. 90 al. 3 et 4 LCR part de l’idée que chaque dépassement de la vitesse maximale au sens de l’al. 4 constitue une violation grave qualifiée intentionnelle des règles de la circulation routière, sans toutefois poser de présomption irréfragable. La volonté claire et expresse du législateur vise à punir sévèrement les dépassements importants de la limitation de vitesse au sens de l’art. 90 al. 4 LCR, et de restreindre le pouvoir d’appréciation du juge quant à la définition du chauffard et à la peine, étant précisé que l’intention doit être donnée. L’interprétation systématique de la disposition impose l’examen, par le juge, de la réalisation de l’aspect subjectif de l’infraction. De même, l’approche téléologique exclut l’existence d’une présomption irréfragable selon laquelle un excès de vitesse particulièrement important au sens de l’art. 90 al. 4 LCR relèverait nécessairement de l’intention.

Au regard de la jurisprudence publiée rendue à ce jour et afin de garantir une certaine sécurité juridique, notamment en lien avec les répercussions administratives d’une violation grave qualifiée à la LCR, il y a lieu de retenir que celui qui commet un excès de vitesse appréhendé par l’art. 90 al. 4 LCR commet objectivement une violation grave qualifiée des règles de la circulation routière au sens de l’art. 90 al. 3 LCR et réalise en principe les conditions subjectives de l’infraction. Du point de vue subjectif, il sied de partir de l’idée qu’en commettant un excès de vitesse d’une importance telle qu’il atteint les seuils fixés de manière schématique à l’art. 90 al. 4 LCR, l’auteur a, d’une part, l’intention de violer les règles fondamentales de la circulation et accepte, d’autre part, de courir un grand risque d’accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort (cf. ATF 140 IV 133 consid. 4.2.1 p. 138 et 139 IV 250 consid. 2.3.1 p. 253).

En effet, il faut considérer que l’atteinte d’un des seuils visés à l’art. 90 al. 4 LCR implique généralement l’impossibilité d’éviter un grand risque d’accident en cas d’obstacle ou de perte de maîtrise du véhicule. Cependant, compte tenu des résultats des différentes approches historique, systématique et téléologique, il ne peut être exclu que certains comportements soient susceptibles de réaliser les conditions objectives de la violation grave qualifiée des règles de la circulation routière sans toutefois relever de l’intention. Conformément à l’avis unanime de la doctrine, le juge doit conserver une marge de manœuvre, certes restreinte, afin d’exclure, dans des constellations particulières, la réalisation des conditions subjectives lors d’un dépassement de vitesse particulièrement important au sens de l’art. 90 al. 4 LCR.

Partant, la jurisprudence publiée ayant trait aux conditions d’application de l’art. 90 al. 3 et 4 LCR est précisée dans le sens de ce qui précède.

 

 

Arrêt 6B_165/2015 consultable ici : http://bit.ly/28PGq3l

 

Autre article à ce sujet : Communiqué de presse du TF

 

 

NB : je ne peux que conseiller au praticien de lire l’arrêt – riche de détails – dans son intégralité.

 

 

6B_756/2015 (f) du 03.06.2016 – destiné à la publication – Entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire – 91a al. 1 LCR / Après un accident les chauffeurs doivent toujours s’attendre à être soumis à alcootest

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_756/2015 (f) du 03.06.2016, destiné à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/28PFXxX

Communiqué de presse du TF, 23.06.2016 : http://bit.ly/28SuqAg

 

 

Entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire / 91a al. 1 LCR

Après un accident les chauffeurs doivent toujours s’attendre à être soumis à alcootest

 

Le Tribunal fédéral précise sa jurisprudence relative aux circonstances justifiant une condamnation pour entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire. A la suite des modifications législatives intervenues ces dernières années, les conducteurs de véhicules à moteur impliqués dans un accident doivent toujours s’attendre à être soumis à un alcootest. Une exception est envisageable lorsque l’accident est indubitablement imputable à une cause totalement indépendante du conducteur.

 

En 2014, un conducteur vaudois est entré en collision avec un sanglier. Après l’accident, il a bu 20 millilitres d’un médicament à forte teneur en alcool (Carmol). Il a ensuite circulé sur une centaine de mètres avant d’arrêter sa voiture sur un sentier et d’appeler la gendarmerie. Il a été reconnu coupable d’entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire, au motif que sa consommation d’alcool après l’accident a rendu impossible la constatation de l’alcoolémie au moment déterminant, et condamné à une peine pécuniaire assortie du sursis ainsi qu’à une amende.

Le Tribunal fédéral rejette le recours de l’intéressé. En vertu de la loi sur la circulation routière, se rend coupable d’entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire notamment le conducteur d’un véhicule automobile qui s’oppose ou se dérobe intentionnellement à un contrôle de l’alcoolémie. Tel peut être le cas lorsqu’un conducteur viole son obligation d’aviser la police ou lorsque, comme en l’espèce, il consomme de l’alcool après l’accident. Jusqu’à présent la jurisprudence soumettait une condamnation pour entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire à la suite d’un accident à la condition que le conducteur ait dû s’attendre avec une haute vraisemblance à ce qu’une mesure visant à établir son alcoolémie soit ordonnée. Le Tribunal fédéral précise sa jurisprudence dans le sens que les conducteurs doivent désormais après un accident toujours s’attendre à ce qu’un alcootest soit ordonné. Une exception n’est envisageable que si l’accident est indubitablement imputable à une cause totalement indépendante du conducteur. Cette modification de la jurisprudence est la conséquence de l’évolution au cours de ces dernières années de la législation relative aux contrôles de l’alcoolémie. Cette évolution étend le champ des situations dans lesquelles des mesures destinées à déterminer l’alcoolémie des usagers de la route peuvent être ordonnées. Les conducteurs peuvent maintenant être soumis à des tests préliminaires pour déterminer s’il y a eu consommation d’alcool même en l’absence d’indices indiquant qu’ils sont pris de boisson. La police peut procéder à de tels tests de manière systématique.

 

 

Arrêt 6B_756/2015 consultable ici : http://bit.ly/28PFXxX

Communiqué de presse du TF, 23.06.2016 : http://bit.ly/28SuqAg

 

 

6B_165/2015 (f) du 01.06.2016 – destiné à la publication – Changement de jurisprudence en lien avec le comportement de chauffard / 90 al. 3 LCR – 90 al. 4 LCR

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_165/2015 (f) du 01.06.2016, destiné à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/28PGq3l

Communiqué de presse du TF, 22.06.2016 : http://bit.ly/28P3TFh

 

 

Changement de jurisprudence en lien avec le comportement de chauffard / 90 al. 3 LCR – 90 al. 4 LCR

 

Le Tribunal fédéral modifie sa jurisprudence relative au « comportement de chauffard » en vigueur depuis 2013. Tout dépassement particulièrement important des limitations de vitesse fixées dans la disposition topique ne réalise pas nécessairement l’infraction. Certes, il sied de partir en règle générale de l’idée qu’en commettant un tel excès de vitesse l’auteur agit avec intention. Toutefois, contrairement à ce que retient un précédent arrêt du Tribunal fédéral, le juge doit conserver une marge de manœuvre restreinte afin d’exclure, dans des circonstances particulières, l’existence d’un comportement intentionnel.

 

Dans le cadre du programme d’action pour plus de sécurité sur les routes « Via sicura », des nouvelles dispositions en lien avec les délits de chauffard ont été introduites en 2013 dans la loi sur la circulation routière (article 90 alinéas 3 et 4 LCR). Ces dispositions érigent au rang de crime la violation grave qualifiée des règles de circulation, lors de dépassements de la vitesse maximale autorisée atteignant certains seuils (au moins 40 km/h pour une vitesse maximale de 30 km/h; 50 km/h pour une vitesse maximale de 50 km/h; 60 km/h pour une vitesse maximale de 80 km/h et 80 km/h pour une vitesse maximale de plus de 80 km/h). Dans ces cas, le permis de conduire est retiré pour une durée minimale de deux ans et la sanction pénale s’élève à minimum un an de peine privative de liberté.

Dans le cas concret, un conducteur automobile du canton de Genève a dépassé de 54 km/h la limitation de vitesse signalée à 50 km/h. Il a été condamné à une peine privative de liberté d’un an avec sursis en application de l’article 90 alinéas 3 et 4 LCR. Il allègue devant le Tribunal fédéral, ne pas avoir agi intentionnellement en commettant l’excès de vitesse. Ainsi, au lieu d’être condamné pour délit de chauffard, il devait, selon lui, être condamné pour violation grave des règles de la circulation routière, à une peine pécuniaire avec sursis.

Le Tribunal fédéral rejette le recours, tout en modifiant sa jurisprudence. Selon un précédent arrêt du Tribunal fédéral (arrêt 1C_397/2014, communiqué de presse du 23 décembre 2014), il faut nécessairement considérer qu’en cas d’excès de vitesse particulièrement important constituant un « comportement de chauffard », le conducteur agit intentionnellement et réalise donc les conditions de l’infraction. Une telle appréciation de la norme, selon laquelle, en vertu d’une présomption légale irréfragable, le comportement est nécessairement intentionnel, ne saurait être suivie. Certes, il sied de partir en règle générale de l’idée que le conducteur qui commet un excès de vitesse tel qu’il constitue un « comportement de chauffard » agit avec intention. Toutefois, il ne peut être exclu que certains dépassements de vitesse particulièrement importants impliquant un « comportement de chauffard » ne relèvent pas de l’intention du conducteur, de sorte que le délit de chauffard n’est pas réalisé. Le juge doit ainsi conserver une marge de manœuvre restreinte afin d’exclure, dans des circonstances particulières, le comportement intentionnel de l’auteur. De telles circonstances ne ressortent pas du cas concret. Le changement de jurisprudence résulte d’une interprétation complète de la disposition topique. Les approches fondées sur le texte de la norme, sur sa genèse, sur la systématique légale et le but et l’esprit du « comportement de chauffard » ont été prises en compte, ainsi que les critiques émises par la doctrine à l’égard de l’approche retenue dans l’arrêt rendu précédemment par le Tribunal fédéral. Une procédure d’échange de vues a été mise en œuvre entre les cours intéressées du Tribunal fédéral pour clarifier la présente question juridique (en vertu de l’article 23 de la loi sur le Tribunal fédéral).

 

 

Arrêt 6B_165/2015 consultable ici : http://bit.ly/28PGq3l

Communiqué de presse du TF, 22.06.2016 : http://bit.ly/28P3TFh

 

 

9C_570/2015 (f) du 06.06.2016 – Assurance obligatoire des soins – Caractère économique et garantie de la qualité des prestations – Polypragmasie – 56 LAMal / Obligation de restitution du médecin – 59 LAMal

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_570/2015 (f) du 06.06.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1QeeEkx

 

Assurance obligatoire des soins – Caractère économique et garantie de la qualité des prestations – Polypragmasie – 56 LAMal

Obligation de restitution du médecin – 59 LAMal

 

Docteur en médecine titulaire d’une spécialisation en psychothérapie déléguée, exploite un cabinet médical. Elle a été à plusieurs reprises avertie par santésuisse que la facturation de ses honoraires dépassait de façon notable celle de ses confrères et qu’elle était susceptible de l’exposer au remboursement des coûts causés par sa pratique non économique. Invitée à se déterminer, la doctoresse a justifié la différence des coûts par la spécificité de sa patientèle (moyenne d’âge de ses patients plus élevée et patients nécessitant des traitements médicamenteux onéreux) et de sa pratique (psychothérapie déléguée et propharmacie).

 

TF

Polypragmasie

Selon l’art. 56 LAMal, le fournisseur de prestations doit limiter ses prestations à la mesure exigée par l’intérêt de l’assuré et le but du traitement (al. 1). La rémunération des prestations qui dépassent cette limite peut être refusée. Le fournisseur de prestations peut être tenu de restituer les sommes reçues à tort au sens de la LAMal (al. 2).

En vertu de l’art. 59 al. 1 LAMal, les fournisseurs de prestations qui ne respectent pas les exigences relatives au caractère économique et à la garantie de la qualité des prestations qui sont prévues dans la loi (art. 56 et 58 LAMal) ou dans un contrat font l’objet de sanctions, dont notamment la restitution de tout ou partie des honoraires touchés pour des prestations fournies de manière inappropriée (let. b). Bien qu’elle soit désignée sous le terme de « sanction », l’obligation de restitution des honoraires ne présuppose aucune faute de la part du fournisseur de prestation (ATF 141 V 25 consid. 8.4 p. 29). Le Tribunal arbitral au sens de l’art. 89 LAMal prononce la sanction appropriée sur proposition d’un assureur ou d’une fédération d’assureurs (art. 59 al. 2 LAMal).

 

Méthodes d’examen pour l’établissement de l’existence d’une polypragmasie

Les méthodes statistique et analytique ou une combinaison de ces deux méthodes sont admises par le Tribunal fédéral pour établir l’existence d’une polypragmasie (« Überarztung »). Si les tribunaux arbitraux restent en principe libres de choisir la méthode d’examen, la préférence doit néanmoins être donnée à la méthode statistique par rapport à la méthode analytique qui est en règle générale appliquée seulement lorsque des données fiables pour une comparaison des coûts moyens font défaut (arrêt 9C_260/2010 du 27 décembre 2011 consid. 4.2 et les références, in SVR 2012 KV n° 12 p. 43). A la différence de la méthode analytique qui a les défauts d’être coûteuse, difficile à réaliser à large échelle et mal adaptée lorsqu’il s’agit de déterminer l’ampleur de la polypragmasie et le montant à mettre à la charge du médecin concerné, la méthode statistique permet un examen anonyme, standardisé, large, rapide et continu de l’économicité (ATF 136 V 415 consid. 6.2 p. 417 et les références).

La méthode statistique ou de comparaison des coûts moyens consiste à comparer les coûts moyens causés par la pratique du médecin concerné avec ceux causés par la pratique d’autres médecins travaillant dans des conditions semblables. Pour que cette méthode puisse être appliquée, il faut que les bases de comparaison soient sensiblement identiques et que la comparaison s’étende sur une période suffisamment longue, afin de réduire plus ou moins les éventuelles différences qui peuvent se présenter. Il convient de parler de polypragmasie lorsque les notes d’honoraires communiquées par un médecin à une caisse maladie sont, en moyenne, sensiblement plus élevées que celles d’autres médecins relevant de la même spécialité, exerçant dans la même région et disposant d’une patientèle similaire, sans que des circonstances particulières ne puissent justifier cette différence. On ne saurait toutefois inférer d’un dépassement de la valeur statistique de référence (indice de 100) l’existence d’une pratique médicale non économique. Il convient d’accorder au médecin une marge de tolérance ainsi que, le cas échéant, un supplément sur cette marge de tolérance permettant d’intégrer les spécificités d’une pratique médicale. Selon la jurisprudence, cette marge de tolérance doit se situer entre un indice de 120 et de 130 (ATF 137 V 43 consid. 2.2 p. 45 et les références). Les résultats fournis par la méthode statistique ne constituent toutefois pas une présomption irréfragable, dans la mesure où le médecin concerné a toujours la possibilité de justifier une pratique plus onéreuse que celle de ses confrères appartenant à son groupe de comparaison (ATF 136 V 415 consid. 6.2 p. 417 et les références).

L’obligation de restitution fondée sur l’art. 59 al. 1 let. b LAMal ne peut englober que les coûts directement liés à la pratique du médecin (y compris les médicaments délivrés par lui; ATF 137 V 43 consid. 2.5 p. 47). L’exclusion des coûts indirects de l’obligation de restitution n’enlève rien au fait que l’examen du caractère économique de la pratique médicale doit se faire – dans un premier temps – sur la base d’une appréciation globale de la situation. Ne constitue pas par exemple une pratique médicale contraire au principe de l’économicité la pratique qui, tout en étant à l’origine d’importants coûts directs, engendre des coûts indirects limités et des coûts globaux (directs et indirects) dans la moyenne, voire inférieurs à celle-ci – parce que le médecin concerné conduit personnellement de nombreux traitements qu’un autre médecin aurait délégué en principe à des tiers (ATF 137 V 43 consid. 2.5.6 p. 49). Autrement dit, si l’indice des coûts globaux (directs et indirects) se situe dans la marge de tolérance, le principe d’économicité n’est pas violé. Dans le cas contraire, il convient d’examiner – dans un second temps – si les coûts directs dépassent la marge de tolérance. Si tel n’est pas le cas, il n’existe aucune obligation de restitution malgré l’existence d’une pratique médicale non économique (ATF 137 V 43 consid. 3.1 p. 49). Des sanctions au sens de l’art. 59 al. 1 let. a, c ou d LAMal peuvent néanmoins s’imposer (ATF 137 V 43 consid. 2.5.4 p. 48; arrêt 9C_110/2012 du 5 juillet 2012 consid. 4.1).

 

Cas d’espèce – Exercice de la psychothérapie déléguée

D’après la jurisprudence, une psychothérapie déléguée n’est susceptible d’être prise en charge par l’assurance obligatoire des soins que si l’exécution du traitement psychothérapeutique a lieu dans le cabinet du médecin et sous la surveillance et la responsabilité de celui-ci et pour autant qu’il s’agisse d’une mesure qui peut faire l’objet d’une délégation à un thérapeute non médecin (psychologue ou psychothérapeute), compte tenu des règles de la science médicale, de l’éthique professionnelle et des circonstances concrètes du cas (ATF 125 V 284 consid. 2a p. 286; voir également arrêt K 111/00 du 23 janvier 2001 consid. 2a, in SVR 2001 KV n° 46 p. 133). Dans ce cadre, le médecin doit exécuter personnellement tous les actes strictement médicaux nécessités par la psychothérapie, soit en particulier le diagnostic, le choix et les modifications de la thérapie proprement dite ou la prescription de médicaments. Le médecin ne peut donc déléguer au thérapeute que l’exécution du traitement psychologique qu’il a lui-même déterminé. Le thérapeute doit travailler sous la direction et la responsabilité du médecin, qui doit l’instruire et le surveiller correctement. Tout au long de la thérapie, le médecin doit conserver un contact personnel suffisamment intense avec le patient et pouvoir, si nécessaire, intervenir immédiatement ou revenir sur les mesures ordonnées (ATF 114 V 266 consid. 2a p. 270; voir également ARIANE MORIN, Les rapports contractuels dans la psychothérapie déléguée, in Assurance sociale, responsabilité de l’employeur, assurance privée. Psychothérapie déléguée. LAMal: soins à domicile, soins en EMS, 2005, p. 181 s.).

L’art. 3 OPAS fixe le nombre de séances qui sont obligatoirement à la charge de l’assurance. Au-delà du chiffre fixé dans l’ordonnance (soixante du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2006, dix du 1er janvier 2007 au 30 juin 2009 et quarante depuis le 1er juillet 2009), le médecin-traitant doit requérir l’approbation de l’assureur. D’après la jurisprudence, une pratique non économique constitutive de polypragmasie doit être niée dans le cas où les traitements ont été pour la plupart approuvés de manière spécifique par les assureurs (respectivement par les médecins-conseil de ceux-ci). Les approbations ne représentent pas seulement des garanties de remboursement des coûts, mais comprennent également la confirmation du caractère économique du traitement correspondant (arrêt K 172/97 du 23 avril 1999 consid. 5e, in RAMA 1999 n° K 994 p. 320).

In casu, il convient d’admettre que la psychothérapie déléguée constitue une pratique dont l’exercice revêt des caractéristiques particulières, en tant qu’elle implique des obligations liées au suivi du traitement délégué qui conduisent nécessairement à consacrer plus de temps au patient concerné. Indépendamment du nombre de cas traités au regard de l’ensemble de la patientèle, les actes qui relèvent de la psychothérapie déléguée ne sauraient être assimilés à ceux qui relèvent de la médecine générale. L’examen de l’économicité de la pratique de la doctoresse implique par conséquent une analyse séparée des actes relevant spécifiquement de la psychothérapie déléguée et des actes relevant plus généralement de la médecine générale.

Cela étant, il convient de préciser qu’il n’y a pas lieu de dissocier de l’ensemble des cas relevant de la médecine générale ceux des patients qui font l’objet d’une prise en charge essentiellement psychologique (sans psychothérapie déléguée). La prise en charge de troubles psychiques constitue en effet un élément central de la pratique du médecin généraliste et ne justifie par conséquent pas, par principe, qu’elle soit considérée comme une particularité de cette pratique.

 

Cas d’espèce – Propharmacie

La propharmacie, en tant qu’elle permet à un médecin de tenir une pharmacie privée et de délivrer directement des médicaments à ses patients, ne saurait constituer, en soi, une pratique à l’origine de coûts importants. Dans la mesure où les médicaments prescrits sont englobés dans les coûts globaux liés à la pratique du médecin, il importe peu qu’ils soient remis directement par le médecin ou par l’intermédiaire d’un pharmacien. Il semblerait au contraire que cette pratique devrait, d’un point de vue général, aboutir à une diminution des coûts, dès lors que certaines prestations spécifiques du pharmacien n’ont pas à être rémunérées (cf. art. 4a OPAS).

Il n’en demeure pas moins que la pratique de la propharmacie a pour effet que les médicaments délivrés directement par le médecin sont inclus dans son indice des coûts directs, ce qui peut aboutir à de très nettes différences par rapport à des médecins pour qui la remise de médicament ne constitue qu’une pratique marginale. Il n’est par conséquent pas possible d’inclure dans le même groupe de comparaison des médecins avec et des médecins sans pratique de la propharmacie (sur la question, voir GEBHARD EUGSTER, KVG: Statistische Wirtschaftlichkeitsprüfung im Wandel, in Jusletter du 25 juin 2012 n. 76 ss).

Au surplus, il convient de s’assurer que les médicaments en question relèvent directement de la pratique du médecin concerné. Il n’est pas rare en effet que pour des raisons pratiques, un médecin propharmacien remette à ses patients des médicaments dispensés sur ordonnance par un tiers médecin. Ces médicaments doivent être déduits des médicaments délivrés directement par le médecin.

 

Arrêt 9C_570/2015 consultable ici : http://bit.ly/1QeeEkx

 

 

ESS 2012 : Lettre circulaire AI no 349, complément à la lettre circulaire AI no 328

ESS 2012 : Lettre circulaire AI no 349, complément à la lettre circulaire AI no 328

 

Lettre circulaire AI n° 349 consultable ici : http://bit.ly/28Ktv62

 

Dans un arrêt rendu récemment, le Tribunal fédéral confirme que l’ESS 2012 est reconnue comme moyen de preuve pour déterminer les revenus à comparer conformément à l’art. 16 LPGA. Ses tableaux sont donc utilisés d’office dans tous les cas de première évaluation de l’invalidité, pour les premières demandes, ainsi que dans les procédures de révision (arrêt 9C_632/2015 du 4 avril 2016, consid. 2.5.7, publication aux ATF prévue).

Le Tribunal fédéral souligne toutefois que les rentes d’invalidité en cours, entrées en force sur la base de l’ESS 2010 ou d’une version antérieure, ne peuvent être révisées uniquement suite à l’application de l’ESS 2012 (consid. 2.5.8.1). L’ESS 2012 n’est pas un motif de révision, car elle ne constitue pas une modification de la situation personnelle de l’assuré (cf. ATF 133 V 545).

Mais en présence de modifications qui sont de nature à influer sur le taux d’invalidité et donc sur le droit à la rente, il y a lieu de procéder à une révision et, selon la jurisprudence en vigueur, rien ne s’oppose à un examen complet, en droit et en fait, du droit à la rente (ATF 117 V 198). S’il existe ainsi un motif de révision, il est admissible de recourir à l’ESS 2012, dans le cadre d’un examen complet, pour procéder à la comparaison des revenus.

Il sera tenu compte de ces considérations lors d’un prochain remaniement de la CIIAI.

 

Lettre circulaire AI n° 349 consultable ici : http://bit.ly/28Ktv62