9C_711/2016+9C_716/2016 (i) du 09.05.2017 – proposé à la publication – Prise en charge par l’AOS d’un médicament ne figurant pas dans la liste des spécialités / Economicité du traitement – Utilité thérapeutique élevée – 32 LAMal

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_711/2016+9C_716/2016 (i) du 09.05.2017, proposé à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/2sjdq0N

 

Prise en charge par l’AOS d’un médicament ne figurant pas dans la liste des spécialités / 71b al. 2 OAMal – 71a al. 1 OAMal (teneur jusqu’au 28.02.2017)

Economicité du traitement – Utilité thérapeutique élevée – 32 LAMal

 

Assurée atteinte d’une maladie rare (protoporphyrie érythropoïétique). Depuis 2008, l’assurée a été traitée avec le médicament Scenesse®, dont les coûts ont été pris en charge dans le cadre d’un « compassionate use programm ». Ce médicament ne figure pas dans la liste des spécialités (LS) qui définit les médicaments à charge de l’assurance obligatoire des soins (AOS) et n’a pas été homologué par Swissmedic. A partir de mai 2012, la caisse-maladie a remboursé les coûts du médicament pour un montant de CHF 6’560 la dose pour 4, respectivement 5 fois par an jusqu’à fin novembre 2015. Le entreprise produisant le médicament a augmenté son prix pour la période 2016-2018 à CHF 18’989 par injection et, à partir de 2019, à CHF 24’772.

Le 01.12.2015, la caisse-maladie a informé l’assurée que les coûts du médicament continueront à être pris en charge seulement à raison de CHF 6’560, 4 fois par an, et à partir de novembre 2016 à 80% de ce montant, soit CHF 5’248.

 

Procédure cantonale (arrêt 36.2016.72 – consultable ici : http://bit.ly/2sSvJ9T)

Par jugement du 21.09.2016, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, dans le sens où il a été reconnu le droit au remboursement de 4 doses (au lieu de 5) par an pour un coût unitaire de CHF 18’989. Vu l’issue du litige, le tribunal cantonal a renoncé à examiner si le refus du remboursement du médicament pouvait constituer une violation du droit au respect de la vie privée et de famille garanti par l’art. 8 CEDH.

 

TF

Le TF rappelle que, selon l’art. 32 LAMal, les prestations qui sont à charge de l’AOS doivent être efficaces, appropriées et économiques. Dans le sens de l’art. 71b al. 2 OAMal (dans la teneur en vigueur jusqu’au 28.02.2017), l’assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts d’un médicament non autorisé par Swissmedic mais pouvant être importé selon la LPTh si les conditions mentionnées à l’art. 71a al. 1 let. a ou b OAMal, sont remplies et que le médicament est autorisé pour l’indication correspondante par un Etat ayant institué un système équivalent d’autorisation de mise sur le marché reconnu par Swissmedic. Selon l’art. 71a al. 1 OAMal, l’assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts d’un médicament si l’usage du médicament constitue un préalable indispensable à la réalisation d’une autre prestation prise en charge par l’assurance obligatoire des soins et que celle-ci est largement prédominante (lit. a) ou l’usage du médicament permet d’escompter un bénéfice élevé contre une maladie susceptible d’être mortelle pour l’assuré ou de lui causer des problèmes de santé graves et chroniques et que, faute d’alternative thérapeutique, il n’existe pas d’autre traitement efficace autorisé (lit. b ; dès le 01.03.2017 art. 71c al. 1 OAMal).

La cour cantonale a constaté que le remboursement du médicament Scenesse®, ne figurant pas dans la liste des spécialités et homologué par Swissmedic, peut entrer en considération selon l’art. 71b al. 2 OAMal, qui renvoie à l’art. 71a al. 1 OAMal, notamment la lettre b. L’agence européenne pour les médicaments (European Medicines Agency ; EMA) a reconnu le médicament en décembre 2014 pour l’indication litigieuse et, en Allemagne, l’administration compétente (Gemeinsame Bundesausschuss ; G-BA) l’a homologué pour une période limitée, du 04.08.2016 au 01.01.2021, sous certaines conditions. Par ailleurs, la juridiction cantonale estime que le prix de CHF 18’989 la dose est justifiée à la lumière du rapport couts/bénéfice.

Il est admis que le Scenesse® est l’unique traitement existant efficace – au sens de l’art. 32 LAMal – pour le traitement de la protoporphyrie érythropoïétique. Le caractère approprié du médicament – qui doit être évalué à la lumière de critères médicaux et non économique (ATF 136 V 395 consid. 7 p. 406; 125 V 95 consid. 4a p. 99) n’est pas contesté par les parties.

Savoir s’il y a une utilité thérapeutique c’est une question de fait. En revanche, savoir s’il y a un bénéfice thérapeutique « élevé » c’est une question de droit qui peut être librement examiné par le TF (ATF 136 V 395 consid. 6.3 p. 401).

Le bénéfice thérapeutique élevé ne peut pas être examiné en faisant abstraction de l’intérêt économique du traitement. Cela présuppose un rapport « utilité thérapeutique / coûts » favorable, dans le sens où plus les coûts sont élevés, plus un grand bénéfice thérapeutique est à attendre (ATF 142 V 26 consid. 5.2.1 p. 34 et références). Il est vrai que le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion d’affirmer que, en l’absence d’une alternative efficace et appropriée, la question de l’économicité d’un médicament ne se pose pas (ATF 142 V 144 consid. 6 p. 150). Cela ne signifie toutefois pas que l’assurance obligatoire, en l’absence d’une alternative efficace et appropriée, doit assumer tous les coûts. Dans ce cas également il doit exister un rapport raisonnable entre les coûts et les bénéfices, pour des raisons du principe constitutionnel de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst. ; ATF 142 V 144 consid. 7 p. 151; 139 V 375 consid. 4.4 in fine p. 378; 136 V 395 consid. 7.4 p. 407 ss).

L’existence d’une utilité thérapeutique élevée doit être jugée aussi bien d’une façon générale -sur la base p.ex. d’études cliniques – qu’en lien avec le cas particulier (ATF 136 V 395 consid. 6.5 p. 401; 139 V 375 consid. 7.3 p. 382).

Dans le cas d’espèce, la juridiction cantonale s’est basée sur un établissement incomplet des faits, qui aurait dû inciter, au vu du principe inquisitoire, a ordonné une nouvelle expertise médicale. La cause est renvoyée au tribunal cantonal pour mise en œuvre d’une expertise médicale judiciaire.

Au vu de l’issue de la procédure, il n’est pas nécessaire, pour le moment, d’examiner le prix du médicament car l’économicité du traitement ne peut être examinée en faisant abstraction de l’utilité thérapeutique. Au vu du renvoi de la cause, le TF ne se prononce pas sur la violation de l’art. 8 CEDH évoquée.

 

Les frais judiciaires ont été partagés par moitié, entre la caisse-maladie et l’assurée. La caisse-maladie doit verser à l’assurée un montant de CHF 2’800 pour les frais de dépens pour la procédure 9C_711/2016.

 

 

Arrêt 9C_711/2016+9C_716/2016 consultable ici : http://bit.ly/2sjdq0N

 

 

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