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9C_529/2020 (f) du 25.08.2021 – Qualification de prélèvements réguliers effectués par l’administrateur président et l’administratrice secrétaire sur le compte courant dont ils sont titulaires auprès de la société anonyme – Cotisations sociales sur les prélèvements – 4 LAVS – 5 al. 2 LAVS – 6 al. 1 RAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_529/2020 (f) du 25.08.2021

 

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Qualification de prélèvements réguliers effectués par l’administrateur président et l’administratrice secrétaire sur le compte courant dont ils sont titulaires auprès de la société anonyme – Cotisations sociales sur les prélèvements / 4 LAVS – 5 al. 2 LAVS – 6 al. 1 RAVS

Caisses de compensation pas impérativement liées par les communications des autorités fiscales / 23 RAVS

 

A.B.__ et B.B.__ apparaissent au Registre du commerce en tant qu’administrateur président et administratrice secrétaire de A.__ SA, dont ils sont également salariés. Le 26.01.2017, la caisse de compensation AVS a communiqué à la société le décompte final des cotisations sociales dues pour 2016. Ce décompte se fondait sur la déclaration 2016 des salaires payés par A.__ SA. Y figuraient les montants de 205’913 fr. 60 (18’442 fr. 80+187’470 fr. 80) versés à A.B.__ et de 23’200 fr. 80 versés à B.B.__. La société a demandé la rectification du décompte mentionné le 27.02.2017. Elle arguait que les salaires versés en 2016 étaient de 39’006 fr. pour A.B.__ et de 53’520 fr. pour B.B.__.

Entre autres mesures d’instruction, la caisse a procédé le 05.05.2017 à un contrôle des salaires déclarés par l’employeur du 01.01.2012 au 31.12.2016. Se fondant sur les éléments de comptabilité recueillis à l’occasion de ce contrôle, elle a sollicité des précisions à propos « de débits réguliers de 18’000 fr. sur l’année 2016 ». A.__ SA a expliqué que le salaire de A.B.__ avait été ramené à 23’606 fr. en 2016 dans la mesure où ce dernier touchait une rente AVS depuis le mois de février et que les époux A.B.__ et B.B.__ disposaient auprès de la société d’un compte courant sur lequel ils prélevaient 18’000 fr. par mois.

Par décision du 02.10.2017, confirmée sur opposition le 24.10.2017, la caisse a qualifié de salaire les prélèvements de 18’000 fr. par les époux A.B.__ et B.B.__ sur leur compte courant.

 

Procédure cantonale (arrêt AVS 46/17-22/2020 – consultable ici)

Dans le cadre du recours, A.__ SA a notamment produit la décision de taxation 2016 de la société, les déclarations de dividendes 2012-2016 et le procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire des actionnaires tenue le 06.03.2017. Sur demande du juge instructeur, elle a encore déposé le certificat de salaire 2016 de A.B.__, la déclaration d’impôt 2016 du couple A.B.__ et B.B.__ ainsi que la décision de taxation correspondante et les comptes 2016-2017 de la société.

La juridiction cantonale a relevé que, sur réclamation, les autorités fiscales avaient modifié la décision de taxation du couple A.B.__ et B.B.__ en ce sens que, sur la base de la comptabilité de la société intimée, elles avaient admis que le salaire de A.B.__ en 2016 s’était élevé à 36’000 fr. et celui de son épouse à 48’000 francs. Elle a considéré que, selon l’art. 23 RAVS, les renseignements fournis par les autorités fiscales liaient les autorités compétentes en matière d’AVS. Elle en a dès lors déduit que les montants prélevés chaque mois par les époux A.B.__ et B.B.__ sur leur compte courant l’avaient été à titre de dividendes et que le salaire brut 2016 soumis à cotisations était de 39’006 fr. (avant déduction de la franchise AVS dès 65 ans) pour A.B.__ et de 53’520 fr. pour B.B.__.

Par jugement du 02.06.2020, admission du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision en ce sens que « pour 2016, le salaire brut de A.B.__ [était] fixé à 39’006 fr. et celui de B.B.__ à 53’520 fr. ».

 

TF

Selon les constatations cantonales, succinctes, le seul motif qui a en l’occurrence amené les juges cantonaux à qualifier de dividendes les prélèvements de 18’000 fr. effectués par les époux A.B.__ et B.B.__ sur leur compte courant semble être le caractère contraignant de la décision de taxation, corrigée sur réclamation, par laquelle les autorités fiscales avaient accepté de reconsidérer le montant des salaires déclarés par les époux A.B.__ et B.B.__ pour l’année 2016.

Or, contrairement à ce que laisse entendre la juridiction cantonale, les caisses de compensation ne sont pas impérativement liées par les communications des autorités fiscales.

Certes, à l’instar de ce qui prévaut pour la détermination du revenu et du capital propre (cf. art. 9 al. 3 LAVS en lien avec l’art. 23 RAVS), les informations fournies par les autorités fiscales, qui ont des implications en droit fiscal, sont – en principe – contraignantes pour les autorités compétentes en matière d’AVS, notamment en ce qui concerne le point de savoir s’il existe un revenu provenant d’une activité lucrative et, le cas échéant, d’une activité indépendante ou salariée. Toutefois, les autorités compétentes en matière d’AVS peuvent procéder à leurs propres investigations, plus approfondies, s’il existe de sérieux doutes quant à l’exactitude de la communication fiscale (cf. ATF 147 V 114 consid. 3.4.2; voir aussi ATF 145 V 50 consid. 3.3 et les références).

Compte tenu de ce qui précède, la caisse de compensation avait donc la possibilité de s’écarter de la décision de taxation des autorités fiscales à condition de pouvoir démontrer l’inexactitude de leur communication. Elle a suggéré l’existence d’une telle inexactitude, de façon succincte dans la décision sur opposition rendue le 24.10.2017, et la suggère, de façon plus détaillée dans le mémoire de recours produit en instance fédérale, en déduisant le caractère salarial des prélèvements de 18’000 fr. du fait que les époux A.B.__ et B.B.__ avaient généralement compensé par le passé le solde débiteur de leur compte courant en y reversant leurs salaires et non leurs dividendes.

On relèvera d’abord que, comme déjà mentionné, les constatations de la juridiction cantonale sont non seulement très succinctes mais également inexactes, dans le sens où les décisions de taxation ne lient pas forcément les caisses de compensation chargées de fixer le montant des cotisations sociales. De plus, elles ne permettent pas de comprendre la raison pour laquelle le fait que les autorités fiscales ont accepté de reconsidérer le montant des salaires déclarés par les époux A.B.__ et B.B.__ en 2016, en retenant un montant salarial global inférieur à celui déclaré initialement, justifierait de qualifier de dividendes les prélèvements de 18’000 fr., qui devaient apparemment être qualifiés de salaire auparavant. On ne trouve à cet égard aucune explication dans l’arrêt attaqué.

On ajoutera ensuite que les thèses défendues par les parties à propos de la manière dont les époux A.B.__ et B.B.__ remboursaient la dette que représentait le solde négatif de leur compte courant engendré par les prélèvements de 18’000 fr. (sur le fonctionnement du compte courant actionnaire, cf. arrêt 9C_77/2020 du 25 mars 2021 consid. 5.1) ne permettent pas de déterminer la nature des prélèvements en question. En effet, peu importe que par le passé, les époux A.B.__ et B.B.__ aient d’un point de vue comptable versé leurs salaires sur leur compte courant, ainsi que le prétend la caisse de compensation, ou qu’en 2016, ils y aient versé une partie des dividendes distribués cette année-là, ainsi que le soutient la société intimée. Dès lors que leur compte courant présentait un solde débiteur à la fin de l’année 2016, les époux A.B.__ et B.B.__ étaient libres de s’acquitter de leur dette envers la société intimée au moyen des salaires qu’il percevaient en raison de leur qualité de salariés ou des dividendes qu’ils percevaient en raison de leur qualité d’actionnaires. Ce n’est pas parce que, par le passé, le montant annuel des prélèvements (18’000 x 13 = 234’000) équivalait approximativement au montant des salaires déclarés et reversés sur le compte courant (205’913,6 + 23’200,8 = 228’514, 4), et laissait ainsi penser que les prélèvements évoqués correspondaient à une avance sur salaire, ou que, pour l’année 2016, une partie des dividendes avait servi à compenser la dette engendrée par lesdits prélèvements, et laissait ainsi penser que ceux-ci correspondaient à une avances sur dividendes, que la situation est figée à tout jamais. Le fait que A.B.__ a atteint l’âge de la retraite durant l’année 2016, ce dont le raisonnement de la caisse de compensation et des juges cantonaux ne tient pas compte, peut en soi justifier un changement de qualification des prélèvements mensuels. En effet, lorsqu’un travailleur atteint cet âge, il cesse – d’ordinaire – toute activité professionnelle. Il n’est toutefois pas impossible qu’il continue à exercer une telle activité au-delà dudit âge, sans changer son taux d’occupation ou en le diminuant, ni que l’employeur choisisse du point de vue financier de maintenir le niveau antérieur de vie de l’employé sans contre-prestation en retour, d’autant plus lorsqu’employeur et employé sont une seule et même personne qui – comme en l’espèce – est administratrice et actionnaire de la société dans laquelle elle est également salariée.

L’élément essentiel pour le paiement des cotisations sociales – ce sur quoi la juridiction cantonale ne s’est pas prononcée – est de déterminer si la prestation de l’employeur est fondée sur les rapports de travail ou si elle a été versée en raison de droits de participation (cf. ATF 145 V 50 consid. 3.2; 134 V 297 consid. 2.1; voir aussi arrêt 9C_77/2020 du 25 mars 2021 consid. 6.2 et les références).

 

En l’absence de constatations pertinentes permettant de résoudre cette question, il convient d’annuler l’arrêt entrepris et de renvoyer la cause au tribunal cantonal.

 

Le TF admet le recours de la caisse de compensation, annulant le jugement cantonal et renvoyant la cause à l’instance cantonale.

 

 

Arrêt 9C_529/2020 consultable ici

 

 

9C_86/2021 (d) du 14.06.2021 – Cotisations AVS – Avantages appréciables en argent provenant de participations de collaborateurs / Maintien de l’obligation de cotiser pour les étrangers même après qu’ils ont quitté la Suisse pour des revenus d’une activité exercée antérieurement en Suisse

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_86/2021 (d) du 14.06.2021

 

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Jurisprudence du Tribunal fédéral relative au droit des cotisations AVS, Sélection de l’OFAS – no 76 disponible ici

 

Cotisations AVS / 3 ss LAVS, 18 al. 3 LAVS, 7 let c s. RAVS

Avantages appréciables en argent provenant de participations de collaborateurs

Maintien de l’obligation de cotiser pour les étrangers même après qu’ils ont quitté la Suisse pour des revenus d’une activité exercée antérieurement en Suisse

 

Soumission proportionnelle à cotisations des avantages appréciables en argent provenant de participations de collaborateurs, conformément au droit fiscal fédéral (consid. 3.2, 6.2 s.). Maintien de l’obligation de cotiser pour les étrangers même après qu’ils ont quitté la Suisse et remboursement des cotisations en vertu de l’art. 18 al. 3 LAVS, pour des revenus d’une activité exercée antérieurement en Suisse (consid. 4).

D’avril 2009 à juillet 2014, l’assuré a travaillé pour la filiale suisse d’une société de capitaux anglaise. Durant cette période, il résidait en Suisse. Le 6 juillet 2014, il a déménagé à New York pour travailler dans la filiale établie par cette société de capitaux. Fin 2014, il a touché un bonus pour les années 2013 et 2014. En outre, à chaque mois de janvier 2015, 2016 et 2017 – immédiatement après l’expiration de chaque période de blocage – il a exercé les options de collaborateur sur des actions de la société mère. Lesdites options de collaborateur lui avaient été offertes chaque mois de janvier des années 2011, 2012, 2013 et 2014. Sur demande, la Caisse suisse de compensation (CSC) a remboursé à l’assuré les cotisations AVS versées au cours des années 2009 à 2014, par décision du 8 mai 2015. Sur la base des résultats d’un contrôle de l’employeur, le 13 juillet 2018, la CSC a requis, auprès de la filiale suisse, le versement de cotisations AVS/AI/APG, ainsi qu’à la CAF et à l’AC. La filiale suisse a fait recours contre la perception des cotisations jusqu’au Tribunal fédéral, sans succès.

Le salaire déterminant pour le calcul des cotisations comprend notamment les gratifications, les primes de fidélité et au rendement (art. 7 let. c RAVS) ainsi que les avantages appréciables en argent provenant de participations de collaborateur (art. 7 let. cbis RAVS) ; pour ces derniers, le RAVS fait expressément référence au droit fiscal fédéral, c’est-à-dire également à l’imposition proportionnelle (par rapport à la totalité de la période passée en Suisse entre l’acquisition et la naissance du droit d’exercice des options de collaborateur bloquées) conformément à l’art. 17d LIFD, dans les relations internationales. Pour la première fois, le Tribunal fédéral a décidé que les avantages appréciables en argent provenant de participations de collaborateur devaient être soumis à cotisation en Suisse proportionnellement à la durée de l’assujettissement à l’assurance durant la période de blocage (consid. 3.2, 6.2 s.).

En outre, le Tribunal fédéral a précisé que les salaires arriérés pour des activités exercées antérieurement en Suisse sont soumis à cotisations même si les employés quittent définitivement la Suisse et qu’ils ont droit au remboursement de leurs cotisations AVS (consid. 4.2).

Le Tribunal fédéral a également estimé que l’obligation de payer des cotisations en Suisse en vertu du droit des assurances sociales ne peut pas être contournée par le versement du salaire déterminant par l’intermédiaire d’une société sœur étrangère de l’employeur suisse. Bien que l’art. 7 let. c RAVS, ne se réfère pas à la législation fiscale, un bonus versé pour la période d’activité exercée en Suisse est soumis à l’obligation de cotiser en Suisse (consid. 5.1).

 

 

Arrêt 9C_86/2021 (non proposé à la publication) consultable ici

 

 

Statistique de l’AVS 2020

Statistique de l’AVS 2020

 

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En décembre 2020, 2’438’800 personnes ont perçu, en Suisse ou à l’étranger, des rentes de vieillesse et 201’100, des rentes de survivants. Par rapport à l’exercice précédent, le nombre de bénéficiaires de rentes de vieillesse a augmenté de 1,5%, soit 35’000 personnes. Dans 6’800 cas, ces rentes ont été versées à des assurés résidant à l’étranger. Les cotisations des assurés représentaient 34,1 milliards de francs en 2020. La Confédération, deuxième source de financement en importance, a versé 9,3 milliards de francs. Le point de TVA prélevé en faveur de l’AVS a rapporté quant à lui 2,9 milliards de francs.

La statistique de l’AVS offre chaque année une vue d’ensemble des prestations et des bénéficiaires de rentes de vieillesse et de survivants. Elle renseigne sur la situation, la structure et l’évolution de l’assurance. Elle présente chaque composante de l’assurance sous l’angle des personnes et des finances (état financier). La statistique de l’AVS constitue une base essentielle de l’information sur le système de protection sociale en Suisse.

 

Statistique de l’AVS 2020 consultable ici

Statistique de l‘AVS 2020 (détails) disponible ici

Analyse « Rente minimale, rente maximale et rentes plafonnées dans l’AVS » consultable ici

Analyse « Flexibilité dans l’AVS : anticipation et ajournement » consultable ici

Analyse « Les principaux effets de la 10ème révision de l’AVS » consultable ici

 

 

 

9C_139/2020 (f) du 10.02.2021 – Rémunérations versées par une entreprise suisse à une société sous-traitante sise au Portugal – Paiement des cotisations sociales à la charge de l’entreprise helvétique / 12 Règl. (CE) n° 883/2004 –13 Règl. (CE) n° 883/2004

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_139/2020 (f) du 10.02.2021

 

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Rémunérations versées par une entreprise suisse à une société sous-traitante sise au Portugal – Paiement des cotisations sociales à la charge de l’entreprise helvétique / 12 Règl. (CE) n° 883/2004 –13 Règl. (CE) n° 883/2004

 

 

A.__ SA (ci-après: la société), ayant pour but notamment l’étude et la réalisation d’installations frigorifiques, de climatisation, de ventilation et de pompes à chaleur, a été inscrite au Registre du commerce genevois en 1999. Son administrateur est C.__. La société a été affiliée en tant qu’employeur à la Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après: la caisse de compensation) en mai 1999.

A la suite d’un contrôle d’employeur effectué auprès de la société le 13.09.2017, la caisse de compensation a constaté que celle-ci avait rémunéré la société portugaise D.__ pour des travaux de sous-traitance en Suisse durant les années 2013, 2014 et 2016. Elle a invité A.__ SA à lui transmettre des attestations A1 relatives à la législation applicable en matière de sécurité sociale dans l’Union européenne, tant pour la société portugaise que pour les salariés détachés du Portugal en Suisse pour l’exécution des travaux. Par décisions, confirmées sur opposition, la caisse de compensation a réclamé à la société les cotisations AVS/AI/APG/AC/AMat et les contributions aux allocations familiales dues pour les années 2013, 2014 et 2016, en lien avec les montants versés à D.__. Elle a fixé le montant des reprises sur salaires à 260’325 fr. pour l’année 2013, 281’748 fr. pour 2014 et 624’510 fr. pour 2016. Ces montants conduisaient à des factures complémentaires de 46’137 fr. 85 pour 2013, 42’690 fr. 30 pour 2014, et 100’123 fr. 05 pour 2016.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1135/2019 – consultable ici)

La juridiction cantonale a constaté que la société avait sous-traité divers travaux, en 2013, 2014 et 2016, à D.__, une entreprise sise au Portugal, et que des employés de celle-ci étaient venus travailler en Suisse. Dans la mesure où la société ne s’était pas souciée de la situation en matière d’assurances sociales de la société portugaise et n’avait pas produit une copie de l’attestation A1 émise par l’organisme de sécurité sociale portugais compétent confirmant la soumission des employés de cette société aux assurances sociales portugaises, les juges cantonaux ont considéré que l’activité déployée par l’entreprise sous-traitante portugaise en Suisse devait être analysée sous l’angle du droit suisse, conformément à la règle posée par l’art. 11 par. 3 let. a du règlement n° 883/2004. Après avoir constaté que le risque économique avait été encouru par la société pour les travaux effectués par les ouvriers portugais sur divers chantiers qu’elle devait terminer, et que rien ne laissait penser que D.__ aurait été très libre dans son organisation, la juridiction cantonale est parvenue à la conclusion que les travailleurs portugais avaient exercé une activité dépendante pour le compte de la société. Au vu de l’absence d’éléments tangibles de preuve sur le nombre d’employés de D.__ venus travailler en Suisse et sur le matériel prétendument fourni par celle-ci et ses frais de fonctionnement, la cour cantonale a considéré que l’intégralité des sommes versées par la société à la société portugaise devait être considérée comme du salaire soumis à cotisations, de sorte qu’elle a confirmé le montant des arriérés de cotisations réclamés par la caisse de compensation.

Par jugement du 10.12.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal, renvoyant la cause à la caisse de compensation pour examen de la demande de remise de la société puis décision sur cette question

 

TF

Au regard du caractère transfrontalier des faits déterminants, il est incontesté que le litige doit être résolu à la lumière des dispositions de droit européen auquel renvoie l’annexe II de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681), à savoir en particulier le Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RS 0.831.109.268.1; ci-après: règlement n° 883/2004) et son règlement d’exécution, le Règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RS 0.831.109.268.11; ci-après: règlement n° 987/2009), applicables pour la Suisse dès le 1er avril 2012 (ATF 143 V 81 consid. 5 p. 86).

 

Contrairement à ce que soutient d’abord la société, « tous les critères de rattachement » ne permettent pas, en l’espèce, d’établir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que « le lieu d’exercice de l’activité salariée des employés de la société [portugaise] était bien au Portugal », et donc qu’ils étaient demeurés assujettis au régime de sécurité sociale portugais.

Sous l’angle d’abord de l’art. 12 du règlement n° 883/2004, qui énonce les règles particulières applicables en cas de détachement de travailleurs, on constate qu’aucune copie de l’attestation A1, qui aurait été émise par l’organisme de sécurité sociale portugais compétent confirmant la soumission des employés aux assurances sociales portugaises, ne figure au dossier, alors que la société n’a fourni aucune information sur l’identité des ressortissants portugais avec lesquels elle a convenu d’une sous-traitance et ayant travaillé sur ses chantiers, ni sur la situation de la société portugaise et de ses employés en matière d’assurances sociales. Quoi qu’en dise la société, le fait qu’il appartenait en principe à la société portugaise ou aux travailleurs venant du Portugal de requérir l’attestation A1 auprès des autorités portugaises dans une situation de détachement (cf. art. 19 par. 2 du règlement n° 987/2009), et non pas à elle, n’est pas déterminant en l’espèce. Dans un premier temps, la caisse de compensation n’a certes procédé à aucune vérification à cet égard dans le cadre de la coopération prévue par l’art. 76 du règlement n° 883/2004, en se limitant à indiquer à la société que les reprises étaient justifiées puisque A.__ SA n’avait pas produit l’attestation A1. En procédure cantonale, elle a toutefois pris des renseignements par le biais de l’OFAS. Celui-ci a indiqué, après avoir entrepris les vérifications nécessaires auprès des autorités portugaises compétentes, qu’aucune attestation A1 n’avait été émise pour un employeur du nom de D.__. L’éventualité du détachement de travailleurs portugais au sens de l’art. 12 du règlement n° 883/2004 ne saurait dès lors être admise.

 

S’agissant ensuite de l’éventualité prévue par l’art. 13 par. 1 let. a du règlement n° 883/2004, selon lequel la personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs Etats membres est soumise à la législation de l’Etat membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet Etat membre, auquel se réfère la société, elle n’est pas non plus établie au degré de la vraisemblance prépondérante. A l’inverse de ce que soutient A.__ SA, l’affirmation selon laquelle la société portugaise aurait maintenu les moyens nécessaires à l’exercice de son activité au Portugal pendant que « ses deux seuls et uniques employés » se trouvaient en Suisse, ne suffit pas pour établir que les intéressés étaient soumis à la législation de leur Etat de résidence au sens de la disposition de droit européen.

Tout au long de la procédure administrative et de première instance, la société n’a apporté aucun indice ou élément tangible qui aurait rendu vraisemblable que les deux ressortissants portugais – dont elle a admis la présence sur ses propres chantiers – auraient exercé leur activité également dans leur Etat de résidence. Se limitant à alléguer qu’elle avait traité avec la société portugaise en question, dont les « deux seuls et uniques employés » auraient travaillé avec elle, elle n’a produit aucune pièce ni donné aucune indication qui auraient permis d’identifier ces personnes, voire les responsables de D.__.

Dans ces circonstances, en l’absence de toute indication concrète sur l’identité des ressortissants portugais en cause, une instruction complémentaire à cet égard n’aboutirait à aucun résultat effectif, de sorte que la société doit se laisser opposer le fait que l’allégation d’une activité également exercée par les travailleurs en cause au Portugal au sens de l’art. 13 par. 1 du règlement n° 883/2004 n’est pas établie. A ce sujet, elle invoque en vain avoir ignoré devoir « entreprendre des démarches, pour des employés d’une autre entreprise ». En tant que société active dans le domaine de la construction et du second-œuvre, elle ne saurait ignorer les obligations qui lui incombent en matière de sous-traitance à un prestataire de services étranger (cf. en particulier l’art. 8c de l’ordonnance du 21 mai 2003 sur les travailleurs détachés en Suisse [Odét; RS 823.01], selon lequel le devoir de diligence de l’entrepreneur contractant lui impose de prendre les dispositions contractuelles et organisationnelles nécessaires afin d’être en mesure d’exiger des sous-traitants censés effectuer des travaux dans le cadre ou à la fin de la chaîne contractuelle qu’ils démontrent leur respect des conditions minimales de salaire et de travail).

En conséquence de ce qui précède, c’est à bon droit que les juges cantonaux ont admis que la situation devait être résolue en appliquant le principe général de l’art. 11 par. 3 let. a du règlement n° 883/2004, selon lequel la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un Etat membre est soumise à la législation de cet Etat membre, et donc, que le droit suisse était applicable.

 

La société allègue finalement, à titre subsidiaire, que même à considérer que le droit suisse est applicable en l’espèce, les rémunérations qu’elle a versées à D.__ comprenaient, en sus des salaires, d’autres frais encourus par la société portugaise (frais liés au déplacement depuis le Portugal, à l’hébergement et à la nourriture pendant la durée de l’exécution des travaux, ainsi qu’au matériel nécessaire à l’exécution du contrat de sous-traitance, charges sociales portugaises et marge de la société portugaise). En se référant aux salaires prévus par la CCT métallurgie GE, elle considère que les reprises sur salaires ne pouvaient porter que sur une somme de 80’000 fr. en 2013, 120’000 fr. en 2014 et 192’000 fr. en 2016.

L’argumentation subsidiaire de la société ne peut pas être suivie. En l’occurrence, A.__ SA a transmis à la caisse de compensation diverses factures libellées au nom de la société portugaise. Dans chacune d’elles, il est fait mention d’un montant total correspondant au travail effectué en Suisse (« várias tarefas de instalação ne Suiça »), sans aucune autre précision. En ce qu’elle se contente d’affirmer qu’en considérant que le montant total des factures constitue du salaire, « on arrive à des salaires astronomiques et fant[ai]sistes », qui ne correspondent pas à la réalité du marché, et que seuls deux travailleurs seraient venus travailler sur divers de ses chantiers en Suisse, la société n’établit pas que les montants facturés comprendraient des éléments autres que les salaires. L’indication du nombre de travailleurs ne figure par ailleurs que dans trois factures (soit, deux travailleurs pour les mois de mars et avril 2014, respectivement un travailleur pour les mois de mai à juillet et août à novembre 2014), si bien que l’on ne saurait reprocher à la cour cantonale d’avoir considéré qu’il n’était pas établi « au vu des sommes en jeu » que seuls deux employés au maximum avaient travaillé en Suisse sur les chantiers de la société. Compte tenu de son devoir de collaborer à l’instruction, il incombait à la société de démontrer, au degré de la vraisemblance prépondérante, que les montants versés comprenaient également d’autres frais que les salaires. Partant, faute d’éléments tangibles de preuve sur le nombre d’employés venus travailler en Suisse et sur le matériel prétendument fourni par la société portugaise sous-traitante et ses frais de fonctionnement, c’est à bon droit et sans arbitraire que la juridiction cantonale a considéré que l’intégralité des sommes versées par la société aux personnes (non identifiées) ayant signé les factures devait être considérée comme du salaire soumis à cotisations.

 

Le TF rejette le recours de la société.

 

 

Arrêt 9C_139/2020 consultable ici

 

 

8C_226/2019 (f) du 15.11.2019 – Restitution de prestations indûment touchées – Condition de l’importance notable – 25 LPGA – 95 LACI / Notion du salaire pris en considération comme gain assuré – Indemnités de trajet – 23 al. 1 LACI / Frais de déplacement au sens des art. 5 al. 2 LAVS et 9 al. 2 RAVS / Délai d’attente – 18 al. 1bis LACI – 6a al. 3 OACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_226/2019 (f) du 15.11.2019

 

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Restitution de prestations indûment touchées – Condition de l’importance notable / 25 LPGA – 95 LACI

Notion du salaire pris en considération comme gain assuré – Indemnités de trajet / 23 al. 1 LACI

Frais de déplacement au sens des art. 5 al. 2 LAVS et 9 al. 2 RAVS

Délai d’attente / 18 al. 1bis LACI – 6a al. 3 OACI

 

Assurée, née en 1973, mère de deux enfants, a occupé un poste de maître opticien pour B.__ SA à un taux d’activité de 50%, puis de 60%, du 01.09.2014 au 31.12.2017, date à laquelle a pris effet son licenciement. En parallèle, elle travaillait comme opticienne diplômée auprès de C.__ Sàrl à raison de quelques heures par mois. Pour cette activité, elle percevait, en sus de son salaire horaire, une indemnité de 65 fr. « par trajet », sur laquelle étaient également prélevées les cotisations sociales usuelles.

Le 04.12.2017, en raison de la perte de son activité principale, l’assurée s’est inscrite à l’office régional de placement, en indiquant être disposée à travailler à un taux d’activité de 60%. Elle a requis une indemnité de chômage à partir du 01.01.2018.

Selon un décompte de prestations du 14.02.2018, la caisse de chômage a alloué à l’assurée une indemnité nette de 3319 fr. 15 pour le mois de janvier 2018, en tenant compte d’un gain assuré de 4724 fr. et d’un gain intermédiaire brut de 375 fr. Le 05.03.2018, elle a transmis à l’assurée un nouveau décompte, rectifiant le précédent en ce sens que l’indemnité nette était fixée à 2498 fr. 70, compte tenu d’un gain assuré de 4827 fr., d’un gain intermédiaire brut de 505 fr. et d’un délai d’attente de cinq jours.

Par décision du 15.03.2018, confirmée sur opposition, la caisse de chômage a réclamé à l’assurée la restitution de 820 fr. 45, correspondant aux indemnités versées en trop pour le mois de janvier. La caisse de chômage a expliqué qu’elle avait omis dans un premier temps de prendre en compte les indemnités de trajet dans le calcul du gain assuré. Après rectification, le gain assuré mensuel avait été fixé à 5096 fr. par mois. Le gain assuré passant de 4988 fr. à 5096 fr., cela génère un délai d’attente de cinq indemnités journalières. Comme l’assurée avait cotisé sur la base d’un taux d’activité de 63,35% (60% auprès de B.__ SA et 3,35% auprès de C.__ Sàrl) et recherchait une activité à un taux de 60%, le gain assuré devait être réduit proportionnellement conformément à la perte de travail à prendre en considération. Aussi la caisse de chômage parvenait-elle à un résultat (arrondi) de 4827 fr. (5096 / 63,35 x 60).

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 96/18 – 28/2019 – consultable ici)

Pour la cour cantonale, les indemnités de trajet ne devaient pas être prises en compte dans le calcul du gain assuré. En effet, pour autant qu’ils ne soient pas versés durant les vacances, les suppléments pour inconvénients de service ne devaient pas être considérés comme un revenu déterminant pour le calcul du gain assuré. Comme l’indemnité de trajet n’était en l’espèce pas versée pendant les vacances, elle ne devait pas faire partie du gain assuré. Il en allait de même si on la considérait comme une indemnité de frais. En définitive, de l’avis de la cour cantonale, le premier décompte ne prêtait pas le flanc à la critique, de sorte que les prestations allouées sur cette base n’étaient pas indues. Les conditions d’une restitution de prestations n’étaient donc pas réalisées.

Par jugement du 19.02.2019, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 25 al. 1 LPGA, auquel renvoie l’art. 95 al. 1 LACI, les prestations indûment touchées doivent être restituées (première phrase). L’obligation de restituer suppose que soient réunies les conditions d’une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) ou d’une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA; caractère sans nul doute erroné de la décision et importance notable de la rectification) de la décision par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 142 V 259 consid. 3.2 p. 260; 138 V 426 consid. 5.2.1 p. 431; 130 V 318 consid. 5.2 p. 320 et les références).

 

Selon l’art. 23 al. 1, 1ère phrase, LACI, est réputé gain assuré le salaire déterminant au sens de la législation sur l’AVS qui est obtenu normalement au cours d’un ou de plusieurs rapports de travail durant une période de référence, y compris les allocations régulièrement versées et convenues contractuellement, dans la mesure où elles ne sont pas des indemnités pour inconvénients liés à l’exécution du travail.

Le salaire pris en considération comme gain assuré se rapproche de la notion de salaire déterminant au sens de l’art. 5 al. 2 LAVS, mais ne se recouvre pas exactement avec celui-ci, comme cela ressort du terme « normalement » (« normalerweise » ; « normalmente ») utilisé à l’art. 23 al. 1 LACI (arrêt 8C_479/2014 du 3 juillet 2015 consid. 3.2; BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 8 ad art. 23 LACI). Certains montants perçus par le salarié, certes soumis à cotisation, n’entrent pas dans la fixation du gain assuré. Il en va ainsi notamment de la rémunération des heures supplémentaires (ATF 129 V 105), de l’indemnité de vacances (à certaines conditions: ATF 130 V 492 consid. 4.2.4 p. 497), des gains accessoires (art. 23 al. 3 LACI; ATF 126 V 207) ou des indemnités pour inconvénients liés aux travail ou en raison de frais occasionnés par le travail (art. 23 al. 1, première phrase, LACI; arrêts 8C_72/2015 du 14 décembre 2015; C 118/87 du 2 mai 1988).

 

Selon la législation sur l’AVS, à laquelle renvoie l’art. 23 al. 1 LACI, le salaire déterminant comprend toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé; il englobe les allocations de renchérissement et autres suppléments de salaire, les commissions, les gratifications, les prestations en nature, les indemnités de vacances ou pour jours fériés et autres prestations analogues, ainsi que les pourboires, s’ils représentent un élément important de la rémunération du travail (art. 5 al. 2 LAVS). L’art. 9 al. 1 RAVS exclut du salaire déterminant le dédommagement pour les frais généraux encourus, à savoir les dépenses résultant pour le salarié de l’exécution de ses travaux. Selon l’art. 9 al. 2 RAVS, ne font pas partie des frais généraux les indemnités accordées régulièrement pour le déplacement du domicile au lieu de travail habituel et pour les repas courants pris au domicile ou au lieu de travail habituel; ces indemnités font en principe partie du salaire déterminant.

Les frais de déplacement au sens de l’art. 9 al. 2 RAVS concernent uniquement le déplacement du domicile au lieu de travail habituel. Une indemnité visant à compenser les déplacements professionnels à partir du siège de l’employeur et à dédommager les collaborateurs pour les inconvénients découlant d’une dépréciation accrue des voitures privées utilisées sur des chantiers ne tombe pas sous le coup de cette disposition et ne fait donc pas partie du salaire déterminant (cf. arrêt 8C_964/2012 du 16 septembre 2013 consid. 4.3.2; voir aussi arrêt 8C_310/2018 du 18 décembre 2018 consid. 7.4 à propos d’une indemnité servant notamment à couvrir les frais supplémentaires subis par le travailleur en raison des déplacements de l’atelier aux chantiers).

 

En l’espèce, l’indemnité de trajet était de 65 fr. par jour travaillé et n’était pas versée pendant les vacances. Le jugement attaqué ne donne pas davantage d’indications sur le trajet visé par l’indemnité. Il est toutefois constant que l’indemnité avait trait au déplacement entre le domicile de l’assurée et son lieu de travail. Partant, sur le plan de l’AVS, l’indemnité de trajet versée par l’employeur de l’assurée pour les jours travaillés fait sans conteste partie du salaire déterminant, en vertu de l’art. 9 al. 2 RAVS.

S’il est vrai que le gain assuré en matière d’assurance-chômage ne se recouvre pas exactement avec le salaire déterminant en matière d’AVS, l’ancien Tribunal fédéral des assurances a toutefois exclu du gain assuré par l’assurance-chômage des indemnités pour des repas qui ne tombaient pas sous le coup de l’art. 9 al. 2 RAVS (arrêt C 220/00 du 3 mai 2001 consid. 3c). Par la suite, le Tribunal fédéral a tenu un raisonnement comparable en ce qui concernait une allocation en remboursement de frais fixes incluant le remboursement de frais de véhicule, laquelle n’entrait pas non plus dans le champ d’application de l’art. 9 al. 2 RAVS (arrêt 8C_290/2014 du 20 mars 2015 consid. 3). A contrario, si les frais de déplacements (ou de repas) tombent sous le coup de l’art. 9 al. 2 RAVS – comme en l’espèce -, leur dédommagement doit en principe être pris en compte dans le calcul du gain assuré par l’assurance-chômage, conformément à la règle générale de l’art. 23 al. 1, 1ère phrase, LACI. A cela s’ajoute que l’indemnité de trajet en cause peut être considérée comme du salaire normalement obtenu dans la mesure où elle est allouée d’emblée pour chaque jour travaillé. En outre, elle n’a pas pour objet de compenser des inconvénients liés à l’exécution du travail, au sens de l’art. 23 al. 1 LACI. En effet, les frais de déplacement du domicile au lieu de travail ne sont pas liés à l’exécution du travail qui incombe à l’assurée. Par conséquent, l’absence de versement de l’indemnité pendant les vacances, sur laquelle s’est fondée la cour cantonale, ne constitue pas un critère pertinent en l’espèce (sur l’utilité de ce critère cf. arrêts 8C_72/2015 du 14 décembre 2015 consid. 4.3; 8C_370/2008 du 29 août 2009 consid. 3.2). La juridiction cantonale ne pouvait donc pas exclure l’indemnité de trajet du gain assuré.

 

En ce qui concerne enfin le délai d’attente, c’est à juste titre que la caisse de chômage l’a fixé en tenant compte du gain assuré « non réduit ». En effet, la réduction proportionnelle de l’indemnité de chômage visait à tenir compte de la perte de travail partielle. En revanche, le point de savoir si un assuré doit ou non être soumis à un délai d’attente s’apprécie indépendamment de la perte de travail à prendre en considération. Le Conseil fédéral a exempté certains groupes d’assurés du délai d’attente – notamment les assurés qui ont une obligation d’entretien envers des enfants de moins de 25 ans et dont le gain assuré se situe en dessous de 60’000 fr. par an – afin d’éviter des cas de rigueur (art. 18 al. 1bis LACI en relation avec l’art. 6a al. 3 OACI). Si, dans ce contexte, l’on pouvait tenir compte d’un gain assuré réduit en fonction de la perte de travail à prendre en considération, les assurés dont la perte de travail n’est que partielle seraient privilégiés par rapport à ceux dont la perte est totale. Par exemple, dans le cas d’espèce, l’assurée serait exemptée du délai d’attente (4827 fr. x 12), alors qu’elle y serait soumise si elle avait perdu ses deux emplois (5096 fr. x 12).

 

En conclusion, la caisse de chômage était fondée à rectifier son décompte de prestations et à demander la restitution des prestations versées en trop en raison de son erreur de calcul du gain assuré. Quant à la condition de l’importance notable, elle est remplie en l’espèce, dès lors que la somme de 820 fr. 45 réclamée représente près d’un tiers de l’indemnité de janvier 2018 (sur laquelle porte l’obligation de restitution) et que la caisse de chômage s’est rapidement rendu compte de son erreur (cf. arrêt C 205/00 du 8 octobre 2002 consid. 5, non publié in ATF 129 V 110 et les arrêts cités; voir aussi MARGIT MOSER-SZELESS, in Commentaire romand, Loi sur la partie générales des assurances sociales, 2018, n° 84 ad art. 53 LPGA).

 

Le TF admet le recours du SECO, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition de la caisse de chômage.

 

 

Arrêt 8C_226/2019 consultable ici