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9C_630/2021 (f) du 22.03.2022 – Détermination de la méthode d’évaluation du degré d’invalidité – Statut de la personne assurée / Statut active 100% pour une femme de 46 ans, divorcée, mère de 3 enfants

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_630/2021 (f) du 22.03.2022

 

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Détermination de la méthode d’évaluation du degré d’invalidité – Statut de la personne assurée / 4 LAI – 8 LPGA –16 LPGA

Statut active 100% pour une femme de 46 ans, divorcée, mère de 3 enfants

 

Assurée, née en 1970, divorcée, mère de trois enfants (nés en 1995, 1996 et 1999), a travaillé en dernier lieu comme employée d’entretien à temps partiel depuis novembre 2003. En arrêt de travail depuis novembre 2014, elle a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité le 09.06.2016.

L’office AI a recueilli l’avis des médecins traitants, puis a soumis l’assurée à une expertise rhumatologique. Dans un premier rapport daté du 14.07.2017, le médecin-expert, spécialiste en médecine physique et réadaptation et en rhumatologie, a constaté que l’état de santé de l’assurée n’était pas encore stabilisé. Dans un second rapport du 23.04.2019, l’experte a diagnostiqué différents troubles avec répercussion sur la capacité de travail. Le médecin-expert a conclu que l’assurée ne pouvait plus exercer l’activité de nettoyeuse depuis le 17.11.2014; dans une activité adaptée, elle pouvait travailler à 50%, après un reconditionnement au travail. L’office AI a encore mis en œuvre une enquête économique sur le ménage le 31.10.2019. Par décision du 11.05.2020, l’office AI a, en application de la méthode mixte d’évaluation de l’invalidité, rejeté la demande de prestations.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1083/2021 – consultable ici)

La juridiction cantonale a reconnu à l’assurée le statut de personne active à 100%. Elle a retenu que les déclarations de l’assurée selon lesquelles elle aurait, sans atteinte à la santé, exercé une activité lucrative à plein temps dès 2012, soit après que sa fille cadette née en 1999 eût débuté le cycle d’orientation, étaient corroborées par les pièces du dossier, notamment par l’avis du médecin-traitant et du médecin-expert, et étaient cohérentes avec sa situation familiale et économique. L’assurée présentait en effet déjà des problèmes de santé qui l’avaient empêchée d’augmenter son taux d’activité en 2012; en particulier, elle avait déjà commencé à souffrir de l’épaule. En suivant des cours de français, de technique de nettoyage, de bureautique, d’informatique, de sérigraphie et de papeterie artisanale, l’assurée avait de plus montré qu’elle entendait se réinsérer dans le monde du travail.

Par jugement du 25.10.2021, admission partielle du recours par le tribunal cantonal., annulant la décision et octroyant à l’assurée une rente entière de l’assurance-invalidité du 01.12.2016 au 31.10.2019, puis un quart de rente dès le 01.11.2019.

 

TF

Consid. 4
En l’espèce, la juridiction cantonale a fondé son appréciation concernant le statut de l’assurée sur des éléments pertinents, soit la situation financière du ménage, l’éducation des enfants, l’âge de l’assurée, son état de santé, ses qualifications professionnelles et sa formation professionnelle (ATF 144 I 28 consid. 2.3 et les références).

En ce qui concerne l’état de santé, l’office AI admet que l’assurée souffrait déjà de douleurs à l’épaule droite en 2012. A l’inverse de ce qu’il prétend, il s’agit là d’un élément parmi d’autres dont la juridiction cantonale pouvait tenir compte sans arbitraire pour déterminer si l’assurée aurait travaillé à plein temps si son état de santé le lui avait permis.

Par ailleurs, pour déterminer la méthode d’évaluation du degré d’invalidité applicable au cas particulier, il faut non pas, malgré la teneur de l’art. 8 al. 3 LPGA, chercher à savoir dans quelle mesure l’exercice d’une activité lucrative aurait été exigible de la part de la personne assurée, mais se demander ce que l’assuré aurait fait si l’atteinte à la santé n’était pas survenue (ATF 133 V 504 consid. 3.3; 133 V 477 consid. 6.3). C’est dès lors en vain que l’office recourant reproche à la juridiction cantonale de ne pas avoir opposé à l’assurée qu’elle n’avait pas exercé une activité lucrative à plein temps pendant plusieurs années avant la survenance de son atteinte à la santé. Depuis son arrivée en Suisse, l’assurée s’est en effet efforcée de s’insérer sur le marché du travail, suivant notamment des cours de français, de technique de nettoyage, de bureautique, d’informatique, de sérigraphie et de papeterie artisanale. Les juges cantonaux ont de plus retenu sans arbitraire que le jeune âge des trois enfants (nés en 1995, 1996 et 1999) avaient empêché l’assurée d’exercer une activité lucrative à plein temps jusqu’en 2012 au moins. Dans ces circonstances, les premiers juges n’ont pas versé dans l’arbitraire en retenant que l’assurée, âgée de 46 ans et avec trois enfants âgés de 21, 20 et 17 ans, aurait vraisemblablement travaillé à plein temps en 2016, soit au moment déterminant de la naissance de son droit à une rente de l’assurance-invalidité (art. 29 al. 1 LAI).

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_630/2021 consultable ici

 

8C_247/2021 (d) du 21.12.2021 – Détermination du statut (mixte vs sans activité lucrative) d’une assurée avec un QI 61 – Propos de l’assurée à relativiser / 28a LAI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_247/2021 (d) du 21.12.2021

 

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NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Détermination du statut (mixte vs sans activité lucrative) d’une assurée avec un QI 61 – Propos de l’assurée à relativiser / 28a LAI

 

Assurée, née en 1991, a déposé une première demande AI en 2009. L’office AI lui a octroyé une orientation professionnelle. Afin d’examiner les conditions d’une formation professionnelle initiale, une expertise a été mise en œuvre, confiée à un spécialiste en psychiatrie/psychothérapie pour enfants et adolescents. Ce dernier a diagnostiqué un quotient intellectuel (QI) de 61 selon le « WIE » (Wechsler-Intelligenztest für Erwachsene [échelle d’intelligence pour adultes selon Wechsler ; WAIS]), une légère diminution de l’intelligence avec des troubles du comportement évidents (CIM-10 F70.29) ; l’expert a considéré que seule une formation dans un cadre protégé était actuellement envisageable.  L’assurée ne souhaitant plus bénéficier du soutien de l’office AI, celui-ci a clôturé l’orientation professionnelle et a nié tout droit à une rente (communication du 20.08.2020).

L’assurée, entre-temps mariée et mère de trois enfants (nés en 2011, 2012, 2014), a déposé une nouvelle demande AI en juin 2017 en raison d’une incapacité de travail depuis 2010. Après les investigations usuelles, dont une enquête ménagère, l’office AI a rejeté la demande, considérant l’assurée entièrement apte aux travaux habituels.

 

Procédure cantonale

Le tribunal cantonal a retenu que l’assurée devait être qualifiée de personne exerçant une activité lucrative à 50% (statut mixte). En raison d’une incapacité de travail de 100% sur le premier marché du travail et de l’absence de limitations dans les travaux habituels, il en résulte un taux d’invalidité de 50% et donc un droit à une demi-rente d’invalidité.

Par jugement du 25.02.2021, admission du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant le droit de l’assurée à une demi-rente AI dès le 01.12.2017.

 

TF

Détermination du statut

Consid. 5.1
Il n’est pas contesté que l’assurée a indiqué à plusieurs reprises qu’elle ne travaillerait pas (même) sans atteinte à la santé. Dans le questionnaire relatif à l’examen de la rente concernant l’activité lucrative/le ménage, l’assurée a coché en octobre 2017 qu’elle n’exercerait pas d’activité lucrative même sans handicap. Selon le rapport de l’enquête ménagère, elle a en outre expliqué qu’en tant que mère élevant seule ses trois enfants, elle ne pouvait pas s’imaginer exercer une activité lucrative, qui plus est sans soutien familial.

Consid. 5.2
De l’avis de l’instance cantonale, les déclarations de l’assurée doivent être relativisées : la prénommée ne peut pas se représenter suffisamment la situation en bonne santé, d’autant plus qu’elle était déjà fortement handicapée par sa perte d’intelligence bien avant une éventuelle entrée dans la vie active. Elle n’aurait donc pas pu faire de déclarations fiables sur la situation sans l’atteinte à la santé, raison pour laquelle la question du statut devrait être clarifiée d’une autre manière.

Consid. 5.3
En raison de son intelligence réduite, l’assurée n’a pas pu achever de formation et n’a jamais pu exercer une activité lucrative sur le marché primaire du travail. Dans ce contexte, il faut partir du principe, avec la cour cantonale, qu’il lui serait difficile d’envisager une vie sans aucun handicap. Il n’est donc pas contestable que la cour cantonale n’ait pas accordé un poids décisif aux déclarations de l’intimée concernant le situation hypothétique sans atteinte à la santé (cf. arrêts 9C_779/2015 du 4 mai 2016 consid. 5.1 ; 9C_444/2013 du 10 décembre 2013 consid. 4.2 ; 9C_286/2013 du 28 août 2013 consid. 4.3 ; 8C_35/2011 du 24 mai 2011 consid. 5.4 concernant une assurée chez laquelle une intelligence déficiente a été constatée dès l’enfance). L’assurée a certes confirmé à plusieurs reprises que, même sans handicap, elle n’exerçait actuellement aucune activité lucrative. Elle a en outre justifié cette situation par ses obligations de garde envers ses trois enfants, ce qui constitue un raisonnement compréhensible. Cela ne suffit toutefois pas à faire apparaître comme manifestement erronée la constatation de l’instance cantonale selon laquelle l’assurée ne pouvait pas se représenter suffisamment la situation [hypothétique] sans handicap.

Consid. 6.1
Comme les déclarations de l’assurée ne sont pas d’une importance décisive, le tribunal cantonal a examiné à juste titre les conditions de vie concrètes. Il a constaté à cet égard que l’assurée était une femme mariée de 27 ans au moment de la décision, mais qu’elle élevait seule ses trois enfants mineurs (nés en 2011, 2012, 2014 ; un quatrième enfant est né en 2019) depuis le renvoi de son mari de Suisse en décembre 2017. Elle ne recevait aucune prestation de soutien de son mari et était soutenue financièrement par les services sociaux. Malgré son état de santé, elle a postulé – sous la pression de l’office social – pour divers emplois. Le manque de formation et de qualification professionnelle ne devrait pas être interprété à la charge de l’assurée, puisqu’elle n’a pas pu acquérir les compétences correspondantes, précisément en raison de son « intelligence amoindrie ». Les juges cantonaux sont arrivés à la conclusion qu’en raison de sa situation financière et du contexte social l’assurée travaillerait à 50% malgré des enfants en âge préscolaire. En bonne santé, un tel taux d’occupation serait également possible et raisonnable pour des enfants en âge préscolaire, notamment avec l’aide de proches, ce qui ne renverse pas « la présomption d’une hypothétique activité professionnelle partielle ».

Consid. 6.2
Après avoir évalué l’ensemble des circonstances, en particulier la situation financière précaire de l’assurée et de l’aide apportée par des proches, le tribunal cantonal a toutefois considéré qu’une activité lucrative à 50% était vraisemblable sans atteinte à la santé, de sorte qu’il n’y a aucune raison de supposer que l’instance cantonale s’est basée sur un faux degré de preuve ou (à tort) sur une présomption légale en faveur d’une activité lucrative.

Consid. 6.4
On peut se demander si, dans le cas d’une mère élevant seule ses trois enfants (enceinte du 4e au moment de la décision), on peut parler d’une « pression sociale » [gesellschaftlichen Druck] pour exercer une activité lucrative. La question peut toutefois rester ouverte, car il n’est pas contestable qu’il existe au moins une pression financière pour exercer une activité lucrative. L’assurée a d’ailleurs postulé pour des postes à la demande de l’aide sociale. Le fait qu’elle ait toujours essuyé des refus en raison de l’incompatibilité de son activité professionnelle avec ses obligations d’assistance ne ressort pas du rapport d’enquête ménagère.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 8C_247/2021 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 8C_247/2021 (d) du 21.12.2021 – Détermination du statut (mixte vs sans activité lucrative) d’une assurée avec un QI 61, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/03/8c_247-2021)

9C_41/2021 (f) du 04.11.2021 – Institution de prévoyance (enveloppante) – Calcul de la surindemnisation – 34a LPP / Changement de statut (statut mixte à statut de personne active à 100%) – Date de la survenance du changement de statut

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_41/2021 (f) du 04.11.2021

 

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Institution de prévoyance (enveloppante) – Calcul de la surindemnisation / 34a LPP

Changement de statut (statut mixte à statut de personne active à 100%) – Date de la survenance du changement de statut

 

Assurée, née en 1974, a travaillé pour le compte de B.__ jusqu’au 31.01.2002 et était à ce titre assurée en prévoyance professionnelle. Les rapports de travail ont pris fin pour des raisons médicales. L’assurée a perçu une rente entière de l’assurance-invalidité (résultant d’un taux d’invalidité de 70%, déterminé en fonction d’un statut mixte de personne active [50%] et de ménagère [50%] ainsi que d’une incapacité totale de travail) à compter du 01.09.2001. Elle a également été mise au bénéfice d’une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle versée par sa caisse de pensions, qui a été réduite partiellement depuis le 01.02.2002 et totalement depuis le 01.01.2008 pour cause de surindemnisation.

Au terme d’une procédure de révision puis d’un recours au tribunal cantonal, la rente entière était réduite dès le 01.09.2017 à trois quarts de rente (résultant d’un taux d’invalidité de 65% calculé sur la base d’un statut de personne active à 100% ; arrêt du 11.10.2018). L’institution de prévoyance a dès lors informé l’assurée qu’étant donné la décision de l’office AI du 26.02.2019 (consécutive à l’arrêt cantonal), ses prestations n’étaient pas modifiées jusqu’au 31.08.2017 et qu’elles n’étaient plus réduites pour cause de surindemnisation depuis le 01.09.2017 (lettre du 11.04.2019). En dépit des griefs soulevés par l’intéressée contre le calcul de surindemnisation, elle a maintenu sa position (lettres des 16.05.2019 et 24.05.2019).

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2019 175 – consultable ici)

Sur la base de l’arrêt du 11.10.2018 (en matière d’assurance-invalidité), la juridiction cantonale a conclu que l’assurée avait conservé le même statut (mixte ; personne active à 50% – ménagère à 50%) durant la période du 01.01.2014 au 31.08.2017 que depuis l’octroi initial de la rente. En substance, elle a considéré que, même si la Cour chargée du dossier de l’assurance-invalidité avait jugé crédible la première déclaration faite par l’assurée en janvier 2014 au sujet de la reprise d’une activité professionnelle à plein temps pour des motifs économiques ensuite de sa séparation d’avec son mari en mars 2013, cette autorité s’était prononcée sur la situation prévalant lorsque la décision administrative de réduction de rente avait été prise et avait admis le changement de statut (personne active à 100%) seulement à partir du 01.09.2017. Elle a ajouté que cette appréciation était corroborée par le fait que ladite autorité avait retenu que l’attention ou les soins nécessités par l’enfant cadet (né en 2010) ne représentaient plus un obstacle à la pratique d’une activité lucrative à plein temps dès lors que celui-ci avait atteint l’âge de sept ans en 2017 et qu’il pouvait être occasionnellement pris en charge par ses aînés. Elle a également considéré que l’institution de prévoyance était liée par cette appréciation dans la mesure où elle avait été appelée en cause dans le cadre de la procédure en matière d’assurance-invalidité et où la nouvelle décision de réduction de rente du 26.02.2019 lui avait été notifiée.

Par arrêt du 02.12.2020, rejet de l’action par la juridiction cantonale.

 

TF

Est litigieux le montant des prestations d’invalidité que l’assurée peut prétendre de la caisse de pensions pour la période comprise entre les 01.01.2014 et 31.08.2017. Compte tenu des motifs du recours, il s’agit en particulier de déterminer si le changement de statut retenu dans l’arrêt du 11.10.2018 (en matière d’assurance-invalidité) est intervenu le 01.01.2014, comme le soutient l’assurée, plutôt que le 01.09.2017, ainsi que l’a constaté le tribunal cantonal, et le cas échéant, quelle serait la version du règlement de prévoyance applicable au calcul de surindemnisation pour la période litigieuse.

 

Si le statut d’une personne invalide est un élément ne jouant pas de rôle pour l’évaluation de l’invalidité dans le cadre de la prévoyance professionnelle, dans la mesure où celle-ci n’assure pas les atteintes à la capacité à réaliser les activités habituelles, un changement de statut peut en revanche influencer le calcul de surindemnisation (cf. ATF 141 V 127 consid. 5.2; 129 V 150 consid. 2.5), comme le soutient l’assurée. L’argumentation de cette dernière n’établit cependant pas que et en quoi la juridiction cantonale aurait fait preuve d’arbitraire en constatant que le changement de statut était intervenu le 01.09.2017 et que par conséquent, il n’y avait pas de motif de procéder à un nouveau calcul de surindemnisation au 01.01.2014. En effet, quoi que dise l’assurée à propos de l’arrêt cantonal du 11.10.2018, l’autorité de recours y constate clairement la survenance du changement de statut au 01.09.2017. Concrètement, avant cette date, l’assurée percevait une rente entière de l’assurance-invalidité, dont le calcul tenait compte d’un statut mixte. Après cette date, elle avait droit à trois quarts de rente de l’assurance-invalidité, dont le calcul tenait compte d’un statut de personne active. Il est dès lors erroné de prétendre que l’arrêt en question retient la survenance du changement de statut au 01.01.2014. Peu importe que l’autorité chargée de statuer sur le dossier de l’assurance-invalidité a jugé crédible la déclaration de l’assurée en 2014. Le fait qu’elle a aussi évoqué l’âge du dernier enfant en 2017 pour déterminer la date du changement de statut permettait aux premiers juges de retenir, sans arbitraire en l’absence d’éléments contraires, que la conjonction de ces deux critères (situation financière probablement précaire et relative autonomie des enfants) uniquement en 2017 démontrait la survenance du changement de statut à cette époque.

Compte tenu de l’absence de circonstances justifiant un nouveau calcul de surindemnisation, l’assurée ne saurait valablement reprocher au tribunal cantonal de ne pas avoir déterminé quelle version du règlement de prévoyance était applicable au calcul de surindemnisation au 01.01.2014. En tant qu’elle se plaint d’une violation du principe de l’égalité de traitement entre rentiers en invoquant l’existence de deux catégories d’assurés dès 2008 (ceux dont les prestations ont fait l’objet d’un nouveau calcul de surindemnisation et les autres), l’assurée ne saurait être suivie. Elle perd de vue qu’une institution de prévoyance réexamine les conditions d’une surindemnisation lorsque la situation se modifie de façon importante (cf. art. 24 al. 5 OPP 2). A défaut d’une telle modification, un nouveau calcul ne s’impose en principe pas.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_41/2021 consultable ici

 

 

9C_630/2020 (f) du 08.09.2021 – Surindemnisation pour une assurée avec un statut mixte (statut d’active et de ménagère) – 34a LPP – 24 OPP2 / Institution de prévoyance «enveloppante» – Interprétation de la notion de gain présumé perdu

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_630/2020 (f) du 08.09.2021

 

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Surindemnisation pour une assurée avec un statut mixte (statut d’active et de ménagère) / 34a LPP – 24 OPP2

Institution de prévoyance de droit public cantonal vs de droit privé – Règles d’interprétation de la loi vs en matière contractuelle

Institution de prévoyance «enveloppante» – Interprétation de la notion de gain présumé perdu – Evolution salariale qui aurait eu lieu en l’absence d’invalidité mais sans changement du taux d’activité

 

Assurée, née en 1980, mère de deux enfants (nés en 2010 et 2012), a travaillé en tant qu’agent de police depuis 2002, d’abord à 100%, puis à 50% dès le 01.05.2011. A ce titre, elle a été assurée auprès de la Caisse de pensions depuis le 14.01.2002. Par décision du 13.02.2018, l’office AI lui a reconnu le droit à un quart de rente d’invalidité (taux d’invalidité de 40%), assorti de deux rentes pour enfant, dès le 01.10.2017, puis à trois quarts de rente à partir du 01.01.2018 (taux d’invalidité de 61%). En bref, il a considéré qu’à compter du 29.05.2015, seule une capacité de travail de 25% d’un plein temps était encore exigible de l’assurée et que celle-ci avait un statut d’active et de ménagère (d’abord à raison de 50/50%, puis de 60/40% dès août 2016, et de 80/20% dès le mois d’août 2017).

Entre-temps, depuis le 29.08.2017, la Caisse de pensions a reconnu le droit de l’assurée à une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle d’un montant mensuel de 1427 fr. 95.

Le 18.12.2017, après avoir été informée par l’office AI du droit de l’assurée à des prestations de l’assurance-invalidité (projet d’acception de rente), la Caisse de pensions a indiqué à l’intéressée qu’elle allait réduire le montant des prestations de la prévoyance professionnelle, en application de la clause de surassurance figurant à l’art. 30 de son règlement de prévoyance, à compter du 01.10.2017. L’assurée ayant fait part de son désaccord quant au calcul de surindemnisation. En se fondant sur un traitement annuel brut sans invalidité correspondant à une activité exercée à un taux de 50%, et compte tenu d’une limite de surindemnisation fixée à 90% de ce traitement, la Caisse de pensions allait réduire le montant de la rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle due à l’assurée à 1160 fr. 25 du 01.10.2017 au 31.12.2017, puis à 512 fr. 40 dès le 01.01.2018, ce dernier montant correspondant à celui des prestations minimales de la prévoyance professionnelle obligatoire. L’assurée a indiqué à la Caisse de pensions qu’il n’y avait pas lieu de prendre en compte l’augmentation des prestations versées par l’assurance-invalidité en lien avec la hausse hypothétique de son activité professionnelle si la limite de surindemnisation n’était pas augmentée en parallèle. Il en résultait, selon elle, un droit à une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle de 1’427 fr. 65 du 01.10.2017 au 31.12.2017, puis de 1’383 fr. 40 dès le 01.01.2018. Le 08.08.2018, la Caisse de pensions a maintenu sa position.

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale a procédé à l’interprétation de la disposition réglementaire litigieuse. Elle a considéré que la notion de « traitement que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » selon l’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance de la Caisse de pensions n’implique pas, en raison de la seule utilisation du conditionnel, la prise en compte d’une évolution du traitement déterminant consécutive à un changement de statut de l’assuré. Selon les juges cantonaux, dans la mesure où l’emploi du conditionnel paraît simplement de mise parce que l’on se réfère à une situation hypothétique dans laquelle l’assuré n’aurait pas été invalide et aurait ainsi pu continuer à exercer son activité professionnelle, la prise en considération du taux d’activité au moment de la survenance de l’invalidité afin de fixer la limite de surindemnisation n’est aucunement incompatible avec la notion de « traitement que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » au sens de la disposition réglementaire précitée. En conséquence, la juridiction de première instance a confirmé que la Caisse de pensions était en droit de réduire le montant de ses prestations d’invalidité dès le mois d’octobre 2017, à 1160 fr. 25 jusqu’au 31.12.2017, puis à 512 fr. 40 dès le 01.01.2018.

Par jugement du 07.09.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Surindemnisation – 34a LPP – 24 OPP2

Selon l’art. 34a al. 1 LPP, l’institution de prévoyance peut réduire les prestations de survivants et d’invalidité dans la mesure où celles-ci, ajoutées à d’autres prestations d’un type et d’un but analogues ainsi qu’à d’autres revenus à prendre en compte, dépassent 90% du gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé. Par « gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé » (« mutmasslich entgangenen Verdienst » resp. « guadagno presumibilmente perso dall’assicurato » selon les versions allemande et italienne de la loi), la jurisprudence a précisé qu’il faut entendre, le salaire hypothétique que l’assuré réaliserait sans invalidité, au moment où doit s’effectuer le calcul de surindemnisation (si le cas de prévoyance ne s’était pas produit), soit au moment où se pose la question de la réduction des prestations LPP. Il ne correspond pas forcément au gain effectivement obtenu avant la survenance du cas de prévoyance (ATF 125 V 163 consid. 3b; 122 V 151 consid. 3c; arrêt 9C_853/2018 du 27 mai 2019 consid. 3.3.1 et les références). Le statut de l’affilié dans l’assurance-invalidité a donc des incidences sur le calcul de la surindemnisation en matière de prévoyance professionnelle, tout comme un changement dudit statut. Par exemple, s’il existe des éléments concrets permettant d’admettre qu’un assuré travaillant jusqu’alors à temps partiel aurait repris, en l’absence d’invalidité, une activité à plein temps, la limite de surindemnisation dans la prévoyance professionnelle doit être adaptée en conséquence (ATF 142 V 75 consid. 6.3.1 et les références citées).

L’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance de la Caisse de pensions (dans sa teneur en vigueur dès le 01.01.2012, applicable en l’espèce) prévoit que: « Les prestations selon le présent règlement sont réduites dans la mesure où, additionnées à d’autres revenus imputables, elles dépassent 90% du traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité ».

 

Règles d’interprétation

La Caisse de pensions intimée est une institution de prévoyance de droit public cantonal (cf. art. 2 al. 1 de la loi valaisanne du 14 décembre 2018 régissant la Caisse de prévoyance du Canton du Valais [CPVAL; LCPVAL; RS/VS 172.51], et non de droit privé, comme l’a retenu à tort la juridiction cantonale. En conséquence, il convient d’interpréter l’art. 30 du règlement de prévoyance en fonction uniquement des règles d’interprétation de la loi (ATF 139 V 66 consid. 2.1 et les références), et non des règles d’interprétation en matière contractuelle, auxquelles les juges cantonaux ont eu recours.

Le fait que le règlement de prévoyance a été édicté par la Caisse de pensions (en conformité avec l’art. 11 al. 1 let. c LCPVAL) et ne figure pas dans la loi cantonale n’y change rien (arrêts 9C_426/2008 du 23 décembre 2008 consid. 2.1; B 33/04 du 18 mai 2005 consid. 5.2). On rappellera à ce propos que la loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre. Il n’y a lieu de déroger au sens littéral d’un texte clair par voie d’interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales. Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; en particulier, il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 146 V 95 consid. 4.3.1; 139 V 250 consid. 4.1 et les références; arrêt 9C_886/2018 du 4 juillet 2019 consid. 3.4).

En l’espèce, le texte de l’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance de la Caisse de pensions n’est pas clair dans la mesure où les termes de « traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » laissent place à une certaine interprétation. En particulier, il n’est pas d’emblée clair si ces termes comprennent une évolution hypothétique du taux d’occupation. Il convient dès lors de rechercher quelle est la portée de la disposition réglementaire.

 

Gain présumé perdu

Au regard du sens littéral de l’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance, il apparaît que la notion de « traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » est évolutive et implique de tenir compte de l’évolution du salaire jusqu’au moment du calcul de surindemnisation. La notion de « traitement annuel » comprend en effet les éléments énumérés de manière exhaustive à l’art. 7 al. 1 du règlement de prévoyance, soit, pour les assurés rémunérés au mois, le traitement de base, les parts d’expérience, les augmentations progressives liées à la prestation et la prime de performance limitée à 5%. Le caractère évolutif des termes utilisés à l’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance s’agissant de l’évolution salariale n’est du reste pas contesté par la Caisse de pensions, qui a exposé à cet égard, devant la juridiction cantonale, que le recours au conditionnel est destiné à permettre une dynamisation de la limite de surindemnisation en tenant compte de l’évolution salariale qui aurait eu lieu en l’absence d’invalidité, en particulier des parts d’expérience. Cette solution est corroborée par la jurisprudence, selon laquelle ce n’est en effet que lorsqu’une institution de prévoyance recourt à des termes qui ne font pas appel à une notion variable ou hypothétique (telles les expressions « salaire présumé perdu » ou « salaire hypothétique qu’aurait perçu l’assuré »), mais qui se rapportent au revenu brut effectivement réalisé par l’assuré, comme par exemple, les termes de « traitement brut », que l’évolution du salaire jusqu’au moment du calcul de surindemnisation n’a pas à être prise en considération (voir arrêt 9C_48/2007 du 20 août 2007 consid. 6.2).

La Caisse de pensions conteste en revanche le caractère évolutif de la notion de « traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » quant à une éventuelle modification du taux d’activité de la personne assurée, c’est-à-dire quant à d’éventuels changements de statut de l’assuré dans l’assurance-invalidité. Le point de vue de la Caisse de pensions est confirmé par l’interprétation littérale de l’art. 30 al. 1 de son règlement de prévoyance. En effet, le terme de « traitement » s’apparente aux notions de gain et de salaire et ne se rapporte pas directement au taux d’occupation professionnelle de l’assuré. Sous l’angle également de l’interprétation historique, si l’on ne dispose certes pas des travaux préparatoires usuels dans une procédure législative (qui a concerné l’adoption de la LCPVAL), la Caisse de pensions a fait valoir, devant l’instance cantonale, que selon sa pratique constante, le « traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » est obtenu en se fondant sur le taux d’activité lors de la survenance de l’incapacité de gain. L’assurée ne prétend du reste pas que la pratique de la Caisse de pensions aurait changé dans le temps.

C’est en vain que l’assurée se réfère à la notion de « gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé » au sens de l’art. 34a al. 1 LPP. Si certes, cette notion est évolutive et comprend l’évolution hypothétique du statut de la personne assurée, l’art. 34a al. 1 LPP n’est pas déterminant en l’espèce. Selon la jurisprudence dûment rappelée par les juges cantonaux, dans le domaine de la prévoyance plus étendue, les institutions de prévoyance peuvent en effet prévoir une réglementation plus restrictive que celle de l’art. 34a al. 1 LPP. Il n’est en l’occurrence pas contesté que l’institution de prévoyance est une institution de prévoyance dite « enveloppante » qui a décidé d’étendre la prévoyance au-delà des exigences minimales légales (prévoyance surobligatoire ou plus étendue) et qu’elle est par conséquent libre de définir dans les limites des dispositions expressément réservées à l’art. 49 al. 2 LPP le régime de prestations, le mode de financement et l’organisation qui lui convient pour autant qu’elle respecte les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité ainsi que l’interdiction de l’arbitraire (ATF 140 V 145 consid 3.1 et les références).

Au-delà du sens commun, dont il ressort que la notion de « traitement » recouvre le salaire ou gain perçu par l’assuré pour l’exercice d’une activité lucrative, sans référence directe au taux auquel cette activité est exercée, l’art. 30 du règlement de prévoyance s’insère dans le système de la surindemnisation prévu par la loi. On rappellera à cet égard que lorsque le règlement de prévoyance fixe une limite de surindemnisation plus restrictive que celle prévue par l’art. 34a al. 1 LPP, l’institution de prévoyance doit procéder à un calcul comparatif entre les prestations selon la LPP (sur la base du compte-témoin que les institutions de prévoyance doivent tenir afin de contrôler le respect des exigences minimales de la LPP [Alterskonto; art. 11 al. 1 OPP 2]) et les prestations réglementaires (Schattenrechnung; cf. ATF 136 V 65 consid. 3.7 et les références). Cette comparaison permet de s’assurer que les prestations réglementaires respectent les exigences minimales de la LPP, autrement dit que la personne assurée bénéficie au moins des prestations minimales légales selon la LPP (art. 49 al. 1 LPP en corrélation avec l’art. 6 LPP). Une institution de prévoyance doit en effet verser les prestations légales lorsque celles-ci sont supérieures à celles calculées conformément à son règlement. En l’occurrence, l’assurée ne conteste ni le calcul comparatif auquel la Caisse de pensions a procédé, ni le montant des prestations minimales de la prévoyance professionnelle obligatoire.

 

Compte tenu de ce qui précède, c’est bien le taux d’activité au moment de la survenance de l’invalidité qu’il convient de prendre en compte afin de fixer la limite de surindemnisation en application de l’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance de la Caisse de pensions. En conséquence, c’est à bon droit que la juridiction cantonale a confirmé la réduction du montant des prestations d’invalidité opérée par la Caisse de pensions, prestations dont le calcul n’est pas remis en cause en tant que tel par l’assurée, dès le mois d’octobre 2017.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_630/2020 consultable ici

 

 

9C_448/2020 (f) du 01.07.2021 – Assurance-invalidité – Statut de l’assurée (ménagère, mixte, personne active) – Communauté des gens du voyage / Absence d’indices concrets attestant l’existence d’un revenu mais statut mixte retenu par le TF

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_448/2020 (f) du 01.07.2021

 

Consultable ici

 

Statut de l’assurée (ménagère, mixte, personne active) – Communauté des gens du voyage / 28a LAI – 27bis RAI

Absence d’indices concrets attestant l’existence d’un revenu mais statut mixte retenu par le TF

 

Assurée, née en 1971, a déposé une demande de prestations AI le 20.07.2017, en arguant souffrir de différents troubles somatiques et psychiques. Elle indiquait en outre appartenir à la communauté des gens du voyage et être femme au foyer.

Entre autres mesures d’instruction, l’office AI a recueilli l’avis des médecins traitants. Le médecin du Service médical régional de l’office AI (SMR) a déduit de ces avis que l’assurée présentait essentiellement un trouble dépressif récurrent (épisode moyen), ainsi que des cervico-brachialgies et des lombosciatalgies permettant l’exercice d’une activité adaptée à mi-temps dès le 01.01.2017. L’administration a aussi réalisé une enquête ménagère, qui a mis en évidence un taux d’empêchement dans l’accomplissement des travaux domestiques de 10%.

Considérant que l’assurée consacrait l’entier de son temps aux tâches ménagères, l’office AI a rejeté sa demande de prestations sur la base du rapport d’enquête à domicile.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/432/2020 – consultable ici)

Examinant la question du statut de l’assurée, le tribunal cantonal a constaté qu’elle n’avait fait l’objet d’aucune investigation de la part de l’office AI, hormis la production d’une note succincte (indiquant que l’assurée n’avait jamais travaillé en Suisse), ainsi que de l’extrait du compte individuel AVS (mentionnant des cotisations en tant que personne sans activité lucrative).

La juridiction cantonale a toutefois considéré que le dossier permettait de conclure au degré de la vraisemblance prépondérante à un statut de personne active. Elle a relevé à cet égard que les travaux de vannerie et d’aiguisage ainsi que le porte à porte évoqués dans le rapport d’enquête économique sur le ménage ressortaient également des déclarations faites par l’assurée lors de l’audience de comparution personnelle des parties et étaient corroborées par la carte de légitimation pour commerçants itinérants produite en cours d’instance. Elle a en outre constaté que les médecins traitants avaient indiqué que leur patiente faisait du porte à porte ou avait toujours travaillé dans le cadre de sa communauté. Elle a considéré que le fait que l’assurée se qualifiait elle-même de femme au foyer dans sa demande de prestations n’était pas déterminant dans la mesure où les activités professionnelles pratiquées par celle-ci étaient parfois assimilées à des activités ménagères. Elle a ajouté que l’exercice d’une activité lucrative était d’autant plus plausible que, selon la jurisprudence (ATF 138 I 205), les gens du voyage travaillaient traditionnellement dans les domaines de la récupération, du commerce forain et de l’artisanat ambulant.

Considérant que l’assurée avait le statut d’une personne active à 100%, les juges cantonaux lui ont reconnu le droit à une demi-rente d’invalidité à partir du 01.01.2018 dès lors qu’elle disposait d’une capacité résiduelle de travail de 50% dans toute activité adaptée, y compris l’activité habituelle.

Par jugement du 02.06.2020, admission du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant le droit de l’assurée à une demi-rente d’invalidité à partir du 01.01.2018.

 

TF

Il ressort des éléments de fait constatés par le tribunal cantonal que les déclarations de l’assurée à propos de ses activités ont évolué au cours du temps. Dans sa demande de prestations, l’assurée a d’abord indiqué sous la rubrique « 5.5 Activités non lucratives » être femme au foyer depuis 1994 et sous la rubrique « 5.4 Personnes exerçant une activité lucrative ou accessoire » appartenir à la communauté des gens du voyage sans en retirer des revenus. Elle a en outre annoncé sous la rubrique « 4.1 Domicile et activité lucrative » n’avoir jamais travaillé avant son arrivée en Suisse à l’époque de son mariage, célébré le 12.06.1998. Par la suite, elle a signalé au médecin-traitant qu’elle était femme au foyer et faisait du porte à porte, au psychiatre-traitant qu’elle avait toujours travaillé dans le cadre de sa communauté et à l’enquêtrice de l’administration qu’elle n’avait jamais eu d’activité lucrative mais qu’elle avait effectué des travaux de vannerie, d’aiguisage et du porte à porte pour un revenu allant de 120 à 150 fr. par jour. Plus tard encore, lors de l’audience de comparution personnelle des parties, elle a réaffirmé n’avoir jamais travaillé à l’étranger ou en Suisse en tant que salariée mais avoir fait du porte à porte afin d’aiguiser des couteaux et de vendre des paniers et des balais pour un revenu quotidien allant de 50 à 400 fr.

Ces déclarations successives sont ambiguës. Dans un premier temps, l’assurée semble affirmer se consacrer exclusivement à l’entretien de son ménage mais, dans un second temps, revenir sur son affirmation en prétendant avoir toujours exercé des activités pour un revenu dont le montant, approximatif, a évolué au fil de ses déclarations.

Quoi qu’il en soit, ces déclarations ne permettent pas à elles seules de trancher la question du statut de l’assurée dans le sens retenu par la juridiction cantonale dans son arrêt du 02.06.2020 (statut de personne active à 100%) ou celui retenu par l’office AI dans sa décision (statut de ménagère à 100%). On ne saurait toutefois affirmer que les premières déclarations de l’assurée (interprétées dans le sens où elle se consacrerait exclusivement à l’accomplissement de tâches ménagères) représentent une version plus exacte des faits – exempte de réflexions concernant leurs possibles conséquences juridiques (au sujet des déclarations de la première heure, cf. ATF 121 V 45 consid. 2a) – que les secondes (interprétées dans le sens où elle se consacrerait également à l’exercice d’une activité lucrative). En effet, ces deux versions ont été énoncées avant le prononcé du projet de décision du 08.01.2019, qui correspond concrètement au moment où le statut de ménagère à 100% a été fixé et où les conséquences de ce statut sur le droit aux prestations ont été communiquées à l’assurée.

Ces déclarations rendent en revanche plus vraisemblable l’existence d’une personne qui consacre son temps à des travaux ménagers et exerce aussi une activité à caractère lucratif, ce que corrobore le fait que, dans son recours contre la décision administrative litigieuse, l’assurée revendiquait l’application de la méthode mixte d’évaluation de l’invalidité. De plus, l’assurée a produit en procédure cantonale une carte de légitimation pour commerçants itinérants valable du 02.08.2016 au 01.08.2017 délivrée par le Service du commerce de la République et canton de Genève. Contrairement à ce que suggère l’office AI, cette carte de légitimation rend vraisemblable l’exercice des activités décrites par l’assurée durant l’année pour laquelle elle a été délivrée, même si elle ne permet pas de déterminer le taux auquel ces activités ont été exercées.

On ne saurait en revanche suivre les juges cantonaux en ce qui concerne le statut de personne active à 100%, qu’ils ont retenu de manière arbitraire en se fondant sur les seules déclarations de l’assurée et de son mari lors de leur audition en instance cantonale. Ceux-ci ont indiqué que l’assurée avait travaillé « tous les jours » depuis 2010 et qu' »il s’agissait d’un travail sur toute la journée » qu’elle aurait continué à effectuer sans atteinte à la santé. Ces propos entrent cependant en contradiction avec les déclarations antérieures de l’assurée qui, jusque-là, avait mentionné l’activité au sein de sa communauté accessoirement à celle de femme au foyer, que ce soit au moment où elle a présenté sa demande de prestations, sans indiquer obtenir de revenu, ou au moment de s’entretenir avec l’enquêtrice, lorsqu’elle a mentionné effectuer un travail pour la communauté gitane tout en décrivant les tâches ménagères dont elle s’occupait avant l’atteinte à la santé.

Il reste à déterminer le taux auquel les travaux de vannerie et d’aiguisage ont été pratiqués. La carte de légitimation produite en instance cantonale ne fournit aucun renseignement à cet égard. On ne peut pas davantage inférer la répartition entre activités ménagères et activités lucratives des déclarations de l’assurée ou de son mari, selon lesquelles celle-ci avait travaillé tous les jours depuis 2010 et réalisé un revenu de 120 à 150 fr. ou de 50 à 400 fr. par jour. Outre le fait que ces déclarations sont contradictoires en ce qui concerne les montants indiqués à titre de revenus, elles ne sont corroborées par aucune inscription au compte individuel AVS de l’assurée. Depuis 1998, celle-ci est inscrite à titre de personne sans activité lucrative, aucun changement n’ayant manifestement été annoncé à partir de l’année 2010. Or, s’il peut être tenu compte en matière d’assurances sociales de revenus provenant d’activités aussi bien licites qu’illicites, en particulier d’un « travail au noir » (cf. p. ex. arrêts 8C_676/2007 du 11 mars 2008 consid. 3.3.4; I 402/91 du 3 juin 1992 consid. 3b et les références), encore faut-il que des indices concrets en attestent l’existence. Tel n’est pas le cas en l’occurrence. L’assurée n’a pas fourni le moindre élément objectif, comme des pièces comptables, de simples quittances de paiement ou même des décisions de taxation fiscale, susceptible de confirmer ses déclarations. Il est par ailleurs inutile d’en faire demander la production dès lors que pour prouver l’exercice de l’activité lucrative, elle s’est limitée en instance cantonale à fournir la décision du Service du commerce genevois du 28 juillet 2016, et que le mari de l’assurée a admis qu’il « [était] difficile [pour le couple] d’être en règle avec les affaires administratives ».

Une instruction complémentaire à cet égard est d’autant moins nécessaire que l’application au cas particulier de la méthode mixte d’évaluation de l’invalidité, au sens de l’art. 27bis RAI, ne permettrait de toute évidence pas d’ouvrir le droit de l’assurée à une rente. En effet, compte tenu du taux d’empêchement dans l’accomplissement des activités habituelles, qui a été fixé à 10% à l’occasion de l’enquête économique sur le ménage, dont la valeur probante n’a pas été contestée en instance fédérale, et du taux d’incapacité de travail de 50%, il faudrait que l’assurée soit considérée comme une personne active à 75% au minimum pour qu’elle ait droit à un quart de rente d’invalidité (une capacité résiduelle de travail de 50% dans l’activité habituelle engendre une perte de gain et un taux d’invalidité de 37,5% pour une personne active à 75% et un taux d’empêchement de 10% pour une ménagère à 25% entraîne un taux d’invalidité de 2,5%, de sorte que les deux taux cumulés donnent un taux global d’invalidité de 40%). Or, ainsi que le soutient l’OFAS, il est vraisemblable que l’assurée a travaillé avec un taux d’occupation peu élevé – en tout cas inférieur à 75% – si on tient compte de la description de ses activités ménagères avant l’atteinte à la santé lors de l’enquête à domicile et du fait qu’elle n’a jamais jugé utile de déclarer les revenus de son activité lucrative à la caisse de compensation AVS.

 

Le TF admet le recours de l’office AI, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_448/2020 consultable ici