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8C_85/2023 (f) du 16.09.2024 – Rente transitoire – 19 LAA – 30 OLAA / Indexation du revenu sans invalidité [cf. mon commentaire] / Assistance judiciaire – 64 LTF

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_85/2023 (f) du 16.09.2024

 

Consultable ici

 

Rente transitoire / 19 LAA – 30 OLAA

Indexation du revenu sans invalidité [cf. mon commentaire] / 16 LPGA

Jurisprudence de l’AI pour les assuré-e-s de plus de 55 ans pas pertinente en LAA

Indemnité pour atteinte à l’intégrité – Aggravation future (arthrodèse) / 24 LAA – 25 LAA – 36 OLAA

Assistance judiciaire – Ressources financières (fortune) du recourant / 64 LTF

 

Assuré, né en 1965, maçon-coffreur, victime d’un accident le 15.02.2017 : alors qu’il était en train de coffrer un mur, il a chuté d’une échelle à 2 mètres de hauteur. L’accident s’est soldé par une fracture ouverte du tibia distal gauche de grade 2, traitée chirurgicalement à plusieurs reprises.

Dès le 01.02.2018, l’office AI a reconnu le droit de l’assuré à une rente d’invalidité entière.

Le 26.05.2021, l’assurance-accidents a informé l’assuré qu’elle mettrait fin au paiement des soins médicaux et de l’indemnité journalière avec effet au 01.06.2021. Par décision du 24 juin 2021, confirmée sur opposition le 18 octobre 2021, elle a constaté que l’assuré ne remplissait pas les critères établis par l’assurance-invalidité pour ouvrir le droit à des mesures professionnelles et, par conséquent, à une rente d’invalidité transitoire. Elle a également nié le droit de l’assuré à une rente d’invalidité, étant donné que la comparaison des revenus de valide et d’invalide ne laissait qu’apparaître une perte économique de 7%. En revanche, elle lui a octroyé une IPAI d’un taux de 15%.

Dans son projet de décision du 08.09.2022, l’office AI a prévu de continuer le versement de la rente d’invalidité, notamment en raison de l’âge de l’assuré (plus de 55 ans) nécessitant au préalable la mise en œuvre de mesures de réadaptation, avant qu’une réduction ou une suppression de la rente d’invalidité soit effectuée.

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2021 227 – consultable ici)

Par jugement du 15.09.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.5
En procédure devant le Tribunal fédéral, l’assuré s’en prend également au revenu de valide. En se référant au revenu fixé par l’OAI, il estime que celui-ci serait au moins de 81’444 fr., puisqu’il s’agirait du revenu réalisable en 2016 et que le revenu d’invalide aurait été indexé jusqu’en 2021.

Consid. 3.6
Pour déterminer le revenu de valide de 74’243 fr., l’assurance-accidents s’est fondée sur les informations remises par l’ancien employeur de l’assuré, et en particulier sur le salaire horaire de base pour 2020 (32 fr. 45) qu’elle a multiplié par les heures de travail conventionnelles annuelles (2112) puis par 8,33% pour le 13e salaire. En revanche, s’agissant du revenu d’invalide, l’assurance-accidents l’a indexé pour 2019 (x 0,9%) et 2020 (0,8%) et, pour l’année 2021, elle a tenu compte d’une « estimation trimestrielle de l’indexation actuelle », soit de 0,5%. Dans la mesure où il s’agit toutefois d’une simple estimation provisoire et que l’indexation, à ce moment-là, n’était pas établie au degré de la vraisemblance prépondérante (cf. ATF 144 V 427 consid. 4.3 [ndr : la référence est erronée]), il n’y a pas lieu d’en tenir compte. Cela étant, cette modification n’est pas de nature à changer l’issue du recours, l’incapacité de gain résultant de la comparaison des revenus étant inférieur à 10% (cf. art. 18 al. 1 LAA).

En outre, l’assuré ne démontre pas en quoi le revenu de valide fixé par l’OAI à 81’444 fr. sur la base du revenu en 2016 serait davantage pertinent. On observera dans ce contexte que l’OAI semble avoir considéré à tort que le revenu inscrit au compte AVS individuel de l’assuré en 2016 avait été réalisé sur 9 mois plutôt que sur 10 mois.

 

Consid. 4.1.1
Selon l’art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme; le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente. Le Conseil fédéral édicte des prescriptions détaillées sur la naissance du droit aux rentes lorsque l’on ne peut plus attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré, mais que la décision de l’assurance-invalidité quant à la réadaptation professionnelle intervient plus tard (art. 19 al. 3 LAA).

En se fondant sur cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a adopté l’art. 30 OLAA  qui, sous le titre « Rente transitoire », prévoit à son alinéa premier que lorsque l’on ne peut plus attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré, mais que la décision de l’assurance-invalidité concernant la réadaptation professionnelle n’interviendra que plus tard, une rente sera provisoirement allouée dès la fin du traitement médical; cette rente est calculée sur la base de l’incapacité de gain existant à ce moment-là; le droit s’éteint dès la naissance du droit à une indemnité journalière de l’assurance-invalidité (let. a), avec la décision négative de l’assurance-invalidité concernant la réadaptation professionnelle (let. b) ou avec la fixation de la rente définitive (let. c).

Consid. 4.1.2
Selon la jurisprudence applicable en assurance-invalidité, il existe des situations dans lesquelles il convient d’admettre que des mesures d’ordre professionnel sont nécessaires, malgré l’existence d’une capacité de travail médico-théorique. Il s’agit des cas dans lesquels la réduction ou la suppression, par révision (art. 17 al. 1 LPGA) ou reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA), du droit à la rente concerne une personne assurée qui est âgée de 55 ans révolus ou qui a bénéficié d’une rente pendant quinze ans au moins. Cette jurisprudence, qui est également applicable lorsque l’on statue sur la limitation et/ou l’échelonnement en même temps que sur l’octroi de la rente (ATF 145 V 209 consid. 5), ne signifie pas que la personne assurée peut se prévaloir d’un droit acquis; il est seulement admis qu’une réadaptation par soi-même ne peut pas, sauf exception, être exigée d’elle en raison de son âge ou de la durée du versement de la rente. Dans de telles situations, l’office de l’assurance-invalidité doit vérifier dans quelle mesure l’assuré a besoin de la mise en œuvre de mesures d’ordre professionnel, même si celui-ci a recouvré une capacité de travail et indépendamment du taux d’invalidité qui subsiste (arrêts 9C_670/2021 du 26 octobre 2022 consid. 4.1; 8C_50/2022 du 11 août 2022 consid. 4.1; 9C_276/2020 du 18 décembre 2020 consid. 6 et les arrêts cités).

Consid. 4.2
L’assuré invoque une violation des art. 19 LAA et 16 LPGA en tant que la cour cantonale aurait nié l’application de la jurisprudence précitée en matière d’assurance-accidents. Selon lui, si on imputait aux assurés âgés de plus de 55 ans un revenu exigible alors même qu’ils n’ont pas encore bénéficié des mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité, on rendrait les art. 19 al. 3 LAA et 30 OLAA lettres mortes pour cette catégorie d’assurés.

Consid. 4.3.1
L’allocation d’une rente transitoire au sens de l’art. 30 OLAA a pour but d’indemniser l’assuré de sa perte de gain avant l’octroi de mesures de réadaptation professionnelle de l’assurance-invalidité, qui pourraient modifier le degré d’invalidité fondant la rente de l’assurance-accidents. Elle n’entre en considération que si les mesures de réadaptation sont en lien avec une atteinte à la santé d’origine accidentelle (arrêt 8C_892/2015 du 29 avril 2016 consid. 4.1; PHILIPP GEERTSEN, in: Hürzeler/Kieser [édit.], Kommentar zum Schweizerischen Sozialversicherungsrecht, UVG, Bundesgesetz über die Unfallversicherung, 2018, no 30 ad art. 19 LAA; JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire, in: Meyer [édit.], SBVR, Vol. XIV, Soziale Sicherheit – Sécurité sociale, 3ème éd. 2015, no 260 p. 985). La rente transitoire est fixée, comme la rente ordinaire ou « définitive », en fonction d’une comparaison de revenus. Toutefois, comme l’évaluation intervient avant l’exécution de mesures de réadaptation, seule entre en considération, à ce stade, l’activité qui peut être raisonnablement exigée de la part d’un assuré n’ayant pas encore bénéficié d’une telle mesure, compte tenu d’un marché du travail équilibré. Pour le surplus, la méthode d’évaluation de l’invalidité est identique (ATF 139 V 514 consid. 2.3; GEERTSEN, op. cit., no 37 ad art. 19 LAA; FRÉSARD/MOSER-SZELESS, no 260 p. 985).

Consid. 4.3.2
Dans le domaine de l’assurance-accidents, l’art. 28 al. 4 OLAA prescrit de prendre en considération, pour évaluer le degré d’invalidité d’un assuré qui n’a pas repris d’activité lucrative après l’accident en raison de son âge, ou dont la diminution de la capacité de gain est due essentiellement à son âge avancé, les revenus que pourrait réaliser un assuré d’âge moyen dont la santé aurait subi une atteinte de même gravité.

Consid. 4.3.3
En l’espèce, l’OAI envisage l’allocation de mesures de réadaptation professionnelle parce que l’assuré, dont la suppression de la rente de l’assurance-invalidité est envisagée, est âgé de plus de 55 ans. La jurisprudence considère en effet que sauf cas particulier, son âge l’empêche de mettre en valeur sa capacité résiduelle de gain sans mesure de réadaptation professionnelle (cf. consid. 4.1.2 supra). Cette considération n’est toutefois pas pertinente dans le contexte d’une comparaison de revenus pour fixer le droit à la rente de l’assurance-accidents, compte tenu de l’art. 28 al. 4 OLAA, qu’il s’agisse d’une rente transitoire ou d’une rente ordinaire « définitive » (dans ce sens également, arrêt 8C_212/2017 du 1er février 2018 consid. 4.3 et les références). Il s’ensuit que l’assurance-accidents et les juges cantonaux étaient en droit de procéder à une comparaison de revenu en prenant en considération la capacité résiduelle de travail de l’assuré dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, sans égard au fait que des mesures de réadaptation étaient envisagées par l’assurance-invalidité en raison de son âge. Dès lors que le taux d’invalidité résultant de cette comparaison est inférieur à 10%, il n’ouvre droit ni à une rente transitoire, ni à une rente ordinaire « définitive ».

 

Consid. 5.1
L’atteinte à l’intégrité au sens de l’art. 24 al. 1 LAA consiste généralement en un déficit corporel (anatomique ou fonctionnel) mental ou psychique. La gravité de l’atteinte, dont dépend le montant de l’indemnité, se détermine uniquement d’après les constatations médicales. L’évaluation incombe donc avant tout aux médecins qui doivent, d’une part, constater objectivement quelles limitations subit l’assuré et, d’autre part, estimer l’atteinte à l’intégrité en résultant (arrêt 8C_656/2022 du 5 juin 2022 consid. 3.4 et les références citées).

Consid. 5.2
Pour déterminer l’IPAI, les juges cantonaux se sont fondés sur l’appréciation médicale de la médecin-conseil. Dans son rapport du 08.07.2019, cette spécialiste a indiqué que son estimation se basait sur la table 5 des barèmes d’indemnisation pour atteinte à l’intégrité selon la LAA pour une arthrose talo-crurale de la cheville gauche et une mobilité réduite en flexion/extension à 15-0-0°, par analogie à une arthrose tibio-tarsienne de la cheville gauche de degré moyen à grave, soit 15%. Elle a ajouté que cette estimation se fondait sur l’appréciation actuelle et le scanner du 27.05.2019 et qu’elle devra être modifiée en cas d’aggravation.

Consid. 5.3
L’assuré conteste cette appréciation en faisant valoir qu’elle ne tiendrait pas compte de l’aggravation qui serait établie par le fait qu’une arthrodèse serait proposé par les spécialistes. Il estime que le dossier présente des lacunes et que les juges cantonaux auraient substitué leur propre appréciation à celle des médecins.

Consid. 5.4
Si une arthrodèse a été proposée à l’assuré, ce n’est pas parce que l’état de sa cheville gauche s’était aggravé, mais dans un but thérapeutique afin de soulager ses douleurs. Après un examen complet des rapports médicaux pertinents, la cour cantonale a conclu à bon droit qu’une aggravation de l’état du pied gauche n’avait pas pu être objectivée, malgré les nombreux examens qui avaient été effectués à la CRR, notamment un ENMG, un SPECT-CT ainsi que des radiographies du pied et de la cheville gauches. En l’absence d’un avis médical contraire, c’est aussi à juste titre, qu’elle s’est fondée sur l’appréciation de la médecin-conseil pour fixer l’IPAI à 15%, sans qu’il fût nécessaire d’administrer des preuves supplémentaires (cf. ATF 148 V 356 consid. 7.4 sur l’appréciation anticipée des preuves).

 

Consid. 6.2.1
Aux termes de l’art. 64 al. 1 LTF, si une partie ne dispose pas de ressources suffisantes et si ses conclusions ne paraissent pas vouées à l’échec, le Tribunal fédéral la dispense, à sa demande, de payer les frais judiciaires et de fournir des sûretés en garantie des dépens. Il attribue un avocat à cette partie si la sauvegarde de ses droits le requiert (art. 64 al. 2 LTF).

Consid. 6.2.2
La condition de l’indigence est réalisée si la personne concernée ne peut assumer les frais du procès sans entamer les moyens nécessaires à son entretien et à celui de sa famille (ATF 128 I 225 consid. 2.5.1; 127 I 202 consid. 3b et les arrêts cités). Pour déterminer l’indigence, il y a lieu de tenir compte de la situation financière du requérant dans son ensemble, soit d’une part de ses charges et, d’autre part, de ses ressources effectives. Il faut également tenir compte de sa fortune, pour autant qu’elle soit disponible (ATF 144 III 531 consid. 4.1; 124 I 1 consid. 1a; 124 I 97 consid. 3a). En cas de mariage, sont pris en considération les ressources et la fortune de la conjointe ou du conjoint (ATF 115 Ia 193 consid. 3a). L’État ne peut toutefois exiger que la partie requérante utilise ses économies, si elles constituent sa « réserve de secours », laquelle s’apprécie en fonction des besoins futurs de l’indigent selon les circonstances concrètes de l’espèce, tel l’état de santé et l’âge de la partie requérante (ATF 144 III 531 consid. 4.1).

Consid. 6.2.3
En l’espèce, il ressort du questionnaire pour l’assistance judiciaire que les dépenses de l’assuré et de sa conjointe dépassent leurs revenus. Cependant, les époux disposent d’une fortune liquide de 206’764 fr., placée sur divers comptes bancaires en Suisse et à l’étranger. L’assuré ne démontre pas qu’il ne pourrait pas disposer librement de ce montant, qui dépasse largement une éventuelle « réserve de secours ». Il dispose ainsi d’une fortune suffisante et disponible pour supporter les frais judiciaires et les honoraires de l’avocat qu’il a mandaté, si bien que la condition de l’indigence n’est pas réalisée. Une des conditions cumulatives de l’octroi de l’assistance judiciaire faisant défaut, la requête d’assistance judiciaire doit être rejetée sans qu’il soit nécessaire d’en examiner les autres.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Remarques personnelles

Le raisonnement du Tribunal fédéral au considérant 3.6, selon lequel une « simple estimation provisoire » ne suffit pas pour l’indexation du revenu sans invalidité à 2021, soulève quelques interrogations.

Premièrement, il convient de noter une possible erreur de référence concernant l’ATF 144 V 427 consid. 4.3 cité. Cette décision traite de l’indemnité en cas d’insolvabilité et de la vraisemblance des créances de salaire, sans comporter de considérant 4.3. Bien que compréhensible, cette imprécision mériterait d’être clarifiée pour assurer une base jurisprudentielle solide.

La position du Tribunal fédéral sur l’insuffisance de l’estimation trimestrielle de l’Office fédéral de la statistique (OFS) pour établir l’indexation au degré de la vraisemblance prépondérante soulève des questions pratiques importantes. Il serait bénéfique que le Tribunal fédéral précise la méthodologie à suivre pour l’indexation des revenus avec et sans invalidité dans de telles circonstances, notamment lorsque les données définitives ne sont pas encore disponibles au moment de la décision.

De jurisprudence constante, la comparaison des revenus s’effectue lorsque toutes les conditions sont réalisées, notamment celles de l’art. 19 al. 1 LAA en assurance-accidents. Dans le cas jugé, l’état de santé a été considéré comme stabilisé en 2021, impliquant que les revenus avec et sans invalidité doivent refléter cette année-là. Cependant, au moment de la décision sur opposition en octobre 2021, l’indexation définitive pour 2021 n’était pas encore disponible, créant ainsi un dilemme pratique pour les organes décisionnels ou pour l’assuré dans le cadre de son recours.

Dans ce contexte, il serait particulièrement utile que le Tribunal fédéral clarifie la méthode à appliquer pour calculer les revenus avec et sans invalidité. Plusieurs options se présentent, chacune avec ses avantages et inconvénients :

  • Utiliser l’indexation définitive jusqu’en 2020 risquerait de ne pas refléter fidèlement, au sens de la vraisemblance prépondérante, la situation économique de 2021.
  • Reprendre le taux d’indexation de 2020 pour 2021 pourrait ne pas tenir compte des évolutions économiques récentes.
  • Utiliser l’estimation provisoire de l’OFS pour 2021, bien qu’imparfaite, pourrait être considérée comme la donnée la plus probante – au sens de la vraisemblance prépondérante – disponible au moment de la décision.

Il est important de rappeler que la vraisemblance prépondérante suppose que, d’un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l’exactitude d’une allégation, sans que d’autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération. Dans le cas jugé, lors de l’établissement de la décision sur opposition le 18.10.2021, l’estimation provisoire de l’OFS semblait être la meilleure approximation disponible, en l’absence d’autres données plus fiables.

En conclusion, il serait donc appréciable que le Tribunal fédéral apporte des précisions sur les modalités d’indexation à appliquer dans de telles situations, en tenant compte des contraintes pratiques et des données disponibles au moment de la décision. Une telle clarification permettrait non seulement d’assurer une plus grande sécurité juridique, mais aussi de faciliter le travail des organes d’application du droit et des tribunaux inférieurs, tout en garantissant un traitement équitable et cohérent des assurés.

 

Arrêt 8C_85/2023 consultable ici

 

 

8C_90/2024 (f) du 05.08.2024 – Rente transitoire / Jurisprudence de l’AI pour les assurés de plus de 55 ans non applicable au domaine de la LAA / Revenu d’invalide selon ESS (niv. 1) – Pas d’abattement pour la mauvaise maîtrise du français, le manque de formation professionnelle

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_90/2024 (f) du 05.08.2024

 

Consultable ici

 

Rente transitoire / 19 al. 3 LAA – 30 OLAA

Jurisprudence de l’AI pour les assurés de plus de 55 ans non applicable au domaine de la LAA

Revenu d’invalide selon ESS (niv. 1) / 16 LPGA

Pas d’abattement pour la mauvaise maîtrise du français, le manque de formation professionnelle

 

Assuré, né en 1961, ouvrier dans la construction depuis 1992. Le 02.05.2018, alors qu’il se trouvait dans une fouille de canalisation, il a été partiellement enseveli par l’effondrement d’un bord, ce qui a entraîné des fractures de l’hémi-bassin droit, de la partie droite du sacrum et de l’apophyse de L5 à droite. Le 04.06.2018, il a subi une intervention chirurgicale (stabilisation de l’anneau pelvien antérieur avec une plaque de reconstruction). En cours de traitement, l’assuré s’est également plaint de troubles urologiques, érectiles et psychiques.

Le 30.10.2018, il a déposé une demande de prestations auprès l’office AI.

Le 16.09.2021, l’assurance-accidents a informé l’assuré qu’elle considérait que sa situation était stabilisée et qu’elle mettait un terme au paiement des frais médicaux et de l’indemnité journalière au 30.11.2021. Par décision du 20.09.2021, confirmée sur opposition le 22.04.2022, elle lui a octroyé une rente fondée sur un taux d’invalidité de 15% dès le 01.12.2021 et a refusé de lui allouer une IPAI. L’assurance-accidents a notamment considéré, sur la base de l’appréciation de son médecin d’arrondissement, que compte tenu des seules atteintes (orthopédiques et neurologiques) en lien de causalité avec l’accident, l’assuré disposait d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles.

Statuant le 12.01.2023, l’office AI, constatant que l’assuré présentait une incapacité de travail totale dans toute activité professionnelle, lui a accordé une rente entière d’invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2022 89 – consultable ici)

Par jugement du 21.12.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4
Se plaignant d’une violation du droit fédéral, l’assuré reproche à la juridiction cantonale de ne pas avoir appliqué la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière d’assurance-invalidité relative aux assurés de plus de 55 ans et aux mesures d’ordre professionnel, qui conduirait à l’octroi d’une rente fondée sur un taux d’invalidité de 100%.

Consid. 4.1.1
Selon l’art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme (première phrase); le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente (seconde phrase). L’art. 19 al. 3 LAA précise que le Conseil fédéral édicte des prescriptions détaillées sur la naissance du droit aux rentes lorsque l’on ne peut plus attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré, mais que la décision de l’assurance-invalidité quant à la réadaptation professionnelle intervient plus tard. Aux termes de l’art. 30 al. 1 OLAA, lorsqu’on ne peut plus attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré, mais que la décision de l’AI concernant la réadaptation professionnelle n’interviendra que plus tard, une rente sera provisoirement allouée dès la fin du traitement médical; cette rente est calculée sur la base de l’incapacité de gain existant à ce moment-là. Le droit s’éteint: dès la naissance du droit à une indemnité journalière de l’AI (let. a); avec la décision négative de l’AI concernant la réadaptation professionnelle (let. b); avec la fixation de la rente définitive (let. c).

L’octroi d’une rente provisoire suppose notamment qu’un droit à des mesures de réadaptation professionnelle de l’AI soit sérieusement envisagé. Tel est le cas lorsque, au moment où l’assureur-accidents rend sa décision sur opposition, l’AI n’a pas encore statué de manière définitive sur des mesures de réadaptation professionnelle qui sont en cours d’examen (arrêt 8C_347/2014 du 15 octobre 2014 consid. 3.2; THOMAS FLÜCKIGER, in: Frésard-Fellay/Leuzinger/Pärli [éd.], Basler Kommentar, Unfallversicherungsgesetz, 2019, n° 52 ad art. 19 LAA). Par ailleurs, la décision de l’AI à venir doit porter sur des mesures qui sont de nature à influencer le taux d’invalidité déterminant pour la rente de l’assurance-accidents (arrêts 8C_424/2023 du 21 février 2024 consid. 5.2; 8C_374/2021 du 13 août 2021 consid. 4.3.1 et les références; THOMAS FLÜCKIGER, op. cit., n°18 et 53 ad art. 19 LAA).

Consid. 4.1.2
Selon la jurisprudence applicable en assurance-invalidité (cf. arrêts 9C_177/2023 du 26 mars 2024 consid. 6.2; 9C_303/2022 du 31 mai 2023 consid. 5.2 et les arrêts cités), il existe des situations dans lesquelles il convient d’admettre que des mesures d’ordre professionnel sont nécessaires, malgré l’existence d’une capacité de travail médico-théorique. Il s’agit des cas dans lesquels la réduction ou la suppression, par révision (art. 17 al. 1 LPGA) ou reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA), du droit à la rente concerne une personne assurée qui est âgée de 55 ans révolus ou qui a bénéficié d’une rente pendant quinze ans au moins. Cette jurisprudence, qui est également applicable lorsque l’on statue sur la limitation et/ou l’échelonnement en même temps que sur l’octroi de la rente (ATF 145 V 209 consid. 5), ne signifie pas que la personne assurée peut se prévaloir d’un droit acquis; il est seulement admis qu’une réadaptation par soi-même ne peut pas, sauf exception, être exigée d’elle en raison de son âge ou de la durée du versement de la rente. Dans de telles situations, l’office de l’assurance-invalidité doit vérifier dans quelle mesure l’assuré a besoin de la mise en œuvre de mesures d’ordre professionnel, même si celui-ci a recouvré une capacité de travail et indépendamment du taux d’invalidité qui subsiste.

Consid. 4.2 [résumé]
Les juges cantonaux ont estimé que la jurisprudence précitée (cf. consid. 4.1.2 supra) invoquée par l’assuré ne s’appliquait pas à l’assurance-accidents, car celle-ci ne prévoit pas de mesures d’ordre professionnel parmi ses prestations. De plus, cette jurisprudence concerne la réduction ou suppression de rentes d’invalidité, ce qui n’était pas pertinent dans le cas présent. La fin du versement des indemnités journalières de l’assurance-accidents ne pouvait pas être assimilée à une réduction ou suppression de rente AI. L’office AI avait considéré que la réinsertion professionnelle de l’assuré était irréaliste et avait donc immédiatement octroyé une rente, d’autant plus que l’assuré souffrait de troubles non couverts par l’assurance-accidents. Par ailleurs, l’assuré avait demandé une retraite anticipée à l’âge de 60 ans (01.12.2021), rendant toute reconversion professionnelle improbable. Dès lors, il ne pouvait pas invoquer les dispositions relatives à la rente transitoire, qui visent à soutenir une reconversion professionnelle. Le fait que l’office AI n’avait pas encore statué sur les mesures de réadaptation n’empêchait pas l’assurance-accidents de clore le dossier.

Consid. 4.4
La relation entre la fixation de la rente d’invalidité par l’assureur-accidents et la réadaptation professionnelle en matière d’assurance-invalidité est exhaustivement réglée aux art. 19 al. 3 LAA et 30 OLAA. En l’espèce, rien n’indique que des mesures d’ordre professionnel aient été en cours d’examen par l’office AI au moment de la décision sur opposition du 22.04.2022. L’assuré, qui avait pris sa retraite anticipée au moment où cette décision sur opposition a été rendue, n’expose d’ailleurs pas quelle mesure aurait été concrètement envisagée et dans quel but, que ce fût antérieurement ou postérieurement à cette décision. Il ne soutient même pas avoir sollicité la moindre mesure. On notera qu’aucune des situations visées par la jurisprudence susmentionnée en matière d’assurance-invalidité (cf. consid. 4.1.2 supra) – en particulier la réduction ou la suppression du droit à la rente de l’assurance-invalidité – n’étaient données, de sorte que l’office AI n’avait pas à faire application de cette jurisprudence. On ne voit donc pas qu’au moment où l’assurance-accidents a rendu sa décision sur opposition, elle devait compter avec une future décision de l’office AI portant sur des mesures de réadaptation professionnelle ayant une potentielle incidence sur le taux de la rente d’invalidité en assurance-accidents, qui devait être fixé en tenant compte des seuls troubles en lien de causalité avec l’accident du 02.05.2018, à savoir les atteintes orthopédiques et neurologiques, à l’exclusion des affections psychiques, urologiques et érectiles.

En tout état de cause, l’assuré perd de vue que la rente provisoire doit aussi être fixée d’après la méthode de comparaison des revenus et que dans ce cadre, l’activité raisonnablement exigible ne correspond pas forcément à l’activité habituelle (arrêt 8C_99/2023 du 7 août 2023 consid. 4.2 et les arrêts cités). En l’espèce, au moment de la décision sur opposition, l’assuré bénéficiait selon l’assurance-accidents et la cour cantonale d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à ses restrictions fonctionnelles. À ce propos, l’assuré n’émet aucune critique à l’encontre de l’appréciation du médecin d’arrondissement de l’assurance-accidents. Il n’y a donc pas de raison de s’en écarter. En outre, contrairement à ce qu’il affirme, l’office AI ne lui a pas accordé une rente entière d’invalidité en prenant en considération les seuls troubles causés par l’accident du 02.05.2018. Il a fondé sa décision sur une incapacité de travail totale dans toute activité, en soulignant que l’assurance-accidents avait, pour sa part, tenu compte des seules séquelles de l’accident pour retenir une pleine capacité de travail dans une activité adaptée. Au demeurant, l’assureur-accidents n’est pas lié par l’évaluation de l’invalidité de l’assurance-invalidité (ATF 131 V 362 consid. 2.3; arrêt 8C_493/2022 du 8 mars 2023 consid. 4.5), tout comme l’évaluation de l’invalidité par l’assurance-accidents n’a pas de force contraignante pour l’assurance-invalidité (ATF 133 V 549). L’assuré ne peut donc pas prétendre à une rente – qu’elle soit provisoire ou définitive – fondée sur un taux d’invalidité de 100% du fait de son incapacité de travail dans son activité habituelle d’ouvrier dans la construction.

Pour le reste, on ne voit pas ce que pourrait tirer l’assuré de la jurisprudence en matière d’assurance-invalidité dont il se prévaut. Celle-ci ne s’adresse pas aux assureurs-accidents, lesquels ne sont pas compétents pour octroyer des mesures de réadaptation professionnelle. Aussi, la fin du versement de l’indemnité journalière par l’assureur-accidents ne peut aucunement être corrélée à une quelconque obligation de sa part découlant de cette jurisprudence. Il s’ensuit que le grief du recourant est mal fondé.

 

Consid. 5.1.1
Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l’assuré. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé, soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’ESS (ATF 148 V 174 consid. 6.2; 139 V 592 consid. 2.3; 135 V 297 consid. 5.2). Aux fins de déterminer le revenu d’invalide, le salaire fixé sur cette base peut à certaines conditions faire l’objet d’un abattement de 25% au plus (ATF 148 V 174 consid. 6.3; 129 V 472 consid. 4.2.3; 126 V 75 consid. 5b/aa-cc).

Consid. 5.1.2
La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation). Il n’y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération. Il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d’appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d’invalide, compte tenu de l’ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3; 126 V 75 consid. 5b/bb; arrêt 8C_682/2023 du 24 avril 2024 consid. 4.1.2.2 et l’arrêt cité).

Consid. 5.1.3
Le point de savoir s’il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières (liées au handicap de la personne ou à d’autres facteurs) est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral (ATF 146 V 16 consid. 4.2; 142 V 178 consid. 2.5.9). En revanche, l’étendue de l’abattement sur le salaire statistique dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit a commis un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou a abusé (« Ermessensmissbrauch ») de celui-ci (ATF 146 V 16 consid. 4.2; 137 V 71 consid. 5.1), notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n’usant pas de critères objectifs (ATF 135 III 179 consid. 2.1; 130 III 176 consid. 1.2).

 

Consid. 5.2 [résumé]
Les juges cantonaux ont confirmé l’abattement de 10% appliqué par l’assurance-accidents. Ils ont refusé d’augmenter ce taux en raison de sa qualité d’étranger. Les lacunes linguistiques en français et le manque de formation professionnelle avaient déjà été intégrés, l’assurance-accidents ayant utilisé le niveau de compétence 1 de l’ESS (activités ne nécessitant ni formation ni expérience professionnelle) pour calculer le revenu d’invalide.

Consid. 5.4
Le raisonnement de la cour cantonale échappe à la critique. L’assuré, au bénéfice d’un permis d’établissement et vivant en Suisse depuis de nombreuses années au moment de la décision sur opposition de l’assurance-accidents, n’est pas prétérité par rapport à une personne de nationalité suisse (cf. ATF 126 V 75 consid. 5a/cc; arrêts 8C_454/2023 du 19 décembre 2023 consid. 5.4; 8C_883/2015 du 21 octobre 2016 consid. 6.3.2; 8C_738/2012 du 20 décembre 2012 consid. 6.2). Par ailleurs, sa mauvaise maîtrise du français et des autres langues nationales ainsi que son manque de formation professionnelle ne sont pas déterminants dans le contexte d’activités du niveau de compétence 1, qui ne nécessitent ni formation ni expérience professionnelle spécifiques (cf. arrêts 8C_454/2023 précité consid. 5.4; 8C_659/2021 du 17 février 2022 consid. 4.3.2; 9C_550/2019 du 19 février 2020 consid. 4.3; 9C_898/2017 du 25 octobre 2018 consid. 3.4). En confirmant le taux d’abattement de 10% retenu par l’assurance-accidents, le tribunal cantonal n’a commis ni excès ni abus de son pouvoir d’appréciation.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_90/2024 consultable ici

 

8C_99/2023 (f) du 07.08.2023 – Stabilisation de l’état de santé – Notion de la rente transitoire – 16 LPGA – 19 LAA – 30 OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_99/2023 (f) du 07.08.2023

 

Consultable ici

 

Stabilisation de l’état de santé – Notion de la rente transitoire / 16 LPGA – 19 LAA – 30 OLAA

Assistance judiciaire gratuite – Recours dénué de chances de succès / 64 al. 1 LTF

 

Assuré, né en 1983, travaillait depuis le 20.05.2016 comme aide-peintre. Accident le 24.05.2016 : glisse en descendant une échelle et tombe sur les genoux. La chute lui a causé une lésion méniscale du genou gauche et a entraîné une incapacité totale de travailler.

Examen du droit à la rente au 01.02.2022. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accident a nié le droit de l’assuré à une rente d’invalidité, au motif que le taux d’invalidité de 3,17% était insuffisant pour ouvrir le droit à cette prestation; les limitations fonctionnelles retenues dans ce contexte empêchaient le port de charges lourdes, les déplacements importants ou l’utilisation d’escaliers/échelles et les positions debout prolongée, agenouillée ou accroupie. En revanche, l’assurance-accidents a alloué à l’assuré une IPAI fondée sur un taux de 7,5%.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 81/22-6/2023 – consultable ici)

Par jugement du 17.01.2023, admission partielle du recours par le tribunal cantonal (complément d’instruction pour l’IPAI) et confirmation de la décision sur opposition pour le surplus.

 

TF

Consid. 2.2
Selon l’art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme; le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente. Le Conseil fédéral édicte des prescriptions détaillées sur la naissance du droit aux rentes lorsque l’on ne peut plus attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré, mais que la décision de l’assurance-invalidité quant à la réadaptation professionnelle intervient plus tard (art. 19 al. 3 LAA).

En se fondant sur cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a adopté l’art. 30 OLAA  qui, sous le titre « Rente transitoire », prévoit à son alinéa premier que lorsque l’on ne peut plus attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré, mais que la décision de l’assurance-invalidité concernant la réadaptation professionnelle n’interviendra que plus tard, une rente sera provisoirement allouée dès la fin du traitement médical; cette rente est calculée sur la base de l’incapacité de gain existant à ce moment-là; le droit s’éteint dès la naissance du droit à une indemnité journalière de l’assurance-invalidité (let. a), avec la décision négative de l’assurance-invalidité concernant la réadaptation professionnelle (let. b) ou avec la fixation de la rente définitive (let. c).

 

Consid. 4.1
Invoquant la violation de l’art. 19 LAA, l’assuré reproche au tribunal cantonal d’avoir éludé le système de la rente transitoire (art. 30 OLAA), selon lequel il conviendrait – pour déterminer le taux d’invalidité – de considérer provisoirement la capacité de travail de l’assuré (non encore réadapté) dans l’ancienne activité. Dans son cas, il conviendrait de tenir compte de son incapacité totale de travailler dans son ancienne activité de peintre en bâtiment.

Consid. 4.2
L’argumentation est mal fondée. Dans l’hypothèse de l’art. 30 OLAA – à savoir lorsque l’on ne peut plus attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré mais que la décision de l’AI concernant la réadaptation professionnelle n’interviendra que plus tard – la rente provisoirement allouée dès la fin du traitement médical est calculée sur la base de l’incapacité de gain existant à ce moment-là. La rente provisoire doit aussi être fixée d’après la méthode de comparaison des revenus. Comme l’évaluation intervient dans ce cas avant l’exécution éventuelle de mesures de réadaptation, seule entre en considération, à cette date, l’activité qui peut raisonnablement être exigée de la part d’un assuré non encore réadapté, compte tenu d’une situation équilibrée du marché du travail (ATF 139 V 514 consid. 2.3; 116 V 246 consid. 3a). Contrairement à ce que soutient l’assuré sur ce point, l’activité raisonnablement exigible ne correspond pas (forcément) à l’activité habituelle. Tel n’est en tout état pas le cas de son ancienne activité de peindre en bâtiment, laquelle n’est précisément plus exigible de sa part, indépendamment de la mise en œuvre de mesures de réadaptation. Il sied encore de relever, à ce dernier propos, que l’assuré a lui-même allégué devant la cour cantonale qu’il n’avait pas bénéficié de telles mesures, de sorte que l’on saisit mal la portée de son argumentation en tant qu’il se plaignait de ce que l’assurance-accidents n’avait pas sollicité des renseignements à cet égard auprès de l’office AI.

 

Consid. 5.1
Toujours sous couvert de la violation de l’art. 19 LAA, l’assuré conteste la stabilisation de son état de santé au 01.02.2022, en invoquant le fait que les premiers juges ont renvoyé la cause sur la question de l’IPAI en raison d’une aggravation de l’arthrose dont l’assurance-accidents n’avait pas tenu compte. Selon lui, il serait incompréhensible que cette même aggravation n’ait pas été considérée comme pertinente s’agissant de l’évaluation de sa capacité résiduelle de travail. En effet, si les lésions du genou sont plus graves, des limitations fonctionnelles plus importantes devraient être retenues. Quant aux traitements chirurgicaux futurs considérés comme possibles par les experts, ils auraient de fortes chances de s’avérer nécessaires au regard de l’aggravation admise dans l’arrêt attaqué.

Consid. 5.2
En l’espèce, le renvoi de la cause pour nouvelle décision sur le taux de l’IPAI repose sur le fait que, dans leur complément d’expertise 27 octobre 2021, les experts de l’Hôpital C.__ avaient retenu un taux de 7,5% en raison d’une arthrose fémoro-tibiale médiale de degré moyen, à savoir une atteinte de grade III selon les critères de Kellgren et Lawrence. Or, il ressortait d’une IRM du genou gauche du 6 mai 2022, qu’il y aurait des lésions de grade III, « voire même IV », au niveau du plateau tibial et du condyle fémoral interne. Comme l’IPAI avait été fixée pour une arthrose qualifiée de moyenne en raison d’une atteinte de grade Ill alors que le stade IV aurait été atteint ou devrait l’être, il convenait de renvoyer la cause pour procéder à une nouvelle évaluation médicale compte tenu de l’état actuel du genou gauche. On ne saurait déduire de ces considérations, et même à la lecture du rapport d’IRM susmentionné – qui au demeurant n’établit pas clairement une atteinte de stade IV -, que l’état de santé de l’assuré n’est pas stabilisé au sens de l’art. 19 al. 1 LAA. On rappellera qu’aux termes de cette disposition, le droit à la rente prend naissance notamment dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré. Or, il ressort du rapport d’expertise de l’Hôpital C.__ qu’il n’y a aucun traitement susceptible d’améliorer la capacité résiduelle de travail de l’assuré et que la poursuite de séances de physiothérapie a un but antalgique et d’assouplissement de la chaîne latérale, mais sans amélioration des symptômes, ni de la capacité de travail. Quant aux reprises chirurgicales évoquées dans le rapport, il n’apparaît pas qu’elles soient concrètement envisagées pour l’assuré et on ne peut en tout cas pas déduire des explications des experts qu’elles interviendraient en cas d’atteinte de grade IV, ni même qu’elles permettraient une nette amélioration de l’état de santé de l’assuré. Enfin, celui-ci ne se prévaut d’aucun avis médical qui permettrait de mettre en doute les limitations fonctionnelles retenues par les experts.

Cela étant, la cour cantonale était fondée à considérer que l’état de santé de l’assuré était suffisamment stabilisé pour se prononcer sur le droit éventuel de l’assuré à une rente d’invalidité. Quant au taux d’invalidité, si l’assuré conclut subsidiairement à l’octroi d’une rente d’invalidité de 100%, il ne discute pas les revenus avec et sans invalidité retenus par les premiers juges, de sorte qu’il n’y a pas lieu de revenir là-dessus.

Au vu de ce qui précède, le recours, mal fondé, doit être rejeté.

 

Consid. 6
L’assuré, qui succombe, a demandé à bénéficier de l’assistance judiciaire gratuite. Une partie ne remplit les conditions de l’assistance judiciaire que si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et si ses conclusions ne paraissent pas vouées à l’échec (art. 64 al. 1 LTF; ATF 140 V 521 consid. 9.1). Au regard des motifs avancés dans le mémoire de recours, celui-ci apparaissait d’emblée dénué de chances de succès et la requête d’assistance judiciaire doit dès lors être rejetée. L’assuré doit par conséquent payer les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF) et ne peut pas prétendre à la prise en charge des honoraires de son avocat.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_99/2023 consultable ici