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9C_591/2019 (f) du 05.03.2020 – Rapport de connexité temporelle entre l’incapacité de travail survenue à l’époque de l’affiliation et l’invalidité donnant droit à une rente entière AI / 23 let. a LPP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_591/2019 (f) du 05.03.2020

 

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Rapport de connexité temporelle entre l’incapacité de travail survenue à l’époque de l’affiliation et l’invalidité donnant droit à une rente entière AI / 23 let. a LPP

 

Assuré, souffrant d’un trouble de la personnalité schizotypique depuis 1989, a travaillé pour le compte de la Poste, du 26.05.1999 au 30.06.2003, d’abord comme auxiliaire, à un taux d’activité variant entre 50% et 70%, puis en tant qu’employé d’exploitation à 50% dès le 01.01.2002. Dès mars 2003, il a exercé une activité lucrative pour le compte de B.__ SA avant d’être licencié pour le 30.11.2009. A ce titre, il a été successivement assuré pour la prévoyance professionnelle auprès de la Caisse de pensions Poste (ci-après: la Caisse de pensions), puis de la Caisse de Prévoyance des Associations Techniques (CPAT – PTV). Il a également été affilié à la Fondation institution supplétive LPP, à partir de février 2010, dans le cadre de l’assurance-chômage.

L’office AI a reconnu le droit de l’assuré à une rente d’invalidité du 01.11.1992 au 30.04.1993 (rente entière), du 01.12.2000 au 28.02.2007 (un quart de rente, puis une demi-rente dès le 01.01.2001, puis un quart de rente dès le 01.05.2005), puis dès le 01.04.2011 (rente entière). Le droit à la rente entière d’invalidité a été confirmé en 2013 et 2016.

A deux reprises, les 05.04.2012 et 28.04.2017, l’assuré s’est adressé à la Caisse de pensions en vue d’obtenir des prestations de la prévoyance professionnelle. L’institution de prévoyance a, à chaque fois, nié toute obligation de prester, au motif que l’incapacité de travail dont la cause était à l’origine de l’invalidité était apparue antérieurement à son affiliation auprès d’elle comme assuré.

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale a constaté que l’assuré, pendant son activité à la Poste, avait été incapable de travailler pour cause de maladie du 10.07.2000 au 09.10.2000, du 23.12.2000 au 27.12.2000 et à partir du 01.01.2002. Elle a considéré qu’il existait un lien de connexité matérielle et temporelle entre les troubles psychiques ayant conduit à la reconnaissance du droit à une rente entière d’invalidité du 01.11.1992 au 30.04.1993 et ces incapacités de travail. L’origine de ces incapacités de travail étant antérieure à l’affiliation de l’assuré à la Caisse intimée, celle-ci n’était pas tenue de prester. En outre, même si on pouvait admettre que des atteintes à la santé d’origine somatique étaient survenues pendant la période d’affiliation à la Caisse intimée (notamment des lombosciatalgies sur hernie discale), ces prestations étaient désormais prescrites. Pour ce qui est de la période postérieure à l’engagement à la Poste, les juges cantonaux ont considéré que les troubles psychiques dont souffrait l’assuré avaient connu une période significative de rémission, dans une mesure propre à lui permettre de reprendre durablement l’exercice d’une profession adaptée. En effet, l’intéressé avait exercé une activité, dès mars 2003, pour le compte de B.__ SA, à un taux d’occupation supérieur à 80% de 2005 jusqu’à son licenciement avec effet au 30.11.2009. Cette activité lui avait permis de réaliser un revenu excluant le droit à une rente de l’assurance-invalidité dès le 01.03.2007. L’assuré s’était par ailleurs inscrit au chômage en qualité de demandeur d’emploi pleinement apte au placement dès le 01.02.2010. Faute de lien de connexité temporelle, la juridiction cantonale a partant nié l’obligation de la Caisse de pensions intimée de verser les prestations dès le 01.08.2010, début de l’incapacité de travail à la base du droit à la rente entière d’invalidité versée depuis le 01.04.2011.

Par jugement du 12.08.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le jugement entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs au droit à des prestations d’invalidité (art. 23 let. a LPP) ainsi qu’au début et à la fin de ce droit (art. 26 LPP), à la notion de survenance de l’incapacité de travail, en relation avec la double condition de la connexité matérielle et temporelle nécessaire pour fonder l’obligation de prester d’une institution de prévoyance (ATF 138 V 409 consid. 6.2 et 6.3 p. 419 s.; ATF 134 V 20 consid. 3.2.1 et 5.3 p. 22 s. et 27 et les références). Il rappelle en particulier les principes sur la diminution de la capacité fonctionnelle déterminante (d’au moins 20%), dans l’hypothèse où l’assuré a perçu un (plein) salaire durant la période en question, et à l’absence de recouvrement d’une capacité de travail de plus de 80% dans une activité lucrative adaptée durant plus de trois mois après la survenance de l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité (ATF 144 V 58 consid. 4.4 et 4.5 p. 62 s.; 134 V 20 consid. 3.2.2 p. 23). Il mentionne également la jurisprudence relative aux conditions dans lesquelles les décisions de l’assurance-invalidité lient l’institution de prévoyance compétente (ATF 144 V 72 consid. 4.1 p. 75; 138 V 409 consid. 3.1 p. 414; arrêt 9C_122/2017 du 20 décembre 2017 consid. 2.3 et les arrêts cités). Il suffit d’y renvoyer.

Dans la mesure où l’assuré conclut à l’octroi de prestations de prévoyance professionnelle dès le 01.04.2011 et qu’il ne conteste pas que l’exception de prescription puisse s’opposer aux prétentions antérieures, le Tribunal fédéral n’a pas à vérifier si le lien de connexité temporelle s’est interrompu entre l’incapacité de travail survenue en novembre 1991 (à l’origine de l’octroi de la première rente d’invalidité) et l’invalidité survenue en novembre 1999 (à l’origine de la rente de l’assurance-invalidité versée dès le 01.12.2000). De toute façon, cette question peut rester ouverte parce que, comme l’ont constaté les juges cantonaux, le lien de connexité temporelle s’est interrompu entre l’incapacité de travail survenue en novembre 1999 – lorsqu’il travaillait encore à la Poste – et l’invalidité qui s’est manifestée à partir du 01.08.2010.

 

Selon les constatations de la cour cantonale, après avoir quitté la Poste, l’assuré a disposé d’une capacité de travail de plus de 80% dans une activité adaptée pendant plusieurs années chez B.__ SA, qui lui a permis de réaliser un revenu excluant le droit à une rente. En se limitant à indiquer qu’il « n’a jamais retrouvé une pleine capacité de travail même lorsqu’il était employé chez B.__ SA de 2003 à 2009 puisqu’il travaillait à 75% », l’assuré ne démontre pas que les constatations des premiers juges quant au recouvrement d’une capacité de travail de plus de 80% de 2005 à fin novembre 2009, pour laquelle il a perçu un revenu excluant le droit à une rente d’invalidité, sont manifestement inexactes. Les affirmations de l’assuré sont au demeurant infirmées par les informations figurant dans la demande par laquelle il a requis le versement d’indemnités de chômage à compter du 01.02.2010. A la lecture de ce document, on constate que l’assuré a indiqué avoir travaillé à plein temps pour le compte de B.__ SA ; il y a également mentionné être pleinement apte au placement et a certifié disposer d’une capacité de travail équivalente.

En conséquence de ce qui précède, l’assuré n’a pas démontré ni même rendu vraisemblable que les premiers juges auraient établi les faits de façon manifestement inexacte en constatant l’absence d’incapacité de travail d’au moins 20% durant sa période d’emploi auprès de B.__ SA, à tout le moins de 2005 à 2009. A défaut d’un lien de connexité temporelle (cf. art. 23 let. a LPP), le droit aux prestations d’invalidité litigieuses a donc été nié à juste titre.

 

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_591/2019 consultable ici

 

 

9C_214/2019 (f) du 12.12.2019 – Connexité temporelle entre l’incapacité de travail survenue durant le rapport de prévoyance et l’invalidité ultérieure / Taux d’intérêt moratoire – 1% vs 5%

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_214/2019 (f) du 12.12.2019

 

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Suppression par voie de révision d’une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle

Connexité temporelle entre l’incapacité de travail survenue durant le rapport de prévoyance et l’invalidité ultérieure

Taux d’intérêt moratoire – 1% vs 5%

 

Assuré, né en 1969, s’est vu octroyer par l’office AI une rente entière d’invalidité du 01.06.1996 au 31.12.2004. Il a ensuite notamment travaillé à 100% auprès de la société B.__ SA du 8 janvier 2007 au 30 avril 2009. A ce titre, il a été affilié auprès d’une caisse de pension (ci-après : la caisse de pension).

Le 02.08.2007, il a déposé une nouvelle demande de prestations de l’assurance-invalidité. En se fondant sur une incapacité de travail totale survenue dès le 19.06.2007, l’office AI a octroyé à l’assuré une rente entière de l’assurance-invalidité dès le 01.06.2007 [sic]. La caisse de pension a ensuite alloué à l’assuré une rente entière d’invalidité de la prévoyance professionnelle dès le 18.06.2009.

L’assuré a repris une activité d’employé administratif et aide-comptable à 50% dès le 15.07.2010. Il a augmenté son taux d’activité à 80% dès le 01.01.2015. A ce titre, il a été affilié auprès d’une nouvelle institution de prévoyance.

Par correspondance du 18.06.2015, la caisse de pension a suspendu à titre provisoire le versement en faveur de l’assuré d’une rente entière d’invalidité de la prévoyance professionnelle. En se fondant sur un degré d’invalidité de 28%, elle a ensuite constaté que l’assuré n’avait plus droit à une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle au-delà du 01.06.2015. Après un échange de correspondance, elle a maintenu sa position, puis remis à l’assuré un décompte de sortie avec effet au 31.12.2014.

Parallèlement, l’office AI a révisé le droit de l’assuré à des prestations de l’assurance-invalidité et octroyé un quart de rente d’invalidité dès le 01.04.2016. Il a ensuite pris acte que l’assuré était en arrêt de travail à 100% depuis le 10.10.2016 et accordé une prestation transitoire dès le 01.11.2016.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/133/2019 – consultable ici)

L’assuré a ouvert une action en paiement contre la caisse de pension.

Le tribunal cantonal a constaté que l’assuré avait augmenté son taux d’activité de 50 à 80% dès le 01.01.2015 avant d’être à nouveau en incapacité de travail à 100% dès le 10.10.2016. L’assuré avait ainsi disposé d’une capacité de travail de 80% au moins dans une activité adaptée de comptable pendant une période de temps supérieure à trois mois. Les juges cantonaux ont retenu que la connexité temporelle entre l’incapacité de travail et l’invalidité (survenue dès le 10.10.2016) avait été interrompue à partir du 01.04.2015. La caisse de pension n’avait dès lors en principe pas à prester au-delà du 31.05.2015 (cf. art. 88a al. 1 et 88bis al. 2 let. a RAI). Dans la mesure où la nouvelle incapacité de travail de 100% (dès le 10.10.2016) était survenue durant la période de protection de trois ans instaurée par l’art. 26a al. 1 LPP, la juridiction cantonale a considéré que les droits de l’assuré aux prestations de la caisse de pension étaient cependant conservés. L’assuré avait droit à une rente entière de la prévoyance professionnelle dès le 1er jour du mois suivant la survenance de sa nouvelle incapacité de travail, soit du 01.11.2016 au 31.08.2017 (mois au cours duquel l’action en paiement a été déposée).

Par jugement du 19.02.2019, admission partielle par le tribunal cantonal, octroyant à l’assuré un montant de 11’788 fr. 35 (pour la période du 01.11.2016 au 31.08.2017), avec intérêts à 5% l’an dès le 18.08.2017, rejetant la demande pour le surplus.

 

TF

Les constatations de la juridiction cantonale relatives à l’incapacité de travail résultant d’une atteinte à la santé relèvent d’une question de fait et ne peuvent être examinées par le Tribunal fédéral que sous un angle restreint, dans la mesure où elles reposent sur une appréciation concrète des circonstances du cas d’espèce. Les conséquences que tire l’autorité précédente des constatations de fait quant à la connexité temporelle sont en revanche soumises, en tant que question de droit, au plein pouvoir d’examen du Tribunal fédéral (arrêt 9C_691/2016 du 7 mars 2017 consid. 1.3 et la référence).

 

Selon l’art. 26 al. 3, 1ère phrase, LPP, le droit aux prestations s’éteint au décès du bénéficiaire ou, sous réserve de l’art. 26a LPP, à la disparition de l’invalidité. L’art. 26a al. 1 et 2 LPP prévoit que, si la rente de l’assurance-invalidité versée à un assuré est réduite ou supprimée du fait de l’abaissement de son taux d’invalidité, le bénéficiaire reste assuré avec les mêmes droits durant trois ans auprès de l’institution de prévoyance tenue de lui verser des prestations d’invalidité, pour autant qu’il ait, avant la réduction ou la suppression de sa rente de l’assurance-invalidité, participé à des mesures de nouvelle réadaptation destinées aux bénéficiaires de rente au sens de l’art. 8a LAI, ou que sa rente ait été réduite ou supprimée du fait de la reprise d’une activité lucrative ou d’une augmentation de son taux d’activité (al. 1). L’assurance et le droit aux prestations sont maintenus aussi longtemps que l’assuré perçoit une prestation transitoire fondée sur l’art. 32 LAI (al. 2).

 

Dans l’arrêt 9C_147/2017 du 20 février 2018, publié aux ATF 144 V 58, le Tribunal fédéral a précisé que la connexité temporelle entre l’incapacité de travail survenue durant le rapport de prévoyance et l’invalidité ultérieure est interrompue lorsque la personne concernée dispose d’une capacité de travail de plus de 80% dans une activité adaptée pendant plus de trois mois et que celle-ci lui permet de réaliser un revenu excluant le droit à une rente (ATF 134 V 20 consid. 5.3 p. 27; arrêts 9C_465/2018 du 30 janvier 2019 consid. 3.2; 9C_98/2013 du 4 juillet 2013 consid. 4.1, in SVR 2014 BVG n° 1 p. 2 et les références). Une capacité de travail de 80% ne suffit pas pour interrompre le lien de connexité temporelle (ATF 144 V 58 consid. 4.5 p. 63; arrêt 9C_533/2017 du 28 mai 2018 consid. 2.1.2).

Contrairement à la thèse défendue par la caisse de pension, le taux d’occupation de l’assuré de 80% pendant plus de trois mois, constaté par les premiers juges, n’était pas suffisant pour interrompre le lien de connexité temporelle entre l’incapacité de travail survenue dès le 19.06.2007 et l’invalidité survenue après le 10.10.2016. L’assuré est par conséquent resté assuré auprès de la caisse de pension après l’augmentation de son taux d’activité dès le 01.01.2015, faute d’interruption du lien de connexité temporelle, et a conservé tous les droits attachés à sa qualité d’assuré au-delà du 01.06.2015. Les premiers juges ont retenu à juste titre que la rente entière de la prévoyance professionnelle versée par la caisse de pension devait être réactivée dès le début du mois au cours duquel l’assuré a présenté une incapacité de travail d’au moins 50% pendant une période de plus de 30 jours après l’augmentation de son taux d’occupation (art. 26a al. 2 LPP, en lien avec l’art. 32 al. 1 let. a et b et al. 2 LAI). En ce qui concerne le droit de l’assuré à une rente entière d’invalidité de la prévoyance professionnelle pour la période du 01.11.2016 au 31.08.2017, les conclusions principales et subsidiaires de la caisse de pension doivent par conséquent être rejetées.

 

En matière de rente de la prévoyance professionnelle, l’institution de prévoyance est tenue de verser un intérêt moratoire à partir du jour de la poursuite ou du dépôt de la demande en justice sur le montant dû (cf. art. 105 al. 1 CO; ATF 137 V 373 consid. 6.6 p. 382; 119 V 131 consid. 4c p. 135). A défaut de disposition réglementaire topique, le taux d’intérêt moratoire est de 5% (art. 104 al. 1 CO; ATF 130 V 414 consid. 5.1 p. 421 et les références).

Selon le chiffre 4.8.3, alinéa 6, des dispositions générales sur le règlement de prévoyance (dans sa version en vigueur dès le 01.01.2007), si la fondation accuse du retard, l’intérêt moratoire correspond au taux d’intérêt minimal LPP, au maximum 5%, pour autant qu’aucune convention spéciale ne soit applicable ou que le présent règlement de prévoyance ne contienne aucune autre réglementation. Contrairement aux considérations de la juridiction cantonale, le règlement de prévoyance contient par conséquent une disposition topique sur le taux d’intérêt moratoire (cf. arrêt 9C_41/2019 du 26 mars 2019 consid. 5). Il y a dès lors lieu de fixer le taux de l’intérêt moratoire à 1% l’an, conformément à l’art. 12 let. j OPP 2.

 

Le TF admet partiellement le recours de la caisse de pension, réforme le jugement du tribunal cantonal en ce sens que le taux d’intérêt moratoire est fixé à 1% l’an dès le 18.08.2017.

 

 

Arrêt 9C_214/2019 consultable ici

 

 

9C_738/2018 (f) du 07.03.2019 – Evaluation de l’invalidité par l’institution de prévoyance / Non-notification de la décision par l’office AI à l’institution de prévoyance / Rupture du lien de connexité temporelle

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_738/2018 (f) du 07.03.2019

 

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Evaluation de l’invalidité par l’institution de prévoyance

Non-notification de la décision par l’office AI à l’institution de prévoyance

Rupture du lien de connexité temporelle

 

Assuré a déposé sa demande AI le 24.02.2012. Il indiquait notamment dans le formulaire de demande travailler comme aide-peintre en bâtiments, être incapable d’exercer son métier depuis le 27.10.2011 et être assuré par la Caisse de retraite professionnelle de l’industrie vaudoise de la construction (ci-après: la caisse).

L’assuré a été licencié pour le 30.06.2012. Il a été mis au bénéfice de mesures d’ordre professionnel qui ont finalement conduit à son engagement depuis le 21.05.2014 en qualité de peintre en bâtiments à 80%. A ce titre, il était assuré par Retraites Populaires Fondation de prévoyance (ci-après: la fondation). Le médecin du Service médical régional de l’office AI (SMR) a déduit du dossier que l’intéressé disposait d’une capacité de travail de 90% dans son activité habituelle et toute activité adaptée. L’administration a dès lors nié le droit à une rente, motif pris d’un taux d’invalidité de 10% (décision du 04.12.2014).

L’assuré s’est à nouveau annoncé à l’office AI le 30.01.2015. Il l’informait en particulier qu’il était en arrêt maladie depuis le 27.10.2014 et qu’il avait été licencié pour le 31.01.2015 dans la mesure où l’entreprise dans laquelle il travaillait cessait toute activité. Après les investigations et mesures habituelles, l’office AI a retenu une capacité totale de travail dans une activité adaptée avec une baisse de rendement de 40%. Elle a reconnu le droit de l’assuré à une demi-rente à partir du 01.01.2016, fondée sur un taux d’invalidité de 51% (décision du 18.10.2016).

L’assuré a requis des prestations de la caisse et de la fondation à réitérées reprises. Les deux institutions de prévoyance ont refusé de prester.

 

Procédure cantonale

Le 26.07.2017, l’assuré a ouvert une action contre les deux institutions de prévoyance.

Le tribunal cantonal a considéré que les deux institutions de prévoyance étaient liées par les appréciations de l’office AI dans la mesure où elles reprenaient dans leurs règlements la notion d’invalidité prévalant en matière d’assurance-invalidité et n’avaient pas contesté les décisions administratives. La cour cantonale a déduit des décisions AI, ainsi que des pièces médicales que si l’assuré souffrait en 2012 voire même plus tôt de certaines pathologies, celles-ci ne s’étaient détériorées et n’avaient acquis un caractère invalidant qu’au début 2015 alors que l’assuré était déjà affilié à la fondation.

Par jugement du 18.09.2018, le tribunal cantonal a admis l’action de l’assuré en tant qu’elle visait la fondation mais l’a rejetée en tant qu’elle visait la caisse. Il a dès lors condamné la fondation à servir à l’intéressé une demi-rente d’invalidité depuis le 07.03.2016 sous réserve d’une éventuelle surindemnisation.

 

TF

Le Tribunal fédéral relève au préalable que, contrairement à ce que la juridiction cantonale a constaté, la première décision rendue par l’office AI n’a pas été notifiée à la fondation. La seconde l’a en revanche bien été. Elle n’a cependant pas été contestée.

Les offices AI doivent transmettre leurs décisions de rente à toutes les institutions de prévoyance entrant en considération, soit à toutes celles qui sont susceptibles de devoir à leur tour accorder des prestations, pour qu’elles puissent exercer le droit de recours dont elles disposent à l’encontre desdites décisions. Lorsqu’elles n’ont pas été intégrées à la procédure, ces institutions ne sont pas liées par l’évaluation de l’invalidité effectuée par les organes de l’assurance-invalidité (ATF 129 V 73 consid. 4 p. 73 ss; 150 consid. 2.5 p. 156 s.) et peuvent procéder à leur propre estimation, indépendamment même du point de savoir si leurs règlements reprennent la notion d’invalidité de l’assurance-invalidité (arrêt B 58/03 du 6 mai 2004 consid. 3.2). En revanche, si la décision de l’office AI a été notifiée à une institution de prévoyance qui entre en considération et dont le règlement reprend la notion d’invalidité de l’assurance-invalidité mais qui n’a pas exercé son droit de recours, cette institution est en principe liée par l’évaluation de l’invalidité à laquelle ont procédé les organes de l’assurance-invalidité, sauf si cette estimation paraît d’emblée insoutenable (ATF 129 V 150 consid. 2.5 p. 156 s.; arrêt 9C_442/2015 du 13 octobre 2015 consid. 4.2 et 4.3).

 

La fondation n’était pas liée par l’évaluation de l’invalidité réalisée par l’office AI telle qu’elle ressortait de la décision du 04.12.2014. L’absence de notification de la décision permettait à la fondation d’examiner librement la situation prévalant à cette époque. Elle ne pouvait en revanche s’écarter de l’appréciation à laquelle avaient procédé les organes de l’assurance-invalidité dans leur décision du 18.10.2016 que si cette appréciation apparaissait d’emblée insoutenable. C’est ce à quoi l’institution de prévoyance s’est concrètement attachée en ne niant pas le droit de l’assuré à une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle mais en considérant seulement au terme d’une appréciation des pièces figurant au dossier que l’incapacité de travail dont la cause était à l’origine de l’invalidité remontait au mois d’août 2010 déjà. Dans ces circonstances, le tribunal cantonal ne pouvait se contenter de renvoyer aux décisions prises par l’office AI et d’écarter les griefs de la fondation au motif que ces décisions constataient la survenance au début de l’année 2015 du caractère invalidant (au sens de la loi l’assurance-invalidité) de pathologies existant de longue date, et liaient les deux institutions de prévoyance. La cour cantonale aurait dû analyser librement l’ensemble du dossier médical et déterminer la date à laquelle était survenue l’incapacité de travail déterminante au sens de l’art. 23 let. a LPP, son évolution et l’existence éventuelle d’une rupture du lien de connexité temporelle. A cet égard, les rapports médicaux tels que cités par la juridiction cantonale semblent mettre en évidence une incapacité de travail déterminante au sens de la prévoyance professionnelle depuis octobre 2011, dont le taux s’est progressivement amélioré sans pour autant qu’une capacité totale de travail soit atteinte.

On rappellera que l’incapacité de travail s’évalue dans ce contexte en fonction de la diminution de rendement fonctionnel dans le métier exercé précédemment et est pertinente si elle s’élève à 20% au moins (ATF 144 V 58 consid. 4.4 p. 62 s.). De surcroît, la connexité temporelle entre l’incapacité de travail survenue durant le rapport de prévoyance et l’invalidité ultérieure n’est interrompue que lorsqu’une capacité de travail de plus de 80% dans une activité lucrative adaptée existe durant plus de trois mois (ATF 144 V 58 consid. 4.5 p. 63). En conséquence, la question d’une éventuelle rupture du lien de connexité n’apparaît nullement secondaire, si bien qu’il lui incombait de se prononcer de manière circonstanciée sur ce point.

 

Le TF admet le recours de l’institution de prévoyance, annule le jugement cantonal et renvoie la cause pour nouveau jugement.

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Arrêt 9C_738/2018 consultable ici

 

 

9C_731/2016 (f) du 14.07.2017 – Connexité matérielle et temporelle – 23 LPP / Dies a quo des intérêts moratoires – 105 al. 1 CO

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_731/2016 (f) du 14.07.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2GqyZPN

 

Connexité matérielle et temporelle / 23 LPP

Dies a quo des intérêts moratoires / 105 al. 1 CO

 

Assuré, peintre et nettoyeur pour l’entreprise B.__ (dès le 01.09.2000), était affilié auprès de la Fondation collective LPP d’Allianz Suisse (ci-après : l’Allianz), jusqu’au 30.04.2011. Il a ensuite été assuré – avec effet rétroactif – auprès de la Fondation institution supplétive LPP (ci-après : l’institution supplétive) dès le 01.05.2011. L’entreprise B.__ a été déclarée en faillite le 23.09.2013, puis radiée d’office du registre du commerce une année plus tard.

En incapacité de travail depuis le 27.03.2009, l’assuré a déposé le 18.05.2010 une demande de prestations auprès de l’office AI. Après expertise pluridisciplinaire, les diagnostics – avec effet sur la capacité de travail – retenus sont : lombalgies chroniques dans le contexte de troubles dégénératifs, status après ostéosynthèse de la malléole médiale gauche (fracture de la cheville gauche en 1996 avec signes dégénératifs), attaques de panique, trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger sans syndrome somatique. Capacité de travail nulle dans l’activité habituelle, mais capacité de travail entière dès le 01.01.2010 dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles. En raison d’un épisode dépressif grave, les experts ont ensuite fixé la capacité résiduelle de travail de l’assuré à 50% dès le 16.11.2011, puis à 70% dès le 26.03.2013.

L’office AI a fixé le degré d’invalidité successivement à 27% (dès janvier 2010), à 66% (dès novembre 2011), à 52% (dès mars 2013) et à 51% (dès mai 2014). Il lui a en conséquence octroyé trois quarts de rente (dès le 01.11.2011), puis une demi-rente d’invalidité (dès le 01.06.2013).

Allianz a nié le droit de l’assuré à des prestations de la prévoyance professionnelle versées par ses soins en raison du défaut d’un lien de connexité matérielle entre l’aggravation de l’état de santé (sur le plan psychique) et les douleurs lombaires diagnostiquées pendant les rapports d’assurance. L’assuré s’est ensuite adressé à l’institution supplétive, qui a également nié son droit à des prestations.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/750/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2EGJkus)

L’assuré a ouvert simultanément une action en paiement contre les deux institutions de prévoyance.

Par arrêt du 20.09.2016, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, condamnant l’institution supplétive à payer à l’assuré trois quarts de rente dès le 01.11.2011, puis une demi-rente d’invalidité dès le 01.06.2013, majorées d’un intérêt de 5% l’an dès le 02.10.2015, assorties des rentes pour enfant. Elle a pour le surplus rejeté la demande en tant qu’elle était dirigée contre Allianz.

En substance, la juridiction cantonale a nié l’existence d’un lien de connexité matérielle entre d’une part l’atteinte à la santé somatique (lombalgies sur spondylose et discarthrose lombaire prédominant L5-S1) ayant conduit à une incapacité de travail dès mars 2009, et d’autre part l’atteinte à la santé psychiatrique (état dépressif majeur d’intensité moyenne avec des troubles de la mémoire et de la concentration importante et crises de panique) qui a conduit à la reconnaissance d’une invalidité de plus de 40% dès novembre 2011.

 

TF

Connexité matérielle et temporelle

Est litigieux en l’espèce le point de savoir laquelle des deux institutions de prévoyance est tenue de verser les prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle.

Aux consid. 9 ss, le jugement entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs au droit à des prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle ainsi qu’à la notion de survenance de l’incapacité de travail, en relation avec la double condition de la connexité matérielle et temporelle nécessaire pour fonder l’obligation de prester d’une institution de prévoyance (ATF 138 V 409 consid. 6.2 p. 419; 136 V 65 consid. 3.1 p. 68; 134 V 20 consid. 3.2 p. 22; 130 V 275 consid. 4.1 p. 275 et les références). Il suffit d’y renvoyer.

Selon le TF, les premiers juges ont retenu à juste titre et de manière convaincante que même s’il fallait admettre que les troubles psychiques avaient été causés par les souffrances physiques de l’assuré (« situation pesant sur le moral »), il ne s’agissait pas là d’un élément suffisant pour admettre – au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 139 V 176 consid. 5.3 p. 186 et les références) – un lien de connexité matérielle entre ces deux pathologies, en l’absence d’un arrêt de travail documenté pour des motifs psychiques pendant les rapports d’assurance (cf. parmi d’autres: arrêts 9C_691/2016 du 7 mars 2017 consid. 4.1, 9C_658/2016 du 3 mars 2017 consid. 6.3 et la référence).

 

Dies a quo des intérêts moratoires

En matière de rente de la prévoyance professionnelle, l’institution de prévoyance est tenue de verser un intérêt moratoire à partir du jour de la poursuite ou du dépôt de la demande en justice sur le montant dû (cf. art. 105 al. 1 CO; ATF 137 V 373 consid. 6.6 p. 382; 119 V 131 consid. 4c p. 135).

En fixant le point de départ des intérêts moratoires au jour où l’assuré a interpellé la première fois la recourante (02.10.2015), et non à celui du dépôt de l’action (du 08.02.2016), la juridiction cantonale a violé le droit fédéral. La conclusion subsidiaire de la recourante se révèle ainsi fondée. Pour le reste, la recourante ne conteste pas le taux d’intérêt fixé à 5% l’an par la juridiction cantonale.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’institution supplétive (point de départ des intérêts moratoires).

 

 

Arrêt 9C_731/2016 consultable ici : http://bit.ly/2GqyZPN