6B_1022/2023 (f) du 27.03.2024 – Obtention frauduleuse de prestations sociales et obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale – 31 al. 1 let. d LPC – 148a CP

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_1022/2023 (f) du 27.03.2024

 

Consultable ici

 

Obtention frauduleuse de prestations sociales et obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale / 31 al. 1 let. d LPC – 148a CP

Notion de domicile et de résidence habituelle / 4 al 1 LPC – 13 LPGA – 23 à 26 CC

 

Par jugement du 07.09.2022, le Tribunal de police a classé la procédure s’agissant des faits antérieurs au 07.09.2015 et acquitté A.A.__ d’obtention frauduleuse de prestations sociales et d’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale.

Statuant le 15 juin 2023 (arrêt AARP/217/2023 – consultable ici), la Chambre pénale d’appel et de révision a admis l’appel formé par le Service des prestations complémentaires contre le jugement précité. Elle a classé la procédure s’agissant des faits antérieurs au 07.09.2015, a déclaré A.A.__ coupable d’obtention frauduleuse de prestations sociales (art. 31 al. 1 let. d LPC) pour la période du 07.09.2015 au 30.09.2016 et d’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale (art. 148a al. 1 CP) pour la période du 01.10.2016 au 30.06.2019, l’a condamné, outre aux frais de la procédure, à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 30 fr. le jour, assortie du sursis et d’un délai d’épreuve de 3 ans, rejeté les conclusions en indemnisation de A.A.__ au sens de l’art. 429 CPP et a déclaré irrecevables les conclusions civiles du Service des prestations complémentaires.

 

TF

Consid. 2.1.1
Aux termes de l’art. 4 al 1 LPC (teneur inchangée), les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à des prestations complémentaires dès lors qu’elles perçoivent une rente de vieillesse de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) (let. a).

A teneur de l’art. 13 LPGA, le domicile d’une personne est déterminé selon les art. 23 à 26 du code civil (al. 1). Une personne est réputée avoir sa résidence habituelle au lieu où elle séjourne un certain temps même si la durée de ce séjour est d’emblée limitée (al. 2).

Consid. 2.1.2
Aux termes de l’art. 23 CC, le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l’intention de s’y établir; le séjour dans une institution de formation ou le placement dans un établissement d’éducation, un home, un hôpital ou une maison de détention ne constitue en soi pas le domicile (al. 1). Nul ne peut avoir en même temps plusieurs domiciles (al. 2).

L’art. 23 al. 1 CC fait dépendre la constitution du domicile de deux conditions: d’une part, la résidence, soit un séjour d’une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits et, d’autre part, l’intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence, intention qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d’un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles (ATF 141 V 530 consid. 5.2 p. 534 s.; 137 II 122 consid. 3.6 p. 126). Le domicile d’une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l’ensemble des circonstances (ATF 135 I 233 consid. 5.1 p. 249). Le lieu où les papiers d’identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l’emporter sur le lieu où se focalise un maximum d’éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l’intéressé (ATF 141 V 530 consid. 5.2 p. 535; 136 II 405 consid. 4.3 p. 409, arrêt 6B_1396/2022 du 7 juin 2023 consid. 1.1.3).

Le lieu où la personne réside (élément objectif) et son intention de s’établir (élément subjectif) relèvent de l’établissement des faits, que le Tribunal fédéral ne corrige qu’en cas d’arbitraire (art. 97 al. 1 LTF, en relation avec l’art. 9 Cst.). En revanche, les conclusions à en déduire sous l’angle de l’art. 23 al. 1 CC quant à l’intention de s’établir ressortissent au droit, dont le Tribunal fédéral revoit librement l’application (ATF 136 II 405 consid. 4.3 p. 410; 120 III 7 consid. 2a p. 8 et la référence citée; arrêt 6B_1396/2022 du 7 juin 2023 consid. 1.1.3).

Consid. 2.1.3
Selon l’art. 24 CC, toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu’elle ne s’en est pas créé un nouveau (al. 1).

L’art. 24 al. 1 CC vise le cas de l’abandon d’un domicile sans création d’un nouveau. En l’absence de création d’un nouveau domicile, le domicile abandonné subsiste comme domicile fictif. Un recours au domicile fictif n’est pas requis lorsque la personne a conservé son centre de vie à l’ancien lieu; ce dernier demeurant son domicile volontaire, nul n’est besoin d’établir un domicile fictif (PICHONNAZ/FOËX/ FOUNTOULAKIS, Commentaire romand, Code civil I, 2e éd. 2023, art. 24 CC, n. 3-4a).

Consid. 2.2
Pour autant que l’on comprenne le recourant, il reproche à la cour cantonale de ne pas avoir déterminé le lieu précis de son centre d’intérêts à l’étranger. A défaut d’avoir localisé son nouveau domicile, il aurait fallu retenir, en application de l’art. 24 CC, que Genève demeurait son centre de vie et d’intérêts.

Le recourant ne saurait être suivi. La cour cantonale a en effet retenu que le centre d’intérêts du recourant s’était trouvé successivement en Normandie, où vivaient sa fille et son chien, puis à W.__ à partir du début de l’année 2016, lorsque sa fille a déménagé au Canada pour ses études. Sur la base des faits retenus, dont le recourant n’a pas démontré l’arbitraire, la cour cantonale n’a pas violé le droit fédéral en considérant qu’il s’était créé un nouveau domicile hors de Suisse. Il s’ensuit que c’est à bon droit que la cour cantonale n’a pas fait usage de la fiction de l’art. 24 al. 1 CC.

Quoi qu’il en soit, peu importe, puisque la cour cantonale a conclu à l’absence d’une résidence habituelle en Suisse, sans que le recourant ne démontre l’arbitraire de cette appréciation. Or, le droit aux prestations complémentaires fédérales et cantonales ne dépend pas uniquement de la condition d’un domicile en Suisse, mais aussi d’une résidence habituelle en Suisse (cf. art. 4 al. 1 LPC [respectivement dans le canton de Genève, art. 2 al. 1 de la loi genevoise du 25 octobre 1968 sur les prestations complémentaires cantonales [LPCC; RSG J 4 25]; cf. arrêt 9C_741/2019 du 2 juin 2020 consid. 4.4). Infondés, les griefs sont partant rejetés.

Pour le reste, le recourant ne conteste pas sa condamnation sous un autre angle (art. 42 al. 2 LTF).

 

Le TF rejette le recours de A.A.__.

 

Arrêt 6B_1022/2023 consultable ici

 

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.