9C_101/2018 (f) du 21.06.2018 – Paiement des frais de procédure – 63 PA – 21 PA / Transfert de l’avance de frais depuis un compte d’une banque étrangère

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_101/2018 (f) du 21.06.2018

 

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Paiement des frais de procédure / 63 PA – 21 PA

Transfert de l’avance de frais depuis un compte d’une banque étrangère

 

Par décision du 29.09.2017, l’office AI a rejeté une demande de prestations de l’assurée, domiciliée en France.

 

Procédure cantonale

Saisi d’un recours de l’assurée, le Tribunal administratif fédéral, Cour III, l’a déclaré irrecevable au motif que l’avance de frais requise n’avait pas été acquittée dans le délai imparti (jugement du 04.01.2018).

 

TF

Selon l’art. 63 al. 4 PA (dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2007, applicable par renvoi de l’art. 37 LTAF), l’autorité de recours – son président ou le juge instructeur – perçoit du recourant une avance de frais équivalant aux frais de procédure présumés; elle lui impartit pour le versement de cette créance un délai raisonnable en l’avertissant qu’à défaut de paiement elle n’entrera pas en matière. Aux termes de l’art. 21 al. 3 PA (dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2007, identique à celle de l’art. 48 al. 4 LTF et applicable par renvoi de l’art. 37 LTAF), le délai pour le versement d’avances est observé si, avant son échéance, la somme due est versée à La Poste Suisse ou débitée en Suisse d’un compte postal ou bancaire en faveur de l’autorité.

Le moment déterminant pour constater l’observation ou l’inobservation du délai est celui auquel la somme a été versée en faveur de l’autorité à La Poste Suisse (que ce soit au guichet d’un bureau de poste ou lors d’un transfert depuis l’étranger) ou celui auquel l’ordre de paiement en faveur de l’autorité a été débité du compte postal ou bancaire du recourant ou de son mandataire (cf. Message concernant la révision totale de l’organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4096 s.). Le fait que la somme en cause n’a pas été créditée dans le délai imparti sur le compte de la juridiction concernée n’est pas décisif au regard du droit fédéral si le montant requis a effectivement été débité du compte bancaire du recourant ou de son avocat avant l’échéance du délai prévu (cf. arrêt 1F_34/2011 du 17 janvier 2012 consid. 2.3.2 in SJ 2012 I 229).

En cas de transfert de l’avance de frais depuis un compte d’une banque étrangère, il faut non seulement vérifier que le débit dudit compte a été effectué avant l’échéance fixée par l’autorité, mais aussi que dans ce même délai, l’avance a été créditée sur le compte de l’autorité ou, à tout le moins, qu’elle est entrée dans la sphère d’influence de l’auxiliaire (banque ou La Poste Suisse) désigné par celle-ci. Dans cette dernière hypothèse (entrée temporaire du montant dans la sphère d’influence de l’auxiliaire sans que le compte de l’autorité n’ait été crédité), il est par ailleurs nécessaire d’examiner à qui, du justiciable et de sa banque étrangère ou de l’autorité et de son auxiliaire, l’échec de transfert au destinataire final est imputable. S’il est établi que la cause de l’échec se trouve auprès du justiciable et/ou de sa banque étrangère, il faudra encore vérifier si l’erreur pouvait passer pour être excusable ou si, au contraire, elle a été grossière au point qu’on ne puisse s’attendre de la banque de l’autorité qu’elle se renseigne pour tenter néanmoins d’attribuer le montant au compte du destinataire final de la transaction, à savoir l’autorité créancière (cf. arrêts 9C_94/2008 du 30 septembre 2008 consid. 6 in SVR 2009 IV n° 17 p. 45; 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 6.3.3-6.3.6 et les références in RDAF 2013 II 186).

 

In casu, le délai de paiement est arrivé à échéance le 06.12.2017. L’assurée soutient avoir effectué le versement le 24.11.2017 et produit un ordre de paiement l’attestant. Sur demande du Tribunal fédéral, PostFinance a expliqué que le virement de 800 fr. avait été effectué le 24.11.2017 mais que le montant avait été rejeté dans la mesure où le numéro de compte (30-217609-6) ne correspondait pas au titulaire mentionné dans l’ordre de paiement (SwissPost au lieu de Bundesverwaltungsgericht). Comme l’a ensuite confirmé le Tribunal administratif fédéral, le n° IBAN indiqué dans l’avis d’opéré de la banque de l’assurée était correct. Elle avait en revanche indiqué La Poste suisse comme destinataire du virement.

La seule erreur commise par l’assurée et/ou par sa banque est excusable. En effet, on relèvera à cet égard que le libellé de la facture pouvait lui-même engendrer une certaine confusion dès lors qu’il mentionne à la fois un destinataire ainsi qu’une banque destinataire. On ajoutera que le n° IBAN désignait clairement l’autorité judiciaire précédente et qu’étant donné l’important trafic de paiement en faveur de cette autorité, PostFinance pouvait ou devait déjà se douter du destinataire réel du versement (cf. arrêt 9C_636/2009 du 26 novembre 2009 consid. 5). De surcroît, dans la mesure où le motif de paiement (n° de la facture) était indiqué, elle pouvait très aisément vérifier et exclure qu’elle-même était le destinataire du paiement contrairement au contenu de l’avis d’opéré.

 

Le TF admet le recours de l’assuré et annule le jugement du TAF.

 

 

Arrêt 9C_101/2018 consultable ici

 

 

1C_184/2018 (f) du 26.07.2018 – Retrait du permis de conduire d’un conducteur souffrant d’un handicap de mobilité / Devoir de prudence – Infraction moyennement grave – 16b LCR / Discrimination indirecte – 8 al. 2 Cst.

Arrêt du Tribunal fédéral 1C_184/2018 (f) du 26.07.2018

 

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Retrait du permis de conduire d’un conducteur souffrant d’un handicap de mobilité

Devoir de prudence – Infraction moyennement grave / 16b LCR

Discrimination indirecte / 8 al. 2 Cst.

 

A.___ est titulaire d’un permis de conduire pour véhicules, notamment de catégories B et F, depuis le 12.07.1973. Le fichier des mesures administratives en matière de circulation routière ne contient aucune inscription le concernant. Souffrant d’un handicap aux jambes, il ne peut pas se déplacer à pied sur un chemin en déclivité.

Le 24.02.2017 à 23h00, A.___ circulait à Lausanne ; il a obliqué vers la droite, afin d’entrer dans la ruelle perpendiculaire à l’avenue de Sévelin, à une vitesse de 20 km/h. Au coin de la rue, s’élevaient des palissades de chantier masquant quelque peu la visibilité des conducteurs souhaitant tourner à droite. Inattentif, A.___ n’a pas remarqué la présence d’une piétonne qui se tenait immobile au commencement de la ruelle, en bordure droite de la chaussée, et n’a pas pu arrêter son véhicule. Il s’en est suivi un heurt entre l’avant de la voiture et la piétonne : sous l’effet du choc, cette dernière a été légèrement projetée avant de tomber sur le sol ; ressentant des douleurs à un pied, elle a été examinée par les ambulanciers, mais son état n’a pas nécessité une conduite à l’hôpital.

Par ordonnance pénale du 11.08.2017, A.___ a été reconnu coupable d’infraction simple à la LCR et condamné à une amende de 250 francs. Il lui était reproché une inattention et une circulation à une vitesse inadaptée ne permettant pas de s’arrêter à la distance à laquelle porte sa visibilité. Cette condamnation n’a pas été contestée.

Par décision du 23.08.2017, le Service des automobiles (SAN) a retiré à A.___ son permis de conduire pour une durée d’un mois en application de l’art. 16b al. 2 let. a LCR. Sur réclamation de l’intéressé, cette décision a été confirmée.

 

Procédure cantonale (arrêt CR.2017.0054 – consultable ici)

La cour cantonale a retenu que A.___ ne s’était pas conformé à son devoir de prudence : il n’a pas adapté sa vitesse en raison du fait que la visibilité n’était pas bonne (art. 32 al. 1 LCR) ; il n’a pas voué son attention à la route et à la circulation (art. 3 al. 1 OCR) ; il a circulé à une vitesse qui l’empêchait de s’arrêter sur la distance à laquelle portait sa visibilité (art. 4 al. 1 OCR).

La cour cantonale a considéré que tant la mise en danger de la sécurité d’autrui que la faute ne pouvaient être qualifiées de légères. Sur le premier point, les juges cantonaux ont retenu que la piétonne impliquée n’avait, par chance, pas subi de blessure grave après avoir été percutée par le véhicule et ont ajouté que les conséquences auraient été bien pires si la victime s’était retrouvée juste devant le véhicule qui prenait le virage à une vitesse de 20 km/h. Quant à la gravité de la faute, l’instance cantonale a considéré que l’automobiliste devait ici être particulièrement attentif à cause de sa visibilité réduite en raison des palissades de chantier et de sa vitesse trop élevée au regard des circonstances.

Par arrêt du 07.03.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal. Les juges cantonaux ont également confirmé que le handicap de l’intéressé ne permettait pas de descendre en dessous de la durée minimale de retrait de permis prévue par la loi.

 

TF

Infraction de moyenne gravité

A ses art. 16a à 16c, la LCR distingue les infractions légères, moyennement graves et graves. Selon l’art. 16a al. 1 LCR, commet une infraction légère la personne qui, en violant les règles de la circulation routière, met légèrement en danger la sécurité d’autrui et à laquelle seule une faute bénigne peut être imputée. Commet en revanche une infraction grave selon l’art. 16c al. 1 let. a LCR la personne qui, en violant gravement les règles de la circulation routière, met sérieusement en danger la sécurité d’autrui ou en prend le risque. Entre ces deux extrêmes, se trouve l’infraction moyennement grave, soit celle que commet la personne qui, en violant les règles de la circulation routière, crée un danger pour la sécurité d’autrui ou en prend le risque (art. 16b al. 1 let. b LCR). Le législateur conçoit cette dernière disposition comme l’élément dit de regroupement : elle n’est ainsi pas applicable aux infractions qui tombent sous le coup des art. 16a al. 1 let. a et 16c al. 1 let. a LCR.

Dès lors, l’infraction est toujours considérée comme moyennement grave lorsque tous les éléments constitutifs qui permettent de la privilégier comme légère ou au contraire de la qualifier de grave ne sont pas réunis. Tel est par exemple le cas lorsque la faute est grave et la mise en danger bénigne ou, inversement, si la faute est légère et la mise en danger grave (ATF 136 II 447 consid. 3.2 p. 452). Ainsi, par rapport à une infraction légère, où tant la mise en danger que la faute doivent être légères, on parle d’infraction moyennement grave dès que la mise en danger ou la faute n’est pas légère.

L’absence de tout dommage ensuite d’un accident de circulation n’est synonyme ni de faute légère ni de mise en danger bénigne. Le heurt entre le véhicule de A.___ et la piétonne s’est produit à la vitesse non négligeable de 20 km/h dans un contexte de mauvaise visibilité due tant à l’heure avancée de la nuit qu’à la configuration particulière des lieux ; la violence du choc est attestée par le fait que la piétonne a été projetée avant de retomber sur le sol et qu’elle a, dans un premier temps tout au moins, ressenti des douleurs à un pied.

Si les juges cantonaux ont évoqué les conséquences lourdes qu’aurait pu avoir cet accident pour la piétonne, ils ne s’en sont pas moins uniquement fondés sur les faits établis par la procédure et se sont référés à plusieurs précédents de jurisprudence, en particulier en matière de heurt entre véhicules automobiles à petite vitesse (10-15 km/h), que A.___ ne prend pas même la peine de discuter. Dans de telles circonstances, A.___ ne peut pas affirmer que sa faute de circulation était légère et que, cumulativement, la mise en danger créée par l’emploi de son véhicule dans de telles circonstances était bénigne.

Sur le vu de ce qui précède, le raisonnement de la cour cantonale retenant la commission d’une infraction de moyenne gravité et confirmant le retrait du permis de conduire pour une durée d’un mois correspondant au minimum légal (art. 16b al. 2 let. a LCR) ne prête pas le flanc à la critique et doit être confirmé.

 

Retrait du permis de conduire pour une personne souffrant d’un handicap de mobilité

Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de se pencher sur la question de la compatibilité d’un retrait de permis de conduire d’une personne handicapée avec le principe de l’interdiction de la discrimination posé à l’art. 8 al. 2 Cst. (arrêt 6A.38/2006 du 7 septembre 2006 consid. 3.2). Ainsi, dans le cas d’un conducteur paraplégique se déplaçant en fauteuil roulant et dont le permis avait été retiré pour une durée de trois mois pour infraction grave à la LCR, il avait été retenu que les conséquences de ce retrait étaient essentiellement de nature économique et consistaient dans le coût des transports jusqu’au lieu de travail ; sur ce point, le conducteur handicapé n’était pas plus touché qu’un autre conducteur privé de permis de conduire qui, en raison de sa situation personnelle, géographique et financière, ou, par exemple de ses horaires de travail, serait contraint de recourir aux services de taxis, faute de pouvoir utiliser les transports publics ou un autre moyen de locomotion. Le Tribunal fédéral a eu l’occasion de rendre d’autres décisions allant dans le même sens. Celles-ci insistaient sur la volonté exprimée par le législateur de rendre désormais incompressibles les durées minimales de retrait du permis de conduire (art. 16 al. 3 2e phr. LCR), ce qui a pour corollaire d’exclure la possibilité de réduire cette durée minimale, notamment en faveur des conducteurs pour lesquels l’usage d’un véhicule adapté à leur handicap compense des difficultés de mobilité physique ; il a été fait référence aux débats parlementaires qui ont expressément exclu une telle exception pour les personnes handicapées ; a aussi été mentionnée la possibilité de fixer la date d’exécution du retrait en tenant compte du handicap physique (arrêts 1C_83/2008 du 16 octobre 2008 consid. 2.1; 1C_593/2013 du 25 juin 2013 consid. 2 et 1C_95/2014 du 13 juin 2014 consid. 4.3).

La doctrine spécialisée reprend cette jurisprudence sans la critiquer, insistant sur la volonté d’uniformité de la loi actuelle tout en évitant d’introduire des exceptions par voie d’interprétation en faveur de certaines catégories de conducteurs (Bussy/Rusconi/Jeanneret/Kuhn/ Mizel/Müller, Code suisse de la circulation routière commenté, 4e éd. 2015, n. 4.1 ad art. 16 LCR; CÉDRIC MIZEL, Droit et pratique illustrée du retrait du permis de conduire, 2015, n. 73.3.2 p. 532 s.; Philippe Weissenberger, Kommentar Strassenverkehrsgesetz und Ordnungsbussengesetz, 2e éd. 2015, n. 32 s. ad art. 16 LCR; Bernhard Rütsche, in Niggli/Probst/Waldmann [éd.], Basler Kommentar LCR, 2014, n. 91-95 ad art. 16 LCR, et en particulier la note de bas de page n. 148). Seuls MARKUS SCHEFER et CAROLINE HESS-KLEIN reprochent au Tribunal fédéral de ne pas avoir examiné, dans l’arrêt 6A.38/2006 précité, la question de savoir si, dans ce genre de situations, il n’existerait pas une discrimination indirecte : à les suivre, les conséquences d’un retrait de permis sont en effet les mêmes pour tous les conducteurs paraplégiques, mais elles ne sont pas nécessairement les mêmes pour tous les conducteurs non affligés d’un handicap; un tel examen aurait dû être entrepris par le Tribunal fédéral (Schefer/Hess-Klein, Behindertengleichstellungsrecht, 2014, p. 523 et la note de bas de page n. 271).

L’art. 8 al. 2 Cst. interdit non seulement la discrimination directe, mais également la discrimination indirecte. Une telle discrimination existe lorsque la réglementation, qui ne désavantage pas directement un groupe déterminé, défavorise particulièrement par ses effets et sans justification objective, les personnes appartenant à ce groupe. Ainsi, aux termes de l’art. 2 al. 2 2ème hypothèse LHand, il y a inégalité lorsqu’une différence de traitement nécessaire au rétablissement d’une égalité de fait entre les personnes handicapées et les personnes non handicapées fait défaut. Eu égard à la difficulté de poser des règles générales et abstraites permettant de définir pour tous les cas l’ampleur que doit revêtir l’atteinte subie par un groupe protégé par l’art. 8 al. 2 Cst. par rapport à la majorité de la population, la reconnaissance d’une situation de discrimination ne peut résulter que d’une appréciation de l’ensemble des circonstances du cas particulier. En tout état de cause, l’atteinte doit revêtir une importance significative, le principe de l’interdiction de la discrimination indirecte ne pouvant servir qu’à corriger les effets négatifs les plus flagrants d’une réglementation étatique (ATF 142 V 316 consid. 6.1.2 p. 323 s; 138 I 205 consid. 5.5 p. 213 s.; Eleonor Kleber, La discrimination multiple, 2015, p. 156 s. et les réf.).

En raison de son handicap, A.___ se trouve certes dans une situation moins favorable que d’autres automobilistes, dénués de handicap, qui font l’objet d’un retrait de permis. Il allègue en effet qu’il n’est pas en mesure – en raison de la forte déclivité du terrain – de se rendre à pied à l’arrêt des transports publics le plus proche de son domicile. Pour couvrir cette distance d’un km environ, il ne pourrait pas non plus emprunter une bicyclette, un vélo électrique ou un vélomoteur comme le ferait un autre usager en pleine possession de ses moyens.

De tels inconvénients ne touchent cependant pas uniquement les personnes handicapées ; ils peuvent aussi concerner d’autres conducteurs dont l’équilibre – notamment en raison de leur âge ou pour d’autres motifs personnels – ne leur permettrait pas d’envisager l’emploi d’un moyen de transport à deux roues. En ce sens, on ne saurait affirmer que la sanction litigieuse aurait un impact disproportionné sur une personne en raison de sa seule appartenance à un groupe protégé. En outre, il ne faut pas perdre de vue que la mesure litigieuse est limitée dans le temps à un mois, ce qui ne paraît pas compatible avec le caractère durable inhérent à tout handicap et aux conséquences de celui-ci sur la vie en société (art. 1 al. 2 CDPH [RS 0.109] et 2 al. 1 LHand; Schefer/Hess-Klein, op. cit., p. 17 s.). On ne saurait dans ces circonstances parler d’atteintes d’une importance significative pour la personne concernée. Il appartient à celle-ci pendant cette brève période d’organiser son emploi du temps et ses déplacements, comme doivent d’ailleurs le faire beaucoup d’autres conducteurs frappés par un retrait de permis, sans que de tels inconvénients n’aient un impact durable sur leur vie professionnelle et sociale. Enfin, comme l’a déjà rappelé le Tribunal fédéral en d’autres occasions semblables, le recourant aurait pu sans difficulté échapper à cette mesure administrative en respectant la prudence imposée par les circonstances.

Au vu de ce qui précède, la mesure litigieuse ne consacre pas de discrimination à l’encontre de A.___. A cet égard, il ne démontre pas en quoi l’art. 8 CEDH et les dispositions de la CDPH – la question du caractère  self executing de ce dernier traité ayant été laissé indécise par la jurisprudence (arrêt 5A_228/2018 du 30 avril 2018 consid. 4.2.3 et les réf.) – lui procureraient une meilleure protection que l’art. 8 Cst. Il apparaît au contraire que les normes spécifiques visant à éliminer les inégalités qui frappent les personnes handicapées sont conçues pour s’inscrire dans la durée et n’ont pas vocation à régler des situations de courte durée telles que celle dénoncée par A.___.

 

Le TF rejette le recours de l’automobiliste.

 

 

Arrêt 1C_184/2018 consultable ici

 

 

Promouvoir l’intégration des personnes handicapées via les CCT

Promouvoir l’intégration des personnes handicapées via les CCT

 

Publication du Bureau fédéral de l’égalité pour les personnes handicapées (BFEH) du 28.08.2018 consultable ici

 

Les conventions collectives de travail (CCT) jouent un rôle important dans l’organisation du marché du travail. Travail.Suisse souhaite exploiter ce potentiel pour faire progresser le taux d’activité professionnelle des personnes handicapées.

Le projet de Travail.Suisse, l’organisation faîtière indépendante des travailleurs et travailleuses, entend utiliser un outil spécifique pour promouvoir l’intégration professionnelle des personnes handicapées : les conventions collectives de travail (CCT).

Les CCT jouent un rôle important dans l’organisation du marché du travail. Fruits des discussions entre des employeurs ou des associations d’employeurs et des associations de travailleurs, elles présentent un potentiel unique pour renforcer l’intégration des personnes en situation de handicap sur le marché du travail en permettant de trouver des solutions sectorielles qui sont mieux adaptées à la situation d’une branche ou d’une entreprise particulière que des dispositions légales qui ont force obligatoire et s’appliquent à tous sans distinction.

 

Des réglementations sur mesure

Le projet de Travail.Suisse le souligne clairement : réglementer la rémunération en cas de productivité réduite n’est pas la seule mesure susceptible de promouvoir ladite intégration. La mise en place au sein de la branche de structures susceptibles de soutenir tant les entreprises que les personnes handicapées en matière d’intégration s’avère aussi efficace. Une nouvelle dimension s’ouvre lorsque les efforts d’insertion vont au-delà du maintien de l’emploi ou de la réinsertion après une maladie ou un accident et qu’ils englobent la première insertion des personnes en situation de handicap sur le marché du travail. Les mesures qui s’imposent alors sont p. ex. la sensibilisation au sein de l’entreprise, des mesures complémentaires à l’AI lors de l’initiation et du coaching, le conseil portant sur l’assurance indemnités journalières en cas de maladie, la nomination d’un responsable de l’intégration, sans oublier un environnement de travail inclusif.

 

 

Publication complète du Bureau fédéral de l’égalité pour les personnes handicapées (BFEH) du 28.08.2018 consultable ici

Site internet du Bureau fédéral de l’égalité pour les personnes handicapées (BFEH) :  www.edi.admin.ch/bfeh

Site internet de Travail.Suisse : https://www.travailsuisse.ch/themes/travail/cct_et_personnes_avec_handicap

 

Conditions d’assurance / 36 al. 1 LAI (en vigueur jusqu’au 31.12.2007) Incapacité de travail avant l’arrivée en Suisse Expertise médicale sur une période remontant à plus de 30 ans – Appréciation rétrospective de la situation – Valeur probante donnée

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_291/2018 (f) du 03.08.2018

 

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Conditions d’assurance / 36 al. 1 LAI (en vigueur jusqu’au 31.12.2007)

Incapacité de travail avant l’arrivée en Suisse

Expertise médicale sur une période remontant à plus de 30 ans – Appréciation rétrospective de la situation – Valeur probante donnée

 

Assurée, née en 1954 au Brésil, arrivée en Suisse en septembre 1985, ayant épousé un citoyen suisse le 29.11.1985. Le 01.04.2010, elle a requis de l’office AI l’octroi d’une rente en raison d’une schizophrénie bipolaire chronique dont elle souffrait depuis 1983.

Après plusieurs procédures (9C_230/2012, 9C_262/2015) et expertises, de nombreux indices convergeaient pour conclure qu’au moins une incapacité de travail de 40% avait dû exister à partir de 1981, voire avant, même s’il n’était pas possible de l’affirmer « avec une certitude à 100% ». Par décision, l’office AI a rejeté la demande de prestations, les conditions générales d’assurance n’étant pas remplies.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 246/17 – 58/2018 – consultable ici)

Par jugement du 26.02.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Par son argumentation, l’assurée conteste la possibilité de faire établir, par le biais d’une expertise médicale, l’étendue de sa capacité de travail pour une période antérieure à son arrivée en Suisse, cela de manière rétrospective. Cette approche ne se concilie pourtant pas avec l’arrêt du Tribunal fédéral du 05.09.2012 (9C_230/2012), singulièrement avec les considérants 2.1 et 3, selon lesquels le renvoi pour instruction complémentaire avait précisément été ordonné afin de trancher cette question dont dépend l’issue du litige ; la mission de l’expert consistait à s’exprimer sur la situation qui prévalait dans les années quatre-vingt et à dire si l’assurée était à cette époque-là capable ou non de travailler nonobstant son affection psychique (cf. arrêt 9C_262/2015 du 08.01.2016 consid. 6.1).

Il n’est effectivement pas rare dans le domaine de l’assurance-invalidité que l’évaluation médicale de la capacité de travail doive porter sur une période remontant à plusieurs années dans le passé, ce qui suppose une appréciation rétrospective de la situation, à l’aide des données du dossier et de l’examen de la personne concernée.

L’expert a rempli la tâche qui lui était dévolue, apportant des réponses claires et motivées aux questions qui lui étaient posées. Le fait qu’il a mis en évidence la difficulté de répondre aux questions des parties quant à une incapacité de travail remontant à plus de trente ans ne permet pas de qualifier de « pures spéculations » les conclusions du médecin. Celles-ci reposent sur des explications convaincantes en fonction notamment du diagnostic posé et des données anamnestiques.

Le point de savoir si une personne subit une incapacité de travail (au sens de l’art. 28 al. 1 let. b LAI en relation, depuis le 1er janvier 2003, avec l’art. 6 LPGA) constitue une question de fait à laquelle doit répondre l’administration ou le juge, à l’aide des observations médicales recueillies. Les faits y relatifs doivent être établis selon le degré de la vraisemblance prépondérante (sur cette notion, ATF 135 V 39 consid. 6.1), « l’application par analogie de l’art. 16 CC, soit une présomption de capacité » – telle que souhaitée par l’assurée – étant incompatible avec ladite règle de preuve du droit des assurances sociales et ne trouvant, au demeurant, aucune assise normative ou jurisprudentielle.

Pour le surplus, l’expert a retenu une pathologie cyclique et récurrente, ainsi qu’une incapacité de travail totale antérieure de plusieurs années à son arrivée en Suisse. Il a fait état de la première décompensation psychique en 1981 et expliqué de manière convaincante, à la lumière également des deux hospitalisations de 1981 et de 1984 évoquées par l’assurée, les raisons pour lesquelles celle-ci devait être considérée comme « une véritable atteinte combinée sur le plan psychotique comme bipolaire avec une fragilité consécutive » ayant un caractère durable et entraînant une incapacité de travail d’au moins 40% à partir de 1981. L’affirmation de l’assurée selon laquelle sa maladie lui aurait laissé « un long répit » ensuite de la première hospitalisation ne suffit pas à démontrer en quoi la constatation d’une incapacité de travail dès 1981 serait insoutenable et procéderait d’une administration et d’une appréciation des preuves contraires au droit (art. 61 let. c LPGA et 97 al. 1 LTF).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_291/2018 consultable ici

 

 

8C_766/2017+8C_773/2017 (f) du 30.07.2018 – Troubles psychiques et causalité adéquate – Chute d’environ 4 mètres – 6 LAA / Revenu d’invalide fixé selon l’ESS – 18 LAA – 16 LPGA / Abattement – Critère de l’âge – Mono-manuel

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2017+8C_773/2017 (f) du 30.07.2018

 

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Troubles psychiques et causalité adéquate – Chute d’environ 4 mètres / 6 LAA

Critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l’accident – Réception latérale n’est pas forcément plus traumatisante qu’une chute verticale

Revenu d’invalide fixé selon l’ESS / 18 LAA – 16 LPGA

Abattement – Critère de l’âge / Pas mono-manuel la main non dominante conservant une fonction de stabilisation et port de charge de 1 kg maximum

 

Assuré, né en 1965, arrivé en Suisse en 2007, où il a travaillé comme ouvrier dans le bâtiment. Le 15.12.2011, l’assuré a été victime d’un accident professionnelle, glissant et tombant d’environ 4 mètres (du premier étage au rez-de-chaussée). La chute a provoqué une fracture-luxation du coude gauche et une instabilité postéro-externe du coude gauche sur rupture du ligament huméro-ulnaire externe et fracture de la coronoïde.

Par décision du 17.11.2016, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a reconnu le droit de l’assuré à une rente d’invalidité fondée sur un taux d’incapacité de gain de 22% à partir du 01.11.2016, ainsi qu’à une indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI) fondée sur un taux de 12%. Le revenu d’invalide a été fixé sur la base des DPT.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/848/2017 – consultable ici)

En relation avec les troubles psychiques allégués par l’assuré, la juridiction cantonale a refusé la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique, permettant éventuellement d’établir un rapport de causalité naturelle avec l’accident, au motif qu’un lien de causalité adéquate ferait de toute façon défaut (cf. ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140 et 403 consid. 5c/aa p. 409). L’accident a été classé dans la catégorie des accidents de gravité moyenne, stricto sensu ; les juges cantonaux ont qu’un seul des critères, celui de la durée de l’incapacité de travail, entrait en ligne de compte (sans toutefois revêtir une intensité particulière).

Selon l’appréciation de l’instance cantonale, les DPT choisies n’étaient pas toutes compatibles avec les limitations fonctionnelles de l’assuré. Les juges cantonaux ont retenu un taux d’abattement de 20% motif pris qu’en 2016, année d’ouverture du droit à la rente, l’assuré était âgé de 51 ans, qu’outre ses limitations fonctionnelles, sa main gauche ne conservait qu’une fonction accessoire de stabilisation et, enfin, qu’il était détenteur d’un permis B.

Par jugement du 03.10.2017, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant le droit de l’assuré à une rente d’invalidité fondée sur un taux d’incapacité de gain de 25% et à une IPAI d’un taux de 25% également.

 

TF

Troubles psychiques et causalité adéquate

L’examen du critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l’accident se fait sur la base d’une appréciation objective des circonstances de l’espèce. La survenance d’un accident de gravité moyenne présente toujours un certain caractère impressionnant pour la personne qui en est victime, ce qui ne suffit pas en soi à conduire à l’admission de ce critère (arrêts 8C_96/2017 du 24 janvier 2018 consid. 5.1; 8C_1007/2012 du 11 décembre 2013 consid. 5.4.1).

En l’occurrence, la position dans laquelle un assuré chute ou se reçoit au sol pourrait, selon les circonstances, entraîner l’admission du critère invoqué.

En l’espèce, le fait d’être tombé sur le côté (d’environ 4 mètres) ne saurait, objectivement, conférer à l’accident un caractère particulièrement impressionnant ou dramatique. Lorsqu’un assuré glisse et chute, comme c’est le cas en l’espèce, une réception latérale n’est pas forcément plus traumatisante qu’une chute verticale. Pour le surplus, l’assuré n’invoque pas d’autres circonstances qui permettraient de remplir le critère en cause et la solution des premiers juges n’apparaît pas critiquable eu égard à la casuistique développée par le Tribunal fédéral en cas de chute (cf. arrêt 8C_657/2013 du 3 juillet 2014 consid. 5.4 et les arrêts cités).

En ce qui concerne le traitement médical, l’assuré a été hospitalisé du 15.12.2011 au 05.01.2012, a subi trois interventions chirurgicales du coude gauche les 16.12.2011, 23.12.2011 et 31.12.2011, puis une ablation du fixateur externe le 07.02.2012. Le traitement s’est poursuivi principalement sous la forme de séances de physiothérapie et de médication antalgique. En raison d’une raideur post-traumatique et gêne sur matériel d’ostéosynthèse, l’assuré a subi une nouvelle intervention chirurgicale le 19.11.2013 (AMO et arthrolyse du coude), nécessitant une hospitalisation jusqu’au 19.12.2013 en raison d’un épanchement intra-articulaire du coude très important et d’un œdème. Enfin, il a été soumis à une opération de neurolyses des nerfs ulnaire et médian au coude et poignet gauches le 10.02.2015. Par ailleurs, l’assuré a séjourné à la Clinique romande de réadaptation du 22.07.2014 au 28.08.2014 pour une évaluation multidisciplinaire et professionnelle. Les médecins de la clinique ont retenu comme diagnostic principal des thérapies physiques et fonctionnelles pour douleurs et raideur du coude gauche et précisé, en particulier, que les plaintes et limitations fonctionnelles étaient objectivables. Dans ces circonstances, les critères afférents à la durée et l’intensité du traitement médical et aux douleurs physiques persistantes paraissent dès l’abord réalisés.

En revanche, le critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques n’est pas donné. En effet, ce critère ne se mesure pas uniquement au regard de la profession antérieurement exercée par l’assuré. Ainsi, il n’est pas rempli lorsque l’assuré est apte, même après un certain laps de temps, à exercer à plein temps une activité adaptée aux séquelles accidentelles qu’il présente (p. ex. arrêt 8C_208/2016 du 9 mars 2017 consid. 4.1.2).

En fin de compte, seuls deux critères (à savoir la durée anormalement longue du traitement médical et les douleurs physiques persistantes) entrent en considération. Cependant, aucun d’entre eux ne revêt une intensité particulière. Par conséquent, la condition du cumul de trois critères au moins – pour qu’un lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques et un accident de gravité moyenne soit admis (arrêt 8C_96/2017 du 24 janvier 2018 consid. 4.3 in fine et les arrêts cités) – fait défaut.

 

Revenu d’invalide fixé selon l’ESS – Abattement

Selon la jurisprudence, la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation). Une déduction globale maximale de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (cf. ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79 s.). Il n’y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération. Il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d’appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d’invalide, compte tenu de l’ensemble des circonstances du cas concret (ATF 126 V 75 précité consid. 5b/bb p. 80; arrêts 8C_227/2017 du 17 mai 2018 consid. 3.1; 8C_883/2015 du 21 octobre 2016 consid. 6.2.1).

L’étendue de l’abattement (justifié dans un cas concret) constitue une question typique relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou a abusé (« Ermessensmissbrauch ») de celui-ci (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72 s. et l’arrêt cité), notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n’usant pas de critères objectifs (cf. ATF 135 III 179 consid. 2.1 p. 181; 130 III 176 consid. 1.2 p. 180).

Contrairement au pouvoir d’examen du Tribunal fédéral, celui de l’autorité judiciaire de première instance n’est en revanche pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité, dans un cas concret, a adoptée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. A cet égard, le juge des assurances sociales ne peut, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration; il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 précité consid. 5.2 p. 73 et l’arrêt cité).

C’est en vain que l’assurance-accidents reproche à la cour cantonale de s’être écartée du taux reconnu par elle dans sa détermination en procédure cantonale. En effet, c’est sous l’angle de l’opportunité de la décision administrative que le juge des assurances sociales ne peut substituer sa propre appréciation à celle de l’administration sans motif pertinent. Or, l’assurance-accidents ne s’est pas prononcée sur l’étendue de l’abattement dans sa décision sur opposition dès lors qu’elle avait fixé le revenu d’invalide sur la base de descriptions de postes de travail (DPT). Pour le surplus, la CNA ne conteste pas l’appréciation des premiers juges, selon laquelle les DPT choisies n’étaient pas toutes compatibles avec les limitations fonctionnelles de l’assuré, et sur le principe en tout cas, le changement de méthode d’évaluation n’est pas critiquable (cf. arrêt 8C_199/2017 du 6 février 2018 consid. 5.2). En conclusion, l’étendue de l’abattement a été déterminée pour la première fois dans le jugement entrepris, de sorte que la cour cantonale pouvait s’écarter librement du taux admis par la CNA dans sa réponse au recours.

Bien que l’âge soit inclus dans le cercle des critères déductibles depuis la jurisprudence de l’ATF 126 V 75 – laquelle continue de s’appliquer (cf. arrêt 9C_470/2017 du 29 juin 2018 consid. 4.2) – il ne suffit pas de constater qu’un assuré a dépassé la cinquantaine au moment déterminant du droit à la rente pour que cette circonstance justifie de procéder à un abattement. Encore récemment, le Tribunal fédéral a rappelé que l’effet de l’âge combiné avec un handicap doit faire l’objet d’un examen dans le cas concret, les possibles effets pénalisants au niveau salarial induits par cette constellation aux yeux d’un potentiel employeur pouvant être compensés par d’autres éléments personnels ou professionnels tels que la formation et l’expérience professionnelle de l’assuré concerné (arrêt 8C_227/2017 précité consid. 5).

En l’espèce, la cour cantonale n’a pas examiné en quoi les perspectives salariales de l’assuré seraient concrètement réduites sur le marché du travail équilibré à raison de son âge, compte tenu des circonstances du cas particulier. Une telle façon de faire, en particulier lorsque l’âge en cause (51 ans) est relativement éloigné de celui de la retraite, n’est pas conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral. En outre, pour fixer le revenu d’invalide, la juridiction cantonale s’est fondée sur le revenu auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activités simples et répétitives dans le secteur privé pour un niveau de qualification 1 selon l’ESS 2014. Cette valeur statistique s’applique à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu’elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers (voir parmi d’autres, arrêt 9C_633/2017 du 29 décembre 2017 consid. 4.3 et les arrêts cités). Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu’ils seraient en mesure de réaliser en tant qu’invalides dès lors qu’il recouvre un large éventail d’activités variées et non qualifiées, ne requérant pas d’expérience professionnelle spécifique, ni de formation particulière, si ce n’est une phase initiale d’adaptation et d’apprentissage (p. ex. arrêt 8C_227/2018 du 14 juin 2018 consid. 4.2.3.3). Partant, il n’apparaît pas d’emblée que l’âge de l’assuré, son permis B ou encore son manque d’expérience dans une nouvelle profession, soient susceptibles, au regard de la nature des activités encore exigibles, de réduire ses perspectives salariales.

Enfin, contrairement à ce que soutient l’assuré, il n’est pas dans la situation d’un mono-manuel, dès lors que sa main gauche (non dominante) conserve une fonction de stabilisation et permet occasionnellement un port de charge de 1 kg maximum.

Compte tenu de ce qui précède, il convient de réduire l’abattement admis par la cour cantonale. En l’occurrence, une déduction globale de 15% tient suffisamment compte des circonstances pertinentes du cas d’espèce. Cela étant, en procédant à un abattement de 15% sur le revenu d’invalide constaté par les premiers juges (67’021 fr.), on obtient un revenu de 56’967 fr. 75. Comparé au revenu sans invalidité de 71’155 fr., le taux d’invalidité de l’assuré s’élève à 20% (19,93%). Même si ce taux est inférieur au degré d’invalidité de 22% reconnu par l’assurance-accidents, ce dernier doit être confirmé (art. 107 al. 1 LTF).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré, admet le recours de l’assurance-accidents et reconnaît le droit de l’assuré à une rente d’invalidité de 22%.

 

 

Arrêt 8C_766/2017+8C_773/2017 consultable ici

 

 

LAMal : Pour un maintien de la délimitation actuelle des régions de primes

LAMal : Pour un maintien de la délimitation actuelle des régions de primes

 

Communiqué de presse du Parlement du 22.08.2018 consultable ici

 

La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats (CSSS-E) a consacré plusieurs séances à la question des régions de primes dans l’assurance-maladie. Plutôt que d’approuver la motion 16.4083 Germann Régions de primes de l’assurance-maladie. Ne pas changer une formule qui a fait ses preuves, dont l’objectif rejoint celui que vise la commission, cette dernière a décidé, par 7 voix contre 1 et 3 abstentions, de déposer une motion (18.3713) qui prévoit d’adapter les bases légales existantes de sorte que la délimitation actuelle des régions de primes au niveau des communes puisse être maintenue. Des hausses de primes difficilement compréhensibles devraient ainsi pouvoir être évitées.

 

Motion CSSS-E 18.3713 « Maintenir des régions de primes dans leur état actuel » consultable ici

Texte déposé

Le Conseil fédéral est chargé de modifier les bases légales pertinentes (Loi fédérale sur l’assurance-maladie, LAMal) de manière à ce que les régions de primes soient maintenues dans leur état actuel. En outre, il édicte des règles permettant de déterminer à quelle région doit être attribuée une commune née d’une fusion.

 

Développement

L’article 61, alinéa 2bis de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal), entré en vigueur le 1er janvier 2016, prescrit que les régions de primes et les différences maximales de primes sont définies selon des critères uniformes sur la base des différences de coûts entre les régions. Les régions de primes actuelles ne répondent pas à ces exigences. Le projet d’ordonnance que le DFI a mis en consultation s’est heurté à une forte opposition, notamment parce que, contrairement à la délimitation des régions actuelle, il ne se base pas sur le critère de la commune. Un grand nombre de participants à la consultation souhaite que les régions de primes actuelles soient conservées telles quelles.

Le Conseil fédéral est chargé d’adapter les bases légales existantes afin que la délimitation actuelle des régions de primes puisse être maintenue: les cantons comptant plusieurs régions de primes doivent conserver le même nombre de régions et la délimitation géographique de celles-ci doit rester à peu près la même que celle qui est en vigueur.

En cas de fusion de plusieurs communes appartenant à des régions différentes, il faut déterminer à quelle région de primes la nouvelle commune issue de la fusion doit être attribuée. Actuellement, la décision relève de la compétence des cantons. Or, il leur est parfois difficile de trancher; c’est pourquoi, il serait judicieux d’édicter des règles générales en la matière.

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 22.08.2018 consultable ici

Motion 18.3713 « Maintenir des régions de primes dans leur état actuel » consultable ici

 

 

Motion Page 18.3532 « Révision partielle de la législation fédérale relative à l’octroi des indemnités de chômage » – Avis du Conseil fédéral

Motion Page 18.3532 « Révision partielle de la législation fédérale relative à l’octroi des indemnités de chômage » – Avis du Conseil fédéral

 

Consultable ici

 

Texte déposé

Le Conseil fédéral est chargé de modifier la législation fédérale de manière à ce que l’octroi d’une indemnité de chômage soit subordonné à l’obligation, pour tout chômeur/-euse, d’effectuer un temps de travail d’intérêt général au profit de la communauté. La loi fixera le principe, laissant aux ordonnances d’application le soin de régler les détails (catégories de travail d’intérêt général, fréquence de cette occupation, assurance-accidents, sanctions en cas de non-respect, etc.).

 

Développement

Tomber au chômage est une épreuve, pour l’intéressé/-e comme pour son entourage. Rapidement, la personne en recherche d’emploi perd le contact avec la vie quotidienne, avec le rythme de travail, avec le monde de l’emploi. Cette personne se marginalise et pourrait avoir tendance à se complaire dans cette situation. Ce d’autant qu’aujourd’hui, dans notre pays, le système des indemnités en cas de chômage puis, si besoin, l’aide sociale, sont performants: à défaut d’être une panacée, ces appuis apportent un réconfort financier non négligeable.

Il est dès lors important et nécessaire de ne pas exclure toutes ces personnes de notre société mais, au contraire, de tout entreprendre pour les garder intégrées, voire leur réapprendre l’intégration. Dès lors, l’obligation pour elles d’accomplir régulièrement un travail d’intérêt général au service de la communauté peut contribuer à ce maintien, voire à cette réintégration. Une démarche qui aurait, en plus, l’avantage de conserver les liens sociaux entre les chômeurs et la communauté et de leur éviter toute marginalisation croissante, dommageable à eux-mêmes comme à la société.

 

Avis du Conseil fédéral du 15.08.2018

L’assurance-chômage (AC) vise à garantir aux personnes assurées une compensation convenable du manque à gagner causé par leur chômage. En outre, elle permet également de prévenir le chômage imminent, de combattre le chômage existant et de favoriser l’intégration rapide et durable des assurés dans le marché du travail.

Un chômeur ne peut percevoir une compensation financière sans fournir d’efforts considérables. En effet, il doit entreprendre tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l’abréger (art. 17, al, 1 LACI). Par conséquent, pour bénéficier des indemnités journalières de l’AC, l’assuré a un certain nombre d’obligations non négligeables à respecter, dont:

– rechercher et accepter tout travail convenable lui permettant de sortir du chômage ou de réduire le dommage résultant de ce dernier;

– apporter la preuve de ses recherches d’emploi en nombre et en qualité suffisantes;

– participer activement à des entretiens de contrôle et de conseil;

– accepter toute mesure du marché du travail, par exemple un cours ou un programme d’occupation. En effet, un certain nombre de mesures prévues par l’AC visent à soutenir la réintégration rapide et durable de l’assuré sur le marché travail en améliorant concrètement son aptitude au placement. De plus, elles ont pour avantage de permettre à l’assuré de maintenir un rythme de travail et de rester très actif. Par ce biais, ces personnes restent intégrées au monde du travail.

Une violation de ces obligations ne demeure pas sans conséquence financière. L’assuré sera sanctionné dans son droit à l’indemnité. Cette suspension peut aller jusqu’à 60 jours. Par ailleurs, il peut même être privé de son droit à l’assurance-chômage en cas de récidives de non-respect des obligations précitées.

Il convient de préciser que les chômeurs ont également la possibilité avec l’autorisation de l’autorité cantonale compétente d’effectuer des activités bénévoles pour une courte durée sans que leur droit à l’indemnité de chômage ne soit compromis.

La loi prévoit également le droit d’exercer une activité lucrative salariée, parfois indépendante, tout en restant inscrit à l’assurance-chômage. Il s’agira là d’un gain intermédiaire (GI). En effet, l’assuré aura droit à un versement compensatoire si le revenu de son activité intermédiaire est inférieur à son indemnité de chômage. Le GI est également un devoir en raison de l’obligation de diminuer le dommage créé au fonds de l’assurance-chômage. L’accomplissement d’un GI représente enfin un grand avantage pour l’assuré, car outre le fait de conserver un lien avec le monde du travail, cette activité améliore ses possibilités de retrouver un emploi par une nouvelle expérience professionnelle et lui permet de cotiser aux assurances sociales.

Il convient de relever qu’en 2017, 74% des personnes bénéficiaires d’indemnités de chômage ont participé à des mesures du marché du travail ou étaient en GI. Par conséquent, le risque que les personnes touchant les prestations de l’assurance-chômage soient marginalisées ou qu’elles se déconnectent de la réalité du monde du travail est très faible.

Au vu de ce qui précède, la loi sur l’assurance-chômage permet largement d’atteindre le but recherché par la motion qui est d’assurer aux chômeurs un rythme de vie régulier et maintenir un contact avec le monde du travail. Une obligation d’accomplir régulièrement un travail d’intérêt général serait contreproductif au vu du but de l’assurance-chômage qui vise la réinsertion rapide et durable.

 

Proposition du Conseil fédéral du 15.08.2018

Le Conseil fédéral propose de rejeter la motion.

 

 

Motion Page 18.3532 « Révision partielle de la législation fédérale relative à l’octroi des indemnités de chômage » consultable ici

 

 

9C_232/2018 (f) du 08.06.2018 – Garanties de procédure judiciaire – Composition irrégulière du tribunal – 30 al. 1 Cst. / Composition du Tribunal arbitral – 89 LAMal – 42 LaLAMal/GE

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_232/2018 (f) du 08.06.2018

 

Consultable ici

 

Garanties de procédure judiciaire – Composition irrégulière du tribunal / 30 al. 1 Cst.

Composition du Tribunal arbitral / 89 LAMal – 42 LaLAMal/GE

 

Par arrêt du 12.12.2017 (9C_778/2016), le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours en matière de droit public formé par A.__ contre le jugement du Tribunal arbitral des assurances de la République et canton de Genève (ci-après: le Tribunal arbitral) du 16.09.2016. Il a réformé le jugement en ce sens que A.__, en sa qualité de prestataire de soins, était condamnée à restituer, pour l’année 2013, la somme de 96’930 fr. à différentes caisses-maladie. Il a en outre renvoyé la cause à l’autorité précédente pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/88/2018 – consultable ici)

Statuant le 06.02.2018, la Présidente suppléante du Tribunal arbitral a mis les frais du Tribunal et l’émolument à la charge, d’une part, de A.__ à hauteur de 5’736 fr. 80 et, d’autre part, à la charge des caisses-maladie, prises conjointement et solidairement, à hauteur de 12’210 fr. 45; elle a par ailleurs compensé les dépens.

 

TF

Selon l’art. 30 al. 1 Cst., toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce qu’elle soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Autrement dit, cette disposition confère au justiciable le droit de voir les litiges auxquels il est partie soumis à un tribunal régulièrement constitué d’après une organisation judiciaire et une procédure déterminées par un texte légal (ATF 131 I 31 consid. 2.1.2.1 p. 34; 129 V 335 consid. 1.3.1 p. 338 et les références).

Dans le domaine de l’assurance-maladie, l’art. 89 al. 1 et 4 première et deuxième phrases LAMal, prévoit que le Tribunal arbitral, compétent pour les litiges entre assureurs et fournisseurs de prestations et désigné par les cantons, se compose d’un président neutre et de représentants en nombre égal des assureurs d’une part, et des fournisseurs de prestations concernés, d’autre part. Selon la jurisprudence, la composition paritaire du Tribunal arbitral sous la présidence d’un membre neutre, prévue à l’art. 89 al. 4 LAMal, est une caractéristique essentielle de la procédure devant le Tribunal arbitral et doit être suivie par les cantons (art. 49 al. 1 Cst.). Le caractère paritaire doit être respecté par le tribunal arbitral pour toutes les décisions d’ordre matériel, y compris lorsqu’il examine l’entrée en matière sur une demande, statue sur celle-ci et la déclare irrecevable à défaut de compétence en raison de la matière; une décision rendue par un juge unique peut tout au plus être envisagée en cas de retrait de recours ou de transaction (arrêt [du Tribunal fédéral des assurances] K 139/04 du 29 mars 2006 consid. 3.3.1 non publié in ATF 132 V 303; arrêt 9C_149/2007 du 4 juin 2007 consid. 2.2.2).

L’art. 42 LaLAMal (loi [de la République et canton de Genève] du 29 mai 1997 d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie [LaLAMal; RSG J 3 05]) sur la composition du Tribunal arbitral, prévoit qu’il siège à trois juges, y compris le président; le droit cantonal ne prévoit aucune exception (cf. art. 39 à 46 LaLAMal).

La décision entreprise a été rendue par un juge unique. Comme l’admet du reste le Tribunal arbitral, elle a été prononcée dans une composition irrégulière. En effet, l’art. 42 LaLAMal prévoit que le Tribunal arbitral statue dans une composition à trois juges, ce qui est conforme au nombre minimum prévu par l’art. 89 al. 4 LAMal. Le droit cantonal ne prévoit par ailleurs aucune exception quant à une composition inférieure à trois juges. De plus, le jugement attaqué porte sur les frais et dépens et a été prononcé accessoirement à la décision sur le fond; il ne s’agit donc pas d’une décision purement formelle au sens de la jurisprudence rappelée ci-avant. Partant, le Tribunal arbitral aurait dû statuer dans une composition à trois juges. Le grief est dès lors bien fondé.

 

Compte tenu des circonstances, il n’est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 1 deuxième phrase LTF). Le canton de Genève versera à A.__ une indemnité de dépens (art. 66 al. 3 en relation avec l’art. 68 al. 4 LTF). Les intimées, qui s’en sont remis à justice dans une brève écriture, n’ont pas droit à des dépens.

 

Le TF admet le recours de A.__, annule le jugement du Tribunal arbitral des assurances de la République et canton de Genève et renvoie la cause à cette autorité pour nouvelle décision au sens des considérants.

 

 

Arrêt 9C_232/2018 consultable ici

 

 

Congé parental – la Suisse est lanterne rouge en Europe

Congé parental – la Suisse est lanterne rouge en Europe

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 20.08.2018 consultable ici

 

Une analyse mandatée par la Commission fédérale de coordination pour les questions familiales (COFF) montre qu’un congé parental a des répercussions positives sur la santé de la mère et de l’enfant, sur l’égalité entre hommes et femmes mais aussi sur l’économie. Les résultats de l’analyse confortent la commission dans son engagement de longue date en faveur de l’introduction d’un congé parental en Suisse.

 

La Commission fédérale de coordination pour les questions familiales (COFF) a chargé un bureau d’études d’analyser la littérature publiée entre 2010 et 2017 sur les effets du congé parental ainsi que des congés maternité et paternité et d’établir une comparaison entre différents pays de l’OCDE. Selon les résultats de l’analyse publiée ce jour, le congé parental se révèle être profitable non seulement aux parents et à l’enfant, mais également à la société et à l’économie. Aucun des pays qui a introduit un congé parental n’y a par la suite renoncé.

Lanterne rouge dans le soutien aux jeunes parents, la Suisse ne connaît pas de congé parental légal et rémunéré. La COFF est convaincue que l’introduction d’un congé parental à partager entre les deux parents produirait des effets positifs sur les familles et la société. Elle a réexaminé à la lumière de la littérature récente le modèle de congé parental qu’elle avait publié en 2010. Elle constate avec satisfaction que le modèle de 38 semaines proposé demeure approprié. Parce qu’elle entend promouvoir l’engagement des pères dans les tâches parentales et domestiques et renforcer l’égalité entre les sexes, la COFF a toutefois précisé sa position quant à la répartition du congé parental entre les pères et mères. Elle recommande désormais 8 semaines de congé au profit des pères, ce qui correspond de surcroît à une durée profitable à la relation père-enfant sur le long terme.

Loin de n’affecter que les familles, le manque de soutien aux familles provoque en Suisse des désavantages économiques, parmi lesquels le manque de personnel qualifié et la perte de recettes fiscales. Le congé parental permet d’augmenter le taux d’emploi des femmes et pourrait ainsi contribuer à compenser la pénurie de personnel qualifié et permettre aux nombreuses mères qui souhaitent travailler plus de le faire. Les coûts du modèle de la COFF sont estimés, selon une étude de 2010, entre 1 et 1,5 milliard de francs. Or une augmentation de 1 % du taux d’emploi des femmes permettrait déjà, avec les recettes fiscales engendrées, de couvrir les coûts d’un congé parental entièrement rémunéré de 18-20 semaines.

 

Questions de société et politique familiale

La COFF est une commission extraparlementaire consultative qui s’engage pour des conditions-cadres favorables aux familles. En tant que commission spécialisée, elle joue un rôle important dans le traitement politique des questions de société et veille à fournir aux autorités fédérales des connaissances spécifiques sur la politique familiale. Elle est composée de quinze membres issus d’organisations actives dans le domaine de la politique familiale, d’instituts de recherche travaillant sur le thème de la famille, ainsi que de spécialistes dans les domaines du social, du droit et de la santé.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 20.08.2018 consultable ici

« Congé parental : un bon investissement – Arguments et recommandations élaborés sur la base d’études récentes », édité par la COFF, consultable ici

« Connaissances scientifiquement fondées sur les effets du congé parental, du congé maternité et du congé paternité – Revue de la littérature », édité par la COFF, consultable ici

Site internet de la Commission fédérale de coordination pour les questions familiales (COFF) : https://www.ekff.admin.ch/fr/

 

 

6B_390/2018 (f) du 25.07.2018 – Lésions corporelles graves par négligence – 125 al. 1 CP / Lésion de la verge de type amputation du gland survenue au cours d’une circoncision – Imprévoyance coupable niée – 12 al. 3 CP / Lien de causalité naturelle et adéquat entre les actes post amputation et les lésions

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_390/2018 (f) du 25.07.2018

 

Consultable ici

 

Lésions corporelles graves par négligence / 125 al. 1 CP

Lésion de la verge de type amputation du gland survenue au cours d’une circoncision – Imprévoyance coupable niée / 12 al. 3 CP

Lien de causalité naturelle et adéquat entre les actes post amputation et les lésions

 

Faits

Le 24.02.2014, X.___ et son fils C.___ ont rencontré A.___, spécialiste FMH en urologie exerçant en qualité de médecin indépendant à la Permanence D.___ (ci-après: la Permanence), lors d’un rendez-vous d’information au sujet d’une circoncision rituelle.

Le 31.07.2014, vers 20h00, A.___ et une infirmière au sein de la Permanence ont reçu X.___ et son fils en vue de procéder à l’opération de circoncision prévue sur ce dernier, alors âgé de quatre ans. Ils leur ont rappelé les étapes de l’opération et le fait qu’il était préférable que X.___ maintienne son garçon des deux mains, reste assis près de lui pour le rassurer et s’abstienne de prendre des photos lors de l’incision, l’enfant n’étant que localement anesthésié. Ce nonobstant, X.___ a pris de nombreux selfies avec son fils et immortalisé la plupart des étapes de la circoncision, sur lesquels l’enfant apparaît toujours calme et immobile. Au moment précis où, tenant le bistouri de la main droite, A.___ a initié le geste chirurgical, qui n’a duré qu’une ou deux secondes, l’enfant a bougé son bassin, de sorte que le gland a échappé à la prise gauche du médecin, qui l’a lâché, le coupant complètement de la main droite. Le gland et le prépuce sectionnés sont restés attachés à la pince Kocher utilisée par le médecin pour tenir le prépuce.

L’urologue a immédiatement entrepris une chirurgie reconstructive. Il a effectué une anastomose circonférentielle de l’urètre aux quatre points cardinaux, avant de procéder à la suture du gland lui-même. Ne disposant pas de sonde urinaire Foley de taille adaptée, la Permanence étant en rupture de stock, A.___ l’a remplacée par un fin tuyau Butterfly, qu’il a temporairement inséré dans l’extrémité du pénis pour servir de tuteur lors de la reconstruction. Après avoir suturé, il a expliqué au père qu’une complication était survenue et qu’il fallait transporter l’enfant à l’Hôpital, afin de poser la sonde servant à drainer l’urine, ce que X.___ n’a pas voulu, préférant attendre l’arrivée de son épouse. Dans l’intervalle, l’urologue a pratiqué une autre circoncision pendant 30 minutes dans la salle attenante. La mère de l’enfant n’arrivant pas, l’urologue s’est rendu aux urgences pédiatriques de l’Hôpital afin d’obtenir la sonde adéquate, en vain, la recommandation lui ayant été faite de venir avec l’enfant. Ce matériel n’étant pas disponible à la pharmacie, l’urologue est retourné à la Permanence vers 22h00 et a finalement convaincu X.___ de se rendre à l’Hôpital, où l’enfant a été hospitalisé le 01.08.2014 peu après minuit.

L’enfant est resté hospitalisé du 01.08.2014 au 27.08.2014. Selon l’avis et la lettre de sortie de l’Hôpital, des points de suture séparés sur tout le périmètre de ce qui semblait être la base du gland étaient observés au status d’entrée. Le diagnostic principal était une lésion de la verge de type amputation du gland avec suture directe survenue au cours d’une circoncision. Le patient avait présenté des complications, soit une fistule urétrale au niveau du sillon balanopréputial, face ventrale de la verge, ligne médiane, ainsi qu’une suspicion de sténose du méat avec jet urinaire bifide, voire trifide. C.___ avait subi quatre interventions. Au status de sortie, les médecins notaient une verge avec une impression de saut de calibre au niveau de l’ancien sillon balanopréputial, avec un gland réépithélialisé, rosé, comportant quelques traces de fibrine. La plaie circonférentielle des sutures ne suintait pas. Le méat à l’apex était difficilement visualisable, compte tenu de la présence de deux orifices millimétriques donnant l’impression d’une sténose secondaire du méat. La fistule n’était pas visible en dehors des mictions.

S’agissant du suivi postopératoire, les médecins ont confirmé, à l’automne 2014, que l’évolution de la cicatrisation était satisfaisante. A l’examen clinique, le gland était parfaitement coloré, mais il existait une fistule punctiforme. Par ailleurs, l’enfant présentait un rythme mictionnel de type pollakiurie (une quinzaine de mictions par jour) et avait du mal à uriner debout.

Environ 16 mois après l’amputation, l’évolution était stable. La vascularisation du gland était satisfaisante. Le déficit volumique du membre sur le côté latéral droit n’évoluerait certainement plus. La fistule située au niveau du sillon balanopréputial persistait. L’enfant avait pris des habitudes mictionnelles favorables.

L’enfant a été hospitalisé du 28.10.2016 au 03.11.2016 à la suite d’une intervention chirurgicale visant à fermer la fistule urétro-cutanée post amputation du gland. D’un point de vue urologique, l’évolution était favorable, dès lorsqu’il n’y avait plus de fistule et que l’enfant avait un bon jet urinaire, ce qui signifiait qu’il n’y avait pas de sténose. Il n’était pas encore possible de quantifier précisément une éventuelle perte de sensibilité du gland. S’agissant de la forme générale de son pénis, il y avait une petite perte de substance latérale du gland qui donnait une forme un peu « carré-bossue » à celui-ci, mais l’aspect était globalement satisfaisant et le problème était relativement discret. Quant à l’évolution future des lésions physiologiques, la réapparition de fistules était possible, le risque de récidive étant usuellement de 5 à 10%, voire moins. Le problème de sténose devrait être suivi tout au long de la croissance et de la puberté car, le tissu cicatriciel n’étant pas de même nature, il y avait un risque de resserrement.

Par ailleurs, l’enfant a fait l’objet d’un suivi psychologique. L’évolution psychologique de l’enfant était positive, dans la mesure où la thérapeute avait pu distinguer une diminution de la symptomatologie, soit des troubles du sommeil et du comportement, ainsi que de l’anxiété. La poursuite du suivi était nécessaire car la santé psychologique de C.___ restait fragile et la symptomatologie réapparaissait ponctuellement.

 

Procédures cantonales

Par jugement du 13.04.2017 (JTDP/401/2017), le Tribunal de police du canton de Genève a acquitté l’urologue du chef de lésions corporelles graves par négligence et a débouté X.___ de ses conclusions civiles.

Par arrêt du 26.02.2018 (AARP/58/2018), la Chambre pénale d’appel et de révision a rejeté l’appel de X.___ contre ce jugement.

 

TF

Lien de causalité naturelle et adéquat entre les actes post amputation et les lésions

L’infraction de lésions corporelles par négligence, sanctionnée par l’art. 125 CP, suppose la réalisation de trois conditions: une négligence, une atteinte à l’intégrité physique et un lien de causalité naturelle et adéquate entre ces deux éléments. Les interventions médicales réalisent les éléments constitutifs objectifs d’une lésion corporelle en tout cas si elles touchent à une partie du corps (par exemple lors d’une amputation) ou si elles lèsent ou diminuent, de manière non négligeable et au moins temporairement, les aptitudes ou le bien-être physiques du patient. Cela vaut même si ces interventions étaient médicalement indiquées et ont été pratiquées dans les règles de l’art (ATF 124 IV 258 consid. 2 p. 260 s.).

Toute atteinte à l’intégrité corporelle, même causée par une intervention chirurgicale, est ainsi illicite à moins qu’il n’existe un fait justificatif. Dans le domaine médical, la justification de l’atteinte ne peut en principe venir que du consentement du patient, exprès ou que l’on peut présumer (ATF 124 IV 258 consid. 2 p. 260). L’exigence de ce consentement découle ainsi du droit à la liberté personnelle et à l’intégrité corporelle. Il suppose, d’une part, que le patient ait reçu du médecin, en termes clairs, intelligibles et aussi complets que possible, une information sur le diagnostic, la thérapie, le pronostic, les alternatives au traitement proposé, les risques de l’opération, les chances de guérison, éventuellement sur l’évolution spontanée de la maladie et les questions financières, notamment relatives à l’assurance (ATF 133 III 121 consid. 4.1.2 p. 129). Il faut, d’autre part, que la capacité de discernement du patient lui permette de se déterminer sur la base des informations reçues (ATF 134 II 235 consid. 4.1 p. 237).

En procédure pénale, il incombe à l’accusation de prouver une violation du devoir d’information du médecin. Le fardeau de la preuve du consentement éclairé du patient, en tant qu’il constitue un fait objectif justificatif, incombe au prévenu, qui y satisfait déjà en rendant vraisemblables ses allégations (arrêt 6B_910/2013 du 20 janvier 2014 consid. 3.3 et les arrêts cités).

La cour cantonale a distingué la circoncision du prépuce de la prise en charge subséquente. Elle a retenu que les atteintes subies par C.___ (amputation du gland, fistule, risque de sténose, hospitalisation et soins nécessités pour la santé physique et psychique de l’enfant) ne résultaient pas des actes du médecin pratiqués post amputation, mais de la circoncision qui ne s’était pas déroulée comme prévu. Dans la mesure où le lien de causalité naturelle et adéquat entre les actes du médecin pratiqués post amputation et les atteintes à la santé du patient faisait défaut, la question de savoir si le recourant avait donné son accord à l’anastomose, ou, en l’absence d’un tel consentement, s’il aurait accepté l’opération en ayant été dûment informé, pouvait souffrir de rester indécise. Il n’était pas davantage nécessaire de déterminer si ces divers actes étaient constitutifs d’imprévoyances coupables.

C’est en se fondant sur une appréciation des moyens de preuve dénuée d’arbitraire que la cour cantonale a conclu à l’absence de lien de causalité naturelle entre les lésions de l’enfant et les actes du médecin pratiqués post amputation. Etant établi que seule la circoncision est en lien de causalité avec les atteintes subies, c’est à raison que la cour cantonale a considéré que la question de savoir s’il existait un fait justificatif n’était pertinente qu’en ce qui concernait cette seule intervention. A cet égard, l’intervention de circoncision a fait l’objet d’un consentement éclairé. Il s’ensuit, d’une part, que l’acte qui a atteint l’intégrité physique et psychique de C.___ repose bien sur un fait justificatif ; d’autre part, qu’il est sans objet de savoir si X.___ a consenti à l’anastomose pratiquée par A.___ sur son fils, ou encore de déterminer si les gestes post ablation relèvent d’une imprévoyance coupable, puisqu’ils n’ont pas causé l’atteinte à l’intégrité corporelle.

 

 

Imprévoyance coupable lors de la circoncision

Selon l’art. 12 al. 3 CP, agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L’imprévoyance est coupable quand l’auteur n’a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle. Un comportement viole le devoir de prudence lorsque l’auteur, au moment des faits, aurait pu et dû, au vu des circonstances, de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte qu’il mettait en danger des biens juridiquement protégés de la victime et qu’il excédait les limites du risque admissible (ATF 143 IV 138 consid. 2.1 p. 140; 135 IV 56 consid. 2.1 p. 64 et les références citées).

La cour cantonale a constaté que X.___ avait pris beaucoup de photographies et qu’il semblait que ce soit le geste de son bras, à l’évidence pour prendre un cliché, qui avait causé le mouvement de bassin de son fils. Cela étant, A.___ avait d’emblée déclaré que s’il permettait aux parents de photographier l’avant et l’après d’une circoncision rituelle, il leur interdisait expressément de le faire durant la phase délicate de l’incision, ce qu’il avait clairement expliqué au père, qui l’avait bien compris. Dans la mesure où l’attention du père avait été spécifiquement attirée sur la nécessaire immobilité du patient durant l’excision, à réitérées reprises par l’urologue et son assistante, l’anesthésie n’étant que locale, il n’apparaissait pas que le médecin avait violé les règles de la prudence en décidant de pratiquer son acte nonobstant l’excitation du père, étant rappelé qu’il s’agissait d’un acte hautement symbolique aux yeux de ce dernier. Aussi, le bon sens pouvait raisonnablement suffire à donner au médecin l’assurance que l’intéressé allait se plier à ses instructions, dans l’intérêt de son fils, et cesser, ne fût-ce que l’espace d’une seconde, de prendre des clichés. La cour cantonale d’en conclure que l’amputation du gland était le résultat fortuit – bien qu’hautement regrettable – d’une conjonction de facteurs, qui ne pouvait être mise en relation avec aucune violation des règles de l’art ou d’un devoir de prudence du médecin.

Le père fait valoir que le médecin aurait dû stopper l’intervention dès lors qu’il voyait qu’il continuait de prendre des photos et que la sécurité de l’opération était dès lors compromise. Il ne conteste cependant pas que l’urologue et son assistante lui avaient demandé à plusieurs reprises de ne pas prendre de photos lors de l’incision, et qu’il avait bien compris ces consignes. Dans ces circonstances, la cour cantonale pouvait retenir que le risque que l’enfant bouge au moment de l’incision était imprévisible pour l’urologue, qui ne pouvait pas s’attendre à ce que le père prenne une photo au moment même de l’incision. La cour cantonale n’a dès lors pas violé le droit fédéral en excluant une imprévoyance coupable.

Dans la mesure où les griefs soulevés à l’encontre de l’acquittement de l’intimé sont rejetés, les prétentions civiles du recourant doivent également être écartées. Le recourant ne saurait en particulier y voir un déni de justice de la cour cantonale.

 

Le TF rejette les griefs soulevés par X.___ à l’encontre de l’acquittement de l’urologue et écarte les prétentions civiles de X.___.

 

 

Arrêt 6B_390/2018 consultable ici