Archives de catégorie : Assurance-invalidité AI

9C_259/2016 (f) du 19.07.2016 – Droit à une rente extraordinaire AI – prestation spéciale à caractère non contributif – 39 al. 1 LAI – 42 al. 1 LAVS – ALCP / Condition d’assurance – Pas de discrimination indirecte – Confirmation de la jurisprudence

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2016 (f) du 19.07.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2bCkaxQ

 

Droit à une rente extraordinaire AI – prestation spéciale à caractère non contributif / 39 al. 1 LAI – 42 al. 1 LAVS – ALCP

Condition d’assurance – Pas de discrimination indirecte – Confirmation de la jurisprudence

 

Assurée, ressortissante française née en 1981, souffre depuis l’enfance d’une déficience mentale légère, de troubles psychiques, de troubles autistiques et d’une psychose infantile. Elle a transféré son domicile en Suisse, en mai 2013, pour y suivre ses parents. Dépôt de la demande AI le 06.09.2013. L’office AI a octroyé une allocation pour impotent de faible degré à compter du 01.05.2013 mais a dénié le droit à des mesures d’ordre professionnel, à des indemnités journalières et à une rente de l’assurance-invalidité dans la mesure où elle ne remplissait pas les conditions d’assurance.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 26.02.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon la jurisprudence publiée aux ATF 141 V 530, la rente extraordinaire de l’assurance-invalidité remplit tous les critères pour qu’elle puisse être considérée comme une prestation spéciale à caractère non contributif au sens de l’art. 70 par. 2 let. a point i du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RS 0.831.109.268.1; ci-après: règlement n° 883/2004). Cette prestation ne fait par conséquent pas partie de celles soumises au principe de la levée des clauses de résidence définie à l’art. 7 du règlement n° 883/2004 (art. 70 par. 1 et 3 du règlement n° 883/2004).

Le caractère non exportable de la rente extraordinaire de l’assurance-invalidité ne dispense cependant pas les Etats membres d’en garantir l’octroi aux personnes résidant sur leur territoire, et auxquelles les dispositions du règlement n° 883/2004 sont applicables, dans les mêmes conditions qu’à leurs propres ressortissants (cf. ATF 133 V 265 consid. 5.2 p. 271). A cet égard, le Tribunal fédéral a retenu que la réglementation suisse (art. 39 al. 1 LAI en liaison avec l’art. 42 al. 1 LAVS) est directement discriminatoire, en ce sens qu’elle réserve le droit à une rente extraordinaire d’invalidité aux ressortissants suisses. Dans la mesure où une rente extraordinaire serait octroyée à un ressortissant suisse, elle doit également pour éviter une discrimination directe fondée sur la nationalité, être accordée à une personne de nationalité étrangère pouvant se prévaloir du principe d’égalité de traitement, comme si cette personne possédait la nationalité suisse (ATF 131 V 390 consid. 7.2 p. 401).

Le Tribunal fédéral s’est déjà prononcé sur la portée du principe d’égalité de traitement lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, d’examiner si les conditions d’octroi d’une rente extraordinaire de l’assurance-invalidité peuvent être remplies plus facilement par des ressortissants suisses que par des étrangers (ATF 131 V 390). Il a conclu que la réglementation suisse n’était pas constitutive d’une discrimination indirecte prohibée au sens de l’art. 3 par. 1 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (RO 2004 121; ci-après: règlement n° 1408/71), lequel était applicable jusqu’au 31 mars 2012 dans les relations entre la Suisse et les Etats membres de l’Union européenne. La règle d’égalité de traitement de l’art. 9 al. 2 de l’Annexe I de l’ALCP relative aux avantages sociaux, comme l’interdiction générale de discrimination de l’art. 2 ALCP, rappelée à l’art. 1 let. d ALCP, ne conduisait par ailleurs pas à un résultat plus favorable (cf. ATF 131 V 390 consid. 5.1 p. 397 et 9 p. 405).

Le Tribunal fédéral a déjà retenu le fait que les conditions de la réglementation suisse peuvent être remplies plus facilement par des ressortissants suisses que par des étrangers. Le désavantage pour une personne ne comptant pas le même nombre d’années d’assurance que les personnes de sa classe d’âge de ne pas pouvoir bénéficier d’une rente extraordinaire doit cependant être considéré comme objectivement justifié et conforme au principe de proportionnalité en vertu de la solution choisie par le législateur de l’Union européenne lui-même, de sorte qu’il ne conduit pas à une discrimination indirecte prohibée (ATF 131 V 390 consid. 7.3 p. 402). Sous l’angle du principe d’égalité de traitement, cette jurisprudence conserve toute sa pertinence au regard de l’art. 4 du règlement n° 883/2004, lequel correspond à l’art. 3 par. 1 du règlement n° 1408/71 (en ce sens, MAXIMILIAN FUCHS, in Europäisches Sozialrecht, 6 e éd. 2013, n° 2 ad art. 4 du règlement n° 883/2004).

Il s’ensuit que le principe d’égalité de traitement, tel que prévu par l’ALCP et le règlement de l’Union européenne auquel il renvoie, ne confère pas à l’assurée un droit à une rente (extraordinaire) de l’assurance-invalidité.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_259/2016 consultable ici : http://bit.ly/2bCkaxQ

 

 

9C_111/2016 (f) du 19.07.2016 – Expertises psychiatriques en matière de troubles somatoformes douloureux et autres troubles psychosomatiques comparables – changement de jurisprudence (ATF 141 V 281) ne justifie pas per se à retirer toute valeur probante – 16 LPGA – 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 (f) du 19.07.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2bHkI42

 

Expertises psychiatriques en matière de troubles somatoformes douloureux et autres troubles psychosomatiques comparables – changement de jurisprudence (ATF 141 V 281) ne justifie pas per se à retirer toute valeur probante – 16 LPGA – 44 LPGA

 

TF

Les expertises psychiatriques en matière de troubles somatoformes douloureux et autres troubles psychosomatiques comparables réalisées avant le prononcé de l’arrêt 9C_492/2014 du 3 juin 2015, publié aux ATF 141 V 281 ont été par définition rendues à la lumière de la présomption – abandonnée désormais – posée à l’ATF 130 V 352, selon laquelle ces troubles ou leurs effets peuvent être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible, et des critères établis en la matière pour apprécier le caractère invalidant de ces syndromes. Toutefois, ce changement de jurisprudence ne justifie pas en soi de retirer toute valeur probante aux expertises psychiatriques rendues à l’aune de l’ancienne jurisprudence. Ainsi que le Tribunal fédéral l’a précisé, il convient bien plutôt de se demander si, dans le cadre d’un examen global, et en tenant compte des spécificités du cas d’espèce et des griefs soulevés, le fait de se fonder définitivement sur les éléments de preuve existants est conforme au droit fédéral. Il y a ainsi lieu d’examiner dans chaque cas si les expertises administratives et/ou les expertises judiciaires recueillies – le cas échéant en les mettant en relation avec d’autres rapports médicaux – permettent ou non une appréciation concluante du cas à l’aune des indicateurs déterminants (ATF 141 V 281 consid. 8 p. 309).

Une fois abandonné le concept de la présomption, l’appréciation de la capacité fonctionnelle d’exécuter une tâche ou une action ne se concentre plus sur la réfutation d’un présupposé selon lequel les troubles somatoformes douloureux persistants ou les troubles psychosomatiques assimilés ne sont pas invalidants. L’accent doit être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d’exécuter une tâche ou une action (ATF 141 V 281 consid. 4.1.1 p. 296 et 6 p. 307).

La juridiction cantonale a précisément tenu compte du « Degré de gravité fonctionnelle » en reprenant les constatations du docteur E.__ sur les limitations que l’assurée rencontrait dans la vie quotidienne. Par ailleurs, dans le contexte de la « Cohérence », l’affirmation de l’assurée selon laquelle elle subirait une « marginalisation » entre en contradiction avec les observations de l’expert psychiatre quant à l’absence d’isolement et l’environnement relationnel intact. Il n’y a dès lors pas lieu de s’écarter de l’appréciation des preuves à laquelle a procédé l’autorité précédente, selon laquelle les troubles psychiques dont souffraient l’assurée justifiaient une incapacité partielle de travail de 50%.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_111/2016 consultable ici : http://bit.ly/2bHkI42

 

 

9C_92/2016 (f) du 29.06.2016 – Révision d’une rente d’invalidité – 17 LPGA / Capacité de travail médico-théorique vs amélioration de la capacité de gain

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_92/2016 (f) du 29.06.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2b8f6k1

 

Révision d’une rente d’invalidité – 17 LPGA

Capacité de travail médico-théorique vs amélioration de la capacité de gain

 

TF

Avant de réduire ou de supprimer une rente d’invalidité, l’administration doit examiner si la capacité de travail que la personne assurée a recouvrée sur le plan médico-théorique se traduit pratiquement par une amélioration de la capacité de gain et, partant, une diminution du degré d’invalidité ou si, le cas échéant, il est nécessaire de mettre préalablement en œuvre une mesure d’observation professionnelle (afin d’établir l’aptitude au travail, la résistance à l’effort, etc.), voire des mesures de réadaptation au sens de la loi (arrêt 9C_163/2009 du 10 septembre 2010 consid. 4.2.2 et les références, in SVR 2011 IV n° 30 p. 86).

La jurisprudence considère qu’il existe des situations dans lesquelles il convient d’admettre que des mesures d’ordre professionnel sont nécessaires, malgré l’existence d’une capacité de travail médico-théorique. Il s’agit des cas dans lesquels la réduction ou la suppression, par révision (art. 17 al. 1 LPGA) ou reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA), du droit à la rente concerne une personne assurée qui est âgée de 55 ans révolus ou qui a bénéficié d’une rente pendant quinze ans au moins.

Cela ne signifie pas que la personne assurée peut se prévaloir d’un droit acquis dans le cadre d’une procédure de révision ou de reconsidération ; il est seulement admis qu’une réadaptation par soi-même ne peut, sauf exception, être exigée d’elle en raison de son âge ou de la durée du versement de la rente (arrêt 9C_228/2010 du 26 avril 2011 consid. 3.3, in SVR 2011 IV n° 73 p. 220). Des exceptions ont déjà été admises lorsque la personne concernée avait maintenu une activité lucrative malgré le versement de la rente – de sorte qu’il n’existait pas une longue période d’éloignement professionnel – ou lorsqu’elle disposait d’une agilité et d’une flexibilité particulières et était bien intégrée dans l’environnement social (arrêt 9C_183/2015 du 19 août 2015 consid. 5, in SVR 2015 IV n° 41 p. 139).

 

 

Arrêt 9C_92/2016 consultable ici : http://bit.ly/2b8f6k1

 

 

9C_641/2015 (f) du 21.06.2016 – Débats publics en instance cantonale non mis en œuvre par l’instance cantonale – recours de l’assuré accepté / 30 Cst. – 6 § 1 CEDH

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_641/2015 (f) du 21.06.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2bqh24L

 

Débats publics en instance cantonale non mis en œuvre par l’instance cantonale – recours de l’assuré accepté / 30 Cst. – 6 § 1 CEDH

 

L’assuré a déféré la décision de refus de rente de l’office AI au tribunal cantonal compétent et a requis la mise en œuvre de débats publics.

Par jugement du 21.07.2015 (AI 104/12 – 169/2015), la juridiction cantonale a admis partiellement le recours et réformé la décision administrative. En outre, elle a renvoyé la cause à l’office AI afin qu’il statue sur les conséquences de l’aggravation observée. Les débats publics demandés n’ont pas été mis en œuvre.

 

TF

L’art. 30 al. 3 Cst., selon lequel l’audience et le prononcé du jugement sont publics, ne confère pas au justiciable de droit à une audience publique. Il se limite à garantir qu’une telle audience se déroule publiquement lorsqu’il y a lieu d’en tenir une. Le droit à des débats existe seulement pour les causes qui bénéficient de la protection de l’art. 6 § 1 CEDH, lorsque la procédure applicable le prévoit ou lorsque sa nécessité découle des exigences du droit à la preuve (cf. ATF 128 I 288 consid. 2 p. 290 ss). L’art. 6 § 1 CEDH garantit notamment à chacun le droit à ce que sa cause soit entendue publiquement. L’obligation d’organiser des débats publics au sens de cette disposition suppose une demande formulée de manière claire et indiscutable. Une requête de preuve (demande tendant à la comparution personnelle, à l’interrogatoire des parties, à l’audition de témoins ou à une inspection locale) ne suffit pas à fonder une telle obligation (cf. ATF 122 V 47 consid. 2c p. 52 sv. et 3a p. 55).

Saisi d’une demande tendant à la mise en œuvre de débats publics, le juge cantonal doit en principe y donner suite. Il peut cependant s’abstenir dans les cas prévus par l’art. 6 § 1 seconde phrase CEDH, lorsque la demande est abusive (chicanière ou dilatoire), lorsqu’il apparaît clairement que le recours est infondé, irrecevable ou, au contraire, manifestement bien-fondé ou lorsque l’objet du litige porte sur des questions hautement techniques (cf. ATF 122 V 47 consid. 3b p. 55 ss).

Le Tribunal fédéral a précisé qu’il ne pouvait être renoncé à des débats publics au motif que la procédure écrite convenait mieux pour discuter de questions d’ordre médical, même si l’objet du litige porte essentiellement sur la confrontation d’avis spécialisés au sujet de l’état de santé et de l’incapacité de travail d’un assuré en matière d’assurance-invalidité (cf. ATF 136 I 279 consid. 3 p. 283 sv.).

En l’espèce, le tribunal cantonal n’a pas examiné la requête tendant à la mise en œuvre des débats publics que le recourant avait présentée dans son recours cantonal et n’a pas donné suite à celle-ci. On se trouve pourtant dans l’éventualité dont il est question à l’arrêt 9C_198/2011 consid. 2.1, dès lors que la présente cause bénéficie de la protection de l’art. 6 § 1 CEDH, que la demande avait été formulée de manière claire et indiscutable et qu’elle ne présentait pas de caractère abusif. Quant au sort du litige, dont l’objet porte essentiellement sur la confrontation d’avis spécialisés au sujet de l’état de santé et de l’incapacité de travail du recourant en matière d’assurance-invalidité, il était indécis, la juridiction cantonale ayant d’ailleurs admis partiellement le recours.

Le TF accepte le recours de l’assuré sur ce point, le jugement cantonal est annulé, la cause étant renvoyée à l’instance précédente pour procéder conformément aux considérants.

 

 

Arrêt 9C_641/2015 consultable ici : http://bit.ly/2bqh24L

 

 

9C_912/2015 (f) du 05.07.2016 – Envoi du recours à l’ancienne adresse du tribunal cantonal – rappel de la jurisprudence – recours dans le délai légal accepté / Preuve que l’enveloppe retournée par la Poste contenait le recours – métadonnées du fichier informatique acceptées comme preuve – 99 LTF

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_912/2015 (f) du 05.07.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2b69ZCa

 

Envoi du recours à l’ancienne adresse du tribunal cantonal – rappel de la jurisprudence – recours dans le délai légal accepté

Preuve que l’enveloppe retournée par la Poste contenait le recours – métadonnées du fichier informatique acceptées comme preuve – 99 LTF

 

Décision de l’Office AI du 02.09.2015, supprimant le droit à la rente d’invalidité.

Le mandataire de l’assuré a déposé un mémoire de recours contre la décision du 02.09.2015 (cachet postal mentionnant la date du 06.10.2015). Ledit mandataire l’a malencontreusement envoyé à l’ancienne adresse du Tribunal cantonal à Givisiez ; la Poste suisse l’a retourné à son expéditeur le 13.10.2015. Le jour même, le mandataire a envoyé au tribunal cantonal (à la bonne adresse) le mémoire de recours, les déclarations de deux témoins attestant de son dépôt dans une boîte aux lettres de la Poste suisse le 05.10.2015 à 22h15 et l’enveloppe de l’envoi à l’ancienne adresse.

Le mandataire a conclu à ce que son recours fût considéré comme étant valablement déposé et demandé, subsidiairement, que sa lettre du 13.10.2015 fût interprétée comme une demande de restitution du délai.

La juridiction cantonal a considéré que le recours contre la décision du 02.09.2015 avait été formé le 13.10.2015, a rejeté la demande de restitution du délai et déclaré le recours irrecevable pour cause de tardiveté (605 2015 214).

 

TF

L’assuré allègue que le secrétariat de son mandataire a ouvert par inadvertance le pli posté le 05.10.2015 qui lui avait été retourné le 13.10.2015. Afin d’établir le contenu de l’enveloppe, il dépose le fichier informatique du recours daté du 05.10.2015, alléguant qu’il ressort des propriétés de ce document qu’il avait été modifié pour la dernière fois ce jour-là à 20h34’19 » et que ce texte est identique à celui qui figurait dans l’envoi du 13.10.2015. Il en conclut que la preuve du contenu de l’enveloppe est ainsi rapportée.

En ce qui concerne les conséquences juridiques de l’envoi du recours à l’ancienne adresse du tribunal cantonal, l’assuré recourant se réfère aux avis de DONZALLAZ (Loi sur le Tribunal fédéral, Commentaire, 2008, n. 1236) et de POUDRET/SANDOZ-MONOD (Commentaire de la loi fédérale d’organisation judiciaire, vol. I, 1990, n. 4.3.1 ad art. 32 OJ), qui mentionnent l’arrêt ATF 39 I 54. Il relève que si la Poste retourne le pli à l’expéditeur pour corriger l’adresse défectueuse, sans pour autant le refuser, l’acte est censé lui avoir été remis à la date de la première expédition. Dans le présent cas, le recourant observe que le pli du 05.10.2015 n’a jamais été refusé par la Poste ; il en déduit que cette date marque le jour du dépôt de son recours.

Devant le Tribunal fédéral, l’assuré recourant produit un fichier informatique contenant le mémoire de recours daté du 05.10.2015, afin de prouver que le document envoyé à l’ancienne adresse de la juridiction cantonale avait été modifié pour la dernière fois avant son dépôt dans la boîte aux lettres. Ce moyen de preuve est recevable (art. 99 al. 1 LTF). D’une part, le tribunal cantonal n’a pas invité le recourant à s’exprimer sur la question de la preuve du contenu de l’enveloppe avant de rendre son jugement, point sur lequel le recourant n’avait pas à compter dès lors qu’il n’avait que transmis son premier envoi à l’autorité judiciaire (cf. CORBOZ, Commentaire de la LTF, 2e éd., n. 25a ad art. 99 LTF); d’autre part, le fichier informatique produit ne constitue de toute manière que la version électronique de l’acte daté du 05.10.2015 auquel il peut être assimilé.

L’assuré a ainsi établi que le mémoire de recours daté du 05.10.2015, qu’il a fait suivre à la juridiction cantonale le 13.10.2015, est bien celui qui se trouvait dans l’enveloppe qui avait été envoyée le 05.10.2015 à l’ancienne adresse du tribunal cantonal.

L’assuré soutient que le dépôt du recours au tribunal cantonal est intervenu à temps, nonobstant l’envoi à l’ancienne adresse de cette autorité.

Dans l’affaire qui avait donné lieu à l’arrêt H 260/96 du 20.10.1997, une caisse de compensation avait notifié une décision en réparation d’un dommage à un destinataire dont l’adresse n’était plus valable. Le pli contenant la décision avait été retourné par l’office postal destinataire à la caisse de compensation qui l’avait ensuite fait parvenir à bon port. Le TFA avait considéré que la caisse, en remettant la décision à la poste dans le délai prescrit à l’art. 82 aRAVS, avait fait valoir en temps utile sa créance en réparation du dommage. En effet, la non-communication d’une décision n’affecte pas sa validité mais exclusivement son opposabilité, c’est-à-dire ses effets. Dans la mesure où la décision était pleinement valide, sa remise en temps utile à un bureau de poste suffisait pour sauvegarder le délai de l’art. 82 aRAVS.

Dans l’arrêt 9C_94/2008 du 30.09.2008, publié in SVR 2009 IV n° 17 p. 45, le TF avait été saisi d’un recours contre une décision d’irrecevabilité du TAF qui n’était pas entré en matière sur un recours en raison du défaut de versement de l’avance de frais requise. Cette avance avait pourtant été versée à la Poste Suisse en faveur de cette autorité six jours avant l’expiration du délai imparti, mais elle n’avait pas été créditée sur la compte du destinataire en raison d’une erreur dans la transcription du numéro IBAN, le vingt-et-unième et dernier caractère de ce numéro ayant été omis. Le TF a considéré que l’oubli de ce dernier caractère ne saurait constituer une erreur inexcusable ; il a admis que les conditions légales mises à l’observation de tels délais avaient donc été pleinement respectées.

A lumière de ces principes, le TF a admis que le recours cantonal a été déposé non pas le 13.10.2015 au tribunal cantonal, mais déjà le 05.10.2015, étant précisé que la valeur des attestations des deux témoins n’est ni discutée ni remise en cause. A cet égard et contrairement à l’opinion du tribunal cantonal, le deuxième envoi s’inscrit dans un processus qui s’est prolongé en raison de circonstances particulières.

 

 

Arrêt 9C_912/2015 consultable ici : http://bit.ly/2b69ZCa

 

 

9C_790/2015 (f) du 22.06.2016 – Evaluation du degré d’invalidité / 16 LPGA – Avis médicaux priment sur les constatations faites lors d’un stage d’observation professionnel – rappel de la jurisprudence

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_790/2015 (f) du 22.06.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2bEKEg1

 

Evaluation du degré d’invalidité / 16 LPGA

Avis médicaux priment sur les constatations faites lors d’un stage d’observation professionnel – rappel de la jurisprudence

 

TF

Selon la jurisprudence (ATF 125 V 256 consid. 4 p. 261s; 115 V 133 consid. 2 p. 134), l’administration ou le juge, en cas de recours, se fonderont sur les avis des médecins pour calculer le degré d’invalidité. Les données médicales permettent généralement une appréciation objective du cas et l’emportent sur les constatations qui peuvent être faites à l’occasion d’un stage d’observation professionnelle (arrêt 8C_214/2014 du 8 avril 2015 consid. 5.2).

En l’espèce, l’office AI avait ordonné la mise en œuvre d’une expertise bidisciplinaire afin de faire la lumière sur le volet médical du dossier, après avoir pris connaissance des conclusions du stage professionnel. L’assuré ne s’était pas opposé au principe d’une telle expertise qui s’est déroulée conformément à la procédure prévue à l’art. 44 LPGA, ni à la désignation des experts qui devaient la conduire et aux questions qui devaient leur être posées.

Devant le Tribunal fédéral, l’assuré soutient implicitement que la règle de preuve qu’il rappelle (cf. arrêt 8C_214/2014) n’aurait pas dû être appliquée, dans la mesure où il estime que l’avis des médecins aurait dû céder le pas à celui des responsables du stage professionnel. Ce point de vue, qui revient à suivre les conclusions d’un stage professionnel lorsqu’elles sont contredites par une expertise médicale, est contraire à la jurisprudence ; il ne peut donc être suivi.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_790/2015 consultable ici : http://bit.ly/2bEKEg1

 

 

9C_719/2015 (f) du 03.06.2016 – Revenu d’invalide d’un médecin-dentiste / 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_719/2015 (f) du 03.06.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2bcsJB1

 

Revenu d’invalide d’un médecin-dentiste / 16 LPGA

Salaire effectif dans une clinique (à 20%) rapporté au taux de capacité de travail exigible (de 50%) sans recours aux salaires statistiques

Domaine d’activité 33 du TA7 de l’ESS non représentatif pour un médecin-dentiste

 

Assurée, médecin-dentiste, travaille depuis 1989 au sein d’une clinique genevoise du service dentaire à temps partiel (entre 50 et 60%, puis à 20% dès septembre 2009) et exploite également en raison individuelle depuis 2002 un cabinet médical dentaire, d’abord dans les locaux d’un confrère, puis dès 2009 dans ses propres locaux.

Dépôt demande AI le 13.05.2013 en raison d’un trouble affectif bipolaire (type II), sans symptômes psychotiques. Selon le rapport du SMR, l’assurée ne dispose d’aucune capacité de travail dans l’exercice d’une activité indépendante de médecin-dentiste ; sa capacité de travail était en revanche de 100% avec une diminution de rendement de 50% dans l’exercice d’une activité salariée de médecin-dentiste. Octroi d’un trois-quarts de rente AI, dès le 01.11.2013 (invalidité 60%), en application de la méthode extraordinaire d’évaluation de l’invalidité.

 

Procédure cantonale

Par arrêt du 26.08.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Revenu d’invalide

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. Lorsque l’activité exercée après la survenance de l’atteinte à la santé repose sur des rapports de travail particulièrement stables, qu’elle met pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et que le gain obtenu correspond au travail effectivement fourni et ne contient pas d’éléments de salaire social, c’est le revenu effectivement réalisé qui doit être pris en compte pour fixer le revenu d’invalide. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible -, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’ESS ou sur les données salariales résultant des descriptions de postes de travail établies par la CNA (ATF 139 V 592 consid. 2.3 p. 593).

Selon la jurisprudence, le point de savoir si les tables de salaires statistiques sont applicables et, le cas échéant, quelle table est déterminante est une question de droit (ATF 132 V 393 consid. 3.3 p. 399; arrêt 9C_24/2009 du 6 mars 2009 consid. 1.2, in SVR 2009 IV n° 34 p. 95) que le Tribunal fédéral examine d’office (art. 106 al. 1 LTF).

Additionner le revenu de l’activité comme médecin-dentiste dans la clinique genevoise après l’atteinte à la santé (taux d’activité de 20%) et un revenu additionnel fondé sur le domaine d’activité 33 correspondant aux activités médicales, sociales et dans le domaine des soins du tableau TA7 de l’ESS 2010 (taux d’activité de 30%) ne respecte pas les principes posés par la jurisprudence. Celle-ci exige que le revenu d’invalide soit fixé sur la base du revenu que l’assurée pourrait obtenir en mettant pleinement à profit sa capacité résiduelle de travail dans un emploi adapté à son handicap. Or le recours aux données statistiques ne permet pas en l’espèce une évaluation concrète du revenu que l’assurée était susceptible de gagner comme médecin-dentiste salariée. Le domaine d’activité 33 prend en compte un éventail d’activités bien trop large pour qu’elle soit représentative du revenu d’invalide d’une médecin-dentiste salariée.

Il convient de se fonder sur le salaire perçu par l’assurée comme médecin-dentiste dans la clinique genevoise rapporté au taux d’activité exigible de sa part (50%). Certes, si le travail effectivement réalisé n’épuise pas la capacité de travail que l’on peut raisonnablement exiger de la personne concernée, l’on ne saurait en toute circonstance rapporter le salaire effectivement versé au taux d’activité exigible (voir arrêt 8C_7/2014 du 10 juillet 2014 consid. 7.2, in SVR 2014 IV n° 37 p. 130). La situation de l’assurée diffère cependant des assurés pour lesquels le salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu’ils seraient en mesure de gagner. Selon le SMR, il n’existe en effet pas d’activité mieux adaptée que celle de médecin-dentiste salariée. Il s’agit par ailleurs d’une activité qu’elle a exercée pendant plus de 20 ans à mi-temps (entre 50 et 60%). Dans ces conditions, il n’est pas décisif qu’elle n’épuise pas entièrement sa capacité résiduelle de travail (cf. arrêts 9C_57/2008 du 3 novembre 2008 consid. 4 et I 511/04 du 26 août 2005 consid. 3.2.2).

Les fiches de salaire de l’assurée permettent de fixer le revenu auquel elle pouvait prétendre à mi-temps (soit 82’971 fr.). Elle bénéficiait par ailleurs déjà en 2013 du revenu maximum de sa classe de salaire (niveau 22 de la classe de salaire 23). En ce qui concerne l’argumentation de l’assurée quant à un éventuel abattement, en présence de salaires effectifs, une déduction supplémentaire ne se justifie pas (ATF 129 V 472 consid. 4.2.3 p. 481).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_719/2015 consultable ici : http://bit.ly/2bcsJB1

 

 

9C_82/2016 (f) du 09.06.2016 – Choix de la méthode d’évaluation de l’invalidité / 28a LAI – 27bis RAI – 16 LPGA / Assuré atteint d’une sclérose en plaque ayant réduit son taux d’activité professionnelle

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_82/2016 (f) du 09.06.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2b176BN

 

Choix de la méthode d’évaluation de l’invalidité / 28a LAI – 27bis RAI – 16 LPGA

Assuré atteint d’une sclérose en plaque ayant réduit son taux d’activité professionnelle

 

Assuré travaillant à 100% depuis le 01.11.1999 en qualité de socio-éducateur, réduit son taux d’activité professionnelle à 90% dès le 01.01.2004, puis à 60% à partir du 01.04.2007, avant de l’augmenter à 75 % à compter du 01.06.2008.

Dépôt d’une demande AI le 25.05.2010 en raison d’une sclérose en plaque. Octroi d’une mesure de reclassement professionnel sous la forme d’une formation intensive en coaching professionnel. A l’issue de cette mesure, l’assuré a repris une activité à 75 % au sein de son employeur.

Nouvelle demande AI déposée le 16.09.2014, en raison d’une aggravation de l’état de santé. Selon les médecins de l’assuré, ce dernier ne disposait plus que d’une capacité résiduelle de travail d’environ 56% dans son activité habituelle. De l’enquête économique sur le ménage, une incapacité de 26% dans l’accomplissement de ses travaux habituels a été constatée.

Décision AI du 04.05.2015 : rejet de la demande de prestations, le degré d’invalidité (26 %), calculé d’après la méthode mixte d’évaluation de l’invalidité, étant insuffisant pour ouvrir le droit à une rente de l’assurance-invalidité.

 

Procédure cantonale

Par arrêt du 15.12.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’assuré conteste le choix de la méthode d’évaluation de l’invalidité opéré par la juridiction cantonale (statut d’une personne exerçant une activité lucrative à temps partiel en lieu et place du statut d’une personne exerçant une activité lucrative à plein temps).

Lors de l’examen initial du droit à la rente, il convient d’examiner quelle est la méthode d’évaluation de l’invalidité qu’il s’agit d’appliquer. Le choix de l’une des trois méthodes reconnues (méthode générale de comparaison des revenus [art. 28a al. 1 LAI en corrélation avec l’art. 16 LPGA], méthode spécifique [art. 28a al. 2 LAI en corrélation avec les art. 27 RAI et 8 al. 3 LPGA], méthode mixte [art. 28a al. 3 LAI en corrélation avec l’art. 27bis RAI, ainsi que les art. 16 LPGA et 28a al. 2 LAI en corrélation avec les art. 27 RAI et 8 al. 3 LPGA]) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré non actif, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel. Pour déterminer la méthode applicable au cas particulier, il faut à chaque fois se demander ce que l’assuré aurait fait si l’atteinte à la santé n’était pas survenue. Lorsqu’il accomplit ses travaux habituels, il convient d’examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, s’il aurait consacré, étant valide, l’essentiel de son activité à son ménage ou s’il aurait vaqué à une occupation lucrative. Pour déterminer voire circonscrire le champ d’activité probable de l’assuré, il faut notamment tenir compte d’éléments tels que la situation financière du ménage, l’éducation des enfants, l’âge de l’assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels. Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l’évolution de la situation jusqu’au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l’éventualité de l’exercice d’une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 137 V 334 consid. 3.2 p. 338 et les références).

La juridiction cantonale se fonde essentiellement sur le constat – succinct et, pour ce motif, à la valeur probante relative – opéré par l’enquêtrice de l’assurance-invalidité au sujet de l’activité que l’assuré exercerait s’il n’était pas atteint dans sa santé. Ce constat n’est corroboré par aucun autre élément figurant au dossier. Il ressort du rapport d’enquête économique sur le ménage que, d’une part, la compagne de l’assuré était en recherche d’emploi et ne gagnait pas de revenus stables et que, d’autre part, le salaire de l’assuré permettait au couple de tout juste tourner.

La juridiction cantonale a clairement éludé le contexte médical dans lequel s’inscrivait la fatigue permanente invoquée par l’assuré pour justifier la diminution de sa capacité de travail dès avril 2007. En l’absence d’autre explication plausible, il ne fait guère de doute que les restrictions à la capacité de travail survenues en 2007 étaient dues aux premiers symptômes de la sclérose en plaques. En l’absence d’éléments propres à justifier un taux d’activité de 75 %, il convenait d’admettre que l’assuré aurait consacré l’entier de son temps à l’exercice d’une activité lucrative s’il n’avait pas été atteint dans sa santé.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et renvoie la cause au Tribunal cantonal.

 

 

Arrêt 9C_82/2016 consultable ici : http://bit.ly/2b176BN

 

 

9C_915/2015 (f) du 02.06.2016 – proposé à la publication – Droit à la rente complémentaire pour enfant d’invalide / 35 LAI – 25 LAVS – 49bis RAVS / Enfant en formation et obtenant un revenu d’une activité lucrative

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_915/2015 (f) du 02.06.2016, proposé à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/2aNo72o

 

Droit à la rente complémentaire pour enfant d’invalide / 35 LAI – 25 LAVS – 49bis RAVS

Enfant en formation et obtenant un revenu d’une activité lucrative

 

Assuré, père de quatre enfants, au bénéfice d’une rente entière d’invalidité depuis le 01.01.2000 ainsi que de rentes complémentaires pour enfants.

Son fils a débuté une formation en économie d’entreprise au mois de septembre 2012. En raison de cette formation, la rente complémentaire pour enfant a été maintenue. Après avoir découvert que ledit fils exerçait une activité lucrative en parallèle de ses études qui lui avait procuré un revenu de 70’616 fr. en 2012, de 76’859 fr. en 2013 et de 79’643 fr. en 2014, l’office AI a, par décision du 04.11.2014, réclamé à l’assuré (bénéficiaire de la rente entière d’invalidité) la restitution de la somme de 21’496 fr. correspondant aux rentes complémentaires pour enfant indûment perçues au cours de la période courant de septembre 2012 à juillet 2014.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/835/2015 – consultable ici : http://bit.ly/2avOyIM)

Par arrêt du 04.11.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le système des rentes complémentaires a été introduit lors de la création de l’assurance-invalidité. Afin de remédier « aux conséquences économiques fâcheuses de l’invalidité du chef de famille pour la femme et les enfants », le législateur avait prévu de compléter la rente principale qui lui était allouée par des rentes complémentaires pour ses proches parents. Ces rentes devaient dépendre de l’existence d’un droit à une rente principale et revenir au même ayant droit; les proches parents n’avaient pas un droit propre aux rentes complémentaires (Message relatif à un projet de loi sur l’assurance-invalidité ainsi qu’à un projet de loi modifiant celle sur l’assurance-vieillesse et survivants du 24 octobre 1958, FF 1958 II 1225 ss, 2e partie, chapitre F, III, 2). Les rentes complémentaires devaient s’ajouter à la rente principale et constituer un revenu de substitution pour l’assuré invalide en vue de lui permettre de subvenir à l’entretien de sa famille (ATF 136 V 313 consid. 5.3.3.1 p. 318 et les références).

Selon l’art. 35 al. 1 LAI, les hommes et les femmes qui peuvent prétendre une rente d’invalidité ont droit à une rente pour chacun des enfants qui, au décès de ces personnes, auraient droit à la rente d’orphelin de l’assurance-vieillesse et survivants. Ont droit à une rente d’orphelin au sens de l’assurance-vieillesse et survivants les enfants dont le père ou la mère est décédé (art. 25 al. 1 LAVS). Le droit à une rente d’orphelin prend naissance le premier jour du mois suivant le décès du père ou de la mère; il s’éteint au 18e anniversaire ou au décès de l’orphelin (art. 25 al. 4 LAVS). Pour les enfants qui accomplissent une formation, le droit à la rente s’étend jusqu’au terme de cette formation, mais au plus jusqu’à l’âge de 25 ans révolus; le Conseil fédéral peut définir ce que l’on entend par formation (art. 25 al. 5 LAVS).

Aux termes de l’art. 49bis RAVS, un enfant est réputé en formation s’il suit une formation régulière reconnue de jure ou de facto à laquelle il consacre la majeure partie de son temps et se prépare systématiquement à un diplôme professionnel ou obtient une formation générale qui sert de base en vue de différentes professions (al. 1). L’enfant n’est pas considéré en formation si son revenu d’activité lucrative mensuel moyen est supérieur à la rente de vieillesse complète maximale de l’assurance-vieillesse et survivants (al. 3).

Avant l’entrée en vigueur le 1er janvier 2011 de cette disposition réglementaire, il n’existait aucune disposition matérielle relative au droit à la rente d’orphelin ou à la rente complémentaire pour enfant pour les enfants qui accomplissaient une formation. La jurisprudence et la pratique administrative avaient développé des principes qui avaient trouvé leur assise au sein des directives (de l’OFAS) concernant les rentes (DR) de l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité fédérale (ch. 3358 ss.).

Selon l’OFAS, il apparaissait indiqué de fixer des critères de distinction dans les dispositions réglementaires, face à la diversification des filières de formation et à la recrudescence des cas où il semblait légitime de se demander si l’on se trouvait véritablement en présence d’une formation. Cette modification législative avait pour but de permettre l’émergence d’une pratique plus simple et plus uniforme, eu égard notamment aux ambiguïtés observées dans le traitement des interruptions de formation, en particulier pour raisons de service militaire ou de service civil. C’était également l’occasion de reconnaître en tant que formation des semestres de motivations ou des pré-apprentissages, mais aussi, à l’inverse, de retirer le qualificatif « en formation » aux stagiaires et étudiants qui, au cours de leur stage pratique ou de leurs études, réalisaient un revenu supérieur à la rente de vieillesse complète maximale de l’assurance-vieillesse et survivants. Aucune prestation de sécurité sociale ne devait en effet être versée lorsque l’enfant réalisait un revenu qui lui permettait de subvenir entièrement ou partiellement à ses besoins.

Dans une jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur le 1er janvier 2011 de l’art. 49bis al. 3 RAVS rendue en matière de rente d’orphelin, le Tribunal fédéral des assurances avait admis que le fait que l’enfant réalise au cours de sa formation un revenu lui permettant de subvenir à son entretien ne faisait pas obstacle à l’octroi d’une rente complémentaire pour enfant. Il avait en particulier souligné que les étudiants et les apprentis qui subvenaient eux-mêmes à leur entretien ne devaient pas être moins bien traités que ceux qui n’avaient pas besoin de gagner leur vie parce qu’ils avaient de la fortune ou étaient entretenus par leurs parents. Même si cette pratique aboutissait à des résultats peu satisfaisants, puisque la rente devait être également versée à des orphelins qui disposaient de revenus élevés permettant de couvrir leurs besoins, il n’en demeurait pas moins que les rentes ordinaires de l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité étaient allouées indépendamment de la situation financière des bénéficiaires. Il incombait au législateur d’adopter une autre réglementation au cas où cela devait être jugé nécessaire pour des motifs de politique sociale (ATF 106 V 147 consid. 3 p. 151; en dernier lieu, arrêt 9C_674/2008 du 18 juin 2009 consid. 2.2, in SVR 2010 IV n° 1 p. 1, rendu en matière de rente complémentaire pour enfant).

La jurisprudence a précisé que la rente complémentaire pour enfant n’a, à la différence de la rente d’orphelin, pas pour fonction de compenser les difficultés financières liées à la disparition d’un parent, mais de faciliter l’obligation d’entretien de la personne invalide ou au bénéfice d’une rente de l’assurance-vieillesse et survivants, singulièrement de compenser les éléments du revenu perdus à la suite de la survenance du risque assuré (âge ou invalidité) et destinés à l’entretien de l’enfant. Autrement dit, elle doit permettre au parent invalide ou au bénéfice d’une rente de l’assurance-vieillesse et survivants d’honorer son obligation d’entretien. Elle n’a en revanche pas vocation à enrichir le bénéficiaire de l’entretien (ATF 134 V 15 consid. 2.3.3 p. 17 et les références; voir également ATF 136 V 313 consid. 5.3.4 p. 319).

La volonté du législateur était de lier l’octroi d’une rente complémentaire pour enfant à l’obligation du parent bénéficiaire de contribuer à l’entretien de celui-ci. Sur le plan civil, le soutien financier des père et mère à un enfant majeur ne peut d’ailleurs se justifier que dans le cas où l’enfant ne dispose pas lui-même des ressources nécessaires pour assumer ses besoins courants et les frais engendrés par sa formation (cf. art. 277 al. 2 CC en corrélation avec l’art. 276 al. 3 CC; arrêt 5C.150/2005 du 11 octobre 2005 consid. 4.4, in FamPra.ch 2006 p. 480; voir également MEIER/STETTLER, Droit de la filiation, 4ème éd. 2009, n. 1092 p. 628).

 

La limite de revenu fixée à l’art. 49bis al. 3 RAVS ne présente pas de lien direct avec la notion de « formation ». La délégation législative de l’art. 25 al. 5 LAVS doit néanmoins être comprise de façon large et être interprétée à la lumière du but assigné par le législateur à la rente complémentaire pour enfant (voir le Message du 5 mars 1990 concernant la dixième révision de l’assurance-vieillesse et survivants, FF 1990 II 1, ch. 51 ad art. 25 p. 93 s.). Or un enfant qui réalise à côté de sa formation un revenu mensuel moyen au cours d’une année civile au moins équivalent à la rente maximale de l’assurance-vieillesse et survivants est en mesure de subvenir dans une large mesure, si ce n’est totalement, à ses besoins et n’est plus tributaire du soutien financier de ses parents. Dans ces conditions, il n’est pas arbitraire de considérer que le parent bénéficiaire de la rente n’a plus d’obligation d’entretien à l’égard de son enfant et que, de ce fait, la rente complémentaire pour enfant perd sa justification au regard du droit des assurances sociales (MYRIAM LENDFERS, Junge Erwachsene in Ausbildung, JaSo 2014 p. 131; voir également arrêt 8C_875/2013 du 29 avril 2014 consid. 3.3, in SVR 2014 IV n° 24 p. 84).

En ce qui concerne le droit à une rente complémentaire pour enfant, ce n’est toutefois pas au regard de la situation de l’enfant qu’il convient d’examiner s’il y a violation du principe de l’égalité de traitement, mais au regard de la situation du parent bénéficiaire de la rente principale et de la rente complémentaire pour enfant, singulièrement au regard de l’obligation d’entretien que celui-ci a à l’égard de son enfant qui accomplit une formation. Si le parent est libéré de son obligation d’entretien parce que son enfant est en mesure de subvenir à ses besoins par ses propres moyens, il est justifié de ne pas verser de rente complémentaire pour enfant et le défaut de prestations ne saurait par conséquent être source d’inégalité (sur la question, voir également LENDFERS, op. cit., p. 133).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_915/2015 consultable ici : http://bit.ly/2aNo72o

 

 

Le jugement de la Cour européenne sur le caractère discriminatoire de la méthode mixte est définitif (Arrêt de la CrEDH du 02.02.2016, affaire Di Trizio c. Suisse)

Le jugement de la Cour européenne sur le caractère discriminatoire de la méthode mixte est définitif (Arrêt de la CrEDH du 02.02.2016, affaire Di Trizio c. Suisse)

 

Paru in Assurance Sociale Actualités 15/2016 du 18.07.2016

 

La Cour européenne des droits de l’homme ne réexaminera pas son jugement sur la discrimination des personnes actives à temps partiel par l’AI. La Cour a débouté les autorités suisses qui demandaient la transmission du dossier à la Grande Chambre. Par conséquent, la décision du mois de février est définitive. A cette occasion, la Cour basée à Strasbourg avait conclu que les personnes actives à temps partiel, essentiellement des femmes, étaient discriminées lors de l’attribution des rentes AI.

 

 

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