Archives par mot-clé : Jurisprudence

9C_61/2016 (f) du 14.07.2016 – Engagement de domestique privé par une fonctionnaire auprès d’une organisation internationale – Directive DFAE 2006 / Salaire réellement perçu (en espèces et/ou en nature) est le salaire déterminant – 5 al. 2 LAVS / salaire fixé dans un contrat-type de travail non déterminant

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_61/2016 (f) du 14.07.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2bESWEs

 

Engagement de domestique privé par une fonctionnaire auprès d’une organisation internationale – Directive DFAE 2006

Salaire réellement perçu (en espèces et/ou en nature) est le salaire déterminant – 5 al. 2 LAVS / salaire fixé dans un contrat-type de travail non déterminant

Droit d’être entendu de l’assuré dans le cadre de décision relative à des cotisations paritaires

 

A.__, fonctionnaire auprès d’une organisation internationale a annoncé à la Caisse cantonale vaudoise de compensation (CCVD) avoir engagé B.__ (ci-après: l’assurée), citoyenne étrangère, en tant que domestique privée au sens de la directive du 01.05.2006 sur l’engagement des domestiques privés par les membres du personnel des missions diplomatiques, des missions permanentes, des postes consulaires et des organisations internationales en Suisse (ci-après: la directive du DFAE de 2006 ou la directive). L’employeuse a par la suite déclaré avoir versé à son employée un salaire mensuel brut de CHF 1’600 du 01.03.2011 au 30.11.2011.

Le 25.07.2012, la caisse de compensation a informé l’employeuse qu’elle avait pris connaissance du fait que B.__ avait travaillé à son service dès le 03.12.2010 et l’a invitée à déclarer la totalité des salaires versés. Le 31.10.2014, après que l’employeuse eut maintenu le contenu de sa déclaration, la CCVD a prononcé l’affiliation d’office de A.__ en qualité d’employeur, avec effet rétroactif du 01.12.2010 au 28.02.2011, estimé le montant du salaire de B.__ à CHF 2’590.00 (CHF 1’600.00 en espèces et CHF 990.00 en nature) et fixé les cotisations arriérées pour les années 2010 et 2011 à un montant total de CHF 3’291.05 (cotisations relatives aux salaires, intérêts moratoires sur cotisations arriérées ainsi que frais et amende pour la procédure de taxation d’office).

 

Procédure cantonale (arrêt AVS 4/15 – 41/2015  – consultable ici : http://bit.ly/2b8kaEF)

Par jugement du 26.11.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’employeuse reproche à la juridiction cantonale de s’être écartée du montant du salaire déclaré à la caisse de compensation pour fixer les cotisations sociales paritaires dues. Elle maintient que le montant de CHF 1’600.00 contenait déjà la part en nature de la rémunération.

Le salaire déterminant, au sens de l’art. 5 al. 2 LAVS, comprend toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé. Il englobe, par définition, toutes les sommes touchées par la personne salariée, si leur versement est économiquement lié au contrat de travail ; peu importe, à ce propos, que les rapports de service soient maintenus ou aient été résiliés, que les prestations soient versées en vertu d’une obligation ou à titre bénévole. On considère donc comme revenu d’une activité salariée, soumis à cotisations, non seulement les rétributions versées pour un travail effectué, mais en principe toute indemnité ou prestation ayant une relation quelconque avec les rapports de service, dans la mesure où ces prestations ne sont pas franches de cotisations en vertu de prescriptions légales expresses. Sont en principe soumis à cotisations tous les revenus liés à des rapports de travail ou de service qui n’auraient pas été perçus sans ces rapports. Inversement, l’obligation de payer des cotisations ne concerne en principe que les revenus qui ont été effectivement perçus par le travailleur (ATF 138 V 463 consid. 6.1 p. 469 et les références).

En l’espèce, pour retenir un salaire déterminant de CHF 2’590.00, la juridiction cantonale s’est fondée, sans autres précisions, sur le fait que le salaire mensuel brut minimal du personnel des ménages privés dans le canton de Vaud était de CHF 3’561.00 pour un plein temps. Elle a considéré qu’il était peu probable – au vu de ce montant – que l’employeuse ait d’emblée tenu compte de la valeur AVS des prestations en nature.

Seul est déterminant au regard de l’AVS le montant effectivement perçu – en espèces et en nature – par le travailleur. Le salaire fixé dans le contrat-type de travail mentionné par le premier juge ne serait ainsi déterminant que si le travailleur l’a réellement perçu pendant les rapports de travail ou ultérieurement.

Le droit d’être entendu des salariés concernés par une décision relative à des cotisations paritaires doit, sous réserve d’exceptions admises pour des raisons pratiques, être respecté tant lorsque la qualification de l’activité des travailleurs est en cause que lorsque c’est la nature de certains versements qui est litigieuse (ATF 113 V 1). L’audition de l’assurée permettra également de clarifier le montant des salaires perçus.

 

Le TF a annulé le jugement cantonal et renvoyé la cause à l’autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants.

 

 

Arrêt 9C_61/2016 consultable ici : http://bit.ly/2bESWEs

 

 

8C_800/2015 (f) du 07.07.2016 – Revenu d’invalide – ESS vs DPT – 16 LPGA / Taux d’abattement de 10% pour une atteinte au membre inférieur gauche

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_800/2015 (f) du 07.07.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2btzWKq

 

Revenu d’invalide – ESS vs DPT / 16 LPGA

Taux d’abattement de 10% pour une atteinte au membre inférieur gauche

 

Assuré, sans formation professionnelle, peintre en bâtiment, est victime d’une chute dans les escaliers le 21.02.2005, il a subi une grave entorse du genou droit, avec déchirure complète du ligament croisé antérieur (LCA) et probable atteinte du ligament latéral interne.

Expertise rhumatologique et orthopédique le 07.03.2011 : capacité de travail exigible entière dans une activité qui n’exigeait pas de charge pour le genou gauche et qui pouvait s’effectuer dans des positions variées et alternées, principalement assises. Expertise orthopédique du 24.04.2012 demandé par l’office AI : capacité résiduelle de travail de 50% sur un plan purement physique et de 50% également pour des raisons psychiatriques, ce qui rendait selon lui toute activité professionnelle aléatoire. Décision de l’assureur-accidents : octroi d’une rente d’invalidité de 19% et d’une IPAI de 15%.

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale a constaté que l’assuré disposait d’une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. Elle a écarté les descriptions des postes de travail (DPT) utilisées par l’assurance-accidents pour calculer le revenu d’invalide et s’est référée aux statistiques salariales issues de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS). Les premiers juges ont procédé à un abattement de 20% sur le revenu d’invalide. Par arrêt du 28.09.2015, le tribunal cantonal a partiellement admis (rente d’invalidité de 27% et IPAI de 30%).

 

TF

ESS vs DPT

Selon l’assurance-accidents, les limitations fonctionnelles décrites dans les deux expertises étaient compatibles avec les cinq DPT qu’elle avait retenues dans sa décision sur opposition. Un des postes retenus (DPT n° 5202 ; praticien en logistique) n’était pas adapté au handicap de l’assuré (part non négligeable du temps de travail – 30% – en position debout). Dans ces conditions, les premiers juges n’ont pas violé le droit fédéral en se référant aux statistiques salariales.

 

Taux d’abattement sur le salaire statistique

En ce qui concerne le taux d’abattement, la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation). Une déduction globale maximale de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (cf. ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79 s.).

L’étendue de l’abattement (justifié dans un cas concret) constitue une question typique relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif (« Ermessens-überschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou a abusé (« Ermessensmissbrauch ») de celui-ci (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72 s.; 132 V 393 consid. 3.3 p. 399), notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n’usant pas de critères objectifs (cf. ATF 130 III 176 consid. 1.2 p. 180).

Les divers experts médicaux ne retiennent pas que l’assuré se déplace en cannes anglaises, qu’il doit impérativement travailler en position assise avec la jambe droite allongée et qu’il ne peut transporter aucune charge, même minime. Dans ces circonstances, on constate que la juridiction cantonale a fixé l’abattement de 20% en se fondant sur des éléments qui ne sont pas pertinents. En revanche, un abattement en raison des limitations fonctionnelles retenues par les experts apparaît justifié en l’espèce. A lui seul, ce critère ne justifie toutefois pas une déduction supérieure à 10%.

En procédant à un abattement de 10% sur le revenu d’invalide, on obtient un taux d’invalidité de 17,5%, soit un taux très proche de celui retenu par l’assurance-accidents dans sa décision sur opposition.

 

Le TF accepte partiellement le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_800/2015 consultable ici : http://bit.ly/2btzWKq

 

 

4A_689/2015 (f) du 16.06.2016 – Prescription d’un dommage évolutif – 60 CO

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_689/2015 (f) du 16.06.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2b69vxr

 

Prescription d’un dommage évolutif – 60 CO

 

 

TF

L’art. 60 al. 1 CO énonce que l’action en dommages-intérêts se prescrit par un an à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne qui en est l’auteur, et, dans tous les cas, par dix ans dès le jour où le fait dommageable s’est produit.

Selon la jurisprudence, le créancier connaît suffisamment le dommage lorsqu’il apprend, concernant son existence, sa nature et ses éléments, les circonstances propres à fonder et à motiver une demande en justice (ATF 131 III 61 consid. 3.1.1). Eu égard à la brièveté du délai de prescription, on ne saurait se montrer trop exigeant à l’égard du lésé ; suivant les circonstances, un certain temps doit lui être laissé pour lui permettre d’estimer l’étendue définitive du dommage, seul ou avec le concours d’un tiers (ATF 111 II 55 consid. 3a p. 57). Si le législateur cherchait à éviter, pour la sécurité du droit, que le lésé ne tarde à agir, il n’a pu vouloir l’obliger à intenter action avant de connaître les éléments essentiels de son préjudice, ce qui le contraindrait à réclamer d’emblée le maximum de ce à quoi il pourrait avoir droit, ou à amplifier ses conclusions au fur et à mesure que les suites du fait dommageable se déclarent; or, de tels procédés présentent de graves inconvénients sous l’angle de l’administration de la justice (ATF 74 II 30 consid. 1a p. 34 s.).

Le dommage n’est réputé réalisé qu’au moment où il s’est manifesté complètement. Lorsque l’ampleur du préjudice dépend d’une situation qui évolue, le délai de prescription ne court pas avant le terme de cette évolution. Tel est le cas notamment du préjudice consécutif à une atteinte à la santé dont il n’est pas possible de prévoir d’emblée l’évolution avec suffisamment de certitude. En particulier, la connaissance du dommage résultant d’une invalidité permanente suppose que l’état de santé soit stabilisé sur le plan médical et que le taux de l’incapacité de travail soit fixé au moins approximativement ; le lésé doit en outre savoir, sur la base des rapports médicaux, quelle peut être l’évolution de son état (arrêt 4A_136/2012 du 18 juillet 2012 consid. 4.2; 112 II 118 consid. 4 p. 123; 92 II 1 consid. 3 p. 4). La jurisprudence vise essentiellement des cas de préjudice consécutif à une atteinte à la santé de la victime, mais elle peut inclure d’autres situations où un acte illicite exerce sur le patrimoine un effet médiat dans une mesure qu’il n’est pas possible de prévoir avec assez de sécurité (ATF 108 Ib 97 consid. 1c p. 100).

 

 

Arrêt 4A_689/2015 consultable ici : http://bit.ly/2b69vxr

 

 

6B_1144/2015 (f) du 07.07.2016 – Violation grave des règles de la circulation – Dépassement téméraire de 2 motos et 1 voiture – 35 al. 2 LCR – 35 al. 3 LCR / Grief quant au principe de la présomption d’innocence écarté – 32 al. 1 Cst. – 6 § 2 CEDH – 14 al. 2 Pacte ONU II

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_1144/2015 (f) du 07.07.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2btwqC8

 

Violation grave des règles de la circulation – Dépassement téméraire de 2 motos et 1 voiture – 35 al. 2 LCR – 35 al. 3 LCR

Grief quant au principe de la présomption d’innocence écarté – 32 al. 1 Cst. – 6 § 2 CEDH – 14 al. 2 Pacte ONU II

 

X.__ circulait au volant de sa voiture sur la route de Sornard, de Basse-Nendaz en direction de Haute-Nendaz pour se rendre à son domicile. A.__ roulait sur la même route au guidon de sa moto ; sa compagne, B.__, avait pris place à l’arrière de la moto. A la sortie du village de Sornard, A.__ circulait derrière un véhicule portant des plaques anglaises. Il était lui-même suivi par une moto pilotée par des amis tessinois. X.__ a alors entrepris de dépasser les deux motos et la voiture anglaise. Lors de la manœuvre de dépassement des motos qui circulaient normalement l’une derrière l’autre, il a constaté qu’un véhicule roulait sur la voie descendante et arrivait en face de lui. Il s’est rabattu brutalement sur la droite, contraignant le conducteur de la première moto à freiner fortement et à diriger son véhicule sur le bas-côté de la chaussée. En effet, après avoir remarqué que X.__ ne parviendrait pas à dépasser le véhicule circulant devant lui, A.__, en sa qualité de pilote expérimenté, a eu le réflexe de décélérer préventivement « en relâchant les gaz ». Sa vitesse était dès lors déjà réduite lorsque, finalement, il a été contraint de freiner fortement.

X.___ a été reconnu coupable de violation grave des règles de la circulation (art. 90 ch. 2 LCR en relation avec l’art. 35 al. 2 et 3 LCR). Sur appel, le recours de X.__ a été rejeté et le jugement de première instance a été confirmé.

 

TF

Un des griefs de X.__ est la violation du principe de la présomption d’innocence, reprochant à la cour cantonale d’avoir renversé le fardeau de la preuve.

La présomption d’innocence, garantie par l’art. 32 al. 1 Cst., l’art. 6 § 2 CEDH et l’art. 14 al. 2 Pacte ONU II, porte sur la répartition du fardeau de la preuve dans le procès pénal, d’une part, et sur la constatation des faits et l’appréciation des preuves, d’autre part.

En ce qui concerne le fardeau de la preuve, il incombe entièrement et exclusivement à l’accusation d’établir la culpabilité du prévenu, et non à celui-ci de démontrer qu’il n’est pas coupable. La présomption d’innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l’accusé n’a pas prouvé son innocence. Lorsque X.__ se plaint d’une telle violation, la cour de droit pénal examine librement s’il ressort du jugement, considéré objectivement, que le juge a condamné l’accusé uniquement parce qu’il n’avait pas prouvé son innocence.

Comme règle d’appréciation des preuves, la présomption d’innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l’existence d’un fait défavorable à l’accusé si, d’un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l’existence de ce fait. Il importe peu qu’il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s’agir de doutes sérieux et irréductibles, c’est-à-dire de doutes qui s’imposent à l’esprit en fonction de la situation objective. Dans cette mesure, la présomption d’innocence se confond avec l’interdiction générale de l’arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (ATF 138 V 74 consid. 7 p. 82; 124 IV 86 consid. 2a p. 87 s.; 120 Ia 31 consid. 2 p. 33 ss).

La cour cantonale n’a pas renversé, en l’espèce, le fardeau de la preuve. En effet, elle n’a pas retenu la culpabilité du recourant au motif qu’il n’aurait pas prouvé son innocence, mais parce qu’elle en avait acquis la conviction au vu des preuves administrées et notamment des déclarations de B.__ et de A.__. Elle a relevé que le témoignage de B.__ était crédible. En effet, celle-ci n’avait aucun intérêt à nuire au recourant en le dénonçant pour des faits inexacts dans la mesure où elle connaissait X.__, qui était son patient, et qu’elle entretenait de bonnes relations avec son épouse. En outre, les témoignages des deux témoins concordaient. Dans la mesure où X.__ invoque la présomption d’innocence comme règle d’appréciation des preuves, ce grief se confond avec celui d’appréciation arbitraire des preuves, qui a été déclaré mal fondé.

 

 

Arrêt 6B_1144/2015 consultable ici : http://bit.ly/2btwqC8

 

 

9C_92/2016 (f) du 29.06.2016 – Révision d’une rente d’invalidité – 17 LPGA / Capacité de travail médico-théorique vs amélioration de la capacité de gain

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_92/2016 (f) du 29.06.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2b8f6k1

 

Révision d’une rente d’invalidité – 17 LPGA

Capacité de travail médico-théorique vs amélioration de la capacité de gain

 

TF

Avant de réduire ou de supprimer une rente d’invalidité, l’administration doit examiner si la capacité de travail que la personne assurée a recouvrée sur le plan médico-théorique se traduit pratiquement par une amélioration de la capacité de gain et, partant, une diminution du degré d’invalidité ou si, le cas échéant, il est nécessaire de mettre préalablement en œuvre une mesure d’observation professionnelle (afin d’établir l’aptitude au travail, la résistance à l’effort, etc.), voire des mesures de réadaptation au sens de la loi (arrêt 9C_163/2009 du 10 septembre 2010 consid. 4.2.2 et les références, in SVR 2011 IV n° 30 p. 86).

La jurisprudence considère qu’il existe des situations dans lesquelles il convient d’admettre que des mesures d’ordre professionnel sont nécessaires, malgré l’existence d’une capacité de travail médico-théorique. Il s’agit des cas dans lesquels la réduction ou la suppression, par révision (art. 17 al. 1 LPGA) ou reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA), du droit à la rente concerne une personne assurée qui est âgée de 55 ans révolus ou qui a bénéficié d’une rente pendant quinze ans au moins.

Cela ne signifie pas que la personne assurée peut se prévaloir d’un droit acquis dans le cadre d’une procédure de révision ou de reconsidération ; il est seulement admis qu’une réadaptation par soi-même ne peut, sauf exception, être exigée d’elle en raison de son âge ou de la durée du versement de la rente (arrêt 9C_228/2010 du 26 avril 2011 consid. 3.3, in SVR 2011 IV n° 73 p. 220). Des exceptions ont déjà été admises lorsque la personne concernée avait maintenu une activité lucrative malgré le versement de la rente – de sorte qu’il n’existait pas une longue période d’éloignement professionnel – ou lorsqu’elle disposait d’une agilité et d’une flexibilité particulières et était bien intégrée dans l’environnement social (arrêt 9C_183/2015 du 19 août 2015 consid. 5, in SVR 2015 IV n° 41 p. 139).

 

 

Arrêt 9C_92/2016 consultable ici : http://bit.ly/2b8f6k1

 

 

9C_641/2015 (f) du 21.06.2016 – Débats publics en instance cantonale non mis en œuvre par l’instance cantonale – recours de l’assuré accepté / 30 Cst. – 6 § 1 CEDH

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_641/2015 (f) du 21.06.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2bqh24L

 

Débats publics en instance cantonale non mis en œuvre par l’instance cantonale – recours de l’assuré accepté / 30 Cst. – 6 § 1 CEDH

 

L’assuré a déféré la décision de refus de rente de l’office AI au tribunal cantonal compétent et a requis la mise en œuvre de débats publics.

Par jugement du 21.07.2015 (AI 104/12 – 169/2015), la juridiction cantonale a admis partiellement le recours et réformé la décision administrative. En outre, elle a renvoyé la cause à l’office AI afin qu’il statue sur les conséquences de l’aggravation observée. Les débats publics demandés n’ont pas été mis en œuvre.

 

TF

L’art. 30 al. 3 Cst., selon lequel l’audience et le prononcé du jugement sont publics, ne confère pas au justiciable de droit à une audience publique. Il se limite à garantir qu’une telle audience se déroule publiquement lorsqu’il y a lieu d’en tenir une. Le droit à des débats existe seulement pour les causes qui bénéficient de la protection de l’art. 6 § 1 CEDH, lorsque la procédure applicable le prévoit ou lorsque sa nécessité découle des exigences du droit à la preuve (cf. ATF 128 I 288 consid. 2 p. 290 ss). L’art. 6 § 1 CEDH garantit notamment à chacun le droit à ce que sa cause soit entendue publiquement. L’obligation d’organiser des débats publics au sens de cette disposition suppose une demande formulée de manière claire et indiscutable. Une requête de preuve (demande tendant à la comparution personnelle, à l’interrogatoire des parties, à l’audition de témoins ou à une inspection locale) ne suffit pas à fonder une telle obligation (cf. ATF 122 V 47 consid. 2c p. 52 sv. et 3a p. 55).

Saisi d’une demande tendant à la mise en œuvre de débats publics, le juge cantonal doit en principe y donner suite. Il peut cependant s’abstenir dans les cas prévus par l’art. 6 § 1 seconde phrase CEDH, lorsque la demande est abusive (chicanière ou dilatoire), lorsqu’il apparaît clairement que le recours est infondé, irrecevable ou, au contraire, manifestement bien-fondé ou lorsque l’objet du litige porte sur des questions hautement techniques (cf. ATF 122 V 47 consid. 3b p. 55 ss).

Le Tribunal fédéral a précisé qu’il ne pouvait être renoncé à des débats publics au motif que la procédure écrite convenait mieux pour discuter de questions d’ordre médical, même si l’objet du litige porte essentiellement sur la confrontation d’avis spécialisés au sujet de l’état de santé et de l’incapacité de travail d’un assuré en matière d’assurance-invalidité (cf. ATF 136 I 279 consid. 3 p. 283 sv.).

En l’espèce, le tribunal cantonal n’a pas examiné la requête tendant à la mise en œuvre des débats publics que le recourant avait présentée dans son recours cantonal et n’a pas donné suite à celle-ci. On se trouve pourtant dans l’éventualité dont il est question à l’arrêt 9C_198/2011 consid. 2.1, dès lors que la présente cause bénéficie de la protection de l’art. 6 § 1 CEDH, que la demande avait été formulée de manière claire et indiscutable et qu’elle ne présentait pas de caractère abusif. Quant au sort du litige, dont l’objet porte essentiellement sur la confrontation d’avis spécialisés au sujet de l’état de santé et de l’incapacité de travail du recourant en matière d’assurance-invalidité, il était indécis, la juridiction cantonale ayant d’ailleurs admis partiellement le recours.

Le TF accepte le recours de l’assuré sur ce point, le jugement cantonal est annulé, la cause étant renvoyée à l’instance précédente pour procéder conformément aux considérants.

 

 

Arrêt 9C_641/2015 consultable ici : http://bit.ly/2bqh24L

 

 

9C_912/2015 (f) du 05.07.2016 – Envoi du recours à l’ancienne adresse du tribunal cantonal – rappel de la jurisprudence – recours dans le délai légal accepté / Preuve que l’enveloppe retournée par la Poste contenait le recours – métadonnées du fichier informatique acceptées comme preuve – 99 LTF

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_912/2015 (f) du 05.07.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2b69ZCa

 

Envoi du recours à l’ancienne adresse du tribunal cantonal – rappel de la jurisprudence – recours dans le délai légal accepté

Preuve que l’enveloppe retournée par la Poste contenait le recours – métadonnées du fichier informatique acceptées comme preuve – 99 LTF

 

Décision de l’Office AI du 02.09.2015, supprimant le droit à la rente d’invalidité.

Le mandataire de l’assuré a déposé un mémoire de recours contre la décision du 02.09.2015 (cachet postal mentionnant la date du 06.10.2015). Ledit mandataire l’a malencontreusement envoyé à l’ancienne adresse du Tribunal cantonal à Givisiez ; la Poste suisse l’a retourné à son expéditeur le 13.10.2015. Le jour même, le mandataire a envoyé au tribunal cantonal (à la bonne adresse) le mémoire de recours, les déclarations de deux témoins attestant de son dépôt dans une boîte aux lettres de la Poste suisse le 05.10.2015 à 22h15 et l’enveloppe de l’envoi à l’ancienne adresse.

Le mandataire a conclu à ce que son recours fût considéré comme étant valablement déposé et demandé, subsidiairement, que sa lettre du 13.10.2015 fût interprétée comme une demande de restitution du délai.

La juridiction cantonal a considéré que le recours contre la décision du 02.09.2015 avait été formé le 13.10.2015, a rejeté la demande de restitution du délai et déclaré le recours irrecevable pour cause de tardiveté (605 2015 214).

 

TF

L’assuré allègue que le secrétariat de son mandataire a ouvert par inadvertance le pli posté le 05.10.2015 qui lui avait été retourné le 13.10.2015. Afin d’établir le contenu de l’enveloppe, il dépose le fichier informatique du recours daté du 05.10.2015, alléguant qu’il ressort des propriétés de ce document qu’il avait été modifié pour la dernière fois ce jour-là à 20h34’19 » et que ce texte est identique à celui qui figurait dans l’envoi du 13.10.2015. Il en conclut que la preuve du contenu de l’enveloppe est ainsi rapportée.

En ce qui concerne les conséquences juridiques de l’envoi du recours à l’ancienne adresse du tribunal cantonal, l’assuré recourant se réfère aux avis de DONZALLAZ (Loi sur le Tribunal fédéral, Commentaire, 2008, n. 1236) et de POUDRET/SANDOZ-MONOD (Commentaire de la loi fédérale d’organisation judiciaire, vol. I, 1990, n. 4.3.1 ad art. 32 OJ), qui mentionnent l’arrêt ATF 39 I 54. Il relève que si la Poste retourne le pli à l’expéditeur pour corriger l’adresse défectueuse, sans pour autant le refuser, l’acte est censé lui avoir été remis à la date de la première expédition. Dans le présent cas, le recourant observe que le pli du 05.10.2015 n’a jamais été refusé par la Poste ; il en déduit que cette date marque le jour du dépôt de son recours.

Devant le Tribunal fédéral, l’assuré recourant produit un fichier informatique contenant le mémoire de recours daté du 05.10.2015, afin de prouver que le document envoyé à l’ancienne adresse de la juridiction cantonale avait été modifié pour la dernière fois avant son dépôt dans la boîte aux lettres. Ce moyen de preuve est recevable (art. 99 al. 1 LTF). D’une part, le tribunal cantonal n’a pas invité le recourant à s’exprimer sur la question de la preuve du contenu de l’enveloppe avant de rendre son jugement, point sur lequel le recourant n’avait pas à compter dès lors qu’il n’avait que transmis son premier envoi à l’autorité judiciaire (cf. CORBOZ, Commentaire de la LTF, 2e éd., n. 25a ad art. 99 LTF); d’autre part, le fichier informatique produit ne constitue de toute manière que la version électronique de l’acte daté du 05.10.2015 auquel il peut être assimilé.

L’assuré a ainsi établi que le mémoire de recours daté du 05.10.2015, qu’il a fait suivre à la juridiction cantonale le 13.10.2015, est bien celui qui se trouvait dans l’enveloppe qui avait été envoyée le 05.10.2015 à l’ancienne adresse du tribunal cantonal.

L’assuré soutient que le dépôt du recours au tribunal cantonal est intervenu à temps, nonobstant l’envoi à l’ancienne adresse de cette autorité.

Dans l’affaire qui avait donné lieu à l’arrêt H 260/96 du 20.10.1997, une caisse de compensation avait notifié une décision en réparation d’un dommage à un destinataire dont l’adresse n’était plus valable. Le pli contenant la décision avait été retourné par l’office postal destinataire à la caisse de compensation qui l’avait ensuite fait parvenir à bon port. Le TFA avait considéré que la caisse, en remettant la décision à la poste dans le délai prescrit à l’art. 82 aRAVS, avait fait valoir en temps utile sa créance en réparation du dommage. En effet, la non-communication d’une décision n’affecte pas sa validité mais exclusivement son opposabilité, c’est-à-dire ses effets. Dans la mesure où la décision était pleinement valide, sa remise en temps utile à un bureau de poste suffisait pour sauvegarder le délai de l’art. 82 aRAVS.

Dans l’arrêt 9C_94/2008 du 30.09.2008, publié in SVR 2009 IV n° 17 p. 45, le TF avait été saisi d’un recours contre une décision d’irrecevabilité du TAF qui n’était pas entré en matière sur un recours en raison du défaut de versement de l’avance de frais requise. Cette avance avait pourtant été versée à la Poste Suisse en faveur de cette autorité six jours avant l’expiration du délai imparti, mais elle n’avait pas été créditée sur la compte du destinataire en raison d’une erreur dans la transcription du numéro IBAN, le vingt-et-unième et dernier caractère de ce numéro ayant été omis. Le TF a considéré que l’oubli de ce dernier caractère ne saurait constituer une erreur inexcusable ; il a admis que les conditions légales mises à l’observation de tels délais avaient donc été pleinement respectées.

A lumière de ces principes, le TF a admis que le recours cantonal a été déposé non pas le 13.10.2015 au tribunal cantonal, mais déjà le 05.10.2015, étant précisé que la valeur des attestations des deux témoins n’est ni discutée ni remise en cause. A cet égard et contrairement à l’opinion du tribunal cantonal, le deuxième envoi s’inscrit dans un processus qui s’est prolongé en raison de circonstances particulières.

 

 

Arrêt 9C_912/2015 consultable ici : http://bit.ly/2b69ZCa

 

 

9C_790/2015 (f) du 22.06.2016 – Evaluation du degré d’invalidité / 16 LPGA – Avis médicaux priment sur les constatations faites lors d’un stage d’observation professionnel – rappel de la jurisprudence

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_790/2015 (f) du 22.06.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2bEKEg1

 

Evaluation du degré d’invalidité / 16 LPGA

Avis médicaux priment sur les constatations faites lors d’un stage d’observation professionnel – rappel de la jurisprudence

 

TF

Selon la jurisprudence (ATF 125 V 256 consid. 4 p. 261s; 115 V 133 consid. 2 p. 134), l’administration ou le juge, en cas de recours, se fonderont sur les avis des médecins pour calculer le degré d’invalidité. Les données médicales permettent généralement une appréciation objective du cas et l’emportent sur les constatations qui peuvent être faites à l’occasion d’un stage d’observation professionnelle (arrêt 8C_214/2014 du 8 avril 2015 consid. 5.2).

En l’espèce, l’office AI avait ordonné la mise en œuvre d’une expertise bidisciplinaire afin de faire la lumière sur le volet médical du dossier, après avoir pris connaissance des conclusions du stage professionnel. L’assuré ne s’était pas opposé au principe d’une telle expertise qui s’est déroulée conformément à la procédure prévue à l’art. 44 LPGA, ni à la désignation des experts qui devaient la conduire et aux questions qui devaient leur être posées.

Devant le Tribunal fédéral, l’assuré soutient implicitement que la règle de preuve qu’il rappelle (cf. arrêt 8C_214/2014) n’aurait pas dû être appliquée, dans la mesure où il estime que l’avis des médecins aurait dû céder le pas à celui des responsables du stage professionnel. Ce point de vue, qui revient à suivre les conclusions d’un stage professionnel lorsqu’elles sont contredites par une expertise médicale, est contraire à la jurisprudence ; il ne peut donc être suivi.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_790/2015 consultable ici : http://bit.ly/2bEKEg1

 

 

8C_716/2015 (f) du 13.06.2016 – Gain assuré pour l’indemnité journalière – 15 LAA – 5 RAVS / Prestations en nature (nourriture et logement) pour un fromager d’alpage engagé pour 3 mois / Calcul du gain annuel assuré pour un contrat de travail incluant les vacances – 48 semaines vs 52 semaines

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_716/2015 (f) du 13.06.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2aU6hge

 

Gain assuré pour l’indemnité journalière / 15 LAA – 5 RAVS

Prestations en nature (nourriture et logement) pour un fromager d’alpage engagé pour 3 mois

Calcul du gain annuel assuré pour un contrat de travail incluant les vacances – 48 semaines vs 52 semaines

 

Assuré engagé par un alpage, du 19.06.2010 au 19.09.2010 en qualité de fromager. Selon le contrat de travail signé le 19.06.2010, le salaire convenu était de CHF 130.00 par jour, auquel s’ajoutait une indemnité à titre de « pension » de CHF 10.00 par jour.

Le 19.06.2010, lors de son premier jour de travail, l’assuré a été grièvement brûlé à la suite d’une explosion due à une fuite de gaz.

L’assurance-accidents a alloué une indemnité journalière de CHF 73.85 pour une incapacité totale de travail en fonction d’un salaire assuré de CHF 33’677.00, étant précisé que son activité devait être qualifiée d’irrégulière. Ce montant correspondait à une moyenne des salaires des douze derniers mois ayant précédé l’accident. Lors d’une précédente procédure du 14.01.2014 (8C_296/2013), le TF a constaté que l’activité exercée par l’assuré au service de l’alpage ne présentait pas un caractère irrégulier. La cause a été renvoyé à l’assureur-accidents pour qu’il fixe l’indemnité journalière.

Une nouvelle décision a été rendue, fixant l’indemnité journalière à CHF 79.80, en se fondant sur un salaire annuel de CHF 36’400.00.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 02.09.2015, le tribunal cantonal a partiellement admis le recours et l’a réformée en ce sens que l’indemnité journalière était fixée à CHF 81.00.

 

TF

Prestations en nature

Selon l’art. 15 LAA, les indemnités journalières et les rentes sont calculées d’après le gain assuré (al. 1). Est réputé gain assuré pour le calcul des indemnités journalières le dernier salaire que l’assuré a reçu avant l’accident (art. 15 al. 2, première phrase). Le salaire que l’assuré a reçu en dernier lieu avant l’accident correspond en règle générale au salaire mensuel, à la semaine ou à l’heure, qui est converti en gain annuel puis divisé par 365 (art. 17 al. 3 LAA en lien avec l’art. 25 al. 1 et l’annexe 2 OLAA; cf. également ATF 139 V 464 consid. 2.2 p. 467). L’indemnité journalière correspond, en cas d’incapacité totale de travail, à 80 % du gain assuré (art. 17 al. 1 LAA).

Sous réserve de diverses dérogations qui ne concernent pas le présent cas, est réputé gain assuré le salaire déterminant au sens de la législation sur l’assurance-vieillesse et survivants (art. 22 al. 2 OLAA). Selon l’art. 5 al. 2 LAVS en lien avec l’art. 7 let. f RAVS, les prestations en nature ayant un caractère régulier font partie du salaire déterminant. L’art. 11 RAVS détermine de quelle manière doivent être calculées les prestations en nature, lorsqu’elles consistent en nourriture et logement. La nourriture et le logement des personnes employées dans l’entreprise et du personnel de maison sont évalués à 33 fr. par jour (art. 11 al. 1 RAVS). Si l’employeur ne fournit qu’en partie la nourriture et le logement, un montant de 11 fr. 50 par jour est pris en compte pour le logement, le solde de 21 fr. 50 étant réparti entre les trois repas journaliers (al. 2).

En l’espèce, selon le contrat de travail, le salaire convenu était de CHF 130.00 par jour, auquel s’ajoutait un montant de CHF 10.00 par jour à titre de « pension ». Il n’est pas contesté que l’employeur fournissait la pension, toutes les prestations en nature (logement et nourriture) étaient comprises dans le montant de CHF 140.00.

Pour ce qui est du logement, l’assuré était hébergé par l’employeur, dans une habitation à proximité de la fromagerie. Ces prestations en nature font partie du salaire déterminant conformément à l’art. 5 al. 2 LAVS et viennent donc s’ajouter au salaire en espèces. Pour calculer le gain annuel assuré, il faut ainsi partir d’un salaire déterminant de CHF 130.00 par jour, auquel il y a lieu d’ajouter le montant forfaitaire de CHF 33.00 par jour (et pas seulement CHF 10.00) prévu par l’art. 11 al. 2 RAVS pour la nourriture et le logement. Le gain assuré de l’assuré se monte dès lors à CHF 163.00 par jour.

 

Vacances

Le gain annuel se calcule sur une base de 52 semaines de travail lorsque le salaire horaire n’inclut pas l’indemnité pour vacances et jours fériés (cf. annexe 2 de l’OLAA : exemple b du calcul de l’indemnité journalière ; voir aussi l’arrêt U 52/99 du 10 novembre 1999 consid. 4d). Lorsque les congés payés sont déjà inclus dans le salaire horaire ou journalier, comme cela ressort de manière explicite du contrat de travail, il faut alors multiplier le salaire hebdomadaire non pas par 52 semaines mais par 48 semaines, pour tenir compte des 4 semaines de vacances auxquelles a droit le travailleur selon la loi, respectivement selon son contrat de travail (cf. art. 329a al. 1 CO). Pour calculer le gain assuré de l’assuré retenir une durée de travail hebdomadaire de 50 heures, réparties sur 5,5 jours, de sorte qu’il convient de multiplier le salaire journalier de CHF 163.00 par 5,5 jours et par 48 semaines. On obtient un gain assuré annuel de CHF 43’032.00 et une indemnité journalière de CHF 94.30 (43’032 fr. : 365 x 80 %) pour une incapacité totale de travail.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_716/2015 consultable ici : http://bit.ly/2aU6hge

 

 

9C_183/2016 (f) du 26.06.2016 – destiné à la publication – Assurance obligatoire des soins (AOS) – Opération de réassignation sexuelle / Prise en charge du traitement épilatoire par électrolyse refusée – 35 LAMal – 38 LAMal – 46 OAMal / Substitution des prestations – Droit d’échange / Principe d’égalité – Discrimination fondée sur l’âge – 8 Cst.

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_183/2016 (f) du 26.06.2016, destiné à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/2bsdsuR

 

Assurance obligatoire des soins (AOS) – Opération de réassignation sexuelle

Prise en charge du traitement épilatoire par électrolyse refusée – 35 LAMal – 38 LAMal – 46 OAMal

Substitution des prestations – Droit d’échange

Principe d’égalité – Discrimination fondée sur l’âge – 8 Cst.

 

Assurée LAMal qui a demandé à sa caisse-maladie de prendre en charge les coûts d’une hormonothérapie suivie depuis mars 2008, d’une opération de réassignation sexuelle prévue à l’étranger et des frais pour l’épilation post-opératoire. Le 12.12.2008, elle a subi une opération de changement de sexe, effectuée en Thaïlande. La caisse-maladie a refusé la prise en charge sollicitée, considérant que le traitement subi aurait pu être fourni en Suisse et que la personne ayant pratiqué l’épilation électrique définitive ne faisait pas partie des fournisseurs de prestations autorisés à pratiquer à la charge de l’assurance obligatoire des soins.

 

Procédure cantonale (arrêt AM 67/09 – 4/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2bfOgXO)

Par jugement du 09.12.2015, la juridiction cantonale a partiellement admis le recours et réformé la décision sur opposition en ce sens que l’assurance obligatoire des soins doit prendre en charge l’intervention de réassignation sexuelle subie par l’assurée en Thaïlande, à concurrence de CHF 26’042.40 ; elle a confirmé la décision pour le surplus.

 

TF

Opération de réassignation sexuelle – Pilosité – Traitement pris en charge

Selon la jurisprudence, l’opération de changement de sexe en cas de dysphorie de genre (ou transsexualisme vrai) doit être envisagée de manière globale pour des raisons tant physiques que psychiques. Aussi, lorsque les conditions justifiant l’opération chirurgicale sont réalisées, les interventions complémentaires destinées à modifier les caractères sexuels secondaires font aussi partie, en principe, des prestations obligatoires à la charge de l’assurance obligatoire des soins. Encore faut-il, d’une part, qu’il existe une indication médicale clairement posée et, d’autre part, que le principe de l’économie du traitement énoncé à l’art. 32 LAMal (jusqu’au 31 décembre 1995, art. 12 LAMA) soit respecté (ATF 120 V 463 consid. 6b p. 471, rendu sous l’empire de la LAMA mais toujours valable après l’entrée en vigueur de la LAMal [arrêt K 35/99 du 10 décembre 1999 consid. 1a et la référence, in RAMA 2000 p. 64]).

La pilosité est l’une des caractéristiques qui forment l’apparence féminine ou masculine d’une personne. Chez l’homme, la pilosité présente au visage et celle plus marquée sur certaines parties du corps (torse, ventre, aisselles et parties intimes) comptent parmi les caractères sexuels secondaires. Dans le contexte d’une dysphorie du genre, pour autant que l’indication à une opération de changement de sexe est établie, l’épilation définitive (au laser) doit être reconnue comme une intervention complémentaire destinée à modifier les caractères sexuels secondaires si cette mesure fait partie d’un programme thérapeutique global établi en fonction de l’ensemble des éléments recueillis et si, à l’intérieur de ce plan, elle peut être considérée comme efficace, appropriée et économique. En principe, la prise en charge des coûts entre alors en considération pour une prestation qui en soi ne constitue pas une mesure à la charge de l’assurance obligatoire des soins (arrêt K 142/03 du 24 juin 2004 consid. 2.7, in RAMA 2004 p. 390).

La reconnaissance du principe même de l’obligation de prester de l’assurance-maladie ne signifie toutefois pas que la prise en charge de la prestation litigieuse échappe aux conditions générales auxquelles la LAMal soumet l’intervention de l’assurance obligatoire des soins. En particulier, une telle prise en charge suppose que la prestation en cause soit effectuée par un fournisseur de prestations admis à pratiquer à la charge de l’assurance obligatoire des soins, soit en l’occurrence une personne prodiguant des soins sur prescription ou mandat médical au sens de la loi (art. 25 al. 2 let. a ch. 3 en relation avec les art. 35 al. 2 let. e et 41 LAMal ainsi que l’art. 46 al. 1 OAMal).

Or les professionnels pratiquant la technique d’épilation à l’électricité (électrolystes), qu’ils s’occupent ou non d’autres soins corporels, ne figurent pas dans le catalogue – exhaustif (ATF 126 V 330 consid. 1c p. 333) – des fournisseurs de prestations admis à pratiquer à la charge de l’assurance obligatoire des soins (art. 46 al. 1 OAMal). Leurs prestations ne sont donc pas prises en charge par l’assurance-maladie obligatoire. Ainsi, dans le cas qui a été jugé par l’ATF 120 V 463 cité, le Tribunal fédéral a nié l’obligation de prester de la caisse-maladie pour les frais d’une épilation électrique, dès lors que celle-ci avait été pratiquée par une esthéticienne. Il en a été de même dans la situation où l’intéressée avait subi une partie du traitement d’épilation au laser auprès d’une esthéticienne, en prévision d’une opération de changement de sexe (arrêt K 98/04 du 29 novembre 2004 consid. 4.1; voir aussi ALECS RECHER, Les droits des personnes trans*, in Droit LGTB, 2e éd. 2015, p. 152 n° 99; ALECS RECHER/DAVID GARCIA NUÑES, Frau, Mann – Individuum, in Jusletter du 18 août 2014 p. 182).

Le fait que l’électrolyste a suivi une formation spécialisée, dispose d’une autorisation (cantonale) de pratiquer la mesure en cause et que l’épilation par électrolyse a été effectuée sur prescription d’un médecin ne suffit pas pour faire de sa catégorie professionnelle un fournisseur de prestations au sens de la LAMal. La prescription d’un médecin constitue une condition de l’obligation de prester selon l’art. 24 en relation avec l’art. 25 al. 2 let. a ch. 3 LAMal, mais ne remplace pas la nécessaire admission du fournisseur de prestations (arrêt K 62/00 du 5 septembre 2000 consid. 2).

 

Substitution des prestations – Droit d’échange

L’assurée se prévaut du fait qu’elle aurait eu droit à la prise en charge d’une épilation au laser pratiquée par un médecin, de sorte qu’il serait arbitraire et choquant de ne pas reconnaître l’obligation de prester de la caisse-maladie en relation avec la technique d’épilation qu’elle avait été tenue de choisir en raison des pigments de ses poils, la prise en charge requise pourrait entrer en considération sous l’angle du droit à la substitution des prestations.

Selon la jurisprudence, le droit à l’échange de prestations ne peut pas aboutir à ce qu’une prestation obligatoirement à la charge de l’assurance soit remplacée par une prestation qui ne l’est pas. N’est considérée comme une prestation obligatoire que celle qui a été effectuée par un fournisseur de prestations admis. Le droit à l’échange de la prestation suppose donc que le fournisseur de l’une et de l’autre prestations soit admis à pratiquer à la charge de l’assurance obligatoire des soins, faute de quoi un droit à l’échange ne saurait être reconnu (ATF 126 V 330 consid. 1b p. 332; arrêt K 137/04 du 21 mars 2006 consid. 6, in SVR 2006 KV n° 30 p. 107).

 

Principe d’égalité – Discrimination fondée sur l’âge – 8 Cst.

Selon l’assurée, l’exclusion de l’électrolyste ayant fourni la prestation litigieuse de la liste des fournisseurs de prestations, alors que seule la méthode pratiquée par celle-ci était susceptible de garantir un résultat efficace en raison d’une faible pigmentation ou d’un contraste insuffisant, revient à discriminer les patients en raison de leur couleur de peau, de poils et de leur âge. En ce sens, le caractère exhaustif de la disposition réglementaire consacrerait une violation du droit constitutionnel.

La protection de l’égalité (art. 8 Cst.) et celle contre l’arbitraire (art. 9 Cst.) sont étroitement liées. Une norme est arbitraire lorsqu’elle ne repose pas sur des motifs sérieux ou si elle est dépourvue de sens et de but (ATF 136 I 241 consid. 3.1 p. 250). Elle viole le principe de l’égalité de traitement consacré à l’art. 8 al. 1 Cst. lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente (ATF 134 I 23 consid. 9.1 p. 42). Au principe d’égalité de traitement, l’art. 8 al. 2 Cst. ajoute une interdiction des discriminations. Selon cette disposition, nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou physique. On est en présence d’une discrimination selon l’art. 8 al. 2 Cst. lorsqu’une personne est traitée différemment en raison de son appartenance à un groupe particulier qui, historiquement ou dans la réalité sociale actuelle, souffre d’exclusion ou de dépréciation. Le principe de non-discrimination n’interdit toutefois pas toute distinction basée sur l’un des critères énumérés à l’art. 8 al. 2 Cst., mais fonde plutôt le soupçon d’une différenciation inadmissible. Les inégalités qui résultent d’une telle distinction doivent dès lors faire l’objet d’une justification particulière (ATF 137 V 334 consid. 6.2.1 p. 348; 135 I 49 consid. 4.1 p. 53).

L’art. 8 al. 2 Cst. interdit non seulement la discrimination directe, mais également la discrimination indirecte. Une telle discrimination existe lorsqu’une réglementation, qui ne désavantage pas directement un groupe déterminé, défavorise tout particulièrement, par ses effets et sans justification objective, les personnes appartenant à ce groupe (ATF 126 II 377 consid. 6c p. 393 et les références citées; voir également ATF 124 II 409 consid. 7 p. 425). Eu égard à la difficulté de poser des règles générales et abstraites permettant de définir pour tous les cas l’ampleur que doit revêtir l’atteinte subie par un groupe protégé par l’art. 8 al. 2 Cst. par rapport à la majorité de la population, la reconnaissance d’une situation de discrimination ne peut résulter que d’une appréciation de l’ensemble des circonstances du cas particulier. En tout état de cause, l’atteinte doit revêtir une importance significative, le principe de l’interdiction de la discrimination indirecte ne pouvant servir qu’à corriger les effets négatifs les plus flagrants d’une réglementation étatique (ATF 138 I 205 consid. 5.5 p. 213 et les références).

Comme l’art. 46 OAMal ne prévoit aucune distinction fondée sur l’un des critères énumérés à l’art. 8 al. 2 Cst. – ce qui exclut une discrimination (directe) contraire à la Constitution -, seule entre en considération une discrimination indirecte. Ce n’est pas tant le critère de l’âge qui a joué un rôle pour le recours à l’épilation par électrolyse (au lieu de l’épilation au laser contre-indiquée) que la couleur claire des poils; celle-ci n’est pas caractéristique des personnes âgées au regard des différentes pigmentations existant dans la population en général. La pigmentation des poils n’est pas un des motifs de discrimination énumérés – de manière indicative – par l’art. 8 al. 2 Cst. On peut se demander si elle constitue en soi une caractéristique personnelle susceptible d’être prise comme motif pour déprécier une personne ou pour créer un désavantage devant être considéré comme une dépréciation ou une exclusion.

La disposition réglementaire a pour but non seulement de garantir une certaine qualité de formation des prestataires de soins, mais également d’assurer que les personnes habilitées à fournir des prestations aux frais de l’assurance obligatoire des soins soient automatiquement soumises à l’obligation de fournir leurs services (à caractère thérapeutique) de manière économique au sens de l’art. 32 al. 1 LAMal. Toute activité d’un fournisseur de prestations travaillant pour le compte de l’assurance-maladie obligatoire est soumise à des tarifs ou prix fixés entre le prestataire et les assureurs-maladie, qui sont tous deux liés par la convention (art. 43 ss LAMal). Il s’agit d’assurer que les prestations fournies par les professionnels désignés par le Conseil fédéral, parce qu’ils sont nécessaires pour assurer à la population l’accès aux prestations légales à la charge de l’assurance obligatoire des soins (GEBHARD EUGSTER, Krankenversicherung, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 3 e éd. 2016, p. 644 n° 768), répondent d’emblée à l’exigence de l’économicité.

A cet égard, l‘assurance-maladie obligatoire, en tant qu’assurance sociale, n’a pas vocation à prendre en charge l’ensemble des prestations (médicales et para-médicales) qui sont à disposition des personnes assurées et dont elles peuvent avoir besoin en fonction de leur atteinte à la santé. Seules les prestations qui sont prévues dans le cadre légal circonscrit par la LAMal – dont l’exigence qu’elles soient fournies par les professionnels désignés par le Conseil fédéral dans les cas visés par l’art. 35 al. 2 let. e LAMal (en relation avec l’art. 38 LAMal) – peuvent être appliquées à la charge de l’assurance obligatoire des soins. Il s’agit de trouver un équilibre entre la garantie de soins de haute qualité et les coûts les plus bas possibles, ce qui suppose par définition que des limites soient apportées par le législateur, également en ce qui concerne les personnes autorisées à pratiquer à la charge de l’assurance-maladie obligatoire.

Sous cet angle, la limitation prévue par l’art. 46 OAMal, singulièrement la liste des fournisseurs de prestations au sens de l’art. 35 al. 2 let. e LAMal, est valable pour toutes les personnes assurées de la même manière. La situation de l’assurée n’est pas différente de celle d’autres assurés qui nécessiteraient les services d’une personne qui n’est pas reconnue comme fournisseur de prestations au sens de la LAMal et pour la prise en charge desquelles ils ne pourraient pas non plus requérir avec succès l’intervention de l’assurance-maladie obligatoire.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_183/2016 consultable ici : http://bit.ly/2bsdsuR