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8C_99/2023 (f) du 07.08.2023 – Stabilisation de l’état de santé – Notion de la rente transitoire – 16 LPGA – 19 LAA – 30 OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_99/2023 (f) du 07.08.2023

 

Consultable ici

 

Stabilisation de l’état de santé – Notion de la rente transitoire / 16 LPGA – 19 LAA – 30 OLAA

Assistance judiciaire gratuite – Recours dénué de chances de succès / 64 al. 1 LTF

 

Assuré, né en 1983, travaillait depuis le 20.05.2016 comme aide-peintre. Accident le 24.05.2016 : glisse en descendant une échelle et tombe sur les genoux. La chute lui a causé une lésion méniscale du genou gauche et a entraîné une incapacité totale de travailler.

Examen du droit à la rente au 01.02.2022. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accident a nié le droit de l’assuré à une rente d’invalidité, au motif que le taux d’invalidité de 3,17% était insuffisant pour ouvrir le droit à cette prestation; les limitations fonctionnelles retenues dans ce contexte empêchaient le port de charges lourdes, les déplacements importants ou l’utilisation d’escaliers/échelles et les positions debout prolongée, agenouillée ou accroupie. En revanche, l’assurance-accidents a alloué à l’assuré une IPAI fondée sur un taux de 7,5%.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 81/22-6/2023 – consultable ici)

Par jugement du 17.01.2023, admission partielle du recours par le tribunal cantonal (complément d’instruction pour l’IPAI) et confirmation de la décision sur opposition pour le surplus.

 

TF

Consid. 2.2
Selon l’art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme; le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente. Le Conseil fédéral édicte des prescriptions détaillées sur la naissance du droit aux rentes lorsque l’on ne peut plus attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré, mais que la décision de l’assurance-invalidité quant à la réadaptation professionnelle intervient plus tard (art. 19 al. 3 LAA).

En se fondant sur cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a adopté l’art. 30 OLAA  qui, sous le titre « Rente transitoire », prévoit à son alinéa premier que lorsque l’on ne peut plus attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré, mais que la décision de l’assurance-invalidité concernant la réadaptation professionnelle n’interviendra que plus tard, une rente sera provisoirement allouée dès la fin du traitement médical; cette rente est calculée sur la base de l’incapacité de gain existant à ce moment-là; le droit s’éteint dès la naissance du droit à une indemnité journalière de l’assurance-invalidité (let. a), avec la décision négative de l’assurance-invalidité concernant la réadaptation professionnelle (let. b) ou avec la fixation de la rente définitive (let. c).

 

Consid. 4.1
Invoquant la violation de l’art. 19 LAA, l’assuré reproche au tribunal cantonal d’avoir éludé le système de la rente transitoire (art. 30 OLAA), selon lequel il conviendrait – pour déterminer le taux d’invalidité – de considérer provisoirement la capacité de travail de l’assuré (non encore réadapté) dans l’ancienne activité. Dans son cas, il conviendrait de tenir compte de son incapacité totale de travailler dans son ancienne activité de peintre en bâtiment.

Consid. 4.2
L’argumentation est mal fondée. Dans l’hypothèse de l’art. 30 OLAA – à savoir lorsque l’on ne peut plus attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré mais que la décision de l’AI concernant la réadaptation professionnelle n’interviendra que plus tard – la rente provisoirement allouée dès la fin du traitement médical est calculée sur la base de l’incapacité de gain existant à ce moment-là. La rente provisoire doit aussi être fixée d’après la méthode de comparaison des revenus. Comme l’évaluation intervient dans ce cas avant l’exécution éventuelle de mesures de réadaptation, seule entre en considération, à cette date, l’activité qui peut raisonnablement être exigée de la part d’un assuré non encore réadapté, compte tenu d’une situation équilibrée du marché du travail (ATF 139 V 514 consid. 2.3; 116 V 246 consid. 3a). Contrairement à ce que soutient l’assuré sur ce point, l’activité raisonnablement exigible ne correspond pas (forcément) à l’activité habituelle. Tel n’est en tout état pas le cas de son ancienne activité de peindre en bâtiment, laquelle n’est précisément plus exigible de sa part, indépendamment de la mise en œuvre de mesures de réadaptation. Il sied encore de relever, à ce dernier propos, que l’assuré a lui-même allégué devant la cour cantonale qu’il n’avait pas bénéficié de telles mesures, de sorte que l’on saisit mal la portée de son argumentation en tant qu’il se plaignait de ce que l’assurance-accidents n’avait pas sollicité des renseignements à cet égard auprès de l’office AI.

 

Consid. 5.1
Toujours sous couvert de la violation de l’art. 19 LAA, l’assuré conteste la stabilisation de son état de santé au 01.02.2022, en invoquant le fait que les premiers juges ont renvoyé la cause sur la question de l’IPAI en raison d’une aggravation de l’arthrose dont l’assurance-accidents n’avait pas tenu compte. Selon lui, il serait incompréhensible que cette même aggravation n’ait pas été considérée comme pertinente s’agissant de l’évaluation de sa capacité résiduelle de travail. En effet, si les lésions du genou sont plus graves, des limitations fonctionnelles plus importantes devraient être retenues. Quant aux traitements chirurgicaux futurs considérés comme possibles par les experts, ils auraient de fortes chances de s’avérer nécessaires au regard de l’aggravation admise dans l’arrêt attaqué.

Consid. 5.2
En l’espèce, le renvoi de la cause pour nouvelle décision sur le taux de l’IPAI repose sur le fait que, dans leur complément d’expertise 27 octobre 2021, les experts de l’Hôpital C.__ avaient retenu un taux de 7,5% en raison d’une arthrose fémoro-tibiale médiale de degré moyen, à savoir une atteinte de grade III selon les critères de Kellgren et Lawrence. Or, il ressortait d’une IRM du genou gauche du 6 mai 2022, qu’il y aurait des lésions de grade III, « voire même IV », au niveau du plateau tibial et du condyle fémoral interne. Comme l’IPAI avait été fixée pour une arthrose qualifiée de moyenne en raison d’une atteinte de grade Ill alors que le stade IV aurait été atteint ou devrait l’être, il convenait de renvoyer la cause pour procéder à une nouvelle évaluation médicale compte tenu de l’état actuel du genou gauche. On ne saurait déduire de ces considérations, et même à la lecture du rapport d’IRM susmentionné – qui au demeurant n’établit pas clairement une atteinte de stade IV -, que l’état de santé de l’assuré n’est pas stabilisé au sens de l’art. 19 al. 1 LAA. On rappellera qu’aux termes de cette disposition, le droit à la rente prend naissance notamment dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré. Or, il ressort du rapport d’expertise de l’Hôpital C.__ qu’il n’y a aucun traitement susceptible d’améliorer la capacité résiduelle de travail de l’assuré et que la poursuite de séances de physiothérapie a un but antalgique et d’assouplissement de la chaîne latérale, mais sans amélioration des symptômes, ni de la capacité de travail. Quant aux reprises chirurgicales évoquées dans le rapport, il n’apparaît pas qu’elles soient concrètement envisagées pour l’assuré et on ne peut en tout cas pas déduire des explications des experts qu’elles interviendraient en cas d’atteinte de grade IV, ni même qu’elles permettraient une nette amélioration de l’état de santé de l’assuré. Enfin, celui-ci ne se prévaut d’aucun avis médical qui permettrait de mettre en doute les limitations fonctionnelles retenues par les experts.

Cela étant, la cour cantonale était fondée à considérer que l’état de santé de l’assuré était suffisamment stabilisé pour se prononcer sur le droit éventuel de l’assuré à une rente d’invalidité. Quant au taux d’invalidité, si l’assuré conclut subsidiairement à l’octroi d’une rente d’invalidité de 100%, il ne discute pas les revenus avec et sans invalidité retenus par les premiers juges, de sorte qu’il n’y a pas lieu de revenir là-dessus.

Au vu de ce qui précède, le recours, mal fondé, doit être rejeté.

 

Consid. 6
L’assuré, qui succombe, a demandé à bénéficier de l’assistance judiciaire gratuite. Une partie ne remplit les conditions de l’assistance judiciaire que si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et si ses conclusions ne paraissent pas vouées à l’échec (art. 64 al. 1 LTF; ATF 140 V 521 consid. 9.1). Au regard des motifs avancés dans le mémoire de recours, celui-ci apparaissait d’emblée dénué de chances de succès et la requête d’assistance judiciaire doit dès lors être rejetée. L’assuré doit par conséquent payer les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF) et ne peut pas prétendre à la prise en charge des honoraires de son avocat.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_99/2023 consultable ici