8C_591/2015 (f) du 19.01.2016 – Atteinte intentionnelle – 4 LPGA – 37 al. 1 LAA – 48 OLAA / Arme à feu – blessure par balle dans le ventre

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_591/2015 (f) du 19.01.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1QNcrJn

 

Atteinte intentionnelle / 4 LPGA – 37 al. 1 LAA – 48 OLAA

Arme à feu – blessure par balle dans le ventre

 

Le 17.01.2013, un assuré a été victime d’une blessure par balle, laquelle a entraîné des lésions abdominales nécessitant plusieurs interventions chirurgicales. Lors de l’audition du 04.04.2013 par la police, l’assuré s’est ainsi exprimé : « Ce soir-là, je me trouvais en compagnie de mon amie B.__. Elle était passée à la maison pour que l’on parle de notre avenir ensemble. Avant son arrivée, j’avais pris des antidépresseurs et consommé de l’alcool. J’ai pris ce rendez-vous comme une possible rupture entre nous. Ayant déjà passablement eu de problèmes ces dernières années, que ce soit dans la famille ou au travail, j’ai craqué et je suis allé chercher mon arme de service dans ma chambre à coucher, sous une pile de linges. Je suis revenu au salon et je me suis accroupi pour me tirer une balle dans le ventre. » L’assuré a également déclaré avoir tiré après s’être accroupi du côté lac, en direction du poêle, avoir agi seul et ne pas savoir où se trouvait son amie au moment des faits. L’assuré a indiqué au procureur, par lettre du 08.05.2013, qu’il prenait acte de l’exclusion de toute intervention d’un tiers, qu’il n’avait nullement eu l’intention de mettre fin à ses jours et que son acte résultait de la prise, par inadvertance, d’antidépresseurs et d’alcool. S’il avait parlé de tentative de suicide lors de son audition par la police, c’était pour éviter de mettre en cause son amie.

Lors d’une rencontre avec un inspecteur de l’assureur-accidents le 30.07.2013, l’assuré a déclaré ne plus se souvenir des faits car il était ce jour-là sous l’emprise de l’alcool et d’antidépresseurs  » Xanax « , sans toutefois pouvoir donner d’indications sur la quantité des substances absorbées. Il a répété n’avoir eu à aucun moment l’intention de mettre fin à ses jours et a indiqué avoir suivi un traitement à base d’antidépresseurs en 2011.

Par décision, confirmé sur opposition, l’assureur-accidents a nié le droit de l’assuré à des prestations d’assurance, au motif qu’il avait provoqué intentionnellement l’atteinte à sa santé.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 23.07.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Si l’assuré a provoqué intentionnellement l’atteinte à la santé ou le décès, aucune prestation d’assurance n’est allouée, sauf l’indemnité pour frais funéraires (art. 37 al. 1 LAA). Selon la jurisprudence, lorsqu’il n’est pas sûr que la mort de l’assuré ait été provoquée par un accident ou un suicide, il y a lieu de présumer que le défunt ne s’est pas suicidé. Cette présomption, selon laquelle en cas de doute, la mort est due à un acte involontaire et donc à un accident, est fondée sur l’instinct de survie de l’être humain (arrêt 8C_663/2009 du 27 avril 2010 consid. 2.3; Frésard/Moser-Szeless, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], L’assurance-accidents obligatoire, vol. XIV, 3 e éd. 2016, p. 920 s. n. 84). En revanche, la question de savoir si un assuré a volontairement porté atteinte à sa santé (automutilation) ou s’il s’agissait d’un accident doit être tranchée à la lumière de la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l’appréciation des preuves dans l’assurance sociale (arrêt 8C_663/2009 précité consid. 2.4).

Même s’il est prouvé que l’assuré entendait se mutiler ou se donner la mort, l’art. 37 al. 1 LAA n’est pas applicable si, au moment où il a agi, l’assuré était, sans faute de sa part, totalement incapable de se comporter raisonnablement, ou si le suicide, la tentative de suicide ou l’automutilation est la conséquence évidente d’un accident couvert par l’assurance (art. 48 OLAA).

Selon la jurisprudence, il faut, pour entraîner la responsabilité de l’assureur-accidents, que, au moment de l’acte et compte tenu de l’ensemble des circonstances objectives et subjectives, en relation aussi avec l’acte en question, l’intéressé ait été privé de toute possibilité de se déterminer raisonnablement en raison notamment d’une déficience mentale ou de troubles psychiques (ATF 140 V 220 consid. 3 p. 222 s.; 129 V 95; 113 V 61 consid. 2 p. 62 ss; RAMA 1990 n° U 96 p. 182 consid. 2). L’incapacité de discernement n’est donc pas appréciée dans l’abstrait, mais concrètement, par rapport à un acte déterminé, en fonction de sa nature et de son importance, les facultés requises devant exister au moment de l’acte (principe de la relativité du discernement; voir par exemple ATF 134 II 235 consid. 4.3.2 p. 239).

Le Tribunal fédéral constate que l’assuré a volontairement provoqué l’atteinte à sa santé et que la question de savoir s’il entendait se donner la mort – ou simplement se blesser – n’est pas décisive au regard de l’art. 37 LAA.

Selon le TF, l’espèce, les déclarations de l’assuré, selon lesquelles il ne se souvient de rien, apparaissent peu crédibles. En effet, il ressort de ses premières déclarations à la police – auxquelles on accorde la préférence en présence de versions différentes et contradictoires (cf. ATF 121 V 45 consid. 2a p. 47; arrêt 8C_492/2014 du 8 septembre 2015 consid. 3.3) – qu’il a été en mesure de décrire avec précision l’endroit où se trouvait l’arme (« sous une pile de linges ») et où il s’était accroupi lorsqu’il a tiré (« du côté lac, soit au sud, en direction du poêle »). A cette occasion, il n’a invoqué aucune perte de mémoire.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_591/2015 consultable ici : http://bit.ly/1QNcrJn

 

 

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