5A_737/2022 (f) du 02.05.2023 – Respect de la langue de la procédure – 129 CPC / Logiciel de traduction automatique italien-français – Traduction en français insuffisamment compréhensible – 132 al. 2 CPC

Arrêt du Tribunal fédéral 5A_737/2022 (f) du 02.05.2023

 

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Respect de la langue de la procédure / 129 CPC

Logiciel de traduction automatique italien-français – Traduction en français insuffisamment compréhensible / 132 al. 2 CPC

Pas de formalisme excessif

 

Jugement rejetant la requête de A.__, née en 2018, tendant à la mainlevée définitive de l’opposition formée par C.__ au commandement de payer (poursuite no xxx) la somme de 30’060 fr., plus intérêts à 5%.

 

Procédure cantonale

A.__ a interjeté recours contre ce prononcé le 24.05.2022.

Par courrier recommandé du 09.06.2022, le Président de la Cour des poursuites et faillites a informé la recourante que, selon l’art. 129 CPC, applicable à la procédure de recours, cette dernière devait être conduite dans la langue officielle du canton, soit le français, que l’acte de recours était rédigé en italien, que la traduction française fournie n’était pas suffisamment compréhensible et que, dès lors, en application de l’art. 132 al. 2 CPC, il lui était imparti un délai de 10 jours pour déposer une traduction française compréhensible, à défaut de quoi le recours ne serait pas pris en considération.

Le 21.06.2022, l’autorité cantonale a reçu de la recourante une nouvelle écriture datée du 15.06.2022 et postée le 17.06.2022.

Par arrêt du 01.09.2022, la Cour des poursuites et faillites a déclaré irrecevables les actes déposés par A.__ les 24.05.2022 et 17.06.2022.

 

TF

Consid. 3
Bien que le recours soumis à l’examen du Tribunal fédéral ait été rédigé en italien comme le permet l’art. 42 al. 1 LTF, le présent arrêt est rendu en français, langue de la décision attaquée, conformément à l’art. 54 al. 1 première phrase LTF. La recourante allègue que, si les parties utilisent une autre langue officielle, la procédure peut se dérouler dans cette langue. Elle semble ainsi faire référence à la seconde phrase de l’art. 54 al. 1 LTF, selon laquelle, « si les parties utilisent une autre langue officielle, celle-ci peut être adoptée ». Pour que cette exception au principe général entre en considération, il aurait toutefois fallu qu’elle présente une demande tendant à obtenir un jugement dans une langue qu’elle comprend (ATF 124 III 205 consid. 2) ou, à tout le moins, que l’incompréhension de la langue de la procédure soit manifeste sur le vu du dossier (JEAN-MAURICE FRÉSARD, Commentaire romand de la LTF, 3e édition 2022, n°16 ad art. 54 LTF), conditions qui ne sont pas remplies en l’espèce.

Consid. 5
La Cour des poursuites et faillites a relevé que l’acte de recours déposé le 24.05.2022, rédigé en langue italienne, était accompagné d’une traduction en français insuffisamment compréhensible, que la poursuivante avait été invitée, le 09.06.2022, à fournir une traduction française compréhensible dans un délai de 10 jours, qu’il fallait comprendre de la nouvelle écriture – également rédigée en italien et accompagnée d’une traduction en français – que la recourante se plaignait d’un formalisme excessif et demandait la prise en considération de son acte de recours du 24.05.2022, que force était de constater que ce nouvel acte ne rectifiait pas le vice de forme de l’acte de recours initial et que, dans ces circonstances, les deux écritures devaient être déclarées irrecevables, en application de l’art. 132 al. 2 CPC.

Autant qu’on puisse la suivre, la recourante soulève à l’encontre de ces considérations les griefs de violation de son droit d’accès à la justice (recours ch. 11), de son droit d’être entendue (recours ch. 12) et de l’interdiction du formalisme excessif (recours ch. 13 et ch. 14). Il convient toutefois de relever que la motivation de ces moyens reste à un stade embryonnaire et que la majeure partie du recours consiste en un exposé très confus de faits de procédure (ch. 1 à 7) et de principes juridiques généraux développés parfois de façon non structurée (ch. 9, 10, 13, 14 et 15). On peut dès lors se demander si une telle écriture répond aux exigences de motivation posées par l’art. 42 al. 2 LTF.

Quoi qu’il en soit, on ne voit pas en quoi l’autorité cantonale aurait privé la recourante de son droit d’accès à la justice, aurait violé son droit d’être entendue ou aurait fait preuve d’un formalisme excessif en lui impartissant, en application de l’art. 132 al. 2 CPC, un délai de 10 jours pour déposer – dans une procédure dont elle ne conteste à juste titre pas que, selon l’art. 129 CPC, elle devait être conduite en français – une traduction rédigée dans un français compréhensible. En ne déclarant pas immédiatement irrecevable la traduction produite et en donnant la possibilité à la recourante de rectifier le vice de forme dont cet acte était entaché, la Cour des poursuites et faillites a précisément veillé au respect de ces garanties constitutionnelles (cf. BOHNET, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2e éd. 2019, no 6 ad art. 132 CPC). On ne saurait pas plus reprocher aux juges cantonaux d’avoir erré en qualifiant d’ «insuffisamment compréhensible » la traduction en français qui accompagnait l’acte de recours envoyé le 24.05.2022, au point que leur décision d’impartir un délai de rectification apparaîtrait excessivement formaliste. La trame décousue de la traduction et sa syntaxe ainsi que certaines expressions pour le moins curieuses semblent tout droit sorties d’un logiciel de traduction automatique italien-français. Il suffit à cet égard de citer à titre d’exemples les passages suivants (ch. 2 : « […] le Centre des droits du citoyen CODDICI adresse un arrêté […] « ; ch. 4 :  » […] le plaignant transmet la procédure au juge paix de la Côte d’azur une cause de rejet définitif de l’opposition, puisque la demande de procédure exécutive est basée sur une sentence du tribunal de district de Maggia, qui a grandi en judicata pour qui, ce devrait être une pure formalité. « ; ch. 4 :  » Preuve : le dossier de la justice de paix de la Riviera a été enrichi, 1800 Vevey. « ; ch. 5 :  » […] une sentence arbitaire qui viole la LEF (art. 80 LEF) pour laquelle le recours est justement insinué. « ; ch. IV : « D emandes répétables pour l’association CODICI à ce jour non payées par personne, pour lesquelles une indemnité est très justifiée. « ;  » Avec des friandises parfaites « ). Une telle traduction était clairement insuffisante (cf. BOHNET, op. cit., n o 21 ad art. 132 CPC).

Pour le reste, la recourante ne s’en prend aucunement aux considérations de l’autorité cantonale selon lesquelles, dans sa nouvelle écriture envoyée le 17.06.2022, elle s’est bornée à reprocher à l’autorité cantonale un formalisme excessif et à demander la prise en considération de son acte de recours du 24.05.2022 et, ce faisant, n’a pas rectifié le vice de forme de cet acte initial.

Consid. 6
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la très faible mesure de sa recevabilité. […]

 

Le TF rejette le recours de A.__, dans la mesure où il est recevable.

 

Arrêt 5A_737/2022 consultable ici

 

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