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8C_289/2024 (d) du 28.07.2025 – Violation de l’obligation de tenue de dossier et obstruction à la preuve – 46 LPGA / Refus de l’assurance-accidents de transmettre au tribunal et à l’assuré le dossier que lui a remis l’office AI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_289/2024 (d) du 28.07.2025

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Maxime inquisitoire / 43 LPGA – 61 LPGA

Violation de l’obligation de tenue de dossier et obstruction à la preuve / 46 LPGA

Refus de l’assurance-accidents de transmettre au tribunal et à l’assuré le dossier que lui a remis l’office AI

L’art. 33 LPGA ne vise ni la personne assurée ni les tribunaux

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a admis le recours d’un assuré contre la suppression de sa rente d’invalidité par son assureur-accidents. Notre Haute Cour a jugé que l’assureur-accidents avait violé son obligation de produire l’intégralité du dossier, en particulier les documents provenant de l’assurance-invalidité, qu’il avait conservés sans les transmettre au tribunal cantonal. Ni le fait de ne pouvoir garantir l’exhaustivité de ces dossiers ni l’indication de l’office AI de ne pas communiquer les pièces à des tiers (art. 33 LPGA) ne justifiaient un tel refus.

 

Faits
Le 22.04.1994, l’assuré, né en 1963, a subi un accident de la circulation. Pour les séquelles permanentes de cet accident, l’assurance-accidents lui a alloué, par décision du 16.04.1998, une IPAI de 35%. Par décision du 22.09.1998, l’assureur lui a en outre octroyé, dès le 01.10.1998, une rente fondée sur un taux d’invalidité de 46%. Ces deux décisions sont entrées en force.

En janvier 2021, l’assurance-accidents a ouvert une procédure de révision de la rente. La rente a été supprimée avec effet au 28.02.2022, par décision du 03.02.2022, confirmée sur opposition.

 

Procédure cantonale (arrêt UV.2023.00032 – consultable ici)

Par jugement du 29.02.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 43 al. 1 LPGA, l’assureur (et, conformément à l’art. 61 let. c LPGA, également le tribunal des assurances sociales) doit – selon la maxime inquisitoire – établir d’office les faits déterminants de manière correcte et complète afin que la décision concernant la prestation litigieuse puisse être rendue sur cette base (art. 49 LPGA ; ATF 136 V 376 consid. 4.1.1). Le devoir d’instruction s’étend jusqu’à ce que les faits nécessaires à l’examen des prétentions en cause soient suffisamment élucidés. Le principe inquisitoire est étroitement lié au principe de la libre appréciation des preuves, applicable tant au niveau administratif qu’au niveau judiciaire.

Si l’assureur ou le tribunal, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles il doit procéder d’office, est convaincu que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante (ATF 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2) et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu de rechercher d’autres preuves. Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu (appréciation anticipée des preuves ; ATF 146 V 240 consid. 8.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 124 V 90 consid. 4b).

En cas de doute important quant à l’exactitude et/ou à l’exhaustivité des faits, il convient de compléter l’instruction, pour autant que l’on peut encore attendre un résultat probant des mesures d’instruction supplémentaires (arrêt 8C_594/2024 du 20 juin 2025 consid. 4.1 ; SVR 2010 AlV Nr. 2 p. 3 consid. 2.2 et la référence, 8C_269/2009).

Consid. 3.2
Il ne dépend pas du bon vouloir de l’autorité, dans le cadre d’une procédure de recours, de ne transmettre au tribunal que les pièces qu’elle considère comme nécessaires et déterminantes pour l’appréciation du cas (arrêt 8C_616/2013 du 28 janvier 2014 consid. 2.1). Autrement, les principes de preuve exposés ci-dessus seraient vidés de leur substance (SVR 2010 AlV n° 2 p. 3 consid. 5.2.2, 8C_269/2009 ; arrêt 8C_751/2009 du 24 février 2010 consid. 4.3.2). Le droit constitutionnel à une tenue de dossier ordonnée et claire impose aux autorités et aux tribunaux de garantir l’exhaustivité des pièces produites ou établies au cours de la procédure (ATF 138 V 218 consid. 8.1.2 ; SVR 2011 IV n° 44 p. 131 consid. 2.2.1, 8C_319/2010 ; arrêt 5A_341/2009 du 30 juin 2009 consid. 5.2).

Pour les assureurs soumis à la partie générale du droit des assurances sociales, l’obligation de tenue de dossier a été concrétisée au niveau légal à l’art. 46 LPGA. Selon cette disposition, lors de chaque procédure relevant des assurances sociales, l’assureur enregistre de manière systématique tous les documents qui peuvent être déterminants (ATF 138 V 218 consid. 8.1.2 ; voir aussi arrêt 9C_171/2024 du 8 novembre 2024 consid. 4.3.2).

En outre, les documents doivent être classés dès le début dans l’ordre chronologique ; en cas de demande de consultation du dossier et au plus tard au moment de la décision, le dossier doit également être paginé dans son intégralité (SVR 2011 IV n° 44 p. 131 consid. 2.2.2, 8C_319/2010). En règle générale, il convient également d’établir un répertoire des pièces contenant une liste chronologique de toutes les écritures produites dans le cadre d’une procédure (arrêt 2C_327/2010 du 19 mai 2011 consid. 3.2, non publié in ATF 137 I 247 ; SVR 2011 IV n° 44 p. 131 consid. 2.2.2, 8C_319/2010).

Une violation de l’obligation de tenue de dossier, par omission ou suppression de documents, peut – sous réserve de simples irrégularités mineures dans la gestion du dossier – constituer une obstruction à la preuve et entraîner un renversement du fardeau objectif de la preuve (arrêt 8C_545/2021 du 4 mai 2022 consid. 5.2.2 et la référence à l’ATF 138 V 218 consid. 8.1 et 8.3).

Consid. 3.3
Conformément à l’art. 32 al. 1 LPGA, les autorités administratives et judiciaires de la Confédération, des cantons, des districts, des circonscriptions et des communes fournissent gratuitement aux organes des assurances sociales, dans des cas particuliers et sur demande écrite et motivée, les données qui leur sont nécessaires pour fixer ou modifier des prestations, ou encore en réclamer la restitution, pour prévenir des versements indus, pour fixer et percevoir les cotisations ainsi que pour faire valoir une prétention récursoire contre le tiers responsable.

Les organes des assurances sociales se prêtent mutuellement assistance aux mêmes conditions (art. 32 al. 2 LPGA).

Les personnes qui participent à l’application des lois sur les assurances sociales ainsi qu’à son contrôle ou à sa surveillance sont tenues, conformément à l’art. 33 LPGA, de garder le secret à l’égard des tiers.

Consid. 4
Dans sa prise de position du 28 juin 2024, l’assurance-accidents reconnaît être en possession de dossiers de l’office AI qu’elle n’a pas transmis au tribunal cantonal. À cet égard, elle fait valoir, d’une part, qu’elle ne peut garantir l’exhaustivité de ces dossiers et, d’autre part, que ceux-ci lui ont été remis par l’office AI sous la condition de ne pas les communiquer à des tiers. Ces deux motifs ne constituent toutefois pas des raisons suffisantes pour refuser à l’assuré la consultation de ces dossiers et pour ne pas les soumettre au tribunal.

Si l’office AI a, lors de la transmission des dossiers, fait référence à l’art. 33 LPGA selon lequel les dossiers ne peuvent être communiqués à des tiers, cette mention ne saurait viser ni la personne assurée ni les tribunaux chargés d’examiner la légalité des décisions de l’assurance-accidents. De même, la question de savoir comment la personne assurée doit procéder lorsqu’elle constate que les dossiers AI sont incomplets – et s’elle doit s’en prévaloir auprès de l’assurance-accidents ou de l’office AI – doit être séparée de la question de la consultation et de la communication des dossiers dans le cadre de la procédure judiciaire.

Aucun autre intérêt public ou privé prépondérant susceptible de s’opposer à la production de ces dossiers (sur la justification d’un refus du droit de consulter le dossier : arrêt 9C_171/2024 du 8 novembre 2024 consid. 4.3.2 et les références) n’a été allégué ni n’apparaît manifeste. En l’espèce, rien ne justifie donc de retenir ces dossiers et de ne pas les communiquer au tribunal cantonal.

Par conséquent, le recours doit être admis, le jugement cantonal annulé, et la cause renvoyée à la cour cantonale pour qu’elle statue à nouveau sur le recours contre la décision sur opposition du 18 janvier 2023, après production de l’ensemble du dossier – notamment des dossiers AI disponibles. Ce faisant, elle devra tenir compte de la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, selon laquelle l’octroi d’une prestation par l’assurance-accidents implique toujours un examen au moins implicite du lien de causalité adéquate et qu’une reconsidération n’est admissible que si cet examen implicite du caractère adéquat était manifestement erroné au regard de la situation de fait et de droit prévalant au moment de la décision initiale (arrêt 8C_698/2023 du 27 novembre 2024 consid. 5 et 6 ; voir également arrêt 8C_325/2024 du 20 février 2025 consid. 5.2).

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_289/2024 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_289/2024 (d) du 28.07.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/10/8c_289-2024)

 

 

8C_545/2021 (d) du 04.05.2022 – Renseignements fournis par téléphone par la caisse de chômage – Fardeau de la preuve – Protection de la bonne foi – Devoir de conseil des assureurs sociaux – 9 Cst. – 27 al. 2 LPGA / Obligation de tenir un dossier – Gestion des documents – 46 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_545/2021 (d) du 04.05.2022

 

Consultable ici (arrêt à 5 juges, non publié)

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Droit à l’indemnité chômage et rente de vieillesse AVS anticipée / 8 al. 1 LACI – 40 al. 1 LAVS

Renseignements fournis par téléphone par la caisse de chômage – Fardeau de la preuve – Protection de la bonne foi – Devoir de conseil des assureurs sociaux / 9 Cst. – 27 al. 2 LPGA

Obligation de tenir un dossier – Gestion des documents / 46 LPGA

 

Assuré, né en 1957, s’est inscrit à l’ORP le 24.08.2018, en vue d’un placement après avoir perdu son ancien emploi. La caisse de chômage a ouvert un délai-cadre d’indemnisation du 08.10.2018 au 07.10.2020, prolongé jusqu’au 07.04.2021 à la suite de la pandémie de Covid-19. Par décision du 16.12.2020, la caisse de compensation AVS a octroyé une rente de vieillesse anticipée de deux ans avec effet au 01.01.2021. Se référant à l’anticipation de la rente, la caisse de chômage a nié, par décision du 10.02.2021, le droit à l’indemnité de chômage à partir du 01.01.2021.

L’assuré a fait opposition à cette décision en faisant valoir, pour l’essentiel, qu’il s’était renseigné par téléphone auprès de la caisse de chômage en novembre 2020, avant la demande d’anticipation de la rente, pour savoir si les paiements de l’assurance-chômage seraient maintenus même en cas d’anticipation de la rente AVS. Le collaborateur compétent, C.__, s’est renseigné à ce sujet et lui a indiqué que les indemnités journalières de l’assurance-chômage continueraient d’être versées, mais diminuées du montant de la rente AVS. Sur la base de ces informations, il a demandé en décembre le versement anticipé de sa rente. Lors d’un autre entretien téléphonique, le 25.01.2021, le responsable du dossier a confirmé ses dires. Après avoir demandé à ce responsable de prendre position par écrit le 24.02.2021, la caisse de chômage a rejeté l’opposition par décision du 02.03.2021.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 16.06.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
Le tribunal cantonal a considéré que les conditions de la protection de la bonne foi n’étaient pas remplies. Il a retenu en substance que l’assuré n’était pas en mesure de prouver qu’un renseignement inexact lui avait été fourni lors des entretiens téléphoniques du 30.11.2020 et du 25.01.2021 (qui avaient incontestablement eu lieu). Cela ne résulterait ni de la durée d’environ huit minutes de la première conversation téléphonique, ni du fait que la question de la coordination entre l’anticipation de la rente AVS et l’indemnité de chômage aurait été sa seule motivation pour cet appel. En effet, on ignore totalement quelles informations a été communiquées ainsi que si et, le cas échéant, comment il a posé et formulé sa question. Le déroulement de la conversation et, en particulier, les informations prétendument inexactes ne sont pas non plus prouvés. Selon le tribunal cantonal, il n’y a donc aucune raison de s’écarter de la pratique selon laquelle la référence à un entretien téléphonique pour lequel il n’existe aucune note au dossier ne constitue pas une base suffisante pour une protection de la confiance.

Comme le contenu de l’entretien téléphonique du 30.11.2020 et la demande qui y a été exprimée ne sont pas prouvés, il n’est pas possible de vérifier si l’assuré aurait eu besoin d’être informé de la menace de suspension des indemnités de chômage en raison de l’anticipation de la rente AVS. Une éventuelle violation du devoir de conseil selon l’art. 27 al. 2 LPGA ne peut donc pas être prouvée. D’autres mesures de clarification sur le contenu de la conversation sont exclues, car ni le collaborateur de la caisse de chômage ni l’assuré n’ont rédigé de note téléphonique, de sorte qu’une reconstitution de la conversation est impossible. Les conséquences de cette absence de preuve sont supportées par l’assuré, qui veut déduire des droits du contenu de la conversation. En outre, il n’existe pas d’obligation générale de consigner chaque conversation téléphonique. En raison de la pratique invoquée par la caisse de chômage, qui consiste à rester toujours vague au téléphone et à ne pas donner de renseignements contraignants, le contenu de la conversation n’a pas dû être considéré comme essentiel pour la décision et être versé au dossier au moyen d’une note. Il n’y aurait donc pas lieu de conclure à une violation de l’obligation de tenir un dossier selon l’art. 46 LPGA, qui entraînerait un renversement du fardeau de la preuve.

Consid. 5.1
Le principe de l’instruction en vigueur dans la procédure en matière d’assurances sociales exclut, par définition, le fardeau de la preuve au sens de son administration, étant donné qu’il incombe au tribunal des assurances sociales ou à l’administration qui a rendu la décision de réunir les éléments de preuve (art. 43 al. 1 et art. 61 let. c LPGA). Dans le procès en matière d’assurances sociales, les parties ne supportent donc en général le fardeau de la preuve que dans la mesure où, en l’absence de preuve, la décision est rendue au détriment de la partie qui voulait déduire des droits des faits non prouvés. Cette règle de la preuve n’intervient toutefois que lorsqu’il s’avère impossible d’établir, dans le cadre du principe de l’instruction et sur la base d’une appréciation des preuves, un état de fait qui a au moins la probabilité de correspondre à la réalité (ATF 144 V 427 consid. 3.2 ; 138 V 218 consid. 6 et les références). Exceptionnellement, selon la jurisprudence, le fardeau de la preuve peut être renversé lorsqu’une partie n’est pas en mesure d’apporter une preuve pour des raisons qui ne lui sont pas imputables, mais qui sont le fait de l’autorité. La jurisprudence voit un tel cas de renversement du fardeau de la preuve dans l’absence de preuve de l’opportunité d’un recours, qui est due au fait que l’administration, en violation de son obligation de tenir le dossier (art. 46 LPGA), n’a pas versé le recours au dossier et a ainsi rendu impossible l’administration de la preuve du respect des délais (ATF 138 V 218 consid. 8.1 avec d’autres références ; cf. aussi ATF 140 V 85 consid. 4.4). En cas de simples insuffisances mineures dans la gestion du dossier, le Tribunal fédéral a explicitement rejeté une violation de l’obligation de tenir un dossier avec, comme conséquence, le renversement du fardeau de la preuve (ATF 138 V 218 consid. 8.3).

Consid. 5.2.1
L’obligation de tenir un dossier par l’administration et les autorités constitue la contrepartie du droit de consulter le dossier et de produire des preuves (découlant de l’art. 29 al. 2 Cst.), en ce sens que l’exercice du droit de consulter le dossier par la personne assurée présuppose une obligation de tenir un dossier (ATF 142 I 86 consid. 2.2 ; 130 II 473 consid. 4.1 ; 124 V 372 consid. 3b ; 124 V 389 consid. 3a). L’obligation de tenir un dossier sert aussi à ce que l’on appelle l’égalité des armes, car la personne concernée peut, dans le cadre de son droit de consultation, reconnaître les processus administratifs, s’exprimer en conséquence et déposer des demandes de preuves (ROGER PETER, Die Aktenführungspflicht im Sozialversicherungsrecht, in: Jusletter 14. Oktober 2019, Rz. 10).

Pour les assureurs soumis à la partie générale du droit des assurances sociales, l’obligation de tenir un dossier a été concrétisée au niveau de la loi à l’art. 46 LPGA (concernant les renseignements obtenus oralement, cf. également art. 43 al. 1 phrase 2 LPGA ; cf. ensuite art. 1 LACI pour sa validité dans le domaine de l’assurance-chômage). Selon cette disposition, lors de chaque procédure relevant des assurances sociales, l’assureur enregistre de manière systématique tous les documents qui peuvent être déterminants (sur le principe : ATF 138 V 218 consid. 8.1.2). Celui-ci est tenu de tenir un dossier complet sur la procédure afin de pouvoir, le cas échéant, permettre la consultation du dossier dans les règles et, en cas de recours, transmettre ces documents à l’instance de recours. Ce faisant, il doit consigner dans le dossier tout ce qui fait partie de l’affaire et qui peut être important pour la décision (ATF 138 V 218 consid. 8.1.2 ; 124 V 372 consid. 3b ; 124 V 389 consid. 3a). Selon son libellé, l’art. 46 LPGA s’applique à tous « les assureurs soumis à la partie générale du droit des assurances sociales », donc à toutes les procédures auxquelles la LPGA s’applique (cf. art. 2 LPGA), d’autant plus que les lois particulières ne prévoient pas de dérogations (UELI KIESER, Kommentar ATSG, 4. Aufl. 2020, N. 24 zu Art. 46 ATSG).

Consid. 5.2.2
La notion de documents pouvant être déterminants englobe notamment les résultats de l’instruction tels que les dossiers consultés, les rapports et expertises demandés, les notes téléphoniques (cf. ATF 117 V 285) ou les procès-verbaux, p. ex. d’inspection ou d’audition des parties (KIESER, op. cit., n. 15 ad art. 46 LPGA, qui énumère d’autres types de documents). L’obligation de tenir un dossier ne présuppose pas que le caractère déterminant de la pièce soit déjà établi au moment de son enregistrement dans le dossier. Elle s’étend au contraire à tous les documents qui – évalués de manière prospective – peuvent être déterminants. Etant donné qu’au moment où se pose la question de l’enregistrement au dossier, il n’est en règle générale pas encore possible de juger quelles seront les informations déterminantes pour la décision, tous les documents doivent en principe être versés au dossier (KIESER, op. cit., n. 17 ad art. 46 LPGA ; cf. également PETER, op. cit.). Font exception les pièces purement internes qui servent au processus de formation de l’opinion au sein de l’autorité ; celles-ci ne sont pas couvertes par le droit de consulter le dossier et – par symétrie – par l’obligation de tenir un dossier (arrêt I 988/06 du 28 mars 2007 consid. 3.4, in : SVR 2007 IV no 48 p. 156 ; KIESER, op. cit., n. 20 ad art. 46 LPGA ; PETER, op. cit., n. 41). La violation de l’obligation de tenir un dossier par le non-enregistrement ou la suppression de documents, sous réserve de simples manquements mineurs dans la gestion du dossier, conduire à un obstacle à la preuve et donc à un renversement du fardeau de la preuve (ATF 138 V 218 consid. 8.1 et 8.3).

Consid. 5.3
Selon la jurisprudence, dans la procédure administrative, il correspond à un principe général de procédure dérivé du droit d’être entendu que les faits et résultats pertinents pour la décision doivent être consignés par écrit en application de l’obligation de tenir un dossier. Lorsque l’administration mène un entretien avec une partie à la procédure, elle doit au moins en consigner le contenu essentiel dans un procès-verbal. Par ailleurs, le Tribunal fédéral a fait dépendre l’obligation de dresser un procès-verbal pour la procédure administrative de première instance à des circonstances concrètes du cas d’espèce (ATF 130 II 473 consid. 4.1 et 4.2 ; ATF 124 V 389 consid. 3 ; 119 V 208 consid. 4c ; arrêts 1C_4/2018 du 11 juillet 2019 consid. 3.5 ; 1C_388/2009 du 17 février 2010 consid. 5.2.2).

Consid. 6.1
Le renseignement téléphonique du 30.11.2020, en l’espèce litigieux, a été donné alors que des prestations de l’assurance-chômage étaient en cours de versement, c’est-à-dire après la reconnaissance par l’administration d’un droit légal. Etant donné que les prestations concernées ont un caractère durable et que l’administration était tenue de vérifier en permanence les conditions d’octroi (cf. en particulier l’art. 8 al. 1 LACI), le collaborateur de la caisse de chômage qui a fourni le renseignement a agi, du point de vue de l’art. 46 LPGA, dans le cadre d’une procédure d’assurance sociale, et donc dans le champ d’application de l’obligation de tenir un dossier qui y est ancrée (cf. pour la procédure d’instruction proprement dite : art. 43 al. 1 phrase 2 LPGA). En conséquence, il aurait été indiqué de mentionner dans le dossier la demande effectuée en l’espèce et la réponse donnée. En effet, l’art. 46 LPGA prévoit que tout ce qui fait partie de la procédure doit être consigné dans le dossier, car ce n’est qu’ultérieurement que l’on peut déterminer ce qui fait partie des informations pertinentes pour la décision. Il en va de même en l’espèce. Le collaborateur de la caisse de chômage ne conteste pas non plus qu’il a été question de la retraite anticipée, sans toutefois se souvenir des termes exacts de la discussion. Par conséquent, le contenu de la conversation, non étayé en détail, présentait un lien direct avec les autres prestations de l’assurance-chômage, notamment avec une éventuelle réduction ou suppression des indemnités de chômage (cf. art. 8 al. 1 let. d LACI et supra consid. 2). L’instance cantonale ne peut donc pas être suivie dans la mesure où elle n’a pas reconnu d’emblée d’éléments permettant de conclure que le contenu aurait probablement été déterminant pour la décision. Une telle conclusion ne peut pas non plus être tirée de la pratique invoquée par la caisse de chômage de rester toujours vague au téléphone et de ne pas donner de renseignements contraignants. En effet, même les réserves émises oralement par l’assurance dans le cadre d’une procédure en cours peuvent et, le cas échéant, doivent être mentionnées dans la note au dossier.

Consid. 6.2
La question de savoir ce qu’il en est dans le détail et quelles exigences concrètes devraient être posées à une note au dossier (cf. à ce sujet PETER, op. cit., ch. 49 ss.) peut rester ouverte. En effet, bien qu’il faille partir du principe qu’il n’y a pas de preuve en ce qui concerne le contenu de la conversation litigieuse et que celle-ci trouve sa raison d’être dans le fait que le procès-verbal n’a pas été établi, cela ne justifie pas en soi un renversement du fardeau de la preuve. Selon la jurisprudence, une telle situation n’entre en ligne de compte qu’à titre exceptionnel (cf. supra consid. 5.1). Le Tribunal fédéral a ainsi reconnu qu’il n’y avait pas de formalisme excessif dans le fait d’exiger que les demandes de prestations auprès de l’administration ne soient pas faites par téléphone, mais par écrit, et de se faire confirmer par écrit les renseignements fournis par téléphone. Le point de vue contraire conduirait à un renversement du fardeau de la preuve contraire à la loi (arrêt 9C_493/2012 du 25 septembre 2012 consid. 6). Il doit en être de même dans le cas présent. C’est précisément si les renseignements avaient été donnés de la manière invoquée – à savoir que d’autres prestations d’indemnités journalières de l’assurance-chômage seraient versées malgré l’anticipation de la rente AVS – que cela aurait dû être une raison suffisante pour l’assuré de se le faire confirmer par écrit, compte tenu de la portée considérable à divers égards d’une telle disposition. Il n’apparaît pas que cela aurait été fait ou qu’il aurait pris des dispositions en ce sens, et encore moins qu’il l’aurait fait valoir.

Consid. 6.3
L’assuré n’est donc pas en mesure de renverser le fardeau de la preuve et son argument de la protection de la bonne foi tombe à faux. En tout état de cause, le résultat de l’arrêt attaqué demeure valable et le recours doit être rejeté.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_545/2021 consultable ici (arrêt à 5 juges, non publié)

 

Proposition de citation : 8C_545/2021 (d) du 04.05.2022, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/09/8c_545-2021)

 

 

 

Remarque :

Comme le souligne le Tribunal fédéral, lors d’entretien téléphonique où des informations importantes sont communiquées, il est nécessaire de demander une confirmation par écrit. Comme dit l’adage populaire : « Les paroles s’envolent, les écrits restent ».