Remplacement du Tarmed : Le TARDOC a été remis au Conseil fédéral

Le TARDOC a été remis au Conseil fédéral

 

Communiqué de presse du 12.07.2019 consultable ici

 

Après plus de trois ans et demi de travaux, la nouvelle structure tarifaire ambulatoire TARDOC de l’organisation tarifaire commune ats-tms SA est prête. Elle remplacera le TARMED. Les partenaires tarifaires, la FMH et curafutura, ont remis le TARDOC au Conseil fédéral pour approbation en vue d’une entrée en vigueur au 01.01.2021.

 

Depuis 2004, les prestations médicales ambulatoires sont facturées avec le TARMED, qui reprend toutes les prestations ambulatoires du médecin. Le TARMED est désormais dépassé et sa révision était devenue inévitable.

Qu’est-ce qui est nouveau ?

Il s’est avéré extrêmement difficile d’élaborer une structure tarifaire acceptable et susceptible de faire le consensus entre les partenaires tarifaires. Les modèles de coûts utilisés ont été adaptés au niveau actuel de la médecine, de la technique médicale et des coûts de personnel d’aujourd’hui. La durée de traitement des différentes prestations a été actualisée. Les progrès de la médecine et les avancées technologiques ont réduit le temps de nombreux examens et ouvert la voie à de nouvelles prestations. La professionnalisation rapide du personnel paramédical de ces 20 dernières années s’est aussi traduite par de nouvelles prestations, inexistantes dans le TARMED actuel. La structure tarifaire a donc été simplifiée. Les prestations purement stationnaires ont été supprimées et le catalogue de prestations réduit de 4600 à près de 2700 positions. Enfin, les règles d’application et de facturation ont été redéfinies en concertation avec les sociétés de discipline médicale.

Quelles sont les prochaines étapes ?

La FMH et curafutura ont remis la structure tarifaire TARDOC au Conseil fédéral. La CTM n’est pas tenue de déposer une demande.

La FMH et curafutura adhèrent au principe de la neutralité des coûts conformément à l’article 59c, al. 1, let. c OAMal. Les fournisseurs de prestations et les assureurs ont toutefois une approche différente sur la manière de mettre en œuvre la transition neutre en termes de coûts entre le TARMED et le TARDOC. Les deux versions diffèrent uniquement sur le nombre de points tarifaires.

La structure tarifaire TARDOC peut être consultée sur le lien suivant : https://tardoc.ats-tms.ch/

 

À propos d’ats-tms SA

ats-tms SA a été fondée en 2016 avec l’objectif d’élaborer une structure tarifaire révisée des prestations médicales ambulatoires et de poursuivre son développement en continu. Elle réunit l’association des assureurs-maladie curafutura, la Fédération des médecins suisses (FMH) et la Commission des tarifs médicaux LAA (CTM).

 

 

Communiqué de presse du 12.07.2019 consultable ici

 

 

8C_606/2018 (f) du 12.06.2019 – Aide financière accordée par l’aide sociale – Versement du rétroactif des allocations familiales – Interprétation par le TF d’une norme cantonale sous l’angle de l’arbitraire

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_606/2018 (f) du 12.06.2019

 

Consultable ici

 

Aide financière accordée par l’aide sociale – Versement du rétroactif des allocations familiales / 22 LPGA – 29 de la loi [du canton de Fribourg] sur l’aide sociale (LASoc; RSF 831.0.1)

Interprétation par le TF d’une norme cantonale sous l’angle de l’arbitraire

 

A.__ et B.__, ressortissante érythréenne dont la demande d’asile avait été refusée, ont emménagé ensemble dans le logement du prénommé au mois de juillet 2007. A cette époque, B.__ était au bénéfice de prestations d’aide sociale allouées par ORS Service AG, organisme d’encadrement des requérants d’asile et des réfugiés (ci-après: ORS). Deux enfants sont nés de cette union: C.__, en 2008 et D.__, en 2010. ORS a alloué des prestations d’aide sociale à la mère et aux deux enfants jusqu’au 17.10.2012 – date à laquelle la reconnaissance formelle des enfants par leur père est intervenue. Le 06.05.2013, B.__ a quitté le logement de A.__ avec les deux enfants et a bénéficié de prestations allouées par ORS jusqu’à ce qu’elle reçoive son autorisation de séjour, le 13.06.2013. Dès le 01.08.2013, elle a obtenu des prestations du Service de l’aide sociale de la Ville de Fribourg (SASV). Au mois de février 2014, B.__ et les enfants sont retournés vivre avec A.__ et les parents se sont mariés le 17.10.2014.

Le 08.03.2013, A.__ a saisi la caisse de compensation d’une demande tendant à l’octroi d’allocations familiales pour ses deux enfants, avec effet rétroactif au 30.09.2008. Par décision, partiellement réformée sur opposition les 19.01.2016 et 28.01.2016, la caisse de compensation a reconnu le droit de A.__ aux allocations familiales pour ses deux enfants et a réparti le versement rétroactif des allocations entre ORS, le SASV et l’intéressé. Ainsi, elle a indiqué que des montants de 9’430 fr. en faveur de C.__ et de 7’360 fr. en faveur de D.__ devaient être versés à ORS. En outre, un montant de 490 fr. par enfant devait être versé au SASV pour les mois d’août et septembre 2013. Quant à A.__, il bénéficiait à titre rétroactif de 5’360 fr. pour chacun des enfants, ainsi que de l’allocation de naissance d’un montant de 1’500 fr. pour D.__.

Saisie d’une demande de l’intéressé tendant à la reconsidération de la décision du 28.01.2016, en ce sens que l’intégralité des allocations familiales et l’allocation de naissance lui soient versées, la caisse de compensation a rendu une décision sur opposition par laquelle elle a confirmé sa décision du 28.01.2016.

 

Procédure cantonale

Les juges cantonaux ont examiné le cas sous l’angle des art. 9 LAFam et 12 de la loi [du canton de Fribourg] sur les allocations familiales dans sa version entrée en vigueur le 01.01.2013 (LAFC; RSF 836.1). Ils ont considéré que les art. 9 LAFam et 12 LAFC n’étaient pas applicables. En effet, il n’était pas établi et il n’y avait pas de risque que l’éventuel versement à l’assuré des allocations familiales dues pour les périodes en question pourrait ne pas servir à couvrir des frais d’entretien des deux enfants auxquels ces prestations étaient destinées. La caisse de compensation ne pouvait dès lors pas se fonder sur ces dispositions pour décider de verser les allocations familiales en cause à ORS et au SASV en lieu et place de l’assuré.

En revanche, la cour cantonale a appliqué l’art. 29 de la loi [du canton de Fribourg] sur l’aide sociale (LASoc; RSF 831.0.1). Plus particulièrement, la juridiction cantonale s’est référée à l’al. 4 de cette disposition [Le service social qui accorde une aide matérielle à titre d’avance sur les prestations des assurances ou de tiers tenus de verser des prestations est subrogé dans les droits du bénéficiaire, jusqu’à concurrence de l’aide matérielle accordée.]. Elle a constaté que pour les périodes respectives de juin 2009 à octobre 2012 et d’août à septembre 2013, ORS et le SASV avaient alloué des prestations d’aide matérielle en faveur des enfants C.__ et D.__ et pris également en charge directement leurs primes d’assurance-maladie. Il n’était par ailleurs pas contesté que le droit aux allocations familiales pour les deux enfants portait notamment sur ces deux périodes. Vu cette concordance temporelle et le constat que les deux types de prestations étaient destinées à permettre d’assurer l’entretien des deux enfants prénommés (concordance matérielle), les prestations octroyées au titre de l’aide sociale constituaient, au sens de l’art. 22 al. 2 LPGA, des avances sur les allocations familiales qui devaient être perçues ultérieurement. ORS et le SASV, en tant qu’autorités d’assistance, bénéficiaient donc de la subrogation instituée par l’art. 29 al. 4 LASoc. En effet, ce qui était déterminant, ce n’était pas à qui les allocations et avances matérielles étaient versées mais leur objet, en l’occurrence la couverture des frais d’entretien des enfants.

Selon la cour cantonale, la caisse de compensation était en droit de verser à ORS et au SASV les allocations familiales en faveur des deux enfants pour les périodes respectives de juin 2009 à octobre 2012 et d’août à septembre 2013. Cette mesure s’inscrivait dans le sens même de la subrogation légale prévue à l’art. 29 al. 4 LASoc qui a pour but de garantir aux autorités d’aide sociale le remboursement indirect des prestations d’aide matérielle qu’elles allouent à titre d’avance sur des montants à verser ultérieurement par des assurances sociales.

Par jugement du 05.07.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’assuré fait valoir que la subrogation n’était pas applicable, car il est l’ayant droit aux allocations familiales. La mère (et l’autorité prétendument subrogée) n’avait pas un droit à faire valoir à son encontre au titre des allocations familiales.

Sauf exceptions non pertinentes en l’espèce (cf. art. 95 let. c, d et e LTF), on ne peut invoquer la violation du droit cantonal ou communal en tant que tel devant le Tribunal fédéral (art. 95 LTF a contrario). Il est néanmoins possible de faire valoir que son application consacre une violation du droit fédéral, en particulier la protection contre l’arbitraire (art. 9 Cst.) ou la garantie d’autres droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n’examine alors de tels moyens que s’ils sont formulés conformément aux exigences de motivation qualifiée prévues à l’art. 106 al. 2 LTF (ATF 142 V 577 consid. 3.2 p. 579 et la référence). L’assuré doit en particulier indiquer précisément quelle disposition constitutionnelle ou légale a été violée et démontrer par une argumentation précise en quoi consiste la violation (voir par ex. arrêt 2D_42/2018 du 11 mars 2019 consid. 2).

Appelé à revoir l’interprétation d’une norme cantonale sous l’angle de l’arbitraire, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d’un droit certain. En revanche, si l’application de la loi défendue par l’autorité cantonale n’apparaît pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution – même préférable – paraît possible. En outre, pour qu’une décision soit annulée au titre de l’arbitraire, il ne suffit pas qu’elle se fonde sur une motivation insoutenable; encore faut-il qu’elle apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 113 consid. 7.1 p. 124).

L’objection soulevée ici par l’assuré n’a pas échappé à la juridiction cantonale qui a estimé – à tort ou à raison, la question peut demeurer indécise – qu’elle ne faisait pas obstacle à l’application de la subrogation prévue à l’art. 29 al. 4 LASoc. L’assuré – qui ne soulève pas le grief d’arbitraire ni n’invoque ici une autre garantie d’ordre constitutionnel – ne formule aucun argument qui satisfasse aux exigences précitées de motivation. Il ne démontre en tout cas pas en quoi l’interprétation – peut-être discutable – par les premiers juges de la disposition en question serait insoutenable.

 

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_606/2018 consultable ici

 

 

1C_394/2018 (f) du 07.06.2019 – Principe de publicité de la justice – 6 par. 1 CEDH – 14 Pacte ONU II – 30 al. 3 Cst. / Liberté d’information – 16 al. 3 Cst. / Publication des arrêts cantonaux genevois

Arrêt du Tribunal fédéral 1C_394/2018 (f) du 07.06.2019

 

Consultable ici

 

Principe de publicité de la justice / 6 par. 1 CEDH – 14 Pacte ONU II – 30 al. 3 Cst.

Liberté d’information / 16 al. 3 Cst.

Publication des arrêts cantonaux genevois

 

Le 17.01.2017, une avocate au barreau de Genève a demandé au Tribunal correctionnel, dans le cadre d’une défense d’office qui lui avait été confiée, l’accès à toutes les décisions et ordonnances rendues par le Tribunal pénal durant les dix dernières années. Le Secrétariat général du pouvoir judiciaire a refusé la requête d’accès, en précisant que celle-ci ne pouvait porter que sur les décisions au fond rendues par le Tribunal de police, le Tribunal correctionnel et le Tribunal criminel, à l’exclusion des décisions du Tribunal des mesures de contrainte (Tmc) et du Tribunal d’application des peines et des mesures (Tapem). Les prononcés en question représentaient environ 1200 décisions par année, et leur anonymisation représentait un travail disproportionné. L’accès à des décisions déterminées restait possible.

A la demande de l’avocate, le Préposé cantonal à la protection des données et à la transparence (le Préposé) a recommandé au Tribunal pénal d’autoriser l’intéressée à consulter dans ses locaux l’intégralité des décisions et ordonnances, en vertu des principes de publicité et de transparence.

Par décision du 04.09.2017, le Tribunal pénal s’est écarté de cette recommandation et a derechef refusé l’accès à l’intégralité des décisions prises depuis 2007. En l’occurrence, la remise de toute la jurisprudence sur dix ans imposerait d’anonymiser quelque 22’000 décisions, ce qui représentait un travail disproportionné pour lequel le Tribunal pénal ne disposait pas du personnel suffisant. La possibilité de consulter les jugements non anonymisés, moyennant un engagement de confidentialité, était réservée aux recherches académiques.

Par arrêt du 05.06.2018 (arrêt ATA/550/2018 – consultable ici), la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté le recours formé contre cette décision. L’art. 20 de la loi cantonale sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles (LIPAD, RS/GE A 2 08) prévoyait l’accessibilité des arrêts et décisions entrés en force sous forme caviardée (al. 4), ainsi que la publication de ces décisions « dans la mesure où la discussion et le développement de la jurisprudence le requièrent » (al. 5). Les juridictions devaient ainsi admettre les demandes de consultation portant sur des décisions précises, sauf si le travail en résultant était réellement disproportionné, mais aucune des dispositions précitées n’imposait une publication de l’intégralité de la jurisprudence des tribunaux pénaux. La consultation des décisions non caviardées, moyennant un engagement de confidentialité, était exclue, car réservée aux recherches scientifiques. Confirmant le refus du Tribunal pénal, la cour cantonale a cependant considéré que l’avocate ne pouvait prétendre consulter au siège de l’autorité l’intégralité de la jurisprudence pénale car celle-ci représentait près de 22’000 décisions et le travail de caviardage sur un nombre aussi important de documents serait disproportionné au sens de l’art. 26 al. 1 et 5 LIPAD. De plus, l’on ne pouvait reprocher au tribunal de ne pas avoir anonymisé à l’avance ses décisions. Il n’y avait pas de violation du principe d’égalité des armes par rapport au Ministère public qui, en qualité de partie, se voyait notifier l’ensemble des décisions du Tribunal pénal.

 

TF

Les art. 6 par. 1 CEDH, 14 Pacte ONU II et 30 al. 3 Cst. (ce dernier s’appliquant à l’ensemble des procédures judiciaires) garantissent le principe de publicité de la justice. Il s’agit d’un principe fondamental de l’Etat de droit permettant à quiconque de s’assurer que la justice est rendue correctement en préservant la transparence et la confiance dans les tribunaux et en évitant l’impression que des personnes puissent être avantagées ou au contraire désavantagées par les autorités judiciaires (ATF 139 I 129 consid. 3.3 p. 133; 137 I 16 consid. 2.2 p. 19; SAXER/THURNHEER, Basler Kommentar StPO, Bâle 2014, n° 40 ad art. 69 CPP). Le principe de publicité protège ainsi d’une part les parties impliquées directement dans une procédure en garantissant, à travers la publicité des débats et du prononcé, un traitement correct de leur cause; il permet, d’autre part et plus généralement, d’assurer la transparence de la justice afin de permettre au public de vérifier de quelle manière les procédures sont menées et la jurisprudence est rendue (ATF 143 I 194 consid. 3.1 p. 197; 139 I 129 consid. 3.3 p. 133 ss).

Le principe de publicité concrétise également, dans le domaine de la procédure judiciaire, la liberté d’information garantie à l’art. 16 al. 3 Cst. qui permet le libre accès aux sources généralement accessibles que sont notamment les débats et les décisions judiciaires. Les décisions des tribunaux – comprenant la composition du tribunal, l’exposé des faits, les considérants en droit et le dispositif – doivent en général être accessibles et leur consultation n’est pas soumise à l’existence d’un intérêt particulier (ATF 139 I 129 consid. 3.6; arrêt 1C_123/2016 précité consid. 3.5.2), hormis dans certains cas concernant notamment les ordonnances de classement (ATF 137 I 16; 134 I 286). La jurisprudence entend ainsi en principe par décision judiciaire les arrêts à caractère final, soit le résultat de la procédure judiciaire dès son achèvement (ATF 139 I 129 consid. 3.3), sans limitation aux arrêts entrés en force (arrêt 1C_123/2016 précité consid. 3.5.1 et 3.9). Cette obligation de publicité peut être réalisée de diverses manières telles que la mise à disposition publique des jugements, leur publication dans des recueils officiels, leur diffusion sur Internet ainsi que leur consultation sur demande; ces différentes formes de publicité peuvent être combinées (arrêt 1C_123/2016 précité consid. 3.5.1, 3.6). Le droit de consulter les décisions judiciaires n’est toutefois pas absolu; il peut être limité afin de protéger des intérêts personnels (notamment des parties à la procédure) ou publics. Les jugements peuvent ainsi être anonymisés ou caviardés dans une mesure qui doit être déterminée au cas par cas (ATF 139 I 129 consid. 3.6; 133 I 106 consid. 8.3 p. 108).

Toutefois, il ne ressort pas des arrêts susmentionnés, en particulier l’arrêt 1C_123/2016, que les tribunaux auraient de manière générale l’obligation de publier l’intégralité de leur jurisprudence sur papier ou sur Internet. L’arrêt précité concerne au demeurant non pas la publication systématique de la jurisprudence, mais la remise anonymisée de deux jugements particuliers. Sous l’angle du principe de publicité, la mise à disposition des jugements au greffe de la juridiction est suffisante, avec la possibilité le cas échéant d’en faire une copie anonymisée (ATF 139 I 129 consid. 3.3 p. 134 et les arrêts cités; arrêt 1C_290/2015 du 15 octobre 2015 consid. 3.2.3; HÜRLIMANN/KETTIGER, Zugänglichkeit zu Urteilen kantonaler Gerichte: Ergebnisse einer Befragung, in Justice-Justiz-Giustizia 2018/2 p. 1-2).

En matière de procédure pénale, le législateur a posé à l’art. 69 CPP quelques normes découlant du principe de publicité concernant en premier lieu la publicité des débats. Cette disposition ne règle cependant pas exhaustivement la portée du principe de publicité en droit pénal (SAXER/THURNHEER, Basler Kommentar StPO, Bâle 2014, n° 4 ad art. 69 CPP). Elle prévoit que les débats de première instance et d’appel, de même que la notification orale des jugements sont publics, à l’exception des délibérations (al. 1). Lorsque, dans ces cas, les parties ont renoncé à un prononcé en audience publique ou qu’une ordonnance pénale a été rendue, les personnes intéressées peuvent consulter les jugements et les ordonnances pénales (al. 2). L’art. 69 al. 3 CPP définit les exceptions au principe de publicité; il n’y est toutefois pas envisagé tous les aspects de la consultation des décisions pénales du point de vue de la protection de la personnalité.

La Confédération et les cantons sont évidemment libres d’instituer une politique de communication allant au-delà des obligations constitutionnelles rappelées ci-dessus (arrêt 1C_290/2015 précité consid. 3.4.2). La pratique des autorités des différents cantons en matière d’accès à la jurisprudence est ainsi très variable. Une partie d’entre eux (dont Genève) ne donne accès, sur Internet, qu’aux arrêts des instances supérieures, alors qu’une minorité met également en ligne les jugements de première instance; certains cantons prévoient par ailleurs la remise de jugements, sur demande. La politique d’anonymisation varie également d’un canton à l’autre. Les objections à la publication sur Internet reposent essentiellement sur des considérations d’ordre financier, notamment en rapport avec la nécessité d’anonymiser rétroactivement un grand nombre de décisions. Dans ce domaine, la situation évolue toutefois rapidement (HÜRLIMANN/KETTIGER, loc. cit.).

L’art. 20 al. 4 LIPAD se rapporte au droit général d’accès à la jurisprudence; il n’impose pas une publication ou une mise en ligne des arrêts, mais uniquement leur mise à disposition au siège du Tribunal ou d’un service spécial. Quant à l’art. 20 al. 5 LIPAD, il doit être lu en rapport avec l’art. 61 de la loi genevoise d’organisation judiciaire (LOJ, RS/GE E 2 05) et concerne la publication des décisions de principe, dont la sélection est du ressort de la juridiction concernée.

Sur le vu de ce qui précède, le droit cantonal n’impose pas non plus aux juridictions pénales de première instance (Tribunal de police, Tribunal correctionnel et Tribunal criminel) de publier systématiquement l’intégralité de leurs jugements, sur papier ou sur Internet, dans la mesure où ceux-ci sont suffisamment accessibles au siège de ces juridictions. En revanche, sauf à violer l’interdiction de l’arbitraire, on ne peut comprendre le droit cantonal genevois autrement que comme autorisant en principe l’accès public à toutes les décisions judiciaires visées.

 

La position de l’autorité cantonale se heurte aux principes rappelés ci-dessus: le principe de la publicité de la justice et, en général, le principe de l’information, tels qu’ils sont définis par le droit fédéral et par le droit cantonal, exigent en effet que l’ensemble des décisions rendues au fond par les tribunaux soit, à tout le moins, mis à disposition du public. Il s’agit là d’une obligation de résultat, et les difficultés liées à l’anonymisation d’un très grand nombre de décisions ne sauraient y faire échec. Les tribunaux disposaient selon le droit cantonal d’un délai de deux ans échu au mois de mars 2004 pour procéder à l’anonymisation des jugements susceptibles d’être consultés, et l’écoulement du temps ne fait qu’accroître les difficultés évoquées par les instances cantonales, de sorte qu’une consultation élargie de la jurisprudence ne serait en définitive jamais possible. Les autorités genevoises doivent ainsi mettre en œuvre sans retard les moyens nécessaires à la réalisation de l’obligation de publicité telle qu’elle découle clairement du droit cantonal. Tant que cette obligation n’est pas satisfaite, l’autorité n’aura d’autre choix que de tolérer la consultation des décisions au siège du tribunal concerné.

Cela étant, il n’en demeure pas moins qu’il y a lieu de protéger la personnalité des parties aux procédures (art. 20 al. 4 et 26 al. 2 let. g LIPAD; ATF 139 I 129 consid. 3.6 p. 136), à laquelle l’atteinte la moins grave possible doit être portée (principe de la proportionnalité, art. 36 al. 3 Cst.). Afin de garantir ce droit fondamental tout en permettant la mise en œuvre du principe de publicité dans le contexte actuel particulier du canton de Genève décrit ci-dessus, soit sans imposer un travail d’anonymisation actuellement disproportionné (cf. ATF 142 II 324 consid. 3.5 p. 337 concernant la loi fédérale sur la transparence), il y a lieu, en l’état, de poser quelques conditions à l’exercice du droit de consulter. On peut ainsi exiger de la requérante, d’une part, qu’elle précise raisonnablement l’objet de sa demande de consultation et, d’autre part, qu’elle prenne un engagement de confidentialité, une consultation de très nombreuses décisions judiciaires par une avocate ou un magistrat judiciaire s’apparentant à une recherche scientifique.

Au vu des principes rappelés ci-dessus, l’on ne voit pas pourquoi cette possibilité de consultation serait réservée aux recherches académiques alors qu’une recherche élargie de jurisprudence effectuée par un avocat ou un magistrat peut également comporter un intérêt légitime. Les avocats étant par ailleurs déjà tenus au secret professionnel, la portée d’un tel engagement de confidentialité ne saurait leur échapper. La formulation de cet engagement pourra le cas échéant être adaptée à une recherche effectuée par un avocat.

Enfin, il y a lieu de préciser que si l’avocate désire obtenir copie de certaines décisions, celles-ci devront être anonymisées. Au terme de sa recherche, l’avocate devra donc sélectionner – toujours au regard du but poursuivi – un nombre raisonnable de décisions, afin de ne pas engendrer de travail disproportionné, la perception d’un émolument étant réservée.

 

Le TF admet le recours de l’avocate, annule l’arrêt attaqué et renvoie la cause au tribunal pénal pour nouvelle décision au sens des considérants.

 

 

Arrêt 1C_394/2018 consultable ici

 

 

Cf. également l’arrêt 1C_225/2019 du 27.06.2019 portant sur la même problématique dans un cas similaire, également à Genève.

 

 

9C_738/2018 (f) du 07.03.2019 – Evaluation de l’invalidité par l’institution de prévoyance / Non-notification de la décision par l’office AI à l’institution de prévoyance / Rupture du lien de connexité temporelle

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_738/2018 (f) du 07.03.2019

 

Consultable ici

 

Evaluation de l’invalidité par l’institution de prévoyance

Non-notification de la décision par l’office AI à l’institution de prévoyance

Rupture du lien de connexité temporelle

 

Assuré a déposé sa demande AI le 24.02.2012. Il indiquait notamment dans le formulaire de demande travailler comme aide-peintre en bâtiments, être incapable d’exercer son métier depuis le 27.10.2011 et être assuré par la Caisse de retraite professionnelle de l’industrie vaudoise de la construction (ci-après: la caisse).

L’assuré a été licencié pour le 30.06.2012. Il a été mis au bénéfice de mesures d’ordre professionnel qui ont finalement conduit à son engagement depuis le 21.05.2014 en qualité de peintre en bâtiments à 80%. A ce titre, il était assuré par Retraites Populaires Fondation de prévoyance (ci-après: la fondation). Le médecin du Service médical régional de l’office AI (SMR) a déduit du dossier que l’intéressé disposait d’une capacité de travail de 90% dans son activité habituelle et toute activité adaptée. L’administration a dès lors nié le droit à une rente, motif pris d’un taux d’invalidité de 10% (décision du 04.12.2014).

L’assuré s’est à nouveau annoncé à l’office AI le 30.01.2015. Il l’informait en particulier qu’il était en arrêt maladie depuis le 27.10.2014 et qu’il avait été licencié pour le 31.01.2015 dans la mesure où l’entreprise dans laquelle il travaillait cessait toute activité. Après les investigations et mesures habituelles, l’office AI a retenu une capacité totale de travail dans une activité adaptée avec une baisse de rendement de 40%. Elle a reconnu le droit de l’assuré à une demi-rente à partir du 01.01.2016, fondée sur un taux d’invalidité de 51% (décision du 18.10.2016).

L’assuré a requis des prestations de la caisse et de la fondation à réitérées reprises. Les deux institutions de prévoyance ont refusé de prester.

 

Procédure cantonale

Le 26.07.2017, l’assuré a ouvert une action contre les deux institutions de prévoyance.

Le tribunal cantonal a considéré que les deux institutions de prévoyance étaient liées par les appréciations de l’office AI dans la mesure où elles reprenaient dans leurs règlements la notion d’invalidité prévalant en matière d’assurance-invalidité et n’avaient pas contesté les décisions administratives. La cour cantonale a déduit des décisions AI, ainsi que des pièces médicales que si l’assuré souffrait en 2012 voire même plus tôt de certaines pathologies, celles-ci ne s’étaient détériorées et n’avaient acquis un caractère invalidant qu’au début 2015 alors que l’assuré était déjà affilié à la fondation.

Par jugement du 18.09.2018, le tribunal cantonal a admis l’action de l’assuré en tant qu’elle visait la fondation mais l’a rejetée en tant qu’elle visait la caisse. Il a dès lors condamné la fondation à servir à l’intéressé une demi-rente d’invalidité depuis le 07.03.2016 sous réserve d’une éventuelle surindemnisation.

 

TF

Le Tribunal fédéral relève au préalable que, contrairement à ce que la juridiction cantonale a constaté, la première décision rendue par l’office AI n’a pas été notifiée à la fondation. La seconde l’a en revanche bien été. Elle n’a cependant pas été contestée.

Les offices AI doivent transmettre leurs décisions de rente à toutes les institutions de prévoyance entrant en considération, soit à toutes celles qui sont susceptibles de devoir à leur tour accorder des prestations, pour qu’elles puissent exercer le droit de recours dont elles disposent à l’encontre desdites décisions. Lorsqu’elles n’ont pas été intégrées à la procédure, ces institutions ne sont pas liées par l’évaluation de l’invalidité effectuée par les organes de l’assurance-invalidité (ATF 129 V 73 consid. 4 p. 73 ss; 150 consid. 2.5 p. 156 s.) et peuvent procéder à leur propre estimation, indépendamment même du point de savoir si leurs règlements reprennent la notion d’invalidité de l’assurance-invalidité (arrêt B 58/03 du 6 mai 2004 consid. 3.2). En revanche, si la décision de l’office AI a été notifiée à une institution de prévoyance qui entre en considération et dont le règlement reprend la notion d’invalidité de l’assurance-invalidité mais qui n’a pas exercé son droit de recours, cette institution est en principe liée par l’évaluation de l’invalidité à laquelle ont procédé les organes de l’assurance-invalidité, sauf si cette estimation paraît d’emblée insoutenable (ATF 129 V 150 consid. 2.5 p. 156 s.; arrêt 9C_442/2015 du 13 octobre 2015 consid. 4.2 et 4.3).

 

La fondation n’était pas liée par l’évaluation de l’invalidité réalisée par l’office AI telle qu’elle ressortait de la décision du 04.12.2014. L’absence de notification de la décision permettait à la fondation d’examiner librement la situation prévalant à cette époque. Elle ne pouvait en revanche s’écarter de l’appréciation à laquelle avaient procédé les organes de l’assurance-invalidité dans leur décision du 18.10.2016 que si cette appréciation apparaissait d’emblée insoutenable. C’est ce à quoi l’institution de prévoyance s’est concrètement attachée en ne niant pas le droit de l’assuré à une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle mais en considérant seulement au terme d’une appréciation des pièces figurant au dossier que l’incapacité de travail dont la cause était à l’origine de l’invalidité remontait au mois d’août 2010 déjà. Dans ces circonstances, le tribunal cantonal ne pouvait se contenter de renvoyer aux décisions prises par l’office AI et d’écarter les griefs de la fondation au motif que ces décisions constataient la survenance au début de l’année 2015 du caractère invalidant (au sens de la loi l’assurance-invalidité) de pathologies existant de longue date, et liaient les deux institutions de prévoyance. La cour cantonale aurait dû analyser librement l’ensemble du dossier médical et déterminer la date à laquelle était survenue l’incapacité de travail déterminante au sens de l’art. 23 let. a LPP, son évolution et l’existence éventuelle d’une rupture du lien de connexité temporelle. A cet égard, les rapports médicaux tels que cités par la juridiction cantonale semblent mettre en évidence une incapacité de travail déterminante au sens de la prévoyance professionnelle depuis octobre 2011, dont le taux s’est progressivement amélioré sans pour autant qu’une capacité totale de travail soit atteinte.

On rappellera que l’incapacité de travail s’évalue dans ce contexte en fonction de la diminution de rendement fonctionnel dans le métier exercé précédemment et est pertinente si elle s’élève à 20% au moins (ATF 144 V 58 consid. 4.4 p. 62 s.). De surcroît, la connexité temporelle entre l’incapacité de travail survenue durant le rapport de prévoyance et l’invalidité ultérieure n’est interrompue que lorsqu’une capacité de travail de plus de 80% dans une activité lucrative adaptée existe durant plus de trois mois (ATF 144 V 58 consid. 4.5 p. 63). En conséquence, la question d’une éventuelle rupture du lien de connexité n’apparaît nullement secondaire, si bien qu’il lui incombait de se prononcer de manière circonstanciée sur ce point.

 

Le TF admet le recours de l’institution de prévoyance, annule le jugement cantonal et renvoie la cause pour nouveau jugement.

.

 

 

Arrêt 9C_738/2018 consultable ici

 

 

9C_16/2019 (f) du 17.04.2019 – Restitution de prestations indûment touchées – Remise de l’obligation de restituer – 25 LPGA / Obligation de communiquer les activités exercées – 31 al. 1 LPGA – 77 RAI / Bonne foi de l’assuré niée

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2019 (f) du 17.04.2019

 

Consultable ici

 

Restitution de prestations indûment touchées – Remise de l’obligation de restituer / 25 LPGA

Obligation de communiquer les activités exercées / 31 al. 1 LPGA – 77 RAI

Bonne foi de l’assuré niée en raison de la négligence grave

 

Par décision, l’office AI a supprimé la rente d’invalidité dont bénéficiait l’assuré avec effet rétroactif au 01.06.2006. Cette décision a été confirmée par les instances cantonale et fédérale de recours (cf. arrêt 9C_107/2017 du 08.09.2017).

L’office AI a réclamé par décision du 22.12.2015 à l’assuré le remboursement de la somme de 179’524 fr. représentant les prestations versées à tort du 01.12.2010 au 31.10.2015.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1028/2018 – consultable ici)

Selon les constatations de la cour cantonale, l’assuré avait non seulement omis d’indiquer à l’office AI qu’il avait repris une activité, mais il avait de plus nié exercer une activité accessoire dans les questionnaires de révision en 2006, 2011 et 2014.

La cour cantonale a considéré qu’un assuré ne pouvait pas ignorer que l’exercice d’une activité, quelle qu’elle fût, constituait une modification de sa situation susceptible d’entraîner la suppression de la prestation et que le bénéficiaire avait dès lors l’obligation de l’annoncer. A tout le moins, l’assuré devait s’en douter et se renseigner auprès de l’office AI. Pour les juges cantonaux, la négligence dont a fait preuve l’assuré n’a pas été simplement légère, mais a revêtu un caractère de gravité suffisant pour que la condition de la bonne foi ne puisse être considérée comme étant réalisée.

Par jugement du 06.11.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 25 al. 1 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile. Ces deux conditions matérielles sont cumulatives et leur réalisation est nécessaire pour que la remise de l’obligation de restituer soit accordée (ATF 126 V 48 consid. 3c p. 53; arrêt 8C_510/2018 du 12 mars 2019 consid. 3).

Selon la jurisprudence, l’ignorance, par le bénéficiaire des prestations, du fait qu’il n’avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre sa bonne foi. Il faut bien plutôt que le requérant ne se soit rendu coupable, non seulement d’aucune intention malicieuse, mais aussi d’aucune négligence grave. Il s’ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d’emblée lorsque les faits qui conduisent à l’obligation de restituer – comme par exemple une violation du devoir d’annoncer ou de renseigner – sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, le bénéficiaire peut invoquer sa bonne foi lorsque l’acte ou l’omission fautifs ne constituent qu’une violation légère de l’obligation d’annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4 p. 220 s. avec les renvois).

Il y a négligence grave quand un ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d’une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 176 consid. 3d p. 181; SYLVIE PÉTREMAND, Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, ch. 63 ss ad art. 25). L’examen de l’attention exigible d’un ayant droit qui invoque sa bonne foi relève du droit et le Tribunal fédéral revoit librement ce point (ATF 122 V 221 consid. 3 p. 223 avec les renvois).

 

Les assurés sont tenus de communiquer les activités exercées, au sens des art. 31 LPGA et 77 RAI, en tout temps. Chaque assuré doit annoncer immédiatement toute modification de la situation susceptible d’entraîner la suppression, une diminution ou une augmentation de la prestation allouée, singulièrement une modification du revenu de l’activité lucrative, de la capacité de travail ou de l’état de santé lorsqu’il est au bénéfice d’une rente d’invalidité. Pareille obligation est d’ailleurs mentionnée dans la décision d’octroi initial de la rente et à l’occasion de chaque révision de cette prestation.

En l’espèce, il n’appartenait pas à l’assuré de choisir les activités qu’il devait annoncer à l’office AI. Il ne devait en effet pas ignorer que l’exercice d’une activité, quelle qu’elle fût, était susceptible d’entraîner une nouvelle appréciation de ses capacités de travail et de gain, pouvant aboutir le cas échéant à une modification de la rente, ce qui s’est d’ailleurs produit à l’issue de l’instruction du cas (cf. arrêt 9C_107/2017 précité, consid. 5.1 et 5.2). Pareille obligation d’annoncer valait tout particulièrement en raison de ses attributions légales d’associé gérant président de la société B.__ Sàrl (cf. art. 810 CO), ainsi que de l’aide qu’il apportait à son épouse dans le cadre de la gestion de son entreprise. En taisant l’exercice de telles activités, la négligence de l’assuré a revêtu un caractère de gravité suffisant pour exclure la bonne foi, de sorte que l’une des conditions cumulatives pour autoriser la remise de l’obligation de restituer fait défaut (cf. art. 25 al. 1 LPGA).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_16/2019 consultable ici

 

 

8C_605/2018, 8C_639/2018 (f) du 22.05.2019 – Délimitation de l’objet du litige dans le cadre d’un recours au tribunal cantonal / Différentiation entre l’objet de la contestation et l’objet du litige / Pas de lien de connexité entre le droit à une rente d’invalidité et le droit à une IPAI – Entrée en force partielle de la décision

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_605/2018, 8C_639/2018 (f) du 22.05.2019

 

Consultable ici

 

Délimitation de l’objet du litige dans le cadre d’un recours au tribunal cantonal

Différentiation entre l’objet de la contestation et l’objet du litige

Pas de lien de connexité entre le droit à une rente d’invalidité et le droit à une IPAI – Entrée en force partielle de la décision

 

Assuré, né en 1957, menuisier d’atelier, a subi le 24.12.2010 une lésion transfixiante de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche lors d’une chute survenue alors qu’il promenait son chien. Il a repris son activité professionnelle dès le 09.02.2011 à hauteur de 70% en raison de la persistance des douleurs. Le 07.06.2011, il a été victime d’une tendinopathie rupturée antéro-supérieure de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite lors d’une chute sur son lieu de travail.

Après instruction et examens par le médecin-conseil, le taux de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI) découlant de l’accident a été estimé à 25%. S’agissant de la capacité de travail, l’assuré disposait d’une capacité de travail nulle dans son ancienne activité, mais entière et sans baisse de rendement dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles suivantes: pas de port de charges de plus de 3-4 kg, aucun soulèvement de charges en dessus de l’horizontale ou avec les bras tendus, ni de mouvements de rotation répétitifs, pas de travail avec des machines générant des vibrations et pas d’utilisation d’échafaudages.

Par décision confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a alloué à l’assuré une rente d’invalidité fondée sur un taux d’incapacité de gain de 20% à partir du 01.01.2017, ainsi qu’une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 25%.

 

Procédure cantonale

L’assuré a déféré la décision au tribunal cantonal, en concluant à l’octroi d’une rente basée sur un taux d’invalidité de 65%.

Par jugement du 30.07.2018, la cour cantonale a partiellement admis le recours, en reconnaissant le droit de l’assuré à une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 35%. Elle a confirmé la décision sur opposition pour le surplus.

 

TF

Invoquant la violation de l’art. 61 let. d LPGA et une constatation erronée des faits (art. 97 al. 2 LTF), l’assurance-accidents reproche à la juridiction cantonale d’avoir modifié à la hausse le taux de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité de 25% à 35% alors que cette question n’était plus litigieuse. Elle fait en effet valoir que par son recours, l’assuré avait délimité l’objet de la contestation devant la juridiction cantonale à la question du droit à la rente uniquement; il n’avait pris aucune conclusion sur l’IPAI et avait expressément conclu à l’annulation partielle de la décision sur opposition et à l’octroi d’une rente basée sur un taux d’invalidité de 65%. Aussi, la juridiction cantonale avait-elle statué sur un point non litigieux, non soumis à son autorité, sans lien avec l’objet du litige et entré en force, de sorte que son jugement doit être annulé sur ce point. L’assurance-accidents soutient au demeurant que si la cour cantonale entendait dépasser le cadre fixé par les conclusions des parties en modifiant à la hausse le taux de l’indemnité, au détriment de l’assureur-accidents, elle devait dans tous les cas lui donner l’occasion de se déterminer. En omettant de le faire, elle avait violé son droit d’être entendue.

L’objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le rapport juridique qui – dans le cadre de l’objet de la contestation déterminé par la décision – constitue, d’après les conclusions du recours, l’objet de la décision effectivement attaqué. D’après cette définition, l’objet de la contestation et l’objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, lorsque le recours ne porte que sur une partie des rapports juridiques déterminés par la décision, les rapports juridiques non contestés sont certes compris dans l’objet de la contestation, mais non pas dans l’objet du litige (ATF 131 V 164 consid. 2.1 p. 164; 125 V 413 consid. 1b et 2 p. 414 et les références citées). Les questions qui – bien qu’elles soient visées par la décision administrative et fassent ainsi partie de l’objet de la contestation – ne sont plus litigieuses, d’après les conclusions du recours, et qui ne sont donc pas comprises dans l’objet du litige, ne sont examinées par le juge que s’il existe un rapport de connexité étroit entre les points non contestés et l’objet du litige (ATF 122 V 242 consid. 2a p. 244; 117 V 294 consid. 2a p. 295; 112 V 97 consid. 1a p. 99; 110 V 48 consid. 3c p. 51 et les références; voir également ATF 122 V 34 consid. 2a p. 36).

En l’occurrence, en statuant – par sa décision confirmée sur opposition – sur le droit à une rente d’invalidité d’une part, et le droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité d’autre part, l’assurance-accidents a statué sur deux rapports juridiques distincts sans lien de connexité (cf. notamment arrêt 8C_451/2009 du 18 août 2010 consid. 1.2). Dans la mesure où le recours formé par l’assuré devant la juridiction cantonale ne portait que sur la question de la rente, à l’exclusion de la question de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité, la décision litigieuse était entrée en force sur ce point et les premiers juges ne pouvaient pas examiner cette question de leur propre chef. En étendant la procédure à la question de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité, la juridiction cantonale a par conséquent violé le droit fédéral.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_605/2018, 8C_639/2018 consultable ici

 

 

8C_361/2018 (f) du 30.04.2019 – Allocations d’initiation au travail – 65 LACI / Remboursement de l’AIT par l’employeur après un licenciement

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_361/2018 (f) du 30.04.2019

 

Consultable ici

 

Allocations d’initiation au travail / 65 LACI

Remboursement de l’AIT par l’employeur après un licenciement

 

Le 17.03.2016, la société A.__ (ci-après: la société) a saisi l’office cantonal de l’emploi (ci-après: l’OCE) d’une demande tendant à l’octroi d’une allocation d’initiation au travail en faveur de C.__, pour la période du 01.04.2016 au 30.10.2016, à un poste de comptable pour un taux d’activité de 100%. Aux termes du formulaire de demande de prestations, l’employeur s’engageait, notamment, au cas où le contrat de travail serait résilié pendant la période d’initiation ou dans les trois mois suivants, à « rembourser les allocations sur ordre de la caisse de chômage compétente, dans la mesure où il ne s’agit pas d’un licenciement pour justes motifs au sens de l’art. 337 CO ». Le 07.03.2016, les parties avaient conclu un contrat de travail de durée indéterminée dont le début était fixé au 01.04.2016.

Par décision du 29.03.2016, l’OCE a admis la demande d’allocation d’initiation au travail pour la période du 01.04.2016 au 30.09.2016. Cette décision contenait l’indication suivante:

« Le respect du contrat de travail du 07.03.2016 est une condition essentielle dont dépend le versement des allocations d’initiation au travail. Les allocations versées pourront être demandées en remboursement si le contrat est résilié en dehors du temps d’essai, et sans justes motifs, pendant la période d’initiation ou dans les trois mois qui suivent ».

Le 10.11.2016, l’employeur et l’employée ont rempli et signé une formule intitulée « allocation d’initiation au travail – bilan », auquel était joint un certificat de travail intermédiaire du 15.10.2016, indiquant les tâches accomplies par C.__ depuis le 01.04.2016. Par courrier du 25.11.2016 remis en mains propres, l’employeur a résilié le contrat de travail avec effet au 31.12.2016, en se référant aux motifs exposés oralement lors d’un entretien du même jour, et il a libéré l’intéressée de son obligation de travailler.

Par décision, confirmée sur opposition, l’OCE a révoqué la décision d’octroi de l’allocation d’initiation au travail du 29.03.2016. Il a considéré que l’employeur avait résilié le contrat de travail avec effet au 31.12.2016, soit dans les trois mois suivant la période d’initiation au travail, sans faire usage de la possibilité de mettre fin immédiatement aux rapports de travail au cas où il existerait un juste motif.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/262/2018 – consultable ici)

Selon les juges cantonaux, les manquements reprochés à l’employée ne semblent pas avoir été déterminants dans la décision de l’employeur de résilier les rapports de travail. Il existe une contradiction manifeste entre les griefs et le certificat de travail intermédiaire élogieux du 15.10.2016, lequel décrit de façon précise la diversité des tâches confiées à l’employée, la manière et les conditions dans lesquelles elle s’est acquittée de certaines missions délicates et fait état de la pleine et entière satisfaction de son employeur.

Par jugement du 26.03.2018, rejet du recours de la société par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 65 LACI, les assurés dont le placement est difficile et qui, accomplissant une initiation au travail dans une entreprise, reçoivent de ce fait un salaire réduit, peuvent bénéficier d’allocations d’initiation au travail lorsque le salaire réduit durant la mise au courant correspond au moins au travail fourni (let. b) et qu’au terme de cette période, l’assuré peut escompter un engagement aux conditions usuelles dans la branche et la région, compte tenu, le cas échéant, d’une capacité de travail durablement restreinte (let. c).

Bien que les assurés soient eux-mêmes titulaires du droit aux allocations d’initiation au travail, celles-ci sont versées par la caisse à l’employeur, lequel les verse à son tour à l’assuré avec le salaire convenu (art. 90 al. 4 OACI).

La jurisprudence considère que l’administration peut revenir sur sa décision d’octroi des allocations d’initiation au travail avec effet ex tunc en cas de violation des obligations contractuelles par l’employeur lorsque le versement est soumis à la condition résolutoire du respect du contrat de travail et ce, même si ladite décision ne mentionne pas la restitution des prestations en cas de violation des obligations contractuelles. L’employeur peut ainsi être tenu de restituer les allocations perçues si les rapports de travail sont résiliés sans justes motifs avant l’échéance du délai indiqué par l’administration dans sa décision d’octroi des allocations d’initiation au travail. La restitution ne peut toutefois pas être exigée quand le contrat de travail est résilié pendant le temps d’essai, attendu que celui-ci a notamment pour but de permettre aux parties de réfléchir avant de s’engager pour une plus longue période (ATF 126 V 42 consid. 2a p. 45).

Sont notamment considérés comme de justes motifs, toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d’exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (art. 337 al. 2 CO). Seul un manquement particulièrement grave de l’employé peut justifier une telle mesure (ATF 142 III 579 consid. 4.2). Par manquement, on entend généralement la violation d’une obligation découlant du contrat de travail, mais d’autres incidents peuvent aussi justifier une telle mesure (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1 p. 304 s.; 130 III 28 consid. 4.1 p. 31; 129 III 380 consid. 2.2 p. 382). Ce manquement doit être objectivement propre à détruire le rapport de confiance essentiel au contrat de travail ou, du moins, à l’atteindre si profondément que la continuation des rapports de travail ne peut raisonnablement pas être exigée; de surcroît, il doit avoir effectivement abouti à un tel résultat (cf. arrêt 4A_124/2017 du 31 janvier 2018 consid. 3.1 et les références citées, publié in SJ 2018 I p. 318).

 

Le certificat de travail intermédiaire du 15.10.2016 atteste de la pleine et entière satisfaction de l’employeur. Il indique notamment que l’employée est une personne proactive dans son travail, qui maîtrise toutes les tâches comptables et de gestion des salaires, qu’elle est parfaitement intégrée dans ce poste au sein de l’entreprise et que son travail donne pleine et entière satisfaction. Or, ce certificat couvre l’intégralité de la période de prestations de l’allocation d’initiation au travail (du 01.04.2016 au 30.09.2016), mais encore celle qui a suivi, soit du 01.10.2016 au 15.10.2016, mais au-delà encore de cette date, jusqu’au 10.11.2016, jour de l’établissement du bilan de l’allocation d’initiation au travail, auquel ce document était annexé pour illustrer les tâches accomplies par l’employée pendant la durée de la mesure. Dans ces conditions, on peut sérieusement douter que des manquements concernant la qualité du travail et les prestations aient pu constituer un juste motif de résiliation. Certes, lors de son audition, l’employeur a indiqué le grief qui, à ses yeux, était décisif dans la décision de licencier C.__, à savoir le fait que le 25.11.2016, jour où elle avait repris son travail à mi-temps, celle-ci avait été surprise dans sa voiture en train de s’adonner à des jeux en ligne, activité à laquelle elle s’était consacrée à plusieurs reprises précédemment durant son travail. A cet égard, la société ne fait toutefois valoir aucun argument de nature à mettre en cause le point de vue de la juridiction précédente, selon lequel ce reproche est difficilement assimilable à une circonstance qui, selon les règles de la bonne foi, n’aurait pas permis d’exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail au sens de l’art. 337 al. 2 CO. Dans ces conditions, il n’apparaît pas qu’il existait des justes motifs de résiliation des rapports de travail avant l’échéance du délai indiqué par l’administration dans sa décision d’octroi des allocations d’initiation au travail.

 

Le TF rejette le recours de la société.

 

 

Arrêt 8C_361/2018 consultable ici

 

 

8C_401/2018 (f) du 16.05.2019 – Revenu sans invalidité –Indemnité de vacances et indemnité pour jours fériés – Détails du calcul – 16 LPGA / Revenu d’invalide – Procédure cantonale – Demande de production de nouvelles DPT vs références aux données de l’ESS – Rappel de la jurisprudence

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_401/2018 (f) du 16.05.2019

 

Consultable ici

 

Revenu sans invalidité – Année de référence – Indemnité de vacances et indemnité pour jours fériés – Détails du calcul / 16 LPGA

Revenu d’invalide – Procédure cantonale – Demande de production de nouvelles DPT vs références aux données de l’ESS – Rappel de la jurisprudence

 

Assuré, né en 1975, maçon, a été victime, le 06.12.2012, d’une chute sur un chantier, laquelle a entraîné une fracture-arrachement au niveau de la pointe de la malléole externe droite. Dans un rapport du 26.11.2013, le médecin-conseil, spécialiste en chirurgie orthopédique, a indiqué que l’assuré était à même d’exercer une activité professionnelle à plein temps pour autant qu’elle ne nécessite pas des travaux en terrains instables, le port de charges moyennes à lourdes et que l’utilisation d’échelles et d’échafaudages soit évitée. Par la suite, l’assuré a bénéficié de mesures de réadaptation professionnelle de l’assurance-invalidité sous la forme d’une formation de gestionnaire de stocks et d’un stage pratique.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié le droit de l’assuré à une rente d’invalidité, motif pris que le taux d’invalidité (5%) était insuffisant pour ouvrir droit à une telle prestation.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/351/2018 – consultable ici)

Par jugement du 24.04.2018, admission du recours par le tribunal cantonal, annulation de la décision sur opposition et reconnaissance du droit de l’assuré à une rente d’invalidité fondée sur un taux de 15% à compter du 01.06.2016.

 

TF

Revenu sans invalidité

Selon l’art. 18 al. 1 LAA, l’assuré a droit à une rente d’invalidité s’il est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d’un accident. Est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée (art. 8 al. 1 LPGA). Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA). La comparaison des revenus s’effectue, en règle générale, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l’un avec l’autre, la différence permettant de calculer le taux d’invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 137 V 334 consid. 3.3.1 p. 337).

Pour comparer les revenus déterminants, il convient de se placer au moment de la naissance du droit (éventuel) à la rente d’invalidité (ATF 129 V 222 consid. 4.1 p. 223). Selon l’art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme.

En l’espèce, les mesures de réadaptation professionnelle de l’assurance-invalidité ont pris fin en 2016, année sur laquelle il convient dès lors de se fonder pour déterminer le revenu sans invalidité de l’assuré. Conformément aux indications fournies par l’employeur (attestation du 10 mars 2016), l’intéressé aurait réalisé en 2016 un salaire horaire de 29 fr. 05 pour une durée de travail hebdomadaire de 42,5 heures. En outre, il aurait perçu une indemnité pour 13ème salaire correspondant à un taux de 8,33%, ainsi qu’une indemnité de vacances de 10,64%. L’employeur n’a pas indiqué le taux d’indemnisation pour les jours fériés, mais il ressort des fiches de salaire de l’assuré qu’il percevait une indemnité pour les jours fériés correspondant à un jour ouvrable, c’est-à-dire à un autre jour que le samedi ou le dimanche (voir aussi l’art. 14 de la Convention collective de travail du secteur des parcs et jardins, des pépinières et de l’arboriculture du canton de Genève et l’art. 39 de la Convention collective de travail transitoire du secteur principal de la construction pour le canton de Genève). En l’occurrence, le nombre de jours fériés à prendre en compte se détermine en fonction de l’année 2016. Toutefois, contrairement à ce que soutient l’assurance-accidents, sept jours fériés correspondaient à un jour ouvrable en 2016 dans le canton de Genève (vendredi 1er janvier, vendredi Saint, lundi de Pâques, jeudi de l’Ascension, lundi de Pentecôte, lundi 1er août et jeudi 8 septembre) et non pas neuf. En effet, les 25 et 31 décembre correspondaient à un dimanche, respectivement à un samedi, de sorte qu’ils n’entrent pas en ligne de compte (cf. https://www.feiertagskalender.ch/index.php?geo=1026&klasse=3&jahr=2016&hl=fr, consulté le 26 avril 2019).

 

Indemnité de vacances et indemnité pour jours fériés

Lorsque le salaire horaire comprend l’indemnité de vacances et l’indemnité pour jours fériés, les jours correspondants de vacances et de congés doivent être déduits du temps de travail annuel (arrêt 8C_520/2016 du 14 août 2017, in SVR 2018 UV n°4 p. 12 consid. 4.3.2 et les références). L’indemnité pour vacances et l’indemnité pour jours fériés correspondent au rapport entre les jours de congés et les jours effectivement travaillés. Un taux d’indemnité de vacances de 10,64% correspond donc à 5 semaines de vacances par année (voir RÉMY WYLER/BORIS HEINZER, Droit du travail, 3ème éd., 2014, p. 400 ss; ERIC CEROTTINI, Le droit aux vacances, thèse, 2001, p. 97 s. [10,64 = 5/47 x 100]). Durant l’année 2016, l’assuré aurait dès lors travaillé 230 jours (366 jours [année bissextile] – 52 [dimanches] – 52 [samedis] – 7 [jours fériés] – 25 [jours de vacances]).

En ce qui concerne l’indemnité pour jours fériés, on ne saurait simplement reprendre le taux de 3,58% mentionné à l’arrêt 8C_520/2016, déjà cité. Cet arrêt avait trait à l’année 2013 (année au cours de laquelle neuf jours fériés correspondaient à des jours ouvrables dans le canton de Genève) et concernait un assuré qui bénéficiait de 7,3 semaines de vacances par année, alors que dans le cas d’espèce, l’assuré bénéficiait de 5 semaines de vacances. En l’occurrence, l’indemnité pour jours fériés correspond à un taux de 3,04%, selon le calcul suivant: 7 (jours fériés) : 230 (nombre de jours travaillés par année) x 100.

Vu ce qui précède, le revenu sans invalidité s’élève à 69’931 fr. 45, à savoir 33 fr. 02 par heure (29,05 + 29,05 x [10,64% + 3,04%]), multiplié par le nombre d’heures par jour et par le nombre de jours de travail par année (33 fr. 02 x 8,5 x 230 = 64’554 fr. 10), montant auquel il faut encore ajouter l’indemnité de 8,33% pour le 13ème salaire (69’938 fr. 35 = 64’561 fr. + 5’377 fr. 35).

 

Revenu d’invalide – Demande de production de nouvelles DPT vs références aux données de l’ESS

De jurisprudence constante, en l’absence d’un revenu effectivement réalisé, le revenu d’invalide peut être déterminé sur la base des données salariales résultant des DPT ou des données statistiques de l’ESS (ATF 139 V 592 consid. 6.3 p. 596; arrêt 8C_898/2015, déjà cité, consid. 3.3). Il s’agit là d’une faculté laissée à la libre appréciation de la CNA durant la procédure d’opposition (arrêt 8C_408/2014 du 23 mars 2015 consid. 6.3). Il ressort des trois arrêts invoqués par l’assurance-accidents que, durant la procédure de recours, il appartient au tribunal cantonal d’examiner la pertinence des DPT sélectionnées par la CNA. S’il constate que ces profils ne respectent pas les exigences posées par la jurisprudence, il peut renvoyer l’affaire à l’assureur-accidents ou se fonder sur les données issues de l’ESS (arrêts 8C_898/2015 consid 3.3; 8C_182/2017 consid. 3.3; 8C_378/2017 consid. 4.4). Toutefois, lorsque les DPT initialement sélectionnées par la CNA sont inadaptées, les juges cantonaux sont tenus d’inviter celle-ci à produire de nouvelles DPT, afin de respecter son droit d’être entendue, ainsi que la jurisprudence applicable en matière de fixation du revenu d’invalide.

Dans un arrêt 8C_199/2017 du 6 février 2018, le Tribunal fédéral a clairement indiqué qu’on ne peut toutefois déduire de la jurisprudence, une obligation pour les juges cantonaux d’interpeller la CNA pour qu’elle produise d’autres DPT lorsqu’ils considèrent ne pas pouvoir se rallier à celles initialement sélectionnées et qu’ils envisagent de se fonder sur les salaires statistiques pour déterminer le revenu d’invalide (consid. 5.2). Aussi a-t-il jugé, dans le cas concret, qu’en se référant aux données statistiques de l’ESS, sans requérir des nouveaux profils auprès de la CNA, la juridiction cantonale n’avait violé ni le droit d’être entendue de celle-ci, ni les règles applicables en matière de détermination du revenu d’invalide. En effet, même si l’assuré ne s’était pas opposé, durant la procédure de recours, aux DPT sélectionnées, le litige portait sur la détermination du revenu d’invalide, de sorte que la CNA devait s’attendre à ce que les juges cantonaux examinent la compatibilité des DPT avec les limitations fonctionnelles de l’assuré et que, le cas échéant, ils les écartent au profit des données de l’ESS. Dans un autre arrêt, le Tribunal fédéral a confirmé implicitement la pratique de la cour cantonale consistant à s’écarter des DPT sélectionnées et à se référer aux données de l’ESS sans inviter la CNA à produire de nouvelles DPT (8C_81/2018 du 1er février 2019).

La solution retenue dans les arrêts invoqués par l’assurance-accidents était étroitement liée à une situation de fait particulière. Dans l’arrêt 8C_898/2015, le Tribunal fédéral a considéré que la juridiction cantonale avait violé le droit d’être entendue de la CNA en s’écartant des DPT sélectionnées durant la procédure de recours, sans les examiner au préalable (consid. 4.3). C’est pourquoi il a renvoyé la cause à la juridiction cantonale en l’enjoignant de statuer une nouvelle fois sur la base des DPT sélectionnées par la CNA dans le cas particulier (consid. 4.3). Reprenant l’instruction de l’affaire, le tribunal cantonal a conclu que deux des DPT en question ne respectaient pas les limitations fonctionnelles de l’assuré et il a invité la CNA à produire deux nouveaux profils. Saisi d’un nouveau recours de l’assuré qui invoquait une violation de son droit d’être entendu au motif que les nouvelles DPT fournies par la CNA avait été produites au cours de la procédure de recours, le Tribunal fédéral a retenu (arrêt 8C_182/2017), que la juridiction cantonale pouvait se fonder sur des DPT produites durant la procédure de recours pour déterminer le revenu d’invalide, sans violer le droit d’être entendu de l’assuré. Au considérant 4.3 auquel se réfère l’assurance-accidents, le Tribunal fédéral a indiqué, certes, que la juridiction précédente devait demander en priorité à la CNA de produire de nouvelles DPT. Cependant, cette obligation doit être comprise en lien avec la particularité du cas d’espèce, à savoir que le Tribunal fédéral avait d’ores et déjà indiqué dans l’arrêt de renvoi 8C_898/2015, que la juridiction cantonale devait se fonder sur la méthode DPT. Or, comme la juridiction inférieure était liée par cet arrêt entré en force, la question du recours à la méthode statistique ne se posait dès lors pas (consid. 4.2). Ainsi c’est bien parce que le tribunal cantonal était lié par le jugement antérieur de renvoi du Tribunal fédéral qu’il était tenu de demander en priorité à la CNA de produire de nouveaux profils. Les principes développés dans l’arrêt 8C_199/2017 ne sont dès lors pas remis en question par la solution retenue dans les causes 8C_898/2015 et 8C_182/2017.

Quant à l’arrêt 8C_378/2017, il n’apporte pas d’éléments déterminants pour trancher la controverse, dans la mesure où le Tribunal fédéral se contente de se référer aux deux arrêts susmentionnés (8C_898/2015 et 8C_182/2017) pour considérer que la juridiction cantonale pouvait seulement se référer à la méthode statistique ESS lorsque les DPT initialement sélectionnées par la CNA étaient inapplicables au cas d’espèce et que la CNA n’était pas en mesure de fournir de nouveaux profils adaptés. Au demeurant, l’arrêt 8C_199/2017 a précisément clarifié la question du moment que le Tribunal fédéral a jugé que « contrairement à ce que voudrait la [CNA], on ne saurait déduire de [la jurisprudence], une obligation pour les juges cantonaux d’interpeller la CNA pour qu’elle produise d’autres DPT lorsqu’ils considèrent ne pas pouvoir se rallier à ceux initialement sélectionnés par elle et envisagent de faire usage des salaires statistiques pour déterminer le revenu d’invalide » (consid. 5.2).

 

En l’espèce, la contestation porte, notamment, sur la fixation du revenu d’invalide, de sorte que l’assurance-accidents pouvait s’attendre à ce que les premiers juges examinent la compatibilité des DPT sélectionnées durant la procédure d’opposition et qu’ils les jugent inadaptées. D’ailleurs, il n’est pas contesté en l’occurrence que le profil d’ouvrier magasinier (DPT n° 3’593) sélectionné par la CNA n’est pas compatible avec les limitations fonctionnelles de l’assuré. Dans ces conditions, l’assurance-accidents ne saurait invoquer une violation de son droit d’être entendue, d’autant que, à la différence de la cause jugée dans l’arrêt 8C_199/2017, l’assuré avait déjà contesté dans son opposition la compatibilité des profils sélectionnés avec ses limitations fonctionnelles, puis dans son recours devant la cour cantonale. Cela étant, on ne saurait retenir en l’espèce une violation du droit d’être entendu ni des règles applicables en matière de fixation du revenu d’invalide.

 

Il n’y a pas lieu de mettre en cause le calcul du revenu d’invalide effectué par la cour cantonale, en particulier l’abattement de 10%. En comparant le montant de 60’320 fr. avec le revenu sans invalidité de 69’938 fr. 35, on obtient un taux d’invalidité de 13,75%, arrondi à 14%. L’assuré a donc droit, à compter du 01.06.2016, à une rente d’invalidité LAA fondée sur un taux d’incapacité de gain de 14%.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assurance-accidents, réforme le jugement cantonal en ce sens que l’assuré a droit à une rente d’invalidité fondée sur un taux de 14% à compter du 01.06.2016.

 

 

Arrêt 8C_401/2018 consultable ici

 

 

9C_853/2018 (f) du 27.05.2019 – Revenu sans invalidité d’un agent fiduciaire – moyenne des salaires déclarés à l’AVS selon compte individuel – 16 LPGA / Contestation du revenu sans invalidité fixé par l’AI car lie la caisse de pensions dans le cadre de la réduction de prestations LPP en cas de surindemnisation – 34a LPP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_853/2018 (f) du 27.05.2019

 

Consultable ici

 

Revenu sans invalidité d’un agent fiduciaire – moyenne des salaires déclarés à l’AVS selon compte individuel / 16 LPGA

Contestation du revenu sans invalidité fixé par l’AI car lie la caisse de pensions dans le cadre de la réduction de prestations LPP en cas de surindemnisation / 34a LPP

 

Assuré, né en 1960, a sollicité des prestations de l’assurance-invalidité le 09.09.2014 pour la quatrième fois. Il indiquait souffrir des séquelles douloureuses de l’opération d’une hernie cervicale, avoir travaillé à plein temps en tant qu’agent fiduciaire avant son atteinte à la santé et percevoir alors un salaire mensuel de 10’000 fr. Au terme de la procédure, l’office AI a alloué à l’assuré une rente entière d’invalidité, fondée sur un taux de 100% puis de 70% à partir du mois de juillet 2016, avec effet au 01.03.2015. Entre autres éléments de calcul, il avait retenu un revenu sans invalidité réalisable en qualité de dirigeant de 62’500 fr. par an, correspondant à la moyenne des salaires déclarés à l’AVS de 2009 à 2013, tels qu’ils ressortaient du compte individuel de l’assuré. La décision a notamment été notifiée à la fondation collective de prévoyance du personnel à laquelle l’assuré était affilié pour la prévoyance professionnelle.

 

Procédure cantonale

L’assuré a formé un recours en matière de droit public contre ce jugement. Ses conclusions tendent toujours à la constatation d’un revenu sans invalidité de 120’000 fr. par an.

Par jugement du 31.10.2018, rejet du recours de l’assuré par le tribunal cantonal.

 

TF

Il ressort de l’argumentation de l’assuré que celui-ci entendait critiquer le revenu sans invalidité fixé par l’office AI uniquement en tant qu’il liait sa caisse de pensions dans le cadre de la réduction de prestations LPP en cas de surindemnisation au sens de l’art. 34a LPP, en raison du principe d’équivalence entre ledit revenu et le gain annuel dont on pouvait présumer qu’il était privé.

 

Le revenu sans invalidité est un des éléments qui sert à l’évaluation de l’invalidité d’un assuré et qui peut à certaines conditions lier les institutions de prévoyance pour leur propre appréciation de l’invalidité (sur ce point, cf. notamment ATF 133 V 67 consid. 4.3.2 p. 69; 129 V 150 consid. 2.5 p. 156 s.; 9C_246/2016 du 31 août 2016 consid. 5.2.1) : avec le revenu d’invalide auquel il est comparé, il est le second élément pour déterminer effectivement la perte de gain et, partant, le taux d’invalidité. D’une différence plus ou moins grande entre les revenus en question résulte donc une perte de gain et un taux d’invalidité plus ou moins élevé.

En l’espèce, le montant du revenu sans invalidité n’a pas de répercussions sur le taux d’invalidité. En effet, dans la mesure où l’activité exercée par l’assuré avant la survenance de l’invalidité était également l’activité de référence (la mieux adaptée à son état de santé) retenue par l’administration pour la période postérieure, la comparaison des deux revenus fixés en fonction d’un même montant (réduit selon la capacité résiduelle de travail pour le revenu après invalidité) montre que le taux d’invalidité reste inchangé quel que soit le revenu sans invalidité pris en compte (120’000 fr. ou 62’500 fr.). Un revenu d’invalide nul, ou équivalent à 30% du revenu sans invalidité, donne après comparaison avec le revenu sans invalidité un taux d’invalidité de 100%, ou de 70%, ouvrant le droit à une rente entière quel que soit le revenu d’invalidité pris en compte.

Sous l’angle de l’évaluation de l’invalidité, l’assuré ne dispose donc pas d’un intérêt à la constatation requise.

 

S’agissant par ailleurs de la réduction des prestations de la prévoyance professionnelle en cas de surindemnisation, selon la jurisprudence, le gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé est le salaire hypothétique que l’assuré réaliserait sans invalidité (si le cas de prévoyance ne s’était pas produit) au moment où se pose la question de la réduction des prestations LPP. Il ne correspond pas forcément au gain effectivement obtenu avant la survenance du cas de prévoyance (ATF 122 V 151 consid. 3c p. 154 s.; 316 consid. 2a p. 316 s.; cf. également HÜRZELER, in Commentaire LPP et LFLP, 2010, no 13 ad art. 34a LPP). Comme l’a justement relevé la juridiction cantonale, il existe entre les premier et deuxième piliers (assurance-invalidité et prévoyance professionnelle) un lien qui permet d’assurer d’une part une coordination matérielle étendue entre ces deux piliers et de libérer d’autre part les caisses de pensions chargées de mettre en application la LPP obligatoire de démarches importantes et coûteuses concernant les conditions, l’étendue et le début du droit aux prestations d’invalidité du deuxième pilier (cf., p. ex., ATF 140 V 399 consid. 5.2.1 p. 401; 134 V 64 consid. 4.1.3 p. 70). Dans ce contexte, le Tribunal fédéral a établi une correspondance ou une équivalence de principe (« Kongruenz » ou « Grundsatz der Kongruenz ») entre d’une part le revenu sans invalidité et le revenu dont on peut présumer que l’intéressé est privé (prévu par l’art. 34a al. 1 LPP) et d’autre part le revenu d’invalide et le revenu que l’assuré pourrait encore raisonnablement réaliser (prévu par l’art. 24 al. 1 let. d OPP 2). Les revenus déterminants pour l’assurance-invalidité doivent être pris en considération dans le calcul de la surindemnisation de la prévoyance professionnelle. La correspondance ou l’équivalence entre ces revenus doit cependant être comprise dans le sens d’une présomption (ATF 144 V 166 consid. 3.2.2 p. 168 s.; 143 V 91 consid. 3.2 p. 92 s. et les références) qui, par définition, peut être renversée selon les circonstances (comp. arrêt 9C_495/2017 du 16 avril 2018 consid. 3, in SVR 2018 BVG n° 40 p. 146).

 

Vu ce qui précède, le revenu sans invalidité déterminé par les organes de l’assurance-invalidité ne lie pas les organes compétents en matière de prévoyance professionnelle obligatoire pour tout ce qui concerne la détermination du gain dont on peut présumer que l’intéressé est privé, en ce sens que les seconds sont tenus d’examiner, en collaboration avec l’assuré, s’il existe des circonstances justifiant de ne pas admettre l’équivalence dont il a été question.

En l’espèce, le revenu sans invalidité – qu’il soit de 120’000 ou 62’500 fr. – n’a en l’occurrence aucune répercussion dans la détermination du degré d’invalidité en matière de prévoyance professionnelle. De surcroît, le revenu sans invalidité établi par l’office AI correspond à la moyenne des salaires déclarés à l’AVS entre 2009 et 2013, tels qu’il ressortaient du compte individuel de l’assuré. Il a donc été déterminé en fonction des revenus perçus par l’assuré au cours des quatre dernières années (dont les données étaient disponibles) qui précédaient la survenance de l’invalidité. Ainsi que cela a été dit, il ne correspond pas forcément au revenu dont on peut présumer que l’intéressé est privé. Ce dernier revenu correspond au salaire hypothétique que l’assuré réaliserait au moment ultérieur où s’effectue le calcul de surindemnisation par l’institution de prévoyance concernée.

Dans l’éventualité où la caisse de pensions de l’assuré se référerait au revenu sans invalidité fixé par l’office AI, celui-ci peut toujours tenter de renverser la présomption d’équivalence entre les deux revenus évoqués en apportant dans le cadre de l’action en matière de prévoyance professionnelle la preuve que ceux-ci sont différents, notamment en raison d’opportunités d’avancement professionnel (à cet égard, cf. arrêt 9C_215/2016 du 28 octobre 2016 consid. 2.2.2, in SVR BVG n° 9 p. 31), d’un changement de statut ou de toute autre motif qui aurait pu conduire à une modification du salaire retenu par les organes de l’assurance-invalidité, quoi qu’ait pu dire le tribunal cantonal concernant le revenu sans invalidité. L’institution de prévoyance concernée ne peut donc pas invoquer le caractère contraignant de la décision de l’assurance-invalidité à cet égard. Dans ce sens, l’assuré peut obtenir un jugement formateur en matière de prévoyance professionnelle et n’a dès lors pas d’intérêt digne d’être protégé à obtenir immédiatement un jugement constatatoire en matière d’assurance-invalidité. La juridiction cantonale aurait dû aboutir à cette conclusion, de sorte que son jugement doit être réformé.

 

Le recours est irrecevable au sens des considérants. Les ch. 1 et 2 du dispositif du jugement du Tribunal cantonal du Valais, Cour des assurances sociales, du 31 octobre 2018 sont modifiés en ce sens que le recours est irrecevable.

 

Arrêt 9C_853/2018 consultable ici

 

 

8C_270/2018 (f) du 06.06.2019 – Prise en charge du traitement médical postérieurement à la stabilisation de l’état de santé et en l’absence de rente d’invalidité – 10 LAA – 19 LAA – 21 LAA / Notion de la stabilisation de l’état de santé

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_270/2018 (f) du 06.06.2019

 

Consultable ici

 

Prise en charge du traitement médical postérieurement à la stabilisation de l’état de santé et en l’absence de rente d’invalidité / 10 LAA – 19 LAA – 21 LAA

Notion de la stabilisation de l’état de santé

 

Assuré, né en 1985, aide-cuisinier, a été agressé le 06.05.2012 par des individus qui l’ont frappé à la tête avec une bouteille, une boucle de ceinture et une barre de fer. L’assuré a subi des traumatismes cranio-cérébral et facial avec plaie au front, contusion à l’œil droit (hématomes à l’arcade sourcilière et péri-orbitaire, possibles atteintes du globe oculaire et du nerf optique) et fracture de l’os propre du nez. Consultés le lendemain de l’agression, les médecins de l’hôpital ophtalmique ont précisé que la contusion oculaire avait occasionné un hyphéma, un hématovitré, un œdème rétinien de Berlin et une rupture choroïdienne péri-papillaire. Ils ont procédé à un lavage de chambre antérieure le 14.05.2012.

L’assuré a aussi présenté des troubles psychiques incapacitants (épisode dépressif et état de stress post-traumatique). Ces troubles ont été refusé, en raison du défaut du rapport de causalité adéquate avec l’agression. Cette décision a été confirmée par la cour cantonale puis par le Tribunal fédéral (arrêt 8C_595/2015 du 23.08.2016).

La pathologie oculaire a évolué en parallèle. Selon le spécialiste en ophtalmologie et médecin traitant, la contusion et la perte fonctionnelle observées initialement étaient incapacitantes mais autorisaient la reprise à temps complet dès le 01.12.2012 de toute activité ne nécessitant pas une vision stéréoscopique. Ce praticien a maintenu son avis à la suite de l’opération d’une cataracte post-traumatique le 24.01.2013, même si la perte fonctionnelle évoquée à l’origine était désormais qualifiée de permanente. L’assuré a subi une seconde intervention chirurgicale de la cataracte (implantation secondaire) le 14.10.2013. Le nouveau médecin traitant, spécialiste en ophtalmologie, a estimé que la situation n’était désormais plus susceptible d’amélioration et qu’une irritation chronique devait être traitée au long cours (traitement anti-inflammatoire et contrôles ophtalmologiques). Il a attesté une incapacité de travail de 20% dès le 10.07.2014 et une atteinte à l’intégrité de 30%. Sur la base de ces éléments, l’assurance-accidents a mis fin à la prise en charge des frais de traitement à partir du 01.05.2016 et reconnu le droit de l’assuré à une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 30% (décision confirmée sur opposition le 26.09.2016).

 

Procédure cantonale

Par jugement du 27.02.2018, admission du recours par la juridiction cantonale en tant qu’il portait sur le remboursement des frais médicaux au-delà du 30.04.2016. Elle a annulé la décision sur opposition sur ce point et reconnu le droit de l’assuré à la prise en charge du traitement médical par l’assureur-accidents au-delà de la date indiquée. Elle a rejeté le recours pour le surplus.

 

TF

L’assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l’accident, à savoir notamment au traitement ambulatoire dispensé par le médecin, ainsi qu’aux médicaments et analyses ordonnés par celui-ci (art. 10 al. 1 let. a et b LAA). Ce droit s’étend à toutes les mesures qui visent une amélioration de l’état de santé ou à éviter une péjoration de cet état (cf. ALEXIA HEINE, in: Kommentar zum Schweizerischen Sozialversicherungsrecht, Bundesgesetz über die Unfallversicherung [UVG], 2018, n° 16 ad art. 10 p. 173 ss; JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS, L’assurance-obligatoire, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], 3ème éd. 2016, no 194 p. 968). La preuve que la mesure envisagée permettra d’atteindre cet objectif doit être établie avec une vraisemblance suffisante; elle est rapportée dès que l’on peut admettre que le traitement envisagé ne représente pas seulement une possibilité lointaine d’amélioration (arrêt 8C_584/2009 consid. 2, in SVR 2011 UV n° 1 p. 1; arrêt 8C_112/2014 du 23 janvier 2015 consid. 2.1). Le traitement médical n’est alloué qu’aussi longtemps que sa continuation est susceptible d’apporter une amélioration sensible de l’état de santé de l’assuré. Il cesse dès la naissance du droit à la rente (art. 19 al. 1 seconde phrase LAA a contrario), une amélioration insignifiante n’étant pas suffisante. Il n’y a pas d’amélioration sensible de l’état de santé quand la mesure thérapeutique (p. ex. une cure annuelle) ne fait que soulager momentanément des douleurs occasionnées par un état par ailleurs stationnaire (arrêt U 244/04 du 20 mai 2005 consid. 3.1, in RAMA 2005 n° U 557 p. 388; arrêt 8C_215/2018 du 4 septembre 2018 consid. 5.2.2). Lorsque la rente a été fixée, les prestations pour soins et remboursement de frais (art. 10 à 13 LAA) sont accordées à son bénéficiaire aux conditions énumérées à l’art. 21 al. 1 LAA, soit notamment lorsqu’il a besoin de manière durable d’un traitement et de soins pour conserver sa capacité résiduelle de gain (let. c). Ainsi, les conditions du droit à la prise en charge des frais de traitement médical diffèrent selon que l’assuré est ou n’est pas au bénéfice d’une rente (ATF 116 V 41 consid. 3b p. 45).

En l’espèce, il n’est pas contesté que l’affection oculaire dont souffrait l’assuré à la suite de son agression du 06.05.2012 était stabilisée et que le traitement médical n’était plus susceptible d’y apporter une amélioration sensible depuis (au plus tard) le dernier examen effectué par le nouveau médecin-traitant le 28.07.2014. Contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, l’assureur-accidents était donc en droit de mettre fin au remboursement du traitement médical à compter du 01.05.2016 dans la mesure où l’art. 19 al. 1 LAA lie la fin du droit au traitement médical à la naissance du droit à la rente et la naissance du droit à la rente au fait qu’il n’y a plus lieu d’attendre une amélioration sensible de l’état de santé de l’assuré, mais ne subordonne pas la fin de la prise en charge du traitement médical à la décision de rente. En dehors des hypothèses prévues par l’art. 21 al. 1 LAA (non applicable au cas d’espèce dès lors que la décision de rente n’a pas encore été rendue), il n’existe pas de droit à la prise en charge d’un traitement par l’assureur-accidents postérieurement à la stabilisation du cas.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal dans la mesure où il porte sur le remboursement des frais médicaux et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_270/2018 consultable ici