Archives de catégorie : Jurisprudence

8C_194/2015 (f) du 11.08.2015 – Notion d’accident accepté / 4 LPGA – Rouleau de moquette de 100 kg – assuré tente de le retenir – Mouvement non coordonné

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_194/2015 (f) du 11.08.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1PsVB2P

 

Notion d’accident acceptée / 4 LPGA

Rouleau de moquette de 100 kg – assuré tente de le retenir – Mouvement non coordonné

 

Assuré, né en 1955, travaillant comme poseur de sols, est victime d’un événement survenu le 16.07.2013. Dans la déclaration de sinistre LAA remplie par son employeur, il était indiqué que l’assuré avait subi une lésion à l’épaule droite en mettant en place un rouleau de tapis sur une étagère, lequel avait glissé et lui avait « tiré le bras ».

L’assuré a précisé, lors d’une rencontre avec un inspecteur de l’assureur-accidents, les circonstances de l’événement du 16.07.2013 : l’assuré avait déplacé et appuyé contre une table un rouleau de moquette de 4,20 mètres de long qui le gênait. Le rouleau avait alors glissé et, par réflexe, l’assuré s’était précipité pour le retenir et l’avait saisi par le bout de la main droite. Le rouleau était très lourd et l’assuré avait ressenti une violente douleur au niveau de l’épaule droite au moment de l’effort. Comme il était presque en vacances, il ne s’était pas inquiété. A son retour, il a constaté qu’il n’avait plus de force et a consulté son médecin traitant, qui l’a mis en arrêt de travail.

Sur le plan médical : Echographie de l’épaule droite du 22.08.2013 : tendinopathies calcifiantes du sus-épineux, du sous-épineux et du sous-scapulaire avec forte suspicion de déchirure transfixiante du sus-épineux. Arthro-CT de l’épaule droite du 24.09.2013 : tendinopathie calcifiante débutante du sous-épineux et d’une arthropathie dégénérative acromio-claviculaire, absence de déchirure tendineuse, en particulier du sus-épineux. Arthro-IRM de l’épaule droite du 09.12.2013 : tendinopathie étendue de la face profonde du sus-épineux sans déchirure transfixiante objectivée.

Décision du 11.11.2013, confirmée sur opposition le 16.01.2014, au motif que l’événement du 16.07.2013 n’était ni un accident ni une lésion corporelle assimilée à un accident.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 28/14 – 11/2015 – consultable ici : http://bit.ly/1Lkgk3S)

Par arrêt du 10.02.2015, le tribunal cantonal a admis le recours formé par l’assuré. Le tribunal cantonal a considéré qu’il n’y avait pas de lésion assimilée mais que l’événement en cause était constitutif d’un accident au sens de la loi.

 

TF

Est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). La notion d’accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés: une atteinte dommageable, le caractère soudain de l’atteinte, le caractère involontaire de l’atteinte, le facteur extérieur de l’atteinte, enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l’un d’entre eux fasse défaut pour que l’événement ne puisse pas être qualifié d’accident (ATF 129 V 402 consid. 2.1 p. 404 et les références; 122 V 230 consid. 1 p. 232 s.).

Il résulte de la définition même de l’accident que le caractère extraordinaire de l’atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné, le cas échéant, des conséquences graves ou inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu’il excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et des situations que l’on peut, objectivement, qualifier de quotidiens ou d’habituels (ATF 134 V 72 consid. 4.3.1 p. 79 s. ainsi que la référence).

Pour les mouvements du corps, l’existence d’un facteur extérieur est en principe admise en cas de « mouvement non coordonné », à savoir lorsque le déroulement habituel et normal d’un mouvement corporel est interrompu par un empêchement non programmé, lié à l’environnement extérieur, tel le fait de glisser, de s’encoubler, de se heurter à un objet ou d’éviter une chute; le facteur extérieur – modification entre le corps et l’environnement extérieur – constitue alors en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (Frésard/Moser-Szeless, L’assurance-accidents obligatoire, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 2007, n. 74 p. 861 s.). Il appartient à l’administration, ou le cas échéant, au juge d’examiner, si compte tenu des circonstances, le geste effectué par l’assuré correspond ou non à un mouvement non coordonné, au sens de la jurisprudence susmentionnée.

Suite au refus de l’assureur-accidents de prendre en charge le cas, l’assuré a précisé les circonstances de l’événement du 16.07.2013, notamment en estimant à 100 kilos le poids du rouleau de moquette et en indiquant qu’au moment des faits, l’objet tombait d’une hauteur de 1m50. Ces déclarations ne sont pas pour autant en contradiction avec les premières ; il s’agit plutôt d’indications supplémentaires.

Selon le TF, le mouvement corporel de l’assuré a été interrompu par un phénomène non programmé, à savoir la chute du rouleau de moquette. Ce phénomène a provoqué chez l’assuré un mouvement brusque et incontrôlé au niveau du membre supérieur droit. Ce mouvement non coordonné a présenté une certaine intensité, compte tenu de sa soudaineté et surtout du poids – notoirement élevé – d’un rouleau de moquette. Il en est résulté une sollicitation du corps bien plus importante que la normale, que l’on ne saurait considérer comme habituelle pour un poseur de sols. Enfin, même si l’assuré voulait éviter de devoir récupérer le rouleau de moquette par terre en raison de ses problèmes de dos, on ne peut pas en déduire qu’il a eu le temps de contrôler son mouvement.

Le TF confirme le jugement cantonal, qualifiant d’accident l’événement du 16.07.2013.

 

Sur la notion d’accident, le TF rejette le recours de l’assureur-accidents et confirme le jugement cantonal.

 

 

Arrêt 8C_194/2015 consultable ici : http://bit.ly/1PsVB2P

 

 

9C_302/2015 (f) du 18.09.2015 – Application des art. 88a al. 2 RAI et 88 bis al. 1 let. a RAI / Nouvelle demande AI après deux précédents refus – Début du droit à la rente d’invalidité – 28 al. 1 LAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_302/2015 (f) du 18.09.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1JTsQ8j

 

Application des art. 88a al. 2 RAI et 88 bis al. 1 let. a RAI

Nouvelle demande AI après deux précédents refus – Début du droit à la rente d’invalidité – 28 al. 1 LAI

 

Première demande AI déposée le 03.04.1998. Refus d’octroi de rente, confirmé par le TF (arrêt I 179/02 du 23.01.2003).

Deuxième demande le 10.10.2003. Nouveau rejet par l’office AI (décision du 24.03.2006, confirmée sur opposition le 30.01.2008).

Troisième demande le 15.04.2011. L’administration a rendu une décision le 29.05.2013, par laquelle elle a nié le droit de l’intéressé à des prestations de l’assurance-invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 173/13 – 78/2015 – consultable ici : http://bit.ly/1jOJcdu)

Le Tribunal cantonal du canton de Vaud a admis le recours et a considéré que le droit à la rente avait pris naissance le 01.04.2011, en application des art. 88a al. 2 et 88 bis al. 1 let. a RAI. L’atteinte à la santé déterminante remplissait les critères de gravité particulière depuis l’année 2011, de sorte qu’après trois mois, elle permettait d’accroître le droit aux prestations. Le droit à la rente prenait naissance le 01.04.2011, soit dès le mois au cours duquel l’assuré avait présenté la demande de prestations ayant conduit à la décision entreprise.

 

TF

L’art. 88a al. 2 RAI prévoit les effets dans le temps d’une modification du droit aux prestations, si la capacité de gain de l’assuré ou sa capacité d’accomplir les travaux habituels s’est dégradée. Ce changement est déterminant pour l’accroissement du droit aux prestations de l’assuré dès qu’il a duré trois mois sans interruption notable. Selon la jurisprudence, ce délai s’applique, à l’occasion d’une procédure de révision (art. 17 LPGA), dans le cadre d’une modification du droit à une rente précédemment allouée ou lorsqu’une rente échelonnée dans le temps est accordée à titre rétroactif (cf. ATF 125 V 413 consid. 2d p. 417). Cette disposition ne s’applique pas tant qu’un droit à la rente n’est pas ouvert au regard des conditions de l’art. 28 al. 1 let. b LAI (cf. arrêt I 179/01 du 10 décembre 2001 consid. 3b; Meyer/Reichmuth, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], 3e éd. 2014, n. 35 ad art. 28).

Quant à l’art. 88bis al. 1 let. a RAI, il règle le moment à partir duquel la modification en cause prend effet si la révision est demandée par l’assuré. L’augmentation prend effet au plus tôt dès le mois où la demande est présentée.

L’art. 28 al. 1 LAI prévoit les conditions d’octroi de la rente. Entre autres exigences, l’assuré a droit à une rente s’il a présenté une incapacité de travail d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b). L’art. 29 al. 1 LAI établit le moment où naît le droit à la rente, soit au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations.

Ces dispositions s’appliquent également en cas de nouvelle demande à la suite d’un refus de prestation s. En d’autres termes, lors du dépôt d’une nouvelle demande à la suite d’un premier refus de prestations de l’assurance-invalidité, la naissance du droit à la rente reste subordonnée aux conditions prévues aux art. 28 et 29 LAI (cf. ATF 140 V 2 consid. 5.3 p. 7 et arrêt 9C_901/2012 du 21 mai 2013 consid. 6).

En l’espèce, l’assuré ne percevait aucune prestation de l’assurance-invalidité au moment où il a déposé la troisième demande de rente. Par conséquent et contrairement à ce qu’a retenu la juridiction cantonale, l’art. 88 bis al. 1 let. a RAI ne trouve pas application puisqu’il concerne les cas d’augmentation de prestations, ce qui suppose qu’une rente ait déjà été allouée. Or on ne se trouve pas dans le cadre d’une révision de rente, mais bien face à une nouvelle demande faisant suite à une décision précédente de refus de rente. Il s’agit dès lors de faire application de l’art. 29 al. 1 LAI. Dans la mesure où l’assuré a déposé sa demande de prestations le 15.04.2011, le droit à la rente d’invalidité ne pouvait naître au plus tôt que six mois plus tard, soit à compter du 01.10.2011.

Il ressort des rapports médicaux que l’assuré présentait une incapacité de travail dans l’activité exercée avant l’atteinte à la santé en tout cas depuis 2009. Aussi, la condition posée par l’art. 28 al. 1 let. a LAI était-elle réalisée à l’échéance de la période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations, soit au 01.10.2011. Par conséquent, le droit à la rente entière d’invalidité doit lui être reconnu à partir de cette date.

 

Le TF admet le recours de l’Office AI et réforme le jugement cantonal.

 

 

Arrêt 9C_302/2015 consultable ici : http://bit.ly/1JTsQ8j

 

 

9C_177/2015 (f) du 18.09.2015 – Méthode mixte d’évaluation de l’invalidité – Droit aux mesures de reclassement professionnelle – Taux minimal de 20% d’invalidité – 17 LAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_177/2015 (f) du 18.09.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1OmjfNM

 

Méthode mixte d’évaluation de l’invalidité – Droit aux mesures de reclassement professionnelle – Taux minimal de 20% d’invalidité – 17 LAI

 

Première demande AI refusée en 2007.

Nouvelle demande déposée le 15.12.2011 en raison de conflits fémoro-acétabulaires aux deux hanches qui avaient contraint l’assurée de cesser son activité de nettoyeuse à temps partiel au mois de juillet 2011. Octroi de mesure d’intervention précoce (cours de base d’informatique). Enquête économique sur le ménage, mettant en évidence une entrave de 18% dans l’accomplissement des travaux habituels de l’assurée. Examen par le Service médical régional de l’assurance-invalidité (SMR) : capacité de travail : nulle dans son activité habituelle de nettoyeuse, mais complète dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles depuis le 10.06.2013. Décision du 07.05.2014 : octroi d’un trois-quarts de rente d’invalidité du 01.07.2012 au 30.09.2013. Décision du 12.05.2014 : pas de droit à une mesure de reclassement professionnelle.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 16.02.2015, le Tribunal cantonal du Valais, Cour des assurances sociales, a partiellement admis le recours formé par l’assurée, annulé la décision du 12.05.2014 et renvoyé le dossier à l’office AI « pour qu’il détermine les mesures de réadaptation à mettre en œuvre ».

 

TF

Selon l’art. 17 al. 1 LAI, l’assuré a droit au reclassement dans une nouvelle profession si son invalidité rend cette mesure nécessaire et que sa capacité de gain peut ainsi, selon toute vraisemblance, être maintenue ou améliorée. Est réputé invalide au sens de l’art. 17 LAI celui qui n’est pas suffisamment réadapté, l’activité lucrative exercée jusque-là n’étant plus raisonnablement exigible ou ne l’étant plus que partiellement en raison de la forme et de la gravité de l’atteinte à la santé. Le seuil minimum fixé par la jurisprudence pour ouvrir droit à une mesure de reclassement est une diminution de la capacité de gain de 20% environ (ATF 130 V 488 consid. 4.2 p. 489 et les références).

Dans le cadre de l’application de la méthode mixte d’évaluation de l’invalidité, il faut tenir compte du fait qu’il convient d’opérer une stricte séparation entre l’exercice d’une activité lucrative et l’accomplissement des travaux habituels et qu’une mesure de reclassement ne peut avoir d’effets que sur l’exercice de l’activité lucrative; il suit de là que le degré d’invalidité minimal exigé par la jurisprudence ne doit être atteint que dans cette part d’activité et non résulter du degré d’invalidité globale, sauf à admettre que l’accomplissement des travaux habituels peut avoir une influence décisive sur la question de la réadaptation professionnelle (arrêt 9C_316/2010 du 12 avril 2011 consid. 4.2 et la référence).

En l’espèce, le taux d’invalidité pour la part consacrée à l’activité lucrative étant de 15%, le seuil minimal pour ouvrir le droit à une mesure de reclassement n’est pas atteint.

 

Le TF admet le recours de l’office AI, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’OAI.

 

 

Arrêt 9C_177/2015 consultable ici : http://bit.ly/1OmjfNM

 

 

8C_687/2014 (f) du 09.09.2015 – Rente d’invalidité transitoire – 18 LAA – 19 LAA – 30 OLAA / Délai de 3 à 5 mois pour trouver un emploi adapté pas applicable au domaine des rentes. / 6 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_687/2014 (f) du 09.09.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1L77C8W

 

Rente d’invalidité transitoire – 18 LAA – 19 LAA – 30 OLAA

Délai de 3 à 5 mois pour trouver un emploi adapté pas applicable au domaine des rentes. / 6 LPGA

 

Assuré travaillant comme machiniste. Accident le 18.11.2008 (fracture de la malléole externe gauche). Selon le chef d’exploitation de l’employeur (27.08.2009), l’assuré était en mesure de travailler sur tous les engins car il était titulaire des différents permis exigés. Toutefois, en cas de reprise du travail, il était indispensable qu’il fût présent durant la journée entière parce qu’il n’était pas possible d’employer un machiniste le matin puis un autre l’après-midi.

Décision de l’assureur, confirmée par décision sur opposition du 06.01.2011 : rente d’invalidité transitoire dès le 01.05.2010 fondée sur un taux d’incapacité de gain de 29% et IPAI de 15 %.

Péjoration de l’état de santé annoncée le 13.04.2011, en raison de l’ablation du matériel d’ostéosynthèse effectuée au mois de novembre 2010.

Décision du 28.07.2011, confirmée sur opposition le 09.12.2011, l’assureur a refusé l’octroi d’autres prestations que la rente faisant l’objet de la décision sur opposition du 06.01.2011.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 7/12 – 76/2014 et AA 14/11 – 76/2014 – consultable ici : http://bit.ly/1GwIqqu)

Saisie de recours contre les décisions sur opposition des 06.01.2011 et 09.12.2011, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud a joint les causes (AA 14/11 et AA 7/12).

Par jugement du 18.06.2014, la cour cantonale a admis partiellement le recours formé contre la décision sur opposition du 06.01.2011 (cause AA 14/11), celle-ci étant réformée en ce sens que l’assuré a droit à une rente fondée sur un taux d’invalidité de 100 % pour la période du 01.05.2010 au 30.06.2010 et à une rente fondée sur un taux de 29 % dès le 01.07.2010. Par ailleurs, elle a admis partiellement le recours dans la cause AA 7/12, en ce sens que l’assuré a droit à la poursuite du traitement médical des atteintes à la cheville gauche postérieurement au 08.12.2010.

 

TF

Selon l’art. 18 al. 1 LAA, l’assuré a droit à une rente d’invalidité s’il est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d’un accident. Est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée (art. 8 al. 1 LPGA).

Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA). La comparaison des revenus s’effectue, en règle générale, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l’un avec l’autre, la différence permettant de calculer le taux d’invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 29 consid. 1 p. 30; voir également SVR 2010 IV n° 11 p. 35 [9C_236/2009] consid. 3.1).

La cour cantonale a constaté que les séquelles de l’accident n’empêchent pas l’assuré d’exercer, à raison de 100%, une activité n’impliquant pas de déplacements en terrain inégal, sur des échelles ou des échafaudages, ou encore de longs déplacements à plat, en particulier avec des charges, et n’imposant pas de travailler en position accroupie. La comparaison des revenus fait apparaître un taux d’incapacité de gain de 29,07 %, arrondi à 29 %.

La cour cantonale a considéré que pour la période du 01.05.2010 au 30.06.2010, le droit à la rente doit être fixé compte tenu d’une incapacité de travail et de gain entière dans l’ancienne activité, ce qui ouvre droit à une rente fondée sur un taux d’invalidité de 100% durant cette période, car l’assureur aurait dû – selon la cour cantonale – impartir à l’assuré un délai de trois à cinq mois pour chercher un emploi mieux adapté.

L’art. 16 al. 1 LAA dispose que l’assuré totalement ou partiellement incapable de travailler (art. 6 LPGA) à la suite d’un accident a droit à une indemnité journalière. Est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique; en cas d’incapacité de travail de longue durée, l’activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d’une autre profession ou d’un autre domaine d’activité (art. 6 LPGA). A cet égard, la jurisprudence considère qu’un délai doit être imparti à l’intéressé pour rechercher une activité raisonnablement exigible dans une autre profession ou un autre domaine. La durée de ce délai doit être appréciée selon les circonstances du cas particulier. Elle est généralement de trois à cinq mois selon la pratique applicable en matière d’assurance-maladie (ATF 129 V 460 consid. 5.2 p. 464; 114 V 281 consid. 5b p. 289 s. et les références; cf. aussi arrêt 8C_173/2008 du 20 août 2008 consid. 2.3).

Cette jurisprudence concerne l’indemnité journalière qui n’est pas en cause en l’espèce. Contrairement à ce que suggère le jugement attaqué, elle n’est pas transposable au domaine des rentes.

Selon l’art. 19 al. 1, première phrase, LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme. Se fondant sur la délégation de compétence de l’art. 19 al. 3 LAA, le Conseil fédéral a adopté l’art. 30 OLAA qui règle la question des rentes transitoires. En édictant l’art. 19 al. 3 LAA, le législateur n’a pas voulu créer un nouveau mode d’évaluation de l’invalidité. Une rente fondée sur l’art. 30 OLAA doit donc aussi être fixée d’après la méthode de comparaison des revenus. Toutefois, l’évaluation intervient dans ce cas avant l’exécution éventuelle de mesures de réadaptation. Par conséquent, seule entre en considération, à cette date, l’activité qui peut raisonnablement être exigée de la part d’un assuré non encore réadapté, compte tenu d’une situation équilibrée du marché du travail (ATF 139 V 514 consid. 2.3 p. 517; 116 V 246 consid. 3a p. 252).

Il n’y avait plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’intimé. L’assureur était dès lors fondée à fixer le droit à la rente dès le 01.05.2010. En l’occurrence, elle a alloué une rente transitoire au sens de l’art. 30 OLAA dans l’attente de la décision de l’assurance-invalidité concernant la réadaptation professionnelle. Quant au revenu d’invalide, il a été établi correctement sur la base de descriptions de postes de travail (DPT) compatibles avec l’atteinte à la santé, sans qu’il ait été nécessaire d’impartir à l’intéressé un délai pour rechercher une activité raisonnablement exigible dans une autre profession ou un autre domaine.

 

Le TF admet le recours de l’assureur, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_687/2014 consultable ici : http://bit.ly/1L77C8W

 

 

8C_492/2014 (f) du 08.09.2015 – Versions successives – première version fait foi – Lésion assimilée – Ménisque – Se relever d’une position assise en tailleur – 9 al. 2 OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_492/2014 (f) du 08.09.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1L74Yjx

 

Versions successives – première version fait foi

Lésion assimilée – Ménisque – Se relever d’une position assise en tailleur – 9 al. 2 OLAA

 

Assurée travaillant comme professeure subi un événement le 19.08.2012, ainsi décrit par son employeur dans la déclaration d’accident : « genou gauche craque, causé une forte douleur ». Dans ses réponses du 03.10.2012, l’assurée a précisé qu’elle était assise les jambes croisées, que ses jambes s’étaient tordues en se levant, que les deux genoux lui faisaient mal, mais davantage le genou gauche où elle avait senti un craquement.

Diagnostic selon le spécialiste FMH en chirurgie orthopédique : déchirure du ménisque externe au genou gauche, traitée par arthroscopie. Diagnostic selon le médecin traitant, spécialiste FMH en médecine générale : au niveau du genou gauche, lésion méniscale interne, d’aspect dégénératif et externe, d’origine traumatique.

Décision de refus le 20.12.2012, pour défaut de notion d’accident et de lésion corporelle assimilée à un accident. Opposition de l’assurée, précisant que les douleurs ressenties dans les deux jambes en se relevant étaient des picotements ou fourmillements dus à une compression des jambes en raison de la position assise, jambes croisées. C’était ce qu’elle avait voulu dire en précisant que ses jambes se tordaient.

Avis du médecin-conseil de l’assureur-accidents, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique : au vu de l’agent vulnérant peu adéquat pour entraîner une déchirure d’un ménisque sain, se posait la question de l’étiologie de cette lésion méniscale.

Par courriel, l’assurée a encore précisé que la position assise avait « endormi » ses jambes et qu’en se relevant, elle avait partiellement perdu la sensibilité et le contrôle (jambes qui se tordent), provoquant un lâchage du genou. C’était en stoppant d’un coup ce lâchage par un réflexe violant que le ménisque s’était déchiré. Enfin, le mandataire de l’assurée a précisé que l’accident était survenu alors que l’assurée s’était levée après être demeurée assise au sol dans son jardin et non en se levant d’une chaise.

Décision sur opposition du 10.04.2013 rejetant l’opposition.

Procédure cantonale

La Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du Valais a considéré que l’assurée n’avait pas donné des versions à proprement parler contradictoires de l’événement mais qu’elle en avait plutôt explicité les circonstances dans le formulaire du 03.10.2012 puis dans son opposition. Admission du recours et annulation de la décision sur opposition.

 

TF

L’assureur reproche à la juridiction cantonale une application erronée de l’art. 9 al. 2 OLAA, dans la mesure où, quand bien même elle avait admis que le redressement de la position accroupie n’avait pas été brusque, elle avait retenu la réalisation d’un facteur extérieur dommageable.

Aux termes de l’art. 6 al. 2 LAA, le Conseil fédéral peut inclure dans l’assurance-accidents des lésions corporelles qui sont semblables aux conséquences d’un accident. En vertu de cette délégation de compétence, il a édicté l’art. 9 al. 2 OLAA, selon lequel certaines lésions corporelles sont assimilées à un accident même si elles ne sont pas causées par un facteur extérieur de caractère extraordinaire, pour autant qu’elles ne soient pas manifestement imputables à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs. La liste exhaustive de l’art. 9 al. 2 OLAA mentionne les déchirures du ménisque (let. c).

La jurisprudence (ATF 129 V 466) a précisé les conditions d’octroi des prestations en cas de lésion corporelle assimilée à un accident. C’est ainsi qu’à l’exception du caractère « extraordinaire » de la cause extérieure, toutes les autres conditions constitutives de la notion d’accident doivent être réalisées (cf. art. 4 LPGA). En particulier, en l’absence d’une cause extérieure – soit d’un événement similaire à un accident, externe au corps humain, susceptible d’être constaté de manière objective et qui présente une certaine importance -, fût-ce comme simple facteur déclenchant des lésions corporelles énumérées à l’art. 9 al. 2 OLAA, les troubles constatés sont à la charge de l’assurance-maladie.

L’existence d’une lésion corporelle assimilée à un accident doit ainsi être niée dans tous les cas où le facteur dommageable extérieur se confond avec l’apparition (pour la première fois) de douleurs identifiées comme étant les symptômes des lésions corporelles énumérées à l’art. 9 al. 2 let. a à h OLAA.

De la même manière, l’exigence d’un facteur dommageable extérieur n’est pas donnée lorsque l’assuré fait état de douleurs apparues pour la première fois après avoir accompli un geste de la vie courante (par exemple en se levant, en s’asseyant, en se couchant ou en se déplaçant dans une pièce, etc.) à moins que le geste en question n’ait requis une sollicitation du corps, en particulier des membres, plus élevée que la normale du point de vue physiologique et dépasse ce qui est normalement maîtrisé d’un point de vue psychologique. La notion de cause extérieure suppose en effet qu’un événement générant un risque de lésion accru survienne. Tel est le cas notamment lors de changements de position du corps, qui sont fréquemment de nature à provoquer des lésions corporelles selon les constatations de la médecine des accidents (brusque redressement du corps à partir de la position accroupie, le fait d’accomplir un mouvement violent ou en étant lourdement chargé, ou le changement de position corporelle de manière incontrôlée sous l’influence de phénomènes extérieurs; ATF 129 V 466 consid. 4.2.2 p. 470).

Au sujet de la preuve de l’existence d’une cause extérieure prétendument à l’origine de l’atteinte à la santé, on rappellera que les explications d’un assuré sur le déroulement d’un fait allégué sont au bénéfice d’une présomption de vraisemblance. Il peut néanmoins arriver que les déclarations successives de l’intéressé soient contradictoires entre elles. En pareilles circonstances, selon la jurisprudence, il convient de retenir la première explication, qui correspond généralement à celle que l’assuré a faite alors qu’il n’était pas encore conscient des conséquences juridiques qu’elle aurait, les nouvelles explications pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 45 consid. 2a p. 47 et les références; RAMA 2004 n° U 515 p. 420 consid. 1.2; VSI 2000 p. 201 consid. 2d).

Le TF estime que les nouvelles déclarations (opposition et courriel) ne sont certes pas franchement en contradiction avec les précédentes. Il n’en reste pas moins qu’elles mettent en évidence des éléments tout à fait nouveaux qui vont au-delà de simples précisions ou compléments apportés à la description de l’incident donnée le 03.10.2012. Dans ces conditions, il convient de s’en tenir à cette première description.

Selon le TF, le seul fait de se relever d’une position assise en tailleur ne requiert pas une sollicitation anormale et non maîtrisable d’un point de vue physiologique.

 

Le TF admet le recours de l’assureur, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition de l’assureur.

 

 

Arrêt 8C_492/2014 consultable ici : http://bit.ly/1L74Yjx

 

 

9C_55/2015 (f) du 11.05.2015 – Choix de la méthode d’évaluation de l’invalidité – Méthode de la comparaison des revenus vs méthode mixte

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 (f) du 11.05.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1O7VDh9

 

Choix de la méthode d’évaluation de l’invalidité – Méthode de la comparaison des revenus vs méthode mixte

 

Assurée, ayant travaillé du 01.12.2006 au 31.07.2008 en qualité de femme de ménage (personnel d’entretien) à raison de 10 heures par semaine. Dépôt d’une demande de prestations AI le 12.11.2010 en raison d’une sarcoïdose de stade II avec syndrome pulmonaire restrictif, de douleurs au poignet droit et d’un état de stress post-traumatique.

Le 03.10.2013, examen clinique rhumatologique, de médecine interne et psychiatrique par les médecins du Service médico-régional de l’assurance-invalidité (SMR). Ils ont conclu que l’assurée ne disposait d’aucune capacité de travail tant dans son ancienne activité que dans une activité adaptée pour des raisons somatiques et psychiatriques depuis le mois de juillet 2008 (rapport du 14.10.2013). Une enquête économique sur le ménage a mis en évidence un empêchement dans l’accomplissement des travaux habituels de 24% en tenant compte de l’aide qui serait exigible de la part des membres de la famille (rapport du 08.01.2014).

Projet du 30.01.2014, confirmé après contestation par décision du 17.04.2014 : Allocation, dès le 01.05.2011, d’un quart de rente AI (degré d’invalidité de 41% calculé en application de la méthode mixte d’évaluation de l’invalidité).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1254/2014 – consultable ici : http://bit.ly/1MGbgcE)

Selon l’autorité cantonale de recours, l’assurée aurait exercé une activité à plein temps dès le mois de juin 2011, si elle n’avait pas été atteinte dans sa santé. En effet, à partir de cette date, son mari avait pris sa retraite et percevait une rente de l’AVS de 1’700 fr., ce qui ne couvrait de loin pas les besoins d’une famille de trois personnes ; les prestations complémentaires, qui complétaient ce revenu, auraient sans doute été calculées en fonction d’un revenu hypothétique du conjoint si l’assurée n’avait pas été incapable de travailler, comme cela semblait avoir été le cas au moment où avait été effectuée l’enquête économique sur le ménage (le 07.01.2014), l’assurée ayant indiqué que son époux bénéficiait alors de l’aide sociale.

Par jugement du 03.12.2014, le tribunal cantonal a admis le recours formé par l’assurée, annulé la décision du 17.04.2014 et octroyé une rente entière d’invalidité à partir du mois de mai 2011.

 

TF

Pour résoudre la question de la méthode d’évaluation de l’invalidité applicable, il faut se référer à l’ensemble des circonstances personnelles, familiales, sociales, financières et professionnelles du cas d’espèce (ATF 130 V 393 consid. 3.3 p. 395 s., 125 V 146 consid. 2c p. 150 et les références). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l’assurée, qui comme fait interne ne peut être l’objet d’une administration directe de la preuve et doit être déduite d’indices extérieurs (arrêt 9C_352/2014 du 14 octobre 2014 consid. 3.3 et l’arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b p. 360 s.). Elle relève d’une question de fait dans la mesure où il s’agit d’une appréciation concrète des circonstances et non de l’application des conséquences tirées exclusivement de l’expérience générale de la vie (ATF 133 V 504 consid. 3.2 p. 507 et les références).

 

Le TF rejette le recours de l’Office AI et confirme le jugement de la Chambre des assurances sociales du Tribunal cantonal de la République et canton de Genève.

 

 

Arrêt 9C_55/2015 consultable ici : http://bit.ly/1O7VDh9

 

 

9C_91/2015 (f) du 03.09.2015 – Expertise médicale – Autonomie de l’expert dans la manière de conduire son expertise / 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_91/2015 (f) du 03.09.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1MG8HXZ

 

9C_91/2015 (f) du 03.09.2015 – Expertise médicale – Autonomie de l’expert dans la manière de conduire son expertise / 44 LPGA

 

Assurée, arrivée en Suisse en 1993, dépose une première demande le 26.05.2005 en raison d’un état anxio-dépressif l’empêchant d’exercer une activité lucrative depuis 2004. L’office AI a mandaté un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, afin qu’il réalise une expertise. L’assurée ne s’étant pas présentée aux convocations du médecin, l’administration a rejeté sa demande (décision du 20.07.2007).

L’assurée a présenté une nouvelle demande de prestations le 06.01.2013, en raison d’une atteinte à la santé d’ordre psychique. Ses médecins concluent à une incapacité totale de travail. L’office AI a fait réaliser une expertise, dont il ressort que l’assurée présentait un trouble dépressif probablement récurrent, épisode actuel léger, et une accentuation de certains traits de personnalité avec immaturité, impulsivité et dépendance. L’expert a considéré que ces diagnostics étaient sans influence sur la capacité de travail.

L’office AI a nié le droit de l’assurée à des prestations (décision du 17.03.2014).

 

Procédure cantonale

Par jugement du 18.12.2014, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Une évaluation médicale complète et approfondie telle que l’expertise du 05.10.2013 ne saurait être remise en cause au seul motif qu’un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion divergente. Il ne peut en aller différemment que si lesdits médecins font état d’éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l’expertise et suffisamment pertinents pour en remettre en cause les conclusions (cf. ATF 124 I 170 consid. 4 p. 175; arrêt I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV n°15 p. 43 et 9C_920/2013 du 20 mai 2014 consid. 3.4.1).

L’assurée ne fait état d’aucun élément nouveau et précis qui justifierait, d’un point de vue médical, d’envisager la situation selon une perspective différente. Elle ne cherche nullement à démontrer que l’expertise mise en œuvre par l’office AI comporterait des contradictions manifestes ou ignorerait des éléments cliniques ou diagnostiques essentiels, et encore moins à expliquer en quoi le point de vue de ses médecins traitants serait objectivement mieux fondé que celui des experts ou justifierait la mise en œuvre d’un complément d’instruction.

Le Tribunal fédéral relève qu’au regard de la large autonomie dont jouit l’expert dans la manière de conduire son expertise – s’agissant notamment des modalités de l’examen clinique et du choix des examens complémentaires à effectuer -, le juge doit faire preuve en règle générale de retenue avant de remettre en cause la méthodologie utilisée, ce d’autant qu’il convient de tenir compte également des difficultés et des incertitudes propres à tout examen psychiatrique (cf. arrêts 9C_661/2009 du 29 septembre 2009 consid. 3.2 et 9C_447/2009 du 15 juillet 2009). On ne saurait dès lors reprocher au médecin-expert psychiatre d’avoir renoncé à requérir des renseignements supplémentaires auprès des médecins traitants, dont les avis se trouvaient dans le dossier mis à sa disposition, ou procéder à des investigations plus approfondies.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_91/2015 consultable ici : http://bit.ly/1MG8HXZ

 

 

9C_807/2014 (f) du 09.09.2015 – Procédure – Jugement du TAF annulé – Juge unique au lieu d’une composition à trois juges au moins

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_807/2014 (f) du 09.09.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1LiZzv8

 

Procédure – Jugement du TAF annulé – Juge unique au lieu d’une composition à trois juges au moins

 

Le 29.08.2013, un assuré, ressortissant étranger et domicilié à l’étranger, a saisi le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) d’un recours contre une décision rendue le 02.07.2013 par l’Office de l’assurance-invalidité pour les assurés résidant à l’étranger. La décision avait pour objet le refus d’une demande (du 15.10.2012) de prise en charge d’une formation professionnelle initiale, au motif que l’intéressé ne réalisait pas les conditions de l’octroi de la prestation requise, l’affiliation de ses parents à l’assurance-invalidité suisse en raison de l’exercice d’une activité lucrative en Suisse n’entraînant notamment pas la sienne.

 

Procédure cantonale (arrêt C-4842/2013 – consultable ici : http://bit.ly/1MEH0ii)

Par jugement du 06.10.2014, le TAF, statuant par un juge unique, a rejeté le recours formé par l’assuré contre cette décision.

 

TF

L’assuré a recouru au Tribunal fédéral (ci-après : TF) pour violation du droit des parties à une composition régulière du tribunal. L’assuré a requis que le TF renonce à renvoyer la cause au TAF pour nouveau jugement parce qu’une telle manière de procéder heurterait le principe de célérité et ne présenterait pas d’intérêt dans sa cause, le TF appliquant le droit d’office.

Selon la jurisprudence, un recours contre une décision de l’Office de l’assurance-invalidité pour les assurés résidant à l’étranger est considéré comme manifestement infondé au sens de l’art. 85 bis al. 3 LAVS, lorsqu’il apparaît d’emblée, sur la base d’un examen sommaire mais certain, dépourvu de toute chance de succès. Cela suppose que la situation de fait et de droit soit claire, en ce sens que la décision de rejet peut être motivée de façon sommaire. S’il existe des doutes, ne seraient-ce que légers, quant à la constatation exacte et complète des faits pertinents du point de vue juridique ou quant à l’interprétation et l’application du droit conformes à la loi par l’autorité qui a rendu la décision, l’autorité de recours doit se prononcer dans une composition à trois juges au moins (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 622/01 du 30 octobre 2002; voir également arrêt 9C_723/2014 du 24 mars 2015 consid. 3.1).

Alors que la situation de fait soumise au TAF semblait claire – un enfant de parents ressortissants d’un Etat de l’Union européenne et frontaliers, atteint d’une bêta-thalassémie majeure, sollicite la prise en charge d’une formation professionnelle initiale au sens de l’art. 16 LAI -, les questions juridiques soulevées étaient complexes et ne pouvaient être examinées de manière sommaire.

Selon le TF (consid. 3.3), le recours daté du 29.08.2013 n’apparaissait pas d’emblée, en fonction d’un examen sommaire mais certain, dépourvu de chance de succès. Il ne pouvait en particulier être rejeté avec la seule référence à une absence de discrimination fondée sur la nationalité, sans traiter de l’argumentation tirée d’une éventuelle discrimination indirecte pouvant résulter, par exemple, de l’exigence de résidence (Astrid Epiney, Das Verbot der Diskriminierung aus Gründen der Staatsangehörigkeit im Personenfreizügigkeitsabkommen, SJZ 2009 p. 29) ou, à défaut, du champ d’application des dispositions de droit conventionnel invoquées par le recourant.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement du TAF et renvoie la cause au TAF pour qu’il statue à nouveau dans une composition conforme à la loi.

 

 

Arrêt 9C_807/2014 consultable ici : http://bit.ly/1LiZzv8

 

 

9C_189/2015 (f) du 11.09.2015 – Notion d’accident – Dommage dentaire lors d’une intubation – anesthésie / 4 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_189/2015 (f) du 11.09.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1FBAUQn

 

Notion d’accident – Dommage dentaire lors d’une intubation – anesthésie / 4 LPGA

 

Le 03.06.2010, l’assurée a subi une opération des intestins; lors de cette intervention, le médecin spécialiste en anesthésiologie a pratiqué une anesthésie par intubation. Du 20.07.2010 au 09.08.2010, l’assurée a dû suivre un traitement dentaire. Elle a demandé la prise en charge de ce traitement à la caisse-maladie, considérant que l’atteinte dentaire était consécutive à l’anesthésie par intubation du 03.06.2010. Le dentiste-conseil de la caisse-maladie a mentionné qu’il n’était pas possible d’établir de quelle façon et pour quel motif la dent s’était fracturée.

Décision du 03.02.2012, confirmée sur opposition le 05.03.2014 : refus de prise en charge du traitement dentaire, motif pris que l’événement à l’origine de la fracture ne constituait pas un accident.

 

Procédure cantonale (arrêt AM 10/14 – 7/2015  – consultable ici : http://bit.ly/1KQuZUc)

La juridiction cantonale a constaté qu’il n’était pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante que le bris de la dent était survenu à la suite de l’anesthésie le 3 juin 2010; la lésion ne résultait donc pas d’un accident. Par jugement du 3 février 2015, la juridiction cantonale a rejeté le recours.

 

TF

Selon le TF, la juridiction cantonale pouvait se fonder sur l’avis du médecin spécialiste en anesthésiologie. Ce médecin a indiqué avoir constaté après lecture du dossier de la patiente qu’aucune dent n’avait été touchée lors de l’intubation et tout au long de l’anesthésie. Il a par ailleurs précisé que l’assurée ne lui avait pas parlé de sa dent lors des visites subséquentes à l’intervention.

Le médecin-dentiste conseil avait retenu qu’il n’était pas possible de déterminer l’origine de la fracture de la dent, de sorte que le lien de causalité entre la lésion et l’intervention chirurgicale ne pouvait pas être établi; une carie pouvait également avoir joué un rôle. Le médecin-dentiste traitant n’a fourni aucune explication quant à la cause de la fracture de la dent et s’était limité à observer que la dent ne présentait aucune pathologie avant l’intervention chirurgicale du 03.06.2010 mais qu’à la consultation du 20.07.2010, elle était fracturée. Le seul fait invoqué par l’assurée que des symptômes ne se sont manifestés qu’après le survenance d’un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet événement (cf. ATF 119 V 335 consid. 2b/bb p. 340).

Selon le TF, la lésion de la dent par intubation ne peut être considérée que comme une hypothèse parmi d’autres qui n’est pas établie au degré de la vraisemblance prépondérante. Le défaut de preuve va au détriment de l’assurée qui entendait tirer un droit du fait non prouvé.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_189/2015 consultable ici : http://bit.ly/1FBAUQn

 

 

8C_519/2014 (f) du 28.08.2015 – Agression par des malfaiteurs avec des armes – Rechute lors du procès pénal – Causalité adéquate / 6 LAA – 11 OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_519/2014 (f) du 28.08.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1KF1WTp

 

Agression par des malfaiteurs avec des armes – Rechute lors du procès pénal – Causalité adéquate / 6 LAA – 11 OLAA

 

Assurée employée en qualité de responsable de l’Office de C.________. Vers 7h du matin, le 27.12.2011, l’assurée s’est rendue à son travail et s’apprêtait à ouvrir la porte d’entrée de l’office lorsqu’un homme cagoulé s’est approché d’elle par derrière, l’a serrée par la taille, puis menacée de mort au moyen d’un pistolet appuyé sur sa tempe au cas où elle n’ouvrirait pas la porte. Elle a crié et s’est débattue. Puis elle est tombée sur le sol, ce qui a brisé ses lunettes et l’a blessée au nez. Un second individu, qui attendait à proximité dans une voiture volée, est alors venu prêter main forte au premier. Une fois à l’intérieur de l’office postal, les deux hommes ont ordonné à l’assurée d’éteindre l’alarme et d’ouvrir le coffre-fort. Celle-ci leur a expliqué que le coffre-fort ne pouvait pas s’ouvrir avant 8h. Comme l’un des hommes la plaquait contre le coffre en la menaçant à nouveau avec son arme, l’assurée a dit qu’elle pouvait ouvrir une caisse. Une fois la totalité de l’argent de la caisse mis dans un sac, les deux individus se sont enfuis au volant de la voiture volée qui a été retrouvée brûlée près d’un bois.

Diagnostic d’état de stress post-traumatique posé, nécessitant un suivi médical. Incapacité de travail totale dès le 28.12.2011. L’assurée ayant repris son activité à partir du 05.03.2012, l’assureur-accidents a arrêté ses prestations à cette date.

Nouvelle incapacité de travail à 100% dès le 25.06.2013. Le médecin traitant rapporte que les symptômes de l’assurée étaient réapparus à la suite de l’ouverture, au cours du mois de juin 2013, du procès pénal des auteurs du brigandage du 27.12.2011; selon lui, l’incapacité de travail actuelle était la conséquence du traumatisme subi lors de cette attaque. L’assurée a repris son travail à 30% le 04.11.2013 et il était prévu d’augmenter son taux d’activité à 50% le 2 décembre suivant, puis à 100% en janvier 2014.

Par décision du 08.11.2013, confirmée sur opposition le 09.01.2014, l’assureur a refusé de prendre en charge la rechute sous l’angle de la causalité adéquate. L’assureur a retenu que la tenue du procès pénal lié à l’événement du 27.12.2011 n’était pas propre, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, à générer une nouvelle incapacité de travail totale pour des motifs psychiques.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 9/14 – 52/2014 – consultable ici : http://bit.ly/1WlG8U5)

Par jugement du 13.05.2014, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois a admis le recours formé par l’assurée, et réformé la décision sur opposition du 09.01.2014 en ce sens que l’assureur doit prendre en charge, à compter du 25.06.2013, les suites de la rechute de l’événement du 27.12.2011.

 

TF

Selon le Tribunal fédéral, le jugement cantonal expose de manière exacte et complète les règles régissant le droit à la prise en charge des rechutes (art. 11 OLAA) ainsi que la jurisprudence sur les traumatismes psychiques consécutifs à un choc émotionnel lorsqu’un assuré a vécu un événement traumatisant sans subir d’atteinte physique, ou que l’atteinte physique est mineure et ne joue qu’un rôle très secondaire par rapport au stress psychique subi (ATF 129 V 177 consid. 4.2 p. 184). Le TF rappelle que l’existence d’un lien de causalité adéquate entre un tel événement et une incapacité de gain d’origine psychique déclenchée par cet événement doit être examinée au regard des critères généraux du cours ordinaire des choses et de l’expérience de la vie, étant précisé que la jurisprudence considère qu’un traumatisme psychique devrait normalement, selon l’expérience générale de la vie, être surmonté au bout de quelques semaines ou mois (ATF 129 V 177 consid. 4.3. et les références p. 185).

Le TF indique que c’est à l’aune des circonstances de l’événement initial du 27.12.2011 qu’il convient d’examiner le point de savoir si la confrontation de l’assurée aux auteurs du brigandage dans le cadre du procès pénal qui s’est ouvert au mois de juin 2013 est un fait propre, d’après le cours ordinaire de choses et l’expérience générale de la vie, à générer la réapparition de troubles psychiques et d’une incapacité de travail. Il est indéniable que l’attaque dont l’assurée a été victime présente un caractère violent et traumatisant. D’une part, l’assurée était seule face à deux hommes déterminés et bien organisés dont l’un l’a constamment tenue sous la menace d’un pistolet. D’autre part, elle pouvait sérieusement craindre pour sa vie, ou du moins pour son intégrité corporelle vu la façon d’agir des malfaiteurs, et on peut penser que les événements auraient pu prendre une tout autre tournure si elle n’avait eu l’idée d’ouvrir une caisse contenant de l’argent pour satisfaire à leurs exigences.

En comparaison à d’autres cas de brigandage ayant impliqué plusieurs auteurs et l’usage d’une arme à feu pour menacer la victime, l’assurée a certes été en mesure de reprendre son activité professionnelle assez rapidement (pour des exemples voir les arrêts 8C_266/2013 du 4 juin 2013, 8C_522/2007 du 1er septembre 2008 et U 593/06 du 14 avril 2008). On ne saurait toutefois se fonder sur ce fait pour argumenter, comme le fait l’assureur, qu’il ne peut y avoir de cas de rechute puisque le traumatisme consécutif au choc émotionnel ressenti par l’assurée a été guéri une fois pour toutes. A l’instar d’une atteinte à la santé physique, une affection psychique peut être considérée comme guérie en apparence seulement mais non dans les faits, et se manifester à nouveau. C’est la définition même de la rechute au sens de l’art. 11 OLAA. Par ailleurs, c’est un phénomène psychologique connu que la confrontation d’une victime de délits d’une certaine gravité avec les auteurs de ces agissements à un tribunal peut conduire celle-ci à revivre l’événement traumatisant et constituer un facteur déclenchant de nouveaux troubles psychiques.

Selon le TF, au regard du déroulement de l’événement à l’origine du traumatisme initial et vu l’intervalle de temps qui a séparé celui-ci de l’épreuve psychologique que représente la confrontation à ses agresseurs, il n’est pas contraire au droit fédéral d’admettre que cette situation était apte, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, à déclencher une nouvelle incapacité de travail d’origine psychique.

Le présent cas se distingue en effet très nettement de celui ayant donné lieu à l’arrêt 8C_469/2014 du 04.08.2015. Il s’agissait dans ce cas d’une employée au guichet d’un office postal, victime d’une tentative de brigandage commis par un seul homme qui a fait usage d’une arme factice contre une cliente et qui a rapidement pris la fuite après que l’employée n’eut pas donné suite à son injonction de lui remettre de l’argent. Le Tribunal fédéral avait alors nié le caractère adéquat d’une rechute après une capacité de travail supérieure à deux ans.

 

Le TF rejette le recours de l’assureur.

 

 

Arrêt 8C_519/2014 consultable ici : http://bit.ly/1KF1WTp