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Connaissances empiriques sur les effets des prestations transitoires pour chômeurs âgés

Connaissances empiriques sur les effets des prestations transitoires pour chômeurs âgés

 

Article de Melania Rudin/Heidi Stutz/Roman Liesch/Jürg Guggisberg paru in Sécurité sociale CHSS 1/2020, disponible ici

 

La prestation transitoire pour chômeurs âgés que le Conseil fédéral propose d’introduire permettra de réduire comme prévu le nombre de cas de rigueur parmi les chômeurs indigènes d’un certain âge. Il n’est cependant pas possible d’exclure que la prestation transitoire engendre aussi des changements de comportement indésirables. Toutefois, il semble que ces effets resteront très limités.

L’étude présentée ci-après examine – sur la base d’une analyse de la littérature scientifique et empirique et des expériences faites dans le canton de Vaud avec la rente-pont – les éventuels effets négatifs et incitations indésirables qui pourraient affecter la société si la prestation transitoire telle que mise en consultation par le Conseil fédéral en 2019 (AP-LPtra) était mise en place. Un mécanisme important du projet de loi pour empêcher les incitations négatives sont les mesures d’encouragement obligatoires des offices régionaux de placement (ORP) en amont des prestations financières. Ces mesures d’encouragement sont destinées aux chômeurs âgés difficiles à placer qui sont à deux ans de leur fin de droit dans l’assurance-chômage. Les chômeurs de plus de 50 ans ayant épuisé leur droit aux indemnités journalières de l’assurance-chômage auront, quant à eux, un meilleur accès aux mesures de formation et d’occupation.

 

L’importance des facteurs contextuels

Les difficultés que rencontrent les personnes âgées sur le marché du travail ont différentes causes, dont un accès moins aisé du personnel peu qualifié à des mesures de formation abordables, le niveau des charges salariales et les atteintes à la santé – plus fréquentes avec l’âge – ainsi qu’une attitude ambivalente face aux travailleurs plus âgés connue aussi sous le nom de discrimination liée à l’âge. Les prestations transitoires n’ont quasiment pas d’impact sur ces facteurs contextuels.

 

Effets positifs attendus pour les conditions de vie des chômeurs âgés

Une distinction doit être faite entre les effets sur les conditions de vie et ceux sur les décisions et le comportement des acteurs concernés. Les prestations transitoires visent à améliorer la situation financière des ayants droit. Elles permettent à ces derniers de ne pas entamer prématurément leur avoir de vieillesse et de ne pas devoir recourir à l’aide sociale. Ces effets se concrétiseront comme prévu. Grâce à la prestation transitoire, la situation financière des ayants droit sera aussi meilleure après l’âge de la retraite, ce qui se traduira par des économies dans l’aide sociale et dans le système des prestations complémentaires à l’AVS.

 

La communication est cruciale pour éviter les effets indésirables

L’instauration d’une prestation transitoire pourrait produire des effets négatifs si les salariés ou les employeurs supposent à tort qu’ils y ont droit dans tous les cas et modifient, de ce fait, leur comportement, par exemple en démissionnant ou en licenciant plus spontanément. Or, les conditions d’octroi des prestations transitoires sont assez restrictives et une grande partie de la main d’œuvre indigène n’y aura pas droit (en 2015, seuls 43 % des employés de 58 ans auraient rempli les conditions de l’avant-projet mis en consultation). D’où l’importance de la communication : les autorités doivent clairement exposer les conditions d’octroi et mettre en garde contre les conclusions hâtives et les décisions inconsidérées.

 

Changements de comportement voulus au sein du groupe cible des chômeurs en fin de droit

Les bénéficiaires d’une prestation transitoire n’auraient plus à chercher un emploi, puisqu’ils ont tenté en vain de se réinsérer sur le marché du travail pendant au moins deux ans avant d’arriver en fin de droit. Le système des prestations transitoires est conçu de telle sorte qu’il resterait néanmoins intéressant pour les ayants droit d’exercer une activité lucrative. En effet, seuls les deux tiers du revenu d’une éventuelle activité lucrative seront pris en compte pour le calcul de la prestation, ce qui permettrait aux ayants droit d’améliorer leur revenu jusqu’à un plafond déterminé. En outre, la prestation transitoire protégera le capital vieillesse de la prévoyance professionnelle, puisque seuls les chômeurs renonçant au versement anticipé du capital du 2e pilier y auront droit.

 

Les résultats des recherches sur les ­changements de comportement non ­sou­haités ne sont pas directement transposables

D’un point de vue économique, on peut s’attendre à différents changements non souhaités dans le comportement des chômeurs, des salariés et des employeurs. La littérature de recherche internationale contient des preuves empiriques attestant l’apparition d’effets indésirables. Cela dit, ces recherches concernent des modèles très différents de prestations financières en faveur des chômeurs âgés de longue durée, par exemple une prolongation de la période de versement des allocations de chômage ou des systèmes favorisant la retraite anticipée. Aucune recherche internationale n’a été réalisée pour un projet de prestation sous condition de ressources ressemblant à celui présenté par le Conseil fédéral. Le modèle qui se prête le mieux à une comparaison est celui de la rente-pont dans le canton de Vaud bien qu’elle soit aussi versée aux personnes n’ayant pas perçu d’indemnités journalières de l’assurance-chômage et n’étant donc pas arrivées en fin de droit.

 

Attrait limité des prestations transitoires

Le recours aux prestations transitoires n’est potentiellement intéressant que pour les personnes remplissant toutes les conditions d’octroi qui, en plus, ne parviennent pas ou pas facilement à gagner un revenu sensiblement supérieur à la prestation transitoire. Le niveau de cette dernière correspondra à peu près à celui des prestations complémentaires. Seule une minorité des salariés remplissent ces deux conditions.

L’analyse des chiffres (basée sur les données WiSiER) montre que même sans tenir compte du revenu d’un partenaire, seuls 2,5 % des salariés âgés de 58 ans remplissent les conditions d’octroi formulées dans l’AP-LPtra tout en gagnant un revenu qui ne dépasse pas la limite des dépenses reconnues pour la prestation transitoire, de sorte que la prestation améliorerait leur situation économique. Il se peut cependant que des salariés soient prêts à accepter une baisse de revenu si, en contrepartie, ils n’ont plus à travailler. En supposant qu’ils acceptent que leur revenu diminue de 20 %, 4 % des salariés remplissant les conditions d’octroi percevraient une prestation transitoire. Ce taux est très modeste. La colonne de gauche montre que 1,3 % des salariés parviendraient à augmenter leur revenu de 20 % ou plus grâce aux prestations transitoires. Ces chiffres illustrent bien à quel point l’effet d’incitation de la prestation transitoire sera limité.

 

Peu de changements involontaires du comportement des salariés

En principe, on pourrait imaginer que les chômeurs âgés fassent moins d’efforts pour retrouver un emploi s’ils peuvent s’attendre à percevoir une prestation transitoire en arrivant en fin de droit dans l’assurance-chômage. Ils pourraient se montrer plus disposés à courir des risques en démissionnant ou en changeant d’emploi. Il se peut aussi qu’ils soient moins prêts à entamer une activité indépendante ou qu’ils se soucient moins de leurs perspectives sur le marché du travail. Les salariés et les chômeurs d’un certain âge pourraient enfin être tentés d’épargner moins, étant donné que la prestation transitoire limiterait le risque de subir une perte de revenu. L’analyse de la littérature permet de tirer de telles conclusions aussi en ce qui concerne la prestation transitoire. Toutefois, il ne faut pas oublier que le projet se distingue des autres modèles analysés sur plusieurs points concrets et que le faible nombre attendu d’ayants droit limitera l’ampleur des effets indésirables.

S’agissant des efforts fournis par les chômeurs pour retrouver un emploi, il convient de rappeler que la Suisse mène une politique active d’insertion sur le marché du travail. L’effet des prestations transitoires dépendra fortement de l’efficacité des mesures de réinsertion des ORP. En 2003 déjà, l’extension du cercle des ayants droit à des indemnités journalières prolongées dans l’assurance-chômage n’a pas entraîné à moyen terme une augmentation du taux de chômage des personnes âgées de 60 à 64/65 ans. Sur la base de ce constat, on peut supposer que la création d’une prestation transitoire aura aussi un impact limité sur le taux de chômage.

Lors de l’introduction de la rente-pont dans le canton de Vaud, on n’a pas enregistré de changement dans la disposition des salariés à démissionner ou à changer d’emploi. Par contre, en Autriche, une hausse du nombre de résiliations des rapports de travail a été constatée après la prolongation des prestations de chômage. Cette différence pourrait s’expliquer par le fait que les prestations de l’assurance-chômage suivent directement la fin de l’emploi et qu’elles ne sont pas versées sous condition de ressources, mais calculées sur la base du revenu professionnel antérieur.

Plusieurs études montrent que des réglementations attrayantes en matière de retraite anticipée réduisent la motivation des salariés d’un certain âge à suivre une formation continue. Cette constatation est également pertinente pour le projet de prestation transitoire. Toutefois, étant donné que tous les travailleurs âgés n’auront pas droit à une prestation transitoire et qu’il est difficile de prévoir si l’on remplit les conditions d’octroi puisqu’il faut d’abord arriver en fin de droit, la prestation transitoire aura probablement peu d’influence sur la disposition à suivre une formation continue.

Certains comportements entrant en ligne de compte, par exemple la décision d’épargner ou de se mettre à son compte, sont davantage influencés par d’autres facteurs. Globalement, l’attitude en matière d’épargne dépendra moins de la prestation transitoire que d’autres facteurs, tels que le revenu. Contrairement aux salariés, les indépendants n’ont par exemple pas droit aux indemnités journalières de l’assurance-chômage ; ils n’arrivent donc pas en fin de droit et n’auront pas droit à la prestation transitoire. La mise en place d’une telle prestation ne devrait donc jouer un rôle que dans de rares cas.

 

Changements de comportement des employeurs en cas de rapport coûts-bénéfices défavorable

En principe, on peut imaginer qu’après la mise en place d’une nouvelle prestation sous condition de ressources, les entreprises qui se soucient actuellement de leur bonne réputation et de leur responsabilité sociale pourraient être amenées à licencier plus facilement leurs travailleurs âgés, d’en engager moins ou d’être moins disposées à investir dans leur formation. Dans une telle hypothèse, les prestations sociales pourraient affecter la responsabilité sociale des employeurs. Or cette hypothèse ne tient pas compte du fait que l’octroi de la prestation transitoire implique de toute façon un passage par l’assurance-chômage. On peut donc s’attendre à ce que le souci des employeurs concernant leur bonne réputation et leur engagement social ne change pas sensiblement.

La commission d’évaluation mise en place dans le canton de Vaud n’a relevé aucune hausse du nombre de salariés âgés congédiés à la suite de l’introduction de la rente-pont. Par contre, l’analyse de la littérature scientifique fournit des preuves empiriques attestant une hausse du nombre de licenciements ; il semblerait que les entreprises soient davantage disposées à licencier des salariés âgés après une prolongation des prestations de l’assurance-chômage ou après l’introduction d’un modèle de retraites anticipées. En principe, des effets indésirables peuvent donc exister. Toutefois, ils ne devraient se produire que lorsque la main-d’œuvre âgée est effectivement moins rentable et si les relations de travail présentent un rapport coûts-bénéfices défavorable, ce qui n’est généralement pas le cas.

 

L’importance du rôle des ORP

Pour que les prestations transitoires permettent d’atteindre leurs objectifs économiques et sociaux, il est nécessaire d’établir un équilibre entre prestations financières et mesures d’encouragement. Actuellement, 33 % des personnes de 63 ans qui sont devenus chômeurs à 59 ans retrouvent un emploi (données WiSiER 2015).

Les personnes qui auraient droit à des prestations transitoires retrouvent plus souvent un emploi (39 %) que celles qui n’y auraient pas droit, entre autres en raison de leur fortune, (28 %). En l’occurrence, il se peut que les personnes aisées puissent plus facilement se permettre de ne plus reprendre d’activité lucrative. Le fait d’arriver en fin de droit dans l’assurance-chômage étant une condition d’octroi de la prestation transitoire, les chômeurs de cette tranche d’âge devront être pris en charge par les ORP en amont pendant deux ans au moins. La façon dont les ORP gèrent leurs dossiers aura donc une influence notable sur la question de savoir si la prestation transitoire reste effectivement une solution de dernier recours.

 

Nécessité d’un vaste train de mesures

Les prestations transitoires permettront d’éviter certains cas de rigueur parmi les chômeurs âgés. Cependant, les conditions d’octroi sont restrictives et souvent la main-d’œuvre indigène ayant de faibles revenus et des carrières professionnelles lacunaires (en particulier des personnes présentant des atteintes à la santé ou des femmes) n’aura pas accès à la prestation transitoire. Un aspect positif est que la prestation transitoire sera intégrée dans un vaste train de mesures destinées à protéger et renforcer le potentiel de la main-d’œuvre indigène. En effet, pour réduire le risque de pauvreté des travailleurs âgés, il est indispensable de mettre en place un dispositif complet.

 

 

Article de Melania Rudin/Heidi Stutz/Roman Liesch/Jürg Guggisberg paru in Sécurité sociale CHSS 1/2020, disponible ici

 

 

Deux semaines de congé de paternité payé : le projet en détail

Deux semaines de congé de paternité payé : le projet en détail

 

Article de Bernadette Deplazes paru in Sécurité sociale CHSS 1/2020, disponible ici

 

À l’automne 2019, les Chambres fédérales ont approuvé à de larges majorités un congé de paternité d’une durée de deux semaines pour les hommes exerçant une activité lucrative. Il s’agit d’un contre-projet indirect à une initiative pour un congé de paternité de quatre semaines. Un référendum ayant été lancé contre ce congé de paternité fédéral, le peuple devra se prononcer à ce sujet, probablement en automne 2020.

Le 1er juillet 2005, un congé de maternité de quatorze semaines pour les femmes exerçant une activité lucrative a été inscrit dans la législation suisse. Aujourd’hui, soit quinze ans plus tard, le pays se dote d’un calendrier pour instaurer un congé pour les pères également, qui sera adopté si le peuple approuve le projet de référendum. Jusqu’alors, les travailleurs bénéficiaient en principe d’un congé payé d’un ou deux jours à la naissance d’un enfant, sauf si leur employeur appliquait un règlement plus généreux. Dans la sphère politique, de nombreuses interventions ont tenté de faire naître un congé de paternité, sans succès dans un premier temps.

Le 4 juillet 2017, l’association Le congé paternité maintenant ! a déposé l’initiative populaire fédérale « Pour un congé de paternité raisonnable – en faveur de toute la famille ». Issus des associations faîtières Travail Suisse, de la Faîtière des organisations suisses d’hommes et de pères, d’alliance F et de Pro Familia Suisse, les initiateurs exigeaient l’inscription dans le droit fédéral d’un congé de paternité de quatre semaines financé par le régime des allocations pour perte de gain (APG). Si le Conseil fédéral a reconnu la pertinence d’un congé de paternité pour améliorer la conciliation entre famille et travail, il indique, dans sa prise de position, préférer accorder la priorité au développement d’une offre d’accueil extrafamilial. Il considère qu’il faut laisser aux employeurs ou aux partenaires sociaux la responsabilité d’introduire un congé de paternité et a donc invité le Parlement à rejeter cette initiative (Conseil fédéral 2018).

Le 21 août 2018, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États (CSSS-E) a décidé de déposer une initiative parlementaire (18.441) à titre de contre-projet indirect à cette initiative populaire. Ce projet d’acte prévoit un congé de paternité de deux semaines (dix jours de travail) à prendre dans les six mois suivant la naissance de l’enfant. Le congé serait financé par le régime des allocations pour perte de gain. Il suit l’exemple du congé de maternité existant, comme le souhaitaient les initiateurs ainsi qu’une initiative parlementaire déposée par le conseiller national Martin Candinas en 2014 (« Deux semaines de congé-paternité payé par le régime des APG », 14.415).

En l’espace d’un an environ, les commissions chargées de l’examen préalable et les Chambres fédérales se sont penchées aussi bien sur l’initiative populaire que sur le contre-projet indirect. Elles ont refusé l’initiative populaire, mais accepté par de larges majorités le contre-projet prévoyant un congé de paternité de deux semaines lors du vote final du 27 septembre 2019 (FF 2019 6501). Le comité d’initiative a ensuite retiré son initiative pour un congé de paternité de quatre semaines à condition que la modification de la législation instaurant un congé de paternité de deux semaines entre en vigueur (FF 2019 6509). Un référendum ayant été lancé contre le contre-projet retenu par le Parlement, le peuple devra se prononcer à ce sujet, probablement en automne 2020. S’il refuse le congé de paternité de deux semaines, l’initiative sera alors réactivée.

 

Allocation et congé de paternité selon le contre-projet

Le congé de maternité comme modèle

Le congé de paternité est conçu en grande partie selon les principes régissant le congé de maternité existant. Concrètement, la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité (LAPG, RS 834.1) règle désormais également les allocations de paternité. Les dispositions relevant du droit du travail sont intégrées au code des obligations (CO).

 

Les hommes exerçant une activité lucrative ont droit à une allocation

Pour prétendre à une allocation pour un congé de paternité de deux semaines, un homme doit exercer une activité lucrative à la naissance de son enfant, comme employé ou comme indépendant. De plus, il doit avoir été assuré à l’AVS obligatoire au cours des neuf mois précédant la naissance et avoir travaillé pendant cinq mois au moins durant cette période. En vertu de l’accord de libre-échange avec l’UE et de l’accord de l’AELE portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, les périodes d’assurance et d’activité lucrative réalisées dans un État membre de l’UE ou de l’AELE sont ici comptabilisées.

L’homme doit pouvoir prouver être le père légal de l’enfant, que ce soit par les liens du mariage ou par reconnaissance de paternité. Dans certains cas, la paternité n’est pas définie à la naissance. Si la filiation n’est établie qu’à une date ultérieure, par reconnaissance ou par décision judiciaire, le père a le droit, pour autant que cela soit encore possible, de prendre un congé de paternité dans les six mois suivant la naissance de l’enfant (délai-cadre d’octroi du congé de paternité).

Dans la mesure où le père remplit ces critères, aucune restriction n’est applicable (p. ex. en raison de son âge ou si l’enfant est né à l’étranger). En cas de naissance multiple, le père bénéficie d’une seule allocation, tout comme la mère. Il n’est cependant pas exclu qu’un homme touche plus d’une allocation par an, s’il devient père plusieurs fois au cours de la même année.

 

Droit aux allocations pour les hommes ­percevant un revenu de substitution 

Les hommes n’exerçant pas d’activité lucrative au moment de la naissance de leur enfant, par exemple parce qu’ils sont sans emploi ou en incapacité de travail pour des raisons de santé, peuvent à certaines conditions prétendre à une allocation de paternité. Le Conseil fédéral règlera les détails dans une ordonnance. Il est toutefois exclu qu’un homme perçoive à la fois une allocation de paternité et des indemnités journalières d’une autre assurance sociale. Si un père opte pour l’allocation de paternité, celle-ci est prioritaire. Cela signifie qu’aucune indemnité d’une autre assurance sociale n’est versée au cours de la période concernée.

 

Le droit à l’allocation et le délai-cadre courent à partir du jour de la naissance

Le droit à l’allocation naît le jour de la naissance de l’enfant. La durée de la grossesse ne joue aucun rôle, mais l’enfant doit être né viable. Si l’enfant est mort-né, le père ne bénéficie d’aucun droit. Le jour de la naissance commence à courir le délai-cadre de six mois au cours duquel le père peut faire valoir son droit à un congé de paternité de deux semaines. S’il ne prend qu’une partie du congé pendant cette période, l’allocation lui est versée uniquement pour les jours de congé utilisés. En accord avec son employeur, le père est libre de prendre un congé de deux semaines consécutives, de deux fois une semaine ou encore de répartir les jours sur les six mois. Cette flexibilité tient compte des modalités de planification à la fois des familles et des employeurs.

 

Fin du droit à l’allocation

Le père doit utiliser son congé de paternité dans les six mois suivant la naissance de l’enfant. Le droit à l’allocation s’éteint à la fin de cette période. Si le père ou l’enfant décède, le droit à l’allocation pour les jours précédant le décès et non utilisés s’éteint également. Il ne se transmet dès lors ni à la mère de l’enfant, ni à la personne qui en obtiendrait la garde. Des rentes de survivants (rentes d’orphelin et de veuve) sont prévues dans ce genre de cas. La fin du droit peut aussi survenir si la paternité prend fin, par exemple à la suite d’une exclusion de paternité.

 

Allocation à hauteur de 80 % du revenu de l’activité lucrative

Comme celle de maternité, l’allocation de paternité équivaut à 80 % du revenu moyen de l’activité lucrative obtenu avant le début du droit à l’allocation. De façon analogue aux allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité, les allocations de paternité sont versées sous la forme d’indemnités journalières d’un montant maximal de 196 francs par jour. Si le père prend une ou deux semaine(s) entière(s) de congé de paternité, sept respectivement quatorze indemnités journalières lui sont versées (samedi et dimanche compris). S’il opte pour des jours de congé isolés, les deux semaines de congé équivalent à dix jours de travail. Pour des raisons d’équité, deux jours d’indemnités supplémentaires sont versés pour chaque tranche de cinq jours de congé. Cette approche garantit une couverture de 80 % du revenu moyen de l’activité lucrative sur deux semaines (avec un plafond à 196 fr. par jour) si le père choisit de prendre dix journées de congé isolées.

Contrairement aux allocations de service mais similairement à celles de maternité, les allocations de paternité comprennent uniquement des allocations de base et excluent toute allocation pour enfant, pour frais de garde ou d’exploitation pour indépendants.

 

Calcul sur la base du revenu avant la naissance et versement par les caisses de compensation

Le montant de l’allocation est calculé en fonction du revenu que le père percevait directement avant la naissance de l’enfant. Il est établi sur la base des mêmes règles et principes que l’allocation accordée aux personnes faisant du service ou en congé de maternité. Les caisses de compensation sont dans ce contexte également chargées d’octroyer les indemnités journalières à l’employeur si celui-ci verse un salaire ou directement au père de l’enfant. Pour limiter la charge administrative de l’employeur, les indemnités journalières sont versées uniquement après que le père a pris l’ensemble des jours de congé de paternité auxquels il a droit.

 

Primauté de l’allocation de paternité et garantie des droits acquis

Pendant la période durant laquelle un homme exerce son droit à l’allocation de paternité, il ne reçoit en principe aucune indemnité de la part d’autres assurances sociales (par ex. indemnités de l’assurance-chômage ou de l’assurance-invalidité). Le même principe de coordination s’applique déjà à l’allocation de maternité. Si, avant la naissance de l’enfant, le père percevait une indemnité journalière qui remplaçait un revenu issu d’une activité lucrative, le montant de l’allocation de paternité s’élève au moins au montant de l’indemnité journalière versée jusqu’alors (garantie des droits acquis). Cette disposition correspond également à celle en vigueur pour l’allocation de maternité.

 

Droit au congé de paternité pour les employés 

Tandis que les dispositions régissant l’allocation pour perte de gain pour tous les pères exerçant une activité lucrative (indépendants compris) relèvent du régime des APG, le droit au congé doit être garanti par le droit du travail (inscription au code des obligations). Conformément à l’allocation de paternité définie dans le régime des APG, les mêmes prérequis que ceux liés à l’allocation s’appliquent à la paternité, à la durée du congé et aux modalités d’indemnisation. Bien que le droit à l’allocation implique des durées d’assurance et de travail minimales, tous les employés masculins peuvent prétendre à un congé de paternité, y compris ceux qui n’ont pas droit à une allocation de paternité. À noter que l’employé a le droit, mais non l’obligation, de prendre ce congé. S’il n’exerce pas ce droit au cours des six mois suivant la naissance de l’enfant, celui-ci devient caduc. L’employeur n’a pas le droit d’obliger un employé à renoncer au congé de paternité.

 

Prolongation du délai de résiliation

Contrairement à ce qui est prévu dans le cas d’une maternité, l’employeur peut mettre fin au contrat de travail d’un homme qui a droit au congé de paternité. Il peut résilier le contrat avant ou pendant le délai-cadre de six mois. Si l’homme concerné n’a pas encore exercé, en tout ou partie, son droit à un congé de paternité, il a la possibilité de bénéficier du solde de jours de congé restants avant la fin des rapports de travail. Le cas échéant, le délai de résiliation est prolongé du nombre de jours de congé restants au moment de la résiliation. La prolongation du délai de résiliation s’applique dans les deux cas suivants : premièrement, lorsque le contrat de travail est résilié avant la naissance de l’enfant, mais que les rapports de travail existent toujours au moment de la naissance (prolongation de deux semaines du délai de résiliation) ; deuxièmement, lorsque le contrat de travail est résilié durant les six mois suivant la naissance de l’enfant (prolongation équivalant au nombre de jours de congé restants au moment de la résiliation). Si les rapports de travail prennent fin avant la naissance de l’enfant, le délai de résiliation ne peut être prolongé. Si le travailleur concerné ne fait pas usage des jours de congé auxquels il a droit au cours du délai de résiliation prolongé, il perd ce droit. La prolongation du délai de résiliation doit être employée pour les jours de congé de paternité et non pour d’autres raisons telles que des jours de vacances que l’employé n’aurait pas pris.

 

Aucune réduction des vacances

Concernant le droit aux vacances, les dispositions s’appliquant aux femmes prenant un congé de maternité valent également pour les hommes : lorsqu’un travailleur prend un congé de paternité, ses vacances ne peuvent pas être diminuées.

 

Financement et réalisation

Le congé de paternité est financé de manière paritaire au moyen des cotisations salariales perçues dans le cadre du régime actuel des allocations pour perte de gain. Pour couvrir les coûts, estimés à 230 millions de francs pour 2021, il sera probablement nécessaire de faire passer le taux de cotisation APG de 0,45 à 0,5 %. Concernant le paiement des indemnités journalières, les principes en vigueur pour les autres allocations pour perte de gain (en cas de service ou de maternité) s’appliquent. Les caisses de compensation AVS sont responsables du versement des indemnités du régime des APG.

 

 

 

 

Article de Bernadette Deplazes paru in Sécurité sociale CHSS 1/2020, disponible ici

 

 

Articles et ouvrages – Sélection Octobre 2019

Voici une sélection (personnelle et subjective) des divers articles, contributions et ouvrages parus récemment :

 

  • BVG und FZG : Bundesgesetze über die berufliche Alters-, Hinterlassenen- und Invalidenvorsorge sowie über die Freizügigkeit in der beruflichen Alters-, Hinterlassenen- und Invalidenvorsorge, Jacques-André Schneider … [et al.] (Hrsg.), 2. Aufl., Stämpfli, 2019 (Kommentar zum schweizerischen Sozialversicherungsrecht)

 

  • Pierre Tercier/Pascal Pichonnaz, Le droit des obligations, 6e éd. complétée et mise à jour, Schulthess, 2019

 

  • Rachel Christinat, Le procès en responsabilité civile médicale : mise en oeuvre en procédures civile et administrative, Helbing Lichtenhahn, Neuchâtel : Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel, 2019 (Collection neuchâteloise)

 

  • Unfallversicherungsgesetz, Helbing Lichtenhahn, 2019 (Basler Kommentar)

 

  • Melinda Florina Lohmann, Automatisierte Fahrzeuge im Lichte des Schweizer Zulassungs- und Haftungsrechts, Nomos, 2016 (Robotik und Recht ; Bd. 7), Diss jur. Nr. 4480 Univ. St. Gallen, 2015

 

  • Anne Troillet/Céline Moullet, La prévoyance professionnelle des expatriés : questions choisies, in: Piliers du droit social : mélanges en l’honneur de Jacques-André Schneider, Stämpfli, 2019, p. 191-206

 

  • Daniel Donauer/Anna Pellizzari, Das Optionsrecht im Bereich der Krankenpflegeversicherung : Optierungsmodalitäten für Grenzgängerinnen und Grenzgänger hinsichtlich der Unterstellung unter die soziale Krankenversicherung in der Schweiz, in: Jusletter, 1. Juli 2019

 

  • Raphael Zellweger, Der versicherte Lohn in der beruflichen Vorsorge : Stolpersteine für Arbeitgebende, in: Jusletter, 12. August 2019

 

  • Fabian Teichmann/Marco Weiss, Neue Rechtslage bei Observationen : Bemerkungen zu Art. 43a und Art. 43b ATSG, in: Jusletter, 12. August 2019

 

  • Soluna Girón, Art. 44 E-ATSG – die Chance nutzen! : Gedanken zur laufenden Gesetzesrevision, dem fairen Verfahren und der Akzeptanz in den Sozialversicherungen, in: Jusletter, 16. September 2019

 

  • Roger Peter, Die Vergabe der polydisziplinären Gutachteraufträge in der IV : eine rechtliche Analyse, in: Jusletter, 16. September 2019

 

  • Yvonne van der Stroom, Grundlagen und Schranken der Weitergabe von Observationsergebnissen : zum Verhältnis zwischen Sozialversicherern und Strafbehörden, in: Jusletter, 21. Oktober 2019

 

  • Ueli Kieser, Schreckereignisse – ein Blick auf die Entwicklung der Rechtsprechung, in: November-Tagung zum Sozialversicherungsrecht 2018, Dike, 2019, S. 1-17

 

  • André Nabold, Rechtsprechung zum Schreckereignis, in: November-Tagung zum Sozialversicherungsrecht 2018, Dike, 2019, S. 59-69

 

  • Hardy Landolt, Schreckereignisse im Haftpflichtrecht, in: November-Tagung zum Sozialversicherungsrecht 2018, Dike, 2019, S. 71-86

 

  • Jean Métral/Julia Laurenczy, Le degré de la preuve et l’allégement de son fardeau en droit des assurances sociales, in: Annuaire SDRCA, 2019, p. 45-81

 

  • Anne-Sylvie Dupont, Les soins dispensés hors des frontières cantonales et nationales, in: Mobilité et migration, Weblaw, 2019, p. 107-141

 

  • Gunhild Godenzi, Die « schwere psychische Störung » – grundsätzliche Bemerkungen, in: Die schwere psychische Störung als Voraussetzung von therapeutischen Massnahmen, Stämpfli, 2019, S. 3-24

 

  • Chris Lehner, Das Kriterium der schweren psychischen Störung – die Rechtsprechung des Schweizerischen Bundesgerichts, in: Die schwere psychische Störung als Voraussetzung von therapeutischen Massnahmen, Stämpfli, 2019, S. 85-98

 

  • Frédéric Krauskopf, Das Management der privatrechtlichen Verjährung : ausgewählte Fragen zur Verjährungsunterbrechung, zum Verjährungsverzicht und zur Verjährungsverlängerung unter Berücksichtigung des neuen Verjährungsrechts, in: Le insidie della prescrizione, Lugano : CFPG ; Helbing Lichtenhahn, 2019, S. 23-42

 

  • Blaise Carron, Quelques embûches du droit de la prescription en droit des obligations : délimitation avec la péremption – créance en restitution de prestations déjà effectuées – obligation de restituer du mandataire (art. 400 al. I CO), in: Le insidie della prescrizione, Lugano : CFPG ; Helbing Lichtenhahn, 2019, p. 43-72

 

  • Ivo Schwander, Die Verjährung im internationalen Privatrecht, in: Le insidie della prescrizione, Lugano : CFPG ; Helbing Lichtenhahn, 2019, S. 73-88

 

  • Pierre Louis Manfrini, Les embûches de la prescription, in: Le insidie della prescrizione, Lugano : CFPG ; Helbing Lichtenhahn, 2019, p. 101-107

 

  • Davide Cerutti, Le insidie della prescrizione : analisi di un caso complesso dal punto di vista dell’avvocato, in: Le insidie della prescrizione, Lugano : CFPG ; Helbing Lichtenhahn, 2019, p. 119-137

 

  • Evalotta Samuelsson, Wie viel Beweis für welchen Schaden?, in: Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung und berufliche Vorsorge, Jg. 63(2019), H. 3, S. 115-124

 

  • Patricia Dietschy-Martenet, Le congé non payé en droit du travail et des assurances sociales, in: Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung und berufliche Vorsorge, Jg. 63(2019), H. 4, S. 181-188

 

  • Roman Schleifer/Ueli Kieser/Michael Liebrenz, Verwendung von Observationsmaterial im Rahmen von psychiatrischen Begutachtungen, in: Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung und berufliche Vorsorge, Jg. 63(2019), H. 4, S. 197-201

 

  • Mélanie Fretz Perrin, La cause extérieure extraordinaire en cas d’erreur ou de maladresse lors d’un acte médical, in: Revue suisse des assurances sociales et de la prévoyance professionnelle, Vol. 63(2019), no 4, p. 202-203

 

  • Petra Fleischanderl, Schreckereignis, in: Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung und berufliche Vorsorge, Jg. 63(2019), H. 5, S. 290-295

 

  • Albert Studer/Isabelle Juvet/Ursina Zanoni, Schockschaden – eine herausfordernde Zurechnungsfrage, in: HAVE, 2019, H. 3, S. 219-230

 

  • Christian M. Imhof, Der Haushaltsversorgungsschaden, ein Dauerschaden?, in: HAVE, 2019, H. 3, S. 301-305

 

  • Thomas Bittel/Lorena Locher, Auch im Todesfall: so kongruent wie möglich!, in: HAVE, 2019, H. 3, S. 308-312

 

Articles et ouvrages – Sélection Avril 2019 – Septembre 2019

Voici une sélection (personnelle et subjective) des divers articles, contributions et ouvrages parus récemment :

 

  • Boris Rubin, Assurance-chômage et service public de l’emploi, Schulthess, 2019 (état de la doctrine et de la jurisprudence au 01.01.2019)

 

  • Tanja Schmidt, Les clauses pour solde de tout compte, ou, La renonciation définitive à se prévaloir de prétentions ultérieures, Schulthess, 2019, Ed. commerciale de la thèse jur. n°952 Univ. de Genève, 2018

 

  • David Lachat … [et al.], Le bail à loyer, Edition 2019, Editions de l’ASLOCA romande

 

  • Karin Kast, Der sozialversicherungsrechtliche Status privatrechtlich angestellter Arbeitnehmender in flexibilisierten Arbeitsverhältnissen : die Absicherung in den einzelnen Sozialversicherungszweigen im Vergleich zu den Arbeitnehmenden in Normalarbeitsverhältnissen, Zürich, 2019. – Diss. Univ. Freiburg Schweiz, 2018

 

  • Andrea Patricia Stäubli, Die Regelung über die vorvertragliche Anzeigepflicht des Versicherungsnehmers nach Art. 4 ff. VVG und ihr Verhältnis zum allgemeinen Zivilrecht, Dike, 2019 (Versicherung in Wissenschaft und Praxis ; Bd. 13), Diss. jur Univ. Zürich, 2018

 

  • Roland Brehm, La réparation du dommage corporel en responsabilité civile : (art. 45 à 47 CO), 2e éd., Stämpfli, 2019

 

  • Raphael Cupa, Art. 44 E-ATSG – die verpasste Chance, in: Jusletter, 20. Mai 2019

 

  • Anna Giger, Missbrauchsbekämpfung durch die Sozialversicherung und Persönlichkeitsrechte im Internet, in: Jusletter, 9. September 2019

 

  • Michael E. Meier, Uber-Fahrer im schweizerischen Arbeitsrecht : Qualifikation des Arbeitsverhältnisses und Rechtsfolgen, in: Neue Arbeitsformen und ihre Herausforderungen im Arbeits- und Sozialversicherungsrecht, Dike, 2018, S. 65-94

 

  • Jörg Jeger, Wegfall von Erwerbsmöglichkeiten/monetäre Bewertung : der Beitrag des Mediziners und was der Rechtsanwender daraus macht, in: Sozialversicherungsrechtstagung 2018, Dike, 2019, S. 1-14

 

  • Hardy Landolt, Wegfall von Erwerbsmöglichkeiten : der Beitrag des Mediziners und was der Rechtsanwender daraus macht, in: Sozialversicherungsrechtstagung 2018, Dike, 2019, S. 15-48

 

  • Sebastian Reichle, Unklare Beschwerdebilder – wohin des Weges? : die Vergangenheit lehrt uns die Zukunft, in: Sozialversicherungsrechtstagung 2018, Dike, 2019, S. 49-105

 

  • Ueli Kieser, Selbständige und unselbständige Tätigkeit im Sozialversicherungsrecht : eine althergebrachte Abgrenzung mit Entwicklungspotential, in: Sozialversicherungsrechtstagung 2018, Dike, 2019, S. 135-159

 

  • Anne-Sylvie Dupont, Points communs et différences des régimes indemnitaires : quelques conséquences pratiques, in: L’indemnisation du préjudice corporel, CEMAJ, Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel, Helbing Lichtenhahn, [2019], p. 1-32

 

  • Alexandre Guyaz/Rébecca Grand, Coordination des régimes indemnitaires : quelques problèmes actuels, in: L’indemnisation du préjudice corporel, CEMAJ, Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel, Helbing Lichtenhahn, [2019], p. 33-74

 

  • Christoph Müller/Julitte Schaller, La prescription en droit de la responsabilité civile : vers le nouveau droit, in: L’indemnisation du préjudice corporel, CEMAJ, Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel, Helbing Lichtenhahn, [2019], p. 75-105

 

  • Alexis Overney, Le recours subrogatoire de l’assureur social : questions posées par la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, in: L’indemnisation du préjudice corporel, CEMAJ, Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel, Helbing Lichtenhahn, [2019], p. 107-146

 

  • Bruno Cesselli, Les moyens de capitalisation, in: L’indemnisation du préjudice corporel, CEMAJ, Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel, Helbing Lichtenhahn, [2019], p. 147-203

 

  • Corinne Monnard Séchaud, Le calcul de surindemnisation en droit des assurances sociales, in: L’indemnisation du préjudice corporel, CEMAJ, Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel, Helbing Lichtenhahn, [2019], p. 205-243

 

  • Anne-Sylvie Dupont, Le revenu de substitution en cas d’incapacité de travail consécutive à la maladie, in: L’OIT et le droit social en Suisse: 100 ans et après?, Université de Genève, Faculté de droit, Pôle Berenstein, 2019, p. 59-79

 

  • Karine Lempen/Marie Major, Les normes de l’OIT et les discours sur le temps de travail en Suisse : vers un contrôle accru des personnes salariées sur leur temps?, in: L’OIT et le droit social en Suisse: 100 ans et après?, Université de Genève, Faculté de droit, Pôle Berenstein, 2019, p. 81-135

 

  • Anne-Sylvie Dupont, Les règles européennes de coordination des régimes de sécurité sociale à l’épreuve des nouvelles formes de travail, in: Les aspects internationaux du droit du travail, Schulthess éd. romandes, 2019, p. 291-322

 

  • Roxane Zappella, Le paiement du salaire en euros, in: Les aspects internationaux du droit du travail, Schulthess éd. romandes, 2019, p. 323-349

 

  • Anne-Sylvie Dupont, Révolution 4.0 et sécurité sociale : faut-il repenser la protection sociale et son financement?, in: La révolution 4.0 au travail, Schulthess éd. romandes, 2019, p. 121-140

 

  • Susana Mestre Carvalho, Exigibilité : la question des ressources mobilisables, in: Revue suisse des assurances sociales et de la prévoyance professionnelle, Vol. 63(2019), no 2, p. 59-74

 

  • Ignacio Moreno, Haftpflicht und Versicherung der E-Bikes, in: Jahrbuch zum Strassenverkehrsrecht, 2019, S. 3-21

 

  • René Wiederkehr/Ivy Rosales-Geyer, Art. 27 ATSG und seine Bedeutung für das öffentliche Verfahrensrecht, in: AJP, Jg. 28(2019), Nr. 4, S. 463-469

 

  • Tano Barth, Le courrier A Plus, in: Revue de l’avocat, Vol. 22(2019), no 3, p. 127-129

 

  • Camille Joye-Yerly, Le versement anticipé LPP et la radiation de la mention au registre foncier, in: Revue suisse du notariat et du Registre foncier, Vol. 100(2019), no 4, p. 197-208

 

  • Margaret Kuelen, Le disposizioni penali in ambito di assicurazioni sociali e di aiuto sociale in particolare alla luce dell’art. 148a CP, in: Rivista ticinese di diritto, 2019, no 1, p. 313-371

La réadaptation prime sur la rente ? Les réformes de l’ai à la lumière d’une étude longitudinale

La réadaptation prime sur la rente ? Les réformes de l’ai à la lumière d’une étude longitudinale

 

Article d’Emilie Rosenstein, du Pôle de recherche national (PRN), consultable ici

 

Messages-clés

La baisse du nombre de rentes AI (20%) observée depuis le milieu des années 2000 est due principalement au durcissement des critères d’éligibilité ; les mesures de réadaptation professionnelle progressent mais restent limitées, notamment aux plus jeunes.

La part des rentes octroyées pour des raisons psychiques continue d’augmenter, celles-ci concernent près d’un-e rentier-ère sur deux. Le renforcement des mesures de réadaptation professionnelle entrepris par les récentes réformes n’a que peu d’effet.

Le manque de connaissance à l’égard de l’AI et le stigmate qui lui est associé, renforcé par les mesures de lutte contre les « abus » ont un effet désincitatif qui tend à accroître le risque du non-recours.

 

Réformes & baisse importante du nombre de rentes AI

Depuis les récentes réformes de la loi sur l’assurance-invalidité, le nombre de rentes octroyées a considérablement diminué. Selon les chiffres de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), en 2015 l’AI accorde 45’000 rentes de moins que dix années auparavant, soit une diminution de plus de 20% pendant une période de croissance démographique importante (+10%).

Nombre de bénéficiaires de rentes AI en Suisse

 

Plus spécifiquement, trois révisions ont contribué à cette baisse :

  1. la 4e révision en 2004 : Elle a conduit à l’introduction de mesures d’aide au placement destinées à favoriser le retour en emploi, a supprimé certaines prestations dont les rentes complémentaires pour conjoint-e, et s’est accompagnée d’un durcissement des critères d’éligibilité, notamment sur le plan médical ;
  2. la 5e révision en 2008 : Point d’orgue des récentes réformes de l’AI, qui a vu le développement de la réadaptation professionnelle ainsi que l’introduction de la stratégie de détection et d’intervention précoce. Son objectif est de maximiser les chances de réinsertion en identifiant les besoins en matière d’invalidité le plus rapidement possible ;
  3. la 6e révision en 2012 : Elle vise à la fois à faciliter l’accès à la réadaptation professionnelle tout en procédant au réexamen systématique du droit à la rente d’une gamme très large d’assuré-e-s, notamment des personnes atteintes de troubles somatoformes douloureux.

Sur l’ensemble, l’objectif de réduction des dépenses poursuivi par ces trois révisions a été atteint et a permis d’assainir le budget de l’AI. Cependant, cette réduction s’explique avant tout par le durcissement des critères d’éligibilité et la suppression de certaines prestations. Quant aux objectifs liés à la réadaptation professionnelle ainsi que la stratégie de détection et d’intervention précoces, notre étude arrive à des conclusions plus contrastées.

 

Etude de 1500 trajectoires sur 48 mois

Notre étude, menée dans le cadre de Pôle de recherche national LIVES à l’Université de Genève, en collaboration avec l’Université de Lausanne, révèle à plusieurs égards des développements paradoxaux. En questionnant l’impact des réformes de l’AI sur les assuré-e-s et sur leur accès aux prestations, nous avons suivi les trajectoires administratives d’un total de 1500 personnes ayant déposé une demande auprès de l’Office de l’assurance-invalidité du canton de Vaud. A partir de ces données, nous avons constitué trois sous-échantillons représentatifs de 500 individus selon la date du 1er dépôt de demande à l’AI (2000, 2004 et 2008) puis analysé leurs trajectoires en comparant ces trois cohortes d’assuré-e-s sur les 48 mois qui suivent leur demande.

 

Accélération décisionnelle, augmentation des refus et des placements

Comme notre analyse séquentielle sur quatre années le démontre, le traitement des demandes de prestations AI s’est nettement accéléré. Alors que pour la cohorte de 2000, seul un quart des demandes déposées avaient été traitées dans le délai d’une année, pour la cohorte de 2008, plus de deux tiers des dossiers ont été traités dans ce laps de temps. La comparaison de ces deux cohortes révèle en parallèle que l’accès aux rentes a été réduit. Ainsi, quatre ans après avoir déposé une demande, 49% des assuré-e-s de la cohorte de 2000 étaient au bénéficie d’une rentre contre 28% parmi la cohorte de 2008. Cette diminution s’explique en bonne partie par l’augmentation des refus de prestation. Alors que quatre ans après le dépôt de leur demande, 19% des assuré-e-s de la cohorte de 2000 avaient quitté l’AI suite à un refus de prestation, ils étaient 28% dans la cohorte de 2008 à connaître la même situation. L’accès aux mesures de réadaptation professionnelle à quant à lui progressé mais dans une moindre mesure (3% des assuré-e-s de la cohorte de 2000 étaient au bénéficie d’une mesure de réadaptation un an après le dépôt de leur demande, contre 8% parmi la cohorte de 2008).

Sous l’angle de l’âge, nos résultats révèlent un effet paradoxal des réformes de l’AI. Alors que celles-ci visaient tout particulièrement à répondre à l’augmentation du nombre de jeunes bénéficiaires de rentes, nos analyses montrent que leur taux n’a pas diminué. En effet, la part des personnes de 18-35 ans bénéficiant de rentes (entières et partielles) est restée la même pour les deux cohortes (soit 33%, 4 ans après le dépôt de leur demande). Cependant, pour les tranches d’âge de 35 à 49 ans ainsi que celle de 50 à 65 ans, l’impact a été très concret et se traduit par une augmentation marquée des refus de prestations (+79% parmi les 35-49 ans, et +54% parmi les 50-65). Contrairement à la situation des jeunes, l’accès aux rentes des classes d’âge supérieures a été nettement réduit, sans que leur accès à la réadaptation professionnelle n’ait progressé de manière significative.

 

Inégalités et impact limité de la réadaptation professionnelle

Nos analyses pointent également un renforcement de certaines inégalités. C’est avant tout la catégorie des plus jeunes assuré-e-s (18-35 ans) qui bénéficie de mesures de réadaptation professionnelle, et cette inégalité a progressé parmi la cohorte la plus récente.

En analysant les trajectoires selon l’atteinte à la santé, nos analyses mettent également en lumière le renforcement d’importantes différences entre les personnes déposant une demande à l’AI pour des raisons somatiques et/ou psychiques. Ainsi, si on observe parmi la cohorte de 2000 un accès différentiel à la rente (avec 47% d’assuré-e-s bénéficiant d’une rente pour raisons somatiques 4 ans après le dépôt de leur demande, contre 72% parmi les personnes atteintes de troubles psychiques), cet écart s’est accru et l’accès à la rente est d’autant plus polarisé parmi la cohorte de 2008 (avec 27% d’assuré-e-s bénéficiant d’une rente pour raisons somatiques 4 ans après le dépôt de leur demande, contre 59% parmi les personnes atteintes de troubles psychiques). De plus, il faut encore souligner le fait que, si l’accès à la rente reste supérieur pour les personnes souffrant d’atteintes psychiques, celles-ci sont moins nombreuses parmi la cohorte de 2008 qu’au sein de la cohorte de 2000 (25% de l’échantillon contre 37%). Parallèlement, on note que la part de personnes pour lesquelles l’AI a jugé qu’elles ne souffraient pas d’atteinte à la santé a augmenté, passant de 16% de notre échantillon pour la cohorte de 2000 à 25% pour la cohorte de 2008.

 

Le non-recours comme résultat paradoxe des réformes

Notre étude repose également sur l’analyse de 23 entretiens biographiques, menés auprès de personnes appartenant majoritairement à la cohorte ayant fait appel à l’AI en 2008. Cette partie qualitative de l’étude permet de saisir l’impact subjectif et la perception individuelle des réformes. Il en ressort une conclusion importante : en dépit des outils de détection et d’intervention précoce, les récentes réformes entretiennent le risque de non-recours à l’AI. Tout d’abord, la survenance d’une atteinte à la santé constitue une étape critique dans le parcours de vie, qui se caractérise par un risque élevé de non-recours aux prestations sociales. De plus, notre étude révèle que l’objectif de réduction des dépenses, qui se traduit par une augmentation du nombre de refus, cumulé à une suspicion d’abus très présente dans les débats publics, viennent renforcer les obstacles matériels et symboliques qui jalonnent le parcours de recours à l’AI. Comme l’illustre le témoignage de cette personne ayant bénéficié d’une réadaptation professionnelle :

Quand on entre dans le cercle de l’AI, c’est clair que l’on est tout de suite catalogué, suivant comment, malgré le fait que l’on nous dise que non, mais moi en tout cas, je l’ai ressenti comme ça. Et on est passé au crible, on est passé au crible, à voir vraiment si on dit la vérité ou si on ment. D’ailleurs, c’est pour ça que l’on a des expertises et tout ça. (…) J’ai l’impression presque que l’on m’accablait, que l’on me culpabilisait de demander l’AI. (Rosenstein 2018)

Se pose alors la question du devenir des personnes qui renoncent à leurs droits, de même que celui des personnes qui rencontrent un refus de prise en charge par l’AI et qui sont, comme nous l’avons vu, en augmentation. Est-ce que l’on assiste à un transfert de coûts vers l’aide sociale, qui connaît par ailleurs une croissance importante du nombre de ses bénéficiaires ? Ou s’agit-il d’un report de charges sur les individus et les ménages, ainsi responsables de trouver individuellement des solutions pour surmonter leur vulnérabilité ? On peut également interroger la capacité du marché du travail à accueillir ces personnes, ou la capacité de ces dernières à retrouver par elles-mêmes un emploi qui soit à la fois adapté à leur situation, à leur état de santé, mais aussi à leurs aspirations. En l’état, les données disponibles ne permettent pas de répondre à ces questions pourtant capitales, et appellent ainsi au développement de nouveaux travaux de recherche.

 

Biographie

Dr Emilie Rosenstein, Maître-assistante, Département de sociologie et Institut de démographie et socioéconomie, Université de Genève, membre du PRN LIVES,

 

 

Article d’Emilie Rosenstein, du Pôle de recherche national (PRN), consultable ici

 

 

Exécution des créances récursoires de l’AI et de l’AVS – Quelques exemples de jurisprudence

Exécution des créances récursoires de l’AI et de l’AVS – Quelques exemples de jurisprudence

 

Article de Thomas Bittel et Fritz Stalder, paru in CHSS n° 3 ⁄ septembre 2019, disponible ici

 

L’OFAS fait preuve d’une grande retenue quand il s’agit d’obtenir par la voie judiciaire ­ l’exécution de ses créances récursoires. Lorsqu’il s’y résout néanmoins après avoir soigneusement pesé les risques et les perspectives de succès de la démarche, les chances d’obtenir ­partiellement ou entièrement gain de cause sont bonnes : le taux de réussite est d’environ 80 %.

Dans les cas de décès ou d’invalidité, l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) et l’assurance-invalidité (AI) exercent leur droit de recours lorsque les prestations à allouer par les assurances sociales ont pour cause un événement sujet à responsabilité civile (p. ex. accident de voiture avec une personne blessée). En pareil cas, la victime a aussi une créance en responsabilité civile contre la personne responsable. Or, cette créance passe de plein droit à l’assureur social à concurrence des prestations fournies et à fournir par l’AVS ou par l’AI (le transfert légal de la créance est aussi appelé subrogation). Le recours est réglé aux art. 72 ss de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA). Il est exercé, avec la collaboration des caisses de compensation et des offices AI, par les services de recours, la Suva et le secteur Recours AVS/AI de l’OFAS. Sept services de recours sont rattachés aux caisses de compensation cantonales et un à un office AI. Les services régionaux de recours commencent par tenter de faire valoir les prétentions susceptibles de recours auprès du tiers responsable et de son assurance RC. En cas d’échec, ce qui est rare, le dossier est transmis au secteur Recours AVS/AI de l’OFAS, qui cherche à son tour un terrain d’entente extrajudiciaire avec l’assurance RC. Si ces démarches échouent, le secteur Recours examine si les prétentions doivent faire l’objet d’une procédure judiciaire. Il s’appuie alors sur une gestion des processus avérée qui prévoit non seulement une analyse strictement juridique du cas d’espèce, mais tient aussi compte des intérêts financiers en jeu et s’applique à choisir les mandataires éventuels (Beck 2012). L’exécution par voie de justice des créances récursoires à l’encontre de tiers responsables comporte un risque au niveau des frais judiciaires et engendre des coûts importants. C’est pourquoi elle est vue comme une ultima ratio. Depuis 2012, une procédure judiciaire a été ouverte dans 17 cas de créances récursoires de l’AI et de l’AVS. Trois de ces cas seulement ont trouvé une issue négative. Le taux de réussite de plus de 80 % peut être qualifié d’excellent. Nous présentons ci-après tous les cas de recours de l’AI et de l’AVS qui ont été soumis à la justice entre 2012 et 2018 et qui ont été réglés entre-temps.

 

Responsabilité civile et quote-part de ­responsabilité

Fille rendue invalide par son père ivre En ­janvier 2000, l’assurée, alors âgée de 8 ans, installée sur le siège du passager sans être attachée, a subi de graves lésions cérébrales après que son père ivre a perdu la maîtrise du véhicule familial et est entré en collision avec une armoire de distribution électrique. Comme l’assurance RC arguait de l’absence de faute grave et en déduisait pouvoir bénéficier des avantages du privilège de recours, l’AI a agi en justice pour un montant de plus de 1,7 million de francs. Le tribunal n’a pas vraiment été convaincu de l’absence de faute grave de sorte qu’après l’échange des mémoires des parties, une transaction a pu être conclue sur la base de 72 % de la somme. Un montant récursoire de 1,25 million de francs est ainsi revenu à l’AI (transaction devant le Tribunal de district de Zurich, 11 février 2014).

 

Lamborghini Miura : forme superbe, mais meurtrière Le commissaire de piste d’une course de voitures anciennes, déjà au bénéfice d’une rente AI, a été touché et tué, sur un tronçon fermé, par une Lamborghini Miura ayant dérapé. L’AVS, qui versait à la veuve des prestations sous forme de rente, a engagé une action récursoire en décembre 2010 pour les prestations d’entretien en se basant sur la responsabilité causale de l’organisateur (art. 72 LCR). L’action a été rejetée, car le tribunal a considéré qu’il n’y avait pas de responsabilité au vu de la faute personnelle grave du défunt et qu’on ne pouvait pas retenir un comportement fautif du conducteur de la Lamborghini. Comme le commissaire de piste décédé n’aurait pas dû quitter sa place et qu’il avait reçu des instructions appropriées avant la course, il fallait écarter toute faute (ou faute concomitante) de l’organisateur (Tribunal de commerce de Zurich, 25 février 2014, HG 100340-0).

 

Erreur grave de dosage dans le laboratoire de chimie Une enseignante d’allemand, appelée à assumer un enseignement partiel en chimie faute de collègues spécialisés, préparait, avec son prédécesseur qui lui donnait des instructions, une expérience avec de la poudre à pistolet (à capsules) composée de soufre et de chlorate de potassium, lorsqu’il s’est produit une violente explosion. Le maître de chimie de degré inférieur lui avait transmis par erreur un mélange surdosé à un facteur 1000 (!) à étendre en frottant. Bien que l’assurée ait subi des atteintes pulmonaires par inhalation, qui auraient pu lui être fatales, et des brûlures complexes aux deux mains, l’AI a pu, grâce à un reclassement, éviter de devoir lui verser une rente. Le maître de chimie a été condamné pénalement pour lésions corporelles par négligence grave. L’argument de l’assurance RC selon lequel le comportement du maître de chimie ne devait pas être qualifié de négligence grave et que, dès lors, la responsabilité de l’école ne pourrait être mise en cause en raison de la situation de privilège de l’employeur n’a convaincu aucun tribunal, pas même le TF. La prétention récursoire de l’AI, de 380 000 francs, a été entièrement reconnue (TF 2C_1087/2013, 28 juin 2014).

 

Cyclomoteur brûlant la priorité d’une motocyclette L’assuré âgé de 25 ans a freiné et a chuté avec sa motocyclette sur une route prioritaire parce qu’un cyclomotoriste d’à peine 15 ans débouchant d’une route secondaire lui avait coupé la route. Le motocycliste a été blessé gravement à la jambe droite, en conséquence de quoi il a touché, en plus d’une rente entière de l’AI, quatre rentes pour enfant et une rente de l’assurance-accidents obligatoire. Comme l’assurance RC du cyclomotoriste contestait catégoriquement la responsabilité de celui-ci en vertu de l’art. 41 CO, les assureurs sociaux ont agi ensemble devant le Tribunal de district pour leurs créances. Alors que ce tribunal avait fixé la quote-part de responsabilité du cyclomotoriste à 75 %, le Tribunal cantonal l’a réduite à 55 %, réduction confirmée par le TF. Le montant récursoire obtenu par l’AI s’est ainsi élevé à 535 000 francs. Si, par son comportement, le cyclomotoriste avait généré la cause prépondérante de l’accident, le TF a toutefois jugé que l’estimation de l’instance précédente, selon laquelle le risque de fonctionnement inhérent était plus élevé pour une motocyclette que pour un cyclomoteur, n’était pas contestable (TF 4A_74/2016, 9 septembre 2016).

 

Locataire récalcitrant tirant sur des policiers avec son pistolet militaire Un homme psychiquement perturbé depuis 2006 a été déclaré inapte au service militaire en 2007 en raison de graves troubles de la personnalité. Comme l’armée a ensuite omis pendant des années de récupérer son arme de service, propriété de la Confédération, cette arme se trouvait encore en possession de l’auteur lorsqu’a eu lieu son expulsion forcée de son logement. L’auteur a alors tiré sur un policier un coup mortel et en a blessé un autre d’une balle qui lui a éraflé le bras. Le Tribunal administratif fédéral a vu un comportement illicite au sens de l’art. 3, al. 1, de la loi sur la responsabilité (LRCF, RS 170.32) dans le fait que l’armée suisse avait omis de retirer son arme au soldat licencié. Contrairement à l’instance précédente, il a considéré que l’illicéité et dès lors la responsabilité de principe devaient être admises. Le recours de l’AVS portait sur une somme de 220 000 francs (Tribunal administratif fédéral, 8 février 2019, A-3025/17).

 

Une opération corrective de la cloison nasale conduit à une demi-rente AI Souffrant d’une inflammation chronique du sinus nasal (polysinusite), l’assurée a subi une opération en janvier 1992 à l’hôpital régional de la Haute-Engadine. Lors de l’intervention visant à réduire la muqueuse épaissie du cornet nasal (mucotomie), le chirurgien a blessé le nerf optique par un découpage multiple dans l’orbite, ce qui a entraîné une perte partielle durable de la mobilité et de la fonction de l’œil droit et – en particulier en cas de fatigue – des maux de tête notablement accrus. Le tribunal cantonal a considéré comme établi que le chirurgien avait fait preuve de négligence grave, de sorte qu’il a retenu une responsabilité civile du district et qu’il a admis l’action récursoire pour l’intégralité du montant de 740 000 francs (y compris une somme importante à titre d’intérêts ! ). (Tribunal cantonal des Grisons, 19 février 2019, ZK2 16 55).

 

Calcul d’une perte de soutien

Un chauffeur de camion ne voit pas une mère de 38 ans et l’écrase mortellement En 2005, une cycliste de 38 ans a été écrasée par un chauffeur de camion qui virait à droite et qui ne l’a pas vue. Elle est morte sur les lieux de l’accident, laissant un époux âgé de 38 ans et une fillette commune de 8 ans. Le tribunal a déterminé la perte de soutien en deux phases, en se référant aux taux de soutien ressortant des tabelles et en prenant en considération le revenu net pour fixer la perte relative à la disparition des revenus. Le calcul de la perte de soutien ménager a été fait de manière abstraite à l’aide des tableaux de l’ESPA et sur la base d’un tarif horaire de 29 francs, avec augmentation du salaire réel de 1 % par année. La perte de soutien ménager concernait à 33 % l’orpheline de mère et à 66 % le veuf. Le tribunal a retenu que la concordance matérielle des rentes de veuf et d’orpheline était donnée tant pour la perte de soutien découlant de la cessation des revenus que pour le dommage ménager. L’AVS a emporté et a pu obtenir une somme récursoire de 185 000 francs (= 94 % de la valeur quantitative des prestations) (Tribunal de district de Lucerne, 12 mars 2013, 1A1 11 18 UZ55).

 

Lien de causalité naturelle et adéquate, prédisposition(s) constitutionnelle(s)

Paratonnerre manifestement mal placé En 2001, l’assurée a trébuché sur un paratonnerre saillant installé de manière non professionnelle sur un parking. En raison de la fracture des quatrième et cinquième métacarpiens subie lors de la chute, elle a souffert d’un syndrome douloureux persistant et a touché, depuis septembre 2002, une rente AI entière calculée selon la méthode mixte (ménage/gain). Fin 2010, l’AI a ouvert une action pour sa créance récursoire fondée sur l’art. 58 CO parce que la propriétaire du parking niait l’existence d’un lien de causalité naturelle et contestait largement le dommage. Dans le cadre des pourparlers engagés devant le tribunal de district, la défenderesse se montra néanmoins finalement prête à payer à l’AI les 88 % de la valeur quantitative des prestations, à savoir 200 000 francs (transaction devant le Tribunal de district de Baden, 19 novembre 2012).

 

Traitement des lèvres sèches conduisant au saturnisme Une assurée âgée de 67 ans a traité ses lèvres sèches avec la pommade cicatrisante Vulnosan. Un an après la première application, les symptômes de saturnisme se sont révélés être indiscutablement dus à la pommade. Celle-ci a une teneur en plomb de pas moins de 13,4 % (!). Des paralysies nerveuses causales dans les deux bras, une atrophie 
des muscles des mains et une paralysie des doigts ont rendu l’assurée dépendante de soins. Le recours de l’AI pour ­l’allocation pour impotence moyenne, qui se fondait sur une responsabilité civile selon la loi sur la responsabilité du fait des produits, a été admis à juste titre après que l’assurance du pharmacien qui fabriquait la pommade avait contesté le besoin de soins de l’assurée, ainsi que le dommage, et avait même tenté – de manière abstruse – de la charger d’une faute concomitante. Résultat : la créance récursoire a été admise à hauteur du montant total des prestations causées, soit 115 000 francs (Cour d’appel de Bâle-Ville, 21 mai 2013, AZ.2011.3).

 

Assurance RC sans cœur pour une réadaptation réussie (AI) En 1998, une assurée a subi une collision par l’arrière et, en raison des conséquences de l’accident, n’a plus été en mesure de poursuivre sa formation en cours d’emploi de psychologue. L’assurance RC du détenteur de la voiture n’a ensuite pas voulu prendre en charge la réadaptation réussie mise en place par l’AI, bien qu’elle ait précédemment versé 250 000 francs à la lésée au titre de dommage direct, c’est-à-dire la part du dommage non couverte après déduction des prestations de l’assurance sociale. Tant le Tribunal de commerce de Zurich que le TF ont fini par faire entendre raison à la partie adverse, qui a dû rembourser à l’AI au total plus de 300 000 francs à titre récursoire (TF 4A_275/2013, 30 octobre 2013).

 

L’opération d’une fistule anale aboutit à une section du sphincter En 1977 déjà, l’assuré avait été opéré par deux fois d’une fistule anale. Une autre opération, contre-indiquée, a échoué en 1994, le sphincter interne ayant été sectionné. L’incontinence qui s’en est suivie a entraîné l’invalidité de l’assuré en 1996. Excluant le recours pour le dommage de rente, le TF a reconnu à l’AI environ 80 % de la créance récursoire qu’elle invoquait (TF 4A_404/2013, 29 janvier 2014). Cela était logique, dans la mesure où il avait déjà alloué au lésé, avec imputation des prestations fournies par l’AI, 250 000 francs en 2007 (TF 4A_273/2007, 31 octobre 2007).

 

La vie frivole d’un rentier coûte à l’AI ses prétentions récursoires En 1997, à l’âge de 38 ans, l’assuré a subi une distorsion de la colonne cervicale en raison d’une collision par l’arrière. Comme l’AI lui avait reconnu le droit à une rente entière et que l’assurance-accidents avait reçu du TF l’ordre de verser elle aussi une rente entière, l’AI a dû introduire son recours treize ans plus tard. La surveillance de l’assuré, organisée par l’assurance RC pendant la procédure judiciaire, révéla une image peu favorable pour l’AI : l’assuré avait des journées au programme bien réglé, se distinguait surtout par la fréquentation assidue de night-clubs et n’avait présenté, pendant les seize jours de la surveillance, aucun signe d’une atteinte physique. Faute de preuve suffisante de la causalité naturelle de maux permanents dus à l’accident, qui étaient contestés, l’AI s’est vue contrainte de racheter le risque de perdre le procès et de verser un montant symbolique de 20 000 francs (transaction devant le Tribunal supérieur de Zurich, 28 mai 2014).

 

Quand les traumatismes cervicaux donnaient encore lieu à des prestations sous forme de rente Lors d’une violente collision par l’arrière en août 1999, l’assurée a subi un traumatisme de distorsion de la colonne cervicale. Elle a ensuite touché pour ce motif une demi-rente AI et trois rentes pour enfant. L’AI a fait valoir sa créance récursoire en 2008 devant le Tribunal de district de Baden après que l’assurance RC véhicule du responsable de l’accident avait contesté la causalité adéquate, invoquant que le calcul des dommages et intérêts devait tenir compte des atteintes préexistantes à l’accident. Les tribunaux n’ont pas suivi ce raisonnement et ont admis le lien de causalité adéquate et ont conclu à l’absence aussi bien d’une faute concomitante de la lésée que d’une prédisposition constitutionnelle. L’AI l’a emporté entièrement, obtenant 480 000 francs au titre de ses prétentions récursoires intérêts compris (Tribunal supérieur du canton d’Argovie, 2 juillet 2014, OZ.2013.8/CG).

 

La non-exécution d’une césarienne médicalement indiquée aboutit à des millions de francs de dommage Malgré les constats faits lors d’examens antérieurs et une dose élevée d’ocytociques, le gynécologue a commis l’erreur d’ordonner un accouchement normal. Ni la violation du devoir de diligence par le médecin, ni la causalité entre la faute et l’atteinte initiale à la santé du nouveau-né n’étaient contestées. L’assurance RC de la région hospitalière a toutefois cherché à se soustraire à sa responsabilité par des arguments irrecevables sur le caractère hypothétique de la causalité adéquate (qui était de toute manière établie) et par des objections formelles de forclusion. Après deux succès devant le TF (TF 4A_483/2012, 7 mars 2013, et 4A_51/2014, 27 août 2014 – le deuxième arrêt étant intervenu sur un grief d’arbitraire à la suite d’une fausse application du droit cantonal) – l’action récursoire à l’encontre de la région hospitalière responsable et de l’assurance RC de l’ancien mandataire de l’AI a abouti à un montant total de 2,765 millions de francs (transactions des 19/22 juin 2015 avec la région hospitalière et des 26/27 avril 2016 avec l’assurance RC du mandataire).

 

Collision par l’arrière subie par une Valaisanne présentant certaines prédispositions En janvier 2001, une mère élevant seule ses deux enfants a subi une collision par l’arrière qui a entraîné un syndrome cervico-céphalique (maux de tête et autres troubles dans la région de la tête et du cou) et un trouble de l’adaptation, raison pour laquelle elle n’a plus pu exercer son travail en tant que serveuse non qualifiée, nettoyeuse, coiffeuse et employée de bureau. L’AI a fait valoir des prétentions récursoires pour la rente temporaire versée à la femme, pour des indemnités journalières et pour les frais de reclassement, les mesures prises ayant permis de réinsérer l’assurée de juin 2003 à août 2005 dans le domaine commercial. Bien que l’assurance RC du conducteur fautif ait dédommagé la lésée par un montant forfaitaire de 130 000 francs et que le dernier acompte de ce montant ait été versé en 2006, elle a contesté à l’égard de l’AI l’existence d’un lien de causalité entre l’accident et les maux invoqués. La procédure engagée en février 2012 devant le Tribunal de district de Zurich et portant sur les prétentions récursoires de l’AI s’est terminée en 2016 par un jugement négatif de ce tribunal malgré deux victoires devant le TF (renvoi de la cause en raison de la partialité d’une juge par arrêt 4A_62/2014 du 20 mai 2014 et renvoi de la cause pour l’administration d’une preuve par arrêt 4A_588/2014 du 6 juillet 2015). Bien que le tribunal ait jugé fermement que l’expertise médicale établissait la preuve du lien de causalité naturelle et adéquate, il a rejeté l’action, arguant que l’AI n’aurait pas été en mesure de prouver la perte de gain effective (Tribunal de district de Zurich, 23 juin 2016, CG150146-L/U).

 

Assurance tentant (sans succès) de faire l’économie des intérêts En 1993, un assuré de 29 ans travaillant comme menuisier indépendant a fait une chute de quatre mètres dans le vide en raison d’une planche d’échafaudage défectueuse et il en est resté paraplégique. Grâce à des mesures de reclassement de l’AI, il a pu retravailler à mi-temps depuis 1998. Après l’échec d’un procès mené jusqu’au TF par l’assurance RC pour dommage direct, celle-ci tenta également vis-à-vis de l’AI de réduire les prestations en dommages et intérêts en faisant délibérément traîner le procès en longueur et en soulevant des arguments abusifs. Les instances judiciaires cantonales n’ont toutefois pas pu suivre l’argumentation de l’assurance RC et ont reconnu à l’AI le montant récursoire restant échu de 325 000 francs, comprenant l’indemnité d’amortissement pour l’adaptation de la voiture au handicap de l’assuré, l’allocation pour impotence faible et les intérêts courus (arrêt du Tribunal supérieur d’Appenzell Rhodes extérieures du 6 décembre 2016, O1Z 16 3).

 

Forte collision d’un camion contre l’arrière d’une voiture L’assurée de 38 ans a subi en 1998 une violente collision par l’arrière lorsqu’elle a dû freiner en raison du rétrécissement de la largeur de la piste où elle roulait sur l’autoroute et qu’un camion circulant avec une différence de vitesse de 25 à 33 km/h a embouti son véhicule, dont il a notamment gravement endommagé l’arrière. En raison de douleurs persistantes dans la région lombaire et résiduelles dans la région cervicale, l’assurée a obtenu une rente AI correspondant à une incapacité de travail de 50 %. Pour l’auteur réputé de l’expertise, les douleurs décrites pouvaient s’expliquer d’un point de vue biomécanique. Le tribunal n’a pas jugé plausible la limitation de la causalité naturelle à deux ans (ex post) invoquée par l’assurance RC. En raison de divergences sur l’admission du dommage, le cas s’est finalement réglé de manière satisfaisante par une part récursoire de 66 % et un montant de 140 000 francs (transaction devant le Tribunal de commerce de Zurich, 28 février 2017).

 

Article de Thomas Bittel et Fritz Stalder, paru in CHSS n° 3 ⁄ septembre 2019, disponible ici

 

 

 

 

Recours AVS/AI : Trois arrêts de principe du Tribunal fédéral en matière de recours

Recours AVS/AI : Trois arrêts de principe du Tribunal fédéral en matière de recours

 

Article de Peter Beck, paru in CHSS n° 3 ⁄ septembre 2019, disponible ici

 

En général, le TF ne rend que peu d’arrêts de principe en matière de recours. 2018 a fait exception : trois arrêts, dont deux ont été publiés officiellement, ont inauguré d’importants changements dans la jurisprudence. Ils sont résumés brièvement ci-après.

Modification du calcul du droit préférentiel pour la réparation du tort moral

Souffrant de troubles psychiques, A. s’est retrouvée dans une bagarre ayant eu des conséquences dommageables pour sa santé (notamment, fracture d’une vertèbre lombaire). Elle a perdu sa capacité de travail. L’auteur a fait l’objet d’une condamnation pénale ferme pour lésions corporelles graves par négligence. L’assurance-accidents obligatoire a versé à A. une indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI) de 31 500 francs et a fait valoir une créance récursoire contre l’auteur. Le tort moral en droit de la responsabilité civile s’est élevé à 63 000 francs et a été réduit de 20 % en raison des troubles psychiques étrangers à l’accident. Selon le TF, le litige porte sur le point de savoir si c’est la lésée ou l’assurance-accidents obligatoire, dans le cadre du recours, qui doit supporter la réduction de 20 %. Si une IPAI concourt avec une indemnité pour tort moral, le calcul du droit préférentiel est particulier selon l’ATF 123 III 306 (droit préférentiel de répartition affaibli). Un tel calcul a aussi été appliqué dans l’arrêt du TF 4C 152/1997 du 25 mars 1998. Ce calcul peut bien trouver application dans le cas d’une faute concomitante, mais, en l’espèce, la lésée A. ne saurait être privée du droit préférentiel au sens de l’art. 73 al. 1 LPGA. Celle-ci peut réclamer la différence entre l’indemnité pour tort moral (non réduite du droit de la responsabilité civile) de 63 000 francs et l’IPAI de 31 500 francs. Il en résulte 31 500 francs (prétention directe). La différence entre l’indemnité pour tort moral réduite de 50 000 francs et la prétention directe de la lésée A. de 31 500 francs s’élève à 18 500 francs. Il s’agit du substrat du recours de l’assureur-accidents obligatoire.

Arrêt du TF 4A_631/2017 du 24 avril 2018

Arrêt du TF 4C 152/1997 du 25 mars 1998

Arrêt principal du TF, ATF 123 III 306

 

Droit de recours intégral de l’assureur dommages

La passagère A. (née en 1928) a chuté dans un bus d’une entreprise régionale lorsque celui a démarré brusquement après un arrêt. Elle a souffert d’une fracture par compression de la troisième vertèbre lombaire et a dû être hospitalisée, puis suivre une réadaptation. En plus des frais de l’assurance de base obligatoire, l’assurance complémentaire relevant de la loi fédérale sur le contrat d’assurance (LCA) a payé environ 33 000 francs au titre de prestations supplémentaires pour séjour en demi-privé. L’assurance complémentaire s’est fait ensuite céder les prétentions de la lésée A. et a agi en justice contre l’assurance RC de l’entreprise régionale. Le tribunal de première instance a rejeté l’action et, suivant la jurisprudence du TF (ATF 137 III 352), n’a pas admis l’action récursoire dirigée contre l’entité assumant une responsabilité causale. Saisi par l’assurance privée, le TF a considéré que les conditions d’un changement de jurisprudence étaient remplies. Refuser à l’assureur le recours à l’encontre de celui qui assume une responsabilité causale conduirait à une fausse répartition des coûts, parce que cela reviendrait à dire que la couverture de dommages serait la contre-prestation contractuelle de l’encaissement des primes. Or, ces dernières ne sont pas payées pour décharger ceux qui assument une responsabilité causale. Il convient d’observer que la situation s’est modifiée au fil du temps : plusieurs responsabilités à raison du risque ont été réglementées par la loi et un droit de recours intégral a été accordé aux institutions d’assurance dans le droit des assurances sociales (art. 72 ss LPGA). En outre, le législateur a l’intention de modifier la LCA et d’y introduire la subrogation dans des termes correspondant largement à ceux applicables aux assureurs sociaux. Dans le cas d’espèce, le changement de jurisprudence signifie qu’il faut accorder à l’assurance complémentaire, sur la base de l’art. 72 al. 1 LCA, un droit de recours contre l’entreprise régionale et son assurance RC.

Arrêt principal du TF ATF 137 III 352

Arrêt principal du TF ATF 144 III 209

 

Créance récursoire contre un coresponsable solidaire non privilégié

L’entreprise de construction K. SA était chargée d’assainir et d’étanchéifier les conduites de canalisation et les regards le long de la rue principale d’Einsiedeln. Au début septembre 2004, le jour de l’accident, les travaux effectués sur la conduite de canalisation remise en service étaient terminés. Le travailleur J. de la société K. SA était occupé à des travaux d’étanchéité dans un nouveau regard et fumait une cigarette lorsqu’un gaz se trouvant dans le regard a pris feu et a brûlé son torse et sa chevelure. J. a réussi à se hisser hors du regard avec l’aide d’un collègue et le feu qui avait pris sur son corps a pu être éteint. En même temps, il y a eu une explosion ou une déflagration de gaz. Selon une expertise d’avril 2005 demandée par la Suva à l’Inspection technique de l’industrie gazière suisse (ITIGS), le gaz combustible (propane) provenait d’une fuite d’une conduite de l’usine à gaz Erdgas Einsiedeln SA. L’accident a causé à J. des brûlures qui ont bien guéri. Les troubles psychiques qui se sont développés ensuite (syndrome de stress posttraumatique) ont provoqué une incapacité totale de travail faisant l’objet d’un litige. La Suva, l’AI et l’AVS ont versé des prestations à J., ou en verseront encore. Se fondant sur la loi sur les installations de transport par conduites (LITC), la Suva, l’AI et l’AVS (demanderesses récursoires) ont agi en justice contre l’assurance RC de l’usine à gaz en faisant valoir des créances récursoires d’un montant total de 1,3 million de francs. Le Tribunal de commerce de Zurich a admis l’action à concurrence d’un peu plus d’un million de francs. Sur ce, les parties ont recouru toutes deux au TF, qui a annulé le jugement du Tribunal de commerce en lui renvoyant la cause, dans un arrêt 4A_301/2016 et 4A_311/2016 du 15 décembre 2016 (ATF 143 III 79). Pour l’essentiel, la motivation de ce renvoi a été la suivante : il apparaît téléologiquement justifié que le responsable non privilégié (usine à gaz) ne soit responsable vis-à-vis de l’assureur social que dans la mesure dans laquelle il devrait supporter le dommage dans la relation interne avec l’employeur (K. SA) s’il n’existait pas de privilège de recours et que, par voie de conséquence, il était fait application entre eux du recours interne entre débiteurs solidaires. Par jugement du 3 juillet 2017, le Tribunal de commerce de Zurich a rejeté l’action récursoire pour le motif que, selon l’art. 51 al. 2 CO (ordre des recours), l’employeur (K. SA) a une responsabilité contractuelle devançant celle de l’usine à gaz fondée sur la LITC (responsabilité purement causale sans faute additionnelle). Dès lors, la quote-part à assumer par cette dernière à l’interne par rapport à l’employeuse est de 0 %. Les demanderesses invoquant des prétentions récursoires ont recouru au TF. Il s’agissait alors de se prononcer sur la question de savoir comment, au sens de l’art. 51 al. 2 CO (applicable en vertu d’un renvoi prévu à l’art. 34 LITC), le dommage devait être réparti entre l’exploitant d’une conduite n’ayant commis aucune faute et un tiers ayant commis une négligence légère. Le TF a estimé que la solution de l’instance précédente était trop simple. En effet, au vu des travaux préparatoires relatifs à la LITC, il faut admettre qu’une part de responsabilité reste à la charge de l’exploitant de la conduite lorsqu’un risque lié au fonctionnement de l’installation a contribué à l’accident, et cela même si cette responsabilité tirée de la loi peut en principe s’effacer devant une responsabilité contractuelle. Le comportement, contraire aux dispositions contractuelles, adopté par l’employeur a uniquement déclenché la réalisation du risque. Dans une telle inter­action, il faut s’écarter du régime rigide de l’art. 51 al. 2 CO et partager le dommage pour moitié chacun entre l’assurance RC et l’employeur.

Arrêt principal du TF ATF 144 III 319 

Arrêt principal du TF ATF 143 III 79

 

 

Article de Peter Beck, paru in CHSS n° 3 ⁄ septembre 2019, disponible ici

 

Articles et ouvrages – Sélection Février – Mars 2019

Voici une sélection (personnelle et subjective) des divers articles, contributions et ouvrages parus récemment :

 

  • Stéphanie Perrenoud, Assurances sociales et protection de la maternité, in: Gleichstellungsrechtliche Fragen im Sozialversicherungsrecht, Schulthess, 2018, p. 19-53

 

  • Anne-Sylvie Dupont, Nouveau droit du partage de la prévoyance professionnelle après divorce : les premières précisions jurisprudentielles, in: Gleichstellungsrechtliche Fragen im Sozialversicherungsrecht, Schulthess, 2018, p. 55-72

 

  • Marc Hürzeler, Die gemischte Methode der Invaliditätsbemessung – wo stehen wir heute? : mit einem Blick auf die Auswirkungen im UVG und BVG, in: Gleichstellungsrechtliche Fragen im Sozialversicherungsrecht, Schulthess, 2018, S. 95-110

 

  • Volker Pribnow/Stefanie Maag, Gleichstellungsfragen im schweizerischen Privatversicherungs- und Haftpflichtrecht, in: Gleichstellungsrechtliche Fragen im Sozialversicherungsrecht, Schulthess, 2018, S. 145-160

 

 

  • Nicola Moser, Verjährungsfristen der vertraglichen und ausservertraglichen Haftung, in: Die Verjährung, Schulthess, 2018, S. 17-63

 

  • Michel Verde, Die Verjährung nach Art. 60 Abs. 2 OR, in: Die Verjährung, Schulthess, 2018, S. 65-92

 

  • Andrea Eisner-Kiefer, Verjährung in der Privatversicherung, in: Die Verjährung, Schulthess, 2018, S. 95-117

 

  • Adrian Rothenberger, Die Verjährung von Sozialversicherungsregressansprüchen, in: Die Verjährung, Schulthess, 2018, S. 119-139

 

  • Walter Fellmann, Verzicht auf die Verjährungseinrede, in: Die Verjährung, Schulthess, 2018, S. 143-165

 

  • Daniel Wuffli, Verjährungsunterbrechung durch Betreibung, in: Die Verjährung, Schulthess, 2018, S. 167-186

 

  • Christof Bergamin, Verjährungsunterbrechung durch Klage, in: Die Verjährung, Schulthess, 2018, S. 187-217

 

  • Kaspar Gehring, Verjährungsunterbrechung durch Schuldanerkennung, in: Die Verjährung, Schulthess, 2018, S. 219-235

 

  • Marco Weiss, Der neuropsychologische Gutachter im Sozialversicherungsverfahren der Invalidenversicherung, in: Jusletter, 28. Januar 2019

 

  • Rainer Deecke/Ulrich Kurmann, Gedanken zum haftpflichtrechtlichen Invalideneinkommen : erfolgt nach (keiner) Eingliederung vor (keiner) Rente keine Entschädigung?, in: HAVE, 2018, H. 4, S. 379-394

 

  • Roland Spicher/Dan Otz, Produktesicherheit und Produktehaftpflicht aus versicherungsrechtlicher Sicht, in: HAVE, 2018, H. 4, S. 462-473

 

  • Yael Strub, Der Regress des Schadensversicherers auf den Kausalhaftenden: was lange währt, wird endlich gut!, in: Schweizerische Juristen-Zeitung, Jg. 115(2019), H. 2, S. 31-36

 

  • Erik Furrer, Rechtliche und praktische Aspekte auf dem Weg zum Gerichtsgutachten in der Invalidenversicherung, in: Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung und berufliche Vorsorge, Jg. 63(2019), H. 1, S. 3-16

 

  • Stephan Berner, Das Zwischenverdienstrecht der Arbeitslosenversicherung : zur Frage der Berechnung der Kompensationszahlungen, In: Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung und berufliche Vorsorge, Jg. 63(2019), H. 1, S. 17-31

 

  • Anne-Sylvie Dupont, La compensation financière de l’incapacité de travail, in: Revue de droit suisse, Vol. 138(2019), Halbbd. 1, no 1, p. 37-59

 

  • Tobias Merz, Arbeits- und Erwerbsunfähigkeit im Arbeitslosenversicherungsrecht, in: Arbeitsrecht, 2018, H. 4, S. 269-283

 

  • Simon Schönenberger, Obligatorische Krankentaggeldversicherung, Schulthess, 2018 (Zürcher Studien zum öffentlichen Recht ; Bd. 265)

 

  • Tables et programmes de capitalisation, 7e éd., Schulthess, 2018, Bd. 1

 

  • Anne-Sylvie Dupont, Les données confiées aux assureurs sociaux: quelle sécurité?, in: Protection des données et droit de la santé, Schulthess, 2019, p. 1-14

 

Articles et ouvrages – Sélection Décembre 2018 – Janvier 2019

Voici une sélection (personnelle et subjective) des divers articles, contributions et ouvrages parus récemment :

 

  • Sebastian Reichle, Zurechnung bei unklaren Beschwerdebildern : eine kritische Analyse der höchstrichterlichen Rechtsprechung, Dike, 2018 (St. Galler Schriften zur Rechtswissenschaft ; Bd. 38)

 

  • François Bohnet, Actions civiles, 2e éd., Helbing Lichtenhahn, 2019, 2 vol. (Commentaire pratique)

 

  • François Bohnet … [et al.], Code de procédure civile, 2e éd., Helbing Lichtenhahn, 2019 (Commentaire romand)

 

  • Marcel Alexander Niggli … [et al.], Strafrecht, 4. Aufl., Helbing Lichtenhahn, 2019 (Basler Kommentar)

 

  • Gabriela Riemer-Kafka, Plattformarbeit oder andere Formen der Zusammenarbeit: Sind die Abgrenzungskriterien für selbständige oder für unselbständige Erwerbstätigkeit noch tauglich? : Mit einigen Bemerkungen zu BGE 144 V 111, in: Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung und berufliche Vorsorge, Jg. 62(2018), H. 6, S. 581-602

 

  • Jacques-André Schneider, La responsabilité des fondateurs et l’évolution des caisses de compensation AVS professionnelles, in: Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung und berufliche Vorsorge, Jg. 62(2018), H. 6, S. 603-629

 

  • Marco Weiss, Verwertbarkeit der Restarbeitsfähigkeit aufgrund vorgerückten Alters : Rechtsprechungstendenzen, in: Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung und berufliche Vorsorge, Jg. 62(2018), H. 6, S. 630-643

 

  • Thomas Gächter, Selbstverantwortung als verfassungsrechtliche Grundannahme : Bedeutung, Ausprägungen, Schranken, in: Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung und berufliche Vorsorge, Jg. 62(2018), S. 693-706

 

  • Kurt Pärli, Das Kreuz mit der Selbstverantwortung, in: Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung und berufliche Vorsorge, Jg. 62(2018), S. 707-722

 

  • Hans-Jakob Mosimann, Schadenminderungs- und Mitwirkungspflichten nach der 5. IV-Revision, in: Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung und berufliche Vorsorge, Jg. 62(2018), S. 723-742

 

  • Jacques-André Schneider/Alexia Raetzo, Solidarité et responsabilité individuelle : le rachat et le remboursement dans le 2e pilier, in: Revue suisse des assurances sociales et de la prévoyance professionnelle, Vol. 62(2018), p. 758-783

 

  • Basile Cardinaux, Hinterbliebenenverantwortung, in: Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung und berufliche Vorsorge, Jg. 62(2018), S. 796-818

 

Articles et ouvrages – Sélection Octobre – Novembre 2018

Voici une sélection (personnelle et subjective) des divers articles, contributions et ouvrages parus récemment :

 

  • Loi sur la partie générale des assurances sociales : commentaire, éd. par Anne-Sylvie Dupont … [et al.], Helbing Lichtenhahn, 2018 (Commentaire romand)

 

  • Michel Valterio, Loi fédérale sur l’assurance-invalidité (LAI) : commentaire, Schulthess éd. romandes, 2018

 

  • UVG : Bundesgesetz über die Unfallversicherung, Marc Hürzeler … [et al.] (Hrsg.), (Kommentar zum schweizerischen Sozialversicherungsrecht)

 

  • Thomas Probst, Haftungskollisionen bei Strassenverkehrsunfällen – alte und neue Perspektiven, in: Strassenverkehrsrechts-Tagung, 21. Juni 2018, Stämpfli, 2018, S. 1-63

 

  • Ueli Kieser, Sozialversicherungsrecht – Schnittstellen zum Arbeitsrecht, in: Fachhandbuch Arbeitsrecht, Schulthess, 2018, S. 563-606

 

  • Sylvain Marchand, Les fondamentaux de la responsabilité du fait des produits : exposé introductif : sources, for et droit applicable, producteur et défaut, in : La responsabilité du fait des produits, Schulthess : Université de Genève, Faculté de droit, 2018, p. 11-30

 

  • Blaise Carron/Frédéric Krauskopf, La prescription et la péremption dans la responsabilité du fait des produits, in: La responsabilité du fait des produits, Schulthess : Université de Genève, Faculté de droit, 2018, p. 159-203

 

  • David Ionta, Fixation du revenu d’invalide selon l’ESS, in: Jusletter, 22 octobre 2018

 

  • Jean-Marie Agier/Philippe Graf, Droits de participation dans les assurances sociales : une analyse des régimes de l’AVS/AI, de la prévoyance professionnelle et de l’assurance-maladie obligatoire, in: Jusletter 19 novembre 2018

 

  • Ghislaine Frésard, La relation entre le recours de l’assureur privé de dommages, le recours de l’assureur social et le recours de l’employeur, in: REAS, 2018, no 3, p. 334-339

 

  • Franz Werro/Vincent Perritaz, Le recours de l’assureur dommages en cas de pluralité des responsables, in: REAS, 2018, no 3, p. 339-343

 

  • Franz Werro/Vincent Perritaz, La remise en cause de l’ordre des recours de l’art. 51 al. 2 CO : un revirement de jurisprudence bienvenu, in: PJA, Vol. 27(2018), no 10, p. 1179-1185

 

  • Jean Métral/Andrea Rochat, Assurances sociales et aide sociale : jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l’Accord sur la libre circulation des personnes, in: Annuaire suisse de droit européen, 2017/2018, p. 527-547