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9C_99/2015 (f) du 13.10.2015 – Valeur probante d’une expertise psychiatrique – 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_99/2015 (f) du 13.10.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1VYirAs

 

Valeur probante d’une expertise psychiatrique – 44 LPGA

 

Assurée, née en 1959, travaillant en qualité de nettoyeuse à temps partiel et souffrant d’un trouble dépressif récurrent. Octroi rente entière dès le 01.12.2002.

Révision, initiée au mois de juillet 2007. Selon expertise psychiatrique, l’assurée souffrait d’un trouble dépressif, en rémission, et la capacité de travail se situait à 100% depuis le début de l’année 2006 dans une activité simple. Suppression de la rente entière d’invalidité.

Après jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales, mise en œuvre d’une expertise médicale. Expertise confiée au Centre d’expertises psychiatriques rattaché à l’Hôpital C.__. Les médecins-experts ont retenu les diagnostics de trouble mixte de la personnalité à traits borderline et histrioniques et de trouble dépressif récurrent actuellement en rémission; la capacité de travail de l’assurée ne dépassait pas 50% dans une activité simple, routinière et demandant peu de capacités adaptatives et peu d’interactions sociales, taux auquel il convenait d’ajouter une diminution de rendement de 20% en raison d’une rigidité de fonctionnement.

Considérant qu’il était impossible de trancher entre les deux expertises réalisées jusqu’alors, l’office AI a confié la réalisation d’une nouvelle expertise psychiatrique. Le nouvel expert a retenu les diagnostics de légère dysthymie et de personnalité état limite à traits histrioniques, non décompensée et que l’assurée était en mesure de travailler à 100% dans une activité adaptée à sa personnalité. L’office AI a supprimé le droit à la rente entière d’invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1343/2014 – consultable ici : http://bit.ly/1LHewYq)

La juridiction cantonale a considéré que l’office AI n’avait aucun motif de s’écarter de la deuxième expertise, laquelle répondait clairement aux questions posées et revêtait pleine valeur probante. Le rapport de la troisième expertise ne pouvait être suivi, car plusieurs de ses propos dénotaient un parti pris de sa part et l’expertise était empreinte de jugements de valeur. Par jugement du 23.12.2014, admission partielle du recours ; octroi à un trois quarts de rente d’invalidité dès le 01.06.2008.

 

TF

Contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, le rapport de la deuxième expertise souffrait de défauts conséquents qui en atténuaient considérablement la valeur probante. Les observations cliniques rapportées par ces médecins étaient particulièrement ténues et consistaient pour l’essentiel en une énumération des plaintes subjectives rapportées par l’assurée; la plupart des symptômes mentionnés (« difficultés psychiques de longue date concrétisées par l’agir, une impulsivité, une instabilité de l’humeur, des éclats de colère, des comportements explosifs ») n’étaient ainsi pas le fait d’observations qu’ils auraient personnellement effectuées, mais le fait de l’interprétation des propos rapportés par l’assurée. L’absence d’explications étayées ne permettait pas de comprendre les diagnostics retenus et la capacité de travail réduite de l’assurée. Malgré le complément d’information apporté à la demande du SMR, il n’était ainsi pas possible de saisir les raisons pour lesquelles la personnalité impulsive de l’assurée allait au-delà de simples traits de la personnalité pour constituer un trouble de la personnalité à caractère invalidant. Les conclusions auxquelles aboutissaient les médecins-experts, en tant qu’elles étaient exposées de façon péremptoire, ne procédaient pas d’une discussion neutre et distanciée, où auraient été intégrés, dans une analyse cohérente et complète, les renseignements issus du dossier (dont notamment la première expertise) l’anamnèse, les indications subjectives et l’observation clinique. Eu égard à ce constat, il ne saurait être reproché à l’office AI d’avoir écarté cette deuxième expertise et décidé la mise en œuvre d’une troisième.

Le rapport de la troisième expertise contient une description détaillée des observations cliniques auxquelles il a été procédé, une présentation étayée des diagnostics retenus ainsi qu’une longue discussion sur le fonctionnement de la personnalité de l’assurée et son influence sur la capacité de travail. Elle explique par ailleurs de manière intelligible les raisons pour lesquelles les éléments de personnalité histrionique et limite – mis en évidence par l’ensemble des médecins consultés – ne constituent pas dans le cas particulier un trouble de la personnalité clairement constitué, mais de simples traits de la personnalité. Les propos, qui pour la juridiction cantonale dénotaient un parti pris de l’expert, avaient pour but de mettre en évidence la problématique relative à la recherche d’éventuels bénéfices secondaires liés à la maladie et à la position du médecin traitant dans ce contexte. On notera à cet égard qu’il appartient à tout expert d’intégrer dans le cadre de sa réflexion les facteurs motivationnels à l’œuvre chez l’expertisé (cf. Lignes directrices de la Société suisse de psychiatrie d’assurance pour l’expertise médicale des troubles psychiques, in Bulletin des médecins suisses 2004/85 p. 1907). Quant aux prétendus jugements de valeur dont l’expertise serait empreinte, ils correspondent à des observations qui reflètent la perception subjective qu’a eue l’expert de l’assurée.

 

Le TF admet le recours de l’Office AI, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’Office AI.

 

 

Arrêt 9C_99/2015 consultable ici : http://bit.ly/1VYirAs

 

 

9C_715/2012 (f) du 18.02.2013 – Procédure AI – mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire / Grief pour retard injustifié nié par le TF – 29 al. 1 Cst. – 30 al. 1 Cst. – 6 ch. 1 CEDH

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_715/2012 (f) du 18.02.2013

 

Consultable ici : http://bit.ly/1LcZO5K

 

Procédure AI – mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire

Grief pour retard injustifié nié par le TF – 29 al. 1 Cst. – 30 al. 1 Cst. – 6 ch. 1 CEDH

 

Le 21.11.2011, l’OAI FR a confié un mandat d’expertise pluridisciplinaire (rhumatologique, neurologique et psychiatrique) au CEMed.

Le 17.01.2012, l’assuré a invité l’office AI à intégrer un volet orthopédique à l’expertise pluridisciplinaire.

Le 19.01.2012, l’office AI a demandé au CEMed de compléter l’expertise par un examen orthopédique.

Le 15.02.2012, le CEMed a suggéré de confier l’expertise ortho à un expert privé.

Le 05.03.2012, l’assuré s’y est opposé.

Le 06.03.2012, l’office AI a fait savoir à l’assuré qu’il allait organiser une expertise orthopédique auprès d’un expert indépendant.

Le 09.03.2012, l’assuré a demandé à l’office AI de rendre une décision sujette à recours concernant les modalités de l’expertise pluridisciplinaire, dans l’éventualité où le CEMed ne procéderait pas à l’expertise comportant un volet orthopédique, ou si l’office AI ne révoquerait pas le mandat donné au CEMed pour le cas où les experts persisteraient dans leur refus.

Le 24.04.2012, l’assuré a fait savoir à l’office AI que sa requête du 9 mars 2012 demeurait toujours pendante; sans nouvelles jusqu’au 21.5.2012 suivant, il se plaindrait d’un retard injustifié.

Le 27.04.2012, le CEMed a rendu son rapport d’expertise.

Le 08.06.2012, l’assuré a saisi le Tribunal cantonal compétent d’un recours pour retard injustifié de la part de l’office AI.

Par jugement du 09.08.2012, la juridiction cantonale a rejeté le recours.

L’assuré estime que l’OAI FR a violé à la fois son obligation de rendre une décision (art. 43 al. 1 et 49 al. 1 LPGA; ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.6 p. 256) et fait preuve d’un retard injustifié (art. 29 al. 1 et 30 al. 1 Cst.; art. 6 ch. 1 CEDH).

Selon le tribunal cantonal, les raisons pour lesquelles le délai de trois mois qui s’était écoulé entre le 9 mars et le 8 juin 2012 (jour où l’assuré l’a saisie en vertu de l’art. 56 al. 2 LPGA) ne leur paraissait pas excessif.

De l’avis de la juridiction cantonale, la durée de l’inaction de l’OAI (trois mois ou un mois et demi, entre les interventions du recourant et la saisine du tribunal) était trop brève pour fonder le grief d’un retard injustifié à l’encontre de l’assuré. Tout au plus, ce laps de temps pouvait constituer un temps mort inévitable dans une procédure. Le tribunal cantonal a par ailleurs considéré que le comportement de l’OAI FR ne saurait, dans son ensemble, être qualifié de passif, car il s’était heurté aux réticences du CEMed qui ne lui étaient pas imputables et qui avaient ralenti la procédure.

Compte tenu des facteurs qu’il a pris en considération, le tribunal cantonal n’a pas apprécié le cas de façon insoutenable. Le TF rejoint l’appréciation des juges cantonaux et rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_715/2012 consultable ici : http://bit.ly/1LcZO5K

 

 

9C_489/2012 (f) du 18.02.2013 – Assistance gratuite d’un conseil juridique dans le cadre de l’instruction d’une demande de prestations AI – 37 al. 4 LPGA / Expertise pluridisciplinaire AI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_489/2012 (f) du 18.02.2013

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Xf0C0W

 

Assistance gratuite d’un conseil juridique dans le cadre de l’instruction d’une demande de prestations AI – 37 al. 4 LPGA

Expertise pluridisciplinaire AI

 

Assistance gratuite d’un avocat dans le cadre de l’instruction d’une demande AI

Dans la procédure administrative en matière d’assurances sociales, l’assistance gratuite d’un conseil juridique est accordée au demandeur lorsque les circonstances l’exigent (art. 37 al. 4 LPGA). La LPGA a ainsi introduit une réglementation légale de l’assistance juridique dans la procédure administrative (ATF 131 V 153 consid. 3.1 p. 155; Ueli Kieser, ATSG-Kommentar, 2ème éd., 2009, n° 25 ad art. 37). La jurisprudence y relative rendue dans le cadre de l’art. 4 aCst. (cf. art. 29 al. 3 Cst.) sur les conditions de l’assistance judiciaire en procédure d’opposition (partie dans le besoin, conclusions non dépourvues de toute chance de succès, assistance objectivement indiquée d’après les circonstances concrètes (ATF 125 V 32 consid. 2 p. 34 et les références) continue de s’appliquer, conformément à la volonté du législateur (arrêts I 557/04 du 29 novembre 2004 consid. 2.1, publié à la Revue de l’avocat 2005 n° 3 p. 123, et I 386/04 du 12 octobre 2004 consid. 2.1; FF 1999 4242).

L’assistance par un avocat s’impose uniquement dans les cas exceptionnels où il est fait appel à un avocat parce que des questions de droit ou de fait difficiles rendent son assistance apparemment nécessaire et qu’une assistance par le représentant d’une association, par un assistant social ou d’autres professionnels ou personnes de confiance d’institutions sociales n’entre pas en considération (ATF 132 V 200 consid. 4.1 p. 201 et les arrêts cités). A cet égard, il y a lieu de tenir compte des circonstances du cas d’espèce, de la particularité des règles de procédure applicables, ainsi que des spécificités de la procédure administrative en cours. En particulier, il faut mentionner, en plus de la complexité des questions de droit et de l’état de fait, les circonstances qui tiennent à la personne concernée, comme sa capacité de s’orienter dans une procédure (arrêt I 557/04 du 29 novembre 2004, consid. 2.2., publié à la Revue de l’avocat 2005 n° 3 p. 123).

 

Dans le cas d’espèce

Le litige entre l’assuré et l’OAI FR portait sur l’appréciation de la capacité de travail de l’assuré dans une activité adaptée respectant ses limitations fonctionnelles. Les divergences d’opinion entre les médecins ont conduit l’OAI FR à mettre une expertise pluridisciplinaire en œuvre.

Selon les juges cantonaux, même en admettant que la situation médicale fût complexe, comme le soutient l’assuré, cela ne signifiait pas pour autant que le cas soulève des questions de droit ou de fait difficiles rendant indispensable l’assistance d’un avocat. En effet, la participation à l’expertise médicale ne requérait pas de connaissances juridiques particulières en droit des assurances sociales, le droit de participer consistant essentiellement à se prononcer sur l’identité et les spécialisations des experts, ainsi qu’à soumettre d’éventuelles questions complémentaires, si bien que son exercice n’en était pas entravé, même en l’absence de connaissances juridiques.

L’assuré est d’avis que la jurisprudence récente ne considère plus que l’assistance gratuite d’un conseil juridique serait soumise à des exigences plus sévères en procédure administrative qu’en procédure judiciaire. En se référant à l’opinion de son mandataire (Alain Ribordy, La prise en charge des frais d’avocat, in Droit de la responsabilité civile et des assurances – Liber amicorum Roland Brehm, Berne 2012, p. 369 s.), l’assuré soutient que l’assistance doit être accordée dès qu’une situation conflictuelle présente une portée considérable pour un indigent lorsque, comme en l’espèce, les aptitudes nécessaires pour maîtriser la complexité du cas en fait et en droit font défaut.

 

Selon le TF

Si l’on devait suivre le raisonnement de l’assuré, le droit d’être assisté par un avocat d’office en procédure administrative devrait être systématiquement reconnu lorsque que des intérêts importants sont en jeu et qu’un indigent allègue que son cas est complexe. Ce raisonnement ne se concilie toutefois pas avec la lettre et l’esprit de l’art. 37 al. 4 LPGA, qui pose une exigence accrue, en procédure administrative, aux conditions pouvant justifier la désignation d’un avocat d’office (cf. arrêt 9C_38/2013 du 6 février 2013 consid. 2.2 in fine).

L’assuré n’a pas démontré, dans son recours, que le tribunal cantonal aurait apprécié la situation de façon insoutenable ni que l’on ne se trouve pas en présence d’un cas exceptionnel rendant l’assistance d’un avocat objectivement nécessaire.

L’assuré n’a pas démontré que le dossier présenterait des difficultés particulières, que ce soit lors de l’établissement des faits ou de l’application du droit. Son avocat n’a d’ailleurs pas eu de rôle prépondérant dans la mise en œuvre de l’expertise pluridisciplinaire, celle-ci ayant été ordonnée antérieurement à son intervention. La requête de l’assuré, via son avocat, visant à faire compléter le mandat d’expertise pluridisciplinaire par un volet orthopédique ne rend pas pour autant le cas suffisamment complexe, au point de devoir nommer un avocat d’office en vertu de l’art. 37 al. 4 LPGA.

 

 

Arrêt 9C_489/2012 consultable ici : http://bit.ly/1Xf0C0W

 

 

8C_667/2012 (f) du 12.06.2013 – Principe inquisitoire – Second opinion (2ème avis médical après une première expertise) – 43 LPGA / Principe de la bonne foi – 5 Cst.

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_667/2012 (f) du 12.06.2013

 

Consultable ici : http://bit.ly/20SpJJk

 

Principe inquisitoire – Second opinion (2ème avis médical après une première expertise) – 43 LPGA

Principe de la bonne foi – 5 Cst.

 

Assuré, E., aide de cuisine. Accident le 17 juin 2003. Dépôt demande AI le 4 juin 2004.

Dans le cadre de l’instruction de la demande et afin de clarifier les avis divergents au dossier sur la situation médicale de l’assuré, mise en œuvre d’une expertise de type COMAI.

Le 23 juin 2008, l’assureur-accidents a transmis à l’assurance-invalidité le rapport d’enquête d’un détective qu’il avait mandaté pour effectuer des vérifications sur l’emploi du temps de l’assuré entre le 16 décembre et le 11 mars 2008. Le détective a constaté en substance que l’assuré n’avait pas de limitations fonctionnelles. Intervention du Secteur LFA de l’OAI par communication interne du 3 juillet 2008.

Sur la base de l’expertise médicale type COMAI, l’OAI a notifié le 11 novembre 2008 à l’assuré un projet d’acceptation de rente par lequel il lui reconnaissait le droit à une demi-rente d’invalidité avec effet au 1er juin 2004.

L’assureur-accidents a soumis l’assuré à une nouvelle expertise.

Le 17 juin 2010, l’OAI a notifié à l’assuré un projet d’acceptation de rente annulant et remplaçant celui du 11 novembre 2008, par lequel il lui octroyait le droit à un trois-quarts de rente d’invalidité du 16 juin au 30 septembre 2004, aucune prestation n’étant allouée au-delà de cette date. Décision du 16 mai 2011 identique au projet du 17 juin 2010.

 

Rappel de la notion du principe inquisitoire

Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’assureur, qui prend les mesures d’instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin (cf. art. 43 al. 1 LPGA). Le devoir d’instruction s’étend jusqu’à ce que les faits nécessaires à l’examen des prétentions en cause soient suffisamment élucidés (arrêt 8C_364/2007 du 19 novembre 2007 consid. 3.2). Dans la conduite de la procédure, l’assureur dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la nécessité, l’étendue et l’adéquation de recueillir des données médicales.

De son côté, conformément à son devoir de collaborer à l’instruction de l’affaire (ATF 125 V 193 consid. 2 p. 195), l’assuré est tenu de se soumettre aux examens médicaux et techniques qui sont nécessaires à l’appréciation du cas et peuvent être raisonnablement exigés (art. 43 al. 2 LPGA). En ce sens (arrêt U 571/06 du 29 mai 2007 consid. 4.1, in RSAS 2008 p. 181), le pouvoir d’appréciation de l’administration dans la mise en œuvre d’un examen médical n’est pas illimité; elle doit se laisser guider par les principes de l’Etat de droit, tels les devoirs d’objectivité et d’impartialité (cf. Ulrich Meyer-Blaser, Das medizinische Gutachten aus sozialrechtlicher Sicht, in Adrian M. Siegel/Daniel Fischer, Die neurologische Begutachtung, Schweizerisches medico-legales Handbuch, vol. 1, 2004, p. 105) et le principe d’une administration rationnelle (cf. Markus Fuchs, Rechtsfragen im Rahmen des Abklärungsverfahrens bei Unfällen, in RSAS 2006 p. 288).

 

Second opinion

Selon la jurisprudence (arrêt 9C_1012/2008 du 30 juin 2009 consid. 3.2.2 et la référence citée), le devoir de prendre d’office les mesures d’instruction nécessaires à l’appréciation du cas au sens de l’art. 43 al. 1 LPGA ne comprend pas le droit de l’assureur de recueillir une « second opinion » sur les faits déjà établis par une expertise, lorsque celle-ci ne lui convient pas. L’assuré ne dispose pas non plus d’une telle possibilité. Il ne s’agit en particulier pas de remettre en question l’opportunité d’une évaluation médicale au moyen d’un second avis médical, mais de voir dans quelles mesure et étendue une instruction sur le plan médical doit être ordonnée pour que l’état de fait déterminant du point de vue juridique puisse être considéré comme établi au degré de la vraisemblance prépondérante (Kieser, ATSG-Kommentar, 2 e éd., n. 12 et 17 ad art. 43 LPGA). La nécessité de mettre en œuvre une nouvelle expertise découle du point de savoir si les rapports médicaux au dossier remplissent les exigences matérielles et formelles auxquelles sont soumises les expertises médicales. Cela dépend de manière décisive de la question de savoir si le rapport médical traite de façon complète et circonstanciée des points litigieux, se fonde sur des examens complets, prend également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, a été établi en pleine connaissance de l’anamnèse et contient une description du contexte médical et une appréciation de la situation médicale claires, ainsi que des conclusions dûment motivées de l’expert (ATF 125 V 351 consid. 3a p. 352).

Le rapport d’expertise du COMAI contient des imprécisions au sujet de la capacité de travail exigible dans une activité adaptée. Le SMR avait requis des experts des informations complémentaires. Les réponses n’avaient toutefois pas été apportées par les spécialistes ayant rédigé le rapport ou procédé aux expertises mais par un tiers et étaient restées imprécises. Par ailleurs, le secteur LFA entendait examiner le cas après avis du SMR sur la question d’une éventuelle exagération des symptômes, voire d’une simulation, et sur l’absence de traitement antidépresseur et de suivi thérapeutique.

Dès lors que l’examen médical ordonné par l’assureur-accident n’avait pas seulement pour but de déterminer le lien de causalité entre l’atteinte psychiatrique et l’accident mais également les incapacité de travail liées à chacune des atteintes (somatique et psychiatrique) et l’évolution de celles-ci, on ne saurait reprocher à l’OAI d’avoir voulu recueillir une « second opinion » à l’encontre de l’expertise du COMAI qui ne lui aurait pas convenu. Un tel reproche aurait tout au plus pu être formulé si l’OAI avait écarté cette expertise sans aucun motif, avant d’en ordonner immédiatement une nouvelle sur les mêmes points à examiner (cf. aussi arrêt 9C_1012/2008 du 30 juin 2009 précité, consid. 3.4).

La manière de procéder de l’OAI apparaît conforme au droit.

 

Règles de la bonne foi – 5 Cst.

L’assuré fait valoir qu’en ne donnant pas à son projet de décision du 11 novembre 2008 la forme d’une décision, l’OAI a adopté un comportement contradictoire et trompeur.

Aux termes de l’art. 5 al. 3 Cst., les organes de l’Etat et les particuliers doivent agir conformément aux règles de la bonne foi. Cela implique notamment qu’ils s’abstiennent d’adopter un comportement contradictoire ou abusif (ATF 134 V 306 consid. 4.2 p. 312). De ce principe découle notamment, en vertu de l’art. 9 Cst., le droit de toute personne à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l’Etat (sur le rapport avec l’art. 5 al. 3 Cst., cf. ATF 136 I 254 consid. 5.2 p. 261 et la référence citée). Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration (cf. ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 636).

Indépendamment de la portée du projet d’acceptation de rente du 11 novembre 2008 sous l’angle de la protection de la bonne foi, il y a lieu de constater que l’assuré n’a pas établi ni même prétendu avoir pris des dispositions contraires à ses intérêts et sur lesquelles il ne pouvait plus revenir. Pour cette raison déjà, le moyen soulevé ici est mal fondé.

 

 

Arrêt 8C_667/2012 consultable ici : http://bit.ly/20SpJJk

 

 

8C_175/2015 (f) du 15.01.2016 – Tentative de suicide – incapacité de discernement – 4 LPGA – 37 al. 1 LAA – 48 OLAA / Interprétations d’un rapport d’expertise – Vraisemblance prépondérante

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_175/2015 (f) du 15.01.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1L5Yfqp

 

Tentative de suicide – incapacité de discernement / 4 LPGA – 37 al. 1 LAA – 48 OLAA

Interprétations d’un rapport d’expertise – Vraisemblance prépondérante

 

Assuré, né en 1981, retrouvé inconscient, le 12.11.2011, gisant au pied de l’immeuble dans lequel il habitait, à la suite d’une défenestration d’une hauteur de 8 mètres environ. Une lettre, ainsi libellée, a été retrouvée dans sa chambre : « Personnes n’est responsable de cet act. Je n’avais plus envie de vivre c’est tout. Pourquoi? Car tout était devenu absurde. Je ne sais quoi faire de ma vie. Et j’en souffre beaucoup. Quoi que je pense de bien ou de mal. Il y a une pait qui ne veux pas. Qui refuse. Et je n’arrive pas à faire autrement ou plutôt penser autrement. Et cela est fatiguant. Et dure depuis trop longtemps… Ne me dites surtout pas si j’aurais fait ça ou qu’est ce que j’aurais pu faire pour éviter ça. Je n’avais plus envie. Je me suis m’y tout seul dans cette situation. Je ne trouve pas la solution d’y sortir. Car mon ego est grand et ma fierté tout autant. Certe j’aurais voulu laisser autre chose que de la colère et de la tristesse. Désolé… ».

L’assuré a subi un polytraumatisme sévère, engendrant une tétraplégie sensitivo-motrice complète (AIS A), au niveau C8, de traumatisme crânien sévère et de fracture du bassin open-book (rapport du 3 janvier 2013). L’assuré a été examiné par une spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie ; cette dernière a rapporté que l’assuré souffrait depuis des années d’une dépression grave et était suicidaire. A cela s’ajoutaient des troubles de la personnalité de type borderline avec des traits narcissiques, une incapacité d’entretenir une relation, de l’inconstance. La suicidalité constituait un problème particulier chez l’assuré, qui vivait depuis des années avec l’idée de se suicider. L’existence d’une tentative de suicide par défenestration et d’idées suicidaires récurrentes plaidait en faveur d’un important risque de décès par suicide.

Par décision, l’assureur-accidents a refusé la prise en charge de l’événement du 12.11.2011, motif pris que l’assuré avait provoqué intentionnellement les atteintes à sa santé. Lors de la procédure d’opposition, le cas a été soumis au médecin-conseil, spécialiste FMH en en psychiatrie et psychothérapie. Il a estimé qu’il n’y avait aucun indice qui permettait d’admettre que la capacité de discernement de l’intéressé était abolie au moment de la chute du 12.11.2011. Une expertise a également été mise en œuvre, auprès d’un spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. L’assureur-accidents a écarté l’opposition et confirmé la décision.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/107/2015 – consultable ici : http://bit.ly/1UTqU7q)

Par arrêt du 09.02.2015, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le  suicide comme tel n’est un accident assuré que s’il a été commis dans un état d’incapacité de discernement. Cette règle, qui découle de la jurisprudence, est exprimée à l’art. 48 OLAA. Par conséquent, il faut, pour entraîner la responsabilité de l’assureur-accidents, que, au moment de l’acte et compte tenu de l’ensemble des circonstances objectives et subjectives, en relation aussi avec l’acte en question, l’intéressé ait été privé de toute possibilité de se déterminer raisonnablement en raison notamment d’une déficience mentale ou de troubles psychiques (ATF 140 V 220 consid. 3 p. 222; 129 V 95; 113 V 61 consid. 2a p. 62 ss; RAMA 1990 n° U 96 p. 182 consid. 2). L’incapacité de discernement n’est donc pas appréciée dans l’abstrait, mais concrètement, par rapport à un acte déterminé, en fonction de sa nature et de son importance, les facultés requises devant exister au moment de l’acte (principe de la relativité du discernement; voir par exemple ATF 134 II 235 consid. 4.3.2 p. 239). Le suicide doit avoir pour origine une maladie mentale symptomatique. En principe, l’acte doit être insensé. Un simple geste disproportionné, au cours duquel le suicidaire apprécie unilatéralement et précipitamment sa situation dans un moment de dépression ou de désespoir ne suffit pas (voir par exemple arrêt 8C_916/2011 du 8 janvier 2013 consid. 2.2 et les références). Les mêmes principes s’appliquent à la tentative de suicide (ATF 129 V 95 consid. 3.4 p. 101).

Savoir si le suicide ou la tentative de suicide a été commis dans un état d’incapacité de discernement doit être résolu selon la règle du degré de la vraisemblance prépondérante généralement appliquée en matière d’assurances sociales. Le juge retiendra alors, parmi plusieurs présentations des faits, celle qui lui apparaît comme la plus vraisemblable (arrêt 8C_916/2011 du 8 du janvier 2013 consid. 2.2 et les références). Il n’existe donc pas un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré; le défaut de preuve va au détriment de la partie qui entendait tirer un droit du fait non prouvé (ATF 126 V 319 consid. 5a p. 322).

Le médecin-expert mandaté par l’assureur-accidents a posé le diagnostic de trouble mixte de la personnalité avec traits impulsifs et schizoïdes (F61.0) et de trouble dépressif récurrent, épisode actuellement en rémission (F33.4). L’expert relève que la défenestration est un mode de suicide qui n’implique aucun acte préparatoire par opposition à d’autres modalités (pendaison ou intoxication au monoxyde de carbone). La nécessité d’actes préparatoires à l’acte suicidaire présuppose le plus fréquemment la présence du discernement. S’agissant de l’assuré, l’expert – qui a eu connaissance de l’anamnèse psychiatrique de l’intéressé – souligne qu’il présente une suicidalité de longue date. Les idées suicidaires sont présentes de manière répétitive depuis de nombreuses années. Des épisodes dépressifs récurrents sont présents. Sur la base de ces éléments, l’expert exprime l’avis que la modalité de la tentative de suicide ne permet pas d’exclure un raptus suicidaire, dans le sens où l’intéressé a subitement « décidé » de se jeter par la fenêtre. Cette modalité évoque plutôt un acte subit et en conséquence un raptus suicidaire qu’un acte décidé et planifié. L’expert a indiqué que le trouble dépressif récurrent n’entraînait pas de manière générale une abolition de la capacité de discernement. Il en allait de même du trouble de la personnalité dont souffrait l’intéressé. Néanmoins, le sentiment qu’exprimait ce dernier de ne pas avoir voulu se suicider, d’une certaine étrangeté de l’acte à ses yeux ainsi que les modalités de l’acte qui n’impliquent aucun acte préparatoire rendaient vraisemblable un raptus suicidaire avec abolition de la capacité de discernement. Sous la rubrique « Remarques éventuelles », l’expert terminait par ces mots son rapport: « J’estime qu’aucun élément nouveau ne sera à même de lever l’incertitude médicale concernant la capacité de discernement de l’expertisé au moment des faits. Aucun médecin spécialiste n’a examiné l’expertisé dans les jours qui ont précédé l’acte funeste et personne n’a assisté à l’événement et n’a été présent peu avant l’événement. Les médecins sont donc réduits à devoir faire des hypothèses sur la capacité de discernement au moment des faits ».

C’est par une interprétation erronée des termes utilisés par l’expert que les premiers juges tirent du mot « plutôt » la conclusion que l’existence d’un raptus suicidaire peut être considérée comme établie au degré de la vraisemblance prépondérante. En réalité, l’expert fait montre dans le passage en question de son rapport d’une grande circonspection par l’utilisation du mot « évoque » accolé à celui de « plutôt ». Le mot « évoque », qui est ici synonyme de « suggérer » est plus l’expression d’une possibilité ou d’une simple probabilité que d’une vraisemblance prépondérante.

Sur le vu de l’ensemble des considérations de l’expert, il n’est pas établi au degré de preuve requis que l’assuré souffrait au moment des faits d’une affection qui le privait de sa capacité de discernement. Seuls certains éléments pouvaient, avec une certaine plausibilité, accréditer la thèse de l’incapacité de discernement. Finalement l’expert reconnaît ne pas être en mesure d’opérer un choix parmi les hypothèses envisagées. Pour autant, on ne saurait dire que l’expertise renferme des contradictions ou des lacunes qui justifieraient d’ordonner une surexpertise. Il appartenait au contraire à l’expert de faire part de ses doutes et de ses incertitudes sur des questions qui ne pouvaient trouver une réponse claire sous l’angle médical (voir à ce sujet SUSANNE BOLLINGER, Der Beweiswert psychiatrischer Gutachten in der Invalidenversicherung unter besonderer Berücksichtigung der bundesgerichtlichen Rechtsprechung, Jusletter du 31 janvier 2011, ch. 24). En l’espèce, si l’expert montre une certaine indécision, il ne fait qu’exprimer une incertitude réelle sur la thèse la plus probable, qui ne pourrait à ses yeux pas être levée par des investigations supplémentaires.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et rétablit la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_175/2015 consultable ici : http://bit.ly/1L5Yfqp

 

 

9C_234/2015 (f) du 30.11.2015 – Expertise médicale – 44 LPGA / Examen réalisé par une spécialiste en rhumatologie du SMR

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_234/2015 (f) du 30.11.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1m36BZz

 

Expertise médicale / 44 LPGA

Examen réalisé par une spécialiste en rhumatologie du SMR

 

 

Examen clinique réalisé une spécialiste en rhumatologie du service médical régional (SMR).

L’assuré reproche à la juridiction cantonale d’avoir contrevenu à l’art. 44 LPGA. Il soutient que le titre de spécialiste en rhumatologie ne lui permettait pas de saisir les effets de la médication absorbée sur sa capacité de travail et que le rapport du stage d’observation instillait un doute à cet égard.

Selon le TF, on ne voit pas en quoi la spécialité médicale exercée (spécialiste en rhumatologie) serait un obstacle – que l’assuré invoque comme une évidence – à l’évaluation des conséquences d’un traitement médicamenteux sur la capacité de travail d’un assuré. La praticienne en question est non seulement spécialiste en rhumatologie, mais également spécialiste en médecine physique et réadaptation, ce qui la rend tout à fait apte à juger des mesures thérapeutiques à mettre en œuvre dans le but de réinsérer une personne atteinte dans sa santé sur le marché du travail. Cette praticienne a par ailleurs pris en compte la médication prescrite.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_234/2015 consultable ici : http://bit.ly/1m36BZz

 

 

9C_262/2015 (f) du 08.01.2016 – Expertise médicale – 44 LPGA / Aide de traduction lors d’une expertise psychiatrique – Compréhension des questions et énoncé des réponses

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_262/2015 (f) du 08.01.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1PyWaKO

 

Expertise médicale / 44 LPGA

Aide de traduction lors d’une expertise psychiatrique – Compréhension des questions et énoncé des réponses

 

Le Tribunal fédéral s’est penché sur les plaintes d’une assurée pour violation de ses droits procéduraux par le refus d’un interprète durant une expertise réalisée par un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Lors de l’expertise, l’expert a constaté que l’assurée se montrait collaborante, qu’elle répondait aux questions mais qu’elle était souvent un peu floue, confuse, et qu’il fallait reposer les questions à plusieurs reprises. Il a ajouté que l’assurée, qui s’était exprimée en français, « ne saisit pas véritablement le sens des questions ayant rapport par exemple à son histoire personnelle », en faisant état d’un « discours parfois un peu décousu ».

Dans le contexte d’examens médicaux nécessaires pour évaluer de manière fiable l’état de santé de l’assuré et ses répercussions éventuelles sur la capacité de travail, en particulier d’un examen psychiatrique, la meilleure compréhension possible entre l’expert et la personne assurée revêt une importance spécifique. Il n’existe cependant pas de droit inconditionnel à la réalisation d’un examen médical dans la langue maternelle de l’assuré ou à l’assistance d’un interprète. En définitive, il appartient à l’expert, dans le cadre de l’exécution soigneuse de son mandat, de décider si l’examen médical doit être effectué dans la langue maternelle de l’assuré ou avec le concours d’un interprète. Le choix de l’interprète, ainsi que la question de savoir si, le cas échéant, certaines phases de l’instruction médicale doivent être exécutées en son absence pour des raisons objectives et personnelles, relèvent également de la décision de l’expert. Ce qui est décisif dans ce contexte, c’est l’importance de la mesure au regard de la prestation entrant en considération. Il en va ainsi de la pertinence et donc de la valeur probante de l’expertise en tant que fondement de la décision de l’administration, voire du juge. Les constatations de l’expert doivent dès lors être compréhensibles, sa description de la situation médicale doit être claire et ses conclusions motivées (arrêt 9C_287/2012 du 18 septembre 2012 consid. 4.1; arrêt I 245/00 du 30 décembre 2003, publié in VSI 2004 p. 144 consid. 4; arrêt 8C_913/2010 du 18 avril 2011 consid. 3.3.1 et les arrêts cités).

Dans le cas d’espèce, l’expert psychiatre a été invité à répondre à la question de savoir à partir de quand la pathologie psychiatrique dont souffre l’assurée entraîne une incapacité de travail durable au regard de faits remontant à plus de trente ans en arrière et de la situation personnelle de l’assurée à l’époque, il apparaît essentiel que l’assurée comprenne parfaitement les questions de l’expert et qu’elle puisse y répondre avec toutes les nuances nécessaires. A défaut, l’examen de la condition d’assurance, laquelle est directement liée à l’existence d’une éventuelle incapacité de travail – contestée – une trentaine d’années auparavant, risque d’être biaisé en raison de possibles imprécisions aussi bien dans la compréhension des questions que dans l’énoncé des réponses. L’expert, dont la mission consistait à s’exprimer sur la situation qui prévalait dans les années quatre-vingt et à dire si l’assurée était à cette époque-là capable ou non de travailler nonobstant son affection psychique, devait ainsi s’assurer par tous les moyens dont il disposait que l’entretien et les examens pratiqués ne fussent aucunement entachés de problèmes de compréhension. Au demeurant, il a rejeté à juste titre la présence de l’époux de l’assurée en qualité d’interprète (cf. ATF 140 V 260 consid. 3.2.3 et 3.2.4 p. 263).

Dans la mesure où l’expert avait lui-même relevé l’existence de difficultés d’expression en langue française qui avaient d’ailleurs été préalablement annoncées et en raison desquelles l’assurée demandait la présence d’un interprète, il incombait à l’expert de s’en assurer les services afin que l’assurée puisse bien saisir le sens des questions posées, notamment celles qui concernent son histoire personnelle, puis y répondre en connaissance de cause. A défaut, ce pan important – sinon essentiel – de l’anamnèse de l’assurée risquait de ne pas être correctement établi (cf. ATF 140 V 260 consid. 3.2.4 p. 264), en violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 et 61 let. c LPGA), aboutissant à des lacunes dans les constatations de faits (cf. art. 105 al. 1 LTF). Dans ce contexte, il ne suffit pas que l’usage de la langue maternelle soit restreint durant l’expertise aux seuls tests psychométriques écrits.

 

Arrêt 9C_262/2015 consultable ici : http://bit.ly/1PyWaKO

 

 

9C_716/2015 (f) du 30.11.2015 – Expertises psychiatriques en matière de troubles somatoformes douloureux et autres troubles psychosomatiques comparables réalisées avant la réception de l’ATF 141 V 281 – 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_716/2015 (f) du 30.11.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1QI0RAQ

 

Expertises psychiatriques en matière de troubles somatoformes douloureux et autres troubles psychosomatiques comparables réalisées avant la réception de l’ATF 141 V 281 – 44 LPGA

 

Par définition, les expertises psychiatriques en matière de troubles somatoformes douloureux et autres troubles psychosomatiques comparables réalisées avant la réception de l’ATF 141 V 281 ont été rendues à la lumière de la présomption – abandonnée désormais – posée à l’ATF 130 V 352, selon laquelle ces troubles ou leurs effets peuvent être surmontés par un effet de volonté raisonnablement exigible, et des critères établis en la matière pour apprécier le caractère invalidant de ces syndromes. Toutefois, ce changement de jurisprudence ne justifie pas en soi de retirer toute valeur probante aux expertises psychiatriques rendues à l’aune de l’ancienne jurisprudence. Ainsi que le Tribunal fédéral l’a précisé, il convient bien plutôt de se demander si, dans le cadre d’un examen global, et en tenant compte des spécificités du cas d’espèce et des griefs soulevés, le fait de se fonder définitivement sur les éléments de preuve existants est conforme au droit fédéral. Il y a ainsi lieu d’examiner dans chaque cas si les expertises administratives et/ou les expertises judiciaires recueillies – le cas échéant en les mettant en relation avec d’autres rapports médicaux – permettent ou non une appréciation concluante du cas à l’aune des indicateurs déterminants (ATF 141 V 281 consid. 8 p. 309).

 

 

Arrêt 9C_716/2015 consultable ici : http://bit.ly/1QI0RAQ

 

 

8C_808/2014 (f) du 04.12.2015 – Observation par détective – Expertise pluridisciplinaire – Droit à l’IJ LAA – Dépens

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_808/2014 (f) du 04.12.2015

 

Consultable ici : bit.ly/1Ru9pNl

 

Fin des prestations après observation par détective privé, malgré une expertise pluridisciplinaire – 43 LPGA – 44 LPGA

Expertise judiciaire confirmant les troubles physiques et ne confirmant pas les observations du détective – Avis du médecin-conseil sommaire ne pouvant être retenu

Droit à l’indemnité journalière LAA – 16 ss LAA

Dépens – pas de compensation possible en assurance sociale – 61 let. g LPGA

 

Assurée, travaillant comme femme de ménage pour divers employeurs. Aucun de ceux-ci n’avait conclu d’assurance-accidents en sa faveur. Le 08.12.2005, l’assurée est renversée par une voiture alors qu’elle traversait un passage piétons. Elle a souffert, entre autres lésions, de plusieurs fractures. La Caisse supplétive LAA est intervenue.

Expertise pluridisciplinaire (orthopédique, neurologique et psychiatrique) début 2008 : l’assurée présentait des séquelles douloureuses du membre supérieur droit et de l’épaule, une neuropathie persistante du nerf cubital droit, ainsi qu’un état de stress post-traumatique associé à un syndrome dépressif en rémission partielle qui l’empêchaient de reprendre son ancienne activité de femme de ménage ainsi que toute autre activité.

Parallèlement, la caisse supplétive a mandaté un détective privé pour observer l’assurée dans sa vie quotidienne. Sur la base des rapports d’observation de ce détective (septembre 2008) – lesquels concluaient que l’assurée n’était aucunement restreinte ou gênée dans l’accomplissement de ses mouvements -, du rapport de son médecin-conseil (spécialiste FMH en chirurgie orthopédique) et après avoir donné à l’assurée la possibilité de s’expliquer, la caisse supplétive a rendu le 11.12.2008 une décision par laquelle elle a déclaré mettre fin à toutes ses prestations avec effet au 01.07.2007 et demandé le remboursement d’un montant de 48’377 fr., correspondant aux indemnités journalières versées, à tort selon elle, entre le 01.07.2007 et le 31.08.2008. Saisie d’une opposition de l’assurée, la caisse l’a rejetée et porté à 63’385 fr. 90 (soit 15’008 fr. 90 de plus pour les frais de guérison) sa demande de restitution.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 76/09 – 95/2014 – consultable ici : bit.ly/1Rubed4)

Mise en œuvre d’une expertise judiciaire pluridisciplinaire : sur le plan somatique (orthopédique et neurologique), les atteintes à la santé de l’assurée entraînaient une incapacité de travail complète et définitive dans son activité de femme de ménage. Celle-ci ne s’était pas modifiée depuis octobre 2008. En revanche, dans une activité légère, adaptée aux limitations fonctionnelles de l’assurée, la capacité de travail était entière mais avec une diminution de rendement de 20%. Sur le plan psychique, les experts ont retenu un trouble anxieux et dépressif mixte (F 41.2). La capacité de travail était entière mais avec une diminution de rendement de 10%, vu la fatigabilité psychique, le ralentissement et la difficulté à se concentrer. Les experts ont indiqué que les observations faites par le détective privé n’avaient pas montré l’assurée en condition d’exercice de sa profession dans la durée, de sorte qu’elles n’étaient pas de nature à remettre en cause leurs conclusions.

Par arrêt du 25.09.2014, le tribunal cantonal a admis le recours et réformé la décision sur opposition en ce sens que la caisse devait prendre en charge les suites de l’événement accidentel survenu le 08.12.2005.

 

TF

Appréciation arbitraire des preuves et expertise judiciaire

En principe, le juge ne s’écarte pas sans motifs impérieux des conclusions d’une expertise judiciaire, la tâche de l’expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l’éclairer sur les aspects médicaux d’un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s’écarter d’une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu’une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d’autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l’expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d’une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa p. 352 et les références citées).

En l’espèce, l’expertise judiciaire remplit les exigences auxquelles la jurisprudence soumet la valeur probante d’un tel document. Les conclusions procèdent en effet d’une analyse complète de l’ensemble des circonstances déterminantes ressortant de l’anamnèse, du dossier médical (y compris le rapport du détective et les extraits vidéos) et de l’examen clinique. Les réponses apportées par les experts aux questions posées tant par la caisse supplétive que par l’assurée sont par ailleurs complètes et convaincantes. On ne voit en outre pas que le rapport contienne des contradictions, ni des défauts manifestes. En particulier, il n’y a pas lieu, comme l’ont relevé les premiers juges, de suivre les conclusions du docteur E.__, l’avis isolé et au demeurant assez sommaire du médecin-conseil de l’assureur ne pouvant l’emporter sur les conclusions de l’expertise judiciaire.

Droit à l’indemnité journalières LAA

Il ressort de l’expertise judiciaire que l’assurée est définitivement et totalement incapable, depuis l’accident, d’exercer son ancienne profession de femme de ménage. Or, l’indemnité journalière est en principe accordée en fonction de l’incapacité de travail dans la profession habituelle (cf. RAMA 2000 n° U 366, p. 92; art. 6 al. 1, première phrase, LPGA). Dès lors que l’assurée ne pouvait plus exercer son activité lucrative habituelle en raison d’atteintes sur le plan somatique, la caisse supplétive ne pouvait pas nier, en se fondant sur les observations du détective privé, le droit à l’indemnité journalière à partir du 01.07.2007. Par conséquent, c’est à tort que la caisse supplétive a mis fin à toutes ses prestations avec effet au 01.07.2007 et demandé le remboursement de celles versées entre cette date et le 31.08.2008.

Dépens

La caisse supplétive fait valoir que c’est à tort que la juridiction cantonale a alloué à l’assurée des dépens d’un montant de 5’000 fr., correspondant au maximum de la fourchette prévue par le droit cantonal, alors qu’elle a déclaré irrecevable une partie non négligeable de ses conclusions complémentaires. Elle soutient en outre que les dépens auraient dû être compensés, au motif qu’elle aurait obtenu partiellement gain de cause, tout comme l’assurée.

Selon l’art. 61 let. g LPGA, le recourant qui obtient gain de cause devant le tribunal cantonal des assurances a droit au remboursement de ses frais et dépens dans la mesure fixée par le tribunal; leur montant est déterminé sans égard à la valeur litigieuse d’après l’importance et la complexité du litige. Le point de savoir si et à quelles conditions une partie a droit à des dépens en instance cantonale de recours lorsqu’elle obtient gain de cause relève du droit fédéral (cf. ATF 129 V 113 consid. 2.2 p. 115 et les arrêts cités). En revanche, la fixation du montant de l’indemnité de dépens ressortit au droit cantonal. Or, le Tribunal fédéral ne peut revoir les questions de droit cantonal que sous l’angle restreint de l’arbitraire, dans le cadre d’un moyen pris de la violation d’un droit constitutionnel (cf. art. 95 et 96 LTF, a contrario), expressément soulevé et développé avec la précision requise à l’art. 106 al. 2 LTF (ATF 133 III 462 consid. 2.3 p. 466; 133 II 249 consid. 1.2.1 p. 251).

Le litige portait en procédure cantonale sur le droit de la caisse supplétive de mettre fin à ses prestations et de réclamer les prestations déjà versées. Sur ces questions, l’assurée a obtenu gain de cause, la juridiction cantonale ayant condamné la caisse à maintenir ses prestations. Cela avait pour corollaire un examen par la caisse supplétive des conclusions prises par l’assurée dans son mémoire final. Dans ces conditions, les premiers juges pouvaient considérer que l’assurée avait obtenu gain de cause et lui accorder une indemnité non réduite. La caisse supplétive méconnaît par ailleurs le fait qu’il n’y a pas lieu à compensation des dépens dans l’assurance sociale (cf. UELI KIESER, ATSG Kommentar, n° 199 ad art. 61 let. g LPGA). Pour le reste, la caisse supplétive ne démontre pas que les premiers juges aient fait preuve d’arbitraire en allouant un montant de 5’000 fr.

 

Le TF rejette le recours de la caisse supplétive.

 

 

Arrêt 8C_808/2014 consultable ici : bit.ly/1Ru9pNl

 

 

9C_234/2015 (f) du 30.11.2015 – Examen par le SMR – Spécialiste en rhumatologie / Evaluation de la capacité de travail exigible – 7 LPGA – 8 LPGA – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_234/2015 (f) du 30.11.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1m36BZz

 

Examen par le SMR – Spécialiste en rhumatologie

Evaluation de la capacité de travail exigible / 7 LPGA – 8 LPGA – 16 LGPA

 

L’assuré reproche que le titre de spécialiste en rhumatologie d’un médecin du SMR, ayant procédé à un examen clinique, ne lui permet pas de saisir les effets de la médication absorbée sur sa capacité de travail et que le rapport du stage d’observation instillait un doute à cet égard.

Le TF ne voit pas en quoi la spécialité médicale exercée par le médecin du SMR serait un obstacle à l’évaluation des conséquences d’un traitement médicamenteux sur la capacité de travail d’un assuré. D’une part, le praticien en question est non seulement spécialiste en rhumatologie, mais également spécialiste en médecine physique et réadaptation, ce qui le rend tout à fait apte à juger des mesures thérapeutiques à mettre en œuvre dans le but de réinsérer une personne atteinte dans sa santé sur le marché du travail. D’autre part, la juridiction cantonale a constaté que celle-ci avait pris en compte la médication prescrite, ce qui en l’espèce n’est en aucune manière contesté.

 

 

Arrêt 9C_234/2015 consultable ici : http://bit.ly/1m36BZz