8C_626/2021 (f) du 19.01.2022 – Maladie professionnelle – Silicose – Lien de causalité / Qualifications médicales des médecins de la CNA/Suva

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_626/2021 (f) du 19.01.2022

 

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Maladie professionnelle – Silicose – Lien de causalité / 9 LAA

Qualifications médicales des médecins de la CNA/Suva

 

Assuré, né en 1978, a travaillé depuis le 13.07.2013 comme employé d’exploitation. Avant son arrivée en Suisse, il avait exercé différentes activités au Portugal, notamment dans des carrières de pierres ou dans des entreprises de construction. Par courrier du 23.11.2018, il a déclaré à l’assurance-accidents être en incapacité de travail et souffrir d’une maladie professionnelle.

L’assurance-accidents a procédé aux éclaircissements usuels, en rapport avec l’activité professionnelle de l’assuré et produits de nettoyage utilisés par l’entreprise. Dans l’appréciation médicale du 18.06.2019, le docteur C.__, médecin-conseil, spécialiste en médecine du travail et en médecine interne, a retenu que l’assuré souffrait d’une silicose associée à une vasculite à ANCA (anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles) et que cette affection était secondaire à ses activités exercées au Portugal. Compte tenu du fait qu’une exposition aux poussières de silice n’était pas attestée en Suisse, la responsabilité de l’assurance-accidents n’était pas engagée. Se fondant sur cette appréciation, l’assurance-accidents a refusé le droit à des prestations d’assurance par décision, confirmée sur opposition.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 19.07.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 9 al. 1 LAA, sont réputées maladies professionnelles les maladies (art. 3 LPGA) dues exclusivement ou de manière prépondérante, dans l’exercice de l’activité professionnelle, à des substances nocives ou à certains travaux; le Conseil fédéral établit la liste de ces substances ainsi que celle de ces travaux et des affections qu’ils provoquent. Se fondant sur cette délégation de compétence – à laquelle renvoie l’art. 14 OLAA -, le Conseil fédéral a dressé à l’annexe 1 de l’OLAA la liste des substances nocives, d’une part, et la liste de certaines affections, ainsi que des travaux qui les provoquent, d’autres part. Ces substances et travaux, ainsi que les affections dues à ceux-ci, sont énumérés de manière exhaustive (arrêt 8C_800/2019 du 18 novembre 2020 consid. 3.1.1 et la référence).

Selon la jurisprudence, l’exigence d’une relation prépondérante requise par l’art. 9 al. 1 LAA est réalisée lorsque la maladie est due pour plus de 50% à l’action d’une substance nocive ou à certains travaux mentionnés à l’annexe 1 de l’OLAA (ATF 133 V 421 consid. 4.1 et les références).

Aux termes de l’art. 9 al. 2 LAA, sont aussi réputées maladies professionnelles les autres maladies dont il est prouvé qu’elles ont été causées exclusivement ou de manière nettement prépondérante par l’exercice de l’activité professionnelle. Il s’agit là d’une clause générale visant à combler les lacunes qui pourraient résulter de ce que la liste dressée par le Conseil fédéral à l’annexe 1 de l’OLAA ne mentionne pas soit une substance nocive qui a causé une maladie, soit une maladie qui a été causée par l’exercice de l’activité professionnelle (ATF 119 V 200 consid. 2b; 117 V 354 consid. 2b; 114 V 109 consid. 2b et les références).

 

Qualifications médicales des médecins de la CNA/Suva

S’agissant tout d’abord des qualifications médicales du docteur C.__, c’est à juste titre que la cour cantonale a relevé que ce praticien est titulaire d’une spécialisation en médecine du travail ainsi qu’en médecine interne, de sorte qu’il dispose des connaissances suffisantes pour se prononcer sur l’existence d’un lien de causalité entre les troubles respiratoires de l’assuré et l’activité professionnelle assurée. On ne voit d’ailleurs pas en quoi un spécialiste en pneumologie serait plus compétent qu’un spécialiste en médecine du travail pour se prononcer sur l’existence d’une maladie professionnelle. En effet, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les médecins de la CNA sont considérés, de par leur fonction et leur position professionnelle, comme étant des spécialistes en matière de traumatologie respectivement de maladie professionnelle, indépendamment de leur spécialisation médicale (cf. arrêts 8C_59/2020 du 14 avril 2020 consid. 5.2; 8C_316/2019 du 24 octobre 2019 consid. 5.4).

S’il est vrai que le docteur C.__ n’a pas examiné l’assuré personnellement pour arriver à la conclusion que les troubles respiratoires de celui-ci n’étaient pas dus à une activité professionnelle exercée en Suisse, ses appréciations tiennent néanmoins compte de l’intégralité du dossier médical. Un examen personnel n’aurait au demeurant pas permis d’apporter de clarification quant au diagnostic de silicose pulmonaire posé par la doctoresse F.__, puis remis en question par le docteur D.__. Quoi qu’il en soit, aucun des spécialistes consultés n’attribue les troubles pulmonaires de l’assuré à l’exercice de son activité professionnelle au sein de l’entreprise assurée.

 

Maladie professionnelle et lien de causalité

Ainsi, si la doctoresse F.__ a posé le diagnostic de silicose, elle semble l’attribuer avant tout à l’exposition professionnelle de l’assuré dans les carrières au Portugal. Elle n’a en tout cas pas évoqué l’activité de l’assuré auprès de l’entreprise B.__ SA dans ce contexte, et encore moins conclu à l’existence d’un lien de causalité entre la silicose et celle-ci. Quant à la toux chronique diagnostiquée en juillet 2020, la pneumologue a indiqué que la sémiologie de cette affection était évocatrice d’un asthme déclenché par l’effort et n’avait pas de lien avec les autres diagnostics. Si elle en a conclu qu’il s’agissait « d’un asthme aggravé au travail » par « l’exposition à des produits chimiques ou des facteurs physiques comme la vapeur », cela n’est pas pertinent pour le litige, dans la mesure où elle n’énonce aucune substance nocive mentionnée à l’annexe 1 de l’OLAA (ch. 1). Même s’il fallait considérer qu’il s’agit d’une affection de l’appareil respiratoire (ch. 2 let. b annexe 1 OLAA), il n’existe aucun indice – l’assuré ne prétendant pas le contraire – que celui-ci aurait effectué des travaux dans les poussières de coton, de chanvre, de lin, de céréales et de leurs farines, d’enzymes, de moisissures et dans d’autres poussières organiques lors de son activité auprès de l’entreprise assurée.

L’assuré ne saurait en outre tirer un argument en sa faveur du rapport du docteur D.__. Ce spécialiste a relevé que le diagnostic de silicose pulmonaire lui semblait moins probable, compte tenu, d’une part, de la faible exposition professionnelle (trois ans d’activité comme machiniste au Portugal, activité à distance de la poussière selon les dires du patient) et, d’autre part, de la faible latence entre le début de l’exposition et le diagnostic (soit au maximum 5 ans entre 2010 et 2015), ce qui le faisait reconsidérer le diagnostic de sarcoïdose ou d’une autre pneumopathie interstitielle. Quant à la vasculite à ANCA, il n’existait pas de cas décrit dans la littérature en lien avec une activité dans la production de fromage. Cette activité ne pouvait en particulier pas générer de pneumopathie interstitielle ni de vasculite. L’exposition aux produits de nettoyage et de désinfections utilisé par l’entreprise n’était en outre pas connue, selon les fiches de données de sécurité, pour engendrer une quelconque toxicité respiratoire chronique et ne nécessitait pas de protection respiratoire particulière.

En résumé, il n’existe en l’occurrence aucun indice qui permettrait de mettre en doute, même de façon minime (ATF 145 V 97 consid. 8.5), la fiabilité et la pertinence des constatations du docteur C.__, si bien que l’assurance-accidents, puis les juges cantonaux, étaient fondés à nier le caractère de maladie professionnelle aux troubles annoncés par l’assuré.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_626/2021 consultable ici

 

 

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