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8C_53/2016 (f) du 09.11.2016 – Notion d’accident niée – Dommage dentaire – 4 LPGA / Caillou dans les morilles achetées dans un commerce

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_53/2016 (f) du 09.11.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2gMDI4Q

 

Notion d’accident niée – Dommage dentaire / 4 LPGA

Caillou dans les morilles achetées dans un commerce

 

Assuré se casse une dent en mangeant des morilles le 11.02.2015. Dans sa déclaration d’accident, il a indiqué qu’un grain de sable s’était infiltré dans une dent de la mâchoire supérieure droite et l’avait cassée. Lors de l’opposition, il a expliqué, en rapport avec l’élément dur à l’origine de sa lésion, qu’il s’agissait d’un caillou, lequel se trouvait dans une sauce, à l’intérieur d’une morille, et que celle-ci provenait d’un paquet de morilles séchées acheté au supermarché.

La décision de refus a été confirmée sur opposition, par l’assureur-accidents, motif pris de l’absence de cause extérieure extraordinaire.

 

Procédure cantonale

Les juges cantonaux ont retenu que l’assuré s’était brisé une dent en mangeant des morilles, dont une contenait un élément dur et exogène. Se référant à un devis dentaire établi le 5 mars 2015, ils ont admis que la dent brisée était parfaitement saine et exclu que l’atteinte fût due à un acte banal de mastication. En outre, contrairement à des morilles cueillies, une morille provenant d’un paquet fermé de morilles séchées acheté dans un supermarché n’était pas supposée contenir d’éléments ou de parties assez durs pour provoquer la lésion constatée par le médecin-dentiste. Dans ces conditions, l’attention de l’assuré pouvait être moindre. Aussi bien l’autorité cantonale a-t-elle admis l’existence d’un facteur extérieur extraordinaire.

Par jugement du 15.12.2015, acceptation du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).

Il résulte de la définition même de l’accident que le caractère extraordinaire de l’atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné, le cas échéant, des conséquences graves ou inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu’il excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et des situations que l’on peut, objectivement, qualifier de quotidiens ou d’habituels (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 p. 221; 129 V 402 consid. 2.1 p. 404; 121 V 35 consid. 1a p. 38).

Les lésions dentaires survenant lors de la mastication d’aliments revêtent le caractère d’accident lorsque les aliments contiennent un corps étranger dont la présence est extraordinaire. La dent ne doit pas nécessairement être parfaitement saine mais il suffit qu’elle remplisse normalement sa fonction de mastication (ATF 114 V 169 consid. 3b p. 170).

Dans ce contexte, la jurisprudence a admis par exemple que la présence d’un fragment de coquille de noix ou de noisette dans un pain aux noix, un gâteau aux noix, un croissant fourré ou un chocolat aux noisettes, est extraordinaire en dépit du fait qu’on ne peut jamais exclure totalement la présence d’un fragment de coquille dans ces aliments (arrêt 9C_553/2013 du 17 octobre 2013 consid. 2.2 et les références citées). L’existence d’un facteur extérieur extraordinaire a également été admise lorsqu’une personne se brise une dent sur un caillou en consommant une préparation de riz, même lorsque l’incident se produit à l’étranger dans un pays en voie de développement (arrêt U 165/98 du 21 avril 1999 consid. 3a, in RAMA 1999 n° U 349 p. 478) ou dans le cas d’une assurée qui s’est cassée une dent sur un noyau d’olive en mangeant un pain aux olives qu’elle avait confectionné avec des olives provenant d’un sachet indiquant pour contenu des  » olives dénoyautées  » dès lors qu’elle ne pouvait s’attendre à y trouver un noyau (arrêt 9C_985/2010 du 20 avril 2011 consid. 6.2). Il en va différemment lorsqu’une personne achète dans un magasin une pizza garnie d’olives sans qu’aucune précision ne soit fournie quant à celles-ci (arrêt U 454/04 du 14 février 2006 consid. 3.6). N’est pas non plus un accident le fait de se casser une dent en mangeant une tarte aux cerises non dénoyautées de sa propre confection (ATF 112 V 201 consid. 3c p. 205 s.). Dans ce cas, l’assuré pouvait s’attendre à trouver un noyau dans sa préparation. De même, la seule présence d’une noix ou d’une olive non dénoyautée dans une salade ne peut être considérée comme extraordinaire (arrêts 8C_750/2015 du 18 janvier 2016 consid. 5 et 8C_ 893/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3.5), tout comme le fait de trouver un reste de projectile en mangeant au restaurant de la viande de chasse (arrêt U 367/04 du 18 octobre 2005 consid. 4.3).

En l’espèce, l’assurance-accidents conteste le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Comparant le cas d’espèce au fait de trouver un os ou un éclat d’os dans un morceau de viande, des résidus de plomb dans du gibier ou un noyau dans une tarte aux cerises, elle soutient que le consommateur doit s’attendre à trouver des restes de sable ou des petits cailloux dans une morille, qu’elle soit fraîche ou séchée. A ce dernier propos, elle soutient que dans le commerce, les emballages de champignons séchés mettent en garde sur la présence de corps étrangers.

Il ne ressort pas des constatations de la cour cantonale que le paquet de morilles acheté contenait la mise en garde évoquée par l’assurance-accidents et, contrairement à ce que celle-ci semble soutenir, il ne s’agit pas d’un fait notoire (sur la notion de fait notoire cf. BERNARD CORBOZ, Commentaire de la LTF, 2 e éd. 2014, n° 13b ad art. 99 LTF). Cependant, il faut admettre avec l’assurance-accidents que, selon l’expérience générale de la vie, l’on peut s’attendre, en mangeant des morilles, à y trouver des petits fragments de pierre, dont la présence n’a rien d’extraordinaire, même lorsqu’elles sont achetées dans le commerce.

Dans ces conditions, l’incident ne peut être qualifié d’accident, faute de cause extérieure de caractère extraordinaire. L’assurance-accidents n’est donc pas tenue de prendre en charge les frais de traitement de la lésion dentaire.

 

Le TF accepte le recours de l’assurance-accidents et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_53/2016 consultable ici : http://bit.ly/2gMDI4Q

 

 

6B_665/2015 (f) du 15.09.2016 – Violation grave d’une règle de circulation – Perte de maîtrise du véhicule – mauvaises conditions météo – chaussée enneigées et passage récent du chasse-neige – 31 al. 1 LCR – 3 al. 1 OCR

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_665/2015 (f) du 15.09.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2gY7pxs

 

Violation grave d’une règle de circulation – 90 al. 2 LCR

Perte de maîtrise du véhicule – mauvaises conditions météo – chaussée enneigées et passage récent du chasse-neige – 31 al. 1 LCR – 3 al. 1 OCR

 

Le 28 décembre 2013, X.__ s’engageait sur la bretelle d’entrée de la H20 en direction de Neuchâtel et a perdu la maîtrise de son véhicule, lequel a zigzagué, traversant les deux voies de la circulation, puis a franchi la surface interdite au trafic, laquelle sépare la voie montante de la voie descendante, avant de s’immobiliser sur la voie de droite de la chaussée La Chaux-de-Fonds. Un choc s’est alors produit avec le véhicule conduit par B.__, qui circulait normalement sur la voie montante.

L’instruction n’a pas permis d’établir à quelle vitesse circulait X.__. Le soir de l’accident, les conditions météorologiques étaient mauvaises et la route enneigée. Les images prises par la caméra de surveillance ont révélé que le chasse-neige était passé sur le tronçon emprunté par X.__ à 19h37, que celle-ci l’avait suivi de près, à 19h38, et que c’est à ce moment-là qu’elle avait perdu la maîtrise de son véhicule. Aucun véhicule ne se trouvait entre le chasse-neige et celui de X.__.

 

TF

Violation grave d’une règle de circulation

D’un point de vue objectif, la violation grave d’une règle de circulation au sens de l’art. 90 al. 2 LCR suppose que l’auteur a mis sérieusement en danger la sécurité du trafic. Il y a création d’un danger sérieux pour la sécurité d’autrui non seulement en cas de mise en danger concrète, mais déjà en cas de mise en danger abstraite accrue (ATF 142 IV 93 consid. 3.1. p. 96; 131 IV 133 consid. 3.2 p. 136).

Subjectivement, l’état de fait de l’art. 90 al. 2 LCR exige, selon la jurisprudence, un comportement sans scrupules ou gravement contraire aux règles de la circulation, c’est-à-dire une faute grave et, en cas d’acte commis par négligence, à tout le moins une négligence grossière. Celle-ci doit être admise lorsque le conducteur est conscient du caractère généralement dangereux de son comportement contraire aux règles de la circulation. Mais une négligence grossière peut également exister lorsque, contrairement à ses devoirs, l’auteur ne prend absolument pas en compte le fait qu’il met en danger les autres usagers, en d’autres termes s’il se rend coupable d’une négligence inconsciente. Dans de tels cas, une négligence grossière ne peut être admise que si l’absence de prise de conscience du danger créé pour autrui repose elle-même sur une absence de scrupules (ATF 131 IV 133 consid. 3.2 p. 136).

En principe, il y a lieu de retenir une négligence grossière lorsque la violation des règles de la circulation routière est objectivement grave. L’absence de scrupules sera exceptionnellement niée lorsque les circonstances particulières du cas d’espèce font apparaître le comportement de l’auteur sous un jour plus favorable (arrêts 6B_441/2015 du 3 février 2016 consid. 2.2.1; 6B_290/2015 du 23 novembre 2015 consid. 2.2.1 et les références citées; cf. ATF 142 IV 93 consid. 3.1 p. 96 et les références citées).

Dans la mesure où le véhicule de X.__ était entré en collision avec celui qui venait en sens inverse, il y avait eu mise en danger concrète. De plus, les dégâts auraient pu être encore plus importants puisque le véhicule qui suivait B.__ avait évité de peu la collision.

X.__ n’avait pas suffisamment fait attention à adapter sa conduite aux conditions de la route et aux mauvaises conditions météorologiques. Bien que le chasse-neige soit passé devant elle, elle ne pouvait pas pour autant se permettre de relâcher sa vigilance. Ainsi, elle n’avait pas suffisamment pris en considération les risques d’accident et le fait qu’elle mettait en danger les autres usagers de la route. Dans la mesure où elle circulait de nuit sur une voie enneigée, elle aurait dû faire preuve d’une prudence accrue, cela d’autant plus qu’elle entrait sur l’autoroute où les véhicules roulent à une vitesse élevée, et que le trafic à cette heure-là, sans être dense, était régulier.

L’existence d’un sérieux danger pour la sécurité d’autrui au sens de l’art. 90 al. 2 LCR est retenue.

 

Perte de maîtrise du véhicule

A teneur de l’art. 31 al. 1 LCR, le conducteur devra rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence. L’art. 3 al. 1 OCR précise que le conducteur vouera son attention à la route et à la circulation. Le degré de l’attention requise par l’art. 3 al. 1 OCR s’apprécie au regard des circonstances d’espèce, telles que la densité du trafic, la configuration des lieux, l’heure, la visibilité et les sources de danger prévisibles (ATF 137 IV 290 consid. 3.6 p. 295 et les références citées).

Si les conditions météorologiques étaient mauvaises, la route venait d’être dégagée et salée par le chasse-neige, d’où il s’ensuivait que l’état glissant de la chaussé ne pouvait, seul, avoir provoqué la perte de maîtrise. Ces conditions exigeaient que les usagers de la route fassent preuve d’une prudence accrue. Le défaut d’attention de X.__ qui a engendré la perte de maîtrise, puis l’accident, apparaît particulièrement blâmable.

Le Tribunal fédéral a souvent qualifié de fautes graves les pertes de maîtrise avérées alors que les conditions de circulation requéraient une attention particulière, par exemple sur une autoroute détrempée (ATF 120 Ib 312 consid 4c p. 315 s.; arrêt 1C_249/2012 du 27 mars 2013 consid. 2.2.4) ou enneigée (arrêt 1C_38/2011 du 5 mai 2011 consid. 5).

Le TF conclut à une négligence grossière.

 

Le TF rejette le recours de l’automobiliste X.__.

 

 

Arrêt 6B_665/2015 consultable ici : http://bit.ly/2gY7pxs

 

 

9C_331/2016 (f) du 26.09.2016 – Compétence du tribunal cantonal en matière d’affiliation entre deux caisses de compensation / 56 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_331/2016 (f) du 26.09.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2gBgq3v

 

Compétence du tribunal cantonal en matière d’affiliation entre deux caisses de compensation / 56 LPGA

 

B.__ est employé de la société A.__ SA et administrateur de plusieurs sociétés genevoises. Ces sociétés sont affiliées auprès de la FER (ci-après: la caisse interprofessionnelle). La Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après la caisse cantonale) a, se fondant sur une communication de l’autorité fiscale, affilié d’office B.__ en tant que personne de condition indépendante dès le 01.01.2009; elle a par ailleurs fixé le montant des cotisations sociales personnelles dues par l’assuré pour les années 2009 à 2011. Le prénommé était en effet associé d’une « limited liability partnership » dénommée C.__, organisée selon le droit anglais.

Au vu de l’opposition de l’assuré, qui demandait à être rattaché à la caisse interprofessionnelle, la caisse cantonale l’a invité à lui faire parvenir la preuve de son affiliation à cette caisse pour l’activité indépendante litigieuse. Les 8 et 23 décembre 2014, l’assuré a produit la confirmation d’affiliation à titre rétroactif au 01.01.2009, délivrée par la caisse interprofessionnelle le 27.11.2014. La caisse cantonale a rejeté l’opposition.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/269/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2fwUAJi)

Par jugement du 05.04.2016, admission du recours de l’assuré par le tribunal cantonal.

 

TF

La caisse cantonale soutient qu’il appartenait à l’OFAS de trancher le conflit relatif à l’affiliation de l’assuré. Elle se prévaut de l’art. 64 al. 6 LAVS. Cet article prévoit qu’en dérogation à l’art. 35 LPGA (« Compétence »), les conflits relatifs à l’affiliation aux caisses sont tranchés par l’office compétent (l’OFAS). Une décision de celui-ci peut être requise par les caisses de compensation en cause et par l’intéressé dans les trente jours dès la réception de l’avis relatif à l’affiliation. La caisse cantonale ajoute que le chiffre 3001 des directives édictées par l’OFAS sur l’affiliation des assurés et des employeurs aux caisses de compensation (DAC) précise que les tribunaux cantonaux des assurances n’ont pas le pouvoir de se prononcer en matière d’affiliation aux caisses.

Comme le rappelle l’OFAS dans sa détermination, le Tribunal fédéral a déjà statué sur la compétence en matière d’affiliation entre deux caisses de compensation. Il a jugé sous l’empire de la législation antérieure à l’entrée en vigueur de la LPGA – en particulier de l’ancien art. 127, 1ère phrase, RAVS (« [l]es conflits relatifs à l’affiliation aux caisses sont tranchés par l’office fédéral », dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002) – que la compétence pour trancher le conflit relatif à l’affiliation d’un assuré revenait à l’OFAS avant qu’une décision matérielle ne fût prise (ATF 101 V 22 consid. 1 p. 23 et les références; arrêt H 175/99 du 31 août 2001 consid. 1a, in VSI 2001 p. 258). En revanche, lorsque la compétence d’une caisse de compensation pour décider de l’affiliation d’un assuré était contestée conjointement à la décision matérielle sur la fixation du montant des cotisations, le juge était compétent pour trancher l’ensemble du litige (arrêts H 176/79 du 6 avril 1981 consid. 2, I 629/82 du 19 septembre 1983 consid. 2a et H 117/95 du 25 avril 1996 consid. 2b; voir également les arrêts H 53/96 du 18 juin 1996 et H 119/99 du 9 mai 2000).

Cette jurisprudence garde toute sa pertinence sous l’empire de la LPGA. L’entrée en vigueur de cette loi, au 1er janvier 2003, n’a rien changé à la situation qui prévalait jusque-là. En effet, pour s’assurer de la continuité de la réglementation en vigueur (voir rapport de la Commission du Conseil national de la sécurité sociale et de la santé du 26 mars 1999 relatif au projet de LPGA, FF 1999 4424 ch. 67), le législateur fédéral a introduit l’art. 64 al. 6 LAVS, dont la teneur est similaire à l’ancien art. 127 RAVS (cf. ATF 141 V 191 consid. 3.1 p. 195; UELI KIESER, ATSG-Kommentar, 3ème éd. 2015, n° 25 ad art. 35) et abrogé cette disposition réglementaire.

Il s’ensuit que lorsqu’une caisse de compensation affilie une personne et fixe simultanément le montant des cotisations mises à la charge de celle-ci, le tribunal des assurances est compétent pour statuer sur l’ensemble du litige (art. 56 LPGA).

 

Selon les premiers juges, après avoir découvert que l’assuré exerçait une activité indépendante, la caisse cantonale a omis de lui impartir le délai de deux mois, prévu par le chiffre 2003 DAC, pour produire une attestation certifiant qu’il était membre d’une association fondatrice et versait les cotisations à la caisse interprofessionnelle. Dans ces circonstances, la situation de l’assuré ne relève pas d’un changement de caisse au sens de l’art. 121 RAVS, mais d’une affiliation initiale en tant que personne de condition indépendante (cf. art. 64 al. 1 LAVS).

 

Au demeurant, la caisse cantonale se borne à affirmer que l’assuré a choisi de s’affilier à la caisse interprofessionnelle dans le seul but de ne pas s’acquitter de ses cotisations à son égard. Elle ne discute en revanche pas sérieusement de l’intérêt important constaté par la juridiction cantonale en relation avec le fait que la caisse professionnelle en cause regroupe déjà l’ensemble des employeurs de l’assuré, celui-ci y étant ainsi également rattaché (cf. art. 64 al. 3 LAVS). On peut rappeler par ailleurs que l’art. 121 al. 2 RAVS ne doit pas être interprété de façon extensive, sous peine de donner la priorité aux caisses cantonales de compensation, ce que la loi ne permet pas (ATF 139 V 58 consid. 1.3 p. 60 et les références).

 

Le TF rejette le recours de la caisse cantonale de compensation.

 

 

Arrêt 9C_331/2016 consultable ici : http://bit.ly/2gBgq3v

 

 

8C_21/2016 (f) du 20.09.2016 – Causalité naturelle – 6 LAA / Valeur probante retenue pour expertise médicale du BEM

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_21/2016 (f) du 20.09.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2fJZyW1

 

Causalité naturelle / 6 LAA

Valeur probante retenue pour expertise médicale du BEM

 

 

TF

Le droit à des prestations découlant d’un accident assuré suppose d’abord, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 129 V 177 consid. 3.1 p. 181; 402 consid. 4.3.1 p. 406 et les arrêts cités). Pour admettre l’existence d’un lien de causalité naturelle, il n’est pas nécessaire que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte à la santé; il faut et il suffit que l’événement dommageable, associé éventuellement à d’autres facteurs, ait provoqué l’atteinte à la santé physique ou psychique de l’assuré, c’est-à-dire qu’il se présente comme la condition sine qua non de celle-ci. Savoir si l’événement assuré et l’atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l’administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d’ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l’appréciation des preuves dans l’assurance sociale. Ainsi, lorsque l’existence d’un rapport de cause à effet entre l’accident et le dommage paraît possible, mais qu’elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l’accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et 402 consid. 4.3.1 précités).

Selon une jurisprudence constante, lorsque des expertises confiées à des médecins indépendants sont établies par des spécialistes reconnus, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier et que les experts aboutissent à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 p. 469 s.; 122 V 157 consid. 1c p. 161). En présence d’avis médicaux contradictoires, le juge doit apprécier l’ensemble des preuves à disposition et indiquer les motifs pour lesquels il se fonde sur une appréciation plutôt que sur une autre. A cet égard, l’élément décisif pour apprécier la valeur probante d’une pièce médicale n’est en principe ni son origine, ni sa désignation sous la forme d’un rapport ou d’une expertise, mais bel et bien son contenu. Il importe, pour conférer pleine valeur probante à un rapport médical, que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu’il ait été établi en pleine connaissance de l’anamnèse, que la description du contexte médical et l’appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l’expert soient dûment motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 p. 232; 125 V 351 consid. 3a p. 352).

L’assurée soutient – à tort – que l’arthrose dégénérative antérieure à l’accident n’est pas à l’origine de ses douleurs, puisqu’avant l’accident elle était totalement asymptomatique. En effet, elle avait déjà été en incapacité partielle de travail pendant plusieurs années, en raison de douleurs liées à des myogéloses étagées. Au demeurant, on ne saurait retenir l’existence d’un lien de causalité du seul fait de l’absence de plaintes avant un événement accidentel (cf. ATF 119 V 335 consid. 2b/bb p. 341 s.).

 

Si l’assurée a effectivement présenté une lésion objectivable de nature accidentelle sous la forme d’une contusion osseuse, celle-ci s’était déjà résorbée avant que l’assurance-accidents ne mette fin aux prestations.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_21/2016 consultable ici : http://bit.ly/2fJZyW1

 

 

8C_192/2016 (f) du 22.09.2016 – Suspension de l’indemnité chômage pour recherches insuffisantes durant le délai de congé / 17 LACI – 30 LACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_192/2016 (f) du 22.09.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2fjzQHp

 

Suspension de l’indemnité chômage pour recherches insuffisantes durant le délai de congé / 17 LACI – 30 LACI

 

Assuré, ingénieur informatique, se fait licencier le 31.10.2014, avec effet au 31.12.2014. Il s’est inscrit à l’ORP le 06.11.2014 et a requis l’octroi d’indemnités de chômage à compter du 01.01.2015. L’ORP a suspendu le droit de l’assuré à l’indemnité de chômage pour une durée de huit jours en raison de l’absence de recherches d’emploi durant son délai de congé, soit en novembre et décembre 2014. Sur opposition, la durée de la suspension a été ramenée à quatre jours, l’assuré ayant effectué cinq recherches d’emploi pour le mois de novembre 2014 et aucune nouvelle démarche en décembre 2014.

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 114/15 – 14/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2fjymNo)

Malgré des recherches de qualité, limitées à seulement cinq postulations durant un délai de congé de deux mois, l’assuré n’avait pas effectué suffisamment de recherches d’emploi. En outre, il avait sensiblement relâché ses efforts à mesure que son chômage devenait imminent, en ne procédant à aucune nouvelle recherche en décembre 2014. Par conséquent, il n’avait pas déployé tous les efforts que l’on pouvait raisonnablement exiger de lui pour éviter ou diminuer son chômage, de sorte que la sanction infligée apparaissait justifiée.

Par jugement du 09.11.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 30 al. 1 let. c LACI, le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce que l’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable. Cette disposition doit être mise en relation avec l’art. 17 al. 1 LACI, aux termes duquel l’assuré qui fait valoir des prestations d’assurance doit entreprendre tout ce que l’on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter ou réduire le chômage (ATF 123 V 88 consid. 4c p. 96). Sur le plan temporel l’obligation de rechercher un emploi prend naissance avant le début du chômage. En conséquence l’assuré a le devoir de rechercher un emploi pendant son délai de congé, dès la signification de celui-ci (cf. ATF 139 V 524 consid. 2.1.2 p. 526). Le contrôle de l’ORP prévu à l’art. 26 al. 3 OACI porte donc également sur la période précédant le chômage (cf. BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 9 ss ad art. 17 LACI).

Pour trancher le point de savoir si l’assuré a fait des efforts suffisants pour trouver un travail convenable, il faut tenir compte aussi bien de la quantité que de la qualité des démarches entreprises (ATF 124 V 225 consid. 4a p. 231). Sur le plan quantitatif, la jurisprudence considère que dix à douze recherches d’emploi par mois sont en principe suffisantes (cf. ATF 124 V 225 précité consid. 6 p. 234; arrêt C 258/06 du 6 février 2007 consid. 2.2). On ne peut cependant pas s’en tenir de manière schématique à une limite purement quantitative et il faut examiner la qualité des démarches de l’assuré au regard des circonstances concrètes, des recherches ciblées et bien présentées valant parfois mieux que des recherches nombreuses (arrêt C 176/05 du 28 août 2006 consid. 2.2; RUBIN, op. cit., n° 26 ad. art. 17 LACI).

Il n’y a pas lieu d’opérer une distinction entre le nombre de recherches d’emploi à effectuer durant une période de contrôle et le nombre de postulations durant le délai de congé.

Quant au fait que l’assuré a relancé les employeurs qui ont fait l’objet des recherches et a eu de nombreux contacts avec eux, il n’est pas déterminant. En effet, assurer le suivi d’une candidature correspond à ce que l’on doit pouvoir attendre de tout demandeur d’emploi, sans que cela ne constitue un effort significatif.

Force est de constater que les cinq postulations effectuées sur une période de deux mois ne satisfont pas les exigences quantitatives posées par la jurisprudence. La suspension du droit à l’indemnité de chômage n’est donc pas critiquable.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_192/2016 consultable ici : http://bit.ly/2fjzQHp

 

 

9C_34/2016 (f) du 14.09.2016 – Degré d’invalidité selon la méthode mixte d’évaluation de l’invalidité / 28a al. 3 LAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_34/2016 (f) du 14.09.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2gBe2tr

 

Degré d’invalidité selon la méthode mixte d’évaluation de l’invalidité / 28a al. 3 LAI

 

Assurée ayant une un statut de personne active à 80% et une capacité de travail exigible de 50% dans une activité lucrative adaptée et des empêchements à accomplir les travaux ménagers de 40%.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/910/2015 – consultable ici : http://bit.ly/2gcuRaS)

Considérant que le travail fourni par l’assurée en tant que personne non invalide exerçant une activité lucrative atteignait 32 heures par semaine et que la durée normale du travail des personnes travaillant à plein temps dans la branche d’activité était de 40 heures, les premiers juges ont établi le taux d’invalidité de l’assurée à 40%, résultant du calcul suivant:

32 heures x 40% + [ (40 heures – 32 heures)] x 40%

——————————————————————- = 40%

40 heures

 

TF

Au vu de la capacité de travail exigible de 50%, l’assurée ne peut effectuer que 20 heures de travail salarié par semaine, ce qui correspond à la moitié d’un horaire de travail ordinaire à plein temps de 40 heures. A cet égard, il sied de rappeler que les pourcentages d’incapacités de travail se rapportent en principe à une activité professionnelle exercée à plein temps, pour autant que les médecins ne précisent pas expressément qu’ils se réfèrent à un travail à temps partiel ou que cela ne ressorte du contexte d’une manière claire (cf. arrêt 9C_648/2010 du 10 août 2011 consid. 3.6.3 et les références). En bonne santé, l’assurée n’aurait donc accompli que 32 heures de travail hebdomadaires dans le cadre d’un emploi à 80%, les 20% restants étant consacrés à la tenue de son ménage.

A l’instar de l’affaire qui avait donné lieu à l’arrêt publié aux ATF 137 V 334 (consid. 7.1 p. 350), l’assurée rencontre un handicap de 37,5% (50% de 80%) dans l’exercice de l’activité professionnelle, ce qui correspond à une incapacité de gain et non à une incapacité de travail comme la juridiction cantonale l’a retenu ; c’est en ce sens qu’il faut comprendre la variable IE (ch. 3101 CIIAI). En tenant compte du taux de 37,5% (la pertinence des autres données n’étant pas contestée), le calcul de l’invalidité doit se faire comme suit:

32 heures x 37,5% + [ (40 heures – 32 heures)] x 40%

———————————————————————- = 38%

40 heures

 

Le TF admet le recours de l’Office AI et annule le jugement du tribunal cantonal.

 

 

Arrêt 9C_34/2016 consultable ici : http://bit.ly/2gBe2tr

 

 

9C_76/2016 (f) du 19.09.2016 – Droit au supplément pour soins intenses (surcroît d’aide d’au moins six heures par jour) – 39 al. 3 RAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_76/2016 (f) du 19.09.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2gcvXU1

 

Droit au supplément pour soins intenses (surcroît d’aide d’au moins six heures par jour) – 39 al. 3 RAI

 

TF

Si la notion de surveillance est traduite en temps destiné à apporter de l’aide supplémentaire, cette surveillance ne se confond pas avec l’aide apportée pour réaliser les actes ordinaires de la vie, ni avec le surcroît de temps consacré aux traitements et aux soins de base.

Le fait que l’assuré s’assoit – parfois – sur la voie publique et refuse de se relever s’il ne reçoit pas de bonbons ne saurait légitimer un besoin de surveillance « particulièrement intense » d’autant moins qu’un besoin d’aide pour se déplacer à l’extérieur a déjà été pris en considération pour évaluer la gravité de l’impotence donnant droit à une allocation. Il en va de même du fait que les stores soient fermés dès lors que ce type de précautions constitue des mesures de sécurité, exigibles, permettant de diminuer la nécessité de surveiller la personne handicapée. L’invocation de crises de colères et d’actes agressifs ne change rien à ce qui précède puisque ces crises sont plus réactionnelles à des événements nouveaux que colériques. Néanmoins, ces crises ne sont pas entièrement anodines et leur résolution nécessite l’intervention d’adultes. Elles peuvent dès lors justifier le besoin de surveillance permanente – équivalant à un surcroît d’aide de deux heures par jour – admis par l’office AI.

 

Le TF admet le recours de l’Office AI.

 

 

Arrêt 9C_76/2016 consultable ici : http://bit.ly/2gcvXU1

 

 

AI : Application de la méthode mixte après l’arrêt de la CrEDH du 02.02.2016 (Di Trizio c. Suisse)

AI : Application de la méthode mixte après l’arrêt de la CrEDH du 02.02.2016 (Di Trizio c. Suisse)

 

Lettre circulaire AI no 355 consultable ici : http://bit.ly/2fdO7Cs

 

Contexte

Le 2 février 2016, la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) a rendu son arrêt dans l’affaire Di Trizio contre Suisse (requête no 7186/09). Lors d’un premier examen du droit à la rente, l’assurée s’était vue accorder une demi-rente du 1er juin 2003 au 31 août 2004 pour un taux d’invalidité de 50 %. À partir du 1er septembre 2004, le taux d’invalidité avait été fixé à 27 %, ce qui était inférieur au minimum requis pour avoir droit à une rente. L’assurance avait considéré qu’après la naissance de jumeaux le 6 février 2004, le taux d’activité hypothétique de l’assurée n’était plus que de 50 % et que la méthode mixte pour le calcul du taux d’invalidité devait s’appliquer.

La CrEDH a estimé dans son arrêt que l’annulation de la rente résultant de l’application de la méthode mixe constitue, dans le cas d’espèce, une violation du droit au respect de la vie familiale (art. 14 combiné avec l’art. 8 de la CEDH), puisque c’est la naissance des enfants qui a conduit à la perte du droit à la rente.

 

Conséquences

Dans son rapport du 1er juillet 2015 en réponse au postulat Jans (12.3960, « Assurance-invalidité. Les travailleurs à temps partiel sont désavantagés »), le Conseil fédéral a examiné en détail l’évaluation du taux d’invalidité des personnes travaillant à temps partiel. Il est arrivé à la conclusion que si la méthode mixte présente certaines faiblesses qui doivent être corrigées, le recours à des méthodes différentes pour évaluer le taux d’invalidité des personnes sans activité lucrative, de celles qui exercent une activité lucrative à plein temps et de celles qui travaillent à temps partiel devait être maintenu. Il a laissé ouverte la question de savoir si l’utilisation de la méthode mixte pour évaluer le taux d’invalidité constitue une discrimination indirecte et a annoncé qu’il réexaminerait sa position si la CrEDH devait accueillir le recours contre la Suisse.

Comme le Conseil fédéral l’a relevé dans son rapport, l’utilisation d’un mode de calcul adapté permettrait d’améliorer la situation des personnes travaillant à temps partiel. Le Conseil fédéral envisage désormais d’introduire un tel mode de calcul pour la méthode mixte. En attendant l’entrée en vigueur de cette réglementation générale et abstraite, il est nécessaire, pour garantir une unité et une égalité de traitement entre les assurés, que le droit actuel continue, dans la mesure du possible, de s’appliquer. Le droit en vigueur et le modèle actuel de calcul de la méthode mixte doivent notamment toujours être appliqués lors de la première attribution d’une rente à une personne qui exerçait une activité à temps partiel avant l’examen de son droit à la rente.

À l’inverse, dans les cas qui présentent une situation similaire à celle du cas Di Trizio, l’arrêt de la CrEDH a pour conséquence que le statut reconnu à l’assuré doit être préservé et que la méthode mixte ne doit plus être appliquée au nom du respect de la vie familiale.

 

Une situation (arrêt du TF 8C_633/2015 du 12.2.2016, consid. 4.3) est similaire à celle du cas Di Trizio lorsque les deux conditions suivantes sont remplies :

  • révision de la rente ou premier octroi de rente couplé avec une réduction ou une limitation dans le temps de la rente ; et
  • réduction du temps de travail pour des raisons familiales (obligations de garde d’enfants mineurs).

Dans des cas de ce genre, une réduction du temps de travail pour des raisons purement familiales liées à des obligations de garde d’enfants mineurs ne constitue, jusqu’à nouvel avis, pas un motif de révision. La personne assurée conserve son statut antérieur, puisqu’elle a ou aurait réduit son temps de travail pour des raisons familiales et qu’elle a ou aurait par conséquent commencé à travailler à temps partiel ou réduit davantage son taux d’occupation.

Les révisions consécutives à une modification de l’état de santé de l’assuré ou de ses revenus restent possibles, même dans les cas où l’évaluation reposait sur l’application de la méthode mixte.

 

 

Lettre circulaire AI no 355 consultable ici : http://bit.ly/2fdO7Cs

 

Voir également :

Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 02.02.2016 – Affaire Di Trizio c. Suisse – Evaluation du taux d’invalidité – Méthode mixte jugé comme discriminatoire 

Le jugement de la Cour européenne sur le caractère discriminatoire de la méthode mixte est définitif (Arrêt de la CrEDH du 02.02.2016, affaire Di Trizio c. Suisse)

 

 

8C_685/2015 (f) du 13.09.2016 – Causalité naturelle et adéquate pour les troubles psychiques additionnelles à une atteinte à la santé physique / 6 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_685/2015 (f) du 13.09.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2epVzjl

 

Causalité naturelle et adéquate pour les troubles psychiques additionnelles à une atteinte à la santé physique / 6 LAA

Examiner la causalité adéquate avant la causalité naturelle pose problème et ne peut être confirmé

 

Assurée, opératrice en horlogerie, est victime d’un accident de la circulation le 29.01.2010 sur une route verglacée. La conductrice de la voiture dans laquelle elle avait pris place comme passagère à l’arrière a perdu la maîtrise de son véhicule, lequel a dérapé de la droite vers la gauche avant de finir sa course dans un champ en contrebas d’un talus. Au cours de cette manœuvre, l’assurée a heurté sa tête contre le siège avant et son bras droit contre la portière, ce qui lui a occasionné une fracture pluri-fragmentaire sous-capitale de l’humérus droit.

L’évolution s’est révélée défavorable tant sur le plan de la mobilité que celui des douleurs. Le diagnostic de syndrome complexe du membre supérieur droit de type CRPS 1 sympatico-dépendant (complexe regional pain syndrome) a, par la suite, été posé. L’assurée a accompli un séjour de réadaptation du 27.04.2011 au 27.05.2011 pour suivre des thérapies physiques et fonctionnelles. Les médecins de la clinique de réadaptation ont indiqué que l’assurée excluait la plupart du temps son membre supérieur droit et qu’un consilium psychiatrique avait mis en évidence un trouble de l’adaptation avec une réaction dépressive prolongée.

Le 22.12.2012, l’assurée a subi un second accident (chute entraînant une fracture de l’extrémité distale du radius au poignet droit, traitée conservativement).

Par décision et décision sur opposition, l’assurance-accidents a alloué à l’assurée une rente d’invalidité d’un taux de 45% ainsi qu’une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 50%. L’assureur-accidents a refusé de prendre en charge une éventuelle incapacité de travail sur le plan psychique, faute d’un rapport de causalité adéquate.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 26.08.2015, acceptation du recours par le tribunal cantonal et annulation de la décision litigieuse.

 

TF

Causalité naturelle

Le droit à des prestations découlant d’un accident suppose tout d’abord, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. L’exigence d’un lien de causalité naturelle est remplie lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans l’événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Savoir s’il existe un rapport de causalité naturelle est une question de fait, généralement d’ordre médical, qui doit être résolue en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas que l’existence d’un rapport de cause à effet soit simplement possible; elle doit pouvoir être qualifiée de probable dans le cas particulier, sans quoi le droit aux prestations fondées sur l’accident doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 p. 181, 402 consid. 4.3.1 p. 406; 119 V 335 consid. 1 p. 337).

 

Causalité adéquate

Le droit à des prestations suppose en outre un rapport de causalité adéquate entre l’accident et l’incapacité de travail, question de droit qu’il appartient à l’administration et, en cas de recours, au juge de trancher. En présence d’une affection psychique additionnelle à une atteinte à la santé physique, le caractère adéquat du lien de causalité ne peut être admis que si l’accident revêt une importance déterminante dans déclenchement de l’affection psychique. Ainsi, lorsque l’événement accidentel est insignifiant, l’existence du lien en question peut d’emblée être niée, tandis qu’il y a lieu de le considérer comme établi, lorsque l’assuré est victime d’un accident grave. Par contre, lorsque la gravité de l’événement est qualifiée de moyenne, la jurisprudence a dégagé un ensemble de critères objectifs à prendre en considération pour l’examen du caractère adéquat du lien de causalité (sur ces critères, voir ATF 115 V 133 consid. 6 p. 138 ss et 403 consid. 5 p. 407 ss).

 

Examiner la causalité adéquate avant la causalité naturelle pose problème et ne peut être confirmé

Dans la mesure où le caractère naturel et le caractère adéquat de la relation de causalité doivent être cumulés pour octroyer des prestations d’assurance-accidents, la jurisprudence admet de laisser ouverte la question du rapport de causalité naturelle dans les cas où ce lien de causalité ne peut de toute façon pas être qualifié d’adéquat (ATF 135 V 465 consid. 5.1 p. 472). En revanche, la façon de faire des juges cantonaux consistant à reconnaître un rapport de causalité adéquate avant que les questions de fait relatives à la nature des troubles psychiques en cause et à leur causalité naturelle ne soient élucidées pose problème et ne peut être confirmée. D’une part, il est contraire à la logique du système de retenir qu’un accident est propre, sous l’angle juridique, à provoquer une incapacité de travail d’origine psychique chez la personne assurée alors que l’on ignore de quels troubles psychiques celle-ci est atteinte et si cet accident en constitue la cause naturelle. D’autre part, la reconnaissance préalable d’un lien de causalité adéquate est un élément de nature à influencer, consciemment ou non, le médecin psychiatre dans son appréciation du cas, et donc le résultat d’une expertise psychiatrique réalisée après coup s’en trouverait biaisé.

 

Le TF accepte partiellement le recours de l’assurance-accidents, renvoyant la cause à l’assureur pour instruction complémentaire.

 

 

Arrêt 8C_685/2015 consultable ici : http://bit.ly/2epVzjl

 

 

9C_791/2015 (f) du 01.09.2016 – Preuve par témoin de l’envoi d’un recours au tribunal cantonal

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_791/2015 (f) du 01.09.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2dCeohG

 

Preuve par témoin de l’envoi d’un recours au tribunal cantonal – 60 LPGA

 

Le 19.06.2015, la caisse de compensation a rendu une décision sur opposition en matière de réparation du dommage qu’elle a adressée au mandataire de A.__. La notification de cette décision est intervenue le 23.06.2015.

 

Procédure cantonale

A.__ a déféré cette décision au tribunal cantonal. Le cachet postal apposé sur l’enveloppe porte la date du 25.08.2015 ; au recto de l’enveloppe figure également une note manuscrite signée par B.__ déclarant qu’il « dépose dans la boîte jaune Genève 3 Rive ce lundi 24 août 2015 à 21h49 ». Des photographies ont prises avec l’iPhone du mandataire.

La juridiction cantonale a considéré que la mention manuscrite apposée sur l’enveloppe par B.__ ne suffisait pas, à elle seule, à prouver, ni même à rendre vraisemblable le dépôt du recours avant la fin de l’échéance du délai. Le tribunal cantonal a renoncé à procéder à l’audition de B.__ ou d’un autre témoin éventuel. Par jugement du 21.09.2015, la juridiction cantonale a déclaré le recours irrecevable pour cause de tardiveté.

 

TF

La preuve stricte de l’observation du délai de recours, donc de l’expédition de l’acte en temps utile, incombe à la partie (art. 8 CC; ATF 121 V 5 consid. 3b p. 6; arrêt 8C_661/2015 du 14 juin 2016 consid. 2.2; arrêt 9C_118/2016 du 19 avril 2016 consid. 2.1 et les références). Le délai de recours est considéré comme respecté lorsque l’acte a été remis au plus tard le dernier jour du délai à minuit dans une boîte aux lettres (ATF 109 Ia 183 consid. 3a p. 184; arrêt 1F_10/2010 du 17 mai 2010). Si le sceau postal fait foi de la date d’expédition, cette présomption est réfragable, la partie ayant le droit de prouver par tous moyens utiles – en particulier par témoins – que le pli a été déposé en temps utile dans une boîte postale alors même qu’il n’aurait été oblitéré que le lendemain (ATF 124 V 372 consid. 3b p. 375; 115 Ia 8 consid. 3a p. 11 ss et les références; 109 Ib 343 consid. 2b p. 345; arrêts 9C_139/2016 du 24 mai 2016 consid. 2, et 9C_118/2016 précité).

Selon la jurisprudence, la mention inscrite sur l’enveloppe selon laquelle une personne en a vu une autre mettre une enveloppe à la boîte aux lettres est en principe de nature à établir que le recours a effectivement été déposé en temps utile (par ex. arrêt 1F_10/2010 précité). Il en va de même lorsqu’une personne prend une photographie de la personne qui dépose l’enveloppe dans la boîte aux lettres; le photographe est alors lui-même témoin du dépôt du pli.

Dans le cas d’espèce, les preuves offertes par le recourant, à savoir l’examen des photographies et des données de l’iPhone de son mandataire, sont de nature à inférer que le témoin B.__ n’était pas seul devant la boîte aux lettres à Genève 3 Rive le soir du 24 août 2015, mais que, selon toute vraisemblance, un tiers s’y trouvait également, à savoir la personne qui l’a photographié. Sur l’une des images, on voit en effet les deux mains de la personne occupée à rédiger l’attestation signée sur l’enveloppe adressée au tribunal cantonal, laquelle est ensuite insérée dans la boîte.

Dès lors que B.__ n’était apparemment pas seul sur place, le tribunal cantonal devait préalablement l’interroger sur les circonstances du dépôt du pli. En refusant de faire toute la lumière sur ce point et d’entendre B.__, la juridiction cantonale a d’emblée écarté un moyen de preuve pertinent reconnu par la jurisprudence pour faire attester du respect du délai de recours, en violation du principe inquisitoire.

 

Le TF accepte le recours de A.__.

 

 

Arrêt 9C_791/2015 consultable ici : http://bit.ly/2dCeohG