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4A_508/2016 (f) du 16.06.2017 – Rétrocessions : le droit à la restitution se prescrit par dix ans

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_508/2016 (f) du 16.06.2017

 

Communiqué de presse du TF du 03.07.2017 consultable ici : http://bit.ly/2sAIWbd

 

Rétrocessions au mandataire de primes d’assurance – Créances en restitution du mandant – 400 al. 1 CO

Dies a quo du délai de prescription – 127 CO

 

Le droit du mandant à la restitution de rétrocessions, qui ont été versées au mandataire par des tiers, est soumis à un délai de prescription de dix ans. La prescription commence à courir pour chaque créance en restitution d’un montant à rétrocéder le jour où le mandataire a reçu ce montant.

 

Une organisation internationale avait mandaté en 1994 une entreprise pour développer et organiser un concept d’assurance. Par la suite, la mandante a conclu par l’intermédiaire de la mandataire des contrats avec différentes sociétés d’assurance. En 2005, la mandante a appris qu’un certain pourcentage des primes qu’elle avait payées avait été rétrocédé par les compagnies d’assurance à la mandataire. La mandante a résilié le contrat de mandat avec effet immédiat et a exigé de la mandataire, en 2006, la restitution de ces remboursements assimilés à des prétendues « rétrocessions ». Cette dernière a soutenu le point de vue selon lequel le droit à la restitution de la mandante était soumis à un délai de prescription de cinq ans, de sorte que le droit à la restitution des montants reçus avant 2001 était prescrit. La Cour de justice du canton de Genève a jugé en 2016 que le délai de prescription applicable était de dix ans et qu’il n’avait commencé à courir qu’à la fin du contrat de mandat.

Le Tribunal fédéral admet partiellement le recours de l’entreprise mandataire. Il rappelle dans son arrêt que (faute de convention contraire) le mandataire est tenu de restituer au mandant les rétrocessions qu’il a reçues de tiers dans le cadre de l’exécution du mandat. Selon le code des obligations (CO), le délai ordinaire de prescription pour les créances est de dix ans (article 127 CO). Un délai de prescription de cinq ans ne vaut que pour les redevances périodiques, comme les loyers et les intérêts de capitaux (article 128 chiffre 1 CO). Les rétrocessions n’entrent pas dans le champ d’application des redevances périodiques, lesquelles dérivent d’un rapport de durée. Au contraire, le droit à la restitution du mandant résulte du simple fait que le mandataire a perçu, de tiers, les rétrocessions. Chaque devoir de restitution du mandataire repose ainsi sur un fondement séparé, si bien que pour les rétrocessions, le délai ordinaire de prescription de dix ans trouve application.

Contrairement à l’opinion de la cour cantonale, ce délai ne commence cependant pas à courir seulement dès la fin du mandat, mais pour chaque créance en restitution le jour où le mandataire a reçu le montant à rétrocéder. C’est à ce moment que chaque prétention en restitution prend naissance et est ainsi exigible.

 

 

Arrêt 4A_508/2016 consultable ici : http://bit.ly/2tL67Qh

Communiqué de presse du TF du 03.07.2017 consultable ici : http://bit.ly/2sAIWbd

 

 

Clôture de la table ronde sur l’amiante : un soutien rapide pour les victimes

Clôture de la table ronde sur l’amiante : un soutien rapide pour les victimes

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 19.12.2016 consultable ici : http://bit.ly/2hLzBXL

 

Les personnes souffrant d’un mésothéliome provoqué par l’amiante et leurs proches devraient bénéficier rapidement d’un soutien financier et d’une prise en charge psychologique. La table ronde mise sur pied par le conseiller fédéral Alain Berset et présidée par l’ancien conseiller fédéral Moritz Leuenberger s’est accordée sur les grandes lignes d’un projet définissant les modalités de versement des indemnisations. Les montants alloués aux victimes proviendront d’un fonds dont le financement est d’ores et déjà partiellement garanti. Une fondation privée aura pour tâche de dédommager les ayants droit et d’assurer le financement du fonds à long terme. Ainsi prend fin le mandat de la table ronde.

 

Toutes les personnes ayant contracté depuis 2006 une tumeur maligne de la plèvre ou du péritoine (mésothéliome) liée à l’amiante ont droit à une indemnisation, qu’il s’agisse d’une maladie professionnelle reconnue ou non. Ainsi en ont décidé les représentants des personnes victimes de l’amiante, des entreprises ayant produit et travaillé avec ce matériau, des syndicats et de l’économie, réunis autour d’une table ronde créée en 2015.

Calculé au cas par cas, le montant de l’aide financière se fondera sur les prestations que l’assurance-accidents obligatoire (LAA) verse aux patients atteints d’une maladie professionnelle reconnue et liée à l’amiante. Des prestations pour les personnes assurées selon la LAA sont également prévues afin de garantir que les patients reçoivent tous le même soutien, qu’ils soient assurés selon la LAA ou non.

 

Financement du fonds garanti dans un premier temps

Les personnes qui perçoivent une indemnisation du fonds renoncent, en contrepartie, à des actions de droit civil. La table ronde souhaite que les plaintes en suspens soient également réglées par voie extrajudiciaire.

Une centaine de millions de francs sera nécessaire au financement du fonds jusqu’en 2025. Dans le cadre de la table ronde, les commissions professionnelles paritaires, l’industrie de transformation de l’amiante, le secteur des assurances et les entreprises ferroviaires se sont déjà engagés à hauteur d’environ 30 millions de francs. Les promesses de contribution ont été formulées spontanément et sont parfois assorties de la condition que d’autres acteurs s’engagent également. Si nécessaire, la direction de la future fondation veillera à trouver en temps voulu une solution pour assurer l’après-2025.

 

Mise en place d’un service d’assistance psychologique

Par ailleurs, un service d’assistance gratuit sera mis en place pour les personnes concernées, en collaboration avec les institutions existantes. Aujourd’hui, les personnes touchées par l’amiante et leurs proches bénéficient certes de soins médicaux de qualité, mais le suivi psychologique est souvent insuffisant. L’offre s’adresse également aux personnes qui ont été en contact avec de l’amiante et craignent de contracter un mésothéliome. Les ligues pulmonaires régionales s’attèlent à mettre sur pied des projets pilotes en Suisse alémanique et en Suisse romande, des offres qui seront aussi en partie financées par le fonds.

 

Une fondation pour soutenir les victimes

Sur recommandation de la table ronde, la fondation de droit privé Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) verra le jour ces prochaines semaines avec pour but d’examiner les demandes des victimes de l’amiante et d’accorder un soutien tant financier que psychologique. Le conseil de fondation aura en outre pour tâche d’inciter d’autres secteurs économiques à participer volontairement au financement du fonds. Composé de représentants des associations et des entreprises ayant alloué des moyens financiers ainsi que de représentants des victimes et des syndicats, il sera probablement présidé par Urs Berger, président de l’Association suisse d’assurances (ASA).

 

Quelque 120 nouveaux cas de mésothéliome par an

Chaque année en Suisse, environ 120 personnes contractent un mésothéliome parce qu’elles ont inhalé une quantité cancérogène de fibres d’amiante par le passé. Une trentaine d’entre elles ne perçoivent pas de prestations de l’assurance-accidents obligatoire car leur maladie n’est pas liée à leur activité professionnelle. Elles sont donc souvent moins bien loties financièrement que celles assurées selon la LAA.

L’amiante était surtout utilisé dans les années 1960 et 1970 dans différents matériaux de construction, aussi bien dans le bâtiment que dans l’industrie et la technique. En 1989, une interdiction générale est entrée en vigueur, laquelle proscrit l’utilisation des préparations et des objets à base d’amiante. Depuis des années, différents offices, les services cantonaux compétents, la Suva, les organisations patronales et les syndicats coopèrent très étroitement pour prévenir et protéger la population des effets nocifs de cette substance. Le travail de prévention est important car beaucoup de bâtiments anciens contiennent encore de l’amiante. En cas de suspicion lors de travaux de transformations et de rénovation, des spécialistes doivent examiner la présence d’amiante pour éviter les expositions et de nouveaux cas de maladie.

 

Travaux législatifs en cours

Les personnes touchées par l’amiante et leurs proches peuvent intenter une action civile contre l’entreprise et les personnes qu’elles estiment responsables de leur maladie afin d’exiger des réparations et des dommages-intérêts. Or, selon la législation actuelle, il y a prescription dix ans après la fin de l’exposition nocive, donc souvent bien avant que la maladie ne se déclare. La révision du droit de la prescription, qui doit notamment en redéfinir les délais pour les dommages postérieurs – à l’instar de ceux provoqués par les fibres d’amiante – est inscrite à l’agenda du Parlement. Elle a toutefois été suspendue dans l’attente des résultats de la table ronde. Selon celle-ci, les prestations d’indemnisation des victimes de l’amiante et de leurs proches fourniront sans doute au Parlement des éléments de réflexion décisifs pour trouver une solution appropriée à cette problématique.

 

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 19.12.2016 consultable ici : http://bit.ly/2hLzBXL

 

Documentations complémentaires :

Rapport final de la Table ronde sur l’amiante du 30 novembre 2016

Annexe 1 – Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) : principes

Annexe 2 – Explications relatives aux principes

Annexe 3 – Estimation des coûts (chapitre B)

Annexe 4 – Estimations des coûts (chapitre C)

Annexe 5 – Décès liés à l’amiante selon la branche professionnelle

Annexe 6 – Factsheet Maladies professionnelles causées par l’amiante

Annexe 7 – Table ronde sur l’amiante : organisations, entreprises et autorités représentées

Annexe 8 – Financement FIVA. Engagements commissions paritaires)

Plate-forme d’information Forum Amiante Suisse, FACH

 

 

 

4A_689/2015 (f) du 16.06.2016 – Prescription d’un dommage évolutif – 60 CO

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_689/2015 (f) du 16.06.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2b69vxr

 

Prescription d’un dommage évolutif – 60 CO

 

 

TF

L’art. 60 al. 1 CO énonce que l’action en dommages-intérêts se prescrit par un an à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne qui en est l’auteur, et, dans tous les cas, par dix ans dès le jour où le fait dommageable s’est produit.

Selon la jurisprudence, le créancier connaît suffisamment le dommage lorsqu’il apprend, concernant son existence, sa nature et ses éléments, les circonstances propres à fonder et à motiver une demande en justice (ATF 131 III 61 consid. 3.1.1). Eu égard à la brièveté du délai de prescription, on ne saurait se montrer trop exigeant à l’égard du lésé ; suivant les circonstances, un certain temps doit lui être laissé pour lui permettre d’estimer l’étendue définitive du dommage, seul ou avec le concours d’un tiers (ATF 111 II 55 consid. 3a p. 57). Si le législateur cherchait à éviter, pour la sécurité du droit, que le lésé ne tarde à agir, il n’a pu vouloir l’obliger à intenter action avant de connaître les éléments essentiels de son préjudice, ce qui le contraindrait à réclamer d’emblée le maximum de ce à quoi il pourrait avoir droit, ou à amplifier ses conclusions au fur et à mesure que les suites du fait dommageable se déclarent; or, de tels procédés présentent de graves inconvénients sous l’angle de l’administration de la justice (ATF 74 II 30 consid. 1a p. 34 s.).

Le dommage n’est réputé réalisé qu’au moment où il s’est manifesté complètement. Lorsque l’ampleur du préjudice dépend d’une situation qui évolue, le délai de prescription ne court pas avant le terme de cette évolution. Tel est le cas notamment du préjudice consécutif à une atteinte à la santé dont il n’est pas possible de prévoir d’emblée l’évolution avec suffisamment de certitude. En particulier, la connaissance du dommage résultant d’une invalidité permanente suppose que l’état de santé soit stabilisé sur le plan médical et que le taux de l’incapacité de travail soit fixé au moins approximativement ; le lésé doit en outre savoir, sur la base des rapports médicaux, quelle peut être l’évolution de son état (arrêt 4A_136/2012 du 18 juillet 2012 consid. 4.2; 112 II 118 consid. 4 p. 123; 92 II 1 consid. 3 p. 4). La jurisprudence vise essentiellement des cas de préjudice consécutif à une atteinte à la santé de la victime, mais elle peut inclure d’autres situations où un acte illicite exerce sur le patrimoine un effet médiat dans une mesure qu’il n’est pas possible de prévoir avec assez de sécurité (ATF 108 Ib 97 consid. 1c p. 100).

 

 

Arrêt 4A_689/2015 consultable ici : http://bit.ly/2b69vxr

 

 

Droit de la prescription : La commission prévoit une disposition transitoire spéciale pour les victimes de l’amiante

La Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats a approuvé à l’unanimité le projet de modification du droit de la prescription (13.100). Elle s’est prononcée par 8 voix contre 4 et 1 abstention pour un délai de prescription absolu de trente ans en cas de dommages corporels différés; elle suit ainsi la proposition du Conseil fédéral  et s’oppose au Conseil national, qui plaidait pour un délai de vingt ans. Une minorité a proposé de conserver le droit en vigueur (délai de prescription absolu de dix ans). Dans le cas des victimes de l’amiante, la commission a ajouté une disposition transitoire spéciale au projet.

 

La disposition concernant les victimes de l’amiante nouvellement ajoutée prévoit que le nouveau droit de la prescription s’écarte du principe «une action prescrite est prescrite» pour les dommages liés à l’amiante – dans certaines conditions – et s’applique rétroactivement. Ainsi, si une action en justice est déjà prescrite même selon le nouveau droit, ou si elle a définitivement été rejetée en raison de la prescription, il est néanmoins possible de faire valoir des droits pendant un délai de grâce d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la modification. Par 12 voix contre 0 et 1 abstention, la commission a décidé que cette disposition spéciale ne devait s’appliquer que de manière subsidiaire par rapport à un fonds d’indemnisation. Si, au moment où est intentée l’action en dommages-intérêts ou en réparation morale, il existe un régime spécial approprié de règlement financier des dommages corporels causés par l’amiante, ces dispositions ne s’appliquent pas. En outre, la commission a décidé à l’unanimité de restreindre l’application de la disposition transitoire aux prétentions des victimes directes. Par 7 voix contre 6, la commission a proposé à son conseil d’uniformiser le délai de prescription à dix ans pour les créances contractuelles. Une minorité souhaite suivre la proposition du Conseil national et conserver le délai de prescription de cinq ans, conformément aux exceptions énumérées à l’art. 128 CO.

 

 

Communiqué de presse du 03.11.2015 : http://bit.ly/1XXIeu8

 

Articles sur le même sujet :

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Première table ronde sur l’amiante : discussion sur les objectifs et la suite des travaux

Le DFI instaure une table ronde sur l’amiante

 

4A_644/2014 (f) du 27.04.2015 – Péremption et interprétation des CGA / 33 LCA – Prescription du capital d’invalidité / 46 LCA

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_644/2014 (f) du 27.04.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1GZzHki

 

Péremption et interprétation des CGA / 33 LCA

Prescription du capital d’invalidité / 46 LCA

Un assuré est victime d’un accident de motocyclette le 14.08.1996 ; une voiture conduite par une personne sous l’emprise de l’alcool lui a coupé la route. Il a été grièvement blessé, subissant notamment une fracture des poignets, un traumatisme cranio-cérébral, un traumatisme abdominal avec rupture de la vessie et brèche sigmoïdienne, une fracture du bassin et une fracture de l’omoplate gauche.

Son salaire annuel brut était en 1996 de 70’930 francs. L’employeur avait contracté en faveur de son personnel une police d’assurance-accidents obligatoire LAA, ainsi qu’une police d’assurance-accidents complémentaire LAA. Cette police d’assurance renvoyait expressément aux conditions générales pour l’assurance complémentaire (CGA) et aux conditions complémentaires à celles-ci (CCA).

L’assurance complémentaire prévoyait notamment la prestation suivante: « invalidité: 4 x le salaire annuel LAA en capital constant – progression B ». Selon l’art. 28 let. b ch. 3 CGA, la somme d’invalidité était calculée selon la variante de progression choisie et selon le tableau intitulé « prestations en % de la somme d’assurance »; celui-ci indiquait que pour un taux d’invalidité de 85% dans la variante B, la somme d’invalidité correspondait à 275% de la somme assurée. Sous le titre « Paiement des prestations », l’art. 28 let. b ch. 5 CGA énonçait la règle suivante: « La somme d’invalidité ou la rente est payée dès que l’importance de l’invalidité permanente peut être déterminée, mais au plus tard cinq ans après le jour de l’accident ».

Par décision du 08.12.2003, octroi d’une demi-rente AI à partir du 28.04.2003 (date de la demande de révision) et une rente entière à partir du 01.08.2003.

En LAA, l’assureur a rendu une décision sur opposition le 30.12.2003 : octroi d’une rente d’invalidité dès le 01.01.2005. Par décision du 14 juin 2005, la compagnie d’assurance a alloué à l’employé une IPAI de 85%.

Le 04.08.2005, l’employé a fait notifier à la compagnie d’assurance un commandement de payer pour la somme de 1’092’000 fr. plus intérêts. Sous rubrique « cause de l’obligation », il était mentionné « contrat d’assurance LAA complémentaire ».

Refus de toute indemnisation, par la compagnie, se référant à l’art. 28 CGA ; la prétention de l’employé était périmée faute d’avoir été réclamée dans les cinq ans (art. 28 let. b ch. 5 CGA) et, au surplus, prescrite (art. 46 LCA).

L’action ouverte devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois par l’assuré a été rejetée, la Cour retenant que le délai de péremption (art. 28 let. b ch. 5 CGA) était arrivé à échéance le 14 août 2001. Quant à la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal vaudois, elle a rejeté l’appel de l’employé et a admis que la péremption était intervenue à l’échéance du délai légal de prescription de deux ans à dater du fait d’où naît l’obligation (art. 46 LCA), soit le 23.09.2006.

 

Péremption

L’art. 28 let. b ch. 5 CGA applicable au cas d’espèce précise ce qui suit: « La somme d’invalidité ou la rente est payée dès que l’importance de l’invalidité permanente peut être déterminée, mais au plus tard cinq ans après le jour de l’accident ».

Lorsque l’assureur, au moment de conclure, présente des conditions générales, il manifeste la volonté de s’engager selon les termes de ces conditions. Si une volonté réelle concordante n’a pas été constatée, il faut se demander comment le destinataire de cette manifestation de volonté pouvait la comprendre de bonne foi; il faut donc procéder à une interprétation objective des termes contenus dans les conditions générales, qui peut ne pas correspondre à la volonté intime de l’assureur. Dans le domaine particulier du contrat d’assurance, l’art. 33 LCA précise d’ailleurs que l’assureur répond de tous les événements qui présentent le caractère du risque contre les conséquences duquel l’assurance a été conclue, à moins que le contrat n’exclue certains événements d’une manière précise, non équivoque; il en résulte que le preneur d’assurance est couvert contre le risque tel qu’il peut le comprendre de bonne foi à la lecture du contrat et des conditions générales incorporées à celui-ci. Si l’assureur entend apporter des restrictions ou des exceptions, il lui incombe de le dire clairement. Conformément au principe de la confiance, c’est à l’assureur qu’il appartient de délimiter la portée de l’engagement qu’il entend prendre et le preneur n’a pas à supposer des restrictions qui ne lui ont pas été clairement présentées (ATF 133 III 675 consid. 3.3; 135 III 410 consid. 3.2).

Selon le TF, l’art. 28 let. b ch. 5 CGA détermine simplement le moment auquel la somme d’invalidité est payée par l’assureur, et rien d’autre. Le terme « péremption » ne s’y trouve pas, et il n’y est d’aucune façon dit que l’assuré serait déchu de ses droits cinq ans après l’accident. On ne saurait dès lors soutenir que le lecteur de cette clause devait de bonne foi en déduire que les droits de l’assuré s’éteignaient automatiquement après cinq ans; l’on ne comprend du reste pas pourquoi l’assuré devrait perdre ses droits à une somme d’invalidité du simple fait que son état de santé met plus de cinq ans à se stabiliser ou que l’assureur tarde à payer son dû. Si la clause avait le sens que lui donne l’intimée, la péremption pourrait intervenir même après l’ouverture d’une éventuelle procédure en paiement de la somme d’invalidité. La règle des cinq ans doit dès lors être comprise dans le sens qu’elle détermine le moment à partir duquel l’assureur a la possibilité de régler le cas même si l’importance de l’invalidité permanente de l’assuré ne peut pas encore être définitivement déterminée. Elle permet à l’assureur de ne pas devoir garder un dossier indéfiniment ouvert en lui ménageant la possibilité de liquider le cas après cinq ans, sur la base de l’état de fait tel qu’il se présente à ce moment-là, et à l’assuré ou au tiers bénéficiaire d’exiger le versement des prestations cinq ans après l’accident. L’art. 28 let. b ch. 5 CGA ne fixe pas de délai de péremption.

Dans sa réponse, l’assureur évoque divers arrêts où la péremption de créances de l’assuré a été admise. Le TF précise que, dans les clauses dont il était question dans les arrêts évoqués exprimaient sans aucune ambiguïté la péremption du droit à l’indemnité [« Les droits contre l’assureur s’éteignent si on ne les fait pas valoir en justice dans les deux ans qui suivent la survenance du sinistre » (ATF 126 III 278 consid. 7c p. 282); « Entschädigungsansprüche, die von der Gesellschaft abgelehnt und nicht binnen zwei Jahren, vom Eintritt des Schadens an gerechnet, durch Klageerhebung gerichtlich geltend gemacht werden, sind erloschen » (ATF 74 II 97); « Les demandes d’indemnité qui ont été rejetées et qui n’ont pas fait l’objet d’une action en justice dans les deux ans qui suivent le sinistre sont frappées de déchéance » (arrêt 4A_200/2008 du 18 août 2008)], contrairement à ce que l’on trouve dans le cas d’espèce, à l’art. 28 let. b ch. 5 CGA.

 

Prescription d’un capital d’invalidité

Dans l’assurance privée contre les accidents, l’invalidité se définit, si les parties n’ont rien convenu d’autre, comme une atteinte définitive à l’intégrité corporelle diminuant la capacité de travail, sans qu’il soit nécessaire que l’assuré éprouve effectivement un préjudice économique ensuite de l’accident (cf. art. 88 LCA; ATF 118 II 447 consid. 2b p. 455; arrêt 5C.61/2003 du 23 octobre 2003 consid. 3.5). L’invalidité correspond, sauf clauses contractuelles particulières, à une incapacité de travail théorique et abstraite, établie pour la moyenne des cas, sans tenir compte de la profession de l’assuré et des circonstances du cas concret (arrêt 5C.19/2006 du 21 avril 2006 consid. 2.2 et les réf. citées; arrêt C.457/1982 du 2 juin 1983 consid. 3b/aa in RBA XV n° 96 p. 516 s.); c’est bel et bien la notion d’invalidité médico-théorique, indépendante de la perte de gain effective, qui trouve application dans le cas d’espèce.

Aux termes de l’art. 46 al. 1 LCA, les créances qui dérivent du contrat d’assurance se prescrivent par deux ans à dater du fait d’où naît l’obligation. La LCA renvoie par ailleurs au Code des obligations pour toutes les questions qu’elle ne règle pas (art. 100 al. 1 LCA).

Au terme d’une évolution, la jurisprudence a précisé que le « fait d’où naît l’obligation » ne se confond pas nécessairement avec la survenance du sinistre, même s’il s’agit de la cause première de l’obligation d’indemnisation. Selon le type d’assurance envisagée, la prestation de l’assureur n’est due que si le sinistre engendre un autre fait précis. Ainsi, en matière d’assurance-accidents, le contrat peut prévoir une couverture en cas d’invalidité; ce n’est alors pas l’accident comme tel, mais la survenance de l’invalidité qui donne lieu à l’obligation de payer des prestations. La prescription commence donc à courir avec le fait qui donne naissance à l’obligation de base (grundsätzliche Leistungspflicht) de l’assureur de verser des prestations. S’agissant d’une indemnité pour invalidité, la prescription court dès le jour où il est acquis qu’il existe une invalidité, à savoir généralement lorsqu’il faut admettre que les mesures thérapeutiques destinées à conjurer le mal ou, du moins, à limiter les effets de l’atteinte dommageable ont échoué. Par contre, il n’est pas nécessaire que le taux d’invalidité soit définitivement déterminé; c’est l’invalidité dans son principe, et non dans son ampleur, qui doit être acquise, à moins que le contrat d’assurance ne prévoie par exemple qu’un taux minimal d’invalidité doit être atteint pour que le cas d’assurance soit réalisé. Peu importe, enfin, le moment où l’assuré a eu connaissance de son invalidité; contrairement aux art. 60 CO et 83 al. 1 LCR, le point de départ du délai de prescription de l’art. 46 al. 1 LCA est fixé de manière objective (ATF 139 III 263 consid. 1.2; 127 III 268 consid. 2b p. 270 et 2c p. 272; 118 II 447 consid. 3b et 4c; arrêt 5C.61/2003 précité consid. 3.3 et 3.5; Commentaire bâlois, Versicherungsvertragsgesetz, Nachführungsband, 2012, p. 163 [ CHRISTOPH K. GRABER ] et p. 259 [ ILERI/SCHMID, critiques]).

Le point de départ de la prescription n’est pas lié à l’exigibilité de la créance. En effet, dans la LCA, l’exigibilité dépend des renseignements donnés par l’assuré (art. 41 LCA), et le législateur ne voulait pas que celui-ci puisse influer sur le départ de la prescription. La prescription peut ainsi courir avant que la prestation ne soit devenue exigible (ATF 139 III 263 consid. 1.2; arrêt 4A_122/2014 du 16 décembre 2014 consid. 3.4.2). En revanche, une fois la prestation d’assurance devenue exigible, la prescription, bien évidemment, court (art. 130 al. 1 CO).

In casu, en vertu de l’art. 28 let. b ch. 5 CGA, la somme d’invalidité est payée au plus tard cinq ans après le jour de l’accident, en l’espèce donc le 14.08.2001; en vertu de cette clause, la prestation est ainsi devenue exigible à cette date et la prescription a commencé à courir. Le délai de deux ans est dès lors venu à terme le 14.08.2003. A défaut de l’art. 28 CGA, il faudrait retenir que l’invalidité permanente était acquise au plus tard le 14.05.2003, jour où le recourant a cessé toute activité professionnelle et s’est trouvé en incapacité de travail totale, selon l’Office de l’assurance-invalidité. Le délai de prescription de deux ans serait alors venu à terme le 14.05.2005. Dans les deux cas, le délai était échu avant le premier acte interruptif de prescription, intervenu le 04.08.2005 par notification d’un commandement de payer.

Le TF a laissé la question ouverte de savoir si la clause 28 let. B ch. 5 CGA est compatible avec les règles semi-impératives (art. 98 LCA) que sont l’art. 46 LCA et l’art. 88 al. 1 LCA, en vertu duquel l’indemnité d’invalidité sous forme de capital doit être calculée et payée, d’après la somme assurée, dès que les conséquences probablement permanentes de l’accident ont été définitivement constatées (sur l’art. 88 LCA, cf. ROLAND BREHM, L’assurance privée contre les accidents, 2001, n os 436 s., 442-444 et 782 s.).

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 4A_644/2014 consultable ici : http://bit.ly/1GZzHki

 

Projet de révision des règles sur la prescription civile

La commission est entrée en matière sans opposition sur le projet de révision des règles sur la prescription civile (13.100). Elle poursuivra ses travaux à l’une de ses prochaines séances. Elle souhaite attendre la décision du Conseil national sur la motion 14.3664 demandant la création d’un fonds pour les victimes de l’amiante. Elle a également l’intention d’organiser des auditions.

Le projet de révision des règles sur la prescription civile fait suite à une motion de la Commission des affaires juridiques du Conseil national (07.3763) demandant un allongement des délais de prescription afin qu’une action en dommages-intérêts puisse être introduite même si un dommage se produit à long terme. Le besoin de révision du droit suisse de la prescription a été confirmé l’année passée par la Cour européenne des droits de l’homme (arrêt du 11 mars 2014 dans la cause Howald Moor et autres c. Suisse).

 

Berne, 11.02.2015 – http://bit.ly/1DjmTPz